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La commission des Finances, de l’économie générale et du Plan a procédé, en application de l’article 145 du Règlement, à l’examen du rapport de la mission d’information sur les niches fiscales.
Le Président Didier Migaud a présenté la mission d’information sur les niches fiscales, dont il est membre avec MM. Gilles Carrez, Charles de Courson, Jérôme Cahuzac, Gaël Yanno et Jean-Pierre Brard. Celle-ci s’inscrit dans un ensemble de travaux et de débats sur la dépense fiscale. Notamment, lors de la dernière législature, le Président Pierre Méhaignerie et M. Gilles Carrez avaient pris position en faveur d’un plafonnement global des niches, et le Gouvernement l’avait d’ailleurs proposé dans la loi de finances pour 2006.
Le rapport de la mission d’information constate une prolifération des niches fiscales ces dernières années : il en dénombre 486, dont 189 pour le seul impôt sur le revenu, alors que le Conseil des prélèvements obligatoires en dénombrait 418 en 2003. Elles représentent un coût cumulé de 73 milliards d’euros, soit plus du quart des recettes fiscales nettes de l’État. Le débat sur la maîtrise de la dépense publique doit donc impérativement prendre en compte la dépense fiscale.
Le Gouvernement a remis un rapport, le 15 octobre dernier, sur les modalités de mise en place d’une imposition minimale du revenu des personnes physiques. Ce rapport, considéré comme insuffisant, a suscité la création de la mission d’information au sein de la commission des Finances. Celle-ci a participé à de nombreuses réunions de travail avec la direction de la législation fiscale, a effectué un déplacement dans les Antilles et s’est intéressée plus particulièrement aux niches fiscales non plafonnées. Si la dépense fiscale en faveur des investissements outre-mer est importante, l’objectif de la mission d’information n’est pas de diminuer l’effort financier de l’État en direction de ces territoires, mais bien d’assurer une plus grande efficacité des dispositifs fiscaux. M. Gaël Yanno a collaboré de façon constructive aux travaux de la mission en attirant l’attention de ses membres sur les possibles effets pervers de telle ou telle proposition ou sur le risque d’incompréhension des ultra-marins si un dispositif considéré comme source de dynamisme économique était remis en cause. Au cours des travaux de la mission, un nouveau rapport a été remis par le Gouvernement, centré sur l’évaluation de cinq niches fiscales non plafonnées affectant l’impôt sur le revenu. Le rapport de la mission d’information innove en ce sens qu’il constitue un travail collégial de l’ensemble des membres de la mission, chacun pouvant exprimer sa position par une contribution ou un avant-propos. Le Rapporteur général et les membres de la mission doivent être remerciés pour le travail constructif qu’ils ont mené sur un sujet difficile.
Le rapport se prononce en faveur d’un plafonnement global des avantages fiscaux. Cependant, pour certains membres de la mission, cette proposition doit constituer un premier pas vers une autre réforme plus ambitieuse mais surtout plus conforme à la justice, à la transparence et à l’efficacité de notre système fiscal, qui consiste en la mise en place d’un impôt minimum alternatif.
La meilleure maîtrise des dépenses fiscales est un sujet d’actualité. Le Premier ministre l’a évoquée lors de la dernière Conférence des finances publiques. Le rapport constate que les dépenses fiscales augmentent quatre fois plus vite que les dépenses budgétaires. La commission des Finances a donc un rôle essentiel à jouer pour éviter que, dans chaque projet de loi, soit adopté un nouveau dispositif sans évaluation de son impact. Le retour à l’équilibre du budget de l’État impose de maîtriser la progression des dépenses mais aussi de préserver ses recettes.
