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La Commission entend M. Philippe Parini, directeur général des Finances publiques sur les procédures de contrôle fiscal.
M. le président Jérôme Cahuzac. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Philippe Parini, directeur général des finances publiques, accompagné de M. Jean-Marc Fenet, directeur adjoint chargé de la fiscalité, et de M. Jean-Louis Gautier, directeur adjoint à la sous-direction du contrôle fiscal. Cette audition a lieu sur demande conjointe du rapporteur général, Gilles Carrez, et de moi-même, l’actualité nous ayant semblé la commander.
Plutôt que d’entendre un exposé introductif de votre part, monsieur le directeur général, je propose que nous en venions directement aux questions que les parlementaires souhaitent vous poser. Pour ma part, je souhaiterais que vous rappeliez en quoi consiste exactement l’opposabilité du secret fiscal, lequel est considéré, de manière très consensuelle, comme protecteur des libertés individuelles. Je souhaiterais également avoir des éclaircissements sur les règles du contrôle fiscal et la manière dont elles sont appliquées.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le directeur général, qui, dans l’administration fiscale, fait quoi, qui sait quoi et qui décide quoi ? Existe-t-il des critères objectifs comme le montant des revenus, l’importance du patrimoine, les variations de revenus ou de patrimoine d’une année sur l’autre, sur la base desquels seraient déclenchés les contrôles ? Hors de ces contrôles qui auraient lieu automatiquement sur la base de critères prédéterminés, sur la base de quels autres éléments l’administration peut-elle engager un contrôle et quelle en est alors la nature ? Quel est le rôle exact de la commission des infractions fiscales ? Enfin, quelles relations l’administration fiscale et l’institution judiciaire entretiennent-elles ? Ce sont là des questions de portée générale auxquelles pourrait s’associer le rapporteur général, comme il pourrait s’associer à celle relative aux suites données par l’administration fiscale à l’édition des fameuses listes de contribuables dont vous avez eu connaissance, l’une dite « Liechtenstein », l’autre dite « HSBC ». Le ministre de l’époque avait indiqué que trois mille noms avaient été portés à sa connaissance et une cellule de régularisation des avoirs non déclarés avait été mise en place à sa demande. Sur ces trois mille contribuables, combien se sont-ils spontanément déclarés à cette cellule et quelles ont été les conséquences de ces déclarations ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’aurai une question supplémentaire concernant les modalités de fonctionnement des restitutions opérées au titre du bouclier fiscal. Les dossiers sont-ils traités au niveau déconcentré et comment procède-t-on exactement ?
M. Philippe Parini, directeur général des finances publiques. Je suis très heureux de cette convocation devant votre Commission car il me semble important que la représentation nationale sache précisément comment fonctionne et travaille l’administration fiscale, qui fait parfois l’objet de soupçons dans la période actuelle.
Le contrôle fiscal occupe 12 000 agents, soit 10 % des effectifs de la direction générale des finances publiques. Je tiens à dire que ces agents, qui ont une très haute idée du service public, sont d’excellents professionnels remplissant leurs fonctions dans la plus stricte neutralité et la plus stricte impartialité.
J’en viens à vos questions. L’administration fiscale, lorsqu’elle effectue des contrôles, est chargée de s’assurer que les contribuables, personnes morales ou personnes physiques, ont bien respecté leurs obligations fiscales. Elle le fait dans le cadre de programmes de travail objectifs, normés, élaborés à partir de toute une batterie d’indicateurs, en distinguant entre la politique générale de contrôle fondée sur des critères généraux présentés au ministre et la mise en œuvre des mesures individuelles qui relève d’elle seule. Elle le fait dans le respect du secret fiscal, prévu par les textes, notamment parce qu’elle détient des informations relevant de la liberté individuelle des personnes comme leur situation financière, mais aussi, compte tenu de l’organisation de notre fiscalité, de leur situation personnelle. Nous veillons de manière très stricte au respect de ce secret en interne grâce à une traçabilité très fine et l’application sans faille de règles déontologiques. Ainsi prenons-nous des sanctions immédiates à l’égard de tout agent qui viendrait à consulter des fichiers dont il n’a pas à avoir connaissance. Nous veillons également bien entendu à éviter toute utilisation à l’extérieur des informations dont nous disposons, mais dont nous ne sommes pas propriétaires. L’exercice n’est pas facile. Jean-Louis Gautier, Jean-Marc Fenet et moi-même entendons et lisons des informations dont nous savons, dans un certain nombre de cas, qu’elles sont objectivement fausses. Nous ne pouvons néanmoins pas nous exprimer car si nous entrions dans ce jeu, nous serions amenés à violer le secret fiscal, lequel doit, comme le secret médical ou le secret de l’instruction, demeurer absolument protégé. Nous devons également veiller à ce que ce secret fiscal ne fasse pas l’objet de manipulations. Il ne suffit pas à quelqu’un de dire qu’il a communiqué une information à l’administration fiscale pour exiger de savoir ce qu’elle en a fait. Sinon n’importe qui pourrait rendre publique n’importe quelle information qu’il a livrée à notre administration et par ce biais la contraindre à agir ou ne pas agir. Le sujet est délicat. Chaque fois que le président de la commission des Finances et le rapporteur général du budget, qui ont des pouvoirs particuliers, m’ont posé des questions, j’y ai spontanément et immédiatement répondu, ils peuvent en témoigner.
Me faisant l’interprète de l’ensemble de l’administration fiscale, je dis ici que ses agents espèrent, sans en douter, que la représentation nationale leur fait confiance. Si notre administration devait être soupçonnée, alors même qu’elle est astreinte à respecter le secret fiscal, la situation deviendrait très difficile à gérer pour elle.
Qui fait quoi, m’avez-vous demandé ? Depuis une dizaine d’années, l’administration fiscale s’est beaucoup professionnalisée et autonomisée. Il existe désormais des critères généraux de politique de contrôle fiscal, que l’administration fiscale a déterminés et proposés aux ministres successifs qui les ont validés. J’ai ainsi moi-même proposé l’an passé divers critères à M. Woerth. Je considère que tous ces critères doivent être publics.
La politique de contrôle fiscal poursuit trois objectifs, au service desquels nous affectons au mieux les moyens dont nous disposons. Je les rappelle ici, sans les hiérarchiser. Les trois ont pour nous la même importance. Premier objectif : nous veillons, par des méthodes que vous détaillera Jean-Louis Gautier si vous le souhaitez, à ce que toutes les catégories de population et d’entreprises puissent être contrôlées, selon des rythmes variables compte tenu de nos moyens : il en va de l’égalité devant le contrôle fiscal. Deuxième objectif : nous diligentons des contrôles particuliers dans des secteurs où nous pensons qu’il peut y avoir de la fraude. Troisième objectif : nous contrôlons également les gros contribuables, personnes physiques et surtout personnes morales, dont nous devons nous assurer qu’ils paient bien à la collectivité ce qu’ils doivent au titre de l’impôt. Cette politique générale de contrôle fiscal est discutée avec le ministre puis, selon une méthodologie très sophistiquée, déclinée au niveau inter-régional, régional et départemental. Chaque directeur départemental des services fiscaux reçoit une feuille de route déclinant sur le plan départemental la façon dont il va pouvoir utiliser les moyens dont il dispose pour engager les contrôles fiscaux visant les trois catégories ci-dessus énumérées.
Qui fait quoi ? L’administration fiscale propose les critères généraux du contrôle fiscal et en assure le suivi par divers indicateurs – nous pouvons dire quels résultats nous avons obtenus pour chacun des trois critères, quels moyens nous avons utilisés, le nombre moyen de dossiers traités par agent… C’est elle également qui prend l’initiative de déclencher un contrôle individuel. Il faut ici distinguer entre les contrôles généraux systématiques dits de concordance et de conformité, opérés sur pièces dans les services – on dénombre près d’un million de ces contrôles par an, qui ne sont pas très approfondis mais destinés à repérer ce qui pourrait « ne pas coller » – et ce qu’on appelle en langage courant le contrôle fiscal, et qui est pour nous le contrôle fiscal approfondi avec examen de la situation particulière du contribuable. Il y a 50 000 contrôles de ce type par an, dont 45 000 auprès d’entreprises et 5 000 auprès de particuliers. Le déclenchement de ces contrôles-là est très encadré par les textes : il ne peut avoir lieu que si nous avons constaté des discordances dans le dossier ou si notre administration a obtenu des informations nous faisant soupçonner une fraude. Dans les deux cas, des explications détaillées sont demandées au contribuable. Cette procédure est très strictement définie, devant notamment respecter des délais stricts, faute de quoi, en cas de contentieux, toute la procédure risque d’être annulée.
Depuis huit ans, pour tous les particuliers disposant d’un capital supérieur à trois millions d’euros ou de revenus supérieurs à 220 000 euros, même si aucune discordance n’est repérée, un dossier est systématiquement ouvert et leur situation examinée tous les trois ans. Mais il ne s’agit pas là d’un contrôle fiscal approfondi. Nous n’avons dans ces cas aucune raison, en fonction en tout cas de notre mandat actuel, de viser plus particulièrement cette catégorie de population. En cas de discordance ou de soupçon de fraude en revanche, on bascule dans la catégorie du contrôle fiscal approfondi.
J’ai dit que l’administration fiscale s’était autonomisée. Je ne sais pas comment les choses se passaient il y a longtemps. Je ne suis directeur général des finances publiques que depuis le printemps 2008. Ce qui est certain est que depuis une dizaine d’années, mes prédécesseurs ont tous été sensibles, à la demande des agents du fisc eux-mêmes, à ce qu’il n’y ait pas d’instruction individuelle de contrôle fiscal et souhaité que l’on distingue bien la politique générale qui relève du ministre et la mise en œuvre des mesures individuelles. Un contrôle fiscal conduisant à entrer dans l’intimité de la vie des individus et pouvant aboutir à des sanctions pénales, il est important de ne pas mélanger les genres. Mes prédécesseurs, que j’ai consultés sur ce point, comme Jean-Marc Fenet et moi-même, pouvons témoigner que nous ne recevons pas d’instruction individuelle et si tentation il y avait eu de nous en donner, nous aurions clairement dit au ministre que ce n’était pas là de bonne pratique. M. Baroin a d’ailleurs l’intention de rédiger une circulaire qui réaffirmerait le principe d’une dissociation entre la politique générale de contrôle fiscal et la mise en œuvre des mesures individuelles de contrôle fiscal. Cela ne signifie pas en revanche que l’administration fiscale n’a pas le devoir, évident, de rendre compte à son ministre et de l’informer de son action. Lorsque nous engageons des contrôles fiscaux, décidés conformément aux critères indiqués, le ministre peut être informé de la façon dont ces contrôles se déroulent, mais il ne s’agit que d’information : il n’a pas pris part à la décision.
