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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 26 mai 2010

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 77

Présidence de M. Jérôme Cahuzac, Président, puis de M. Dominique Baert, Secrétaire

–  Audition de M. Henri-Michel Comet, secrétaire général du ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des collectivités territoriales

–  Présences en réunion

La Commission entend M. Henri-Michel COMET, préfet, secrétaire général du ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des collectivités territoriales.

M. le président Jérôme Cahuzac. Mes chers collègues, nous accueillons M. Henri-Michel COMET, préfet, secrétaire général du ministère de l’Intérieur, accompagné de M. Christophe MIRMAND, également préfet, directeur de la modernisation et de l’action territoriale du même ministère.

Je vous souhaite la bienvenue. Avec votre audition, nous inaugurons nos travaux portant sur l’exécution budgétaire de 2009. Le bureau de notre commission a décidé, il y a plusieurs mois, de ne plus proposer de soumettre l’examen de la loi de règlement à la procédure de commission élargie, laquelle nous a paru lourde tout en suscitant peu d’intérêt de la part des autres commissions permanentes, dont l’ordre du jour est, comme le nôtre, chargé en fin de session ordinaire.

Nous procèderons donc en commission des Finances, sur les propositions de nos rapporteurs spéciaux, à une dizaine d’auditions, soit de membres du Gouvernement, soit de responsables de programme, selon la nature des sujets.

Au cas présent, M. Marc Le Fur, avec sa réactivité habituelle, a été le premier à proposer une audition, sur la base de ses activités de contrôle concernant la mission Administration générale et territoriale de l’État. Nous ne disposons pas encore du projet de loi de règlement pour 2009, et ce n’est que cet après-midi que nous entendrons le Premier président de la Cour des comptes. Mais la LOLF nous invite à faire porter notre évaluation sur l’exécution des politiques publiques, et pas seulement à contrôler les crédits dépensés.

Je précise que M. Le Fur a rencontré, mercredi dernier, M. Alain Pichon, président de la 4ème chambre de la Cour des comptes, pour un entretien sur l’exécution. Les thèmes de contrôle de notre rapporteur spécial, en 2010, portent sur le fonctionnement de l’administration préfectorale et sur l’agence nationale des titres sécurisés.

M. le secrétaire général, vous êtes le responsable des trois programmes de la mission. Je propose qu’en préambule, vous fassiez brièvement le point sur l’exécution budgétaire 2009, en ce qui concerne notamment les principaux écarts par rapport à la prévision, l’évolution de la performance et les grands chantiers de modernisation du ministère. Puis le rapporteur spécial pourrait vous poser une première série de questions.

M. le secrétaire général, vous avez la parole.

M. Henri-Michel Comet, secrétaire général du ministère de l'Intérieur. M. le Président, avant de répondre à votre sollicitation, je voudrais vous remercier pour cette audition et saluer chacun des membres de la commission des Finances.

À ce stade, l'exécution 2009 des trois programmes de la mission Administration générale et territoriale de l'État n'appelle pas de commentaire strictement budgétaire, les prévisions ayant été honorées.

En ce qui concerne la question de la performance, il faut reconnaître que les opérations ont été importantes et difficiles pour un des programmes, notamment en matière de titres. Deux évolutions considérables ont eu lieu en 2009 : le changement de procédure et de dispositif pour les passeports, en coopération avec les mairies d'une part, et le changement de dispositif pour l'immatriculation des véhicules d'autre part, en coopération avec des partenaires privés, principalement.

En matière de titres sécurisés, il s'agit là d'une évolution considérable à la fois en termes de performance mais également au regard du service rendu aux français. Sous réserve des observations qui peuvent être formulées, le passage au passeport biométrique a été réalisé dans des conditions finalement satisfaisantes, après une période difficile de moins de trois mois. La mise en place du nouveau système d'immatriculation des véhicules a, en revanche, été plus difficile, et les objectifs initiaux ne sont pas, à ce jour, complètement atteints.

Parallèlement, une réforme importante visant à faire évoluer le dispositif de contrôle de légalité a été menée. Les expertises juridiques sont dorénavant concentrées dans les préfectures, au détriment des sous-préfectures, qui deviennent des guichets d'accueil.

