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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mardi 27 octobre 2009

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 14

Présidence de M. Didier Migaud Président

– Audition de M. Christian Noyer, Gouverneur de la Banque de France, dans la perspective du renouvellement de son mandat 2

– Informations relatives à la Commission 10

– Présences en réunion 11

M. le président Didier Migaud. Nous accueillons maintenant M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, dont le mandat prend fin dans quelques jours. L’article 13 de la Constitution prévoit que le pouvoir de nomination du Président de la République à certains emplois ou fonctions, dont celui de gouverneur de la Banque de France, s’exerce après avis public des commissions permanentes compétentes des deux assemblées du Parlement. En conséquence, le Premier ministre a informé le président de notre assemblée qu’il souhaitait que l’éventuelle reconduction de M. Christian Noyer à ses fonctions soit précédée d’une audition par les commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat.

Toutefois, la loi organique relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution n’étant pas encore en vigueur, notre audition ne pourra donner lieu à un vote. Elle doit cependant nous permettre d’apprécier le bilan du gouverneur, le projet qu’il souhaite porter au cours d’un nouveau mandat, dans un contexte à la fois troublé, stimulant et même préoccupant. L’organisation de cette audition a été accélérée car le choix du Président de la République ne fait aucun doute et le conseil des ministres devrait statuer demain.

M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France. Monsieur le président, monsieur le Rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie d’avoir organisé cette audition, qui en prolonge d’autres. Il est important que je puisse vous présenter la politique monétaire de l’Eurosystème, répondre à vos questions concernant le diagnostic que la Banque porte sur la situation économique et financière et vous rendre compte de ma gestion de chef d’entreprise à la tête de ce qui reste une grande institution de la République – le principe de responsabilité étant le corollaire de l’indépendance voulue par la loi.

Sur le plan interne, la Banque de France a, au cours des six dernières années, changé profondément. J’ai essayé de convaincre les partenaires sociaux que la recherche du juste coût n’était pas incompatible avec l’exercice de missions de service public, ce qui nous a amenés à modifier nos structures et nos modes de fonctionnement pour les rapprocher de ceux d’une entreprise en menant avec détermination des réformes d’envergure.

La plus emblématique, préparée par mon prédécesseur, aura été la restructuration du réseau des succursales – passées de 211 à 96, auxquelles s’ajoutent une trentaine d’antennes secondaires, soit une diminution de 1 600 emplois –, sans que la qualité du service s’en ressente. Au contraire, la crise financière a montré la pertinence d’une organisation sur une base départementale. Elle nous a permis d’assurer au plus près un traitement optimal des dossiers de médiation de crédit. Il en va de même pour le surendettement puisqu’il existe le plus souvent une commission de surendettement par département. Les gains de productivité ainsi réalisés ont rendu possible l’absorption d’un surcroît d’activité. En regroupant au niveau régional les fonctions de support, nous avons réalisé de forts gains de productivité et gagné en efficacité.

Parallèlement, nous avons poursuivi la modernisation des activités industrielles de fabrication des billets. Le prix de revient entre désormais dans les fourchettes du marché. Cela fait maintenant trois exercices que cette activité est équilibrée en comptabilité industrielle.

J’ai également entrepris de rénover la structure des services centraux de façon à traiter mieux des sujets stratégiques. Ainsi a été créée en 2007 une direction de la stabilité financière chargée d’analyser les risques, en France et dans le monde, afin d’être plus efficace dans les négociations européennes et internationales. Cette force de frappe, plus ramassée, s’est révélée fort utile pendant la crise financière. En 2008, les fonctions statistiques et études-recherche ont été dissociées de façon à mieux traiter des problématiques qui sont en fait assez largement différentes. S’agissant de la recherche, nous avons noué des partenariats avec des universités et des centres performants, avec lesquels nous menons des travaux en commun, telle l’École d’économie de Toulouse. Quant à la direction générale des statistiques, sa restructuration a permis pendant la crise de synthétiser des informations provenant de sources très diverses pour fabriquer des tableaux de bord en temps réel sur les crédits et les marchés, et répondre aux demandes du Gouvernement.

