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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Lundi 3 mai 2010

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 64

Présidence de M. Jérôme Cahuzac, Président

–  Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, et de M. François Baroin, ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, sur des amendements du Gouvernement au projet de loi de finances rectificative pour 2010 (n° 2452) 2

–  Présences en réunion 9

La Commission entend Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, et M. François Baroin, ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, sur des amendements du Gouvernement au projet de loi de finances rectificative pour 2010 (n° 2452).

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M. le président Jérôme Cahuzac. Mes chers collègues, la Commission des finances accueille aujourd’hui Mme Christine Lagarde et M. François Baroin. Cette audition nous a paru nécessaire à la suite de l’accord intervenu hier soir entre les ministres de l’économie et des finances des pays membres de la zone euro, l’évolution de la situation internationale entraînant celle du deuxième projet de loi de finances rectificative de l’année.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. À la suite de l’ensemble des procédures menées conjointement par la Commission européenne et le Fonds monétaire international, avec le Conseil de la Banque centrale européenne, une réunion de l’Eurogroupe a été en effet convoquée à titre exceptionnel hier soir, et un accord est intervenu pour activer un programme triennal négocié conjointement par la Commission et le FMI. Ce programme porte sur une somme totale de 110 milliards d’euros, dont 30 milliards à la charge du Fonds monétaire international – sous réserve de l’accord de son Conseil, mais celui-ci, selon le directeur général, se présente sous de bons auspices. Le reste, 80 milliards d’euros, sera apporté par l’ensemble des pays membres de l’Eurogroupe autres que la Grèce. Les États concluront directement des prêts bilatéraux, avec une particularité concernant l’apport de l’Allemagne, qui transitera par la KfW, pour des raisons juridiques. Notons que la part de la France ne correspond plus à la somme initialement inscrite dans le projet de loi de finances rectificative. Si l’engagement au titre de la première tranche, correspondant à la période courant de mai à décembre 2010 – c’est-à-dire à notre exercice fiscal –, reste de 3,9 milliards d’euros, la contribution de notre pays au plan triennal de soutien à l’État grec s’élèvera au total à 16,8 milliards d’euros. Un amendement du Gouvernement est donc nécessaire pour rectifier le montant initialement prévu.

L’augmentation de l’aide, de 30 à 80 milliards d’euros, se justifie par la durée du plan arrêté. Le programme qui a été conçu avec le FMI porte désormais sur une période de trois ans et prévoit, de la part de la Grèce, des mesures d’austérité et l’engagement de restaurer l’équilibre des finances publiques en 2014, ce qui implique une réduction de onze points du déficit public.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Nous proposerons deux modifications au projet de loi de finances rectificative. Compte tenu de la décision de l’Eurogroupe d’une part, et des dépenses urgentes rendues nécessaires par l’aide à Haïti et les suites de la tempête Xynthia, de l’autre, il nous a paru plus simple de formuler sous forme d’amendements les modifications des autorisations d’engagement et des crédits de paiement qui en résultent. En outre, cette solution permet de respecter le souhait de la commission des finances de l’Assemblée nationale.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je rappelle en effet qu’aux termes de l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances, les décrets d’avance doivent être ratifiés par la plus prochaine loi de finances rectificative. Dans la mesure où le Gouvernement est amené à déposer des amendements pour prendre en compte l’accord obtenu au niveau international, il m’a semblé normal qu’il modifie le projet de loi de finances rectificative de façon à respecter l’article 13 de la LOLF. Je le remercie d’avoir accédé à cette demande.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la Commission des finances. La semaine dernière, lorsque M. Baroin est venu présenter le plan européen de soutien à la Grèce, certains collègues se sont demandé s’il était de dimension suffisante, et si, pour couper court à la spéculation, il ne serait pas nécessaire de prévoir une aide massive et étalée dans le temps. C’est pourquoi la décision, prise hier, d’agir sur trois ans me paraît tout à fait opportune. Ainsi, le plan offre une visibilité plus grande et mobilise des montants beaucoup plus importants, sans pour autant modifier celui des crédits de paiement ouverts au titre de l’année 2010. L’amendement consistera donc simplement à porter les autorisations d’engagement de 6,3 à 16,8 milliards d’euros. J’observe d’ailleurs que dans le passé, lors de l’ouverture de crédits en faveur d’États étrangers, on avait déjà pu observer des décalages importants entre autorisations d’engagement et crédits de paiement.

