Accueil > Travaux en commission > Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mardi 1er juin 2010

Séance de 18 heures 15

Compte rendu n° 80

Présidence de M. Jérôme Cahuzac, Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des Transports, sur le projet de loi de règlement pour 2009 : les évolutions de la Direction générale de l’aviation civile 2

–  Présences en réunion 19

La Commission entend M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des Transports, sur le projet de loi de règlement pour 2009 : les évolutions de la Direction générale de l’aviation civile.

M. le président Jérôme Cahuzac. La commission des Finances poursuit aujourd’hui ses auditions dans le cadre de l’examen du projet de loi de règlement pour 2009.

Sur la suggestion de M. Charles de Courson, rapporteur spécial des crédits du transport aérien, nous examinerons les évolutions de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) face aux défis que représentent la concurrence dans le cadre européen, et le fait que celle-ci soit à la fois autorité de régulation et prestataire des services de navigation aérienne.

Je remercie M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports, d’être parmi nous, ainsi que M. Patrick Gandil, directeur général de l’aviation civile. Je remercie également M. Christian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes, et les autres magistrats de cette institution qui assistent à notre réunion.

Pour ce qui concerne l’exécution du budget de 2009, notre base de travail est la note d’exécution budgétaire transmise par la Cour des comptes à notre Commission, selon un usage instauré par le Premier président Philippe Séguin.

Notre discussion portera sur quelques grands dossiers, dont le premier concerne l’évolution du statut de la DGAC, administration centrale exerçant des fonctions de prestataire de services et de régulateur – deux activités que la réglementation européenne tend à séparer.

L’autre grand dossier est celui de l’endettement croissant de la DGAC, qui nous préoccupe, bien que nous en comprenions les raisons. Dans quelle mesure le coût de gestion des ressources humaines contribue-t-il à cet endettement ? Sans doute nos collègues poseront-ils des questions sur la gestion des fonctionnaires d’État qui dépendent de la DGAC, notamment sur les clairances et autres particularités propres, sinon à ce métier, du moins à la manière dont ces fonctionnaires l’exercent.

Je propose que notre rapporteur spécial ouvre le débat. Je rappelle que M. Descheemaeker peut à tout moment donner des précisions aux différents orateurs ou leur poser des questions.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial des crédits du transport aérien. Notre dialogue pourrait s’articuler selon trois volets : l'adaptation du budget annexe et du statut de la DGAC à l'exercice du contrôle aérien dans un contexte d'intégration européenne, la dégradation de la situation financière du budget annexe, et la gestion des ressources humaines de la DGAC.

Sur le premier de ces trois volets, ma première question portera sur le budget annexe.

Depuis sa création en 2006, le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens »
– BACEA – a vu son périmètre évoluer. Entre 2006 et 2009, seules les activités de prestations de service de la DGAC y étaient retracées, en conformité avec l'article 18 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 – la LOLF. La loi de finances pour 2009 a élargi le champ du BACEA à des activités régaliennes, qui ont vocation, d’après la Cour des comptes, à être financées par le budget général – point sur lequel, au demeurant, ma position est plus nuancée.

Le budget annexe présente, selon la Cour, bien d'autres inconvénients, comme l’incompatibilité des référentiels budgétaires et comptables, nuisible à la lisibilité des documents transmis au Parlement, et des difficultés de gestion liées à l'impossibilité de présenter un solde de trésorerie négatif.

Dans ces conditions, ne faudrait-il pas étudier la mise en œuvre d'outils budgétaires mieux adaptés ?

Deuxième question : le statut même de la DGAC n’est-il pas inadapté ? Issu d'un amendement du rapporteur spécial, l'article 193 de la loi de finances pour 2009 a demandé au Gouvernement la remise au Parlement d'un rapport sur les évolutions statutaires de la DGAC nécessitées par l'intégration européenne croissante du contrôle aérien au sein de « blocs d'espace aérien fonctionnels ». Dans ce rapport, le Gouvernement envisageait cinq scénarios d'évolution de la DGAC, privilégiant celui qui prévoyait la transformation de celle-ci en un établissement public administratif – EPA. J’avais d’ailleurs appuyé cette position, qui pouvait être une position de repli pour marquer une étape vers une intégration européenne. Pourquoi le Gouvernement a-t-il, depuis lors, choisi d'abandonner ce projet, alors que le ministre lui-même me semblait assez ouvert à une telle évolution ?

Au demeurant, le statut d'EPA ne permettrait pas de séparer les activités de prestation de services et de régulation, qui demeureraient toutes deux exercées par la même autorité. Or, les règles présidant à la mise en place du « ciel unique européen » semblent rendre nécessaire la séparation de ces deux fonctions.

Troisième et dernière question concernant ce volet : ne faudrait-il pas aller encore plus loin dans l'intégration européenne, en créant une structure ad hoc ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Nous commémorons aujourd’hui le premier anniversaire de la disparition du vol Air France 447. Une cérémonie très émouvante a réuni ce matin au Parc floral de Vincennes près de mille personnes et une stèle a été inaugurée cet après-midi au cimetière du Père-Lachaise. Pour le transport aérien, cette journée est placée sous le signe du recueillement et de la mobilisation pour trouver les causes de cet accident, que nous ignorons encore, faute d’avoir récupéré les enregistreurs de vol, ou « boîtes noires ».

Pour ce qui est du budget annexe, je rappelle qu’ayant été secrétaire d’État chargé du budget et de la réforme budgétaire, j’ai eu l’honneur, après l’excellent travail d’Alain Lambert et de Didier Migaud, de participer à la mise en œuvre de la LOLF tout en présentant au Parlement le dernier budget précédant l’application de celle-ci. Sans doute le budget annexe n’est-il pas l’instrument budgétaire le mieux adapté, mais je ne sais s’il existe, au regard des besoins spécifiques et dans le cadre juridique actuel, d’autres solutions.

Ce mécanisme présente des inconvénients, mais l’inscription à ce budget annexe de l’ensemble des activités de la DGAC traduit au moins l’esprit de la LOLF, car elle assure une unité budgétaire qui permet une bonne lisibilité dans un secteur où les prestations de services donnant lieu à redevance et où les prescriptions techniques et régaliennes sont très liées. J’ai d’ailleurs veillé particulièrement à l’information du Parlement, notamment pour ce qui concerne la gestion financière du budget annexe. J’espère que vous aurez noté une amélioration sensible de la présentation de ce budget dans le projet de loi de finances pour 2010, destinée à permettre au Parlement d’évaluer la situation dans une plus grande transparence.

L’objet est cependant complexe et doit intégrer une comptabilité qui s’apparente à celle d’une entreprise, ce qui n’est pas chose aisée. Je prends l’engagement de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que la présentation de ces éléments dans le projet de loi de finances pour 2011 soit encore améliorée.

