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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mercredi 3 septembre 2008

Séance de 19 heures

Compte rendu n° 114

Présidence de M. Didier Migaud, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Bernard Scemama, président du conseil d’administration de l’Établissement public de financement et de restructuration (EPFR), sur les procédures liées aux contentieux entre le Consortium de réalisation (CDR) et le groupe Bernard Tapie

La commission des Finances, de l’économie générale et du Plan a procédé à l’audition de M. Bernard Scemama, président du conseil d’administration de l’Établissement public de financement et de restructuration – EPFR –, sur les procédures liées aux contentieux entre le Consortium de réalisation – CDR – et le groupe Bernard Tapie

Le Président Didier Migaud : Monsieur Bernard Scemama, vous êtes le président actuel de l’Établissement public de financement et de restructuration, l’EPFR, dont nous parlons depuis ce matin. Je crois d’ailleurs que vous avez écouté nos travaux. Je vous propose, afin d’introduire le débat, que vous nous présentiez en quelques mots la façon dont vous avez été saisi de ce dossier et la façon dont les décisions ont été prises.

M. Bernard Scemama : Je vous remercie de m’inviter à m’exprimer devant vous, ce que je fais très volontiers et très modestement. En effet, contrairement aux personnalités entendues jusqu’à présent aujourd’hui, je suis tout nouveau dans ce dossier : j’ai pris la présidence de l’EPFR il y a moins d’un an, alors que l’arbitrage avait été demandé depuis quelques semaines et qu’il avait déjà fait l’objet de premières discussions.

L’EPFR – je parle sous le contrôle de M. Charles de Courson – se résume à son conseil d’administration. Il ne dispose pas de services pour instruire les dossiers, même si l’Agence des participations de l’État, l’APE, peut apporter son assistance et si une mission de contrôle siège aussi bien à l’EPFR qu’au Consortium de réalisation, le CDR. Ce mode d’organisation procède de la loi du 28 novembre 1995, qui a construit un dispositif à deux étages. L’étage opérationnel, celui de la gestion, est constitué par le CDR, société de cantonnement des actifs du Crédit Lyonnais.

Le Président Didier Migaud. Considérez que, depuis ce matin, nous avons recueilli ces informations.

M. Bernard Scemama. Le second étage, que j’ai l’honneur de représenter aujourd’hui, est celui de la surveillance de la défaisance : la loi a confié à l’EPFR la mission de soutenir financièrement le CDR et de préserver les intérêts financiers de l’État. Le législateur a donc prévu de façon très claire que l’EPFR n’interviendrait pas directement dans la gestion quotidienne du CDR, cela ne s’est pas démenti depuis que je le préside. Il n’a pas pour rôle de gérer les litiges mais uniquement d’exercer une surveillance. Il ne détient en effet ni majorité au sein du conseil d’administration du CDR ni droit de veto sur les décisions de ce dernier.

Le Président Didier Migaud : Ce n’est pas ce qui nous a été expliqué par l’ensemble des personnes auditionnées avant vous. La décision est certes prise par le CDR mais, si le conseil d’administration de l’EPFR s’y oppose, elle n’est pas suivie d’effets, ce qui revient à une sorte de droit de veto. Votre prédécesseur a expliqué que le rôle de surveillance initialement confié à l’EPFR a évolué au fil du temps, car il est appelé en première garantie et il apparaît légitime qu’il donne son point de vue.

M. Bernard Scemama : Ce n’est pas du tout contradictoire : j’ai simplement voulu dire que l’EPFR ne joue pas de rôle dirigeant au sein du CDR.

Le Président Didier Migaud : Si nous avons tous réagi, c’est que vous avez dénié l’existence d’un droit de veto, en contradiction avec les déclarations de l’ensemble des personnes auditionnées depuis ce matin.

M. Charles de Courson : J’en témoigne !

M. Bernard Scemama : Vous m’avez mal compris. Je parlais du rôle de l’EPFR au sein du CDR.

Comment l’EPFR et le CDR sont-ils intervenus dans la procédure d’arbitrage ? Les mandataires-liquidateurs du Groupe Bernard Tapie ont proposé au CDR, le 1er août 2007, la tenue d’un arbitrage en vue d’éteindre tous les contentieux en cours. Le conseil d’administration du CDR a pris connaissance du courrier des mandataires-liquidateurs lors de sa réunion du 12 septembre – n’ayant alors pas encore pris mes fonctions de président de l’EPFR, je n’y siégeais pas. Il a débattu largement de la proposition lors de ses réunions du 18 septembre – la première à laquelle j’ai participé – et du 2 octobre. L’arbitrage a été accepté en deux temps : d’abord, le conseil d’administration ne s’est pas opposé à ce que le président poursuive le travail dans cette direction ; puis, il s’est prononcé en faveur de cet arbitrage, un administrateur s’abstenant.

