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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mercredi 2 juillet 2008

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 103

Présidence de M. Didier Migaud, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Hubert Falco, secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire, sur l’exécution budgétaire de la mission Politique des territoires en 2007 2

– Information relative à la Commission 23

Le Président Didier Migaud : La Commission est heureuse d’accueillir M. Hubert Falco, secrétaire d’État chargé de l’Aménagement du territoire. La commission élargie avec la commission des Affaires économiques, prévue il y a deux semaines, n’avait pu se tenir en raison du calendrier de la séance publique.

Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir accepté le report de cette réunion, qui nous permet d’avoir aujourd’hui un échange, dans le cadre de la commission des Finances, sur l’exécution des crédits affectés à la mission interministérielle Politique des territoires en 2007. Notre Rapporteur Jean-Claude Flory a examiné, dans un esprit « lolfien », l’exécution de deux programmes de la mission portant directement sur l’aménagement du territoire. Son analyse du RAP – rapport annuel de performances – est publiée dans le tome 2 du rapport de notre Commission sur le projet de loi de règlement des comptes pour 2007.

L’objet de la réunion d’aujourd’hui est d’examiner l’exécution des deux programmes qui constituent la mission Politique des territoires dans son périmètre retenu depuis le projet de loi de finances pour 2008. Le premier est le programme 112, nouvellement intitulé « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », dont le responsable est Pierre Dartout, délégué interministériel à l’aménagement et à la compétitivité des territoires. Le second est le programme 162, concernant les « Interventions territoriales de l’État », dont la responsable est Mme Bernadette Malgorn, secrétaire générale du ministère de l’Intérieur.

M. Jean-Claude Flory, Rapporteur spécial : Je me réjouis qu’un secrétaire d’État soit en charge des questions d’aménagement du territoire. Depuis le début de la VRépublique, cette action a occupé un pan important des politiques gouvernementales successives. Je me félicite, en outre, du choix d’Hubert Falco à ce poste. Sa connaissance du terrain, grâce à ses responsabilités de maire de Toulon après avoir été celui d’une petite commune rurale, lui permet de faire face aux charges – ô combien importantes ! – qui sont les siennes aujourd’hui.

Je salue également M. Pierre Dartout, tout récemment nommé dans cette noble délégation qui date du début des années 1960, dont les compétences sont unanimement reconnues en matière d’expertise – qu’il s’agisse d’aménagement du territoire ou de développement durable.

Le programme 112, intitulé « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », bénéficie, pour une partie, d’engagements réguliers d’un exercice sur l’autre, que ce soit au titre de la prime à l’aménagement du territoire – PAT – ou de l’Agence française pour les investissements internationaux – AFII – et est soumis, pour une autre partie, à des rythmes d’engagements dépendant de programmations pluriannuelles : anciens contrats de plan, actuels contrats de projets, conventions de massifs. Ces crédits sont suivis par la DIACT – Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires.

En loi de finances initiale, le programme a été doté de 317 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 400 millions d’euros en crédits de paiement. Après mouvements de crédits, ces derniers ont été portés à 434 millions d’euros en AE et à 406 millions d’euros en CP, les nouvelles autorisations d’engagement – à hauteur de 116,5 millions d’euros – ayant été ouvertes pour financer à la fois les nouveaux contrats de projets et les pôles d’excellence rurale.

Ces seuls crédits ne relatent pas toute l’action en matière d’aménagement du territoire. Nous avons eu la chance pour le PLF 2007 d’avoir le premier document de politique transversale et celui-ci montre que ces crédits représentent entre un cinquième et un dixième de l’action globale au titre du ministère de l’Aménagement du territoire : un cinquième en considérant uniquement le périmètre de l’État, un dixième en incluant les crédits et objectifs européens.

Le taux de consommation des crédits de paiement sur l’exercice 2007 est très élevé, puisqu’il est de  99,6 %. Il est lié à une situation de tension particulière concernant le Fonds national pour l’aménagement et le développement du territoire. Le solde des engagements non couverts par des paiements atteignait 943,1 millions d’euros en fin d’année 2007.

L’exercice écoulé est marqué par une actualité particulièrement chargée. Tout d’abord, 2007 a été l’année complémentaire d’exécution des contrats de plan 2000-2006. Ensuite, elle a été la première année d’engagement et d’exécution, d’une part, des contrats de projets pour la période 2007-2013, d’autre part, d’une nouvelle programmation de fonds structurels dans le cadre de la politique de cohésion territoriale européenne. Enfin, elle a vu l’entrée en vigueur d’un nouveau zonage des AFR – aides à finalité régionale –, qui a conduit à une nette refonte du régime de la prime à l’aménagement du territoire – PAT.

Parmi les actions suivies dans ce programme, certaines ont fait l’objet d’un engagement particulier en 2007, en matière de compétitivité et d’attractivité du territoire, comme en matière de cohésion territoriale.

En matière de compétitivité et d’attractivité du territoire, les politiques des pôles d’excellence rurale et des pôles de compétitivité ont été poursuivies. Ces derniers ont fait l’objet d’une évaluation précise menée par un cabinet d’audit. Les conclusions rendues la semaine dernière montrent le bien-fondé de cette politique, puisque 80 % des pôles, soit 58 sur 71, ont atteint leurs objectifs. Un certain nombre de questions se posaient sur l’implication des petites et moyennes entreprises dans les pôles de compétitivité ou, inversement, sur la dimension internationale de certains pôles. Des réponses ont été apportées par l’audit. La même enveloppe financière que pour la période qui s’achève est renouvelée, soit 1,5 milliard d’euros pour la période 2009-2011.

En matière de cohésion territoriale, les actions menées pour parvenir à une couverture totale du territoire par les nouvelles technologies de l’information, aussi bien en téléphonie mobile qu’en Internet haut débit, n’ont pas tout à fait donné les résultats escomptés : 550 000 foyers français – soit 1,7 % de la population – ne bénéficient pas d’une couverture en haut débit ; 364 communes sont encore en zone blanche, totale ou partielle, en matière de téléphonie mobile. L’effort doit donc être poursuivi.

Signalons, enfin, le niveau important des dépenses fiscales rattachées : 773 millions d’euros dans le RAP 2007, soit près de deux fois le montant des CP du programme 112. C’est dire si leur poids est déterminant dans la politique d’aménagement du territoire.

Mes questions concernant ce programme sont les suivantes.

Pouvez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, si le périmètre de la mission Politique des territoires – dont je salue le maintien pour la période 2009-2011 – est susceptible d’évoluer.

Une évaluation de chaque dépense fiscale rattachée au programme 112, ou du moins des plus significatives d’entre elles, est-elle envisagée ? Peut-on également envisager la création d’objectifs et d’indicateurs de performance permettant de mieux évaluer leur efficacité, comme c’est le cas pour les crédits budgétaires ?

Compte tenu de la nécessité de poursuivre les actions menées pour parvenir à une couverture totale du territoire, ne serait-il pas opportun de réintroduire des indicateurs liés à ce sujet dans le prochain budget ? Le comité pour la couverture numérique des territoires qui a été mis en place le 3 juin dernier a fixé pour objectif une couverture de 100 % en haut débit fin 2012 et en téléphonie mobile fin 2011.

Concernant le FNADT, la dette exigible de 122,5 millions d’euros fin 2006 se stabilise à 120 millions d’euros fin 2007, en dépit d’un abondement de 100 millions d’euros de crédits de paiement en LFI pour 2007. À quelle échéance est-il prévu d’apurer cette dette ? En dépit de l’annonce d’un certain nombre d’engagements pour apurer la dette d’ici à 2009, ce qui permettrait d’envisager des délais de paiement plus satisfaisants pour les collectivités bénéficiaires de ce fonds, d’autres annonces récentes laissent entendre que le FNADT pourrait être sollicité pour d’autres actions que celles pour lesquelles il se mobilise habituellement.

La PAT a été recentrée sur des objectifs prioritaires. Quels enseignements tirez-vous de cette première année d’application ?

Concernant les crédits contractualisés, l’année 2007 a-t-elle permis d’achever l’exécution du volet territorial des contrats de plan État-régions 2000-2006, reconduit pour un an ? Quel bilan peut-on tirer de cette première année d’engagement des contrats de projets 2007-2013 ? Un suivi spécifique des engagements doit être réalisé pour les contrats de projets et les conventions de massifs. Dans deux cas, des crédits européens ont été rattachés aux crédits d’État depuis la nouvelle programmation.

S’agissant toujours du programme 112, je salue les mesures prises pour encourager la démarche de partenariat public-privé initiée dans les pôles de compétitivité et les pôles d’excellence rurale. Le rapport d’audit concernant les pôles de compétitivité a souligné l’intérêt de ce partenariat mais a également mis en évidence la faible part relative des financements en provenance d’investisseurs privés, en particulier pour les dépenses de recherche et développement.

