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La Commission entend M. François Drouin, président directeur-général d’Oséo, dont la reconduction aux fonctions de Président du conseil d'administration de l'établissement public Oséo est envisagée par le Président de la République en application de l'article 13 de la Constitution.
M. le président Jérôme Cahuzac. Mes chers collègues, nous accueillons M. François Drouin, président-directeur général d’Oséo depuis trois ans, que nous avions déjà entendu le 29 juin dernier, à l’occasion d’un premier renouvellement de son mandat.
Depuis, les trois filiales du groupe Oséo – Oséo Financement, Oséo Garantie et Oséo Innovation – ont été fusionnées au sein d’une société anonyme unique dont le capital détenu par l’État est porté par l’établissement public Oséo, maintenu en tête de groupe. Cette réorganisation résulte de la loi de régulation bancaire et financière adoptée définitivement par le Parlement au mois d’octobre. Elle aboutit à resserrer en un seul conseil d’administration les instances dirigeantes du groupe. Dans le nouvel organigramme, le président du conseil d’administration de l’EPIC Oséo a vocation à prendre la tête du conseil d’administration de la nouvelle société anonyme. Pour tenir compte de ces changements, le Président de la République envisage de procéder à une nouvelle désignation de M. Drouin à la présidence de l’EPIC Oséo. C’est pourquoi nous l’auditionnons aujourd'hui.
Par ailleurs, notre commission inaugure la procédure d’avis préalable à une nomination envisagée par le Président de la République qui se conclut par un vote, lequel n’avait pu avoir lieu lors de la précédente audition à cause du retard accumulé dans la préparation de la loi organique de mise en œuvre de l’article 13 de la Constitution. Si l’audition est publique, le scrutin, en revanche, est secret et doit se tenir en dehors de la présence de la personne auditionnée. Il ne peut donner lieu à délégation de vote et sera effectué par appel public. Des bulletins vous seront distribués à cet effet. Le dépouillement, qui sera effectué par deux scrutateurs désignés par tirage au sort – en l’occurrence M. René Couanau et M. Dominique Baert –, aura lieu simultanément à l’Assemblée nationale et au Sénat, conformément à la loi du 23 juillet 2010. La Commission des finances du Sénat auditionnant M. Drouin aujourd'hui à onze heures, il nous faudra attendre la clôture de son scrutin pour commencer à dépouiller. Il m’appartiendra ensuite de communiquer le résultat du vote à la présidence de l’Assemblée, puis de vous en informer lors de la prochaine réunion de notre commission.
M. François Drouin, président-directeur général d’Oséo. Oséo exerce ses trois métiers – l’innovation, le financement et la garantie – avec pour devise : Oséo, l’entreprise des entrepreneurs. La nouvelle loi a donné le feu vert à la fusion des quatre anciennes entités en une seule et à la simplification de l’organisation du groupe, sans en modifier l’activité.
En 2010, notre activité a été extrêmement intense. Au total, nous avons effectué 106 000 interventions au profit de 82 000 entreprises qui ont obtenu près de 29 milliards d’euros de financements, de notre part ou de la part du secteur bancaire ou d’investisseurs que nous avons vocation à entraîner derrière nous. Nous nous sommes engagés à hauteur de 14 milliards d’euros de risques, ce qui est considérable.
En matière de garantie, l’activité spécifique qui nous avait été confiée dans le cadre du plan de relance a cessé au 31 décembre dernier. Même s’il s’agissait d’une première pour nous, elle s’est soldée par une réussite puisque pas moins de 24 688 entreprises ont fait appel au fonds de garantie exceptionnel mis en place pour garantir la trésorerie des entreprises, et que 6 milliards d’euros sont venus abonder leur trésorerie, permettant de sauver des dizaines de milliers d’emplois. Ce fonds, mis en place en octobre 2008, dix jours après la faillite de Lehman Brothers, s’est progressivement éteint au 31 décembre dernier, signe que les banques ont recommencé à financer le fonds de roulement des entreprises.
En revanche, notre activité classique de garantie d’investissement s’est maintenue à un rythme très soutenu, prouvant ainsi que nous remplissons notre mission d’accompagnement de la relance. Globalement, nous avons accordé 4 280 millions d’euros de garantie, chiffre en progression de 17 % par rapport à 2009. Aujourd'hui, nous portons 11 milliards d’euros de risque en garantie de concours bancaires ou accordés par des investisseurs ou des sociétés de capital-risque.