M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a souligné que la mission fait des propositions très opérationnelles pour répondre à deux problématiques : la maîtrise de la dépense publique et l’équité de la dépense fiscale. Le contexte actuel est favorable à une réforme ambitieuse. Lors des débats à l’Assemblée nationale sur la réforme des institutions, a été inscrit dans la Constitution l’objectif d’équilibre des comptes publics. De plus, lors de la dernière Conférence des finances publiques, a été acté le fait de travailler dans un cadre pluriannuel, ce qui devrait permettre de mieux évaluer l’impact et l’évolution de la dépense fiscale. Le précédent gouvernement avait tenté, dans la loi de finances pour 2006, de mettre en place un plafonnement global des dépenses fiscales. Cette disposition a cependant été annulée par le Conseil constitutionnel en raison de sa complexité et son inintelligibilité. La commission des Finances a demandé au Gouvernement de poursuivre la réflexion sur ce sujet. Un premier rapport a été remis en octobre dernier au Parlement. Il montre de façon assez convaincante les limites d’un dispositif d’impôt minimal. Un deuxième rapport, remis au mois d’avril dernier, propose de plafonner les cinq dépenses fiscales qui ne le sont pas, ce qui constitue une innovation majeure.
La mission d’information a pour objectif de contribuer à une meilleure maîtrise des finances publiques mais aussi à une plus grande efficacité de la dépense fiscale. Cette dernière n’est en effet pas rejetée en tant que telle, mais il est parfois nécessaire d’en améliorer l’efficacité. Il est impératif d’éviter que, dans chaque projet de loi, soit adopté un nouveau dispositif fiscal sans étude d’impact préalable. Par exemple, hier, alors même que se tenait la dernière réunion de la mission, a été adopté par l’Assemblée un amendement au projet de loi de modernisation de l’économie prévoyant le rattrapage des seuils d’imposition pour les micro-entreprises. Cela représente un coût de 100 millions d’euros alors que la commission des Finances proposait un amendement moins onéreux prévoyant une indexation pour l’avenir de ces seuils.
Le Président Didier Migaud a fait observer qu’un amendement de M. Charles de Courson au projet de loi de modernisation de l’économie sur la réévaluation des seuils d’imposition pour les micro-entreprises représente un coût d’un milliard d’euros. Malgré ce coût très important, l’article 40 de la Constitution ne lui est pas opposable car il s’agit d’une perte de recettes gageable.
Le Rapporteur général a indiqué que le coût du projet de loi de modernisation de l’économie est évalué à 300 millions d’euros. Compte tenu des amendements déposés sur ce texte, ce coût pourrait doubler. C’est précisément pour répondre à la multiplication des dispositifs fiscaux que la mission propose de mettre en place, en plus de la norme de dépenses budgétaires, une norme de dépenses fiscales. Certes, il ne peut s’agir d’une norme aussi stricte que celle mise en place pour les dépenses budgétaires, car la dépense fiscale est servie à « guichet ouvert ». Cependant cette norme, inspirée de l’Objectif national de dépenses d’assurance-maladie (ONDAM), permettrait d’activer des mécanismes de correction en cas de dérapage. En outre, le rapport propose que de nouvelles dépenses fiscales ne puissent être créées que pour une durée limitée à trois ans. Certains membres de la mission considèrent que les dépenses fiscales doivent relever du domaine exclusif des lois de finances. Le rapport ne fait pas de proposition en ce sens car une telle mesure priverait les parlementaires de toute initiative en matière fiscale en cours d’année, mais la réflexion se poursuit sur ce sujet. Il est important aujourd’hui de faire preuve de pédagogie à l’égard des autres commissions et d’inciter les parlementaires à évaluer l’impact et le coût des dépenses fiscales qu’ils proposent. Par exemple, les auteurs de l’amendement au projet de loi de modernisation de l’économie sur la réserve spéciale d’autofinancement, qui représente un coût d’un milliard d’euros, ont pris conscience qu’il affectait substantiellement les comptes sociaux. Mais cette pédagogie doit aussi s’exercer à l’égard des services de l’État. Ainsi, un rapport récent remis par l’ancien directeur de la Foire internationale d’art contemporain à Mme Christine Albanel sur les moyens d’aider l’art contemporain a fait 20 propositions de dépense fiscale sur 25 réformes envisagées. Il suggère notamment de créer un prêt à taux zéro pour l’acquisition d’œuvres d’art contemporain. L’impact de telles mesures doit être impérativement évalué de façon précise et rigoureuse.
