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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Lundi 20 septembre 2010

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 104

Présidence de M. Jérôme Cahuzac, Président

–  Examen, pour avis, d’un décret d’avance et d’annulation en application de l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances (M. Gilles Carrez, Rapporteur général) 2

–  Présences en réunion 7

La Commission examine une proposition d’avis, présentée par M. Gilles Carrez, Rapporteur général, sur un projet de décret portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance, en application de l’article 13 de la loi organique n° 2001-692 relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF).

M. le président Jérôme Cahuzac. Le Gouvernement a transmis à la Commission, le 14 septembre dernier, un décret d’avance qui sera examiné en Conseil d’État mercredi prochain. Ce décret ouvre et annule 729,4 millions d’euros d’autorisations d’engagements et 701,4 millions d’euros de crédits de paiements sur le budget général, ainsi que 570 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement sur les comptes spéciaux. Les insuffisances habituelles de crédits, notamment sur les opérations extérieures et l’hébergement d’urgence, sont compensées. Par ailleurs, j’attire votre attention sur des mouvements relatifs à la compensation versée aux compagnies pétrolières pour les baisses de prix de carburants à l’outre-mer.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce décret d’avance est le premier que nous examinons cette année. Je vous rappelle qu’au printemps dernier, les mouvements de crédits qui devaient être prévus par décret d’avance ont été intégrés, à la demande du président de la Commission, dans le projet de loi de finances rectificative. Le présent décret porte sur des montants importants et comprend deux volets.

D’une part, 729,4 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 701,4 millions d’euros de crédits de paiements sont ouverts et annulés sur le budget général. Les ouvertures portent, en premier lieu, sur les opérations extérieures, pour 218 millions d’euros, se rajoutant aux 570 millions d’euros prévus en loi de finances initiale. Certes, il est habituel de constater en cours d’année l’insuffisance de la dotation initiale prévue pour ces missions. Toutefois, on constate que leur coût est croissant depuis 2005. La dépense totale – y compris ouvertures de crédits en décret d’avance et autres abondements – a d’abord diminué de 678 millions d’euros en 2002 à 553 millions d’euros en 2005, puis a constamment augmenté depuis cette date : 850 millions d’euros en 2008, 873 millions d’euros en 2009 et une prévision de 867 millions d’euros pour 2010. Ce sont les opérations en Afghanistan qui constituent le principal poste de dépense – 470 millions d’euros – suivies de celles au Liban et au Tchad – environ 95 millions d’euros. Nous constatons chaque année que la dotation en loi de finances initiale est systématiquement sous-évaluée. Il serait également nécessaire de chercher les voies et moyens d’une meilleure maîtrise de la dépense.

L’hébergement d’urgence constitue également un poste traditionnellement concerné par les ouvertures de crédits par décret d’avance. 117 millions d’euros sont ouverts et répartis entre l’hébergement d’urgence proprement dit et l’hébergement des demandeurs d’asile en attente de jugement. Sur ce second élément, on constate une hausse des délais de jugement relatifs aux demandes d’asile, ce qui rallonge la durée d’hébergement des personnes et augmente la dépense afférente. Le délai de jugement devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) s’établit ainsi à plus de quatre mois. S’il est fait appel – ce qui est généralement le cas –, le délai atteint 465 jours.

30 millions d’euros sont ouverts sur la mission Justice pour mettre en œuvre la réforme du financement de la médecine légale, c’est-à-dire les autopsies et le suivi médical des personnes en garde à vue.

Les intempéries justifient l’ouverture de 20 millions d’euros en crédits de paiement du fait de la tempête Klaus du mois de janvier dernier et 12 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement en raison des inondations dans le Var.

La « prime à la casse » entraîne enfin une ouverture de crédits de 127 millions d’euros car la prime de 1 000 euros pouvait encore être versée en début d’année pour les voitures commandées avant le 31 décembre 2009 et livrées avant le 31 mars 2010. Les ménages ont donc précipité leur achat, ce qui a tiré la dépense de l’État à la hausse. L’effet financier de cette disposition aurait dû être anticipé.