S’agissant du financement, la relance a également été significative puisque nos concours ont progressé de 25 % en 2010, soit 3,2 milliards d’euros, et nous finançons aujourd'hui 10 milliards d’euros. Le fait le plus marquant en 2010 aura été le succès des contrats de développement participatif, lesquels consistent à apporter des quasi-fonds propres pour consolider le haut de bilan. Le Président de la République avait lancé le programme correspondant le 5 octobre 2008, pour lequel vous aviez voté une enveloppe de 1 milliard d’euros. Ce programme est très apprécié des entreprises puisqu’Oséo renforce les fonds propres sans entrer au capital. À ce jour, nous avons consommé 80 % des fonds de manière particulièrement efficace, grâce au puissant effet de levier qui s’exerce. Pour un euro de dotation de l’État, les entreprises reçoivent 18,75 euros de financement. Nous constatons qu’un quart des bénéficiaires de ces concours sont des entreprises de taille intermédiaire, des ETI, et les trois quarts des PME de cinquante salariés au moins.
Les financements de court terme ont enregistré une progression de 8 %. Au titre de l’héritage de la Caisse nationale des marchés de l’État, nous accordons des concours Dailly aux entreprises qui ont pour clientes des collectivités publiques ou des grands donneurs d’ordres privés.
Quant au financement de l’innovation, il s’est développé à un rythme normal, conformément aux moyens qui nous ont été accordés. Nous avons ainsi soutenu 2 849 entreprises en 2010 au travers de nos programmes classiques ou de ceux que nous avons repris à l’ancienne Agence pour l’innovation industrielle. Le niveau de nos interventions s’est élevé à 569 millions d’euros, proche de celui de l’année précédente. À la demande de l’État, nous avons repris la gestion du Fonds unique interministériel dédié aux pôles de compétitivité, lesquels ont reçu environ 80 millions d’euros en 2010.
Depuis quelques années, Oséo a considérablement accru son activité tout en veillant à préserver une gestion rigoureuse, puisque notre effectif s’est maintenu autour de 1 600 équivalents temps plein. Notre présence au sein des régions est assurée par trente-sept implantations et elle a exigé, pour rester efficace, un engagement très fort des équipes, en particulier en 2009, au beau milieu de la crise. Nous avons la chance d’exercer une mission enthousiasmante qui consiste à soutenir les entreprises et à les aider à créer de la richesse. Nos collaborateurs en sont conscients et travaillent en conséquence, avec efficacité, rapidité et économie. Nous sommes au contact des entrepreneurs et nous devons nous adapter à leur rythme. Si nous ne suivons pas, nous ne servons pas à grand-chose.
Nous avons renforcé les qualifications de nos collaborateurs dans la mesure où, au cours des trois dernières années, la part des cadres est passée de 71 % à 76 %. Nous cherchons également à nous moderniser pour supporter le surcroît de missions qui nous sont confiées.
Nos trois activités ont une exigence commune : la maîtrise des risques – même s’ils ne sont pas de même intensité. Nous prenons les risques que les autres, notamment les banques, ne veulent pas prendre. L’Autorité de contrôle prudentiel est venue nous inspecter début 2010, et elle a conclu que « Grâce à une bonne connaissance du marché, à des procédures adaptées et à un outil d’aide à la décision performant, le processus d’entrée d’un risque en portefeuille n’appelle pas de réserve particulière. » Je me vante de ce satisfecit délivré par l’organe de contrôle d’autant que, n’étant pas une très grosse maison, le moindre dérapage des risques peut avoir de lourdes conséquences.
En conclusion, notre rôle consiste à accélérer la reprise de la croissance. Pour ce faire, notre priorité, ce sont les trois I, pour innovation, international et investissement, et les moyens qui nous sont confiés nous permettent d’obtenir des résultats satisfaisants.
M. Jérôme Chartier. En tant que rapporteur spécial, j’ai eu l’occasion de travailler avec M. Drouin ces trois dernières années dans le contexte très particulier de la crise financière. Et il faut reconnaître que, sous son impulsion, non seulement les équipes d’Oséo ont su se mobiliser mais aussi que les résultats ont été à la hauteur des attentes. Le fonctionnement interne d’Oséo s’est amélioré, notamment grâce à la simplification des organes de direction, qui représente une économie estimée à 2 millions d’euros par an. Votre bilan, monsieur le président-directeur général, est incontestablement digne d’éloge. D’où ma question : qu’allez-vous pouvoir faire de plus, ou de mieux ?