Comment les choses se passent-elles avec la commission des infractions fiscales et l’institution judiciaire ? Après un contrôle fiscal approfondi ayant révélé des irrégularités, le contribuable sera appelé à payer l’impôt dû, augmenté de pénalités et d’intérêts de retard. Les textes laissent à l’administration une certaine latitude selon que le fraudeur a été actif, organisant sa fraude et dissimulant volontairement des éléments au fisc, ou plus passif. Je pense au cas de contribuables ayant pu hériter d’un compte et ne pas le déclarer, sans toutefois l’activer : ce comportement, certes répréhensible, exige que les sommes dues, assorties de pénalités et d’intérêts, soient réglées, mais il n’est pas de même nature qu’une fraude sciemment organisée – en quoi d’ailleurs le taux des pénalités varie dans un cas et dans l’autre. Le rôle de l’administration fiscale est d’identifier les actifs taxables et de veiller à ce qu’ils soient taxés comme il convient.
Si le fisc découvre à l’occasion d’un contrôle qu’un contribuable a eu un comportement frauduleux, dissimulant sciemment des éléments de revenus ou de patrimoine ou organisant du blanchiment, il peut engager des poursuites pénales – le juge n’a pas le pouvoir de s’autosaisir en matière fiscale. Mais les textes nous imposent de passer par le filtre de la commission des infractions fiscales, composée de conseillers d’État. Cette commission s’assure en premier lieu que le dossier est assez solide pour être transmis au juge puis informe le contribuable et reçoit ses réponses. Si le dossier est jugé contenir suffisamment d’éléments, ce qui est généralement le cas, il est transmis à la justice. À partir de ce moment-là, il nous échappe totalement.
L’institution judiciaire nous avait fait savoir que lorsqu’elle avait à investiguer sur des aspects fiscaux, elle ne disposait pas toujours des spécialistes nécessaires. D’où la mise en place de ce qui a été appelé le fisc judiciaire. En accord avec les services de police, a été créé un service commun entre la police et l’administration fiscale, rattaché juridiquement au ministère de l’Intérieur et comprenant des agents du fisc ayant acquis la qualité d’officier de police judiciaire. Le juge pourra désormais s’appuyer sur les membres de ce service, rompus aux techniques fiscales et qui, ayant la qualité d’OPJ, pourront participer activement aux enquêtes, conduites sous l’autorité du juge.
M. le rapporteur général. Ces pouvoirs nouveaux confiés à certains agents du fisc l’ont été sur la base d’un travail de notre commission des Finances. Un amendement parlementaire a été adopté en ce sens l’automne dernier. L’administration fiscale y était tout à fait favorable mais force m’est de dire qu’il a fallu surmonter beaucoup d’obstacles pour parvenir à nos fins.
Pour ce qui est du travail de la commission des infractions fiscales, le problème était que, jusqu’alors, le contribuable devait être averti et qu’il pouvait dès lors dissimuler certains éléments, les agents du fisc n’ayant pas de pouvoir judiciaire. Il est désormais prévu que la commission puisse, dans certains cas, être saisie sans que le contribuable en soit averti. Il y a très longtemps que de telles dispositions étaient envisagées, mais ce n’est qu’à l’automne dernier qu’elles ont été adoptées, le nouveau dispositif n’étant pas encore pleinement entré en vigueur. Les investigations ont lieu sous le contrôle d’un magistrat, mais aussi sous l’autorité de fait des services de police, en tout cas en coordination avec eux. Nous n’avons pas pu nous aligner exactement sur la douane judiciaire, mais cet amendement a tout de même apporté des avancées considérables. On en arrivait en effet au paradoxe que pour des affaires complexes comme celle de la liste « Liechtenstein », nous l’avions constaté avec Didier Migaud, les magistrats, ne disposant pas de toutes les compétences nécessaires, avaient dû solliciter la douane, ne pouvant faire appel aux agents du fisc qui n’avaient pas alors de pouvoir judiciaire.
M. Philippe Parini. Après le cas des affaires que l’administration fiscale peut porter devant le juge, voyons maintenant le cas de celles où la justice lui transmet des éléments. Lorsqu’un magistrat a à connaître d’éléments pouvant constituer une fraude fiscale, ne pouvant s’autosaisir, il saisit l’administration fiscale. Bien évidemment, nous réagissons de suite et engageons une enquête dans des délais extrêmement rapides. Mais nous suivons le fléchage indiqué par le magistrat : s’il nous signale un nom, nous investiguons sur ce seul nom. S’il nous communique une liste entière, nous investiguons sur tous les noms qu’elle comporte. Le motif pour lequel le juge nous saisit oriente aussi notre travail. Le contrôle fiscal approfondi est préparé de sorte que nous posions au contribuable les bonnes questions, notre objectif étant de pouvoir établir sans ambiguïté qu’il y a eu fraude si tel a été le cas.
M. le président Jérôme Cahuzac. Une actualité récente a conduit à évoquer plus particulièrement les relations entre les services de la justice et les services fiscaux. Le parquet de Nanterre a ainsi signalé une affaire aux services fiscaux, lesquels, pour faire leur travail, ont eu besoin de documents en possession desquels le parquet disait être. Dans quels délais avez-vous fini par avoir communication de ces documents ? Ce délai vous paraît-il normal, long ou court ? Voyez-vous à quoi je fais allusion ou souhaitez-vous que je m’exprime plus explicitement ?
M. Philippe Parini. Je pense avoir compris. Le parquet de Nanterre nous a fait un signalement en janvier 2009. Nous-mêmes dans le même temps regardions déjà cela. Il ne faut pas renier le renseignement en matière fiscale. Il est normal que nous en ayons besoin : peu nombreux sont en effet les fraudeurs qui spontanément se dénoncent ! Lorsque nous apprenons dans l’actualité que des sommes importantes transitent d’un endroit à un autre, nous commençons à regarder. Nous avons d’ailleurs des directions nationales d’investigation chargées de ce genre de choses…
M. le président Jérôme Cahuzac. Cela, c’est la procédure générale. Mais quid dans le cas particulier évoqué ?
M. Philippe Parini. Nous avons reçu en janvier 2009 un signalement. Nous avons travaillé à partir ce celui-ci, en en tirant d’ailleurs les conséquences fiscales qui s’imposaient. Ce signalement a bien évidemment donné lieu à un contrôle fiscal approfondi. Une fois ce travail effectué, pour savoir s’il fallait aller plus loin, nous avons demandé en septembre 2009 communication de pièces autres que celles dont nous disposions. C’est en février 2010 que l’autorisation d’en avoir connaissance nous a été donnée. Et dans le mois qui a suivi, début mars 2010, nous les avons examinées.
M. le président Jérôme Cahuzac. Ce délai de quatre ou cinq mois vous paraît-il habituel, long ou court ?
M. Philippe Parini. Il ne m’appartient pas, monsieur le président, d’en juger…
M. le président Jérôme Cahuzac. Lorsque vous demandez des pièces complémentaires à la justice, dans quel délai vous sont-elles habituellement communiquées ?
M. Philippe Parini. Cela dépend.
M. le rapporteur général. Sans doute de quelques jours à quelques mois. C’est là le cours de la justice…
M. le président Jérôme Cahuzac. Je ne suis pas certain qu’il soit opportun de banaliser ce sujet.
M. Philippe Parini. S’agissant de la liste « Liechtenstein », nous disposions d’informations communiquées par des collègues étrangers qui avaient acheté cette liste, je le signale car ce n’est pas indifférent sur la conduite des investigations. Tous les contribuables français, environ deux cents, pour l’essentiel des groupes familiaux, figurant sur cette liste ont fait l’objet d’une régularisation. Pour certains dossiers sur lesquels nous nous sentions impuissants à en savoir davantage, nous avons saisi le juge.
Pour ce qui est de la liste « HSBC », les informations nous sont parvenues à peu près en même temps par le canal, d’une part de la justice, d’autre part du renseignement fiscal, des travaux d’approche ayant été conduits par l’administration fiscale de manière non anonyme et non payante. Nous avons utilisé la liste transmise par le juge, celle-ci étant inattaquable sur un plan juridique. En effet, pour établir une décision opposable, tant en matière fiscale que judiciaire d’ailleurs, encore faut-il que la source soit elle-même incontestable. Les trois mille personnes dont le nom figure sur cette liste feront toutes l’objet d’un contrôle fiscal approfondi. Vu les moyens dont nous disposons, mille contrôles seront effectués dès cette première année. Nous avons choisi les dossiers qui nous semblaient les plus importants du point de vue des sommes en jeu et de la possibilité de fraude.
Seule une vingtaine de personnes figurant sur cette liste, pourtant alertées du fait que l’administration fiscale disposait d’une liste, ont régularisé leur situation auprès de la « cellule de dégrisement ». La cellule a été fermée au 31 décembre 2009 et aucun dossier n’a plus été accepté depuis lors. Simplement il nous a fallu beaucoup de temps pour traiter l’ensemble, car la cellule a reçu plus de quatre mille déclarations, dont nous terminons seulement maintenant l’exploitation. Je rappelle ici que la déclaration de leur situation auprès de la cellule ne valait pas amnistie pour les contribuables concernés. Ceux-ci devaient s’acquitter de toutes les sommes dues, assorties de pénalités, dont le taux variait selon qu’ils avaient été fraudeurs actifs ou passifs, ce dont le fisc s’assurait en examinant dans le détail leur situation avec eux.
