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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mardi 3 novembre 2009

Séance de 12 heures

Compte rendu n° 25

Présidence de M. Didier Migaud Président puis de M.  Yves Censi vice-Président

–  Examen, pour avis, d’un décret d’avance et d’annulation en application de l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances (M. Gilles Carrez, Rapporteur général) 2

–  Information relative à la Commission 6

–  Présences en réunion 6

La Commission examine une proposition d’avis, présentée par M. Gilles Carrez, Rapporteur général, sur un projet de décret portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance, en application de l’article 13 de la loi organique n° 2001-692 relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF).

M. Yves Censi, Président. Nous examinons une proposition d’avis présentée par M. le Rapporteur général sur un projet de décret d’avance portant ouverture de 406,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 327,6 millions d’euros en crédits de paiement sur le budget général et de 250 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) sur le compte de concours financiers Avances au fond d’aide à l’acquisition de véhicules propres.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général. Ce projet de décret d’avance, le deuxième de l’année 2009, ouvre et annule 250 millions d’euros de crédits sur le compte spécial Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres, qui porte le dispositif de « bonus-malus » et 406,1 millions d’euros d’AE et 327,6 millions d’euros de CP sur cinq missions et sept programmes du budget général.

Sur le budget général, les ouvertures de crédits visent, pour la plupart, à faire face à des problèmes habituels à ce stade de l’année. En premier lieu, 227,8 millions d’euros concernent les opérations extérieures de la Défense (OPEX). En dépit de l’accroissement de la provision constituée en loi de finances initiale (510 millions d’euros en 2009), les dépenses liées aux OPEX ne cessent d’augmenter, atteignant près de 873 millions d’euros cette année. Cette ouverture de crédits est compensée par des annulations à due concurrence sur le programme Équipement des forces. Toutefois, ce gage est susceptible de s’avérer purement fictif, dès lors que les crédits annulés risquent d’être rétablis dans le collectif budgétaire de fin d’année. C’est alors le budget général dans son ensemble qui financerait les OPEX, tandis que le volume des crédits militaires reportés d’un exercice sur l’autre augmenterait de nouveau.

La prise en charge des demandeurs d’asile, pour laquelle le décret ouvre 70,1 millions d’euros d’AE et 60,4 millions d’euros de CP, constitue également une difficulté récurrente. Il s’agit de couvrir deux types de dépense : l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile hors centres d’accueil et l’allocation temporaire d’attente (ATA). Au total, ces deux dispositifs coûteraient près de 136 millions d’euros en 2009, à comparer à 60 millions d’euros prévus dans la loi de finances initiale. Ce surcoût s’explique par un double effet : une augmentation des flux de demandeurs d’asile ; un allongement des délais de traitement des dossiers par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), délais qui ont atteint au premier semestre respectivement 121 jours et 465 jours en moyenne. Le nombre de bénéficiaires de l’ATA en 2009 est supérieur à 16 000, soit plus du double des prévisions initiales. Quant aux places d’hébergement d’urgence à financer, elles s’élèvent à plus de 9 500, au lieu de 2 700 prévues dans la loi de finances initiale.

Par ailleurs, le décret d’avance ouvre des crédits sur la mission Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales à un double titre : le traitement des conséquences sanitaires d’une pollution environnementale survenue dans le département de la Loire en août 2008 (8,4 millions d’euros d’AE et de CP) ; la poursuite du soutien à la filière bois dans le cadre de la prise en charge des conséquences de la tempête Klaus de janvier 2009 (43,8 millions d’euros d’AE).

L’organisation de la campagne de vaccination contre la grippe A nécessite, quant à elle, une ouverture de crédits de 25 millions d’euros sur le programme Coordination des moyens de secours, qui a déjà bénéficié de 15 millions d’euros versés depuis la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles par décret du 21 octobre dernier. Le coût global de la grippe A est considérable puisque, sans même évoquer les effets indirects sur la vie économique, on estime à plus d’un milliard d’euros les dépenses liées à cette pandémie, charge à répartir entre l’assurance maladie et l’État. S’y ajoutent les frais supportés par les collectivités territoriales, par exemple pour acquérir des masques de protection.