M. Jean-François Lamour a souhaité savoir à qui serait confiée la mission d’évaluer a priori l’impact fiscal et social des niches proposées. On connaît trop, en effet, les biais inhérents aux évaluations pro domo. Quelle capacité les parlementaires auraient-ils de remettre en cause des évaluations « clés en main » ? En revanche, l’évaluation a posteriori est beaucoup plus objective puisqu’elle peut s’appuyer sur les effets concrets des mesures votées.
Le Président Didier Migaud a répondu qu’il existe en effet deux types d’évaluation : ex ante et ex post. Sur les mesures entièrement nouvelles, il faut s’en remettre aux services du ministère des Finances, dont l’analyse peut ensuite être appréciée par les parlementaires. Mais l’expérience montre que de telles évaluations comportent toujours une marge d’erreur, d’ailleurs positive ou négative. Au-delà, il s’agit de n’autoriser des mesures fiscales dérogatoires que pour une durée limitée et de faire régulièrement le point de leur efficacité à partir de résultats précis.
Le Rapporteur général, faisant référence au débat sur l’évaluation des politiques publiques ouvert par la réforme constitutionnelle, a appelé de ses vœux la mise en place d’une structure de coordination des travaux d’évaluation des commissions de l’Assemblée nationale. En parallèle, le délai plus important qui pourrait être laissé prochainement aux commissions pour examiner les textes inscrits à l’ordre du jour devrait permettre une évaluation systématique de leur impact sur les finances publiques. Cela dit, ce qui est envisageable pour les projets et les propositions de loi sera cependant beaucoup plus difficile à mettre en place pour les amendements.
Le Président Didier Migaud a précisé que la mission d’information commune à la commission des Finances et à la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales sur les exonérations de cotisations sociales doit prochainement achever ses propres travaux.
M. Hervé Mariton a souhaité opérer une distinction entre la limitation de la hausse des dépenses fiscales et la baisse desdites dépenses. Cette dernière orientation signifie une augmentation de l’impôt, qui relève d’un choix politique, probablement peu au goût de l’actuelle majorité. Par ailleurs, comment intégrer dans la réflexion de la mission d’information les annonces de M. Jean-Louis Borloo concernant l’évolution de la fiscalité écologique ?
Le Rapporteur général a répondu qu’il s’agit de protéger les recettes publiques pour l’avenir et non d’augmenter les prélèvements obligatoires. En effet, si l’on n’y prend garde, l’altération du niveau des recettes fiscales causée par la multiplication des mesures dérogatoires ne permettra pas d’atteindre l’objectif de retour à l’équilibre budgétaire en 2012. Ce retour n’est, pour le moment, pas compatible avec l’objectif d’une diminution de quatre points du poids des prélèvements obligatoires dans le PIB.
Le Président Didier Migaud, rappelant son expérience de membre de la Commission sur la dette publique présidée par M. Michel Pébéreau, a regretté que l’on oublie trop souvent une importante préconisation du rapport de cette commission : préserver les recettes publiques tant que l’équilibre budgétaire n’aura pas été atteint. Faire disparaître le déficit en 2012 requiert le maintien du niveau des prélèvements obligatoires, ce dont nos partenaires européens ne doutent pas un instant, eux qui sont souvent surpris par les annonces que les pouvoirs publics peuvent formuler en matière fiscale, notamment à propos de la TVA. L’institution du bouclier fiscal ou de niches supplémentaires réduit mécaniquement les prélèvements ; la suppression ou le plafonnement de quelques niches l’augmente tout aussi mécaniquement ; c’est le solde qui compte. En l’occurrence, l’évolution des recettes de l’impôt sur le revenu ne laisse pas d’inquiéter.
Le Rapporteur général a indiqué que le rapport de la mission propose l’inclusion, dans l’exposé des motifs de l’article premier du projet de loi de finances de l’année, d’un tableau récapitulatif de l’ensemble des dépenses fiscales nouvelles votées depuis la précédente loi de finances.