Les ouvertures de crédits sur la mission Économie sont également à noter. Je laisserai le Président faire un point sur la question des carburants.

D’autre part, 570 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement sont ouverts sur les comptes spéciaux. En premier lieu, 370 millions sont ouverts pour financer le « bonus automobile ». Je constate que, sur le compte Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres, les écarts entre prévision et exécution sont systématiques et substantiels. En second lieu, 200 millions d’euros sont transférés du programme 723 relatif à l’immobilier de l’État au programme 722 relatif à l’immobilier hors ministère de la Défense, pour permettre aux ministères concernés de consommer les recettes supplémentaires issues des cessions qu’ils ont réalisées. Il conviendra que le Gouvernement donne des précisions sur les opérations qui sont visées par ce mouvement de crédits.

Mme Annick Girardin. Comment voulez-vous que nous émettions un avis si nous ne disposons pas des informations utiles ?

M. le rapporteur général. Sur le plan comptable, les choses sont claires : les crédits sont transférés du programme 722 au programme 723 pour tenir compte de la réalisation effective des cessions imputées sur ces deux programmes

M. François Goulard. Concernant l’ouverture de crédits pour les OPEX, ces opérations étaient censées être désormais normalement dotées en loi de finances initiale. Or, on constate que ce n’est pas encore le cas, bien qu’on ne puisse pas dire que la présence en Afghanistan relève de l’imprévu.

M. le rapporteur général. Les OPEX ont été mieux budgétisées en 2010 mais le surcoût est du même ordre que l’an passé.

M. François Goulard. Concernant l’hébergement d’urgence, il serait utile de savoir si des mesures ont été prises pour réduire les délais de traitement des appels auprès de la Cour nationale du droit d’asile. Par ailleurs, je m’étonne qu’il soit nécessaire d’ouvrir 20 millions d’euros de crédits de paiement pour la tempête Klaus alors que des autorisations d’engagement ont déjà été ouvertes.

M. le rapporteur général. Ces ouvertures en crédit de paiement sont tout à fait normales, dans la continuité des autorisations d’engagement ouvertes dans le décret d’avance du 9 novembre 2009.

M. François Goulard. Concernant les cessions du ministère de la Défense, je comprends la nature des opérations, mais je souhaite rappeler que ce ministère dispose d’un patrimoine immobilier considérable et qu’il gèle des biens sans utilité. Il en est ainsi de deux hectares dans ma commune qui sont gelés pour servir de garde-meubles. Ce ministère gère extrêmement mal son immobilier.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Si l’on dresse la genèse de la compensation de la baisse du prix des carburants dans les DOM, il convient de remonter à 2007 lorsque les prix à la pompe n’ont pas suivi ceux du baril. Les compagnies pétrolières ont accepté cette situation parce que l’État compensait le différentiel. On constate aujourd’hui un rattrapage progressif des prix, qui recouvre le prix du baril mais aussi celui du fret, du transbordement, des services associés et du taux d’évaporation, à réglementation inchangée. J’ai identifié deux versements alors qu’il y en a eu probablement trois, pour un montant total légèrement inférieur à 175 millions d’euros. Le prix du baril ayant baissé, la prime à la cuve a été supprimée et les sommes ont été employées pour l’indemnisation des compagnies pétrolières. Il conviendrait de regarder très précisément les mouvements pour déterminer ce qu’il en a été exactement.

Mme Annick Girardin. 30 millions d’euros seraient ouverts sur la mission Justice au regard d’une augmentation des contentieux. Ces contentieux portent-ils sur des sujets particuliers ?