Pour ce qui concerne le programme d’administration centrale Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur, je n'ai pas de commentaire particulier à formuler sur la réalisation budgétaire, car les objectifs ont été honorés et la performance respectée.

Enfin, le troisième programme, Vie politique, cultuelle et associative, très étroitement lié à la vie politique, à l'organisation des scrutins et à la vie des partis, n'appelle pas non plus d'observation de ma part.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la mission Administration générale et territoriale de l’État. Je voudrais d'abord signaler que les échanges avec la Cour des comptes ont été particulièrement fructueux, notamment à l'occasion de la venue du Président Alain Pichon, accompagné de MM. Gilles Cazanave et Nicolas Péhau. C'est la première fois qu'en ma qualité de rapporteur spécial j'ai à me féliciter de la richesse de ces échanges. Auparavant, la Cour des comptes s’abritait derrière l'exigence de collégialité, ce que nous pouvons comprendre, mais ce qui rendait les échanges quelque peu formels. L'audition du Premier président de la Cour des comptes, cet après-midi, sera sans doute l'occasion de faire connaître cette satisfaction.

La qualité et la tenue de ces échanges me permettent également de signaler que si les rapports annuels de performances, les RAP, ne sont pas encore parvenus à notre commission, ce n'est pas le cas pour la Cour des comptes. Même si la date limite de transmission à notre commission fixée par la loi organique est le 1er juin, il pourrait être utile aux rapporteurs spéciaux de pouvoir accéder aux RAP, même sous une forme provisoire, le plus tôt possible, notamment afin de préparer les auditions.

En ce qui concerne la délivrance des titres, il ne faut pas se dissimuler les choses. Au sujet des passeports, j’escomptais dans mon dernier rapport spécial que les difficultés étaient derrière nous. Malheureusement, j’ai pu constater en me rendant dans des préfectures que ce n’était pas encore le cas. Les délais restent longs dans certains départements. Les gains de productivité prévus ne sont pas nécessairement atteints. Il faut également ajouter des problèmes de contrôle hiérarchique : certains responsables sont actuellement dans l’incapacité de savoir lequel de leurs agents a traité tel ou tel passeport. Seule une demande expresse auprès du centre de traitement de Charleville-Mézière permet d’assurer la « traçabilité » du traitement du dossier.

Pour ce qui concerne les immatriculations, la baisse attendue de l’activité dans les préfectures n’est pas forcément au rendez-vous. La raison en est sans doute la part importante de négoce de véhicules réalisée directement entre particuliers, car dans ce cas, il faut retourner en préfecture. En tout état de cause, les gains escomptés n’apparaissent pas aussi nettement que prévu.

Enfin, nous attendions vraiment le déploiement de la carte d’identité électronique, qui devait logiquement s’appuyer sur le système mis en œuvre pour les passeports. Or cette mise en place n’intervient pas. J’ai eu l’occasion de regretter publiquement cette situation, en m’adressant au ministre de l’Intérieur lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la « LOPPSI 2 », afin que soient adoptées les dispositions permettant le déploiement de cette nouvelle carte d’identité. Nous sommes malheureusement restés à mi-chemin.

M. Michel Diefenbacher. Ma première question concerne l’harmonisation des statuts et des rémunérations au sein des services déconcentrés de l’État. Le fait de regrouper les services amène à faire vivre et travailler sous le même toit des agents venant d’administrations différentes, avec des statuts différents, des mécanismes de rémunération, en particulier de rémunération annexe différents. Cela pose à l’évidence des problèmes d’harmonisation. Comme il est assez difficilement imaginable de voir régresser la situation des fonctionnaires les plus favorisés, l’alignement se fait très logiquement par le haut. Qu’en est-il vraiment de cette politique d’harmonisation des statuts et des corps ? Pouvez-vous apporter des précisions, notamment du point de vue des rémunérations complémentaires ? Quel est le coût supplémentaire par agent qui peut résulter de cette politique d’harmonisation?