J’ai également souhaité banaliser et moderniser la gestion sociale de la Banque. La première réforme d’ampleur a été la refonte du régime spécial de retraite engagée avant même que l’État n’entreprenne la réforme des régimes spéciaux. Les négociations menées avec les partenaires sociaux ont abouti à un alignement sur le nouveau régime de la fonction publique, avec l’accord de la majorité des organisations syndicales représentant 80 % du personnel.

Simultanément, le régime spécifique d’assurance maladie de la Banque s’est rapproché du régime général et y a finalement été intégré. Nous venons de finir de négocier, comme nous y conviait le législateur, un régime complémentaire d’assurance santé pour lequel nous avons lancé un appel d’offres.

Dans le même temps, les avantages sociaux consentis au personnel ont fait l’objet d’un examen paritaire attentif. Le Parlement nous avait invités à réduire les sommes consacrées aux subventions sociales et nous avons étalé sur trois ans une économie de 15 millions d’euros – sur 80 millions. Une partie de l’économie sera d’ailleurs recyclée dans le cofinancement du régime complémentaire d’assurance maladie. Nous avons cédé nos maisons de retraite et plusieurs centres de vacances. Notre action sociale sera moins coûteuse en restant tout aussi efficace. Le large accord obtenu des organisations syndicales montre que nous avons été compris.

Les modes de gestion de la Banque ont également été rénovés, par exemple en introduisant une culture d’objectif et de résultat dans la politique de rémunération, encore à un niveau relativement modeste et ceci, parallèlement à la démarche de l’État dans le même sens.

Toutes ces réformes ont abouti à une modification très nette du résultat financier de la Banque. Les efforts de productivité, avec une réduction de 2 800 postes de travail en 5 ans, ont permis d’abaisser le point mort – c’est le niveau du taux de refinancement du système bancaire qui permet d’équilibrer nos comptes – à un niveau voisin de celui suggéré par la Cour des comptes. Nous serons à la fin de l’année à 1,03 % pour un objectif de 1 %. Nous en étions encore à 2,5 % en 2003.

Par ailleurs, j’ai restructuré fortement le bilan au niveau tant des réserves de change que des avoirs en euros, dans les limites des règles fixées par l’Eurosystème. Et nous avons développé la valorisation de services rendus à la place ou à des banques centrales étrangères, qui ont fortement augmenté.

Au total, le résultat financier a augmenté fortement et nous avons pu sécuriser en partie le résultat de la Banque, alors même que nous sommes en période de taux d’intérêt très faibles. Ce résultat a atteint l’an dernier 4 milliards d’euros avant impôt – il était quasi nul il y a six ans –, et devrait se maintenir en 2009. Il faut y voir le résultat de gains de productivité substantiels consécutifs à nos efforts de modernisation et de maîtrise des charges, qui nous ont permis de répondre efficacement aux sollicitations nées de la crise.

Notre système financier sort renforcé de la crise et, au sein de l’Eurosystème, la Banque a beaucoup pesé sur les orientations stratégiques indispensables pour résister aux effets de la crise. C’est ainsi qu’a été acquis l’élargissement du collatéral, c'est-à-dire de la garantie de nos opérations de politique monétaire, par une diminution du niveau minimum de la notation du papier pris en garantie. Parallèlement, pour encourager les banques à maintenir leur politique de crédit au bénéfice de l’économie, la Banque de France a élargi le périmètre des crédits à l’économie acceptés à titre de collatéral. Nous avons modifié complètement les procédures de financement. Nous faisons aujourd'hui des opérations à taux fixe et refinancement illimité, ce qui a permis de desserrer l’étranglement de la liquidité sur le marché monétaire.

Nous avons prêté main-forte à l’État quand il est intervenu en faveur du financement à moyen terme des entreprises en créant la SFEF. Nous avons géré pour son compte le dispositif de mobilisation de créances en garantie de ses concours. Le mécanisme a permis d’obtenir, dans le cadre des règles européennes, des financements moins chers et d’offrir ainsi de meilleures conditions aux entreprises. Tout le travail que nous avons accompli depuis des années pour entretenir et moderniser notre propre système de notation d’entreprises, notamment des PME, a prouvé son utilité pendant la crise.