M. Hervé Mariton s’est interrogé sur la distinction, au regard des avantages fiscaux, entre ceux qui relèvent d’une situation subie par le contribuable et ceux qui prennent en compte une démarche volontaire de sa part. Cette distinction avait été mal faite dans la loi de finances pour 2006, mais la question demeure inévitablement posée.
Le Président Didier Migaud a entièrement souscrit à la nécessité de distinguer entre le « subi » et le « choisi ».
Le Rapporteur général a poursuivi en indiquant que le rapport de la mission d’information demande l’amélioration de cette distinction dans le tome II de l’annexe Voies et moyens. Cette distinction n’est toutefois pas toujours évidente. Ainsi, le Président Didier Migaud a demandé l’inclusion dans le corps du rapport d’une note de bas de page pour préciser que les dépenses liées à l’épargne retraite peuvent ne pas être considérées comme « subies » par le contribuable. C’est un point de débat, car la situation de notre régime de retraite par répartition peut faire penser le contraire. Quant à la prise en compte de la situation familiale du contribuable, le quotient familial, en tant que tel, n’est pas aujourd’hui considéré comme une dépense fiscale, à la différence de plusieurs mécanismes dérogatoires de majoration de ce quotient.
M. François Goulard a estimé que le sujet abordé par le rapport renvoie à la conception d’ensemble de la politique fiscale. Il est illusoire de croire qu’une solution à la prolifération des dépenses fiscales pourra être trouvée tant qu’il existera, par exemple, une disposition spécifique aux limeurs de cadres de bicyclette dans le département de la Loire. Une politique fiscale cohérente exige le monopole d’un seul texte de loi comme support des mesures dérogatoires, faute de quoi la surenchère perdurera, avec le soutien de majorités de circonstance. La situation actuelle provoque deux inconvénients majeurs. En premier lieu, un déficit d’évaluation des dépenses fiscales nouvelles, qui conduit le Gouvernement à proposer des chiffrages mouvants dont les hypothèses de calcul ne sont jamais fournies. En second lieu, la persistance de bien des illusions sur les bénéficiaires réels d’une mesure fiscale dérogatoire. Par exemple, une diminution d’impôt sur les sociétés peut, selon les cas, profiter à l’actionnaire, aux salariés ou aux consommateurs.
Citant son cas personnel, M. François Goulard a indiqué avoir, il y a quelques années, participé à l’achat d’un bateau amarré outre-mer, en profitant d’un avantage fiscal. L’année au cours de laquelle l’investissement a été effectué a engendré un bénéfice immédiat pour l’investisseur ; l’exploitation s’est ensuite déroulée normalement. Mais, lors de la revente, il est apparu que l’exploitant était à ce point indélicat que le prix de cession a été de trois fois inférieur à la valeur normale du bien. En définitive, cette opération a occasionné une perte de recette fiscale pour l’État, les acheteurs y ont perdu et l’économie locale n’y a rien gagné. Voilà une démonstration du fait que la dépense fiscale est une machine à fabriquer de la non-efficacité économique. En tout état de cause, c’est être mal informé que de croire que la dépense fiscale profite toujours au premier bénéficiaire apparent.