Ma deuxième question porte sur la rémunération au mérite. Pouvez-vous faire le point sur la mise en œuvre des primes de fonctions et de résultats ? Quel en est l’impact sur la qualité du service et sur les relations sociales à l’intérieur des différentes administrations déconcentrées ? Par ailleurs, la récente loi sur le dialogue social dans la fonction publique a prévu la possibilité du système d’intéressement collectif pour les administrations. Ce système existe déjà dans la police et dans la gendarmerie depuis cinq ans environ. Est-il prévu que le ministère de l’Intérieur étudie cette possibilité pour les services déconcentrés de l’État ?

Enfin, ma dernière question concerne la mise en œuvre de la RGPP et l’application du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dans les services déconcentrés de l’État. La RGPP, en passant au crible les différentes missions de l’État, se veut un moyen de déterminer l’optimum, en termes de moyens et en particulier d’effectifs, permettant aux services d’accomplir leurs missions. Cet optimum a-t-il enfin été évalué pour les services déconcentrés de l’État ? En d’autres termes, pendant combien de temps cette règle du « un sur deux » va-t-elle s’appliquer pour parvenir à cet optimum?

M. Jacques Pélissard. Ma question porte sur les passeports. Une étude récente de l’Inspection générale de l’administration menée en partenariat avec l’Association des maires de France a évalué le coût des passeports et le niveau de la compensation accordée aux collectivités qui accueillent une ou plusieurs stations d’enregistrement. L’étude dresse un bilan positif en ce qui concerne l’accueil du public, la prise de photos ou encore la transmission des données aux préfectures.

Cependant, le rapport fait apparaître une sous-évaluation du temps consacré à cette tâche : le temps par agent est pratiquement le double de celui calculé par le ministère de l’Intérieur. A également été sous-évalué le nombre de ressortissants extérieurs au territoire communal venant faire leur demande de passeports biométriques dans les communes équipées du matériel spécifique. Ces données n’ont pas été suffisamment prises en compte dans le calcul effectué dans la loi de finances pour 2010. Que peut proposer l’administration au gouvernement, pour rétablir les choses du point de vue financier, s’agissant des sommes supportées pour le compte de l’État par les collectivités locales ?

M. Henri Emmanuelli. Je confirme ce qu’il vient d’être dit au sujet du temps consacré par les agents : il est effectivement à peu près le double de ce qui était prévu. Cette sous-évaluation n’est pas une surprise.

Je souhaite vous faire part de ma très grande inquiétude au sujet de la RGPP en général. Je ne sais pas si les préfets vous en informent, mais la « réorganisation » des services de l’État pose des problèmes énormes. Par exemple, dans mon département, il faut six mois au minimum pour qu’un dossier soit traité par la police de l’eau. Cela est important, non pas pour les particuliers, mais pour les investissements et les entreprises ! En ce moment, tous les dossiers en cours d’instruction pour les centrales photovoltaïques, tous les dossiers d’infrastructures routières sont enlisés, parce qu’il n’y a qu’une seule personne pour les instruire ! De mon point de vue, sans préjuger de ce que peuvent vous faire savoir les préfets, il me semble que cela engendre du stress et des situations de blocage.

M. le président Jérôme Cahuzac. Avant de donner la parole à Claude Bartolone, je souhaite revenir sur le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Il semble, d’après les informations qui ont été portées à notre connaissance, que concernant l’administration préfectorale, il s’agit plutôt du non remplacement de trois départs en retraite sur quatre. Pouvez-vous confirmer ce chiffre ? N’est-ce pas une explication aux délais d’instruction décrits par M. Emmanuelli ?

M. Claude Bartolone. Je souhaite attirer l’attention sur l’inégalité qui existe entre les territoires, notamment en ce qui concerne les passeports. Sur certains départements de la région parisienne, le temps nécessaire pour obtenir un passeport ou une carte nationale d’identité est cinq fois plus élevé qu’à Paris intra-muros. Quel lien peut-on établir entre la RGPP et la nécessité de rétablir une égalité sur l’ensemble du territoire, pour un acte aussi simple que celui de l’obtention d’un passeport ou d’une carte d’identité ?

Je souhaite profiter de votre présence pour élargir le débat, sur un sujet qui concerne plus particulièrement le Nord, les Bouches-du-Rhône et l’Île-de-France : les titres de séjour pour les étrangers. La situation est inadmissible dans un certain nombre de préfectures. Les files d’attentes se forment dès quatre heures du matin, ce qui ne me semble pas acceptable, d’autant que certains en profitent pour faire commerce de leur place dans les files. Quel est le lien entre la RGPP et ces dysfonctionnements ?