C’est alors que le CDR a saisi spontanément l’EPFR afin de s’assurer de l’absence d’objection de sa part, s’agissant d’un contentieux à fort enjeu financier aux conséquences supportées par l’EPFR. J’ai alors réuni mon conseil d’administration – M. de Courson y a participé par téléphone –, lequel n’a pas émis d’objection. Les représentants de l’État ont d’ailleurs très clairement indiqué avoir reçu des instructions ministérielles par lesquelles il leur était enjoint de ne pas s’opposer à un tel arbitrage.

Le conseil d’administration de l’EPFR a ensuite attendu d’obtenir des éléments d’information complémentaires, qui lui sont parvenus il y a peu, en juillet : avec la sentence arbitrale, le ciel lui est tombé sur la tête, pardonnez-moi l’expression. L’avis du CDR à propos de cette sentence arbitrale est intervenu au terme de plusieurs réunions : son conseil d’administration, sur la base d’un dossier très étayé, a refusé de déposer en recours en annulation, considérant que celui-ci n’avait aucune chance d’aboutir et que les inconvénients risquaient de surpasser les avantages. Le président du CDR est venu présenter cette délibération devant le conseil d’administration de l’EPFR, lequel a longuement débattu de la question : après avoir entendu les positions défendues par MM. Charles de Courson et Roland du Luart, examiné l’avis formulé par les administrateurs représentant l’État sur instructions de la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, il ne s’est finalement pas opposé à ce que le CDR n’intente pas de recours en annulation.

Tel fut le déroulement des choses. Les uns et les autres peuvent éprouver un sentiment, être animés de convictions, mais il existait un courant très fort, relativement ancien, en faveur d’un arbitrage tendant à clore le dossier Tapie. Ce courant était nourri par la force que l’arrêt rendu par la Cour de cassation semblait donner au CDR. Les avocats du CDR, tous leurs écrits en attestent, étaient persuadés de la solidité de leur position juridique. Le compromis d’arbitrage avait été soigneusement travaillé et les avocats l’ont défendu avec beaucoup de vigueur – je rappelle que les administrateurs du CDR en ont eu communication en séance mais qu’ils n’ont pas pu en conserver d’exemplaire, ce qui les a empêchés de l’étudier en profondeur. Cet arbitrage apparaissait de nature à éteindre toute l’affaire à la fois, en permettant de clore plusieurs dossiers susceptibles d’être défavorables au CDR sur le long terme. C’est ainsi que l’option de l’arbitrage est apparue et s’est renforcée.

Le Président Didier Migaud : Vous affirmez que ce courant en faveur de l’arbitrage était « relativement ancien ».

M. Bernard Scemama : Absolument.

Le Président Didier Migaud : Qu’entendez-vous par là ? Cette opinion ne semble pas partagée par l’ancien président du CDR ; il considère qu’il aurait été possible de laisser libre cours à la justice.

M. Bernard Scemama : Lorsque mon prédécesseur m’a transmis le témoin, l’arbitrage est l’une des premières choses dont il m’a entretenu. Je dois dire que j’ai pris ce dossier par hasard, en été ; l’inspection générale des finances cherchait quelqu’un et il s’est trouvé que j’étais disponible à cet instant…

M. Jérôme Cahuzac : Pas de chance !

M. Bernard Scemama : C’est la vie.

Le Président Didier Migaud : Vous ne nous rassurez pas !

M. Bernard Scemama : Quoi qu’il en soit, même si l’option précise de l’arbitrage n’apparaît pas très clairement dans le dossier, l’idée consistant à trouver une solution non juridictionnelle est ancienne. C’est en tout cas mon sentiment, mais il ne vaut pas plus que cela. Et, quand la décision en faveur de l’arbitrage est intervenue, tout le monde était convaincu que le dossier était suffisamment bordé pour que l’issue soit favorable ou du moins pas trop défavorable au CDR.

M. Charles de Courson : Lorsque le CDR s’est prononcé à propos de l’arbitrage, quel a été votre vote ? Aviez-vous reçu des instructions pour voter dans tel ou tel sens ?