Ma première question porte sur le calendrier. Alors qu’un conseil européen était prévu le 10 mai, j’ai cru comprendre que la date en serait avancée au 7 mai, avant les élections allemandes. Par ailleurs, les fonds devraient être mis à disposition avant le 19 mai, de façon à permettre à la Grèce de faire face à une échéance de 8,5 milliards d’euros. Pourriez-vous nous donner un calendrier plus précis des décisions à venir ?

Deuxièmement, dans un entretien donné au Monde, vous indiquez, madame la ministre, que l’aide bilatérale prendrait la forme d’un prêt d’une durée de trois ans au taux fixe de 5 %. Pourtant, l’accord du 11 avril ne figeait pas les modalités du prêt. Faut-il comprendre que la réunion d’hier a été l’occasion de prendre une décision plus précise, notamment s’agissant du taux d’intérêt ?

Enfin s’agissant du montant des engagements de notre pays dans l’économie grecque, plusieurs chiffres ont circulé, qu’il s’agisse du financement de la dette souveraine de l’État grec ou des investissements des entreprises ou des ménages. Selon une première estimation, nos établissements financiers détiendraient 16 milliards d’euros de dette souveraine. Puis, on a avancé que le total de nos engagements – y compris ceux relevant de la sphère privée – était de 50 milliards. Or, depuis quarante-huit heures, circule le chiffre de 70 milliards. De quoi parlons-nous exactement ? Ne trouve-t-on pas, par exemple, des obligations de l’État grec dans les contrats d’assurance-vie – dont une partie, sur un encours total de 1 300 milliards d’euros, est libellée en euros –, et si c’est le cas, sont-elles prises en compte ? Qu’en est-il des avoirs détenus par la filiale du Crédit agricole ? Il serait important de disposer de chiffres précis.

Mme la ministre. S’agissant du calendrier, le communiqué publié à l’issue de la réunion de l’Eurogroupe précise qu’un montant suffisant de concours financier devra être réuni avant le 19 mai, date de la première tombée de dette importante pour la Grèce. Celle-ci devra alors faire face à une échéance de 8,5 milliards d’euros. Cet engagement collectif sera tenu, indépendamment des difficultés plus ou moins grandes que connaissent les différents États à mobiliser les fonds. Les sommes nécessaires seront donc disponibles le 19 mai au plus tard, et plus probablement le 18.

Par ailleurs, il est exact qu’un sommet exceptionnel de l’Eurogroupe, réunissant les chefs d’État et de Gouvernement, est convoqué vendredi à l’initiative de M. Van Rompuy. Il doit notamment prendre acte de la conclusion des processus parlementaires, en particulier en France et en Allemagne – a priori, le 7 mai, l’aide devrait être autorisée par le Sénat en France et par le Bundesrat en Allemagne. Il devrait par ailleurs tirer un certain nombre de conclusions pour l’avenir en ce qui concerne l’amélioration des modalités de fonctionnement et de la gouvernance, et étudier les mesures à prendre concernant les agences de notation, les CDS et plus généralement la régulation.

S’agissant des taux d’intérêt, je puis vous préciser que ce qui a été convenu hier, c’est d’abord la possibilité d’appliquer un taux fixe – lequel était vivement souhaité par l’État grec pour contrebalancer le taux variable de 3,75 % auquel prête le FMI –, tout en s’alignant le plus possible sur les conditions financières imposées par le Fonds monétaire international. Nous avons prévu une rémunération de 300 points de base au-dessus de l’Euribor pour une maturité de trois ans, et de 100 points de base supplémentaires dans le cas où cette maturité devrait être prolongée – l’hypothèse a été explicitement envisagée de façon à éviter un effet de barrière. Quant à la commission d’engagement, fixée à 50 points de base, elle correspond exactement aux conditions du FMI. Tout cela équivaut approximativement au taux de 5 % dans le cas d’un taux fixe que, dans un souci de simplification, j’ai cité dans l’article du Monde.