M. Jean Launay. Je souhaite revenir sur l’organisation de l’administration préfectorale. En ce qui concerne le contrôle de légalité, nous avons constaté sur le terrain son regroupement au niveau préfectoral. Cela est d’ailleurs souhaitable si l’on considère la disparité des réponses qu’il était possible d’obtenir sur un même département. Pouvez-vous nous expliciter la reconfiguration du rôle des sous-préfets sur le terrain, compte tenu de ce que les préfets de département deviennent en quelque sorte les auxiliaires des préfets de régions ?

Sur la question des passeports, pouvez-vous nous indiquer le nombre de mairies qui se seraient désengagées de ce qui avait été présenté comme une expérimentation couvrant l’ensemble du territoire, au regard des coûts supportés par ces collectivités ?

M. Claude Bartolone. Les services de la ville de Pantin n’ont dernièrement informé que les délais de délivrance d’une carte nationale d’identité étaient de huit semaines et qu’ils étaient de neuf semaines pour les passeports.

M. Henri-Michel Comet. S’agissant du nouveau système d’immatriculation des véhicules, les guichets ont été démultipliés sur le territoire national. La complexité du dispositif a expliqué son démarrage difficile. Il n’y a pas eu jusqu’à présent de gains en effectifs – au contraire, il y a eu une très légère augmentation -, contrairement à ce qui pouvait être attendu du déploiement de ce nouveau système. Il faut en tout état de cause attendre que celui-ci soit pleinement opérationnel pour tirer des conclusions : aujourd’hui, il concerne 95 % des véhicules neufs, et entre 20 et 25 % des véhicules d’occasion. Il a néanmoins permis de décharger nettement les préfectures.

S’agissant de la délivrance des titres d’identité, le nouveau dispositif repose sur une coopération avec les municipalités, qui, à ce stade, ne délivrent cependant que les passeports, et non les cartes nationales d’identité, comme le prévoit pourtant le dispositif. Il y a donc un déséquilibre lié à la période transitoire. Du point de vue du coût et des délais, la mission d’inspection constate que globalement, les crédits affectés aux communes à ce titre sont suffisants, mais qu’il existe en effet quelques situations particulières, notamment dans certaines communes qui reçoivent une proportion particulièrement élevée de demandes de la part d’usagers qui n’y résident pas.

Concernant les délais, dans 75 à 80 % des départements, les passeports sont délivrés dans un délai de huit jours. En revanche, donc, dans 20 à 25 % des cas, la situation est plus contrastée, avec des difficultés parfois, comme en Seine-Saint-Denis. Plusieurs approches sont privilégiées par le ministère pour répondre à ces difficultés, en commençant par le renforcement des équipes dans les départements concernés, mais également en renforçant le partenariat avec les communes. C’est par exemple le travail qui est actuellement mené dans le département du Nord pour régler le problème. Dans le département de la Seine-Saint-Denis, il faut effectivement reconnaître que les délais sont excessifs, mais cette situation n’est pas liée à la révision générale des politiques publiques. Elle existait déjà avant et est surtout liée à la délivrance des titres pour les étrangers.

Pour autant, à ma connaissance, aucune commune ne s’est désengagée de ce nouveau dispositif.

Quant aux « petits métiers » engendrés par les files d’attente et évoqués par M. Claude Bartolone, il s’agit bien entendu d’une situation intolérable.

S’agissant de l’organisation des services de l’État, la question se pose d’abord sous l’angle des sous-préfectures. Le ministère de l’Intérieur a publié récemment la directive nationale d’orientation, qui prévoit une évolution des responsabilités des sous-préfectures sur les volets respectifs des sécurités, des enjeux économiques et sociaux locaux, mais également de la question des procédures européennes.

Je rappelle que les préfets de département ne sont pas des auxiliaires des préfets de région, ils ont des fonctions régaliennes, notamment en matière de sécurité : il s’agit plutôt d’une véritable coopération avec les préfets de région.