M. le président Jérôme Cahuzac. Quelle est maintenant l’attitude de l’administration fiscale vis-à-vis des personnes dont le nom figure sur cette liste ? Il ne me semble pas que vous poser cette question puisse porter atteinte au secret fiscal.
M. Philippe Parini. Toutes ces personnes feront l’objet d’un contrôle fiscal approfondi mené par la direction nationale de vérification des situations personnelles, la DNVSF. Mille contrôles seront réalisés cette année. Une équipe spécifique a été constituée à cet effet, ses effectifs ayant été prélevés sur les autres services. Je ne peux m’empêcher de dire ici, monsieur le président, que nous nous sommes sentis parfois bien seuls lorsqu’il s’est agi d’exploiter cette liste et que nous avons reçu beaucoup de leçons de morale…
M. le rapporteur général. Nous avons beaucoup hésité avec Didier Migaud puis, après y avoir mûrement réfléchi, avons décidé, à la différence de nos homologues du Sénat, de participer à des réunions avec le ministre qui nous a montré ces listes. Nous ne les avons pas consultées dans le détail, a fortiori n’en avons pas pris copie mais avons largement fait savoir à l’extérieur que nous soutenions totalement la démarche du ministre dans sa lutte contre la fraude fiscale. Nous avons été amenés avec Didier Migaud à rencontrer ensemble des journalistes suisses. Nous avons aussi reçu des demandes de rendez-vous de la part de banques suisses. La pression a été énorme pour nous demander de nous dissocier de la démarche du ministre : on nous disait notamment que nous outrepassions notre rôle de parlementaires. Nous nous sommes partagé la tâche d’accompagner le ministre dans ses déplacements pour la signature de conventions fiscales. J’ai, pour ma part, accompagné Éric Woerth à l’île de Man, Didier Migaud l’a accompagné au Liechtenstein et nous étions tous les deux avec lui à Monaco.
M. le président Jérôme Cahuzac. Je confirme totalement ces propos. Lorsque j’ai succédé à Didier Migaud, celui-ci m’a indiqué quelle avait été son attitude ainsi que celle du rapporteur général en cette affaire, et j’ai veillé à demeurer scrupuleusement dans la ligne qui avait été conjointement définie par eux. Notre Commission a en effet été plus active que son homologue du Sénat. Chacun prend les responsabilités qu’il estime être les siennes, ce qui ne vaut aucunement jugement de valeur sur l’attitude de nos collègues sénateurs.
M. le rapporteur général. Nous n’avons pas pu aller tout à fait jusqu’où nous l’aurions souhaité s’agissant de la non-information préalable par la commission des infractions fiscales des contribuables faisant l’objet d’un contrôle ainsi que du pouvoir judiciaire des agents du fisc mais tout le travail accompli a été extrêmement utile et a été un soutien à Éric Woerth lors des arbitrages interministériels. Cela a permis que soit in fine adopté l’amendement que nous avions préparé, Didier Migaud et moi.
M. le président Jérôme Cahuzac. Je donne maintenant la parole aux porte-parole des groupes.
M. Louis Giscard d'Estaing. Je remercie M. Parini de la précision de son exposé sur les procédures de contrôle fiscal relevant de son administration, particulièrement utile dans le contexte politique actuel. Il importait de rappeler ce que recouvre exactement le secret fiscal, quels sont les différents types de contrôle et comment ils se déroulent, dans le strict respect de règles déontologiques, s’agissant d’informations dont vous avez rappelé, à juste titre, monsieur le directeur général, qu’elles comportent des éléments sur la vie personnelle des contribuables.
L’Assemblée nationale a aussi son rôle à jouer dans le respect de ces règles de déontologie, et le président de la commission des Finances comme le rapporteur général du budget des deux assemblées ont incontestablement un rôle particulier. En l’espèce, ce qui m’interpelle, ce n’est pas cette audition, ce sont les propos que j’ai entendus de la bouche du président de notre Commission ce matin sur Europe 1 dans l’entretien qu’il a accordé à Jean-Pierre Elkabbach. Sa conception du rôle de la présidence de cette Commission pose vraiment problème, et notre Commission doit en débattre. Parler sur la base d’allégations dont M. Parini a lui-même dit tout à l’heure qu’elles étaient « objectivement fausses », dans le dossier auquel notre président faisait, je le pense, allusion, soulève une difficulté.
M. Michel Sapin. Ce n’est pas le sujet. Nous sommes là ce matin pour auditionner M. Parini.
M. Louis Giscard d’Estaing. Pour que les choses soient parfaitement claires et actées, je vais demander à M. Parini de confirmer qu’il y a bien « autonomisation » de l’administration fiscale, comme il l’a dit. S’il n’y a jamais d’instruction individuelle, cela exclut toute intervention d’un ministre sur un dossier particulier. Je souhaite que tout cela soit redit afin que le président de notre Commission ne puisse pas ensuite sortir du champ défini par ces réponses.
J’aurais enfin souhaité, monsieur le directeur général, que vous nous précisiez quel appui les douanes peuvent vous apporter dans les procédures de contrôle fiscal.
M. le président Jérôme Cahuzac. Il me semble que les propos que j’ai tenus, notamment sur Éric Woerth, n’ont rien à voir avec ma fonction. Quant à ce que j’ai pu dire sur Europe 1, je ne vois pas à quels propos vous faites allusion et je regrette que vous profitiez de la présence d’un directeur d’administration centrale pour régler un problème qui devrait l’être strictement entre commissaires. Si vous souhaitez m’interroger sur des points particuliers, je vous remercie de le faire par écrit en veillant à indiquer précisément les citations que vous visez. Je vous répondrai par écrit. Il me semble préférable de procéder ainsi plutôt que de prendre à témoin des membres d’une administration centrale dont ce n’est pas l’affaire.
M. Thierry Carcenac. J’ai eu l’occasion, notamment en tant que rapporteur spécial du budget pour la gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public, d’interroger à diverses reprises M. Parini et ses services sur la politique de contrôle fiscal et la façon dont elle est conduite au niveau ministériel. Il est vrai que la direction générale des finances publiques a progressivement, notamment depuis janvier 2008, intégré davantage la lutte contre la fraude fiscale dans ses missions. À l’heure des déclarations d’impôt pré-imprimées, on ne peut plus mener le contrôle fiscal comme par le passé et les directives ministérielles données aux différentes directions régionales dans le cadre des plans inter-régionaux de contrôle fiscal ne peuvent plus être les mêmes.
Pour les particuliers, le nombre des vérifications de situation personnelle stagne depuis très longtemps autour de 4 500 par an. Or, il me semble que depuis la révélation des listes « Liechtenstein » et « HSBC », on aurait pu changer quelque peu d’approche et faire un effort spécifique. Pour les particuliers, des systèmes informatiques, notamment SIRIUS PART, ont été mis en place qui permettent à la fois d’éviter certains contrôles traditionnels sur pièces et d’aller plus loin. En avez-vous tenu compte pour réorienter vos contrôles ? Si oui, comment ? Les mille contrôles fiscaux approfondis qui vont être diligentés cette année sur la base des noms figurant sur les fameuses listes entrent-ils dans les 4 500 d’ordinaire effectués ou viennent-ils en plus ?
À la date de juillet dernier, 220 personnes s’étaient signalées auprès de la « cellule de dégrisement ». Or, il n’y aurait eu que vingt régularisations. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet, toute demande de régularisation ne semblant pas avoir abouti ? Quel a été le nombre exact de régularisations ?
M. Woerth nous avait indiqué à l’époque que le nombre d’agents de la DGFiP affectés au contrôle fiscal serait sanctuarisé – j’en étais resté au chiffre de quelque 13 300 équivalents temps plein. Comment envisagez-vous de les affecter ou de les réaffecter car à l’évidence aujourd’hui, dans certaines zones géographiques, certaines personnes sont plus périodiquement contrôlées qu’ailleurs ?
On avait dénombré en 2009 onze cas dits de flagrance fiscale, procédure instituée en 2007. Où en est-on aujourd’hui ?
Par ailleurs, la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, à vocation très généraliste, ne pourrait-elle pas réorienter son action vers les fraudes les plus importantes ? La Cour des comptes dénonçait dans l’un de ses rapports, des contrôles fiscaux délaissant les plus complexes, pour s’intéresser aux plus faciles et aux plus rentables. Avez-vous tenu compte de ces observations ?
Enfin, nous ne disposons pas de beaucoup d’indicateurs sur la fraude fiscale, notamment sur les restitutions de TVA. Ne pourrait-on en avoir davantage, de même que d’indicateurs sur la fraude internationale ?
M. Jean-Pierre Brard. Votre talent de pédagogue, monsieur le directeur général, est immense, mais force est de constater que vous n’avez pas voulu risquer de surcharger nos neurones. Il nous faudrait donc quelques informations supplémentaires.
La commission des infractions fiscales est une anomalie française – il n’existe rien de tel en Grande-Bretagne par exemple où les contribuables en infraction sont directement renvoyés vers le juge. Mille dossiers sont transmis à cette commission, qui, dans 80 % des cas, vont jusqu’entre les mains de la justice. Mais il existe un pouvoir d’appréciation antérieur à sa saisine qui laisse à penser que certains dossiers qui devraient lui être transmis ne le sont pas. Sauf erreur de ma part, les dossiers sont transmis sous signature du ministre ou en son nom. Cela peut donc nourrir tous les soupçons, tous les fantasmes aussi, il faut l’avouer. En effet, ce n’est pas parce qu’un dossier n’a pas été transmis qu’il y a nécessairement eu transaction : souvenons-nous de l’affaire Lagerfeld, qui ne cachait en fait rien de terrible. Il serait donc intéressant que vous nous disiez mieux comment tout cela fonctionne.
Vous avez beaucoup parlé de secret fiscal, mais on tombe vite du secret fiscal à l’opacité fiscale. Si mes informations sont bonnes, il semblerait que la direction nationale des enquêtes fiscales, la DNEF, service de renseignement et d’intervention très performant qui dépend de votre administration, ne soit pas surchargée en ce moment. Sa charge de travail a même été allégée, alors même que ses effectifs ont en gros été maintenus, comme si on ne voulait pas appeler l’attention sur ce secteur, afin que nul ne puisse inférer d’une réduction des effectifs, une moindre intensité dans la lutte contre la fraude. Il semble que ce service ne soit pas « alimenté » comme il le faudrait. Quant à la traçabilité qui s’est beaucoup améliorée, nous avez-vous dit, elle est devenue si lourde que les relations de travail au sein de la DNEF sont devenues difficiles, les agents pouvant encourir de lourdes sanctions. Plombés, ils sont empêchés de travailler.