Enfin, pour ce qui est du détail des engagements du secteur financier français dans son ensemble, je vous communiquerai les précisions qui me seront apportées par le gouverneur de la Banque de France. Pour l’instant, il évalue l’exposition à quelque 70 milliards d’euros. La France est au premier rang des pays exposés, légèrement devant l’Allemagne.

M. le président Jérôme Cahuzac. Donc soixante-dix milliards d’euros, dont seize de dette souveraine.

M. le rapporteur général. Il est question de 30 milliards d’euros pour la seule filiale du Crédit agricole…

Mme la ministre. Je ne peux rien confirmer avant la réponse du gouverneur de la Banque de France.

M. Michel Bouvard. Qu’en est-il de la banque centrale de Russie, qui semble avoir beaucoup prêté à la Grèce et s’être retirée ? Par ailleurs, il semble heureux que la répartition de l’effort de solidarité soit fonction de la part de chaque pays dans le capital de la Banque centrale européenne, et non de leur exposition au risque grec… Justement, quel est le degré d’exposition des différents pays européens ? Et que penser de la capacité d’un pays lui-même attaqué, comme le Portugal, à prendre part au plan de sauvetage ?

Mme la ministre. Pour ce qui est de la banque centrale de Russie, je n’ai aucun élément d’information. La question n’a pas été évoquée dans nos débats avec la Commission et avec le FMI. Quant à l’exposition des autres pays, je puis seulement dire que les chiffres avancés pour la Suisse étaient inexacts.

Le Portugal, l’Espagne ou l’Irlande – qui applique elle-même un plan de redressement de ses finances publiques extrêmement rigoureux – se sont engagés dans un effort déterminé de solidarité, à concurrence de leur quote-part dans le capital de la BCE.

M. Michel Bouvard. Et qu’en est-il d’une éventuelle consolidation de la dette, si tout ne se passait pas comme prévu dans trois ans, ou même avant ?

Mme la ministre. C’est totalement exclu. La Banque centrale européenne et, en particulier, Jean-Claude Trichet se sont montrés extrêmement fermes sur le sujet. La durée du plan, l’ampleur des efforts consentis par la Grèce, la précision des mesures envisagées, la probabilité d’une amélioration de la compétitivité dans des secteurs ciblés : tout cela devrait faire que la dette sera soutenable au-delà de 2014.

M. le ministre. C’est justement pour éviter la restructuration de la dette grecque que ce dispositif a été proposé. Nous sommes dans une logique de restauration de la confiance, au prix de mesures très difficiles pour les Grecs, sur lesquelles leur gouvernement s’est engagé avec courage. Il est hors de question de mettre le petit doigt dans l’engrenage de la consolidation. Cela condamnerait non seulement l’effort entrepris, mais aussi le gouvernement grec, et créerait un effet domino très dangereux dans la zone euro.

M. le président Jérôme Cahuzac. La Grèce devrait voir le problème de ses liquidités réglé dans les mois qui viennent, et aussi longtemps qu’on peut l’espérer à concurrence de 110 milliards d’euros. Quant à sa solvabilité, elle dépend des mesures de politique intérieure que le gouvernement va mettre en œuvre, qui constituent un ensemble d’une rigueur incontestable.

M. François Goulard. Imaginons qu’un refus de ces mesures très courageuses par la population grecque entraîne un changement politique, et que le nouveau gouvernement ne respecte pas les engagements pris par l’actuel – ce que personne ne souhaite, mais qui n’est pas non plus totalement improbable. L’attribution des fonds serait-elle remise en cause ?

Mme la ministre. Une revue trimestrielle est prévue à partir de mai, soit douze vérifications conjointes de la Commission européenne et du Fonds monétaire international. C’est le contrôle le plus rigoureux de l’histoire du FMI. Tous les trois mois, les mesures engagées, les projets de loi déposés, l’exécution budgétaire seront vérifés. L’aide est strictement subordonnée à l’exécution du plan.