Le programme 162 « Interventions territoriales de l’État », le PITE, a été doté en LFI de 184,5 millions d’euros en AE et de 105,9 millions d’euros en CP, fonds de concours compris. Ce programme expérimental, initialement prévu pour une durée de trois ans
– 2006-2008 – comprend sept actions : deux plans concernant plusieurs régions – plan Loire grandeur nature et la Filière bois en Auvergne –, deux programmes d’actions liés à des contentieux avec la Communauté européenne – Eau en Bretagne et Marais-Poitevin –, deux programmes axés sur le développement durable – Rhin et Durance –, et le programme exceptionnel d’investissement – PEI – en faveur de la Corse.

C’est un instrument budgétaire conçu spécifiquement pour améliorer la programmation et permettre un meilleur suivi de plans gouvernementaux territorialisés d’enjeu national. Il s’agit donc d’un programme atypique, sans équivalent dans le budget général, car il déroge à l’esprit de la LOLF sur plusieurs points : ses dotations budgétaires sont issues de différents ministères ; elles sont rendues fongibles à l’intérieur d’une enveloppe budgétaire unique ; la fongibilité des crédits est – selon la charte de gestion – limitée au périmètre de chacune des actions.

L’exécution 2007, tout comme le rapport du CIAP – le comité interministériel d’audit des programmes – montrent que le PITE est un outil de gestion souple et adapté. Il a démontré ses avantages en permettant la mise en place rapide du « plan d’urgence nitrates » en Bretagne – action 2 – évitant ainsi à la France une condamnation financière par la Cour de justice des communautés européennes. Il a également permis l’optimisation de l’exécution du programme exceptionnel d’investissements en faveur de la Corse.

Pouvez-vous confirmer que le PITE est bien reconduit pour la période 2009-2011 et selon quel périmètre ?

Quelles sont les évolutions envisagées pour améliorer le dialogue de gestion entre les ministères, le responsable du programme et les responsables régionaux des actions ?

En 2007, la fongibilité des crédits a été utilisée entre les actions du programme alors que jusqu’à présent, elle s’entendait au sein du périmètre de chaque action. Quelles sont les raisons qui ont motivé ce nouveau mode de gestion ? Sera-t-il pérennisé ?

Enfin, l’action 2 Eau en Bretagne a fait l’objet d’un engagement national fort en 2007. L’exécution de l’exercice écoulé est-elle en adéquation avec les orientations fixées ?

M. Hubert Falco, secrétaire d’État chargé de l’Aménagement du territoire : Monsieur le Président, monsieur le Rapporteur, je vous remercie pour vos interventions qui témoignent de l’intérêt particulier que cette Assemblée porte – à juste titre – à l’aménagement du territoire. Avant de vous présenter le bilan de l’emploi des crédits de la mission Politique des territoires en 2007, permettez-moi une brève introduction. J’ai été nommé, il y a trois mois, par le Président de la République pour m’occuper spécialement de l’aménagement du territoire – un territoire riche de diversités. Pour avoir été maire, pendant dix ans, d’une petite commune rurale, avant d’être maire d’une grande ville, et pour avoir présidé aux destinées d’un département pendant une dizaine d’années, je puis dire que la problématique des territoires ne m’est pas inconnue.

L’aménagement du territoire a aujourd’hui trois dimensions : l’amélioration de l’attractivité et de la compétitivité des territoires, le renforcement de la cohésion territoriale et de la solidarité entre nos territoires, et le développement durable de tous les territoires, dans le respect de leur histoire, de leur identité, de leur diversité. Ma conviction est que l’aménagement du territoire doit avant tout se préoccuper de la vie des gens. Pour cela, je veux que la politique menée en la matière soit à l’écoute des élus locaux – j’ai, comme vous, trop souvent pesté contre les décisions qui « venaient d’en haut » ! – et se construise dans une approche intégrée et volontariste à l’échelle de bassins de vie cohérents.

La mission interministérielle Politique des territoires comprenait, en 2007, cinq programmes. Même si je ne suis secrétaire d’État que depuis trois mois, je me dois d’assumer, au nom de la continuité de l’État, le bilan de l’année passée. En accord avec votre Rapporteur, je concentrerai mon propos sur deux programmes : le programme des moyens d’intervention et de fonctionnement de la DIACT – anciennement DATAR, qu’il m’arrivera encore d’appeler par ce sigle, car il est beaucoup plus parlant, pour tout le monde –, le programme 112 « Aménagement du territoire » – rebaptisé « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » en 2008, à la demande du Parlement – et le PITE, programme du Premier ministre qui permet au préfet de région de disposer d’une enveloppe unique de crédits pour traiter une situation locale particulière.

La question de la reconduction de la mission Politique des territoires pour la période 2009-2011 a été posée. Conformément à la loi organique relative aux lois de finances
– LOLF –, les missions doivent être définies en fonction des politiques qu’elles portent. La politique d’aménagement du territoire nécessite une mission qui lui soit propre, illustrant la prise en compte de la dimension territoriale dans l’action du Gouvernement. Son périmètre sera défini précisément au cours des arbitrages budgétaires en cours et devrait pouvoir être annoncé avant le lancement du débat d’orientation budgétaire devant le Parlement.

Je souhaite donc, pour ma part, le maintien du programme « Impulsion et coordination de l’aménagement du territoire » au sein de la mission Politique des territoires de concert avec le maintien du programme des interventions territoriales de l’État, programme expérimental dont la reconduction doit être décidée dans le cadre du budget pluriannuel 2009-2011. En effet, si le périmètre des actions qui composent aujourd’hui le PITE fait débat, quant aux résultats atteints par certaines actions – l’action 1, le Rhin et la bande rhénane, en particulier – ou à la pertinence du maintien d’autres actions suite à la création du MEEDDAT – action 3, Plan Loire, notamment –, ce programme a fait la démonstration de son utilité, comme vous l’avez rappelé, monsieur le Rapporteur, en ce qui concerne la mise en œuvre du programme exceptionnel d’investissement pour la Corse et celle du « plan d’urgence nitrates » en Bretagne.

Pour mémoire, un document de politique transversale consacré à la politique d’aménagement du territoire permet en 2008 d’avoir une vision véritablement représentative des moyens budgétaires que l’État consacre à cette politique. Je souhaite le maintien de cette initiative en 2009.

Je vais, d’abord, vous répondre sur le programme « Aménagement du territoire », puis j’aborderai le PITE. Mme Malgorn, secrétaire générale du ministère de l’Intérieur, responsable du PITE, complétera mon intervention sur ce sujet.

La première priorité du programme « Aménagement du territoire » en 2007 était de conforter le partenariat avec les collectivités territoriales et avec l’Europe.

J’étais il y a quelques jours au Comité des Régions à Bruxelles et nous nous disions que, compte tenu des diversités politiques des vingt-sept pays, la vérité doit venir plus que jamais des territoires. Un élu italien a résumé cela en disant qu’il faut que la tête suive les jambes. En effet, si la tête fonctionne seule, les jambes fonctionnent mal. Il doit y avoir une coordination parfaite entre le territoire et l’ensemble de nos politiques pour qu’elles soient beaucoup plus lisibles pour le citoyen.

Je me félicite du démarrage réussi de tous les CPER 2007-2013. Ils s’articulent autour de trois axes – compétitivité et attractivité territoriale, développement durable, cohésion sociale et territoriale – et vont mobiliser, sur sept ans, 29,1 milliards d’euros, dont 12,7 milliards de l’État au bénéfice des territoires. De la même manière, 2007 a été l’année du démarrage de la nouvelle génération de fonds structurels européens, dont les programmes opérationnels sont pleinement cohérents avec les CPER et favorisent le développement durable et l’attractivité des territoires.

À la fin de 2007, le taux de mise en place effective des délégations de crédits de l’État a atteint 82,7 % des engagements pris pour la précédente génération de contrats de plan État-régions prévue de 2000 à 2006. Ce taux est supérieur à celui enregistré à l’échéance initiale des contrats de plan de 1994 à 1999. Afin de respecter les engagements financiers pris, le Gouvernement a décidé de prolonger d’un an – 2007 – la mise en place du volet territorial des contrats de plan 2000-2006.

Cette décision a permis aux différents partenaires de mener à bien les projets utiles au développement et au renforcement de l’attractivité de leur territoire. L’exécution des contrats de pays, des contrats d’agglomération et des contrats de parcs naturels régionaux a atteint des niveaux satisfaisants grâce à cette année supplémentaire. Le taux d’exécution du FNADT, principale source des crédits d’État utilisés dans ces contrats, atteint près de 85 % des engagements initiaux, certains projets ayant été abandonnés ou revus. Les projets structurants prévus dans le volet territorial 2000-2006 qui n’ont pu se réaliser pourront éventuellement être repris dans le volet territorial des contrats de projets 2007-2013.