M. le rapporteur général. Les 30 millions d’euros auxquels vous faites référence concernent en réalité les besoins liés à la réforme du financement de la médecine légale. Les crédits ont été regroupés sur un seul programme qui a été insuffisamment doté. L’augmentation des contentieux que vous évoquez donne lieu à des ouvertures de crédits sur la mission Administration générale et territoriale de l’État (11,7 millions en AE et 11,2 millions en CP). La dynamique des contentieux n’est pas nouvelle. Deux catégories de dépenses de contentieux expliquent plus particulièrement l’évolution constatée : les dépenses liées aux refus de concours de la force publique, du fait de l’engagement de la responsabilité de l’État dans les expulsions locatives, et les dépenses liées au contentieux des étrangers. Je signale également un coût supplémentaire du fait des contentieux avec les communes au sujet des cartes nationale d’identité. Au total, 134,3 millions d’euros avaient été inscrits en loi de finances initiale et le besoin est supérieur de 11,2 millions d’euros (crédits de paiement).

M. Michel Diefenbacher. Ce qui m’avait frappé sur la question des carburants en outre-mer, c’est l’opacité sur la formation des prix (prix d’achat, coût des transports, financement du stockage) et l’absence de concurrence à tous les stades y compris la distribution. Je salue les tentatives pour faire la lumière sur ces questions, mais je pense qu’on ne pourra mettre fin à l’opacité sans augmenter la concurrence. Cela est difficile à la Réunion, mais c’est envisageable aux Antilles qui disposent d’un environnement concurrentiel international, d’autant que la qualité des carburants est en voie de rapprochement.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Des normes restrictives ont été adoptées en Europe sous présidence française et il n’était pas possible de demander quelques mois après une dérogation pour les DOM. Mais un rapprochement se produira à terme. Il faut aussi noter qu’à chaque stade du processus de formation des prix on rencontre des entités juridiques indépendantes qui sont des sociétés appartenant ou rendant des comptes à Total, mais qui agissent indépendamment et sans informer la holding de tête.

M. le rapporteur général. Parmi les observations figurant dans l’avis, je souhaite signaler celle afférente au coût considérable représenté par le bonus-malus et la prime à la casse et le fait que l’on constate de nombreux financements externes aux ministères concernés par les ouvertures, alors que le principe est normalement celui de l’auto-financement.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Avant d’adopter la proposition d’avis, je souhaite vous indiquer que j’ai écrit au Président de l’Assemblée nationale pour manifester mon étonnement devant la réponse de la ministre Christine Lagarde refusant de transmettre à la Commission une estimation des sommes qui restent à la disposition de M. Bernard Tapie, après déduction des dettes et frais, et renvoyant la Commission vers les juridictions compétentes. J’ai également écrit à M. Bernard Tapie pour qu’il informe la Commission du montant du reliquat. Si le montant s’avérait très différent de celui auquel aboutissent les calculs de M. Charles de Courson et les miens, nous envisagerions de demander à Mme Lagarde de s’en expliquer, à l’occasion d’une autre audition ou au cours d’une audition spécifique.

La Commission adopte la proposition d’avis sur le projet de décret d’avance, qui comporte notamment les six observations suivantes :

1. Comme la Commission l’indiquait déjà dans ses deux précédents avis sur le décret d’avance n° 2008-1244 du 28 novembre 2008 et n° 2009-1368 du 9 novembre 2009, la provision de 570 millions d’euros constituée dans la loi de finances initiale pour 2010 au titre des surcoûts entraînés par les opérations extérieures du ministère de la Défense s’avère très largement insuffisante. En moyenne, sur la période 2002-2009, la sous-budgétisation des opérations extérieures du ministère de la Défense s’élève à 235 millions d’euros par an. Mettre fin au recours systématique aux ouvertures de crédits par décret d’avance suppose donc d’amplifier la budgétisation initiale des surcoûts liés aux opérations extérieures, mais surtout de maîtriser l’évolution de ces dépenses. Cette double exigence apparaît d’autant plus impérieuse qu’en prévoyant qu’« En cas de dépassement de la provision, les dépenses des armées, directions et services liées aux OPEX non couvertes par la dotation en LFI feront l’objet d’un remboursement par décret d’avance à partir de la réserve de budgétisation interministérielle », le projet annuel de performances pour 2010 fait peser sur l’ensemble du budget général la charge du financement des surcoûts liés aux opérations extérieures du ministère de la Défense.