Par ailleurs, la Banque de France a joué un rôle important dans la définition de la politique d’achat d’obligations sécurisées, qui prend aujourd'hui le relais de l’intervention des États et a fait redémarrer ce compartiment important du financement du système bancaire.

Nous avons beaucoup développé pendant la crise une activité qui est une singularité dans la zone euro, c'est-à-dire nos opérations de marché tantôt pour compte propre, tantôt pour le compte d’autres banques centrales. Nous avons ainsi pu réorienter vers le système financier français des liquidités importantes, en euros ou en devises.

Nous avons beaucoup œuvré également à la confection d’infrastructures destinées aux opérations communes à l’Eurosystème. Nous avons ainsi été le chef de file de TARGET 2, qui assure l’interconnexion française à la plate-forme unique de règlement-livraison de titres dans la zone euro. Et nous participons à d’autres projets.

Parmi les défis qui attendent la Banque et que j’aimerais relever, figurent les négociations européennes et internationales pour refondre la réglementation financière et revoir la supervision bancaire. Il faudra également participer à la mise en place du Conseil européen du risque systémique, au développement du Conseil de stabilité financière où nous occupons une place importante et présidons de nombreux groupes de travail. Un autre chantier important sera, si le Parlement décide de l’ouvrir, la création d’une instance unique de supervision des banques et des assurances, adossée à la Banque de France. La fusion des équipes de contrôle sera dans les prochains mois une priorité qui nous demandera beaucoup de travail.

À moyen terme, nous serons confrontés en interne à un choc démographique important puisque, dans le courant des années 2010, la Banque verra partir à la retraite près du tiers de ses effectifs. L’échéance a été repoussée du fait de la réforme du régime de retraite. Cela sera l’occasion de concrétiser nos gains de productivité mais suppose une gestion prévisionnelle des emplois très active en termes qualitatifs comme quantitatifs. Il s’agit là d’un phénomène structurant pour notre gestion, en particulier pour notre réseau et le traitement de la monnaie fiduciaire. Sur le premier point, il faudra, sur la base du format que nous avons retenu, continuer à moderniser. Sur le second, il faudra s’adapter au fil de l’eau. Les guichets reçoivent et trient chaque année 7 milliards de coupures mais, cette année, j’ai encore fermé cinq centres de monnaie fiduciaire dont l’activité était devenue insuffisante. La fabrication des billets devra continuer à être gérée selon les critères du management d’entreprise et nous aurons certainement à prendre des décisions importantes d’investissement. Nous continuerons sans hâte, mais avec détermination, à concentrer notre force de travail sur les tâches à haute valeur ajoutée, c'est-à-dire sur les services rendus à la collectivité, en externalisant les fonctions de support que nous ne savons pas rendre à un bon coût.

M. le rapporteur général Gilles Carrez. Je me souviens de l’une des dernières auditions de votre prédécesseur quand le projet de restructuration du réseau n’était pas encore lancé. Je me rappelle aussi, s’agissant des retraites et différents avantages sociaux, une proposition de loi de Jean Arthuis. Pour ce qui est du fonctionnement interne, les résultats sont à la hauteur des objectifs. Pourriez-vous nous préciser l’impact de ces gains de productivité sur les dividendes versés à l’État pendant ces six années ?

Pendant ces années, comment a évolué le travail de la Commission bancaire – elle est adossée à la Banque de France – qui avait été mise sur la sellette lors des difficultés du Crédit lyonnais ? Cette fois-ci, lors du surgissement de la crise, la Commission bancaire a, semble-t-il, bien apprécié les choses. Comment doit-elle évoluer dans la perspective de son regroupement avec l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, l’ACAM ?