M. Michel Bouvard a estimé qu’il faut être très ferme dans l’exigence de cantonnement de la dépense fiscale en loi de finances. Il est également nécessaire d’améliorer la vision consolidée, par mission du budget de l’État, des dépenses fiscales aujourd’hui présentées dans les projets annuels de performances, en prévoyant des objectifs et des indicateurs d’efficacité. Il faut se féliciter que le rapport de la mission d’information démontre également la dégressivité de l’impôt sur le revenu en haut du barème du fait des niches existantes. S’agissant du plafonnement des avantages qui ne sont pas encore limités, il faut cependant être prudent dans l’appréhension du dispositif « Malraux » en faveur des secteurs urbains sauvegardés. En effet, s’il est tout à fait pertinent de l’ouvrir aux locaux professionnels, ou aux locaux occupés par leurs propriétaires, sous réserve d’assortir cette ouverture de conditions précises d’utilisation et de conservation des locaux, on ne peut négliger la très grande disparité des situations rencontrées. Le chiffrage du surcoût propre aux bâtiments situés en secteur sauvegardé, tel qu’il apparaît dans le rapport, correspond aux estimations habituellement publiées par le ministère des finances ; or ce chiffrage ne tient aucun compte du surcoût réel des travaux, qui est très variable d’un immeuble à l’autre. Un plafonnement de l’avantage fiscal est donc légitime, mais seulement s’il est pondéré par d’autres éléments. Par ailleurs, il faut souligner que les crédits budgétaires consacrés par l’État à l’entretien du patrimoine baissent régulièrement ; l’efficacité de la dépense fiscale du dispositif « Malraux » doit aussi être analysée à cette aune.
M. Marc Le Fur a fait observer que, si la révision constitutionnelle est adoptée, le débat en séance se fera sur le texte adopté par la commission saisie au fond. Ainsi, par exemple, la commission des Affaires économiques pourra inclure des dispositions fiscales, et les débats en séance publique s’inscriront dans un schéma plus dépensier que celui prévu par le projet du Gouvernement. La loi organique qui suivra nécessairement la révision constitutionnelle devra s’atteler au problème, par exemple en prévoyant une saisie pour avis de la commission des Finances sur les textes comportant des dépenses fiscales. Si le plafonnement global est une bonne proposition, sa mise en œuvre suppose cependant d’additionner des éléments disparates, les dépenses fiscales passant à la fois par des réductions de base, des réductions d’impôt et des crédits d’impôt.
Le Président Didier Migaud a indiqué qu’il s’agit effectivement d’un problème qui devra être résolu à l’occasion des prochains projets de loi de finances.
M. Marc Le Fur s’est interrogé sur les conséquences de l’intégration dans un plafond global des avantages fiscaux destinés à tenir compte de la situation familiale des contribuables. Il a relevé que des contribuables de plus en plus nombreux se font domicilier au Maroc pour bénéficier de la convention fiscale qui est plus favorable que le régime dont jouit l’outre-mer.
M. François Scellier a estimé indispensable de remettre de l’ordre dans un domaine où l’on perd les objectifs et le sens premier des impôts, à savoir assurer les recettes de l’État. Les objectifs économiques et sociaux qui ont justifié la création des dépenses fiscales privent l’État de ses recettes, ajoutent à la complexité de la législation fiscale et vont à l’encontre du principe de non compensation des créances et des dettes. L’efficacité de la dépense fiscale doit aller au-delà de l’analyse qui est faite par le ministère des Finances. Ainsi une déduction fiscale en matière d’environnement favorise le travail des entreprises environnementales et accroît les recettes de TVA. S’atteler au plafonnement des niches fiscales constitue un travail monumental car les crédits d’impôt sont très populaires, notamment auprès des professionnels du logement.
Le Président Didier Migaud a approuvé le fait qu’il faille aller au-delà du raisonnement purement comptable sur la perte directe de recettes fiscales. Ainsi l’abaissement du taux de TVA à 5,5 % pour les travaux d’amélioration et d’entretien des logements a des effets sociologiques, économiques et psychologiques, notamment pour lutter contre le blanchiment et le travail au noir.
Le Rapporteur général a confirmé que la réduction du taux de TVA pour les travaux dans les logements impacte de multiples recettes, notamment sociales. Au final, cette réduction est autofinancée à 50 %.
M. Jean-Pierre Brard a fait part de son adhésion au rapport de la mission d’information qui a le mérite d’apporter plus de transparence et de favoriser la confiance, la fiabilité et la pérennité de la législation fiscale. On ne peut résoudre les difficultés de notre pays en accumulant les privilèges. Certes, les opinions peuvent diverger sur l’impôt minimal. Mais le rapport, auquel sont jointes les contributions des membres de la mission, montre qu’il est possible que, sur des sujets importants, la commission des Finances trouve un consensus. Le plafonnement global des niches fiscales, même s’il est trop modeste, va dans le bon sens car il fait contrepoids au bouclier fiscal. Ceci dit, le plus gros du travail reste à faire car il faut traduire les propositions du rapport dans une loi de finances.
