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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mercredi 13 février 2008

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n°60

Présidence de M. Didier Migaud, Président

– Examen du rapport d’information sur la programmation 2007-2013 des fonds structurels européens (M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur)

La commission des Finances a procédé à l’examen d’un rapport d’information, en application de l’article 145 du Règlement, sur la programmation 2007-2013 des fonds structurels européens sur le rapport de M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur.

Le Président Didier Migaud a rappelé que Jean-Louis Dumont a été désigné par notre Commission, en application du premier alinéa de l’article 57 de la LOLF, pour suivre, contrôler et évaluer toute question relative aux « Affaires européennes » et qu’il dispose, à ce titre, des pouvoirs d’un rapporteur spécial.

Il a observé que les fonds structurels sont un élément essentiel de la politique européenne, puisqu’ils ont vocation à assurer la cohésion des territoires. Ils sont ciblés géographiquement et ils sont affectés à des programmes qui s’inscrivent dans la stratégie de Lisbonne axée sur la croissance et l’emploi. Enfin, leur impact est, en quelque sorte, démultiplié par les co-financements auxquels ils donnent lieu, dans un cadre décentralisé. Il a demandé au Rapporteur l’appréciation qui pouvait être faite de la nouvelle programmation 2007-2013.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur, a rappelé que les affaires européennes ont jusqu’à présent fait l’objet d’un rapport spécial de notre Commission présenté lors de l’examen du projet de loi de finances. L’absence de support budgétaire a conduit à ce que, depuis le début de la législature, ce rapport spécial a été transformé en rapport d’information, et peut ainsi être déconnecté du calendrier budgétaire et recentré sur un thème d’actualité. Il faut cependant s’étonner des conditions dans lesquelles s’est tenue, à l’automne dernier, la discussion budgétaire sur le prélèvement européen. L’absence du secrétaire d’État chargé des Affaires européennes – même si elle était justifiée par sa participation aux négociations finales sur le Traité de Lisbonne – a privé la séance publique de présentation dynamique. L’Europe mérite mieux et l’attention du Président de la commission des Finances doit être attirée sur le risque de banalisation de cette discussion. Il pourrait être utile de réfléchir ensemble aux propositions qui pourraient être faites pour y remédier, dans la perspective de l’examen du prochain projet de loi de finances, avec par exemple un rôle dévolu au rapporteur d’information.

Pour inaugurer ce changement, le premier rapport selon cette nouvelle procédure traite des conditions du lancement de la politique régionale européenne 2007-2013 en France, c’est-à-dire des « fonds structurels ». Il intervient en effet au moment où la plupart des programmes de mise en œuvre des fonds structurels (2007-2013) viennent d’être adoptés. Il est justifié par trois considérations : la nouvelle politique régionale représente un enjeu important pour nos finances publiques ; elle soutient explicitement la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi ; elle est au cœur de la problématique de la décentralisation.

Quelques 14,3 milliards d’euros devraient être versés à la France entre 2007 et 2013 au titre des trois objectifs structurant les fonds structurels, à comparer aux 15,6 milliards de la période précédente, avec donc une baisse significative. Nos départements d’outre-mer bénéficieront de 3,2 milliards d’euros au titre de l’objectif Convergence, dont 480 millions d’euros pour compenser les handicaps liés à leur situation ultrapériphérique. Dotée de 10,3 milliards d’euros, la métropole recevra la plus large enveloppe de l’Union européenne pour l’objectif Compétitivité régionale et emploi. Enfin, les régions frontalières se verront octroyer 860 millions d’euros pour mettre en œuvre l’objectif Coopération territoriale européenne, ce qui nous place, là encore, en première position.

Au-delà de ces crédits européens, la politique régionale est porteuse d’un fort effet de levier sur la dépense publique et privée. La réglementation européenne fixe les plafonds de cofinancement des projets par les fonds structurels à 75 % pour l’objectif Convergence et à 50 % pour l’objectif Compétitivité régionale et emploi. Chaque projet doit ainsi être mis en œuvre sur la base d’un partenariat financier.

Les programmes des régions françaises ont prévu des contreparties beaucoup plus élevées. Les fonds structurels ne financeront que 34 % du montant des projets de l’objectif Compétitivité régionale et emploi et 52 % du montant des projets de l’objectif Convergence. Ainsi 18,5 milliards d’euros de cofinancement viendront s’ajouter aux fonds structurels de ces deux objectifs. Les contreparties publiques devraient représenter 13,2 milliards d’euros et les contreparties privées 5,3 milliards d’euros. Cette répartition n’étant qu’indicative, il conviendra de veiller à garantir la participation des acteurs privés.

La politique régionale est maintenant considérée comme un instrument de mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne en faveur de la croissance et de l’emploi. Elle devrait donc améliorer la compétitivité de notre économie, sans bien sûr s’éloigner de l’objectif de cohésion des territoires, toute la difficulté est là.