La Banque de France a été très réactive face à la crise. Elle a joué un rôle très constructif dans les montages décidés à l’automne dernier. La SFEF, et le refinancement des banques par son intermédiaire, a été un bon choix, de même que l’élargissement des collatéraux. Même s’il est difficile d’apprécier le rôle propre de la Banque de France à cause du pilotage du ministère des finances, elle a été au cœur du dispositif.

Enfin, la contribution financière des banques à leur supervision, assurée jusqu’ici gratuitement par la Commission bancaire, se traduira-t-elle par une augmentation du dividende de la Banque de France ? Et ne faut-il pas aller plus loin en demandant une contribution pérenne aux établissements en contrepartie des garanties que l’État leur a apportées gratuitement lui aussi : garantie sur les dépôts et prise en charge du risque systémique ?

En conclusion, les objectifs qui vous avaient été assignés, monsieur le gouverneur, et qui étaient très centrés sur les gains de productivité et l’évolution du statut, ont été tenus.

M. le président Didier Migaud. Comme je ne doute pas que vous serez reconduit, monsieur le gouverneur, je réserve mes questions sur la régulation bancaire pour la discussion du projet de loi annoncé par Mme Lagarde.

La Banque centrale européenne a revu plutôt à la hausse ses dernières prévisions, mais quelques indicateurs avancés sont moins optimistes. Comment analysez-vous la situation ? Et vous n’avez rien dit de la politique monétaire ni de la politique de taux de change, qui sont du ressort de la BCE, mais vous y siégez. Comment appréciez-vous la situation monétaire, la dépréciation du dollar et les politiques monétaires accommodantes des États-Unis et de la Chine ?

M. Charles de Courson. Vous avez un bon bilan, monsieur le gouverneur. La Vieille dame, comme on appelait la Banque de France, avait vraiment besoin d’être modernisée. Et vous avez agi sans faire de casse. Vous avez beaucoup aidé à mettre en place des dispositifs qui se sont révélés a posteriori adaptés à la crise. Il faut dire que la situation des banques en France était bien meilleure qu’au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Cela étant, il y a une faiblesse dans votre bilan, même si elle ne vous est pas vraiment imputable, c’est le contrôle bancaire. Au moment de l’affaire de la Société Générale, il y avait de quoi être saisi d’effroi en entendant des grands patrons avouer qu’ils ne savaient pas très bien ce qui se passait dans leurs salles de marché, et qu’ils ne s’en préoccupaient pas tant qu’elles faisaient du profit : elles assuraient 20 %, 30 %, jusqu’à 45 % de leur bénéfice. Alors, faut-il faire de la Banque de France un véritable contrôleur, capable d’aller au fond des choses ? Ce n’est pas le personnel qui vous manque et vous disposez de vraies compétences.

Que pensez-vous enfin de la promesse de Mme Lagarde de faire payer aux banques la garantie des dépôts et du risque systémique, principe qui fait ici l’unanimité ?

M. Daniel Garrigue. Quel est l’état de santé des banques françaises par rapport à leurs concurrentes européennes ? Que donnent les stress tests ? Faut-il les rendre publics ? Et laisser la main aux autorités nationales qui risquent d’être tentées de masquer la situation de tel ou tel établissement de leur ressort ? Le Conseil de stabilité financière a-t-il, comme le G20 de Londres le lui avait demandé, dressé une liste des paradis financiers ?

M. Hervé Mariton. Les auditions menées en 2007 ne nous ont pas permis d’apprécier correctement la situation financière et la Banque de France n’a pas contribué à dissiper les incompréhensions. Quel mode de relation instaurer avec notre commission pour que, dans de telles situations, la représentation nationale soit mieux informée ?

Dans le prolongement de la question de Charles de Courson, le régime actuel de garantie des dépôts est apparemment corporatiste. Serait-il préférable de faire gérer ce fonds directement par la Banque de France ? À quel niveau le fixer ? Et qu’a-t-il vocation à garantir ?

M. Yves Censi. Je vous félicite, monsieur le gouverneur, pour la réorganisation que vous avez menée dans la discrétion et avec efficacité, pour le rôle que la Banque de France a joué après la chute de Lehman Brothers’ et les propositions qu’a faites la ministre de l’économie à Washington.