M. Jean-Michel Fourgous. La France étant le pays le plus exposé, il ne serait pas scandaleux, dans le plein respect des règles d’éthique commerciale européennes, que nos échanges commerciaux ne subissent pas que les inconvénients de la situation. Par ailleurs, la contrepartie de la Grèce au plan d’aide est-elle vraiment garantie ? La réforme de la fonction publique et du train de vie de l’État suscite tous les jours des manifestations, qui pourraient conduire à un blocage politique. Quelle règle, acceptée par l’ensemble des acteurs grecs et pas seulement par les signataires d’aujourd’hui, ou, à défaut, quelle contrainte nous assurent que la Grèce remplira sa partie de l’accord ?

Mme la ministre. La rigueur des contrôles que j’ai évoqués est une garantie suffisante, puisque chaque décaissement dépendra de leurs résultats. Quant à nos relations commerciales, il ne faut pas espérer des miracles dans les mois qui viennent : la récession, en Grèce, devrait être de 4 % au cours du prochain exercice, de 2,5 % au cours du suivant, le retour de la croissance n’étant attendu que pour le second semestre de 2011. Nous continuerons à travailler ensemble mais il faut voir que nos échanges avec la Grèce sont de l’ordre de 3 milliards d’euros seulement.

M. Pierre-Alain Muet. L’aide étant accordée sous forme de prêts bilatéraux, on aurait pu imaginer que chaque pays applique son taux propre, constitué du taux auquel il emprunte plus cinquante points de base pour les frais. Le taux aurait ainsi été plus bas pour des pays comme la France et l’Allemagne, plus haut pour le Portugal. Je comprends la nécessité d’avoir un même taux partout en Europe, mais n’aurait-on pu imaginer un mécanisme de péréquation qui assure plus de solidarité à l’égard à la fois de la Grèce et des pays qui l’aident ?

Mme la ministre. Nous étions convenus que le taux devait être autant que possible uniforme, pour démontrer la cohésion européenne, et être à peu près équivalent au taux variable du FMI. Après de longues discussions, nous en sommes arrivés au taux que j’ai dit, ce qui est naturellement plus lourd pour les pays qui empruntent à des taux largement supérieurs à ceux de l’Allemagne et même de la France. Ce n’est pas complètement satisfaisant, mais c’est l’expression d’un consensus.

Mme Marie-Anne Montchamp. Je me réjouis du volontarisme et de la réactivité dont le Gouvernement a fait preuve. Cependant, la crise grecque met en lumière l’impérieuse nécessité pour les pays de la zone euro de réduire rapidement leurs déficits publics, par crainte d’attaques spéculatives. Cela implique une politique budgétaire très restrictive dans l’ensemble de la zone. Ne pensez-vous pas qu’il y a là le risque d’un nouvel épisode de récession ?

M. le ministre. Nous en parlerons lors des nombreux rendez-vous qui nous attendent : la conférence des finances publiques de la troisième semaine de mai – un des groupes de travail est présidé par votre rapporteur général –, puis le débat d’orientation budgétaire et l’examen de la loi de finances pour 2011. Vous avez déjà eu des indications très nettes sur l’état d’esprit du Gouvernement, qui est déterminé à infléchir nos déficits publics dans le strict respect des engagements pris vis-à-vis de nos partenaires européens. Nous avons arrêté quelques idées simples, mais qui correspondent à des exigences élevées aussi bien pour l’État que pour les collectivités et les dépenses sociales. La réforme des retraites sera un élément essentiel pour atteindre ces objectifs. Je rappelle que nous avons ramené notre prévision de déficit de 8,2 à 8 % du PIB, alors que nous aurions pu descendre plus bas puisque nous étions tombés à 7,5 % fin 2009 – la notification à 8 % montre combien la France tient à se montrer responsable vis-à-vis de la Commission – et que nos rentrées fiscales connaissent des évolutions intéressantes. Mais il faudra se montrer très rigoureux pour suivre le chemin de crête qui nous attend entre le non remplacement d’un départ de fonctionnaire sur deux, la RGPP, les relations entre l’État et les collectivités locales ou les objectifs de l’assurance maladie.

Il nous faudra gérer savamment le moment où mettre fin à la perfusion très dispendieuse accordée par l’État au secteur marchand pour maintenir l’activité, afin de ne pas nuire à la reprise qui s’annonce pour le début de l’automne – et pour cela, comme dans une compétition sportive, savoir ne partir ni trop tôt ni trop tard.