Enfin, monsieur le directeur général, vous nous avez dit que vous ne saviez pas comment les choses se passaient « il y a longtemps », ne remontant toutefois que jusqu’à 2007 ou 2008, ce qui n’est tout de même pas beaucoup. Nous vous connaissons depuis longtemps et savons votre sens de l’État, la qualité de votre travail ainsi que votre curiosité. Nous ne pouvons donc vous croire lorsque vous dites ignorer comment les choses se passaient avant votre arrivée. Nous n’ignorons pas que vous occupez un poste dans lequel vous devez faire preuve non seulement de discrétion, mais aussi de toute l’imagination nécessaire pour protéger votre ministre. Mais il y a encore de gros progrès à faire en matière de transparence. Cela est d’autant plus important qu’il en va du contrat entre les citoyens et l’État.
M. le président Jérôme Cahuzac. Je propose que M. Parini réponde aux porte-parole des groupes puis que nous permettions à la presse d’entrer pour la suite de cette audition, sauf si vous vous y opposez.
M. Philippe Parini. Je réponds d’abord à M. Giscard d’Estaing sur le rôle du ministre en matière de contrôle fiscal, cette question ayant d’ailleurs été posée également par M. Brard. J’ai dit ce qui se passait concernant l’engagement ou le non-engagement d’un contrôle. Je ne peux pas parler à la place de mes prédécesseurs. Certains ministres se sont prévalu, mais c’était il y a un certain nombre d’années, de la possibilité d’engager des contrôles fiscaux. Je ne sais pas s’ils l’ont fait. Une chose en effet est de dire, une autre d’agir. Ce que je dis est que depuis une bonne dizaine d’années, et même sans doute davantage, les ministres successifs et l’administration fiscale sont tombés d’accord sur le fait que chacun gagnait à ce que les contrôles fiscaux soient décidés sur la base de critères objectifs et à l’initiative de la seule administration. Cela suppose de faire confiance à cette dernière.
Pour le reste, oui, monsieur Giscard d’Estaing, nous collaborons avec les douanes, comme avec Tracfin et les groupements d’intervention régionaux, les GIR.
Monsieur Carcenac, il est vrai que le nombre de contrôles stagne depuis un certain nombre d’années. La DGFiP, qui se doit d’être exemplaire en tous domaines, applique le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite, faisant même un peu mieux que d’autres de ce point de vue. Je m’étais engagé lors de ma nomination à exonérer de cet effort le secteur chargé des contrôles fiscaux approfondis – cinq mille agents sur douze mille. Et leurs effectifs sont en effet restés stables. Leur charge de travail va être accrue, les mille contrôles déclenchés à partir de la liste « HSBC » venant en plus des quelque 5 000 réalisés habituellement. Cela étant, nous allons devoir réfléchir à la meilleure affectation de nos moyens, c’est incontestable.
Vous avez évoqué les observations de la Cour des comptes. Celle-ci relève, et elle n’a pas tort, qu’on a eu tendance depuis quelques années à privilégier les contrôles dits de rendement, notamment auprès des entreprises. Nous allons tenir compte de ses observations et positionner un peu différemment le curseur entre les trois objectifs de la politique de contrôle fiscal, pour notamment mieux garantir l’égalité devant le contrôle en assurant une meilleure couverture de l’ensemble du territoire.
Il est vrai qu’on manque d’indicateurs sur la fraude, mais c’est quasiment normal car si nous savions qui fraude, comment et où, nous irions immédiatement opérer les vérifications nécessaires ! Cela étant, nous travaillons, notamment avec les administrations étrangères, pour disposer de quelques indicateurs. Cela devrait nous permettre notamment d’optimiser l’utilisation de nos moyens.
Monsieur Brard, Jean-Louis Gautier vous répondra s’agissant de la charge de travail de la DNEF. Qui porte plainte en cas de fraude, demandez-vous ? Juridiquement, c’est le ministre, lequel a donné délégation au directeur général. Dans les faits, c’est le directeur du contrôle fiscal qui décide d’engager des poursuites pénales, après s’être assuré que le dossier était suffisamment solide, car ce n’est sinon que perte de temps. Il arrive toutefois que des poursuites soient engagées alors même que nous savons les éléments du dossier insuffisants, mais si nous sommes sûrs néanmoins d’avoir affaire à un fraudeur, notre démarche a alors valeur pédagogique et républicaine, dirais-je.
M. Jean-Louis Gautier, directeur adjoint à la sous-direction du contrôle fiscal. L’activité de la DNEF, Monsieur Brard, va plutôt croissant en matière de détection de la fraude. Si cette direction a connu une sous-activité les deux dernières années, c’est que les modalités actuelles des perquisitions fiscales, dont elle a l’exclusivité – elle en réalisait 250 à 300 par an – ont été jugées contraires aux droits de l’homme. Le temps que cette procédure soit réformée et restaurée, grâce à l’appui notamment de la représentation nationale, les agents de la DNEF se sont retrouvés pour ainsi dire au chômage technique. Mais soyez rassuré, nous avons profité de cette disponibilité inopinée pour les occuper à autre chose, toujours dans le domaine de la lutte contre la fraude fiscale.
M. Philippe Parini. La cellule de régularisation des avoirs non déclarés a reçu et désormais traité 4 700 dossiers. Mais sur l’ensemble des contribuables s’étant déclarés auprès de la cellule, seule une vingtaine figurait par ailleurs sur la liste « HSBC ». Il y a donc 4 680 personnes qui n’étaient pas sur cette liste et qui ont régularisé leur situation.
M. Christian Eckert. Concernant la commission des infractions fiscales, dont j’aimerais que vous nous rappeliez combien de dossiers lui sont transmis et ce qu’il en ressort, j’ai compris qu’il n’y avait pas d’instruction donnée par le ministre mais que celui-ci était systématiquement informé des dossiers transmis. Est-ce bien cela ? Par ailleurs, existe-t-il des critères – montant, nature de dossier... – sur lesquels vous vous appuyez pour décider de la transmission ou non d’un dossier ? Vous avez évoqué des « critères généraux » sans jamais dire précisément quels ils étaient. Pourriez-vous nous être plus précis ?
Vous n’avez pas répondu à la question du rapporteur général sur les restitutions opérées au titre du bouclier fiscal. Il est pourtant très important de savoir comment les choses se passent concrètement. En cas de redressement, le montant des sommes restituées est-il reconsidéré l’année suivante ? Tient-on compte des pénalités et des intérêts ? Lorsqu’on sait les montants évoqués ces derniers jours dans certaine affaire, ou ne serait-ce que le montant moyen des restitutions, il y a en effet de quoi s’inquiéter.
Vous n’avez pas évoqué Tracfin. Des dossiers vous sont-ils transmis par son intermédiaire ? Dans certaine affaire, la réalité de retraits importants d’espèces vient d’être confirmée par la police. Tracfin, qui est censé recueillir les déclarations spontanées de l’ensemble des banques en cas de retraits récurrents de sommes importantes en liquide, vous fait-il part de soupçons de fraude et si oui, que faites-vous ?
Enfin, vous nous avez dit que si la justice vous signalait un nom, vous investiguiez sur ce nom, si elle vous en transmettait deux, vous investiguiez sur deux… En cas de donation, un contrôle effectué sur le donateur entraîne-t-il un contrôle sur le donataire ? Dans le cas du contrôle d’une succession, celui-ci ne porte-t-il que sur une seule personne ou l’ensemble des personnes concernées ?
M. François Goulard. Je voudrais revenir sur les instructions individuelles de contrôle fiscal. Je ne remets absolument pas en question ce que vous avez dit, monsieur le directeur général. Mais sur un strict plan juridique, le ministre est le chef de l’administration et chacun d’entre vous, messieurs, exerce ses pouvoirs en vertu de délégations accordées par le ministre, lequel peut, en tant qu’autorité hiérarchique suprême, intervenir sur tout point. N’est-il pas délicat qu’aucun texte ne dispose aujourd’hui expressément que toute instruction individuelle du ministre en matière de contrôle fiscal est interdite ? Vous avez indiqué que François Baroin envisageait de rédiger une circulaire en ce sens, mais une circulaire, à usage plutôt interne et rarement opposable, ne constitue pas une base juridique très solide.
J’aimerais par ailleurs savoir s’il y a toujours un ou plusieurs membres de l’administration fiscale au cabinet du ministre, comme il a longtemps été de tradition.
Enfin, s’agissant du fisc judiciaire, comment concilier l’action des policiers et celle d’agents du fisc ayant la qualité d’officier de police judiciaire, sachant que c’est le ministre qui a le monopole du déclenchement des poursuites, avec avis conforme de la commission des infractions fiscales ? Comment cela s’articule-t-il ?
M. Daniel Garrigue. De quels moyens d’investigation disposez-vous sur les opérations et les placements opérés dans des pays étrangers, ainsi que sur les revenus qui peuvent en être retirés ? Avec un grand nombre de pays, notamment européens, il y a échange automatique d’informations, auquel cas les soupçons d’évasion fiscale sont moindres. Mais combien d’agents travaillent-ils dans ce secteur ? Cet échange automatique d’informations fait-il l’objet d’un suivi de près ? Il y a ensuite les pays avec lesquels nous avons signé des conventions bilatérales d’échange d’informations sur demande. Réussissez-vous vraiment à obtenir des informations dans ce cadre ? On a en effet l’impression que vos capacités d’investigation sont limitées, notamment sur les fiducies et les trusts, l’administration fiscale semblant obligée d’étayer préalablement sa demande. Quelles difficultés rencontrez-vous ? Enfin, que se passe-t-il pour les pays avec lesquels la France n’a signé aucune convention ? Où en est-on notamment avec la Suisse, puisqu’à la suite de la diffusion de la liste « HSBC », la convention de coopération qui devait être signée ne l’a pas été et qu’il y a des résistances manifestes de la part de certains opérateurs et de certaines banques en Suisse ? Quels sont vos pouvoirs d’action sur les personnes qui jouent le rôle d’intermédiaires entre certains contribuables français et certains établissements financiers de ces pays ?