La question du statut de la DGAC est difficile et a d’évidentes implications sociales. Le scénario d’une évolution vers un établissement public administratif, qui avait ma préférence, s’est heurté à un contexte social difficile. J’ai d’ailleurs noté que la Cour des comptes laissait entendre dans sa note que cette transformation permettait de pallier les inconvénients d’un budget annexe. Cependant, au-delà des politiques de gestion, il importe de prendre en compte les démarches d’amélioration du service. Cette question n’a pas encore été réglée avec les organisations syndicales.

L’essentiel est pour nous la création du bloc d’espace aérien fonctionnel d’Europe centrale – FABEC. J’y reviendrai en répondant à la troisième question du rapporteur spécial.

La crise causée par l’éruption du volcan islandais a démontré la nécessité de la mise en œuvre du ciel unique européen. Dans cette crise, le manque d’action européenne commune
– c’est-à-dire le manque d’Europe – s’est fait sentir.

Deux actions importantes sont prévues.

Tout d’abord, la gestion du ciel devrait, à terme, être complètement rénovée par le système satellitaire SESAR, qui permettra aux pilotes d’avoir moins besoin du contrôle aérien durant les phases de route, les contrôleurs intervenant dans les phases de décollage, d’approche et d’atterrissage.

Par ailleurs, il est prévu de mettre en place un bloc d’espace aérien fonctionnel de l’Europe centrale. Une déclaration d’intention a été signée en ce sens avec l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse. Bien que ce dernier pays ne soit pas membre de l’Union européenne, il était indispensable de l’inclure dans le dispositif, car la zone située à la verticale de Zurich et du lac de Constance est un point nodal du trafic en Europe. Le FABEC doit permettre de disposer de routes plus sûres et plus courtes – l’économie de temps pourrait être de dix à quinze minutes sur un vol Paris-Milan par exemple –, ce qui se traduirait pour les passagers par un meilleur confort et peut-être par des baisses de prix.

Il s’agit donc de construire une organisation intégrée de prestations de services, avec un service public européen à l’échelle de ces six pays, qui préserverait le statut des fonctionnaires de la DGAC. La moitié environ des contrôleurs aériens français sont attachés au système actuel, l’autre moitié d’entre eux souhaitant accéder au statut européen – cette différenciation se manifeste entre Orly et Roissy et le centre de contrôle d’Athis-Mons. Je souhaiterais connaître la position de l’Allemagne sur cette question, que j’ai d’ailleurs évoquée la semaine dernière à Leipzig avec Peter Ramsauer, ministre allemand des transports. Une rencontre est également prévue avec le ministre suisse, qui doit devenir président de la Confédération helvétique le 1er janvier 2011, afin de nous entendre sur le calendrier.

Pour tenter de régler les difficultés sociales soulevées en France par la question, Jean-Louis Borloo et moi-même avons confié à Gilles Savary, qui a été l’un des députés européens français – toutes tendances confondues : il est socialiste – les plus engagés et les plus informés en la matière, une mission consistant à définir la structure juridique la plus adaptée. M. Savary, qui a quitté le Parlement européen, doit nous proposer d’ici à la fin du mois de juin les statuts de cette organisation européenne, les statuts du personnel et un mode d’organisation des passerelles qui doivent être établies avec la DGAC. M. Borloo et moi-même nous prononcerons alors sur l’avenir de la structure qui gérera le FABEC, en tenant compte des souhaits de l’Allemagne et de la Suisse, laquelle a quasiment privatisé son système, ce qui du reste ne donne pas pleinement satisfaction sur le plan opérationnel.

M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur le président Descheemaeker, quel est votre point de vue sur ce que la Cour des comptes a estimé être une entorse à la LOLF ? Il ne s’agit pas là seulement d’une discussion technique et budgétaire, car une quotité de plus en plus importante de la taxe d’aviation civile est dirigée vers le budget annexe, qui n’a pas pour vocation principale le financement d’activités de nature régalienne.

M. Christian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes. Dans sa note d’exécution budgétaire, la Cour fait remarquer qu’avec les changements intervenus en 2006, puis en 2009, l’organisation budgétaire conforme à la LOLF n’aura été qu’une parenthèse de trois ans, avant un retour à un mélange peu satisfaisant d’activités régaliennes et redevancées.

J’entends bien les arguments de M. le secrétaire d’État, qui évoque l’opposition au statut d’établissement public manifestée par le personnel…

M. le secrétaire d’État. Par une partie seulement du personnel !

M. le rapporteur spécial. Les syndicats sont divisés sur la question.

M. Christian Descheemaeker. De fait, un établissement public administratif peut être requalifié par un juge comme établissement public industriel et commercial, auquel ne pourrait être attaché le statut de fonctionnaire associé au premier.

J’ai cependant pris note, monsieur le secrétaire d’État, de votre position : si le budget annexe n’est pas le mécanisme idéal, du moins ne disposons-nous pas aujourd’hui d’une meilleure formule.

La Cour maintient ses critiques sur le fait qu’un budget annexe impose des contraintes qui ne sont actuellement pas parfaitement respectées par le BACEA. Dès le vote de la LOLF, le budget annexe était une sorte de survivance, conservée faute de mieux, et les budgets annexes avaient vocation à disparaître progressivement – c’est d’ailleurs ce qui s’est produit, car il en reste très peu. Il s’agit donc d’un pis-aller, faute de formule juridique plus adaptée. Cela ne signifie pas pour autant que je l’approuve.

M. le rapporteur spécial. Pour le budget de 2010, 80 % de la taxe est affectée au budget annexe. J’avais demandé, les années précédentes, que la DGAC me prouve que cette proportion représentait exactement le coût des fonctions régaliennes. De fait, cette partie de la taxe ne couvre en principe pas les fonctions de contrôle à caractère industriel et commercial, financées par la redevance.

Pour ce qui concerne l’avenir, une partie des organisations syndicales – surtout l’une d’entre elles – est favorable à l'évolution européenne, car certains pensent que le cadre européen sera plus favorable encore que le cadre national. En effet, s'ils sont bien payés, les contrôleurs aériens français ne le sont pas autant que certains de leurs homologues européens. Face à ces progressistes, il existe également des conservateurs qui souhaitent rester fonctionnaires français.

L’évolution vers un EPA me semblait constituer une étape vers l'indispensable intégration européenne, par bloc fonctionnel, des personnels. Il faut pousser en ce sens, car les conservateurs ont tort et vous aurez, monsieur le secrétaire d’État, l’appui de certaines forces syndicales.

M. le secrétaire d’État. Une remarque de bon sens : les contrôleurs européens sont mieux payés, mais ils travaillent plus, comme le montre l'exemple du centre européen de Maastricht, qui dépend d'EUROCONTROL et où les salaires et la productivité sont supérieurs. Nous aurons des choix à faire en la matière.

M. Patrick Gandil, directeur général de l’aviation civile. En Europe, les deux meilleurs taux de redevance, qui permettent de mesurer le couple productivité-salaire, sont celui de la France et celui de Maastricht. À ratio égal, les situations sont du reste très différentes, les contrôleurs français travaillant moins et étant moins payés que leurs homologues maastrichtiens. L’équation est moins favorable dans les autres pays européens. Notre contrôle aérien est aujourd’hui le moins cher d’Europe, et il y a là un enjeu important.