M. Bernard Scemama : Ma réponse sera très simple. La première décision a été prise par consensus : les cinq administrateurs ont donné mandat au président de poursuivre la démarche. La seconde décision a été la plus formalisée. Quoique ne disposant pas de l’historique – c’était quelques jours après mon entrée en fonctions –, au vu de ce que j’avais entendu, en mon âme et conscience, j’ai donné mon accord pour la procédure proposée. Aucun membre du conseil d’administration du CDR n’a d’ailleurs voté contre. Je n’ai reçu aucune instruction.

M. Charles de Courson : Une fois la sentence arbitrale rendue, lorsque le conseil d’administration du CDR s’est prononcé sur l’opportunité d’un recours en annulation, il y a eu trois voix contre et deux voix pour. Dans quel sens avez-vous voté et, là encore, aviez-vous reçu des instructions ?

M. Bernard Scemama : Ma réponse sera tout aussi simple. Lors de cette réunion, j’ai indiqué que je n’envisageais pas de prendre part au vote car je préférais réserver ma position en attendant que l’EPFR se prononce. Au terme de la discussion qui a suivi, j’ai voulu être honnête avec moi-même et ne pas remettre en cause mon vote concernant le choix de l’arbitrage, même si son résultat ne convenait pas, d’autant que je n’étais pas certain qu’un recours en annulation soit susceptible d’aboutir.

Le Président Didier Migaud : En clair, qu’avez-vous fait ?

M. Bernard Scemama : J’y arrive.

Le Président Didier Migaud : Ah !

M. Bernard Scemama : Après avoir hésité, j’ai voté contre le recours en annulation. Je savais que ne pas prendre part au vote ne changerait rien, car un administrateur indépendant s’était déclaré opposé à ce recours et le président, doté d’une voix prépondérante, était du même avis. C’était donc une question d’honnêteté intellectuelle.

M. Charles de Courson : Mais avez-vous reçu des instructions ?

M. Bernard Scemama : Non, mais je connaissais les instructions reçues par les administrateurs représentant l’État.

M. Charles de Courson : Si vous aviez connu à l’avance les conclusions de la sentence arbitrale, auriez-vous voté pour cette procédure ?

M. Bernard Scemama : Il aurait fallu être fou ! Un volet de la sentence me paraît excessif et m’a toujours choqué : celui concernant le préjudice moral. Cela dit, il est toujours difficile de refaire l’histoire. L’arbitrage permettait d’éteindre tous les contentieux et de contrecarrer les exigences extraordinaires de la partie adverse en les ramenant de 7 milliards à un maximum de 300 millions d’euros. Le risque existait car il est impossible de connaître les conclusions d’une procédure judiciaire, comme celles d’une procédure arbitrale. Par conséquent, sous réserve de la clause de préjudice moral, peut-être aurais-je été favorable à l’option de l’arbitrage même si j’avais eu connaissance de la sentence.

M. Charles de Courson : Lorsqu’ils ont été appelés à voter sur l’opportunité d’un recours en annulation, les administrateurs du CDR disposaient-ils des trois notes des avocats ?

M. Bernard Scemama : Oui. Nous ne les avions pas en main mais les avocats nous les ont présentées.

M. Michel Bouvard : Bien que le ciel vous soit « tombé sur la tête » lorsque vous avez pris connaissance de la sentence arbitrale, vous avez admis qu’il n’y avait pas lieu de la remettre en cause, alors qu’au moins deux des avocats consultés par le CDR jugeaient possible d’obtenir son annulation. Jugez-vous votre vote cohérent au regard de votre réaction après avoir appris la sentence ?

Quoique doté d’effectifs administratifs restreints, l’EPFR peut demander assistance à l’APE, vous l’avez dit. Dans ce dossier, à un moment ou un autre, avez-vous sollicité une expertise ou un avis de l’APE concernant le déroulement des procédures ou le risque financier ?

Enfin, comment expliquez-vous que l’EPFR et surtout le CDR aient accepté que le volet du préjudice moral entre dans le cadre de l’arbitrage ? Cela s’est sans doute décidé un peu avant votre arrivée, mais qu’en pensez-vous ?

M. Bernard Scemama : À mon sens, les notes des avocats ne contenaient pas d’éléments permettant de déduire avec certitude que l’annulation était envisageable. Certains avocats prestigieux ont même exprimé des positions différenciées au fil du temps. Du reste, nous nous sommes interrogés sur les conséquences d’une annulation : le CDR s’en sortirait-il mieux ou moins bien ? En ce sens, mon vote a été cohérent.