L’année 2007 a été la première année d’application des CPER 2007-2013. Les vingt-six contrats régionaux et huit des dix contrats interrégionaux ont été signés au premier trimestre 2007, permettant leur démarrage dès la première année de contractualisation. Resserrés sur un nombre limité de thématiques prioritaires – compétitivité et attractivité des territoires, dimension environnementale et développement durable, cohésion sociale et territoriale – et prenant en compte la stratégie européenne dite de Lisbonne-Göteborg, les contrats de projets ont démarré de manière satisfaisante dans l’ensemble des régions, même si la montée en puissance est naturellement progressive en terme de programmation. Le taux d’avancement des engagements en 2007 est de 10,3 % au regard d’un taux annuel moyen théorique de 14,3 %, ce qui est un bon résultat.

Au total, les crédits consommés en faveur des CPER 2000-2006 et 2007-2013 atteignent 138 millions d’euros en autorisations d’engagement et 194 millions d’euros en crédits de paiement, soit respectivement 35 % et 48 % des crédits budgétaires du programme.

La deuxième priorité du programme était de renforcer l’attractivité et la compétitivité des territoires.

La grande majorité des 379 pôles d’excellence rurale – PER – labellisés ont démarré en 2007. Au 1er mai 2008, 72 % des PER ont engagé au moins une de leurs opérations. L’objectif est d’engager la totalité des actions pour fin 2008. En 2007, 87,8 millions d’euros ont été engagés pour soutenir les PER.

La politique des pôles d’excellence rurale repose sur une démarche de compétitivité et d’attractivité des territoires au service de la cohésion territoriale. À preuve : les deux tiers des projets labellisés sont portés par des territoires en zone de revitalisation rurale – ZRR – ou présentent une partie de leurs actions en ZRR. Près de 38 % s’inscrivent dans un territoire de massif de montagne. Les projets lancés couvrent des domaines aussi variés que la santé, les services aux populations, le patrimoine, l’habitat, les énergies renouvelables. J’ai demandé à la DIACT de dresser le bilan de l’action menée d’ici à la fin de 2008, avant d’envisager une nouvelle étape pour cette politique. Les PER qui n’auront pas encore démarré seront considérés comme abandonnés et ne devraient plus être éligibles aux crédits prévus. Je rappelle que l’appel à projet date de décembre 2005.

La DIACT a lancé l’évaluation des 71 pôles de compétitivité et du dispositif public de soutien aux pôles.

En premier lieu, l’État a respecté intégralement ses engagements en 2006 et 2007. Il a accompagné la dynamique de partenariat entre entreprises et recherche publique à la hauteur de ses engagements : les projets de recherche et développement des pôles ont été soutenus à hauteur de 1,3 milliard d’euros. Les collectivités territoriales ont apporté un soutien complémentaire de 229 millions d’euros aux projets retenus par le Fonds unique interministériel. La prime à l’aménagement du territoire a soutenu 48 projets d’implantation ou d’investissement d’entreprises liées à un pôle de compétitivité – pour 39,6 millions d’euros.

En 2007, 50 % des projets labellisés par les gouvernances des pôles de compétitivité ont été admis aux appels à projets du fonds interministériel commun, contre 38 % en 2006 : c’est la démonstration que la qualité des projets et de l’accompagnement se renforce, signe d’une montée en puissance des pôles.

Le 26 juin dernier, à Limoges, le Président de la République a annoncé l’engagement de la deuxième étape de la politique des pôles de compétitivité, avec une nouvelle enveloppe de 1,5 milliard d’euros pour les trois ans à venir. Nous continuons avec tous les pôles, les treize pôles dont l’évaluateur – Boston Consulting Group – a considéré qu’ils devaient être reconfigurés disposant d’un an pour se remettre à niveau.

Le bilan est positif ou très positif pour plus de 80 % des pôles, soit 58 pôles sur les 71. Cela confirme la pertinence de notre modèle de pôles de compétitivité.

Avec cette évaluation, le Gouvernement dispose d’une analyse et de recommandations très utiles – et objectives puisqu’il a été fait appel à un cabinet privé de qualité – qui lui permettent sans difficulté de confirmer et de renforcer cette politique de compétitivité pour les années à venir.

Un comité interministériel à l’aménagement et à la compétitivité des territoires
– CIACT – se tiendra prochainement sous la présidence du Premier ministre pour détailler l’ensemble du dispositif pour les années à venir. Sans préempter les mesures qui seront prises lors de ce CIACT, je peux d’ores et déjà évoquer trois pistes.

Première piste : il faut continuer à faire grandir ces pôles vers l’excellence. Nous devons poursuivre l’approche territoriale et inciter au regroupement sur des techno-parcs ou des techno-campus. Cette approche doit permettre en particulier une plus forte implication des PME et plus de créations d’entreprises. Il nous faut favoriser le développement d’infrastructures, de services et d’équipements mutualisés, qui apportent un ancrage territorial aux travaux de recherche et développement.

La deuxième piste concerne la classification des pôles faite par les évaluateurs. Pour le groupe des pôles ayant pleinement atteint leurs objectifs – au nombre de 39 –, nous envisageons une logique de contractualisation pluriannuelle. L’État, par l’intermédiaire du groupe de travail interministériel – GTI – va faire part aux dix-neuf pôles ayant partiellement atteint les objectifs des faiblesses constatées et des points à améliorer. Les pôles se verraient invités à y remédier avec le soutien de l’État. Quant aux treize pôles qui nécessitent, selon l’évaluateur, une reconfiguration, nous allons entrer très rapidement dans une phase de restitution des conclusions de l’évaluation à chacun d’entre eux. Cette phase de dialogue, qui se fera en association avec les élus concernés, permettra aux pôles de faire connaître leurs observations en réponse aux conclusions des évaluateurs.

La compétitivité et l’attractivité des territoires passent aussi par les interventions de développement et de reconversion économique des territoires confrontés à des mutations économiques. En 2007, 22,8 millions d’euros ont été engagés par la DIACT en faveur des contrats de sites.

Les résultats enregistrés confortent l’action de la DIACT en faveur de la cohésion sociale et territoriale dans le champ des mutations économiques, même si les actions doivent être poursuivies et approfondies.

L’indicateur relatif aux contrats de sites ou de territoires témoigne de l’effet positif des projets de reconversion économique impulsés par la DIACT en accompagnement des projets locaux au bénéfice de territoires confrontés à des mutations économiques.

Les objectifs fixés en 2007 en termes de création ou de maintien d’emplois ont été tenus – 15 %. Ils doivent être confirmés dans la durée conformément à la stratégie de renforcement de l’intervention de la DIACT dans le domaine des mutations économiques et dans la perspective de l’accompagnement des restructurations à venir de l’outil de défense. C’est, en effet, parce qu’elle dispose d’une expérience et d’une expertise uniques et reconnues en matière de redynamisation de territoires que je souhaite que la DIACT coordonne, sous ma responsabilité, l’ensemble du dispositif d’accompagnement territorial des restructurations de notre outil de défense.

La troisième piste qui sera évoquée lors du CIACT est la PAT – la prime à l’aménagement du territoire. En 2007, en effet, a été adopté un nouveau régime d’aide aux entreprises de la PAT. Cette réforme est positive pour les territoires. Elle permet d’encourager le développement des zones les plus fragiles grâce à un zonage revu à l’échelle communale ; de soutenir la compétitivité de la France par un renforcement des taux d’intervention maximum permettant d’attirer les entreprises internationales ; d’accompagner les mutations économiques, par la possibilité d’accompagner des investissements majeurs mais non créateurs nets d’emplois.

La prime à l’aménagement du territoire représente 12 % des autorisations d’engagement – 47 millions d’euros – et 8 % des crédits de paiement – 33 millions d’euros – du programme de la DIACT.

Les résultats démontrent que la prime à l’aménagement du territoire est un instrument efficace pour créer de l’emploi dans la durée dans des secteurs économiques et des zones d’emploi prioritaires. Les indicateurs du programme le prouvent : 97,7 % des emplois annoncés en 2000 par les entreprises bénéficiaires de la PAT ont été effectivement créés et maintenus en 2007. Ce taux est supérieur aux prévisions – 85 % – et est en progression constante depuis deux ans.

Après un peu plus d’un an d’exercice, la nouvelle prime à l’aménagement du territoire se révèle donc être une double réussite.

Elle est une réussite en terme de zonage tout d’abord : alors que la part de la population française incluse dans les zones éligibles à la prime à l’aménagement du territoire a été divisée par deux, en conséquence directe de la réduction du zonage des aides à finalité régionale – AFR –, le nombre de dossiers est resté stable. Cela témoigne d’un certain dynamisme en matière d’investissement productif dans nos territoires, ce dont je me félicite. En concertation avec les élus locaux et les administrations déconcentrées, la DIACT a pu cibler et soutenir, dans les zones en difficulté, des projets économiques d’ampleur nationale, étant entendu que les projets plus modestes ont vocation à être accompagnés par les collectivités locales, notamment par les régions.