M. Henri Emmanuelli. Sur le terrain, nous constatons bien qu’en dehors des radars et de la police, les préfectures de département n’ont quasiment plus aucune compétence !

M. Henri-Michel Comet. La réorganisation des services déconcentrés est, quant à elle, en marche. L’harmonisation de ces services était marginale par le passé, et nous sommes aujourd’hui entrés dans une phase de réforme progressive, qui est notamment en cours de réalisation dans les départements, sur le volet immobilier. Il s’agit également d’harmoniser les conditions de travail entre les services déconcentrés des différents ministères, et de procéder à une convergence des rémunérations. Le Gouvernement entend ainsi passer à une généralisation de la prime de résultat pour l’ensemble des fonctionnaires.

Les directeurs et les directeurs-adjoints des services départementaux et régionaux ont vu leur rémunération harmonisée lorsque leur gestion est passée aux services du Premier ministre. Nous avons également entrepris une démarche de convergence sur les rémunérations accessoires. Mais le système n’est pas encore tout à fait exploité.

S’agissant enfin de la révision générale des politiques publiques, la réorganisation des services de l’État doit conduire à une meilleure efficacité, notamment en matière de politique de l’eau. Il s’agit de sortir d’un dispositif hiérarchique où à chaque niveau territorial, on se retrouve en présence de quasiment toutes les compétences. Il faut confirmer le niveau régional comme le niveau des expertises, et la liaison entre les différents services doit être plus courte. La réforme en cours a donc pour but un regroupement des compétences, principalement au niveau régional.

La révision générale des politiques publiques se concrétise, pour l’administration préfectorale, par le non remplacement de trois fonctionnaires sur quatre partant en retraite, et non d’un sur deux. L’administration centrale du ministère de l’Intérieur est soumise à la même règle que les services déconcentrés. L’équilibre global au sein du ministère a ainsi été supporté en grande partie par l’administration centrale et les services préfectoraux, au profit d’autres services du ministère.

M. le président Jérôme Cahuzac. Quand devraient à votre avis cesser les difficultés concernant la délivrance des titres ?

M. Henri-Michel Comet. Les passeports sont soumis à des effets de saisonnalité qu’il convient d’intégrer et sur lesquels nous essayons d’agir. S’agissant de l’immatriculation des véhicules, la situation devrait être meilleure d’ici à la rentrée de septembre.

M. Jean-Claude Mathis. La difficulté du renouvellement des cartes d’identité a créé beaucoup de mécontentements parmi nos concitoyens, en particulier lorsqu’il s’agit des descendants de la première génération d’immigration qui se sont heurtés à de très grandes difficultés. Des directives ont été données aux préfectures mais elles sont différemment interprétées et appliquées. Ainsi, il n’est pas admissible que les personnes issues de parents arrivés en France après la première guerre mondiale, qui ont été mobilisés en Algérie, soient tenues de produire de très nombreuses pièces alors qu’il s’agit du renouvellement d’un document dont ils sont en possession depuis toujours.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je m’associe aux remarques qui viennent d’être faites. Il est particulièrement choquant qu’une personne dont les parents sont d’origine italienne, par exemple, qui a fait la guerre d’Algérie, se heurte à des difficultés insurmontables pour renouveler sa carte d’identité. Il est souhaitable que ces dysfonctionnements prennent fin au plus vite.

M. Richard Mallié. Lorsque l’on constate ces difficultés, on s’interroge sur les raisons qui retardent la mise en place de la carte d’identité électronique de la même manière qu’elle a instauré les passeports biométriques. Des entreprises françaises, en pointe dans ce domaine, sont prêtes à produire ces nouvelles cartes nationale d’identité : pourquoi attendre ?

M. Marc Le Fur. Les désagréments relatifs au contrôle de la nationalité sont réels. Il faut cependant être conscient que la fraude aux documents d’identité est considérable et qu’elle se fait au tout début de la procédure lorsqu’une personne sollicite son premier titre d’identité. Les services sont obligés de tenir compte de cette réalité et doivent accomplir toutes les vérifications nécessaires, ce qui suppose un délai et la fourniture d’un certain nombre de justificatifs. En ce qui concerne la modernisation de la carte d’identité, il est regrettable que notre administration reste à mi-chemin des transformations. Il serait souhaitable que la commission des Finances demande solennellement au Gouvernement d’aller au terme de sa politique.