Dernière ouverture sur le budget général prévue dans le décret, les AE du programme Presse seraient majorées de 25 millions d’euros, afin de compléter le financement de l’aide exceptionnelle en faveur des diffuseurs de presse. Cette aide s’inscrit dans l’ensemble de mesures annoncées en janvier 2009 à l’issue des états généraux de la presse écrite. Les crédits viennent s’ajouter aux 150,8 millions d’euros d’AE et de CP déjà ouverts par la loi de finances rectificative du 20 avril 2009. Comme souvent avec ce type de dispositif, le coût de l’aide a été initialement sous-évalué, faute de définition précise des diffuseurs de presse susceptibles d’en bénéficier. Alors que cette aide devait concerner environ 7 000 diffuseurs de presse (soit une enveloppe de crédits de 27,6 millions d’euros), environ 14 500 bénéficiaires apparaissent aujourd’hui éligibles. C’est, une fois de plus, la preuve des insuffisances des évaluations préalables.

Ces différentes ouvertures de crédits sur le budget général sont strictement compensées par des annulations d’AE et de CP sur 22 missions et 42 programmes du budget général. Les crédits annulés ne sont pas majoritairement des crédits figurant dans la réserve de précaution, mais plutôt des crédits devenus « sans objet » en cette fin de gestion budgétaire. On doit regretter que l’« auto-financement » par les missions ou ministères bénéficiaires d’ouvertures de crédits soit très insuffisamment pratiqué, a fortiori si le ministère de la Défense obtient, dans la prochaine loi de finances rectificative, la réouverture des crédits d’équipement annulés par le décret.

Enfin, 250 millions d’euros de crédits supplémentaires seraient ouverts au titre du « bonus » automobile. Il faut rappeler que la prévision budgétaire relative au compte Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres s’était déjà montrée gravement défaillante en 2008 : alors qu’il était censé être équilibré, le bonus-malus s’était soldé par un déficit de 214 millions d’euros. En 2009, les dépenses excèdent largement les prévisions, en raison notamment de l’impact de la « prime à la casse » décidée dans le cadre du plan de relance de l’économie. Les ouvertures de crédits correspondantes sont compensées par des annulations de 250 millions d’euros de crédits prévus au titre des prêts à la filière automobile du compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés. Toutefois, comme il faut également s’attendre cette année à de sérieuses moins-values de recettes apportées par le « malus » automobile, l’équilibre budgétaire devrait être dégradé en exécution : le compte Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres pourrait être déficitaire de près de 530 millions d’euros, alors que la loi de finances initiale tablait sur un déficit limité à 161 millions d’euros. Pour 2010, il est également très probable que les recettes tirées du « malus » se révèleront inférieures au montant attendu (213 millions d’euros). L’expérience de 2008 et 2009 montre que le bonus-malus automobile, faussement présenté comme un dispositif ayant vocation à s’équilibrer de lui-même, s’analyse finalement en une dépense budgétaire pure et simple.

M. Olivier Carré. La dérive du coût du « bonus/malus automobile » met en lumière une caractéristique propre à la fiscalité dite écologique, conçue pour faire disparaître son assiette et dont le produit est donc d’autant plus faible que l’objectif politique initial est atteint.

M. Jean-Louis Dumont. Il est particulièrement regrettable que le Gouvernement s’oppose régulièrement à des initiatives parlementaires en alléguant de leur absence d’évaluation préalable alors même que l’exemple des aides à la presse évoqué par le Rapporteur général illustre l’impréparation de beaucoup des décisions du pouvoir exécutif.

M. Nicolas Perruchot. Le Parlement dénonce depuis des années la gestion de l’accueil des demandeurs d’asile qui reste très insatisfaisante, notamment parce qu’il est encore fait appel à un hébergement hôtelier au coût prohibitif. Il faut être également conscient des coûts indirects de l’accueil des demandeurs d’asile, notamment pour les collectivités locales. Le système actuel, qui est une véritable fabrique de sans-papiers, doit impérativement être réformé et il n’est pas admissible que les délais d’attente restent aussi longs.

M. Jean-Louis Dumont. La mission d’évaluation et de contrôle a travaillé en 2005 sur l’évolution des coûts budgétaires des demandes d'asile. Il convient que le Gouvernement explique pourquoi il n’a pas mis en œuvre ses préconisations.

M. le Rapporteur général. S’agissant de la gestion des demandes d’asile, qui a fait l’objet de plusieurs rapports parlementaires, des progrès sensibles ont été constatés ces dernières années. Toutefois, les délais de traitement des demandes se sont de nouveau allongés cette année. Il conviendra que Mme Béatrice Pavy, rapporteure spéciale de la mission Immigration, asile et intégration, examine ce dossier avec attention. Comme M. Nicolas Perruchot l’a rappelé, cette politique entraîne, en effet, des coûts indirects, par exemple au titre de l’aide médicale d’État (AME).