L’accompagnement ciblé des mutations économiques par la nouvelle PAT est également une réussite : l’ouverture du dispositif aux projets à fort investissement mais non créateurs d’emplois a permis d’accompagner des projets déterminants pour le maintien de la compétitivité de sites industriels majeurs. Nous avons notamment pu soutenir des projets de reprise d’entreprises, ce qui a permis le maintien d’emplois et de savoir-faire industriels.

Au total, on peut se réjouir des évolutions récentes de la prime à l’aménagement du territoire. Nous avons désormais à notre disposition un outil plus flexible qui nous permet de participer au financement de projets importants pour le développement économique et la compétitivité de nos territoires, en complément des soutiens apportés par les collectivités locales.

La troisième priorité du programme « Aménagement du territoire » en 2007 était de soutenir le développement équilibré et durable des territoires.

Parmi les actions menées, je voudrais prendre trois domaines particuliers : la montagne, l’aménagement numérique du territoire et les relais de service public.

En 2007 ont été mises en place les cinq conventions interrégionales de massifs qui définissent une stratégie partagée de développement des territoires de montagne pour la période 2007-2013 : au cours de l’année écoulée, 13,9 millions d’euros ont été engagés en faveur de la politique de la montagne.

La période 2000-2006 fut celle des premières conventions interrégionales de massifs. L’année 2007 a été consacrée à la mise en place de la deuxième génération des conventions et leur signature par les différents partenaires. Je tiens à souligner la qualité du travail mené avec les collectivités pour construire des programmes de qualité et innovants.

Les conventions interrégionales de massifs visent le maintien et le développement de l’emploi dans les massifs ainsi que la création de richesse favorisant la compétitivité de ces territoires par la diversification des activités touristiques, la modernisation de l’agriculture de montagne, la mise en valeur du capital énergétique en faveur des énergies renouvelables – eau et bois –, la dynamisation de la coopération régionale en approfondissant les partenariats transfrontaliers et transnationaux.

Elles prévoient globalement 201 millions d’euros de crédits d’État – dont 60 % du FNADT – et 274 millions d’euros des régions et des départements. L’effort de l’État est à souligner puisque ses concours augmentent de 7,8 % par rapport à la période précédente, aux côtés de l’intervention majoritaire des collectivités territoriales.

L’année 2007 a permis de mettre en application plusieurs éléments en faveur d’une politique dynamique des services publics dans les territoires ruraux, en particulier la labellisation de 96 relais de services publics, dans 34 départements, avec un soutien de l’État qui s’élève à 4 millions d’euros à ce jour.

Cette politique de labellisation de relais de services publics contribue à offrir aux citoyens un accès de qualité aux services publics. Elle permettra d’offrir au public davantage de lisibilité sur les nombreuses expériences de maisons de services publics et autres formes de guichet unique polyvalent, d’aider les projets en ce domaine en leur donnant un cadre de référence commun et de faire progresser toutes ces structures en les fédérant sous une même appellation, avec des engagements et des principes de fonctionnement partagés.

En matière d’aménagement numérique du territoire, l’année 2007 a permis de poursuivre dans la voie de la résorption de la fracture numérique, même s’il est vrai que les résultats n’ont été que partiellement atteints.

Les résultats du programme démontrent une amélioration de la couverture des territoires tant en matière de téléphonie mobile – passage de 0,55 % à 0,22 % de la population non couverte – que de haut débit – passage de 0,08 à 0,04 % de la population non couverte. Des difficultés techniques ont entraîné un décalage dans la finalisation du plan. Surtout, j’ai découvert à mon arrivée que 364 communes non couvertes n’avaient pas été répertoriées en 2003.

J’ai engagé des négociations fermes avec les opérateurs de sorte que toutes les zones blanches de téléphonie mobile soient résorbées avant la fin de l’année 2011.

La couverture haut débit n’est pas totalement engagée en 2007, compte tenu de la non-disponibilité des boucles locales – ADSL – sur tout le territoire. Le recours progressif aux technologies alternatives permettra la couverture de ces « zones blanches de haut débit » pour une couverture complète à horizon 2012. Je plaide d’ailleurs auprès du Premier ministre pour qu’il arbitre en faveur d’une utilisation du « dividende numérique » que nous allons retirer du passage de la télévision analogique à la TNT en 2011, en faveur du très haut débit, car nous ne pourrons pas équiper tout le territoire en fibre optique.

Vous me demandez s’il ne serait pas opportun de réintroduire des indicateurs liés à l’aménagement numérique du territoire en 2008. Je ne le pense pas. La couverture numérique du territoire est un enjeu essentiel pour l’aménagement du territoire et, à ce titre, fait l’objet d’un suivi et d’une évaluation spécifiques des actions conduites, que la DIACT anime en relation avec l’ensemble des acteurs concernés. Comme je vous l’ai dit, je me fixe des objectifs ambitieux en la matière, à l’échéance de 2012.

Dans la mesure où la DIACT a quasiment achevé la mise en place des crédits liés au premier plan de couverture des zones blanches en téléphonie mobile, le suivi dans les documents budgétaires au moyen d’un indicateur de performance dans le programme annuel de performances n’est plus l’instrument adéquat de suivi de cette politique.

Les crédits consommés sur le programme « Aménagement du territoire » en 2007 s’élèvent à 390 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 404 millions d’euros en crédits de paiement. Comme vous le voyez, les ressources autorisées par le Parlement ont été pleinement utilisées. Le taux d’exécution est proche de 100 % pour les CP et de 89 % pour les AE. Les AE non consommées sont dues à une annulation technique d’anciennes opérations de la PAT.

Contrairement à une idée reçue, les moyens consacrés à la cohésion territoriale sont deux fois supérieurs à ceux destinés à soutenir la compétitivité : 113 millions d’euros en AE et 102 millions d’euros en CP pour l’attractivité économique et la compétitivité des territoires ; 204 millions d’euros en AE et 214 millions d’euros en CP pour le développement et la solidarité territoriale.

Vous m’avez interrogé sur la dette du FNADT, qui est l’instrument financier majeur du programme, puisqu’il représente 84 % des engagements et 91 % des paiements.

Le désendettement du FNADT est indispensable et l’objectif est tenu. Les restes à payer du FNADT ont fortement diminué entre 2006 et 2008 : de près de 730 millions d’euros fin 2006, ils seront légèrement supérieurs à 500 millions d’euros fin 2008, le besoin de paiement s’échelonnant entre 2009 et 2011. La dette exigible – les factures arrivées en préfecture et en attente de paiement – a fortement diminué entre 2006 et 2007 pour atteindre 85 millions d’euros, contre 122 millions d’euros fin 2006, et devrait être stable entre 2007 et 2008.

Cependant, des situations locales de tensions sur les moyens du FNADT demeurent, que les préfets gèrent en relation avec la DIACT en fonction des moyens disponibles. L’évolution de la dette du FNADT sera fonction des ressources qui seront accordées à la DIACT au cours des trois prochaines années et dont nous discuterons à l’automne.

Je souhaite, pour ma part, que le FNADT soit doté de manière équilibrée des moyens d’engagement suffisants pour respecter les décisions prises tant au titre des CPER que dans le cadre des politiques nationales – PER, pôles de compétitivité – et des moyens de paiement permettant aux bénéficiaires de percevoir la subvention dans des délais raisonnables, sans altérer leur situation financière en faisant l’avance de trésorerie dans l’attente des crédits d’État.

Vous m’avez interrogé sur l’opportunité de mettre en place des objectifs et des indicateurs de performance pour les dépenses fiscales affectées au programme « Aménagement du territoire » comme c’est le cas pour les dépenses budgétaires. Certaines dépenses fiscales sont un outil d’aménagement du territoire et en tant qu’instrument de politique publique, leur efficacité doit être régulièrement évaluée. Cette évaluation doit trouver un cadre plus large que le rattachement au programme budgétaire de la DIACT, dans la mesure où la délégation a souvent peu de maîtrise sur les dépenses fiscales, tant sur leur conception que sur leur mise en œuvre et leur suivi, ce qui pose ainsi un problème d’imputabilité de leurs effets à l’action de la DIACT. En revanche, la DIACT peut, comme elle l’a fait pour les dépenses fiscales attachées aux zones de revitalisation rurale, lancer par anticipation leur évaluation afin de donner au Parlement des éclairages sur la suite à donner.