Au terme d’une réforme interne importante, reconnue et acceptée par Bruxelles, la DGAC a mis en place la séparation des fonctions en distinguant trois grandes directions : la Direction des services de la navigation aérienne – la DSNA –, prestataire de services, à qui ont été retirées toutes les fonctions régulatrices, la Direction de la sécurité de l’aviation civile, chargée des contrôles de sécurité et bras séculier de l’Agence européenne de sécurité aérienne, et la Direction du transport aérien, qui exerce les fonctions de régulation économique sur l’ensemble des acteurs du système – dont la DSNA – et mène les politiques publiques.

Cette formule, qui ne crée pas pour autant une séparation absolue, est un atout. Le fait que la France ait mieux réagi que les autres pays face à la crise causée par les cendres du volcan islandais tient en particulier à la collaboration, sans équivalent ailleurs, entre ces entités. La structure française permet un bon équilibre entre une clarification des responsabilités et une vision globale de l’aviation, qui est un ensemble complexe d’activités.

M. Alain Rodet. Les propos de M. Gandil sont très rassurants et apaisent les craintes que je pouvais avoir quant à la gestion des obligations de service public concernant les dessertes locales et au rôle des compagnies low cost.

Pour ce qui est toutefois du rôle de Bruxelles, je tiens à témoigner des dégâts occasionnés par le passage à la Commission européenne de Mario Monti, qui a commis des erreurs colossales dont on n’a jamais tiré les conséquences et qui n’ont jamais donné lieu à une action en responsabilité.

M. le secrétaire d’État. Monsieur Rodet, à la demande des autorités locales, nous sommes très attentifs, en attendant la mise en service du TGV Poitiers-Limoges, à la desserte de l’aéroport de Limoges.

M. Patrick Lemasle. Monsieur le secrétaire d’État, quel est, selon vous, le bon équilibre en matière de productivité et de rémunération ?

M. Patrick Gandil. Pour fixer quelques ordres de grandeur, je rappellerai qu’un contrôleur français coûte, en salaire et en charges, environ 120 000 euros par an. Le coût est de l’ordre de 180 000 euros pour un contrôleur maastrichtien. Il est légèrement inférieur à ce dernier chiffre pour un contrôleur allemand et du même ordre aux Pays-Bas et en Suisse. L’écart est donc de 50 % par rapport aux autres contrôleurs du FABEC, à l’exception toutefois des Espagnols, qui ont récemment défrayé la chronique et coûtent en moyenne 330 000 euros, avec des pics à 660 000 euros – situation aberrante issue d’un dialogue social mal maîtrisé, sur fond de chantage à l’occasion notamment des Jeux olympiques. Je saisis cette occasion pour souligner que la conclusion de protocoles sociaux permet d’éviter ce genre d’excès.

À l’exception des Suisses, qui travaillent 20 jours de plus que les autres, tous les contrôleurs travaillent environ 160 jours. En revanche, l’organisation du travail est probablement moins bonne en France qu’à Maastricht, sans parler du phénomène des clairances, sur lequel nous reviendrons sans doute tout à l’heure. Ainsi, alors qu’un contrôleur allemand accomplit effectivement les 160 jours de travail prévus, son homologue français peut, s’il n’exerce pas dans une tour de contrôle où la charge de travail est importante et les effectifs peu nombreux, travailler plutôt 130 ou 120 jours par an.

M. le rapporteur spécial. Comme partout, il faut distinguer les heures payées des heures effectivement travaillées. Le prix de revient réel est le rapport entre le coût chargé et les heures effectives. Outre que l’ordre de grandeur des salaires bruts que vient d’indiquer M. Gandil est déjà considérable, il faut aussi rapporter la rémunération des contrôleurs français, certes inférieure d’un tiers à celle de certains de leurs homologues européens, aux heures effectivement travaillées. Ces questions feront notamment l’objet du troisième volet de notre discussion.

Le coût reste cependant très élevé, s’agissant de personnels dont la formation, d’après ce que je sais, n’est pas du niveau bac + 7.

M. Patrick Gandil. Il s’agit d’une formation bac + 5, comparable à celle des pilotes.

M. le rapporteur spécial. Cette catégorie de personnel reste très bien payée à l’heure travaillée. Si des comparaisons internationales sont nécessaires, il faut aussi rapporter ces chiffres aux revenus de l’ensemble de nos compatriotes.

Les lignes d’aménagement du territoire, évoquées par M. Alain Rodet, accusent une certaine dégénérescence, car les critères fixés intéressent de moins en moins les compagnies
– au point que les crédits budgétaires sont souvent sous-consommés, avec, me semble-t-il, un reliquat de 2 ou 3 millions d’euros sur une enveloppe de 12 ou 13 millions. La vraie desserte de nombreuses plateformes est celle qu’opèrent les compagnies low cost, malgré les abus dans ce domaine.

J’en viens maintenant au deuxième volet de notre débat, consacré à la dégradation de la situation financière du budget annexe.

La note de la Cour indique que le déficit d'exécution des exercices 2006 à 2008 était en réalité supérieur à celui affiché dans les rapports annuels de performances. Comment justifier ces écarts et comment expliquer les résultats déficitaires ?

Par ailleurs, en 2009, la situation financière du budget annexe a été dégradée par la crise économique, qui a fait chuter le trafic aérien et donc le niveau des redevances encaissées. Le besoin en fonds de roulement s'est significativement accru, au-delà des capacités de la DGAC. Un décret d'avance, devenu indispensable, a été pris en décembre 2009 – après avoir recueilli un avis défavorable de la commission des Finances du Sénat – afin d'augmenter le plafond d'emprunt de la DGAC. Au total, en 2009, l'endettement a augmenté de près de 20 %, faisant entrer le budget annexe, selon l'expression de la Cour, « dans une spirale de surendettement ».

Se posent alors deux questions : quelle est la part de l'endettement destinée à financer des dépenses de fonctionnement ? Quelles sont les mesures envisagées pour contenir et, à terme, réduire l'endettement du BACEA ?

Ce budget annexe fonctionnait naguère comme une petite entreprise, avec un budget de fonctionnement et un budget d’investissement. Géré jusqu’à 2008 d’une manière assez équilibrée, sans recourir comme l’État à l’endettement à tout-va, il a vu sa situation se dégrader depuis la crise.

M. le secrétaire d’État. L’analyse des déficits des exercices 2006 à 2008 est, hélas, juste. M. Gandil reviendra sur ces déficits structurels.

La situation de 2009 est exceptionnelle, du fait de l'impact important de la crise sur le transport aérien des passagers et du fret, et donc directement sur les recettes d'exploitation, avec une moins-value de l'ordre de 190 millions d'euros. Le budget annexe étant déjà fragilisé par les déficits des années précédentes, cette tension s'est traduite par un manque de trésorerie. La DGAC a mis en œuvre des mesures visant à maîtriser ses dépenses, en vue notamment de la mutualisation de ses fonctions support.