La réglementation européenne impose que 75 % des crédits de l’objectif Compétitivité régionale et emploi et 60 % des crédits de l’objectif Convergence soient « ciblés » sur certains thèmes prioritaires. La France est parvenue à des taux de ciblage de 79 % pour l’objectif Compétitivité régionale et emploi et de 58 % pour l’objectif Convergence. Ces taux, bien que relativement élevés, restent substantiellement inférieurs à ceux de nombreux États membres – 92 % pour le Danemark par exemple. Le Fonds européen de développement régional – FEDER – est ainsi concentré, en métropole, à 45 % sur la recherche-développement et à 9 % sur les technologies de l’information et de la communication et les énergies renouvelables. Le Fonds social européen (FSE) est quant à lui ciblé à 38 % sur l’inclusion sociale des personnes défavorisées, 32 % sur l’accès à l’emploi et 18 % sur la capacité d’adaptation des travailleurs et des entreprises.

Il faut se réjouir de cette réforme, qui devrait permettre d’ancrer la logique de compétitivité dans les territoires et d’impliquer davantage les acteurs locaux dans la réalisation de la stratégie de Lisbonne. Elle devrait également limiter le « saupoudrage » des crédits tant décrié lors de la précédente période de programmation.

Mais il importe de souligner que le ciblage sur les thèmes prioritaires de Lisbonne peut présenter un risque pour la cohésion territoriale. Il limite par exemple la possibilité d’utiliser les crédits en faveur de l’accessibilité des territoires les plus enclavés. Il tend également à favoriser les métropoles dynamiques au détriment des zones rurales, qui sont fragiles – par exemple dans le département de la Meuse. On peut regretter à cet égard que la Commission européenne n’ait pas fait preuve de plus de souplesse dans la validation des programmes de certaines régions. Mais on peut saluer l’introduction de l’objectif de cohésion territoriale par le traité de Lisbonne, qui vient d’être ratifié par notre pays, offrant ainsi une base légale solide à cet impératif.

La nouvelle politique régionale, enfin, est au cœur de la problématique de la décentralisation. La préparation du présent rapport a donné lieu à un questionnaire envoyé à tous les présidents de conseils régionaux et les préfets de région, ainsi qu’à certains conseils généraux. Une mission a également été effectuée en région Alsace. Pour la période 2007-2013, l’État a refusé de faire des conseils régionaux les autorités de gestion des programmes opérationnels, même s’il a octroyé une autonomie plus grande aux collectivités territoriales. Les préfets de région disposent désormais de la possibilité de déléguer des crédits aux collectivités territoriales ou, accessoirement, à des organismes comme OSEO ou l’ADEME, dans la limite de 50 % pour le FEDER et de 60 % pour le FSE. Il faut se réjouir que ces plafonds soient très supérieurs à ceux de la période précédente. Ceux-ci permettent ainsi aux conseils régionaux de gérer 34 % du FEDER et 27 % du FSE, dans leurs domaines de compétences : aides aux entreprises, formation professionnelle…

Comme de nombreux présidents de conseils régionaux en on fait le constat, il ne s’agit que d’une demi-mesure quelque peu contradictoire : l’État prend ainsi acte de la décentralisation tout en se montrant réticent face à son approfondissement. Seul le transfert de l’autorité de gestion aux collectivités aurait permis de les considérer comme des partenaires autonomes et pleinement responsables. Par ailleurs, rien ne semble justifier que d’autres conseils régionaux ne soient pas traités comme le conseil régional d’Alsace - qui gère avec brio les crédits du FEDER - si ce n’est la coloration politique différente de leurs exécutifs… Aucune évaluation détaillée n’a été faite de l’expérimentation du transfert de la gestion des fonds européens à ce conseil régional. Le Sénat a tiré les mêmes conclusions en proposant d’étendre les expérimentations dans le projet de loi sur le transfert de la gestion des fonds structurels débattu sous la précédente législature. Mais seule la partie relative à la coopération transfrontalière de ce projet de loi de loi a été redéposée sous la présente législature, en raison de ce désaccord entre le Gouvernement et la Haute Assemblée. On aurait souhaité que l’Etat se montre plus ouvert en élargissant le champ de cette expérimentation et en la pérennisant dans le cadre d’un véritable transfert de compétences.

En outre, on se rappelle les critiques relatives à la précédente période de programmation concernant les cas de substitution de crédits européens aux crédits nationaux, pour pallier le désengagement de l’État. Dès lors, il faudra rester attentif et vigilant face au risque de captation des fonds européens au bénéfice des priorités de l’État – financement du plan de cohésion sociale et des pôles de compétitivité notamment.