Vous m’avez interrogé sur la question de la reconduction en 2009 du crédit d’impôt de taxe professionnelle en faveur des entreprises implantées dans des zones d’emploi en grande difficulté. Le crédit de taxe professionnelle, tel qu’il était prévu dans la loi de finances 2005, devait prendre fin en 2009, les dernières zones d’emploi bénéficiaires continuant à bénéficier de ce crédit d’impôt jusqu’en 2011 puisque l’éligibilité est de trois ans.

Actuellement, ce dispositif fiscal fait l’objet d’un examen dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques – RGPP – ainsi que du rapport parlementaire que vous allez nous fournir. La suite à donner à ce dispositif sera envisagée à la lumière de ces différents éléments.

Pour ma part, je suis favorable à la poursuite de ce dispositif au-delà de 2009 et dans un cadre élargi qui permette d’en faire bénéficier les entreprises des zones les plus concernées par des restructurations de défense. Nous aborderons ce sujet en temps utile.

Je vais maintenant passer la parole à Mme Malgorn, pour le compte rendu de l’exécution du programme « Interventions territoriales de l’État ».

Mme Bernadette Malgorn, secrétaire générale : M. le Rapporteur a souligné la particularité du programme « Interventions territoriales de l’État ».

Nous nous sommes attachés à respecter l’esprit de la LOLF. Certains ont pu craindre que la verticalité de la LOLF empêche une vision transversale et territoriale, mais le programme « Interventions territoriales de l’État », tout comme l’avis des préfets de région sur les budgets opérationnels de programme, témoignent de la compatibilité de la LOLF avec la déconcentration.

Avec le recul, force est de constater que le PITE illustre le renforcement d’un certain nombre de principes issus de la LOLF, à commencer par celui de transparence. Dès lors que des actions territorialisées, certes circonscrites à quelques régions, revêtent une certaine importance nationale, il convient de les identifier dans un programme qui aura forcément une connotation territoriale.

Vous avez essayé, Monsieur le Rapporteur, de classer les diverses actions – actions interrégionales, actions interministérielles, alliant ainsi le développement durable et le risque, actions en lien direct avec des contentieux communautaires qui font prendre un risque mesurable à l’aune des problèmes budgétaires de la France. Ainsi, la reconquête de la qualité de l’eau en Bretagne pourrait coûter des centaines de millions d’euros à la France, ce qui justifie la présentation d’un document budgétaire au Parlement.

S’agissant du principe de l’annualité budgétaire, que le droit budgétaire classique a toujours cherché à dépasser, le PITE offre, grâce à sa durée expérimentale de trois ans, une visibilité des objectifs pour l’autorité budgétaire comme pour les autorités chargées de la mise en œuvre – ministres et préfets. À cet égard, il a anticipé la démarche aujourd’hui soutenue par la Direction du budget : permettre, à partir de l’année budgétaire 2009, une vision pluriannuelle sur trois ans – 2009/2010/2011.

Le bon emploi des fonds, troisième principe que la LOLF a renforcé, impose que l’on dépasse le cadre strictement budgétaire. L’on peut, grâce à des indicateurs de gestion, de performance, de résultat notamment, s’assurer que les fonds sont bien employés, mais il convient également de veiller au bon dosage entre les moyens budgétaires, puisés chez les contribuables, et les moyens réglementaires, qui ne proviennent pas des contribuables. Nombre d’actions du PITE, comme l’action Alsace sur le recours à la multimodalité, l’action Bretagne de reconquête de la qualité de l’eau, l’action Loire ou l’action Durance, nécessitent de jouer à la fois sur les moyens budgétaires et les moyens réglementaires pour atteindre les objectifs.

La transparence, l’obligation de résultat, la limitation dans le temps de l’enveloppe budgétaire peuvent inciter l’autorité administrative à user avec plus d’audace des moyens réglementaires moins coûteux.

Pour toutes ces raisons, le jugement que le comité interministériel d’audit des programmes a porté sur la pertinence de ce programme est globalement positif.

S’agissant des taux d’exécution, cinq des sept actions approchent les 100 %. Les actions Alsace et Durance ont consommé 50 % des crédits de paiement, entre les deux-tiers et les trois-quarts des autorisations d’engagement. Sans doute ont-elles été intégrées dans le PITE alors qu’elles n’avaient pas acquis un degré de maturation suffisant. Elles ont aujourd’hui pris leur élan, du moins l’action Durance, car l’action Alsace dépend pour un certain nombre de mesures de maîtres d’ouvrage extérieurs à l’État.

Nous discutons en ce moment de l’élaboration du budget 2009. Tous les arbitrages ne sont pas encore rendus. S’il y a unanimité pour reconduire le Programme exceptionnel d’investissement en faveur de la Corse – PEI Corse – dans le PITE, de même que l’action de reconquête de la qualité de l’eau en Bretagne, des interrogations subsistent sur l’action Alsace. Les autres actions ne sont pas contestées sur le fond, mais il arrive qu’un ministère souhaite reprendre en gestion directe une action dont il assume la majorité du financement.

Nous avons programmé dans les prochains jours une conférence de budgétisation sur le périmètre complet de l’actuel PITE.

Nous avons par ailleurs identifié de nouvelles actions qui pourraient être intégrées dans le PITE. La Direction générale de la santé nous a ainsi proposé le plan chlordécone qui intéresse les départements antillais.

Une deuxième proposition porte sur la protection de la forêt méditerranéenne, combinaison d’actions relevant du ministère de l’Agriculture, du ministère de l’Environnement et du ministère de l’Intérieur.

Enfin, au titre de la cohésion territoriale, un plan Pays Basque, programme pluriannuel sur sept ans, à caractère interministériel, pourrait être intégré.

Ce ne sont encore que des hypothèses de travail qui n’ont pas été discutées dans le détail avec la Direction du budget.

Concernant l’amélioration du dialogue de gestion, j’ai réuni le 23 janvier dernier, le comité national de suivi du PITE auquel participaient tous les ministères concernés et la Direction du budget. Nous avons enregistré les positions des différents ministères, réglé certaines questions, obtenu des arbitrages et identifié les difficultés. Cette réunion avait été précédée de relations bilatérales entre chacun des ministères et nous-mêmes et de réunions de travail avec les responsables des sept budgets opérationnels de programme.

Vous avez noté, Monsieur le Rapporteur, que 2007 avait permis d’utiliser toutes les possibilités offertes par le programme en matière de fongibilité, non pas au sein d’une action, mais entre actions au sein du programme. Cette disposition s’est révélée très bénéfique, notamment pour le PEI Corse qui avait accumulé les factures, faute de crédits de paiement suffisants, et pour l’action Bretagne dont le programme, mi-2007, s’est largement amplifié et réorienté pour tenir compte des injonctions de Bruxelles. À l’origine de l’action Reconquête de la qualité de l’eau en Bretagne, il s’agissait de mettre en conformité les taux de nitrates, de phosphates et de pesticides dans les cours d’eau avec les normes européennes. De 57 bassins, nous avons restreint le champ à une quinzaine, puis une dizaine, mais au sein de cet ensemble de bassins, un sous-ensemble restait particulièrement ciblé par Bruxelles, nous faisant encourir un risque de plusieurs centaines de millions d’euros d’amende. Sans abandonner la politique générale de reconquête de la qualité de l’eau sur l’ensemble des bassins, nous avons ciblé nos actions sur les quatre bassins particulièrement à risque. À cette fin, nous avons défini des actions nouvelles qui ne figuraient pas dans le programme, notamment pour financer des travaux d’adduction d’eau en provenance d’autres sources. 

Des crédits ont été accordés en 2007, et il en a été fait bon usage. Pour revenir à l’exemple de la reconquête de la qualité de l’eau en Bretagne, si l’on ne poursuit pas l’action, au moins sur les trois prochaines années, il sera très difficile d’atteindre les objectifs de la directive européenne.

Le PITE, s’il offre une certaine souplesse grâce à la fongibilité, impose également une rigoureuse discipline, car les objectifs doivent être atteints dans les trois ans, sauf circonstance exceptionnelle comme ce fut le cas du programme Reconquête de la qualité de l’eau en Bretagne.

M. Henri Nayrou : Enfin, l’on reparle de l’aménagement du territoire !

Monsieur le ministre, vous êtes un homme de l’action territoriale concrète et vous, Monsieur Dartout, vous connaissez bien l’action locale. Tous les deux, vous savez que dans les diverses zones qui maillent notre territoire, l’on vit de bonne soupe et pas de beau langage.

Monsieur le ministre, que pensez-vous de l’avenir des zones rurales, notamment de la montagne ? Selon un sondage, paru il y a un an, sept millions de citadins souhaiteraient vivre dans les zones rurales, et 2,5 millions envisageaient de concrétiser leur projet dans les cinq ans.