L'activité économique de la DGAC exige un recours structurel à l'emprunt, compte tenu de ses besoins d'investissement. Se pose alors la question de la soutenabilité à long terme de la dette. L'Agence France Trésor et la DGAC s’emploient conjointement à rechercher une meilleure synchronisation entre la durée d'amortissement des investissements et le remboursement de la dette.

J'ai demandé que le budget triennal 2011-2013, en cours d’élaboration, prévoit des mesures permettant le retour à une situation plus saine.

M. Patrick Gandil. Le déficit des années passées traduit un déséquilibre structurel du budget annexe, lié au fait que toutes les activités « redevançables » ne sont pas « redevancées ». Outre-mer, pour des raisons d'aménagement du territoire, ce non-recouvrement affecte les deux-tiers des coûts. En outre, l'aviation d'État de tous les pays – et notamment celle du nôtre – est exonérée de plein droit. Ainsi, certaines activités productives, non régaliennes, ne peuvent être entièrement couvertes par la redevance.

L’ensemble de la taxe de l'aviation civile doit couvrir à la fois les activités régaliennes et les parties exonérées des activités susceptibles de redevance. Le manque est de l'ordre de 60 à 80 millions d'euros. Selon les années, en période de crise notamment, certains éléments sont plus affectés, tandis que d'autres connaissent des évolutions positives.

En 2009, année marquée par la crise la plus grave de l'histoire du transport aérien, si nous avions voulu appliquer les principes de recouvrement des coûts qui sont à la base du système des redevances, nous aurions dû augmenter de plus de 12 % les redevances de navigation aérienne, ce qui aurait été irresponsable. Nous avons donc procédé à une augmentation de 5 % seulement, nous plaçant volontairement dans une situation déficitaire qui exigeait le recours à l'emprunt pour couvrir des coûts de fonctionnement, pour un montant de l'ordre d'une soixantaine de millions d'euros, malgré l’annulation d’une trentaine de millions d’euros de dépenses de fonctionnement.

Pour l'avenir, il est clair que ce déficit n'est conforme ni aux pratiques du budget annexe, ni à notre volonté, et qu'un plan de redressement est nécessaire. Nous commencerons à vous le proposer à partir du budget de 2010.

Notre premier objectif est de reconstituer la trésorerie. En effet, à la fin de l'année dernière, un décret d'avance a été nécessaire pour nous permettre d'emprunter la trésorerie nécessaire au paiement du mois de décembre. De fait, le dernier versement effectué par EUROCONTROL intervient au 31 décembre, alors qu'il nous faut verser les salaires de décembre le 20 du même mois. N'importe quelle entreprise disposerait d'une ligne de trésorerie permettant de couvrir ces 10 jours de décalage mais, bien que l’échéance du paiement d’EUROCONTROL soit parfaitement sûre, nous n'avions pas la possibilité de recourir à un emprunt de trésorerie à très court terme. Outre le décret d'avance, un vote de régularisation de celui-ci a donc été nécessaire en loi de finances rectificative.

La trésorerie que nous visons serait de l'ordre de 200 millions d’euros, soit un peu plus d'un mois de fonctionnement, compte tenu du montant total du budget annexe, qui est d’environ 2 milliards d’euros.

Le deuxième objectif est d'annuler la bosse d’endettement correspondant au suremprunt auquel il nous a fallu recourir pour passer la période de crise, afin de revenir à un encours d'emprunt de l'ordre d'un milliard d'euros. Il est utile de préciser que, si cet encours est constant, il ne s'agit pas pour autant d'un crédit revolving ou d’un emprunt destiné à rembourser les emprunts précédents, comme on nous le reproche parfois. Chacun de nos emprunts est directement lié à un investissement déterminé. En revanche, nous nous efforçons de lisser dans le temps le montant annuel de nos investissements – étant entendu que nous ne pouvons financer ces derniers sans recourir à l'emprunt, car nous ne pouvons percevoir de redevance sur les investissements avant que ceux-ci n’aient été mis en service.

Par des économies de fonctionnement, des économies sur le personnel et, je l'espère, par la reprise d’un trafic auquel s'appliqueront des redevances que nous avons légèrement majorées l'an dernier, ainsi que par un refinancement de la dette que devraient permettre les taux très bas en vigueur actuellement, nous devrions pouvoir vous présenter en loi de finances un début d'apurement de la situation et de retour à l'équilibre.

M. Georges Ginesta. Ma question porte sur les clairances.

M. le président Jérôme Cahuzac. Ce point sera abordé dans le cadre du troisième volet de notre discussion. C'est à ce même titre que je vous demanderai, monsieur le directeur général, si la DGAC applique elle aussi la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite, ce qui pourrait être une manière de réaliser des économies sur les coûts de fonctionnement et d'éviter de recourir à l'emprunt.

M. le rapporteur spécial. Un effort a été réalisé outre-mer, où les redevances n’étaient absolument pas recouvrées. J'avais d'ailleurs déposé plusieurs amendements à cet égard. Le taux moyen de recouvrement n’est encore que de l’ordre d’un tiers des recettes prévues – il est très inférieur en Polynésie française où, les textes permettant d’adapter les dispositifs n'ayant pas été pris, pratiquement aucune redevance n’était perçue voilà encore peu de temps. Le manque en la matière s’établit entre 60 et 80 millions d'euros, soit le volume du déficit de fonctionnement.

La tendance à l'endettement pour financer le fonctionnement aurait des effets catastrophiques et il est heureux qu’un redressement soit engagé. Les remboursements d'emprunts sont assez importants – de l'ordre de 128 millions d’euros – et en forte croissance d'année en année. Le montant des dotations aux amortissements annuels du budget annexe, dont la comptabilité est assez proche de celle d'une entreprise commerciale, est quant à lui de l’ordre de 150 millions d’euros. Par comparaison avec le budget d'une collectivité locale, cela reviendrait à se situer près de zéro en termes d’équilibre réel, étant entendu que ce dernier suppose un excédent de fonctionnement permettant de rembourser l’annuité du capital – je me garde d'appliquer ce raisonnement au budget de l'État, qui aurait besoin à cette fin d'un excédent de fonctionnement de l'ordre de 150 milliards d'euros.

Pour la DGAC, la situation n'était donc pas tragique, mais il était temps de « resserrer les boulons ».

Compte tenu des résultats des six premiers mois de l'année, pourriez-vous nous indiquer si vous respectez votre plan de redressement destiné à produire un excédent de fonctionnement permettant de reconstituer la trésorerie et de disposer d'un autofinancement raisonnable en vue des investissements ? Avec un montant de 310 à 315 millions d’euros, ces derniers représentent un budget important qui, compte tenu de celui des investissements civils de l'État, tombé à 3 ou 4 milliards d'euros, fait apparaître la DGAC comme une administration qui se modernise.