Force est cependant de constater que la nouvelle politique de cohésion démarre dans de meilleures conditions pratiques et techniques – sinon politiques - que la précédente ; la gestion et la démarche de performance sont plus simples et de meilleure qualité. Les procédures de contrôle ont été précisées, avec un plan d’action de la Commission européenne et des obligations supplémentaires à la charge des États membres.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur, a indiqué qu’il avait représenté le Président de la Commission à une réunion tenue les 18 et 19 décembre 2007 à Bruxelles entre la commission du contrôle budgétaire « COCOBU » du Parlement européen et les commissions des finances des Parlements nationaux. Depuis 12 ans, la Cour des comptes européenne constate son incapacité à certifier le budget communautaire ; elle a calculé que 12 % des fonds structurels n’ont pas été dépensés régulièrement en 2006, sans malheureusement préciser sur quels fonds, dans quels pays et s’il s’agit d’irrégularités de pure forme ou de fraudes massives. La Commissaire européenne en charge de la politique régionale, Mme Danuta Hübner, n’a cependant pas été prolixe en explications lorsqu’elle a été interrogée à ce sujet par la COCOBU. La Commission européenne, la COCOBU et plusieurs États membres souhaitent aller vers un système où, dans chaque pays, les ministres signeraient des « déclarations de gestion nationales ». Ce système pose cependant le problème institutionnel de la responsabilité des ministres nationaux devant le Parlement européen, en cas de découverte ultérieure d’irrégularité ou de fraude… Quant à la Cour des comptes française, elle refuse catégoriquement d’entrer dans cette procédure de déclarations de gestion nationales, car son Premier président y voit une atteinte grave à son autonomie.

La politique régionale fait enfin l’objet d’un réel effort de communication. Cela devrait susciter un nombre important de projets et donner à nos concitoyens l’image d’une Europe de proximité, qui par ailleurs lui fait tant défaut.

Le Président Didier Migaud a salué l’importance et la qualité du travail effectué, soulignant notamment le nombre impressionnant d’auditions effectuées ainsi que la pertinence des observations et des préconisations du rapport. S’agissant des relations entre l’État et les régions, au-delà de la proposition faite un temps par le Sénat quand à la gestion et au suivi des fonds par les conseils régionaux, qui retient l’attention du Rapporteur, qu’en est-il, dans ce contexte, de l’articulation de cette politique régionale européenne avec les contrats de projet État-régions ? Le choix gouvernemental de gérer les crédits du Fonds social européen à travers un programme national unique est-il pertinent ? Ne crée-t-il pas un excès de rigidité pour les territoires ? Enfin, dans le champ du contrôle et de l’évaluation, ne peut-on envisager quelques progrès, en particulier de la part des Parlements nationaux ?

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur, a répondu que la qualité des relations entre chaque région et l’État était largement fonction de la qualité des relations humaines entre présidents de conseils régionaux et préfets de région. Dans nombre de cas, ceux-ci ont travaillé en commun au ciblage des aides pour assurer leur efficacité et éviter tout saupoudrage inutile. Concernant l’articulation entre fonds structurels européens et contrats de projet État-régions, la concordance de calendrier et des dispositifs d’évaluation est une première et constitue une véritable chance de succès pour le développement économique des territoires. Sur le terrain, des équipes communes ont été constituées et y travaillent avec de bons résultats, malgré quelques problèmes de mise en place initiale, comme il a pu le constater en Alsace. Par conséquent, on s’étonne que l’État n’ait pas fait le choix de transférer davantage la gestion des fonds structurels aux conseils régionaux. Les fonds structurels européens sont contrôlés à un triple niveau, régional, national et européen. Malgré cela, la Cour des comptes européenne a calculé qu’en 2006, 12 % de leur montant suscitait des interrogations, sans indiquer précisément les fonds ni les pays concernés et s’il s’agissait de dossiers en retard, d’erreurs ou de fraude. La contribution que pourraient apporter nos institutions nationales à la cour européenne et à la commission européenne mériterait d’être approfondie. Il ne faut pas que la France soit taxée d’immobilisme ou d’avoir une réaction politique plutôt qu’une action d’évaluation et de contrôle. Quant à la proposition d’un engagement de la responsabilité politique des ministres nationaux qui signeraient les « déclarations de gestion nationales », elle doit être examinée avec prudence. Dans quelques mois, la France présidera l’Union européenne et ce pourrait être l’occasion, pour l’Assemblée nationale et sa commission des Finances, de prendre des initiatives valorisant le travail de contrôle et d’évaluation, par exemple en prévoyant des réunions avec ses homologues des autres Parlements nationaux et du Parlement européen.

Le Rapporteur a enfin remercié l’administrateur et le stagiaire du service pour leur travail et leur disponibilité, la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires ne méritant pas exactement les mêmes éloges.

La Commission a alors autorisé, à l’unanimité, en application de l’article 145 du Règlement, la publication du rapport d’information.

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