Le président Migaud a fait allusion au prochain projet de loi sur la régulation bancaire. Comment la Banque de France peut-elle contribuer à la lutte contre la myopie financière, qui s’est révélée un véritable fléau ?

M. Marc Francina. Une question plus terre à terre. Où en êtes-vous de la vente des succursales qui ont été fermées ? Les estimations qui ont été faites ne sont-elles pas trop élevées ?

M. Jean-Louis Dumont. J’ai été nommé au Comité immobilier de l’État et je regrette, pour les petites communes où étaient implantées des succursales de la Banque de France, qu’on n’ait pas obligé la Banque de France à leur céder, comme a dû le faire le ministère de la Défense, certains immeubles invendables, y compris pour un euro symbolique. Vos immeubles ont peut-être été vendus à des promoteurs privés, mais ce ne sont que des friches au cœur des villes. Quand elles appartiennent au ministère de la Défense, on réagit et on obtient satisfaction. Pas quand il s’agit de la Banque de France.

M. Christian Noyer. S’agissant de l’impact des gains de productivité sur le dividende, si l’on revient à l’année 2003, le résultat était proche de 0 mais les circonstances avaient leur part. L’année dernière, nous avons dégagé environ 4 milliards d’euros avant impôt, payé près de 1,5 milliard d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés et près d’1,9 milliard d’euros de dividende. Le solde représente essentiellement le provisionnement progressif des engagements au titre des retraites. Nous sommes convenus avec l’État d’une nouvelle répartition des bénéfices. Chaque année, nous provisionnons intégralement les charges de retraite afférentes à l’exercice écoulé – à peu près 125 millions d’euros par an – et progressivement, en fonction des résultats, les engagements passés. Nous avons rattrapé un peu plus de 50 % de ce passif social pour un engagement total d’un peu moins de 10 milliards d’euros. Dans moins d’une décennie, nous devrions avoir comblé notre retard, comme je m’y étais engagé devant votre commission.

En ce qui concerne le contrôle bancaire, le secrétariat général de la Commission bancaire est géré comme une direction générale de la Banque de France, mais il travaille sous l’autorité de la Commission bancaire dont la composition et les missions sont déterminées par la loi. Son président ne représente qu’une voix parmi d’autres. L’intégration forte à la banque centrale a été un atout considérable. Je considère que la séparation totale qui prévalait au Royaume-Uni est l’une des principales explications du drame de Northern Rock parce que les informations détenues de part et d’autre n’ont pas été croisées. Elles auraient dû l’être, mais, quand on n’est pas de la même maison, la coopération est plus difficile. Notre capacité à synthétiser les renseignements sur la liquidité des marchés, les conditions de refinancement des établissements et ceux de la supervision bancaire nous a considérablement aidés. Nous avons pu ainsi aiguiller la BCE en identifiant les situations de blocage et leurs causes. Aucun des pays où la supervision était adossée à la banque centrale n’a connu les mêmes difficultés que ceux où elles étaient séparées. Beaucoup de pays sont en train d’en tirer les conséquences. Et s’il y a une chose que j’ai demandée à Mme Lagarde, c’est bien de maintenir, pour la supervision, un lien très fort avec la Banque de France.

Cela ne veut pas dire que nous n’ayons pas commis d’erreur. Il faut rester humble s’agissant d’une activité extrêmement difficile. On ne peut pas mettre un contrôleur derrière chaque trader, mais, ces dernières années, nous avons réformé profondément, avec l’appui du Gouvernement, le contrôle interne des établissements, surtout depuis deux ans, après l’épisode de la Société Générale. Toutes les banques françaises ont désormais des dispositifs de surveillance plus résilients. Mais il est difficile de parer à toutes les défaillances humaines. Je rappelle tout de même qu’à la Société Générale, certains clignotants se sont allumés. Mais les hommes n’ont pas donné suite aux alertes. Nous veillons à ce que les systèmes de contrôle interne multiplient les alertes à des niveaux différents, y compris auprès des structures collégiales. Notre principale réponse, c’est de déclencher des alertes directes au conseil d’administration et au comité d’audit, sans oublier la Commission bancaire. Je ne peux pas garantir non plus qu’il n’y aura jamais aucune défaillance. Il faudra toujours veiller au bon fonctionnement et au perfectionnement du dispositif.