M. Christian Descheemaeker. Les déficits des trois années précédentes – 2006, 2007 et 2008 –, dont on a peu parlé, étaient en partie masqués par le fait que la DGAC recouvre auprès des compagnies aériennes des redevances dont elle sait qu'il faudra les leur rembourser ultérieurement. L'existence d'un mécanisme d'ajustement est normale, mais, à la fin de 2008, la DGAC avait accumulé 198 millions d'euros de trop-perçu, donc de dette, à l'égard des compagnies. J'ai bien noté que ce constat était partagé et que l'on prenait des mesures. La Cour des comptes ne peut que critiquer un mécanisme qui fait apparaître une recette en comptabilité de caisse alors que ce n’est pas une recette en comptabilité d'engagement, puisqu’il faudra la rembourser. Les écarts qui en résultent sont considérables.

Un tel phénomène de sur-recouvrement peut être considéré comme accidentel s’il a lieu pendant une année, mais pas pendant trois. Comme toujours lorsque l'on masque un déficit, même si ce n’est pas délibéré, le jour vient où il faut faire face à la situation. De ce point de vue, 2009 aura été un révélateur. La Cour a indiqué clairement, dans sa note d'exécution budgétaire, que le déficit était structurel : il ne s'agit pas d'un incident de parcours lié à la crise du transport aérien.

Nous espérons que les mesures de redressement seront suffisantes. Néanmoins, l'importance des montants nous inquiète un peu. La mise en commun de fonctions de support et les mesures en matière de gestion du personnel sont nécessaires, certes, mais sont-elles à la hauteur de l'enjeu ? Permettront-elles d'échapper à la spirale de l’endettement ?

M. Patrick Gandil. Le mécanisme correcteur que vous décrivez consiste, après que l’on a calculé la somme des redevances encaissées dans l'année et la somme des coûts, à rembourser, dans un sens ou dans l'autre, l'excédent ou le déficit constaté. Depuis l'année 2009, nous avons abandonné ce système. Comme, je le répète, nous n'avons pas porté les redevances au niveau souhaitable pendant la crise, nous avons compensé la quasi-totalité des dettes qu’elle a engendrées.

L'utilisation des mécanismes correcteurs n'a rien d'intentionnel. Quand l'accroissement du trafic aérien est de 7 % alors que les prévisions étaient de 4 %, les recettes supplémentaires engendrées nécessitent forcément un réajustement. Cela dit, nous sommes le premier pays d'Europe après la Grande-Bretagne à avoir adopté un mode de gestion beaucoup plus souple et conforme à la nouvelle directive européenne.

De plus, il nous est absolument impossible d'être en excédent. Le rapporteur spécial a raison de souligner que nous sommes tout juste à l'équilibre lorsque l'on compare les amortissements et les remboursements d'emprunts. Là est bien le drame du principe du budget annexe et des redevances : comme nous devons rembourser les excédents aux compagnies aériennes, nous ne pouvons constituer une sorte de report pour les temps difficiles. Or, l'activité étant cyclique, il y aura forcément des temps difficiles.

Pour ce qui est de notre trajectoire budgétaire en 2010, la conjoncture fait apparaître une reprise. Les mois de janvier et de février ont été très mauvais, mars médiocre, avril prometteur avant la survenue de la crise due au nuage de cendres. Et le mois de mai a été excellent. Nous avons élaboré notre budget sur la base d'une croissance du transport aérien de 1,5 % en volume, ce qui, par rapport à un chiffre d'affaires de 2 milliards d’euros, représente 30 millions. Par prudence, nous avons gelé 50 millions d’euros afin de nous mettre à l'abri de la mésaventure qui nous est arrivée à la fin de l'année dernière. Cette marge nous permettrait d'affronter une nouvelle légère baisse du trafic, baisse qui serait tout de même assez invraisemblable. En réalité, j'espère pouvoir utiliser ces sommes pour commencer la reconstitution de la trésorerie ; si les affaires se poursuivent sur la lancée du mois de mai et si ne surviennent pas de nouvelles catastrophes, l'année se terminera dans de très bonnes conditions.

M. le rapporteur spécial. Pour en revenir au mécanisme correcteur, j'avais donné l’alerte à plusieurs reprises sur la sous-estimation manifeste des recettes. En 2006, celles-ci étaient supérieures de 62,8 millions d’euros aux prévisions, en 2007 de 80,2 millions, en 2008 de 23,6 millions. À la fin de 2008, on en était à 192,6 millions d’euros de cumul. Il a fallu rendre cette somme en 2009, année où l'effondrement du trafic a provoqué le phénomène inverse.

Dans la mesure où la DGAC disposait de cette trésorerie, le résultat comptable était forcément beaucoup plus mauvais que le résultat apparent : moins 117 millions contre moins 54 millions en 2006, moins 35 contre moins 115 en 2007, moins 44 contre moins 68 en 2008.

Le système qui a remplacé le mécanisme correcteur à la fin de l'année dernière ne devrait pas provoquer les mêmes écarts. Cela étant, l'administration peut être amenée à jouer avec n’importe quel système. Il faut donc que les prévisions soient les plus raisonnables possibles.

Enfin, on ne peut financer indéfiniment l'investissement par l'emprunt puisque les amortissements se retrouvent dans les coûts. De ce point de vue, comment envisagez-vous les investissements de la DGAC dans les deux ou trois ans qui viennent ?

M. Patrick Gandil. Je n'envisage aucune baisse de l'investissement. Avec le projet SESAR, nous avons devant nous une révolution technique qui améliorera la sécurité et l'environnement sonore, qui raccourcira les routes, mais qui aura un coût puisque nous devrons procéder à un rééquipement presque complet. Nos systèmes vieillissent et ils devront de toute façon être remplacés. Actuellement, une instabilité informatique provoque des difficultés assez sérieuses à l'aéroport de Lyon, nous obligeant à augmenter la séparation entre les avions, donc à perdre de la capacité. Les systèmes adaptés à un trafic faible souffrent au fur et à mesure que le trafic s'accroît.

Nous devons donc nous garder de désinvestir pour rétablir notre équilibre budgétaire. L'investissement doit être maintenu à hauteur d'environ 200 millions d'euros par an.

Pour retrouver l'équilibre, il nous faudra faire des économies de fonctionnement et, peut-être, augmenter les redevances : celles-ci sont, de loin, les moins chères d'Europe, inférieures de sept ou huit points par rapport à l'Allemagne. Nous avons fait preuve de responsabilité vis-à-vis des compagnies aériennes et nous continuerons de le faire, mais il existe là une petite marge.

Enfin, nous devons mener une politique d'emprunt plus astucieuse. Nous nous heurtons à un problème structurel : l'Agence France Trésor consent des prêts à 8 ans alors que nos cycles d'amortissement sont bien plus longs, de l'ordre de 12 à 15 ans. Nous avons besoin de prêts à plus longue échéance.

Bref, nous essaierons de vous proposer un cocktail adapté. Ce serait une faute, pour le premier pays de navigation aérienne d'Europe en nombre de vols – Roissy étant aussi le premier aéroport en nombre de mouvements –, de ne pas maintenir un investissement de qualité : dans ce domaine, nous devons tenir bon.