M. Charles de Courson : Vous me permettrez de ne pas partager votre opinion. Voici ce qu’en a dit le cabinet Célice, Blancpain et Soltner – qui suit l’affaire depuis des années –, appuyé par le cabinet Orrick, Rambaud et Martel : « En conclusion, je considère que le CDR dispose d’un moyen d’annulation qui peut être qualifié de sérieux et qui pourrait d’autant plus emporter la conviction d’un collège de magistrats que l’on est en présence d’une atteinte à l’autorité de la chose jugée par la plus haute autorité judiciaire dans cette affaire, atteinte accompagnée au surplus d’appréciations péremptoires et d’erreurs de fait et de droit dont est par ailleurs émaillée la sentence. » C’est très dur. Les deux autres notes, qui, en conseil d’administration, nous avaient été présentées comme défavorables à tout recours, ne le sont que modérément. Or, vous l’avez confirmé, ce sont les mêmes notes qui vous avaient été présentées au CDR. J’ajoute que les deux administrateurs venant du monde des affaires ont voté pour le recours tandis que les deux représentants de l’État votaient contre.

M. Michel Bouvard : C’est le président du CDR qui a fait la décision.

M. Charles de Courson : Votre prédécesseur, monsieur Scemama, nous a expliqué qu’il s’abstenait toujours, refusant de préjuger de la position de l’EPFR. Même si le scrutin s’était soldé par deux voix contre deux, la voix du président aurait été prépondérante, mais un partage des voix amène toujours à réfléchir. En tout cas, vous ne pouvez affirmer que la sentence vous est tombée sur la tête car son annulation aurait conduit à ce que la procédure reprenne son cours normal, avec l’espoir d’un meilleur résultat.

M. Bernard Scemama : C’est précisément à propos de cet espoir que je n’ai ni certitude ni conviction.

Lorsque la décision d’arbitrage a été prise, je n’ai pas reçu d’analyse de l’APE.

M. Michel Bouvard : Mais avez-vous sollicité son expertise ou son assistance ? Comprenez que nous nous interrogeons sur le fonctionnement des établissements de défaisance en général. L’APE vous fournit-elle de l’expertise ? Vous arrive-t-il de la solliciter ?

M. Bernard Scemama : Oui, très clairement. J’ai justement demandé à l’APE son appréciation concernant le recours en annulation et nous avons eu une séance de travail à ce propos. Ma conviction s’est forgée ainsi.

M. Charles de Courson : L’APE était plutôt favorable à l’arbitrage ?

M. Bernard Scemama : Non, je parlais du recours en annulation. Lorsque l’option de l’arbitrage a été prise, je n’ai pas pu consulter l’APE car le calendrier était trop serré.

Le Président Didier Migaud : Si je comprends bien, pour forger votre point de vue, ce qui semble ne pas avoir été aisé, vous avez organisé une réunion de travail avec l’APE.

M. Bernard Scemama : C’est tout à fait normal : nous avons examiné les différentes possibilités qui s’offraient à nous.

C’est après le choix de l’arbitrage que nous avons découvert le montant demandé au titre du préjudice moral. En effet, le compromis s’est enrichi dans le temps.

Le Président Didier Migaud : Non ! Ce montant figure dans la convention d’arbitrage.

M. Dominique Baert : Dans le compromis initial.

M. Charles de Courson : J’ai participé par téléphone à la réunion du conseil d’administration de l’EPFR du 10 octobre. La convention était sur la table mais personne n’a pu réellement la consulter durant la discussion ; elle n’a été ni laissée aux administrateurs ni annexée au procès-verbal. Cependant, celui-ci fait foi : « M. Rocchi précise également que le montant réclamé par les parties adverses sera plafonné dans le compromis d’arbitrage : 295 millions d’euros pour les liquidateurs du groupe Tapie et 50 millions d’euros au titre d’une demande fondée sur un « préjudice moral » allégué par les époux Tapie. »

M. Jérôme Cahuzac : Je trouve un peu curieuse, monsieur Scemama, votre persistance à vouloir prendre le ciel sur la tête…

Vous pensiez d’abord ne pas prendre part au vote concernant le recours en annulation de la sentence arbitrale, en attendant que l’EPFR émette son avis. Vous avez finalement voté contre ce recours en annulation. Quand avez-vous appris que la ministre avait donné des instructions aux représentants de l’État ? Pouvez-vous m’indiquer si elles étaient écrites ?