Quant à la contribution des banques, c’est une bonne chose de faire financer par une taxe le coût de la supervision. La pratique se répand d’ailleurs dans le monde. Après fusion du secrétariat général de la commission bancaire et du comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement chargé de l’agrément et de l’état civil, la recette annuelle devrait tourner entre 150 et 160 millions d’euros. Cette somme représentera un supplément de résultat, qui sera, pour l’essentiel, reversé à l’État, sous forme d’impôt sur les sociétés et de dividende.

Par ailleurs, il est normal que les banques participent au coût de la couverture des risques que leurs activités génèrent. Aujourd'hui, il s’agit avant tout du système de garantie des dépôts – à hauteur de 70 000 euros par personne mais ce plafond devrait être porté à 100 000 euros dans un cadre européen. Il est chez nous beaucoup plus formalisé et réglementé que dans bien des pays. Il s’agit certes d’un système de droit privé, mais il est organisé par la réglementation qui prévoit que la Commission bancaire a le droit de l’actionner non seulement à titre curatif, mais aussi dans une optique préventive – en le faisant contribuer à une action de restructuration. Ses réserves doivent atteindre 1,6 milliard d’euros. Et si le Gouvernement et le Parlement souhaitent que les banques contribuent davantage, compte tenu du soutien qu’elles peuvent obtenir de l’État, la meilleure façon de défendre le contribuable, c’est de les faire abonder le système de garantie. Doit-il être géré directement par la Banque de France ? La question reste ouverte, mais j’estime qu’il est possible de le faire contribuer à des opérations de restructuration qui seraient organisées par le superviseur en accord avec l’État. Dans certains pays, les fonds sont déposés à la banque centrale. Je n’ai pas aujourd'hui d’opinion tranchée, sinon qu’il faut que ce fonds soit bien doté et qu’il puisse agir aussi de manière préventive.

Je reviens sur le contrôle bancaire. Tout en étant prêt à prendre notre part de responsabilité dans ce qui s’est passé, je souligne que le secrétariat général de la Commission bancaire était considéré, avant la crise, comme un superviseur tatillon, exigeant toujours plus de fonds propres que les autres. Nous étions l’empêcheur de tourner en rond. Ce reproche ne nous est plus adressé aujourd’hui. Nous pouvons sûrement faire mieux, mais tous les groupes dont nous exercions la supervision centrale et consolidée – Dexia est un cas particulier puisque nous ne voyions que l’unité française –, ont évité les drames majeurs. L’affaire de la Société Générale n’était pas liée aux produits toxiques. Nous avons prouvé notre efficacité, même si la crise nous incite à redoubler d’efforts.

Les effectifs ont beaucoup augmenté : en une dizaine d’années, ils ont doublé, pour atteindre 600 personnes aujourd'hui. Nous avons développé une cellule scientifique, capable d’évaluer les modèles internes qui sont très complexes. Nous devrons certainement continuer à investir dans ce domaine, ce qui aura des incidences financières car ceux qui y travaillent pourraient gagner bien davantage dans le privé. Même si l’argent n’est pas la seule motivation, il faut faire attention aux rémunérations proposées. Le problème existe d’ailleurs dans tous les pays.

La France et l’Allemagne sont sorties de la récession au deuxième trimestre. Nos prévisions pour les deux trimestres suivants anticipent une activité positive, de l’ordre de celle du deuxième trimestre. Pour l’année prochaine, nous sommes proches du consensus des économistes qui table sur 1,2 % de croissance en moyenne pour la France, et 1,1 % pour la zone euro. Après la sortie de la récession, on peut craindre que le potentiel de croissance soit affaibli à cause de la chute de l’investissement et de la forte augmentation du chômage. Les déplacements de main-d’œuvre d’une activité à l’autre, le temps mis pour retrouver un emploi peuvent faire reculer la productivité du travail. Et des incertitudes pèsent sur la consommation des ménages. Nous risquons d’enregistrer une croissance plus faible que ces dernières années, d’où la nécessité absolue de reconstituer le potentiel de croissance en faisant un effort particulier de recherche-développement branchée directement sur l’activité économique et par des réformes structurelles pour améliorer la mobilité des facteurs de production.