S’agissant de la transversalité qui sera l’une de vos lignes directrices, mais aussi votre souffrance, tant la notion est impalpable, la loi de modernisation de l’économie
– LME – a mis en évidence des césures, jusque dans le camp majoritaire, sur des lois susceptibles de relancer la croissance dans les zones urbaines et suburbaines mais beaucoup moins dans les zones rurales. Je n’en dirai pas plus, vous m’avez parfaitement compris.

De même, les partenariats public-privé – PPP – n’ont pas cours dans les zones rurales.

Concernant la RGPP, je ne pense pas, contrairement à vous, que les 96 relais de service public mis en place dans 34 départements soient un bon début. Au vu du sondage dont je vous parlais à l’instant, l’État n’a pas à donner le signal du départ. L’État se targue de supprimer nombre de postes de fonctionnaires, mais qu’il aille expliquer aux élus des territoires ruraux comment organiser un service public sans fonctionnaire, surtout dans les secteurs où la notion de loi du marché est totalement erratique.

Pour ce qui est des 379 pôles d’excellence rurale dont 72 % auraient lancé au moins une de leurs opérations, c’est bien, mais ce n’est pas encore assez. Que comptez-vous faire ?

Quant aux pôles de compétitivité, nous avons longtemps pensé qu’ils avaient fait preuve de tropisme au détriment des zones rurales.

J’en viens à la montagne – 13 régions, 42 départements, 6 400 communes. Elle n’est ni un amusement pour élu isolé ni une forme de communautarisme territorial, mais un élément indissociable du territoire et de sa cohésion.

Trois éléments concourent à y maintenir la vie : l’emploi, les services publics et le logement, par une discrimination positive. Les zones de revitalisation rurale ont montré toute leur efficacité en termes de résidences de tourisme et d’équipement, surtout dans les zones défavorisées. Au moment où la ministre de l’Économie, Mme Christine Lagarde, projette de pourchasser les niches fiscales et les exonérations fiscales, quel sera votre poids dans la discussion ?

S’agissant de la neige de culture, les salons parisiens peuvent s’étonner que l’on en parle encore alors que le réchauffement climatique occupe tous les esprits, mais quelle autre activité pourrait générer autant d’emplois et de richesse dans un fond de vallée ? Lorsque nous aurons reçu le rapport des trois inspecteurs généraux, nous reviendrons vers vous, Monsieur le ministre.

Nous attendons par ailleurs depuis un an que le conseil national de la montagne tienne sa première réunion. Cette question relève de la responsabilité du Premier ministre, je le sais, mais le ministre de l’Aménagement du territoire devra y veiller.

J’en profite pour vous inviter, Monsieur le ministre, le 23 octobre au congrès de l’ANEM – Association nationale des élus de montagne – à Saint-Flour, dans le Cantal.

Je rappelle également qu’il faut tirer les leçons des zones franches urbaines et sans doute relancer une étude sur les zones franches rurales. Le FNADT est insuffisant, l’Alimentation en Eau Potable (AEP) est réduite à la portion congrue, ce qui handicape le développement des zones rurales.

Je vous ai interrogé dans l’hémicycle en juin dernier sur les aides à finalités régionales (AFR) qui ne profiteraient plus à certains territoires défavorisés sous prétexte que l’Europe demande des réductions drastiques, ce qui est anormal.

Pour réussir un véritable aménagement du territoire, il faut une certaine volonté politique, vous l’avez. Je doute en revanche que vous en ayez les moyens.

M. Hubert Falco : Que doit être la politique de l’aménagement du territoire au-delà des chiffres et des rapports ? C’est une politique d’équilibre, de maillage des territoires, dont la diversité fait notre richesse. Nous devons avant tout penser aux citoyens et à leur vie.

Aucune politique ne peut être menée contre la ruralité qui représente 70 % de notre territoire, les deux tiers des 36 000 communes françaises.

J’ai été un maire rural. Au-delà de nos convictions politiques, nous avons tous oublié que la ruralité était aussi un territoire, une agriculture, un environnement, qu’il fallait protéger. Nous perdons 60 000 hectares de terres agricoles par an. Nous consommons deux fois plus d’espace que l’Allemagne. À force de vouloir, tous, privilégier la vie à la campagne, nous avons développé ces communes rurales au point qu’elles ne ressemblent plus aujourd’hui à la campagne sans pour autant être devenues des villes. Nous avons vidé les cœurs des villages. Je ne reconnais plus aujourd’hui les rues de ma commune que j’ai quittée il y a près de dix ans. Il n’y a plus de vie, il n’y a plus d’âme. Et pourtant, de 2 500 habitants elle est passée à 3 500, mais où sont-ils ? L’habitat est diffus. Les maires sont responsables de cette situation. Je m’en rends d’autant mieux compte que je suis aujourd’hui le maire d’une grande ville qui s’est vidée de 10 000 habitants en quinze ans. Elle en a repris 10 000 ces dix dernières années. Nous devons construire la ville à la ville, y densifier l’habitat, pour que la campagne puisse continuer à jouer son rôle d’équilibre, en préservant l’environnement et la vie des habitants. Les gens y ont droit aux mêmes services qu’à la ville, mais des services différents. Je suis favorable au service public minimum garanti et à la mutualisation de certains services. Nous devons repenser la ruralité.

Il en va de même de la montagne, qui retrouve aujourd’hui son attractivité. Une partie de sa population revient. Nous avons d’ailleurs donné pour mission à la DIACT de soutenir la revitalisation en zone rurale et en montagne.

L’expérience des pôles d’excellence rurale comme des pôles de compétitivité doit être poursuivie. L’engagement de l’État, à hauteur de 395 millions reconductibles, a été efficace. C’est vrai, 30 % de ces pôles n’ont pas engagé d’action en trois ans, et ce n’est pas normal. Nous devrons être stricts avec ceux qui ne jouent pas le jeu.

Oui, nous convoquerons le conseil national de la montagne, après l’été et l’échéance sénatoriale, et je serai heureux de le présider.

Pour ce qui est des politiques publiques, la réforme est indispensable. Nous ne pouvons plus continuer à vivre comme il y a quinze ou vingt ans.

En tant que maire, comment voulez-vous que j’accepte que 64 % de mon budget de fonctionnement soit obéré par les frais de personnel ? La dépense publique en France dépasse de beaucoup celle de l’Allemagne. Nous ne pouvons continuer à traîner des déficits d’une année sur l’autre. À tous les niveaux, nous devons nous remettre en question.

M. Philippe Vigier : C’est vrai, cela fait plaisir d’entendre parler de l’aménagement du territoire. Le pragmatisme et la connaissance du terrain de M. le ministre sont à saluer, et beaucoup de parlementaires, j’en suis persuadé, l’accompagneront dans sa démarche.

Vous avez prouvé votre efficacité récemment, notamment au sujet des AFR qui ne se sont pas rétrécis, au contraire. Le ministère a réellement tenu compte des territoires en difficulté. L’aménagement du territoire, c’est l’équilibre entre la ruralité – avec les « rurbains », les « néo-ruraux » et les ruraux, autant de catégories avec des problématiques différentes – et la ville, avec laquelle la fracture se creuse.

Vous n’avez pas abordé le problème des programmes de développement et de modernisation des itinéraires – PDMI –, alors que nombre d’opérations sont bloquées, inachevées.

S’agissant des contrats de projets, certains aspects des volets territoriaux peuvent être d’une complexité incroyable. Le cahier des charges des appels à projet pour lutter contre la désertification médicale est ainsi infernal. Cette situation est d’autant plus regrettable que l’accès aux soins est l’un des enjeux de l’aménagement du territoire et de la justice sociale entre les citoyens. Je vous demande instamment de donner des instructions très fermes aux préfets de région.

M. Hubert Falco : Il faut préserver un égal accès aux soins, certes, mais à des soins de qualité. Je ne compte plus le nombre de mes concitoyens qui, lorsque j’étais maire rural, me disaient ne pas vouloir être transportés à l’hôpital le plus proche, préférant largement l’hôpital de la ville. Nous devons mettre en place, aussi bien à la ville qu’à la campagne, des plateaux techniques de qualité. Vous savez très bien qu’il ne pourra pas y en avoir à tous les coins du département. Nous devrons mailler le département.

Le rapport Larcher, que j’ai lu avec mes yeux de sénateur, est remarquable. Pour la première fois, voici un rapport qui vient d’en bas.

M. Philippe Vigier : Je n’ai pas dit qu’il fallait maintenir les hôpitaux envers et contre tout, mais je souhaite que se mette en place une communauté hospitalière public-privé. Aujourd’hui, le cahier des charges des maisons médicalisées est intenable. C’est un professionnel de santé qui a travaillé dix ans dans les hôpitaux qui vous parle.

L’aspect « communauté hospitalière » n’est pas pris en charge. Il faudra en tenir compte dans les avenants des contrats de projets.

Donnons des moyens aux futures ARS dans le cadre des contrats de projets. Ces propos sont également valables pour les contrats de site en termes de défense, où les restructurations sont importantes.