Quant au non-remplacement de trois fonctionnaires sur quatre partant à la retraite, on a décidé la réduction des effectifs avant de mettre en place les éléments de modernisation de l’administration qui devaient compenser la baisse d’effectif. Cela peut être concevable mais à condition que ces nouvelles méthodes et procédures donnent satisfaction, ce qui n’est pas encore le cas. J’ai regretté à plusieurs reprises, dans mes travaux de rapporteur, l’inégalité flagrante de répartition des effectifs entre les régions : Trois régions sont défavorisées au plan des affectations par rapport aux autres : le Nord-Pas de Calais, la petite couronne parisienne et la Bretagne. En revanche, les régions du sud de la France sont mieux dotées en personnel. Je mets à part des régions atypiques comme la Corse, l’outre mer ou des départements très petits pour lesquels un encadrement minimum reste nécessaire. Mais, en dehors de ces cas atypiques, je ne comprends pas que l’administration ne s’attaque pas à cette disparité de manière plus efficace. Il faut demander des arbitrages au Gouvernement pour aider l’administration à réformer ces inégalités trop fortes.

La reprise économique que nous souhaitons appelle des investissements, or la procédure en matière d’autorisations classées est longue, un an en moyenne ou plus. Ce qui veut dire qu’il faut attendre plus d’un an pour pouvoir créer des emplois. Là encore on constate de très grandes inégalités entre les départements. C’est un frein à la reprise : il faudrait soit décider un moratoire soit engager l’accélération des décisions, sinon la reprise sera freinée par les considérations réglementaires.

L’attribution de la prime de performance se banalise actuellement dans certaines préfectures, ce qui est contraire à l’esprit de la réforme. Les bénéficiaires devraient être minoritaires au sein de leur catégorie ; à défaut, ce système ne peut être compris si ceux qui ne bénéficient pas de la prime sont minoritaires.

Le système informatique Chorus qui doit gérer à terme l’ensemble des opérations d’ordonnancement des dépenses de l’État traite les comptes des préfectures ; or on peut constater qu’il ne fonctionne pas bien pour le moment. Un exemple parmi d’autres : à la préfecture de Marseille, quatre ou cinq personnes sont nécessaires pour traiter des sommes peu considérables. Il faut trouver des solutions rapides car l’objectif est de rassembler l’ensemble des dépenses de l’État dans un système Chorus qui fonctionne.

M. Henri Emmanuelli. Il n’est pas question de se réjouir des échecs et dysfonctionnements de la politique menée par le Gouvernement, cependant bien que leur métier n’ait jamais été facile, il faudrait rappeler aux préfets que leur rôle est de faciliter le fonctionnement des rouages, la délivrance des autorisations et d’éviter les blocages. Dans mon département, je constate avec inquiétude que « la police de l’eau » bloque des dizaines de millions d’euros d’investissement.

Je constate aussi que nos concitoyens se heurtent dans certains cas à des difficultés d’obtention des documents d’identité réellement abusives ; elles coûteront certainement plus d’une voix à l’actuelle majorité…

M. Jean-Pierre Balligand. Je partage l’opinion énoncée par MM. Emmanuelli et Le Fur sur la question des installations classées et je m’interroge sur le choix du niveau régional pour notre future organisation territoriale car ce niveau était historiquement le plus faible de l’organisation de l’État. On va rentrer dans un système de plus en plus marqué de protection contre les aléas locaux : on « ouvre le parapluie » de manière constante et générale.

Ainsi par exemple les grandes entreprises, comme Nestlé, procèdent à d’énormes investissements pour autonomiser la production d’énergie sur de grandes unités de production, afin notamment de diminuer le coût de l’énergie qu’ils utilisent. Or, les demandes adressées à l’administration sont bloquées et les projets sont totalement gelés. Le cadre réglementaire et les processus de décision semblent de plus en plus centralisés et tatillons. Les préfets de département n’ont plus beaucoup de poids pour débloquer les dossiers et l’administration régionale n’a pas l’expérience pour prendre les décisions techniques. On semble être entré dans un système développant une argumentation hyper protectionniste, hyper réglementaire et hyper contraignante. Il faut un moratoire ou des arbitrages dans les circuits de décision : il y a là un vrai problème national qui risque d’être aggravé du fait de la réforme de l’administration territoriale privilégiant la région au détriment du département, qui sera démantelé alors que c’est l’administration de gestion la plus expérimentée.