M. Philippe Parini. Les restitutions au titre du bouclier fiscal sont opérées automatiquement par les services fiscaux déconcentrés. Toute demande de remboursement au titre du bouclier fait l’objet d’une instruction, mais le calcul est extrêmement simple. L’administration centrale n’intervient même pas, sauf si une question particulière lui est posée. Les textes ne laissent aucune ambiguïté : si le contribuable a acquitté un montant d’impôts représentant plus de 50 % de ses revenus, la différence lui est mécaniquement reversée.
M. Christian Eckert. Quel que soit le montant ?
M. Philippe Parini. Oui. Quel que soit le montant, il est le résultat d’un ratio très strictement encadré par les textes. L’opération est très simple.
Je le redis, ni Jean-Marc Fenet, ni moi-même, ni nos prédécesseurs n’ont jamais reçu d’instruction d’engager un contrôle fiscal ni d’en stopper un qui aurait été en cours. Mais, comme il est normal, nous informons le ministre des contrôles en cours. En revanche, le ministre peut intervenir sur les suites données aux contrôles, comme les redressements. Le ministre a délégué le pouvoir d’engager des poursuites pénales, mais sur des sujets pouvant être délicats, l’administration peut avoir demandé si elle devait ou non porter plainte. Ce que je disais tout à l’heure ne concernait que l’engagement ou le non-engagement d’un contrôle fiscal. Dans l’immense majorité des cas, nous agissons en vertu du pouvoir de délégation qui nous a été donné et décidons si des poursuites pénales doivent ou non être engagées.
Coopérons-nous avec Tracfin ? Bien entendu. Tracfin est pour nous une source d’informations, surtout depuis la transposition en droit interne de la troisième directive anti-blanchiment. Nous examinons en détail les informations, soit dit au passage non anonymes, qui nous sont ainsi fournies, et travaillons le dossier avant de lancer un éventuel contrôle fiscal.
Monsieur Eckert, dans le cas d’une donation, nous examinons d’abord la situation du donataire. Les agents du fisc ne sont ni policiers ni magistrats, ils interviennent pour identifier les bases taxables et veiller à ce qu’elles aient été taxées comme il convient, et si elles ne l’ont pas été, déploient toute leur énergie pour qu’il en soit bien ainsi. Dans le cas d’une donation, notre principale question est de savoir si le donataire a bien déclaré ce qu’il a reçu et s’est bien acquitté des droits dus. Contrôlons-nous mécaniquement le donateur ? Non, cela ne fait d’ailleurs pas partie des instructions qui nous ont été données jusqu’à présent. Pour autant, comme toujours, nos agents effectuent une vérification de conformité et de cohérence. Ils cherchent d’abord à s’assurer que la source de la donation est bien identifiée afin que ce ne puisse être un moyen de blanchiment. Puis ils regardent s’il n’y a pas de disproportion manifeste entre la somme donnée et la situation financière du donateur. S’ils n’en constatent pas, leur travail s’arrête là. Si nous devions contrôler tous les donateurs à toutes les associations ou autres, il faudrait que nos équipes soient substantiellement renforcées…
M. Christian Eckert. En va-t-il de même pour les successions ?
M. Philippe Parini. Oui, c’est la même chose. Nous ne contrôlons pas toutes les successions, nous n’en avons pas les moyens. Chacun semble se féliciter aujourd’hui du travail de l’administration fiscale et on nous demande toujours plus de contrôles. Mais permettez-moi de souligner ici qu’il n’en a pas toujours été ainsi et qu’on a parfois reproché par le passé à notre administration d’être au contraire trop présente. Lorsque nous recevons des informations intéressantes, étayées, non anonymes, bien sûr nous les exploitons et si la situation le justifie, nous pouvons engager un contrôle fiscal approfondi. J’insiste sur le fait que jamais nous n’agissons sur la base d’informations anonymes. À lire certains des courriers que nous recevons, on se dit que mieux vaut en effet conserver le secret fiscal !
Monsieur Goulard, vous avez raison. Aucun texte n’a totalement autonomisé l’administration fiscale. Un ministre qui souhaiterait diligenter des contrôles fiscaux n’aurait pas tort sur le plan juridique puisqu’il est le chef de l’administration fiscale – et il faut, je pense, conserver le contrôle fiscal au sein de l’administration fiscale. Il ne serait pas mauvais qu’un texte, une circulaire n’étant peut-être pas le meilleur vecteur, formalise cela clairement afin de lever définitivement toute ambiguïté. L’administration fiscale en tout cas y est extrêmement favorable, étant entendu que si elle est totalement autonome, il faut savoir à qui elle rend des comptes.
Oui, le ministre compte bien dans son cabinet des conseillers, anciens membres de la DGFiP, pour suivre les questions fiscales. Il reçoit un très abondant courrier sur des situations individuelles, en provenance, entre autres, des assemblées parlementaires, mais aussi de contribuables ayant des récriminations à formuler, ce qui est normal. Il existe donc bien toujours une « cellule fiscale » au cabinet. M. Baroin réfléchit au moyen de bien distinguer le rôle de cette cellule pour jouer le rôle d’interface dans les affaires qui justifient que le ministre soit informé et traiter les dossiers autres que de contrôles fiscaux.
S’agissant de la saisine du juge, j’ai déjà répondu à M. Brard sur le sujet. Ce pouvoir nous a été délégué mais c’est un acte lourd pour notre administration que d’engager le processus de transmission d’un dossier à la commission des infractions fiscales, puis devant la justice. Dans l’immense majorité des cas, nous en décidons, nous, quand nous estimons que le dossier le justifie. Quoi qu’il en soit, la commission vérifiera de nouveau sa solidité et dans quelques cas, comme je l’ai dit, il est demandé au ministre ce qu’il en pense.
Monsieur Garrigue, c’est Jean-Marc Fenet, qui suit tout particulièrement les questions internationales, qui va vous répondre. Je vous dirai seulement que notre premier objectif est d’obtenir des informations car sans informations obtenues légalement, il n’y a pas de contrôle possible. Il nous faut renforcer notre dispositif de recueil d’informations en France même. Nous avons demandé qu’un décret soit pris nous permettant d’obtenir que les banques nous transmettent systématiquement le nom des clients ayant opéré des mouvements financiers vis-à-vis des paradis fiscaux. Ce décret devrait être pris prochainement et nous sera très utile.
M. Jean-Marc Fenet, directeur adjoint chargé de la fiscalité. Nous échangeons pas mal d’informations avec les administrations fiscales étrangères. Certains règlements communautaires prévoient qu’on puisse en échanger en matière d’impôts directs et indirects, surtout de TVA. Nous avons encore renforcé ces échanges avec Eurofisc, projet porté par la France lors de sa présidence de l’Union, qui permet dans le domaine particulier de la TVA de construire un réseau d’échange d’informations instantané et automatique dans les secteurs faisant l’objet des carrousels les plus frappants. Nous en espérons des progrès substantiels.
Par ailleurs, nous avons depuis un an et demi, signé ou amendé beaucoup de conventions fiscales, certaines étant encore en voie de ratification parlementaire. Toutes sont désormais systématiquement alignées sur le standard de la convention de l’OCDE, à savoir que le secret bancaire ne peut pas nous être opposé lorsque nous sollicitons une information sur un contribuable. Lorsqu’un pays nous oppose ce secret bancaire et refuse de signer une convention, il est inscrit dans la liste des « entités non coopératives » telles que vous les avez définies l’an passé dans le collectif. Cette liste est évolutive. Un pays qui, ayant pris des engagements vis-à-vis de la France, aurait été sorti de cette liste à un moment donné, peut y être réintégré s’il ne les tient pas.
Vous avez évoqué la Suisse. Le Parlement suisse a ratifié très récemment la convention franco-suisse. Nous la testerons dès qu’elle entrera en vigueur, de même que de nombreuses autres. Mais, vous le savez, nous ne pouvons solliciter les pays étrangers que sur la base de noms précis. Nous ne pouvons pas pratiquer le fishing. D’où l’importance de disposer d’une source fiable de renseignements en amont, soit à partir de l’échange automatique d’informations avec les banques, soit dans le cadre de nos échanges classiques avec les administrations fiscales étrangères.
M. Daniel Garrigue. Suffit-il de disposer d’un nom pour demander des informations ou faut-il avoir d’autres éléments à l’appui de cette demande ?
La réunion se poursuit en présence de la presse.
Mme Aurélie Filippetti. Monsieur le directeur général, dans un entretien accordé au quotidien Le Figaro, vous avez déclaré que des contrôles triennaux étaient systématiquement effectués pour les contribuables disposant d’un patrimoine supérieur à trois millions d’euros ou de revenus annuels supérieurs à 220 000 euros. Or, une affaire récente a révélé que l’une des personnes les plus riches de France n’a apparemment, en tout cas aux dires de son ex-comptable, fait l’objet d’aucun contrôle fiscal au cours des douze dernières années. Cela vous paraît-il possible et normal ? Comment l’expliqueriez-vous ?
Ma deuxième question concerne le signalement qui vous a été transmis par le parquet de Nanterre en janvier 2009. L’une des parties a fait l’objet d’un contrôle fiscal approfondi, pas l’autre. L’une avait reçu dans le cadre d’une donation une île située dans l’océan Indien, estimée à 500 millions d’euros au moins. Comment est-il possible que seule elle ait été contrôlée, et qu’aucun contrôle n’ait été effectué sur la provenance de la somme considérable qui venait de lui être donnée ? La réponse que vous avez apportée jusqu’à présent sur le sujet des donations ne m’a pas paru satisfaisante.