En ce qui concerne la politique de taux de change, les problèmes viennent de l’affaiblissement du dollar et de la livre sterling. Pour les autres devises, sur les dix-huit derniers mois, il n’y a pas de mouvement anormal et on enregistre même, par rapport à l’euro, une appréciation du dollar australien, du dollar canadien, du dollar néo-zélandais, du yen, du real brésilien, du won coréen, du zloty polonais, du franc suisse, des couronnes suédoise et norvégienne. Si on prend le taux effectif pondéré de l’euro, il n’est que très légèrement supérieur à sa moyenne de long terme. Il n’empêche que ces variations très fortes, à cause de l’anomalie que constitue l’ancrage du renminbi au dollar américain, sont préoccupantes pour l’ensemble du G7.

S’agissant du Conseil de stabilité financière et de la situation d’ensemble du système bancaire, je continue à considérer que les banques françaises sont dans une bonne situation. Les stress tests, nous en faisons régulièrement, mais nous ne les publions pas car il s’agit d’un mode normal de vérification de la santé des établissements. Quant au stress test européen effectué entre juillet et septembre – et que l’Écofin a décidé de ne pas publier –, les banques françaises l’ont passé haut la main.

Le Conseil de stabilité financière n’a pas établi sa liste de paradis financiers, mais il le fera sûrement à brève échéance.

Les bâtiments des succursales que nous avons fermées ont été proposés aux communes ou aux autres collectivités à des prix correspondant à l’estimation des domaines, conformément à nos engagements. La Banque de France a un patrimoine propre et elle ne peut pas en disposer à un prix qui ne serait pas normal. Ce serait un abus de bien social de notre part. Dans quelques cas, nous avons accepté un prix légèrement inférieur à celui des domaines après une seconde expertise concluant que le premier prix était un peu élevé. Nous continuerons à agir ainsi. Nous avons également réduit notre parc immobilier locatif en cédant des immeubles où le personnel n’était plus majoritaire, l’intérêt principal du parc restant consistant à faciliter la mobilité des agents entre Paris et la province.

M. le président Didier Migaud. Monsieur le gouverneur, merci et à bientôt.

*

* *

Informations relatives à la Commission

La Commission a reçu, en application de l’article 12 de la LOLF :

– un projet de décret portant transfert

*d’un crédit de titre 2 de 162 743 447 € correspondant à 3 155 équivalents temps plein travaillés (ETPT) depuis le programme 135 Développement et amélioration de l‘offre de logement vers le programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire de la mission Écologie, développement et aménagement durables ;

* d’un crédit de 136 447 € en autorisations d’engagement et en crédits de paiement en moyens de fonctionnement depuis le programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire vers le programme 148 Fonction publique de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines.

Ces transferts doivent permettre d’assurer :

1.– la rémunération des agents contribuant à la mise en œuvre des politiques publiques relevant de la mission ville et logement. La gestion de la masse salariale et des emplois imputés sur le programme 135 Développement et amélioration de l’offre de logement est assurée par les services administratifs du ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer. Un transfert des crédits de rémunération et des ETPT est donc affecté du programme 135 vers le programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire de la mission Écologie, développement et aménagements durables. Ce mouvement d’un montant de 162 743 447 € en autorisations d’engagement et en crédits de paiement est destiné à permettre la rémunération des 3 155 emplois transférés du programme 135 au programme 217. Les effectifs concernés exercent leurs fonctions en administration centrale (direction générale de l’aménagement, du logement de la nature et délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain) et en services déconcentrés.