M. le président Jérôme Cahuzac. Faire bénéficier 60 % des agents d’une administration de la prime de résultat est un dévoiement du système de performance qu’on a voulu mettre en place. En effet, les 40 % du personnel non bénéficiaires ne peuvent comprendre la logique d’un tel système. L’effet risque d’aller à rebours de ce que l’on a souhaité.

La mise en place du logiciel Chorus est catastrophique comme le constate de manière unanime l’administration. Il devait en principe mobiliser moins de personnel, or, il en mobilise beaucoup plus et les résultats sont moins bons.

M. Marc Le Fur. Le résultat dans certains cas serait meilleur en utilisant un simple tableur Excel…

M. le président Jérôme Cahuzac. Je vous laisse la responsabilité de ce jugement informatique. En tout cas, je ne connais pas d’administration dans laquelle ce système se met en place de manière satisfaisante.

M. Henri-Michel Comet : Le ministre de l’Intérieur a pris en main directement le dossier du renouvellement des titres d’identité : des dispositions radicales ont été prises il y a deux mois pour simplifier profondément la procédure de renouvellement des titres d’identité et il n’est plus nécessaire de fournir la liste exhaustive des documents exigés auparavant. Je souligne que nous ne sommes pas les seuls prescripteurs de normes et que d’autres ministères ont aussi leur part à l’origine de ces difficultés.

Le ministre de l’Intérieur est demandeur du passage à la carte nationale d’identité électronique sécurisée. Le débat n’est pas encore tranché mais la réforme nécessite une modification législative. Au plan technique tout est prêt, attendre est dommageable économiquement et techniquement. Le ministère est décidé à aboutir dans les meilleurs délais. Quand on aura cette carte nationale électronique, les problèmes évoqués précédemment ne se poseront plus.

La lutte contre la fraude documentaire est un objectif majeur, et ce phénomène s’est accru au cours des dernières années ; il est vrai que cette fraude s’exerce souvent au moment de la délivrance du premier document, avec des failles ensuite qui permettent sa reproduction. Néanmoins, le ministère envisage d’inverser désormais la charge de la preuve et du contrôle, qui appartiendrait à l’administration, laquelle procéderait par sondages. Les services se sont réorganisés dans ce but, des fonctionnaires chargés de la lutte contre la fraude ont été désignés mais le résultat de ces mesures n’est pas encore complet.

Le ministère reconnaît l’inégalité des effectifs entre les régions. Un exercice de redistribution et de rééquilibrage des effectifs en faveur des trois régions déficitaires évoquées va être entrepris dans le cadre de l’année budgétaire 2011. Il faudra alors forcément prendre sur les effectifs dans les régions considérées comme excédentaires.

Les difficultés relatives aux installations classées sont liées à un « bouquet de contraintes » issues notamment de dispositions législatives et réglementaires. Le préfet est un exécutant et n’en est pas totalement responsable de la lourdeur des procédures. La judiciarisation est une réalité assumée par le corps préfectoral.

Il faudrait avoir un modus operandi national pour raccourcir la période de réponse aux demandes d’autorisation. Les difficultés d’obtenir rapidement les autorisations demandées pour les installations classées ne sont pas, selon moi, liées au processus de régionalisation des services de l’État : elles relevaient déjà de l’administration régionale avant la réforme.

Concernant la rémunération des fonctionnaires, les préfectures pratiquent actuellement la réserve d’objectif, répartie entre 60 % des personnels. Je prends acte des réflexions qui ont été faites ici, cependant les écarts de rémunération découlant de ce système sont réels et stimulants. Néanmoins il est prévu de modifier globalement à l’avenir le système de primes en instaurant une prime à la performance.