M. Gaël Yanno a remercié les membres de la mission d’information pour leur écoute des problèmes de l’outre-mer, écoute qui devra d’ailleurs être développée. La « loi Girardin » a prévu un engagement fort de l’État sur 15 ans (2003-2017) pour soutenir les économies dans les collectivités d’outre-mer. S’il n’est pas choquant de réviser cette loi au bout de cinq ans, cela ne doit pas aboutir à remettre en cause les principes mêmes sur lesquels elle est fondée. L’absence d’évaluation de la « loi Girardin » est regrettable. Il est également regrettable qu’en absence d’une telle évaluation, fleurissent ici et là des « anecdotes » sur les déductions fiscales outre-mer, anecdotes qui ne démontrent rien. Certes quelques excès minent la crédibilité de certaines mesures, mais ils ne justifient pas de remettre en cause les principes mêmes de la « loi Girardin », comme le fait malheureusement parfois le rapport de la mission d’information. Il est regrettable de fustiger les contribuables métropolitains qui investissent en outre-mer. Si un contribuable investit 100, il peut certes déduire 100 de son impôt, mais au bout de cinq ans il abandonne 80, qui sont investis dans l’économie d’outre-mer. Ces sommes confortent les fonds propre des entreprises, qui peuvent ainsi investir.
M. Jean-Louis Dumont a indiqué que le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC) a exprimé sa satisfaction devant la création et les travaux de la mission. L’inflation de création des niches fiscales ces dernières années aboutit à une « débudgétisation » regrettable. Il faut remédier au caractère simplificateur des explications contenues dans les annexes au projet de loi de finances et à l’absence fréquente d’étude d’impact. Au-delà, le groupe SRC se prononce pour un impôt minimal et une progressivité de la contribution citoyenne. M. Jean-Louis Dumont a par ailleurs demandé si les 73 milliards d’euros de dépenses fiscales incluent le dispositif « de Robien ».
Le Président Didier Migaud a répondu que le dispositif « de Robien », qui constitue bien une dépense fiscale, est comptabilisé dans les 73 milliards d’euros.
M. Jean-Louis Dumont a demandé qui serait en charge de l’évaluation des dépenses fiscales, dans un contexte d’absence de culture en la matière. Les indicateurs, notamment ceux figurant dans les projets et rapports annuels de performances, sont trop souvent définis en fonction des résultats que l’on veut afficher en fin d’année. Ces pratiques, qui heureusement ne sont pas généralisées, doivent être dénoncées si on veut être efficace. La révision constitutionnelle prévoit une évaluation des politiques publiques, mais ne dit pas qui en aura la charge. Le Conseil économique et social avait réalisé il y a une vingtaine d’années, sous le rapport de M. Marcel Lair, un remarquable travail d’évaluation sur l’efficacité du financement du logement social, mais il avait fait l’objet de contestations dans le monde politique de l’époque. M. Jean–Louis Dumont a en outre rappelé qu’il est parfois difficile d’appréhender concrètement l’effet de certains investissements outre-mer.
Le Rapporteur général a expliqué que, sur environ 200 niches fiscales relatives d’impôt sur le revenu, cinq d’entre elles ne sont pas plafonnées et posent dès lors un réel problème d’équité fiscale. Il s’agit de l’aide à la réhabilitation des secteurs sauvegardés (dispositif « Malraux »), du régime en faveur des monuments historiques, de l’avantage fiscal pour les loueurs en meublé professionnels, de l’aide à l’investissement productif outre-mer et de l’aide à l’investissement dans le logement outre-mer.