M. le rapporteur spécial. En d'autres termes, les mesures de redressement passent par le fonctionnement. Pour l’information de la Commission, je rappelle que les investissements ont été un peu supérieurs à 300 millions d'euros l'année dernière et que le stock de capital est de l'ordre de 2,5 milliards d’euros. Ce sont donc des investissements relativement jeunes.

J'en viens au troisième volet, qui concerne la gestion des ressources humaines de la DGAC.

S'agissant d'abord des « protocoles sociaux », la Cour des comptes déplore une nouvelle fois « une augmentation inconsidérée des dépenses de personnel » à la DGAC : 7,5 % par an entre 2006 et 2008 et près de 6 % en 2009, alors que les dépenses de titre II du budget général sont stables. Seul un quart de cette évolution résulte de l'augmentation des cotisations au compte d'affectation spéciale « Pensions ». Le taux de cotisation de l'État est passé de 33 % en 2006 à 62,14 % dans le budget de 2010, ce qui représente environ 300 millions d'euros de coût supplémentaire en quatre ans. L'effort demandé au titre de l'équilibre du compte d’affectation spéciale est donc énorme.

Depuis 2002, la Cour des comptes, relayée par votre rapporteur spécial, dénonce le statut dérogatoire et coûteux des contrôleurs aériens. Dans un souci d'apaisement social, la DGAC négocie avec ses personnels des « protocoles » triennaux qui s'apparentent d'une certaine manière à des conventions collectives, alors même que les agents de la DGAC sont des fonctionnaires placés dans une situation légale et réglementaire.

La DGAC fait valoir que les protocoles sociaux ont permis d'éviter l'envol des salaires que l’on a constaté en Grande-Bretagne ou en Allemagne. L'évolution de l'organisation juridique du contrôle aérien ne pourrait-elle permettre de clarifier la situation ? Le Gouvernement entend-il faire cesser, ou évoluer, cette pratique des protocoles ? Ou bien, dans l'hypothèse de la création d'un établissement public, créera-t-il un statut laissant la place à des négociations sur les salaires dans le cadre de quasi-conventions collectives ?

J’en viens aux primes. La Cour des comptes, dans un référé du 31 juillet 2009, est revenue une nouvelle fois sur le caractère illégal de certaines primes versées aux agents de la DGAC, en application d'un décret de 1970 jamais publié. On connaît la jurisprudence du Conseil d'État : pas de prime sans texte publié. J'imagine que l'on a renoncé à la publication du décret de 1970 pour éviter un effet de contagion dans d'autres catégories de la fonction publique d'État, qui n'auraient pas manqué d'invoquer ce texte pour obtenir l'amélioration de leur régime indemnitaire en vertu du principe bien connu de l'échelle de perroquet.

La première section de la septième chambre a fini par tirer les conséquences juridictionnelles de cette situation en engageant la responsabilité des comptables de la DGAC au titre de l'année 2007 pour un montant de 260 millions d'euros.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre à la suite de cet arrêt en ce qui concerne la responsabilité des comptables ? Quelle sera la position du ministre du Budget, qui a encore la possibilité, hélas ! d'accorder des remises de débet ? Lors de la dernière réforme des juridictions financières, je m'étais employé à ce que la notion de responsabilité des comptables ne soit plus ce vieux principe enseigné dans les facultés de droit mais vidé de son sens par des remises de débet quasi intégrales pratiquées par des ministres des Finances désireux d'avoir la paix avec leurs agents comptables. Quand et comment les primes en cause seront-elles régularisées ?

S'agissant, enfin, de l'organisation du travail, le référé précité de la Cour des comptes pointait également la pratique dite de clairance, permettant à un contrôleur aérien censé assurer une vacation de quitter le centre sans autre formalité que l'autorisation de son chef d'équipe. Cette pratique, plus que curieuse du point de vue de la gestion des ressources humaines, pose également des questions de sécurité. En réponse à mes questions, le ministre s'était engagé à mettre de l'ordre. Quelles sont les mesures qui ont été prises pour normaliser la situation ?

M. le secrétaire d’État. J’évoquerai les deux premiers points et laisserai à M. Gandil le soin de répondre sur le troisième.

Les protocoles sociaux, qui remontent à 1988, sont en effet une invention « maison » de la DGAC. Ils ont eu pour conséquences positives une forte baisse du taux de conflictualité et la mise en place d'un service minimum bien antérieur au dispositif qui s'applique actuellement aux transports publics. Durant toute la période, le trafic aérien a connu une forte croissance, si bien que leur coût a été absorbé.

La question qui se pose désormais est celle des nouveaux enjeux européens. Pour intégrer ceux-ci, il faudra une nouvelle forme de protocoles.

Comme tout phénomène occulte, la clairance est difficile à mesurer. Je me suis engagé devant le Parlement et devant la presse à y mettre fin. Une circulaire rappelle au personnel le principe normal de présence et la DGAC met en place un dispositif de vérification effective. Après consultation des comités techniques paritaires, les dispositions entreront en vigueur dès le mois de juin. Le directeur général et moi-même avons bien précisé que cette mesure n'était pas négociable. M. Gandil vous rappellera le contexte de négociation sociale globale.

Cela étant, j'ai été aussi amené à défendre les contrôleurs aériens lorsqu'ils ont subi, de la part de certains organes de presse, des attaques injustes qui mettaient en cause leurs capacités techniques à assurer la sécurité du transport aérien. L'État n'a rien à redire au sujet de ces capacités, mais il est légitime qu'il mette fin à de mauvaises pratiques.

M. Patrick Gandil. Si le décret relatif aux primes n'a pas été publié, le taux, en revanche, est publié tous les ans au Journal officiel : il ne s’agit pas de primes occultes !

Cela dit, la situation ne peut perdurer. Un décret, en fin de préparation, devrait refonder le système des primes en lui donnant une base réglementaire. Après cela, il faudra régulariser le passé en considérant les primes versées comme une sorte d'à-valoir sur le nouveau système.

Concernant la remise de débet, j'ignore quelle sera la décision du ministre du Budget. L'énormité de la somme laisse néanmoins penser que quelque chose sera fait en faveur des comptables.

La clairance a sans doute toujours existé à la DGAC, avec, comme tout mauvais système, des fondements qui ne sont pas forcément mauvais : le travail en équipe, la souplesse nécessaire pour s'adapter aux incertitudes du trafic, le fait que les périodes les plus chargées soient généralement les week-ends et les vacances d'été. Mais cela ne saurait justifier un système qui a dérapé, et qui doit s'arrêter. Nous avons rappelé les règles et indiqué que nous étions déterminés à les faire respecter. Mais nous n'avons pu mettre immédiatement en œuvre des moyens électroniques, la CNIL imposant que toutes les règles soient soumises préalablement aux comités techniques paritaires. La consultation de ces comités n’a pas été chose aisée. Quoi qu'il en soit, le processus touche à sa fin et nous pourrons utiliser le 7 juin les badges de contrôle de sûreté prévus à cet effet.