L’administration dispose, avez-vous dit, d’une certaine marge d’appréciation, sur la fixation notamment du taux des pénalités en cas de redressement. Il serait étrange que le ministre ne soit pas informé. Quel est donc son degré d’information s’agissant des contrôles fiscaux, notamment ceux pouvant concerner les plus grosses fortunes de notre pays ? Prenez-vous ou non en compte le montant du patrimoine des contribuables dans vos décisions de contrôle ? Il semble évident que les détenteurs des plus gros patrimoines sont plus susceptibles de rechercher une « optimisation fiscale » que des contribuables aux revenus moyens.
Enfin, vous n’avez toujours pas répondu à la question sur le bouclier fiscal posée à la fois par le rapporteur général et par notre collègue Christian Eckert. Que devient à l’année n+1 le bouclier fiscal de personnes ayant fait l’objet d’un redressement l’année n ? Par ailleurs, le ministre est-il informé du montant des restitutions opérées pour les plus gros contribuables ?
M. François Scellier. Monsieur le directeur général, je suis, pour ma part, tout à fait satisfait de vos réponses. Il importe d’augmenter le nombre mais aussi la qualité des contrôles fiscaux. Lorsque je travaillais dans l’administration fiscale, j’avais coutume de dire aux personnes contrôlées, notamment aux entreprises, que ces contrôles étaient dans leur intérêt, car comment soutenir la concurrence d’homologues s’affranchissant des règles fiscales ou ne les respectant pas scrupuleusement ? Pour avoir commencé ma carrière à la direction générale des impôts dans les années soixante, d’abord à l’administration centrale puis dans les services déconcentrés, je puis dire que les choses ont évolué de manière positive.
La charte du contribuable, adoptée alors que Valéry Giscard d’Estaing était ministre des Finances, a été ressentie par les agents du fisc, comme un élément restreignant leur liberté d’intervention. C’est au contraire un élément de clarté dont chacun maintenant se félicite. Il y a également eu la création des interlocuteurs départementaux et nationaux. Depuis les années soixante, les droits du contribuable n’ont cessé d’être toujours davantage protégés, parfois même au détriment de l’efficacité des contrôles. Comme l’avaient souhaité le rapporteur général et le président de la commission des Finances, l’administration fiscale s’est dotée de moyens supplémentaires pour mieux contrôler d’autres catégories de contribuables défaillants, fraudant notamment à l’international ou dans le cadre de l’économie souterraine. Et le contrôle n’est pas aisé dans ces domaines : il est évident qu’il est plus facile de contrôler une personne qui a déjà fait une déclaration qu’une qui s’en est toujours dispensée.
Il était du rôle de notre Commission de vous entendre pour vérifier que l’administration fiscale remplissait bien toutes les missions qui sont les siennes, notamment en matière d’égalité devant le contrôle, et s’assurer qu’elle agissait bien en toute indépendance. Vos réponses m’ont donné totale satisfaction sur tous ces points.
M. le président Jérôme Cahuzac. C’est un satisfecit plus qu’une question.
M. François Scellier. Pourquoi se refuser à délivrer un satisfecit si on pense qu’il est mérité ?
M. le président Jérôme Cahuzac. Je faisais un simple constat.
M. René Couanau. Je vous remercie, monsieur le directeur général, de votre exposé. Soyez assuré que les députés ne doutent pas de la qualité du travail de l’administration fiscale. Le manque de confiance que vous avez dit parfois ressentir ne s’exprime pas parmi nous.
Je souhaiterais trois précisions. Lors d’un contrôle fiscal, le contrôleur ou l’inspecteur qui en est chargé en réfère-t-il à un moment donné à sa hiérarchie pour ce qui est de l’organisation de ce contrôle ou le conduit-il absolument seul ? J’ai en effet l’impression qu’on attend la fin de la procédure pour tenir compte du débat contradictoire et que celui-ci n’intervient qu’après la première note d’observations du contrôleur ou de l’inspecteur. J’ai en tête un exemple précis concernant le taux de TVA applicable à des subventions en faveur d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. À partir de quelle importance du dossier cela remonte-t-il au niveau de la direction départementale des services fiscaux, de la direction inter-régionale, de la direction générale, ou éventuellement du cabinet ?
Ma deuxième question concerne le bouclier fiscal. Si j’ai bien compris, les reversements sont automatiques, résultant du simple calcul d’un ratio, et même les plus importants d’entre eux ne donnent pas lieu à contrôle fiscal. Vos services n’éprouvent-ils donc jamais le besoin d’aller plus loin ?
Ma troisième question concerne Tracfin. Les banques sont tenues de lui signaler tous retraits en liquide récurrents, même pour des montants bien inférieurs à ceux cités dans certaine affaire. Cela donne-t-il lieu systématiquement à signalement à l’administration fiscale ou à l’autorité judiciaire ? Si les banques n’effectuent pas ces signalements, encourent-elles des sanctions et lesquelles ?
M. François de Rugy. Je vous remercie, monsieur le directeur général, d’être venu devant notre Commission. Mais dans une démocratie normale, ce n’est pas le directeur général des finances publiques que notre commission des Finances devrait auditionner, mais le ministre qui a été en exercice pendant près de trois ans. Il est particulièrement choquant que notre Assemblée trouve le temps d’auditionner M. Escalettes, M. Domenech et même la ministre de la Santé et des sports sur les résultats de l’équipe de France lors de la Coupe du monde de football et ne puisse pas organiser l’audition de ministres ayant des comptes à rendre à la représentation nationale sur leur action. J’imagine, monsieur le directeur, que vous avez été obligé par l’actuel ministre chargé du Budget et des comptes publics d’accepter cette audition par notre Commission mais je ne sais pas ce qu’il vous a autorisé à dire. Pour ma part, je n’ai quasiment rien appris à vous écouter aujourd’hui que je ne savais déjà… Élus de la nation, nous nous posons des questions légitimes, à l’instar de beaucoup de nos concitoyens, et si vous me le permettez, je vais « mettre les pieds dans le plat ». L’impérieux besoin de transparence n’a pas été satisfait par les réponses qui nous ont été apportées.
Monsieur le directeur général, pouvez-vous nous dire quels ont été les contrôles engagés dans le cas de Mme Bettencourt – je n’utiliserai pas, pour ma part, de périphrase pour la désigner et ne dirai pas « la personne à qui ont été restitués 30 millions d’euros au titre du bouclier fiscal ». Je ne vous demande rien du contenu du dossier de cette contribuable, que cela soit bien clair, simplement des informations sur la procédure suivie. Quels ont été les résultats des contrôles éventuellement engagés : y a-t-il eu ou non par exemple des redressements ? Le ministre de l’époque, Éric Woerth, en a-t-il été informé ? Vous nous avez dit que, depuis trois ans, le ministre du Budget ne donnait pas d’instructions individuelles mais uniquement des consignes générales : M. Éric Woerth a-t-il donné des consignes générales sur les plus gros bénéficiaires du bouclier fiscal ? Et puisque vous nous avez indiqué que votre tâche était d’identifier les bases taxables et de les taxer, j’imagine qu’à l’occasion de restitutions au titre du bouclier fiscal, vous vérifiez qu’aucune base taxable n’a auparavant échappé à l’impôt. Pouvez-vous nous le confirmer ?
Notre Commission des finances a beaucoup travaillé sur la fraude fiscale. Elle a soutenu le ministre Éric Woerth à l’époque et j’ai moi-même salué alors son action. Je tiens ici à dire que j’ai soutenu l’action de Didier Migaud et de Gilles Carrez à ses côtés, comme je soutiens aujourd’hui totalement l’action de Jérôme Cahuzac.
M. Alain Rodet. Il y a quelques années, le Syndicat national unifié des impôts disait que l’éventualité d’être soumis à un contrôle fiscal était bien moindre à Paris et en première couronne qu’en province, qu’il s’agisse de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur les sociétés ou de l’ISF. Qu’en est-il aujourd’hui ?
M. Jean-François Lamour. Je vous remercie, monsieur le directeur général, d’avoir confirmé qu’autonomie et professionnalisation sont les deux piliers de l’action de la direction générale des finances publiques et de la stratégie définie conjointement par le ministre et vos services. Je me félicite que vous ayez répondu à l’invitation du président de la commission des Finances, une Commission qui, je le note incidemment, a d’autres préoccupations que de convoquer M. Domenech et M. Escalettes.
Mes questions portent sur les listes de noms de contribuables français détenteurs de comptes à l’étranger qui sont parvenues dans vos services : la liste provenant du Liechtenstein où figuraient 1 700 noms et la liste dite « HSBC » qui en comptait 3 000, soit 4 700 noms en tout, mais les chiffres semblent fluctuer. Je m’en tiendrai à la liste « HSBC ». Vous nous avez expliqué qu’aussitôt fermée la cellule de régularisation des avoirs non déclarés, le 31 décembre 2009, vous avez commencé vos investigations en examinant les mille dossiers les plus « intéressants ». Vous nous avez dit aussi qu’en cas de fraude avérée, vous transmettez les dossiers à la commission des infractions fiscales qui décide ensuite de les transmettre ou non à la justice ; à six mois du début de vos investigations, combien de ces dossiers ont été transmis à la justice ? D’une manière générale, vous avez fort justement évoqué la nécessité d’un strict secret fiscal, clef d’une procédure menée à bien à l’abri de pressions et de rumeurs. Mais, par exemple, le rapporteur général et M. Didier Migaud, le précédent président de notre Commission, nous ont dit avoir eu à connaître de la liste « HSBC ».
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons vu cette liste mais nous ne l’avons pas consultée page par page.
M. Jean-François Lamour. Qui, monsieur le directeur général, est en possession de cette liste, complète ou partielle ? Qui peut la consulter à loisir, alors que le secret est nécessaire à vos investigations ? Quand la justice est saisie des dossiers qui lui sont transmis par le biais de la commission des infractions fiscales à votre instigation, a-t-elle à connaître des seuls cas qui lui sont transmis ou de la liste dans son entier ?