S’agissant des aides européennes, comment expliquer les disparités qui existent entre les régions ? L’État a une lecture très restrictive de ces fonds, dont l’interprétation varie de surcroît d’une région à l’autre. Ce qui est possible en région Centre ne l’est pas en Languedoc-Roussillon, et inversement. Et je ne parle pas du dégagement d’office !

Concernant le haut débit, il est évident que, malgré la LME, les zones rurales ne profiteront pas des fibres optiques. Je monte en ce moment un programme en Eure-et-Loir fondé sur les boucles locales radio qui permettent de couvrir le territoire dans des conditions économiques exceptionnelles. Et la préfecture de région nous répond que ce dispositif n’est pas innovant !

S’agissant des PITE, ne croyez pas que seule la Bretagne pose problème. Ma région est touchée par le problème des nitrates et le programme d’interconnexion d’eau coûte 7,5 millions d’euros. Comment faire sans financement ? L’État en est même à nous donner une part de la DGE. De surcroît, les critères de financement des agences de l’eau diffèrent d’une agence à l’autre.

Quant à la fiscalité, l’État devra repenser l’équilibre financier des zones de montagne, des zones fragiles. La fracture ne cesse de se creuser année après année car ceux qui ont le plus reçoivent toujours plus.

M. Hubert Falco : La transversalité est un exercice difficile. Faites-moi confiance, je ferai en sorte que l’aménagement du territoire prenne tout son sens, notamment sur le dossier essentiel de la restructuration Défense. Je ne jouerai pas le rôle du ministre de la Défense, mais bien celui du secrétaire d’État à l’aménagement du territoire.

S’agissant du PDMI, qui concerne plus particulièrement M. Dominique Bussereau, nous travaillons ensemble au MEEDDAT pour mettre en place cette transversalité, en premier lieu dans notre pôle autour de M. Jean-Louis Borloo. Je fais remonter chaque semaine les problèmes routiers que me signalent les élus.

Les fonds FEDER, c’est vrai, ne sont guère lisibles. Je ferai remonter vos remarques.

M. Georges Ginesta : Vous souhaitez que le haut débit soit mieux réparti sur le territoire. Dans certaines régions, la couverture se fait attendre, mais elle peut également se faire attendre dans certains quartiers d’une même ville. En effet, France Télécom, qui est en situation de monopole et oublie parfois qu’elle est aussi un service public, installe le haut débit dans la partie très urbanisée de la ville, là où elle est sûre d’attirer de nombreux clients, mais pas dans les zones industrielles récentes, ce qui nuit au développement des entreprises. Pis, France Télécom conditionne l’installation du haut débit dans ces zones au financement de l’investissement par la commune. Outre que France Télécom ne se préoccupe que de son propre intérêt au détriment de l’aménagement du territoire, elle impose aux communes, dans un contexte de limitation de la dette publique, de dépenser plus dans son seul intérêt. Peut-être conviendrait-il de lui rappeler qu’elle est une société en situation de monopole et que ses décisions ont une incidence sur la croissance.

M. Hubert Falco : Je me suis étonné, à mon arrivée, que l’on se préoccupe de la couverture haut débit du territoire quand 364 communes ne sont pas couvertes par le mobile. France Télécom n’a pas le monopole. J’ai réuni les opérateurs, et il s’avère qu’une bonne gouvernance a sans doute fait défaut. Nous avons rappelé à France Télécom et aux autres opérateurs certaines règles de gouvernance.

M. Jean-Pierre Balligand : La restructuration militaire m’inquiète. Historiquement, des politiques de conversion de bassin ont été bien menées. En l’espèce, c’est un véritable défi que vous devrez relever. Je viens d’un département où l’on sait ce que signifie détruire des villes. Nous n’avons pratiquement pas eu droit à l’industrie car nous étions des terres d’invasion de la France. Nous avons donc reçu toutes les garnisons et l’État, quel que soit le Gouvernement, a détruit les implantations de l’artillerie française – Soissons, Laon. Vous vous apprêtez à détruire Couvron, mais qu’allez-vous faire de l’ancienne base de l’OTAN, qui représente 600 hectares en milieu rural ?

Plus de cinquante villes sont concernées. Pensez-vous vraiment que vous pourrez, avec ces 300 millions d’euros annoncés dans la presse, reconvertir plus de 50 sites et sortir 57 000 personnes des cadres ?

Certains lieux se prêtent plus facilement à la reconversion, notamment quand ils sont attractifs. La responsabilité de l’État est historique en ce qu’il a empêché certains départements de monter des usines d’armement. Quels que soient les gouvernements, l’État ne se préoccupe pas de la reconversion des anciens sites militaires. J’ai vu trois sites disparaître sans recevoir aucune compensation de l’État digne de ce nom. Il sera impératif d’impulser suffisamment de moyens.

M. Hubert Falco : C’est le ministre de la Défense qui met en place cette réforme et j’en serai solidaire. En revanche, je me bats pour que l’ensemble des mesures d’accompagnement soit centralisé au sein d’une administration, la DATAR, afin d’avoir localement une bonne lisibilité, au-delà de l’enveloppe des 300 millions d’euros.

Je travaille étroitement avec les autres ministres. 6 000 emplois devraient être délocalisés, voire davantage. Nous trouverons des solutions département par département, région par région, même si ce sera difficile.

Je me déplacerai sur le terrain, et je serai à l’écoute des élus.

M. Pierre Morel-A-l’Huissier : Monsieur Pierre Dartout, merci de vous être rendu à Fournel au colloque sur la ruralité.

M. Hubert Falco : Je regrette de n’avoir pas pu y assister, mais j’accompagnais le Premier ministre en Algérie. Je vous prie de bien vouloir m’en excuser.

M. Pierre Morel-A-l’Huissier : Je vous en prie.

Je comprends, Monsieur le ministre, que vous parliez d’équilibre, de transversalité, mais je souhaiterais un dispositif plus lisible. Quel est le pilotage réel du secrétariat d’État à l’aménagement du territoire, entre le ministère de l’Intérieur, le MEEDDAT, l’interministérialité, Matignon ?

Quelle est par ailleurs votre vision des crédits affectés globalement à la politique d’aménagement du territoire ?

Les pôles d’excellence rurale ne sont pas la réponse que nous attendons. L’assainissement de l’eau est un souci constant pour les communes rurales. En permanence, l’on nous demande de nous mettre en conformité avec les normes européennes, de mettre en place des réseaux, d’améliorer les captages, d’assainir. Une fois ces obligations remplies, le budget communal est vide, et je ne parle pas de la voirie communale ! Avec quels moyens voulez-vous ensuite que l’on rende nos territoires attractifs ?

Il faudrait revoir les dotations aux communes, améliorer la péréquation, comme l’a proposé le ministre du Budget, M. Éric Woerth, plutôt que d’orienter l’argent vers des PER qui ne répondent pas forcément à nos attentes. C’est vrai, la Lozère compte huit PER, mais cinq vont bientôt en sortir, et trois seront en difficulté.

Concernant les zones de revitalisation rurale, nous avons dû nous battre l’année dernière pour que l’on ne nous supprime pas les exonérations de charges sociales pour les associations d’intérêt général. M. le ministre du Budget prétend que cette mesure coûte cher, mais ce n’est pas un argument. Les ZRR sont en difficulté. Comment instaurer une sorte de discrimination positive au profit des zones rurales en difficulté, notamment celles qui comptent moins de trente habitants au mètre carré, sans parler des zones de montagne ?

S’agissant de la réforme de l’État, je comprends qu’il faille s’adapter à la réalité du territoire actuel, mais à force de tout supprimer, que reste-t-il ? Il devient de plus en plus difficile de maintenir le tissu rural dans nos territoires.

Je souhaiterais également que les conventions interrégionales de massifs soient plus lisibles.

Je suis favorable aux relais de service public – la Lozère en compte un –, à condition que l’administration départementale joue le jeu et accepte de venir dans les territoires.

Quant à l’aménagement numérique, 2011 et 2012 sont des échéances trop tardives. Nos concitoyens ne nous parlent que de l’absence de couverture en haut débit et pour le mobile ! L’ADSL couvre 86 % de mon territoire. 14 % ne le sont pas encore. Entre le WiFi, le Wimax, les fibres optiques, on s’y perd, et je souhaiterais davantage de lisibilité.

Enfin, la DATAR avait lancé le télécentre, qui n’a pas fonctionné. Peut-être faudrait-il reprendre l’idée en améliorant l’accompagnement et l’information.

M. Jean-Claude Flory, Rapporteur spécial : Je remercie à l’avance Mme Malgorn de nous communiquer la future architecture du PITE dès que possible.