Le contrôle sur pièces et sur place effectué à la direction de la législation fiscale par la mission d’information a permis de révéler que les contribuables qui ont les revenus les plus élevés utilisent massivement et de manière concentrée les dépenses fiscales non plafonnées. Ainsi, les 100 000 contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue le réduisent chacun en moyenne de 15 240 euros. Si l’on se limite à 1 000 contribuables, ceux-ci réduisent leur impôt de près de 300 000 euros en moyenne. Quant aux 100 plus gros contribuables, ils réduisent leur impôt de plus d’un million d’euros en moyenne. Or, il apparaît que les contribuables à très haut revenu optimisent leur situation fiscale en recourant principalement aux cinq dispositifs dépourvus de plafonnement.
Parmi ceux-ci, les dispositifs relatifs à l’outre-mer sont ceux qui sont les plus difficiles à encadrer. La législation actuelle permet à un contribuable d’« acheter » une future réduction d’impôt : en investissant par exemple 100 euros dans l’économie outre-mer, il obtiendra en retour, en moyenne, une réduction d’impôt d’environ 130 euros, ce qui équivaut en quelque sorte à réaliser un investissement d’une rentabilité de 30 %. Le problème posé par ces opérations est, comme pour les SOFICA dans le secteur cinématographique il y a quelques années, qu’elles sont réservées de fait à quelques connaisseurs et spécialistes de montages économiques sophistiqués. Cela consiste par exemple à constituer une société en nom collectif (SNC) entre personnes physiques souhaitant bénéficier de la réduction d’impôt permise par la réalisation d’un investissement. Ce dernier est généralement financé pour environ la moitié par un prêt bancaire, ce qui augmente l’effet de levier de l’opération, l’avantage fiscal étant calculé sur l’investissement total – y compris la partie financée par emprunt. De surcroît, l’investisseur n’est pas exposé à un grand risque économique, la plupart des montages comprenant une clause par laquelle les banques renoncent à poursuivre la SNC en cas de défaut de remboursement de l’emprunt dû à une défaillance de l’exploitant. Le seul risque est donc finalement celui d’une reprise de l’agrément fiscal par les services des impôts.
La défiscalisation outre-mer a produit des résultats, mais au prix d’une « évaporation » fiscale trop élevée : sur une dépense fiscale totale de 550 millions d’euros, seuls 350 bénéficient à l’économie locale, le solde (200 millions d’euros) servant à rémunérer les investisseurs et les intermédiaires. Il importe donc de mieux encadrer ces dépenses fiscales, mais sans pour autant décourager l’investissement en outre-mer. C’est d’ailleurs l’un des effets pervers de la récente proposition du Gouvernement qui prévoit de plafonner l’avantage fiscal à 40 000 euros ou à 15 % du revenu imposable. Il serait donc préférable de réfléchir à un accroissement de la part de la dépense fiscale bénéficiant directement au développement économique de l’outre-mer, en substituant à la réduction d’impôt sur le revenu en faveur des contribuables métropolitains un crédit d’impôt sur les bénéfices en faveur des acteurs économiques ultra-marins. S’agissant du cas particulier des collectivités d’outre-mer qui sont fiscalement autonomes, il pourrait être envisagé de compenser par l’État le coût du crédit d’impôt qu’elles pourraient instaurer dans leur propre système fiscal. Un mécanisme de prêt bonifié aux entreprises pourrait en outre être étudié, dans la limite des capacités du système bancaire des collectivités d’outre -mer.
La mission propose également, comme le Gouvernement, d’encadrer les autres dépenses fiscales non plafonnées. Le dispositif « Malraux » serait plafonné, tout en étant ouvert aux locaux professionnels et aux propriétaires occupants. Pour sa part, le régime des loueurs en meublé professionnels doit se voir appliquer le droit commun des revenus fonciers quand il n’a pas de réel caractère commercial.
Le Rapporteur général a enfin estimé qu’on ne saurait se limiter à un plafonnement dispositif par dispositif et renoncer à un plafonnement global des dépenses fiscales, faute de quoi les contribuables les plus aisés parviendront toujours à combiner les différents dispositifs pour échapper, parfois totalement, à l’impôt.