M. Philippe Parini. Beaucoup de questions, dont certaines extrêmement précises, m’ont été posées. Aussi, permettez-moi de redire pour commencer que toutes les informations, y compris nominatives, ont été données par mes soins à vous-même, monsieur le président, et à M. le rapporteur général ; vous en disposez donc. Ensuite, il est extrêmement difficile pour un fonctionnaire de lever le secret fiscal qu’il est censé garder. Le secret fiscal est protecteur des libertés individuelles car derrière tout dossier fiscal il y a un individu, une famille, des situations personnelles. Il faut, me semble-t-il, conserver ce lien particulier entre l’administration fiscale quand elle investigue et le citoyen, et préserver le secret fiscal même si cela conduit parfois à ne pas répondre aussi précisément qu’on le pourrait aux demandes qui nous sont faites. Je n’évoquerai donc pas de dossiers particuliers, mais le président de votre Commission et le rapporteur général ont les éléments et ils peuvent vous répondre dans les formes qu’ils jugent adaptées.
J’évoquerai la manière dont procède l’administration fiscale pour tout le monde - et donc aussi dans les cas particuliers qui ont été évoqués - quand elle fait des contrôles. Je répondrai ainsi à beaucoup des questions qui ont été posées par Mme Filippetti et M. de Rugy. Lorsque l’administration exerce un contrôle fiscal, elle le fait sous sa seule responsabilité. Depuis plusieurs années, à la demande de l’administration fiscale, les ministres successifs ne donnent pas d’instructions individuelles de contrôle ou de « non contrôle ». En tout cas, depuis que je suis directeur, cela ne s’est jamais produit. En revanche, et c’est tout naturel, les ministres définissent la politique générale de contrôle fiscal, dont les principes sont les suivants : tout citoyen contribuable est susceptible de faire l’objet d’un contrôle fiscal – c’est l’égalité devant l’impôt ; les entreprises à fort enjeu financier font l’objet d’une surveillance particulière ; nous intervenons dans les secteurs où nous pensons qu’il y a fraude.
Il existe deux types de contrôle : le contrôle de concordance qui s’effectue sur pièces dans les services de l’administration ; le contrôle fiscal approfondi au cours duquel nous précisons minutieusement la situation fiscale du contribuable.
M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur le directeur général, pourriez-vous tenter de répondre aux questions qui vous ont été posées par les députés plutôt que de donner l’impression de vous exprimer à l’intention de la presse ?
M. Philippe Parini. J’en venais à la réponse à la question de Mme Filippetti. Nous engageons un contrôle fiscal approfondi d’une part si les éléments de vérification de concordance ne sont pas corrects, d’autre part si nous recevons des informations nous laissant soupçonner une fraude. Si ces conditions ne sont pas réunies, nous n’avons pas de raisons d’engager un contrôle approfondi. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de contrôle de concordance.
Les contribuables qui ont un capital ou des revenus importants font systématiquement l’objet de contrôles de concordance et de conformité mais cela ne déclenche pas de contrôles approfondis. Pour le coup, ce n’est pas à l’administration fiscale d’en décider : si on nous demande, à l’avenir, d’engager des contrôles fiscaux plus approfondis pour telle catégorie de contribuables ou telle autre, nous le ferons évidemment, mais ce n’est pas dans notre mandat actuel.
Vous m’avez posé une question de principe : jusqu’où va l’administration fiscale quand elle reçoit des signalements et qu’elle a accès à un dossier détenu par la justice ? D’évidence, un dossier signalé par la justice fait l’objet d’une attention particulière de notre part. Les agents du fisc examinent les procès-verbaux d’audition et les procès-verbaux de synthèse et, bien sûr, les procès-verbaux établis par la section financière s’il en existe. Si, à l’occasion de l’examen de ces pièces, des choses intéressantes apparaissent, les agents demanderont à aller plus loin pour investiguer sur des pièces plus précises. Si des éléments nouveaux sont apportés sur le dossier signalé, nous les prenons bien entendu en compte et si des éléments complémentaires nouveaux sur d’autres personnes concernées par le dossier apparaissent, nous les prenons en compte aussi – mais encore faut-il qu’elles apparaissent dans les procès-verbaux d’audition et de synthèse.
M. le président Jérôme Cahuzac. Plusieurs collègues vous ont demandé si Tracfin était automatiquement saisi en cas de retraits réguliers de sommes en espèces. Qu’en est-il ?
M. René Couanau. Nous sommes réunis depuis plus d’une heure et demie ; après avoir suivi le cours normal d’une audition et approfondi certains points, nous semblons repartir sur des questions de principe et nous allons nous séparer sans avoir obtenu de réponse à nos questions précises. Pour ma part, j’en ai posé trois.
M. le président Jérôme Cahuzac. Je me suis permis d’en faire la remarque à M. Parini, auquel je demande à nouveau de bien vouloir s’efforcer de répondre à la question relative à la saisie de Tracfin posée par deux collègues.
M. Jean-Louis Gautier. Tracfin reçoit les déclarations de soupçon des banques. Cette procédure autonome obéit à un corps de règles qui n’est pas le corps des règles fiscales. Depuis la transposition de la troisième directive anti-blanchiment en droit interne, Tracfin apprécie si les informations qu’il a reçues recèlent des éléments laissant supposer une fraude fiscale, puis apprécie l’opportunité - puisque la loi dit « peut » et non pas « doit » - de transmettre ces informations à l’administration fiscale. Depuis l’adoption de la loi de transposition, comme M. Parini vous l’a dit, Tracfin transmet très régulièrement des informations à l’administration fiscale. Elles sont toutes exploitées.
M. Christian Eckert. De combien de dossiers parle-t-on ? Dix, cent, mille ?
M. Jean-Louis Gautier. Depuis la transposition, qui date de quelques mois seulement, l’ordre de grandeur est de quelque vingt dossiers par mois.
M. le président Jérôme Cahuzac. Pour être plus précis, cela signifie que des retraits en espèces de plusieurs dizaines de milliers d’euros par semaine ne sont pas systématiquement signalés par Tracfin à l’administration fiscale.
M. Jean-Louis Gautier. Je n’ai pas accès aux dossiers de Tracfin. Je ne connais que ceux qui me sont transmis.
M. le président Jérôme Cahuzac. Je me risque alors à interpréter la question de mes collègues pour vous demander si l’administration fiscale est régulièrement saisie de dossiers de retraits de plusieurs dizaines de milliers d’euros en espèces, hebdomadaires et systématiques ?
M. Jean-Louis Gautier. Je n’ai pas fait l’analyse du contenu des transmissions de Tracfin.
M. le président Jérôme Cahuzac. Doit-on comprendre que la réponse est « non » ?
M. Jean-Louis Gautier. Non. Ma réponse est : « À ce stade, je ne sais pas exactement quelle est la nature du contenu des transmissions de Tracfin ».
M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur Parini, pensez-vous pouvoir être plus explicite et plus clair ? Sinon, nous devrons nous contenter de cette réponse.
M. René Couanau. Si une banque omet de faire un signalement à Tracfin, est-elle sanctionnée, ou faudra-t-il une intervention législative pour qu’elle le soit ?
M. Philippe Parini. Il y a plusieurs questions en une. Vous nous avez interrogés pour savoir si nous recevons des informations de Tracfin notamment depuis qu’il y a des signalements sur les mouvements de fonds. Nous vous avons répondu que la circulaire européenne est d’application récente et que nous recevons une vingtaine de dossiers par mois. Tracfin nous les transmet, je pense, assez systématiquement. Néanmoins, c’est Tracfin qui apprécie si l’information est susceptible de nous être donnée ou pas. Voilà la réponse à votre première question.
M. le président Jérôme Cahuzac. Donc, les transmissions d’informations ne sont pas systématiques, et dépendent de l’appréciation de Tracfin.
M. Philippe Parini. Tout à fait.
M. le président Jérôme Cahuzac. Voilà une réponse claire.
M. Christian Eckert. Sous la tutelle de quel ministre se trouve Tracfin ?
M. Jean-Louis Gautier. Tracfin est placé sous la double autorité du ministre des Finances et du ministre chargé du Budget.
M. Philippe Parini. La deuxième partie de la question était : est-ce que dans les dossiers que nous transmet généralement Tracfin se trouvent des éléments de ce type ? Nous n’avons pas dressé un bilan particulier des dossiers qui nous ont été transmis par Tracfin, mais si Tracfin nous signale des mouvements de ce type, il va sans dire que nous les exploitons. Je vous l’ai indiqué tout à l’heure : à partir du moment où nous recevons une information, nous l’exploitons, qu’elle provienne, évidemment, d’un autre service de l’État, ou qu’elle ne provienne pas d’un service de l’État, à condition qu’elle ne soit pas anonyme et qu’elle soit un peu documentée et crédible ; c’est notre travail de l’utiliser pour commencer nos investigations.
M. le président Jérôme Cahuzac. Pouvez-vous nous dire, sauf si cela relève du secret fiscal – ce que je ne pense pas, mais je me rendrai à votre avis sur ce point – si Tracfin a ou n’a pas signalé à l’administration fiscale ou au ministère des Finances le retrait régulier de plusieurs dizaines de milliers d’euros en espèces ? Si ces retraits en espèces n’ont pas été signalés à Tracfin, qu’est-il envisagé de faire à l’égard de la banque qui, les ayant constatés, ne les aurait pas signalés ?
M. Philippe Parini. Vous me posez un certain nombre de questions qu’il faudrait aussi poser aux responsables de Tracfin, émetteur des signalements dont je suis le récepteur.
M. le président Jérôme Cahuzac. Je vous ai posé une question relative au secret fiscal, ce pourquoi j’ai pensé que vous étiez la personne idoine.
M. Philippe Parini. Je ne pense pas que le secret fiscal joue en cette matière. Pour préparer l’audition devant votre Commission, dont vous m’avez fait connaître qu’elle porterait sur les critères et les conditions du contrôle fiscal, je n’ai pas regardé dans le détail la question que vous évoquez mais je suis tout à fait en mesure de vous parler des dossiers que nous avons reçus et comment nous avons traité les informations qui nous ont été transmises. Avons-nous reçu un signalement du type de celui sur lequel vous m’interrogez ? Je ne peux m’engager sur ce point aujourd’hui, mais c’est pour moi un élément habituel des dossiers et vous aurez l’information.
M. le président Jérôme Cahuzac. Donc, monsieur le directeur général, si je vous adresse un courrier officiel vous demandant si ces mouvements vous ont été signalés ou pas par Tracfin, vous me répondrez et je pourrai faire part de votre réponse aux commissaires aux finances ?