La mise en place d'un système de pointage est une révolution dans le contrôle aérien. Les réactions du personnel entraînent quelques difficultés dans le secteur d'Aix-en-Provence, pas trop dans les autres secteurs. Non sans remous, la réforme est donc en train de passer. La falsification des badges de sûreté est passible de poursuites pénales que nous n'hésiterons pas à engager si cela est nécessaire. Le cas d'Aix-en-Provence fait l'objet d'une inspection générale. Les contrôles sont sérieux. Je n'hésiterai pas à en faire réaliser en matière médicale en cas de suspicion de fraude. Bref, nous mettons en œuvre tout l'arsenal sans aucune faiblesse. Les contrôleurs savent que nous irons au bout.

En revanche, je n'imagine pas une minute qu'un contrôleur puisse prendre des risques en matière de sécurité. Ce n'est absolument pas l'état d'esprit de ce corps, qui a peut-être des défauts, mais qui a aussi des qualités éminentes. Une insuffisance de personnel se traduit par la réduction du débit du trafic, donc par des retards, mais certainement pas par une prise de risque volontaire.

Par ailleurs, je ne saurais assurer la gestion sociale de la DGAC sans les protocoles, qui permettent de lisser certaines évolutions, d’éviter une conflictualité excessive – il y a eu de nombreuses années sans aucun jour de grève spécifique – et qui, en outre, ont contribué à ce que nos salaires soient les moins chers de toute l'Europe de l'Ouest.

M. le président Jérôme Cahuzac. En somme, vous êtes pour la généralisation des protocoles triennaux...

M. Patrick Gandil. Je suis favorable à la généralisation d'un dialogue social s'appuyant sur des protocoles. Je pense que c'est aussi le cas d'Air France et des passagers en général. Une grève à Roissy aurait des conséquences calamiteuses dans le monde entier. Grâce aux protocoles – et sans que cela coûte trop cher –, nous n'en avons plus connu depuis le début des années 1990.

M. Christian Descheemaeker. La Cour des comptes a bien perçu tous les avantages des protocoles qui, depuis 1988, ont assuré une certaine tranquillité sociale. Le problème est que l'échelle de perroquet existe aussi à l'intérieur des corps de la DGAC : les contrôleurs, qui se situent au niveau des techniciens supérieurs, dépasseront bientôt les corps issus de l'École polytechnique et le système risque de se trouver bouleversé. Je n’ignore pas l'argument des contrôleurs, qui souhaitent que l'on indique que leur recrutement se fait à bac + 7, 8, 9 ou 10. Mais peut-être un moment viendra-t-il où l’on trouvera, dans le cadre d'une comparaison nationale, que la situation n'est plus tenable.

Pour ce qui est de l'illégalité des primes, la DGAC a fini par ne plus laisser le choix à la Cour des comptes, qui a répété à plusieurs reprises qu'il fallait mettre de l'ordre dans ce régime. Le choix n'était pas très large : s'agissant des comptables publics, il n'y a guère que le débet pour les sommes irrégulièrement payées. Nous préférerions avoir la possibilité de moduler la sanction, par exemple en punissant la faute d’une amende fixée à un montant raisonnable. Tel n'est pas le cas. Nous avons donc réclamé un montant de 260 millions d'euros. Je ne soutiendrai pas que c'est la solution la plus intelligente, mais la loi de 1963 est ainsi conçue.

Il y aura forcément une remise gracieuse. Je rappelle que le comptable peut auparavant se pourvoir en cassation. En principe, notre arrêt est solide, mais l'erreur est humaine : on ne sait jamais !

Le montant de la remise inquiète le ministère de l'Écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, qui risque d'être touché, à l’issue de jeux d'écriture complexes. Malgré le décret de 2008, la question des budgets annexes n'est toujours pas réglée. On sait que les crédits seront pris sur le programme 200. Par quel jeu les transférera-t-on au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » ? Je l'ignore.

Par ailleurs, s'il est absolument nécessaire de régulariser le régime des primes, une inquiétude subsiste quant au système d'indexation. L'indexation sur les prix est prohibée. Une indexation sur le trafic est en revanche concevable, mais elle pourrait se révéler extraordinairement avantageuse – et coûteuse – si l'on prenait pour référence 2009, année où l’on a connu une crise sans précédent.

Pour ce qui touche aux clairances, je salue les propos du secrétaire d'État et du directeur général. Le 7 juin sera à marquer d'une pierre blanche. L'écart entre les heures payées et les heures travaillées – l’équivalent de 99 ou 100 jours – était extravagant. J’ai bien conscience qu'il n'est pas facile de mettre fin à ces mauvaises pratiques, qui ne constituaient pas un phénomène marginal.

M. le président Jérôme Cahuzac. S'agissant de l'indexation des primes, peut-être pourrait-on prendre pour période de référence la moyenne de trois ou quatre années, afin d'éviter que le point de départ ne soit trop bas.

M. Georges Ginesta. La clairance est-elle inscrite dans le contrat de travail des aiguilleurs ? Si tel est le cas, est-elle quantifiée ?

M. Patrick Gandil. Les aiguilleurs étant des fonctionnaires, ils n’ont pas de contrat de travail. La clairance est tout à fait irrégulière et ne peut donc être quantifiée. Le régime d'autorisation d'absence applicable à l’ensemble des fonctionnaires n'est pas assimilable à cette pratique.

Par parenthèse, je ne pense pas que l'on puisse assimiler ces personnels à des techniciens supérieurs. Cela a été le cas jadis, avant l'apparition des radars et l'intensification du trafic, et c'est encore le cas des contrôleurs aériens qui exercent dans les aéroports de taille moyenne et dont le salaire n'est pas comparable à celui des ingénieurs du contrôle. Ces derniers sont recrutés après deux années de classe préparatoire, deux années à l’École nationale de l'aviation civile – ENAC –, puis une année de formation, avec parfois des compléments importants pour acquérir une qualification sur un poste particulier, de même qu'un pilote est qualifié pour tel ou tel type d'avion. En vérité, le métier le plus proche de celui de contrôleur aérien est celui de pilote de ligne : les conditions de recrutement à l’ENAC et le temps de formation sont similaires, de même que le niveau de responsabilité.

Ingénieur moi-même, je considère que ces métiers sont du niveau de celui d'un ingénieur, avec un peu moins de théorie et un peu plus d'application. Après tout, une telle différence existe aussi entre un docteur en biologie et un docteur en médecine, pour le plus grand profit des malades et sans qu'il y ait disparité de niveau ou de dignité.

Bref, ces personnels méritent d’être qualifiés d'ingénieurs même s’ils n’en ont pas le titre. Leur niveau d'études est comparable à celui du master et leurs compétences proches de celles des pilotes de ligne. Du reste, en Espagne, une partie des contrôleurs sont d'anciens copilotes, ce qui explique aussi les niveaux salariaux déraisonnables auxquels on est arrivé dans ce pays.