M. Michel Bouvard a attiré l’attention sur la difficulté technique de l’encadrement du régime « Malraux » et des dispositions en faveur des monuments historiques. À la différence par exemple de la réduction « de Robien », ces dispositifs font peser une grande incertitude sur l’investisseur, du fait de l’apparition progressive au cours des travaux de contraintes nouvelles dues par exemple à la classification en secteur sauvegardé. Il y a en outre une grande inégalité de traitement fiscal des dépenses de restauration d’immeubles situés dans des zones protégées selon qu’elles sont engagées par les bailleurs ou par les propriétaires occupants. Enfin, en limitant le bénéfice de l’imputation des déficits sur le revenu global pour le calcul de l’impôt sur le revenu aux seuls locaux à usage d’habitation, la législation actuelle néglige la question, pourtant cruciale, du maintien des commerces de proximité.
M. Jean–François Lamour s’est interrogé sur la manière dont serait perçue l’économie de 100 millions d’euros à laquelle aboutirait le plafonnement des niches préconisé par le rapport, fort modeste en regard de l’augmentation de 25 milliards d’euros de la dépense fiscale en cinq ans.
Après que le Rapporteur général eut indiqué que le présent rapport, centré sur la question de l’équité fiscale, ne concerne que le plafonnement des cinq niches qui ne le sont pas déjà, le Président Didier Migaud a fait observer que cette démarche est indépendante de celle pouvant conduire à remettre en cause certaines niches fiscales en elles-mêmes.
M. Jean–François Lamour s’est néanmoins étonné du décalage de ce premier niveau d’annonces avec les objectifs visés par la commission des Finances, qui a fait de l’évaluation le cœur de sa démarche. Une annonce qui serait perçue comme décevante dans l’opinion, après un travail de grande ampleur de la part de la mission d’information, poserait un problème de crédibilité. Et ce d’autant plus que la mise en œuvre des accords du « Grenelle de l’environnement » porte en elle la crainte d’une dérive supplémentaire de la dépense fiscale.
Le Président Didier Migaud a insisté sur le fait que ces propositions d’équité fiscale ne sont que le premier temps de la démarche d’évaluation de la commission des Finances : après le plafonnement général, c’est l’examen de l’utilité même de certaines niches fiscales qui doit aboutir à des résultats plus prometteurs en termes de maîtrise des dépenses publiques.
Reconnaissant l’importance d’expliquer l’esprit et la logique des travaux de la mission d’information, le Rapporteur général a tenu à rappeler que le passage de 50 à 70 milliards d’euros de dépenses trouve son explication dans des mécanismes ayant souvent leur utilité, comme la transformation du prêt à taux zéro en dispositif fiscal, les mesures liées aux services à la personne ou le volet fiscal de la loi TEPA. Mais l’état des finances publiques impose de protéger les recettes face à l’explosion de la dépense fiscale : les Français doivent en être conscients. De même, l’égalité entre contribuables oblige à résoudre le problème d’iniquité – et d’évaporation financière pour les entreprises – que constitue l’effet d’aubaine dont profitent les revenus les plus élevés, davantage tentés que les autres de concentrer leurs ressources dans les cinq mécanismes actuellement non plafonnés.
La dernière étape de la démarche initiée par la commission des Finances consistera, en fonction d’une distinction à établir entre dépenses choisies et dépenses subies, à proposer un plafonnement global de toutes les dépenses fiscales, suffisamment simple pour n’encourir aucun risque constitutionnel. Transformer en réduction d’impôt un nombre substantiel de dispositifs est une piste intéressante. Bien qu’insuffisant pour financer, par exemple, le revenu de solidarité active, l’enjeu budgétaire d’un plafonnement global est d’importance puisqu’il permet d’envisager des économies comprises, selon les hypothèses, entre 600 millions et un milliard d’euros.
En application de l’article 145 du Règlement, la Commission a alors autorisé la publication du rapport de la mission d’information.
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