M. Bernard Scemama : Je l’ai pratiquement appris durant la séance. Je savais que l’APE avait demandé des instructions au ministre – ce qui est normal dans une telle procédure –, sachant que le conseil d’administration de l’EPFR serait amené à se réunir immédiatement après celui du CDR. Au cours de la séance, l’APE m’a informé que ces instructions étaient intervenues. J’ignore si elles étaient écrites.

M. Dominique Baert : Chacun retiendra que le ciel vous est tombé sur la tête mais maintenant, il va falloir payer, et à très brève échéance, nous venons de l’apprendre. Quand verserez-vous l’argent ? Comment vous financerez-vous ? Disposez-vous de la trésorerie nécessaire ? Sinon, auprès de qui vous approvisionnerez-vous ? À qui remettrez-vous les fonds ?

M. Bernard Scemama : Lorsque l’on est convaincu qu’un dossier est excellent et que rien ne peut arriver mais que la sentence tombe, l’on pense que l’on s’est complètement trompé, que l’affaire a été mal conduite ou que l’on a commis une erreur.

M. Jérôme Cahuzac : Vous avez pourtant répondu à M. de Courson que vous étiez prêt à recommencer.

M. Bernard Scemama : Je répète qu’une procédure judiciaire aurait aussi comporté des risques, la partie adverse réclamant 7 milliards d’euros. En face, une possibilité d’arbitrage existait, sur la base de demandes ramenées d’une certaine façon à la raison, permettant l’extinction de tous les contentieux. L’intérêt de poursuivre une procédure en cours depuis une dizaine d’années sans résultat flagrant faisait question. En répondant ainsi, j’ai seulement voulu illustrer l’extrême difficulté de la situation et le fait que l’issue ne pouvait être connue à l’avance.

La trésorerie actuelle de l’EPFR – 205 millions d’euros, si je ne me trompe – ne lui permet pas de répondre à la fois au paiement des sommes dues à la liquidation Bernard Tapie et aux échéances des emprunts en cours. L’APE a déterminé les meilleures modalités de financement : recourir à un tirage dont dispose l’EPFR auprès du Crédit Lyonnais. Cette option offre plusieurs intérêts. Premièrement, elle sera souple, dans la mesure où la somme pourra être remboursée chaque trimestre, et peu coûteuse, puisque le taux applicable sera celui des emprunts à court terme. Deuxièmement, la mobilisation sera rapide, contrairement à une dotation de l’État, qui aurait supposé une procédure, probablement législative. Troisièmement, elle préservera toutes les possibilités de couverture par l’État. Quatrièmement, elle sera complètement neutre au regard de la dette des administrations publiques, l’APE le confirme.

En tant qu’ordonnateur, l’EPFR écrit au ministre pour lui demander l’autorisation d’emprunter. Une fois son accord reçu, je peux saisir le Crédit Lyonnais pour formaliser l’emprunt. Celui-ci est versé à l’agent comptable de l’EPFR, qui procède ensuite au versement des sommes – logiquement, au profit des liquidateurs du Groupe Bernard Tapie, mais je ne suis pas un spécialiste.

M. Dominique Baert : Quand allez-vous payer et combien ?

M. Bernard Scemama : Le versement devrait avoir lieu le 5 septembre.

M. Jérôme Cahuzac : Vous avez donc déjà demandé à la ministre l’autorisation d’emprunter au Crédit Lyonnais.

M. Bernard Scemama : Bien sûr.

M. Jérôme Cahuzac : À hauteur de quel montant ?

M. Bernard Scemama : De mémoire, il doit s’agir de 153 millions.

M. Dominique Baert : À quel taux rembourserez-vous ?

M. Bernard Scemama. Au taux court terme EONIA, un peu plus de 3 %, c’est-à-dire moins que le taux de la dette.

M. Charles de Courson : Pour être très précis, il s’agit au total d’un acompte de 197 millions. L’EPFR va s’endetter de 152 millions d’euros pour compléter les 45 millions dont dispose le CDR. L’autre solution, que je préconisais, aurait consisté à demander ces 152 millions à la ministre.

Restera ensuite, d’ici à la fin de l’année, la deuxième tranche, qui, à mon avis, devrait atteindre 60 millions environ, sachant que les intérêts et la somme plafonnée ne sont pas pris en compte.

Le Président Didier Migaud : Ne refaisons pas le débat de tout à l’heure.

M. Jérôme Cahuzac : Il faudra donc formuler une nouvelle demande d’endettement à la ministre.

M. Bernard Scemama : À moins qu’une dotation soit accordée.

Le Président Didier Migaud : Compte tenu des raisons que vous avez évoquées, cela semble peu probable.

——fpfp——