Le système comptable Chorus est interministériel et concerne quasiment tous les ministères organisés localement, donc tous les services déconcentrés au plan local. Le réseau des préfectures ne gère pas d’autre service, et l’on peut constater que c’est celui qui fonctionne comparativement le mieux. Le ministère de l’Intérieur n’est pas comptable du système Chorus qui est déployé par le ministère du Budget, avec lequel nous avons des échanges réguliers pour évoluer vers un système mieux intégré et plus présent géographiquement afin de raccourcir les délais de paiement.

M. Michel Vergnier. Je profite de la présence de monsieur le Secrétaire général pour attirer à nouveau son attention sur les investissements des collectivités territoriales, notamment en milieu rural. En effet, nous observons que la RGPP produit des effets dévastateurs sur l’ingénierie publique destinée aux collectivités situées des ces zones. Si l’on y ajoute un certain abandon public au niveau de l’aide à la maîtrise d’œuvre et une diminution des sommes allouées au titre de la DGE, ou du moins une stagnation de celles-ci, alors je crains que les effets du Plan de relance de l’économie soient sérieusement obérés. Je rappelle que les communes rurales n’ont pas les moyens de s’inscrire au sein du système concurrentiel tel qu’il a été mis en place. Les maires ruraux vont se voir contraints de renoncer à de nombreux projets susceptibles de maintenir l’économie locale et l’investissement. Ces élus ont le sentiment d’être abandonnés.

M. Marc Le Fur. Concernant les installations classées, je m’associe aux déclarations de monsieur le Secrétaire général et tiens à souligner que, dans ce domaine, le législateur porte une grande part de responsabilité. Et le « Grenelle II » ne va pas arranger la situation. Je note toutefois qu’en dépit de textes et de normes communes à l’ensemble des préfectures, on observe, d’un département à l’autre, des différences considérables quant au délai d’obtention du statut d’installation classée. Les meilleurs départements délivrent leur autorisation en 5 ou 6 mois, les moins efficaces en 18 mois ! Cela signifie qu’à régime juridique identique, certains arrivent à faire mieux. À cet égard, un point mérite d’être souligné : il n’existe aucune corrélation entre les performances des préfectures et les moyens, notamment humains, qui leurs sont alloués. Cela prouve que la gestion et l’efficacité humaine sont primordiales et que tout n’est pas affaire de moyens uniformément répartis.

M. Henri-Michel Comet. Concernant l’ingénierie publique et comme vous le savez, la décision a été prise pour se mettre en conformité avec la réglementation européenne. Par ailleurs, il existe des dispositifs, notamment via le niveau intercommunal, qui permettent la dévolution de moyens financiers. Il existe donc des éléments de réponse aux difficultés rencontrées par les maires, particulièrement au sein des territoires ruraux.

Sur les installations classées, nous partageons assez largement le constat de monsieur le député Le Fur : la variable humaine est déterminante en matière de performance. Toutefois, je me permettrai de souligner que les délais de traitement des dossiers varient en fonction de leur complexité et que les moyennes, pour importantes qu’elles soient, ne sont qu’un critère parmi d’autres. Je conçois qu’un rapport global de un à trois puisse paraître excessif, mais je me méfie d’une analyse uniquement fondée sur les moyennes. C’est également pour cela que j’ai choisi le corps préfectoral : une approche pratique au cas par cas est sans doute le moyen le plus pragmatique et le plus efficace de traiter les dossiers administratifs, notamment les dossiers relatifs aux installations classées.

M. Dominique Baert, président : Messieurs, je vous remercie.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 26 mai 2010 à 11 heures

Présents. - M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Claude Bartolone, M. Xavier Bertrand, M. Thierry Carcenac, M. Jérôme Chartier, M. Michel Diefenbacher, M. Henri Emmanuelli, M. Marc Francina, M. Georges Ginesta, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Hénart, M. François Hollande, M. Jean Launay, M. Marc Le Fur, M. Patrick Lemasle, M. Richard Mallié, M. Jean-François Mancel, M. Jean-Claude Mathis, M. Henri Nayrou, Mme Béatrice Pavy, M. Jacques Pélissard, M. Nicolas Perruchot, Mme Isabelle Vasseur, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Bernard Carayon, M. Alain Claeys, M. René Couanau, M. Jean-Claude Flory, M. Nicolas Forissier

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