M. Philippe Parini. Je vais vérifier ce qui nous a été transmis et je vous le dirai naturellement, avec mon habituelle promptitude.
M. le président Jérôme Cahuzac. Je ferai donc part de votre réponse aux commissaires aux finances et, en fonction de ce qu’elle sera, si signalement il y a eu, nous demanderons à l’administration des finances pourquoi il n’y a pas été donné suite et, si le signalement n’a pas été fait, nous demanderons pourquoi et ce qu’il est envisagé de faire à l’encontre d’un établissement bancaire qui n’a peut-être pas fait ce qu’il aurait dû faire.
M. Philippe Parini. Cela me semble marqué au coin du bon sens.
M. le président Jérôme Cahuzac. Je vous remercie.
M. René Couanau. Monsieur Parini, vous aviez commencé de décrire le déroulement d’un contrôle fiscal. Pouvez-vous préciser si l’équipe de contrôleurs ou d’inspecteurs occupée à un contrôle fiscal, notamment un contrôle fiscal important, est tenue de rendre compte systématiquement et périodiquement à sa hiérarchie ou si elle agit de manière autonome jusqu’à la production de son rapport, qui entraîne la procédure contradictoire ?
M. Philippe Parini. M. Gautier, qui fut vérificateur, vous dira dans le détail le déroulement d’un contrôle fiscal.
M. Jean-Louis Gautier. Compte tenu de la sensibilité du sujet, qu’il s’agisse de la vérification des entreprises ou de l’examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques, nous sommes, depuis toujours, organisés en brigades. Un vérificateur n’est pas un homme isolé ; il appartient à une brigade de sept ou huit vérificateurs à la tête de laquelle se trouve un inspecteur principal dont le travail exclusif est de piloter son équipe, c’est-à-dire d’appliquer la politique de contrôle fiscal et de gérer ses vérificateurs dans le cadre de l’exécution des affaires. Qu’un vérificateur démarre, conduise, infléchisse ou arrête une vérification, il le fait toujours en partenariat avec le chef de sa brigade et sous son autorité. Le resserrement des liens entre le chef de la brigade et les vérificateurs est très net. Dans le passé, on a pu avoir le sentiment que les vérificateurs étaient parfois assez autonomes ; ce n’est plus du tout le cas. Toutes les discussions ont lieu et toutes les décisions se prennent au fil de l’avancement du contrôle. Le débat contradictoire, qui est un des éléments de validité juridique de la procédure, se fait en concertation avec le chef de brigade, et nous recommandons que l’on dise, dès que des éléments apparaissent, les questions qui se posent, de manière qu’on ne les découvre pas à la fin et qu’un dialogue réel ait lieu, permettant de régler les questions ou en tout cas de faire partager les positions.
C’est ainsi que les choses se font pour les 50 000 contribuables contrôlés chaque année. Le chef de brigade est toujours informé de tout. En fonction de l’importance du contrôle, de la sensibilité, de l’état des relations humaines, ou parce que le contribuable veut présenter un recours hiérarchique, il peut se produire que, pour un petit nombre de dossiers, une évocation soit nécessaire auprès de la direction départementale, ou auprès du chef de la brigade si le contribuable le souhaite. Il n’y a pas de norme écrite établissant à partir de quand le recours hiérarchique s’exerce. Un petit contrôle dans un département de province peut rendre nécessaire une évocation au rang supérieur, et de très grosses vérifications, malgré l’importance des enjeux, ne pas emporter la nécessité d’une évocation car il n’y a ni complexité particulière ni problème particulier.
M. Jean-Marc Fenet. Deux questions distinctes ont été posées à propos du bouclier fiscal : y a-t-il contrôle lors du traitement de la demande d’application du dispositif ? Quand le dispositif a été appliqué, le contribuable concerné fait-il l’objet d’un contrôle a posteriori ? Sur le premier point, la demande d’application du bouclier fiscal est traitée de manière déconcentrée au niveau départemental et les services procèdent à un contrôle de cohérence : avant de rembourser, on regarde si la définition est bonne et si tous les éléments du dossier sont conformes aux informations contenues dans nos fichiers. À l’inverse, la demande d’application du bouclier fiscal n’est pas en soi un axe de déclenchement d’un contrôle fiscal approfondi.
M. Christian Eckert. Quel que soit le montant ?
M. Jean-Marc Fenet. Quel qu’il soit. Cela ne signifie pas, à l’inverse, que le fait de demander l’application du bouclier fiscal exonère ou sanctuarise, mais ce n’est pas en soi un axe de déclenchement d’un contrôle approfondi – non plus que pour tout autre avantage fiscal ou tout autre remboursement de crédit d’impôt, le crédit d’impôt recherche par exemple.
Si, à l’occasion d’un contrôle fiscal approfondi, nous examinons la situation d’une personne qui dans le passé - le passé proche, car la disposition est récente - a bénéficié du bouclier fiscal, et si le contrôle conduit à ce qu’un supplément d’impôt doive être payé, le contribuable concerné ne peut se prévaloir de ce supplément d’impôt pour le calcul du bouclier fiscal : on n’augmente pas le remboursement à concurrence de l’impôt supplémentaire payé ! Mais le principe est asymétrique : si le contrôle a pour conséquence qu’il faille revoir à la baisse a posteriori le montant du bouclier fiscal, cela est fait. En d’autres termes, l’opération se fait dans les deux cas au profit du Trésor public.
M. Jean-Yves Cousin. Je rends hommage au travail accompli par l’ensemble du personnel de l’administration fiscale. Nous sommes pleinement conscients de la grande mutation à laquelle il a dû faire face et des efforts d’adaptation qu’il a dû consentir, et nous lui sommes reconnaissants de ses compétences et de son intégrité.
J’aimerais savoir si les objectifs fixés restent identiques en nombre alors que la direction générale voit son effectif diminuer. Je souhaite avoir une indication du ratio nombre de contrôles effectués/nombre d’affaires portées au pénal. Enfin, quel rôle joue l’informatique dans les contrôles ? Pour avoir moi-même procédé à des vérifications, je suis un peu surpris par les questions posées, tant les choses se font de manière naturelle, et je me reconnais dans toutes les réponses faites par le directeur général.
M. Philippe Parini. Je vous remercie pour vos aimables propos à l’égard du personnel de l’administration fiscale. La question m’a été posée des moyens dont je dispose et du redéploiement des effectifs en fonction du volume de contrôle. Je vous l’ai dit, l’effectif des agents affectés aux contrôles fiscaux individuels a été maintenu mais, dans le cadre de la politique générale du Gouvernement, l’effectif affecté au contrôle fiscal en général a été réduit. Les objectifs ont été maintenus, ce qui explique l’augmentation de la productivité. Cette évolution ne remet pas en cause la qualité de la mission accomplie mais elle traduit un effort de productivité supplémentaire.
M. Lamour a évoqué la liste « Liechtenstein » et la liste dite « HSBC ». Je précise les chiffres. Pour l’affaire dite du Liechtenstein – dont l’exploitation est terminée – nous avions reçu une liste dans laquelle figuraient 200 noms, rassemblés pour certains en groupes familiaux. Ces opérations ont fait l’objet d’une régularisation, et pour celles et ceux qui étaient d’approche plus difficile, nous avons saisi la justice.
Pour ce qui est de la liste « HSBC », nous avons récupéré un fichier qui nous a été transmis par le procureur. Il comprend quelque 3 000 noms. En réalité, il y en a un peu plus, mais certains correspondent à des comptes anciens clos. Le nombre de 3 000 est celui des dossiers « opérationnels ». Tous feront l’objet de contrôles fiscaux approfondis, dont les mille premiers seront faits cette année par une équipe spécifique au sein de la direction nationale. Avant d’engager les contrôles fiscaux sur cette liste de 3 000 noms, nous avions donné à tous les contribuables indistinctement – personne ne sachant quelle liste nous détenions –, la possibilité de régulariser leur situation fiscale par le biais de la cellule de régularisation des avoirs non déclarés. Cette cellule est fermée depuis le 31 décembre 2009, nous avons désormais exploité presque tous les dossiers, et 4 700 contribuables régulariseront leur situation, dont une infime minorité de ceux dont le nom figurait sur la liste « HSBC ».
M. Jean-François Lamour. Combien des mille dossiers sur lesquels vous avez commencé d’investiguer avez-vous transmis à la justice par le biais de la commission des infractions fiscales ?
M. Philippe Parini. À ce jour, nous n’avons pas encore saisi la justice au titre de la fraude fiscale car, dans le traitement des mille premiers dossiers cette année, nous privilégions l’établissement de la taxation pour récupérer l’impôt dû, assorti des pénalités et des intérêts de retard. Si la fraude fiscale est caractérisée, nous transmettrons les dossiers à la justice. Les contribuables concernés sont tous connus et ceux qui auraient fraudé gravement le fisc feront éventuellement l’objet d’une saisine du juge.
M. Jean-François Lamour. Qui dispose de la liste dite « HSBC », partielle ou complète ?
M. Philippe Parini. Les services qui s’en occupent, le ministre de l’époque et les présidences des commissions des Finances.
M. le président Jérôme Cahuzac. Je pense que nous avons à peu près fait le tour de la question.
M. Christian Eckert. Si l’on peut dire…
M. le président Jérôme Cahuzac. Je vous remercie pour la précision de vos réponses.
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Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 7 juillet 2010 à 11 heures
Présents. - M. Claude Bartolone, M. Jean-Pierre Brard, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Jérôme Chartier, M. René Couanau, M. Jean-Yves Cousin, M. Richard Dell'Agnola, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Flory, M. Marc Francina, M. Daniel Garrigue, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Marc Goua, M. François Goulard, M. Laurent Hénart, M. Jean-François Lamour, M. Marc Le Fur, M. Hervé Mariton, M. Jean-Claude Mathis, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Henri Nayrou, M. Jacques Pélissard, M. Alain Rodet, M. François de Rugy, M. Michel Sapin, M. François Scellier, Mme Isabelle Vasseur, M. Michel Vergnier
Excusés. - M. Dominique Baert, M. Jean Launay
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