M. Gaël Yanno. Mercredi dernier, M. le ministre du budget nous a indiqué que le montant maximal de l’aide des pays membres de la zone euro à la Grèce s’élèverait à 30 milliards d’euros, le FMI prêtant 15 milliards. Pour ce qui concernait la France, le projet de loi de finances rectificative prévoyait à cette fin 6,3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et l’ouverture de 3,9 milliards de crédits de paiement. En l’espace de quelques jours, le plafond de l’aide accordée par le FMI est fixé à 30 milliards, celui des pays membres de la zone euro passe à 80 milliards et, par ricochet, les autorisations d’engagement prévues dans le projet de loi de finances rectificative s’élèvent désormais à 16,8 milliards d’euros. Cette augmentation s’explique-t-elle uniquement par le fait que la période considérée n’est plus d’un an mais de trois ou serait-ce que dans l’intervalle la Grèce a fait état de nouveaux besoins de trésorerie ? Les montants avancés sont-il précis ? D’autre part, le montant des crédits de paiement demeurant inchangé, à 3,9 milliards d’euros, quel est le calendrier prévu pour le déblocage du solde de 12,9 milliards d’euros et à quelles conditions se fera-t-il ?

Mme la ministre. Les chiffres sont précis et exacts. Ils sont en effet justifiés par la prise en considération des besoins de trésorerie de l’État grec non plus pendant un an mais pendant trois années, et au fait que nous avons tenu compte de ce que le FMI a coutume d’établir ses programmes sur trois ans. Aucun élément complémentaire n’a été porté à notre connaissance par la Grèce depuis la semaine dernière.

Le calendrier de déblocage du solde des crédits de paiement n’est pas encore fixé. Il dépendra de la manière dont le risque grec sera perçu par les marchés. Si le taux de financement appliqué aux emprunts grecs diminue fortement en 2011, la part du financement de l’économie grecque par les autres pays de la zone et par le FMI diminuera. Les montants fixés visent à couvrir les besoins de trésorerie de la Grèce dans leur intégralité pendant 18 mois et à 50% pendant les 18 mois suivants. Tout dépendra donc de l’appréciation du risque par les marchés et de la détermination de la Grèce à tenir les engagements très précis qu’elle a pris pour les trois années à venir.

M. Jérôme Chartier. Vous avez souligné le sérieux avec lequel le plan a été préparé et la rigueur toute particulière avec laquelle les équipes conjointes du FMI et de l’Eurogroupe en suivront l’application. Cela signifie-t-il que nous n’avons pas le droit à l’erreur et qu’il est inconcevable que le plan ne fonctionne pas, au risque, sinon, que tous les pays de la zone euro ne se trouvent attaqués ?

Je salue la rapidité avec laquelle ce plan a été bâti, et je sais que vous n’y êtes pas pour rien. On distinguera deux phases dans l’action entreprise ; un certain attentisme de novembre à mars, une accélération manifeste au cours des derniers jours. Le calendrier d’entrée en vigueur des dispositions a-t-il été au cœur de vos discussions du week-end ?

Mme la ministre. A-t-on le droit à l’erreur ? On peut toujours se tromper, mais les ministres des finances des pays de la zone euro ont voulu mettre au point un plan d’aide à la Grèce  massif, cohérent et solidaire pour parer les attaques dont elle était l’objet de la part des marchés, attaques qui avaient pour conséquence que les titulaires de titres sur la dette souveraine grecque se désengageaient. Nous avons, en conscience, tenu à définir le plan le plus solide qui soit pour faire rempart contre ces mouvements.

Sur le calendrier de cette intervention, il y aurait beaucoup à dire - et ce n’est pas faute que le président de la République soit intervenu pour accélérer la manœuvre. Ce qui a finalement joué ces derniers jours, c’est la pression des marchés ; il fallait agir vite. Le traité de Lisbonne ne prévoyant pas de cas de ce genre, nous avons dû inventer des règles en marchant et il nous a semblé salutaire d’associer le FMI, qui a une grande habitude de ces programmes, au dispositif. Enfin, si les choses se sont accélérées, c’est aussi parce que la Grèce a jugé qu’il était temps d’en appeler à la solidarité des pays de la zone euro.