Les actions que vous avez citées, notamment la problématique des nitrates en Bretagne, montrent tout l’intérêt du programme, mais toutes celles mises à l’étude présentent-elles le même intérêt ? Il faut s’en tenir aux actions prioritaires pour ne pas diluer l’attention portée au PITE.

Merci, Monsieur le ministre, d’avoir réactualisé l’information relative à la dette exigible du FNADT au 31 décembre 2007 : 85 millions d’euros plutôt que les 120 annoncés voici quelques mois. Il faudra prendre garde à la montée en puissance de nombreuses programmations.

Par ailleurs, pourriez-vous me préciser la provenance d’une partie des 320 millions d’euros affectés à la reconversion des zones Défense ?

M. Hubert Falco : C’est un fonds spécifique, mais d’autres mesures seront prises.

M. Jean-Claude Flory, Rapporteur spécial : Un autre point, qui a été évoqué par nos collègues, est à prendre en compte : la capacité d’ingénierie locale qui permet à certains territoires de répondre à des appels à projet.

À cela s’ajoute le problème de la multiplicité des niveaux d’administration et de décision : communes, communautés de communes, pays, parcs naturels régionaux, départements, régions. Une simplification et une rationalisation s’imposent. Les élus et les acteurs locaux ne s’y retrouvent plus et ne savent pas à qui s’adresser. À partir du moment où l’on a une carte opérationnelle des communautés de communes et qu’elles se révèlent des maîtres d’ouvrage crédibles et des porteurs de projets à l’échelon d’un territoire, on pourrait envisager de les fédérer en pays.

Enfin, la question de l’énergie est encore peu évoquée dans le cadre de la politique des territoires. Elle revêt pourtant une grande importance pour les zones rurales. Si, d’un côté, l’absence de transports en commun mis à la disposition de la population peut avoir un impact sur les comportements individuels, d’un autre côté, la reconversion, la « transition énergétique » comme l’a appelée Jean-Louis Borloo, peut être un atout fabuleux pour les territoires ruraux. De la même manière que l’on a créé des pôles d’excellence rurale, on pourrait créer des pôles d’excellence énergétique. Le développement des éoliennes, de la biomasse et du solaire peut être un gisement de ressources fiscales et d’emplois. Les grands espaces jusque-là improductifs pourraient devenir un atout majeur.

M. Jean Launay : Je citerai, tout d’abord, un exemple qui donne une idée des difficultés rencontrées pour obtenir des crédits européens. Après trois ans de mise à l’étude, un dossier sur ma commune est finalisé le 16 mai pour un montant estimé à 46 000 euros. Il est demandé que le programme soit terminé avant la fin septembre pour que toutes les pièces comptables soient dans le circuit. C’est une illustration de tous les filtres qu’il faut passer pour briguer des aides européennes.

Avez-vous un moyen de pression, monsieur le secrétaire d’État, pour obliger les banques à faire leur travail ? Des projets portés par des partenaires privés dans des pôles d’excellence rurale ont du mal à déboucher parce que les banques ne s’engagent plus sur le terrain avec ceux qui participent à l’aménagement du territoire.

Selon vous, y a-t-il un avenir pour les pays ?

L’ancien ministère de l’Équipement étant maintenant dans le périmètre du MEEDDAT, peut-on espérer voir aboutir un réseau routier cohérent, avec des routes nationales débouchant sur des autoroutes ? Il n’est pas cohérent de laisser certaines routes nationales finir en impasses.

Enfin, je viens de commettre un rapport, qui a été publié lundi, sur la gestion des ressources humaines du MEEDDAT. Vous venez de rejoindre le périmètre de ce ministère. Pouvez-vous m’indiquer combien de personnes travaillent à la DIACT ?

M. Hubert Falco : Comme je l’ai déjà indiqué, le dispositif fiscal pour les ZRR est maintenu – et ce, sans état d’âme, l’objectif étant de permettre la création d’entreprises. On applique la loi : une évaluation aura lieu en 2009. Aujourd’hui, le dispositif fonctionne puisque 8 000 entreprises en ont bénéficié.

La Lozère compte huit pôles d’excellence rurale qui ont bénéficié de 700 000 euros d’argent public. Le préfet a mis en place dès le début un dispositif d’évaluation. Nous poursuivons le programme en reconduisant les crédits au même montant, soit 395 millions d’euros à la charge de l’État.

Cela étant, celui qui ne joue pas sa partition fait mal jouer tout l’orchestre. Il ne faudra pas hésiter à être strict après l’évaluation. Les pôles d’excellence rurale ont trois ans pour se mettre en route et disposent d’une palette de choix très large d’actions, puisqu’elles vont du service public à la protection de l’environnement en passant par le soutien à l’artisanat. Un pôle qui n’a mis en place aucune action n’est pas pardonnable.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier : A choisir entre une dotation complémentaire versée aux collectivités et le PER, je préférerais la première solution. La dénomination « pôle d’excellence rurale » ne confère aucune attractivité nouvelle aux territoires.

M. Hubert Falco : Le PER est une organisation. Vous avez parlé des réseaux d’eau et d’assainissement. Ce sont les agences de l’eau – où siègent des élus – qui portent les projets en ce domaine, avec des financements croisés État-collectivités. Il n’y a pas de crédits de l’État spécifiques pour cela. De nombreux élus en ont assez d’être dirigés d’en haut et souhaitent pouvoir se diriger d’en bas à condition que l’État ne coupe pas les moyens. C’est ce qui est proposé avec les PER.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier : Les agences de l’eau n’ont plus la capacité financière d’aider les communes rurales du fait de la suppression du fonds qui le leur permettait.

M. Hubert Falco : Les crédits du fonds ont été transférés aux collectivités. Il est inscrit dans la loi qu’aucun transfert ne peut être fait s’il n’est pas accompagné de la ressource équivalente.

Le Président Didier Migaud : Les besoins sont tels que cela ne suffit pas, d’autant que les ressources transférées correspondent à celles que l’État y consacrait au moment du transfert.

M. Hubert Falco : Je tiens particulièrement aux contrats de massifs. Ils ne manquent pas de lisibilité et les objectifs sont clairs. En 2008, le taux d’exécution de ces contrats était de 64 %, contre 52 % précédemment dans les contrats de plan. C’est une bonne politique qu’il faut poursuivre.

Vous m’avez interrogé sur le pilotage interministériel de l’aménagement du territoire. Mon secrétariat d’État appartient au pôle MEEDDAT. C’est un avantage car beaucoup de sujets traités dans ce pôle intéressent l’aménagement du territoire, comme les routes et le ferroviaire. Cela étant, ma mission n’est pas simple.

Quant à la lisibilité entre les pouvoirs du Premier ministre, du ministre de tutelle et du secrétariat d’État, c’est la même qu’entre un maire, un adjoint et un conseiller municipal délégué. Bénéficiant de la confiance du Président de la République, du Premier ministre et de mon ministre de tutelle pour mettre en place une politique d’aménagement du territoire, je joue ma partition. La DIACT est sous ma responsabilité. C’est moi qui gère les crédits de l’aménagement du territoire. J’ai une lisibilité totale. D’ailleurs, si tel n’était pas le cas, je ne resterais pas à ce poste. J’ai ma place et j’entends la faire respecter. Je l’ai déjà fait vis-à-vis du ministre de la Défense dans le cadre du plan de restructuration défense. Soyez assurés que je m’emploierai à rendre à l’aménagement du territoire toute sa place.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier : C’est ce que je voulais entendre. Je vous remercie.

M. Hubert Falco : C’est mal me connaître que de penser le contraire.

Je laisse le soin à M. Dartout de répondre à M. Launay au sujet de la DIACT.

M. Pierre Dartout, délégué interministériel à l’aménagement et à la compétitivité des territoires : La DIACT compte à peu près 170 agents, en comptant les services qui sont dans les commissariats de massifs. Ce chiffre est stable depuis plusieurs années. La DIACT dispose des mêmes moyens humains qu’avant. Elle se caractérise par une forte concentration de fonctionnaires de catégorie A + et de contractuels de même niveau, ce qui fait la qualité de cette maison.

M. Hubert Falco : M. Launay a fait part de considérations pleines de bon sens. Il est vrai que, au cours des derniers mois, l’aménagement du territoire n’a pas été une priorité au sein du MEEDDAT. Le Grenelle de l’environnement a occupé le devant de la scène et l’aménagement du territoire manquait de portage politique. C’est pourquoi le Président de la République a souhaité que je m’en occupe pour lui redonner toute sa place. Je reconnais que c’est une partie difficile.

Le Président Didier Migaud : En tout cas, l’aménagement du territoire a eu toute sa place cet après-midi au sein de la commission des Finances.

Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d’État.

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Information relative à la Commission

La Commission a nommé M. Daniel Garrigue Rapporteur sur la proposition de résolution sur les fonds souverains (n° 964).

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