Nous considérons nous aussi que la sécurité exige que nos contrôleurs soient également pilotes. Mais ils suivent une formation de pilotes privés, ce qui coûte autrement moins cher !

M. le rapporteur spécial. Permettez-moi d’en revenir aux protocoles sociaux.

À titre personnel, j’ai toujours été favorable au dialogue social et opposé à une conception napoléonienne de la fonction publique en vertu de laquelle les fonctionnaires ne seraient là que pour exécuter des ordres.

Pourquoi le Gouvernement n’essaie-t-il pas de donner une base légale à ces protocoles ? En cas de contentieux, le risque est que les juges constatent leur inexistence juridique.

M. le secrétaire d'État. Le Gouvernement prend note de votre proposition.

M. le rapporteur spécial. Elle s’inscrit dans le cadre de la modernisation du dialogue social.

Par ailleurs, monsieur le directeur général, comptez-vous réimputer dans le nouveau dispositif, personne par personne, les primes indûment perçues ?

Si les badges de sécurité constituent à l'évidence une avancée, il serait néanmoins intéressant de pratiquer quelques tests pour vérifier qu'on les utilise bien à titre personnel.

La Cour des comptes estime que 155 jours sont payés pour 99 jours travaillés. Pendant un peu plus du tiers du temps théorique, donc, les personnels sont en clairance, c'est-à-dire physiquement absents.

Enfin, en ajoutant au contrôle une quatrième dimension, celle de la vitesse, les évolutions technologiques ne vont-elles pas permettre la mise en place d'un système automatique plus performant, dans lequel l'intervention humaine ne serait nécessaire qu’en cas de problème ? On augmenterait ainsi la sécurité du contrôle aérien tout en réalisant d'importantes économies.

M. Patrick Gandil. On ne peut dire que le système des protocoles soit dépourvu de bases légales. La DGAC négocie avec le personnel en vertu d'un mandat gouvernemental. Ces négociations donnent lieu à des modifications des textes statutaires ou indemnitaires. Le processus de dialogue social est certes particulier, mais il est ensuite réintégré dans les règles normales de gestion de la fonction publique.

L’institution de la personnalité morale serait sans doute plus adaptée puisqu’elle conférerait une spécificité un peu plus forte aux personnels de l'aviation civile par rapport au reste de la fonction publique. Nous avons déjà évoqué les difficultés que présente ce projet, auquel nous nous attelons toutefois : le FABEC est une question essentielle dans le dialogue social que nous menons actuellement.

Plutôt que de s'évertuer à mesurer le nombre de jours de clairance, ce qui est impossible, mieux vaut casser le système. Le chiffre de 55 me semble excessif. Dans les cas les plus graves, l'ordre de grandeur est de 30 jours, et la moyenne s’élève sans doute à 10 jours. Mais la situation est très contrastée. Le pire des cas est probablement celui du centre en route de la navigation aérienne – CRNA – d’Athis-Mons, où les équipes sont nombreuses et où il existe une certaine marge de sécurité. Dans d'autres CRNA, où les équipes sont également nombreuses, mais où les pointes saisonnières sont fortes, le phénomène de clairance est important dans les périodes de faible trafic. Enfin, dans une tour de contrôle gérant une activité tendue, il n'y a pas ou peu de clairance. C’est le cas à Roissy.

Vient ensuite la question délicate de l'évolution technologique des systèmes de contrôle.

Première évolution : le contrôle fera un lien beaucoup plus étroit entre ce qui se passe dans l'avion et ce qui se passe au sol. Le continuum sol-bord est un enjeu important du projet SESAR. Si Airbus a gagné la compétition pour devenir l’architecte industriel de ce système, c’est pour cette raison.

Deuxième évolution : la quatrième dimension. Aujourd'hui, le contrôle aérien fonctionne en trois dimensions. C'est l'esprit humain qui extrapole les points de conflit potentiel et qui dénoue les conflits. Si le système devenait capable de suivre la trajectoire en quatre dimensions, c'est-à-dire avec le temps, il pourrait, d'une part, prévoir et adapter les trajectoires particulières et, d'autre part, aider le contrôleur à anticiper les conflits. En faisant réaliser des calculs d'extrapolation par l'ordinateur, on espère arriver à supprimer automatiquement les petits conflits – par exemple, ceux où deux avions risquent de passer à 80 % de la distance réglementaire, et que l’on peut éviter en augmentant ou en abaissant leur vitesse de quelques nœuds pendant quelques minutes. En revanche, les conflits qui subsisteront seront difficiles, voire très dangereux, et il faudra savoir les dénouer. En outre, l'ordinateur a beaucoup de mal à résoudre des conflits impliquant plus de deux avions. Sachant que notre espace aérien est l'un des plus denses au monde, je doute que nous disposions avant longtemps d’un système sans contrôleurs. De même, je doute que nous ayons un jour des avions automatiques transportant des passagers réels !

En résumé, je pense que les nouveaux systèmes permettront certains gains de productivité, mais qu'ils permettront aussi des améliorations qui ne se traduiront pas par des économies. Quoi qu'il en soit, cela n'est pas pour tout de suite. Dans le meilleur des cas, le projet SESAR débutera en 2015. Le temps de réaliser tous les achats et d'adapter tous les avions, nous serons en 2020 ou 2025.

En ce qui concerne les indemnités, nous souhaitons que le nouveau décret prenne effet au 1er janvier 2010 afin de mettre en place un système de régularisation directe pour 2010, les versements effectués au titre de cette année constituant une sorte d’avance sur le nouveau dispositif.

Bien entendu, il faudra faire jouer le débet pour régulariser les années passées. J'avoue que ce mécanisme dépasse mes compétences en matière de technique budgétaire et comptable. J'avoue aussi que je n'imagine pas que les contrôleurs se voient obligés de reverser quoi que ce soit. Sinon, mieux vaudrait prévoir de prendre le train pendant un certain temps !

Le décret prévu est un décret intermédiaire. Il permettra de mettre fin à l'irrégularité et de stabiliser la situation pendant deux ou trois ans, sans prévoir de réactualisation des montants versés durant cette période de « raccord ». Par la suite, nous espérons que la négociation des protocoles sociaux permettra d'arriver à un taux d'actualisation aussi raisonnable que possible. La référence devra certainement être lissée sur plusieurs années et ne comporter aucune référence à l'inflation.

M. le président Jérôme Cahuzac. Messieurs, je vous remercie.

*

* *

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 1er juin 2010 à 18 h 15

Présents. - M. Jean-Marie Binetruy, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. René Couanau, M. Charles de Courson, M. Jean-Yves Cousin, M. Yves Deniaud, M. Jean-Louis Dumont, M. Marc Francina, M. Georges Ginesta, Mme Annick Girardin, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Laurent Hénart, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Patrick Lemasle, M. Jean-François Mancel, M. Henri Nayrou, M. Alain Rodet, M. François Scellier

Excusés. - M. Dominique Baert, M. Michel Bouvard, M. Bernard Carayon, M. Victorin Lurel

——fpfp——