2.– les recrutements d’attachés d’administration par la voie des instituts régionaux d’administration (IRA) pour l’année 2010. Chaque ministère définit, en lien avec la direction générale de l’administration et de la fonction publique, le nombre d’attachés d’administration dont il aura besoin en N+1. En fonction des prévisions de recrutement, le ministère participe au financement de la formation des élèves en institut régional d’administration. Le ministère en charge de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer a prévu un recrutement de 50 attachés d’administration généralistes, 1 inspecteur des affaires maritimes et 4 attachés analystes en 2010. Un transfert de 136 447 € est ainsi proposé du programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire vers le programme 148 Fonction publique de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines.

– un projet de décret portant transfert de crédits d’un montant de 3 793 651 € en autorisations d’engagement (AE) et 748 728 € en crédits de paiement (CP) à destination du programme 176 Police nationale en provenance du programme 215 Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture pour ; 1 296 592 € en AE et 200 000 € en CP et du programme 302 Facilitation et sécurisation des échanges pour 2 497 059 € en AE et 548 728 € en CP ; Ce transfert intervient dans le cadre de la création d’un poste de contrôle frontalier en Guyane qui fait suite à un accord signé en 2005 entre la France et le Brésil et qui prévoit la construction d’un pont reliant le Brésil et la Guyane dont l’inauguration est fixée en octobre 2010

– un projet de décret portant transfert de 55 équivalents temps plein travaillés (ETPT) et de crédits à hauteur de 4 218 296 €. Le transfert est à destination du programme Coordination du travail gouvernemental de la mission Direction de l’action du Gouvernement et provient de 20 programmes. L’objectif de ce transfert est d’assurer la prise en charge par les services du Premier ministre d’une part des nouvelles structures créées après la loi de finances pour 2009, et d’autre part du conseil de la création artistique. Les nouvelles structures comprennent le ministère chargé de la mise en œuvre du plan de relance, le Commissariat à la diversité et l’égalité des chances, le haut-commissariat à la jeunesse, l’Union pour la Méditerranée, le conseil culturel de la Méditerranée et le conseil de la création artistique. Le projet de décret de transfert pour ces structures correspond à 55 ETPT et 4 218 296 €€, dont 4 022 296 € en titre 2 ;

– un projet de décret qui vise à transférer 212 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 172 millions de crédits de paiement du programme 316 Soutien exceptionnel à l’activité économique et à l’emploi de la mission Plan de relance de l’économie d’une part sur le programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi de la mission Travail et emploi et d’autre part sur le programme 218 Conduite et pilotage des politiques économique et financière de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines. Ces crédits sont transférés à hauteur de 209 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 169 millions de crédits de paiement sur le programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi. Ils sont destinés à financer les mesures en faveur du chômage partiel, prises dans le cadre du plan de relance, pour revaloriser l’allocation spécifique de chômage partiel et augmenter le contingent annuel d’heures indemnisables. Ce transfert, qui tient compte de la très forte augmentation des demandes de prise en charge enregistrées par les directions départementales, complète un précédent transfert (décret n° 2009-778 du 23 juin 2009) ayant abondé de 100 millions d’euros (en AE et en CP) la dotation de 39 millions d’euros ouverte en LFE 2009. Quant au transfert sur le programme 218 Conduite et pilotage des politiques économique et financière, il a pour objet d’assurer le financement de mesures de valorisation, auprès des publics bénéficiaires, des dispositifs en faveur de l’emploi mis en œuvre dans le cadre du plan de relance.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 27 octobre 2009 à 14 heures

Présents. - M. Dominique Baert, M. Michel Bouvard, M. Thierry Carcenac, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Jérôme Chartier, M. Charles de Courson, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, M. Marc Francina, M. Daniel Garrigue, M. Georges Ginesta, M. Marc Goua, M. François Goulard, M. Jean-Louis Idiart, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Patrick Lemasle, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Jean-Claude Mathis, M. Didier Migaud, M. Henri Nayrou, M. Michel Sapin, M. Philippe Vigier

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Jean-Pierre Brard, M. Victorin Lurel

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