M. Gérard Bapt. Le groupe socialiste votera le plan et apprécie les efforts réalisés sur la date de son entrée en vigueur. Il s’agissait en effet de faire rempart mais ce qui est demandé en contrepartie au peuple grec, c’est une cure d’austérité d’une incroyable sévérité, avec une coupe de 10% des dépenses publiques dans un contexte de récession qui risque d’être encore aggravé par le plan lui-même. Considérant la poussée de l’extrême droite lors des dernières élections dans plusieurs pays de l’Union européenne, il faudra être extrêmement attentif aux conséquences sociales des dispositions qui vont être prises et à leurs retombées politiques potentielles.

Madame la ministre, vous concluez l’entretien que vous avez accordé au journal Le Monde par une appréciation optimiste sur l’état des relations franco-allemandes, qui n’ont pourtant pas eu tout du conte de fées ces derniers temps.

D’autre part, en mars 2009, le tribunal constitutionnel allemand, jugeant que le traité de Lisbonne n’accordait pas assez de pouvoirs au Parlement allemand dans le processus d’élaboration et d’adoption des normes européennes, en avait suspendu la ratification. Cette décision semblait traduire un repli de l’Allemagne sur elle-même, au mépris de l’idéal européen. Avez-vous le sentiment que la crise a fait progresser la réflexion de l’Allemagne sur la gouvernance économique commune de la zone euro ?

Mme la ministre. Notre collègue grec n’ignore rien des efforts qui vont être demandés à ses concitoyens, et il a déclaré que seule la perspective, par ce biais, d’un retour à la croissance les justifiait, ajoutant que le fardeau devrait être équitablement partagé.

Pour revenir à la conclusion de l’article du Monde, les relations que j’entretiens avec mon homologue allemand, M. Wolfgang Schäuble, me donnent des raisons d’espérer. Des efforts considérables ont été engagés et la notion de « gouvernement économique » a été évoquée plusieurs fois par Mme Merkel, ce qui est nouveau. La crise nous donnera peut-être l’occasion d’approfondir la construction européenne et la structuration de la zone euro. Le traité de Lisbonne le permet – peut-être le moment est-il venu de le faire.

M. Marc Francina. L’exposition des banques françaises au risque grec apparaît démesurée au regard de la faiblesse des échanges commerciaux entre nos deux pays. Dans quels secteurs ont-elles pris les plus grands risques ?

Mme la ministre. Je doute d’avoir des renseignements précis à ce sujet car ces informations ont souvent un caractère confidentiel. Je sais que les 70 milliards d’euros évoqués comprennent les participations de la Société générale et du Crédit agricole dans leurs filiales grecques respectives.

M. Victorin Lurel. M. Jean-Claude Juncker a évoqué la possibilité de « contributions volontaires » des banques privées au sauvetage de la Grèce. Cela vous paraît-il crédible ? Est-ce une piste que vous examinez ?

Mme la ministre. Cela me paraît un volet important. Que, sans y être contraintes, les banques examinent notre plan, concluent qu’il est bon et se déclarent prêtes à maintenir leur exposition sur le risque grec serait extrêmement positif. L’International Institute of Finance, l’IIF, qui regroupe l’ensemble des grands établissements financiers de la place, a d’ailleurs publié un communiqué en ce sens. Cela me paraît être une bonne chose.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je vous remercie.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du lundi 3 mai 2010 à 17 heures

Présents. - M. Gérard Bapt, M. Michel Bouvard, M. Jérôme Cahuzac, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Jérôme Chartier, M. Jean-Louis Dumont, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Michel Fourgous, M. Marc Francina, Mme Annick Girardin, M. Louis Giscard d'Estaing, M. François Goulard, M. Jean-François Lamour, M. Victorin Lurel, M. Richard Mallié, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Pierre-Alain Muet, M. François Scellier, M. Gaël Yanno

Excusés. - M. Dominique Baert, M. Pierre Bourguignon, M. Michel Diefenbacher, M. Nicolas Forissier, M. Jean Launay, M. Patrick Lemasle, M. Michel Vergnier

Assistait également à la réunion. - Mme Sandrine Mazetier

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