M. Nicolas Perruchot. Il ne faut pas oublier le coût de la scolarisation des enfants !

La Commission adopte la proposition d’avis sur le projet de décret d’avance, qui comporte notamment les cinq observations suivantes :

1. Comme la Commission des finances l’indiquait l’année dernière dans son avis sur le décret d’avance n° 2008-1244 du 28 novembre 2008, la provision de 510 millions d’euros constituée dans la loi de finances initiale pour 2009 au titre des surcoûts entraînés par les opérations extérieures du ministère de la Défense s’avère très largement insuffisante. Il en ira manifestement de même de celle de 570 millions d’euros proposée dans le projet de loi de finances pour 2010. Mettre fin au recours systématique aux ouvertures de crédits par décret d’avance suppose non seulement d’amplifier la budgétisation initiale des surcoûts liés aux opérations extérieures, mais aussi de maîtriser l’évolution de ces dépenses. Cette double exigence apparaît d’autant plus impérieuse qu’en prévoyant qu’« en gestion, les surcoûts nets (...) seront financés par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle », le rapport annexé à la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 (n° 2009-928 du 29 juillet 2009) risque de faire peser sur l’ensemble du budget général la charge du financement des surcoûts liés aux opérations extérieures du ministère de la Défense.

2. Les crédits destinés à la prise en charge des demandeurs d’asile ont été, une fois de plus, largement sous-évalués dans la loi de finances initiale pour 2009. S’il faut saluer l’augmentation des crédits proposés pour l’allocation temporaire d’attente (ATA) en 2010, il est probable que les moyens alloués à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile se révéleront de nouveau insuffisants l’année prochaine.

3. Les dépenses occasionnées par le « bonus » visant à inciter à l’achat de véhicules propres excèdent de 250 millions d’euros les crédits votés dans la loi de finances initiale pour 2009, sans qu’il soit possible pour la Commission des finances de déterminer avec précision les parts respectives qui reviennent, dans l’origine du dépassement, aux lacunes des prévisions initiales et aux effets de la « prime à la casse » mise en place postérieurement. En tout état de cause, force est de constater que les prévisions budgétaires relatives à l’équilibre du compte spécial Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres se sont révélées particulièrement défaillantes, en 2008 comme en 2009.

4. L’aide exceptionnelle aux diffuseurs de presse, annoncée postérieurement au vote de la loi de finances initiale pour 2009, au titre de laquelle 27,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement ont été ouverts par la loi de finances rectificative du 20 avril dernier, constitue un nouvel exemple de dispositif créé sans évaluation sérieuse de ses conséquences budgétaires. L’ouverture de 25 millions d’euros d’autorisations d’engagement supplémentaires prévue dans le projet de décret d’avance trouve en effet son origine dans le doublement du nombre de bénéficiaires de l’aide par rapport aux estimations réalisées au printemps dernier. La Commission des finances appelle à ce que les dispositifs générateurs de dépenses d’intervention fassent l’objet d’études d’impact préalables rigoureuses, afin d’évaluer avec précision leur coût pour l’État, trop souvent sous-estimé.

5. Sous réserve qu’elles correspondent à de véritables économies, les annulations de crédits permettent de préserver l’équilibre budgétaire défini par les lois de finances pour 2009. Il est de bonne méthode de faire porter prioritairement les annulations sur les missions ou les ministères qui bénéficient par ailleurs des ouvertures de crédits et, pour le complément, de mettre à profit la réserve de précaution constituée en début d’année. Même s’il doit être tenu compte des contraintes inhérentes à la fin de gestion, le projet de décret peine à satisfaire à ces exigences.

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Information relative à la Commission

La Commission a procédé à la nomination de MM. Jean-Pierre Brard et Jérôme Chartier pour participer aux travaux du Comité d’évaluation et de contrôle sur les Autorités administratives indépendantes.

La Commission a procédé à la nomination de M. François Goulard pour participer aux travaux du Comité d’évaluation et de contrôle sur les quartiers sensibles.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 3 novembre 2009 à 12 h 30

Présents. - M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Jean-Louis Dumont, M. Jean-Claude Flory, M. Marc Francina, M. Daniel Garrigue, M. Marc Goua, M. François Goulard, M. Didier Migaud, M. Nicolas Perruchot, M. François Scellier

Excusés. - M. Dominique Baert, M. Pierre Bourguignon, M. Pierre Moscovici, M. Gaël Yanno

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