2. S’il est désormais possible à la Commission de connaître plus précisément les surcoûts liés en 2009 d’une part à la mise en œuvre du « bonus / malus » automobile et d’autre part à la prime à la casse, force est de constater que les prévisions budgétaires relatives au financement de cette prime et à l’équilibre du compte spécial Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres se sont révélées particulièrement défaillantes en 2008 et 2009. L’introduction d’une nouvelle disposition règlementaire par décret n°2009-1581 du 18 décembre 2009 élargissant le délai pour bénéficier du barème avantageux du bonus en 2009 justifiait à elle seule d’amplifier la budgétisation initiale pour 2010. En tout état de cause, la Commission appelle à ce que les dispositifs générateurs de dépenses d’intervention fassent l’objet d’études d’impact préalables plus rigoureuses, afin d’évaluer avec précision leur coût pour l’État, trop souvent sous-estimé.

3. Les crédits destinés à la prise en charge de l’hébergement d’urgence ont été, une fois de plus, largement sous-évalués dans la loi de finances initiale pour 2010, malgré le contexte de crise économique dont l’impact sur les publics fragiles se traduit nécessairement par des besoins complémentaires. Il en est de même s’agissant spécifiquement de l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile, malgré l’augmentation des crédits pour l’allocation temporaire d’attente (ATA) en loi de finances initiale pour 2010. La Commission reconnaît cependant la difficulté d’estimer à l’avance le nombre de déboutés d’asile, source de près de la moitié des dépenses à couvrir.

4. L’ouverture de 30 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement sur la mission Justice doit permettre de couvrir le surcoût lié à l’élargissement du périmètre de la réforme du financement de la médecine légale et à son entrée en vigueur anticipée au dernier trimestre 2010. Compte tenu de l’impossibilité pour les juridictions de financer cette somme par redéploiement, la Commission considère que l’ouverture prévue dans le projet de décret est justifiée. Il en est de même de l’ouverture de 11,7 millions d'euros en autorisations d’engagement et 11,4 millions d'euros en crédits de paiement destinée à abonder les crédits de contentieux en raison de la nette augmentation de la mise en cause de la responsabilité de l’État en 2009 et 2010.

5. L’insuffisance de crédits constatée en 2010 du fait de recettes de cessions immobilières du ministère de la Défense inférieures aux prévisions, témoigne des inconvénients inhérents aux financements par voie d’affectation de ressources exceptionnelles. En l’espèce, l’ouverture prévue dans le projet de décret au titre du programme 722 Contribution aux dépenses immobilières ne pose pas de difficulté, dès lors qu’elle est assortie d’annulations d’un montant équivalent de crédits sur le programme 723 Contribution aux dépenses immobilières : expérimentation CHORUS du même compte d’affectation spécial Gestion du patrimoine immobilier de l’Etat. Le budget général n’a, en effet, pas vocation à compenser les moins-values de recettes attendues des cessions immobilières de certains ministères.

6. Sous réserve qu’elles correspondent à de véritables économies, les annulations de crédits permettent de préserver l’équilibre budgétaire défini par les lois de finances pour 2010. Il est de bonne méthode de faire porter prioritairement les annulations sur les missions ou les ministères qui bénéficient par ailleurs des ouvertures de crédits et, pour le complément, de mettre à profit la réserve de précaution constituée en début d’année. Même s’il doit être tenu compte des contraintes inhérentes à la fin de gestion, le projet de décret peine à satisfaire à ces exigences.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du lundi 20 septembre 2010 à 10 h 45 :

Présents. - M. Jérôme Cahuzac, M. Gilles Carrez, M. Michel Diefenbacher, Mme Annick Girardin, M. Louis Giscard d'Estaing, M. François Goulard, M. Pierre-Alain Muet

Excusés. - M. Dominique Baert, M. Pierre Bourguignon, M. Michel Bouvard, M. Jean Launay, M. Victorin Lurel, M. Nicolas Perruchot, M. Michel Vergnier

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