M. Pierre-Alain Muet. Comment se répartissent les entreprises ayant bénéficié des garanties de trésorerie accordées dans le cadre du plan de relance ?
Les pôles de compétitivité auraient recueilli 80 millions d’euros en 2010. Comment l’activité d’Oséo évolue-t-elle dans ce domaine ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous donner des précisions sur votre initiative innovante d’accès en ligne aux marchés publics ?
M. Charles de Courson. Nous répétons depuis des années qu’il faut renforcer les fonds propres des PME, mais les analyses a posteriori montrent que ce sont les grosses entreprises qui bénéficient du système. En revanche, celui-ci demeure impuissant quand il s’agit d’accompagner les petites PME qui se développent et qui n’intéressent pas les banquiers, compte tenu de la lourdeur de la gestion pour les montants en cause et du risque encouru. Quelles solutions préconisez-vous ?
M. François Drouin. Que pouvons-nous faire de plus ? Nous avons beaucoup de projets, le premier étant de parachever le continuum de financement. Actuellement, la chaîne n’est pas complète, et il faudrait qu’Oséo accompagne les entreprises au fur et à mesure de leur développement, depuis leur naissance jusqu’à ce qu’elles deviennent des ETI ou même des grosses PME, dont la France manque. Nous nous efforçons de le faire, mais il existe deux zones de turbulence, les fonds propres et ce que l’on appelle « la vallée de la mort », c'est-à-dire la phase d’amorçage, une fois que le concept autour de laquelle l’entreprise s’est créée a fait ses preuves, mais que celle-ci n’arrive pas à mobiliser des fonds. La Caisse des dépôts s’est vu confier 4 ou 5 millions d’euros provenant du grand emprunt pour créer un fonds d’amorçage : ce pourrait être une solution.
Par ailleurs, les arcanes du financement de l’innovation sont encore beaucoup trop compliqués, en particulier ceux du Fonds unique interministériel. Maintenant que nous en avons la gestion en aval – mais en aval seulement –, nous allons essayer d’en faciliter l’accès car l’innovation exige surtout la rapidité, surtout pour les PME. La tâche n’est pas facile. Il faut aussi que nous puissions intervenir plus en amont, sur la chaîne de technologies.
Les partenariats avec les régions et avec l’Europe doivent être rénovés et renforcés. Nos financements viennent essentiellement de l’État et des régions, mais l’articulation n’est pas optimale. Ces dernières sont parfois considérées comme de simples variables d’ajustement pour les financements. Il y a sûrement moyen d’établir en amont un dialogue de meilleure qualité, de façon à monter des projets conjointement. En 2011, nous allons mener des expérimentations avec certaines régions en nous efforçant d’optimiser l’utilisation de l’argent public. Par ailleurs, la France ne mobilise pas toujours suffisamment les programmes européens. Là aussi, une articulation satisfaisante reste à trouver. Nos interlocuteurs y sont prêts, notamment dans le cadre de l’Acte pour le marché unique.
Il reste beaucoup à faire aussi à l’international, en travaillant de concert avec Ubifrance pour être plus efficace. La crise aura au moins eu le mérite de sensibiliser les entrepreneurs sur ce point.
Notre plan d’action pour 2011 ne nécessitera pas forcément des moyens financiers supplémentaires. Avec une meilleure coordination avec les régions et l’Europe, et une simplification des procédures, nous devrions améliorer notre action. Mais si des moyens supplémentaires sont mis en œuvre, nous saurons les utiliser. Bref, nous avons du pain sur la planche.
S’agissant de la structure des 25 000 entreprises bénéficiaires des concours de trésorerie distribués dans le cadre du plan de soutien de l’économie, elle est extrêmement variée, puisque, d’après une analyse portant sur un échantillon de 5000 entreprises, elles emploient de zéro à 5 000 salariés. Toutefois, un bilan complet sera réalisé après l’arrêté des comptes au 31 décembre et nous vous le transmettrons. Au plus fort de la crise, en 2009, la quotité que nous avons financée allait de 40 % à 90 %. L’industrie est bien représentée, mais on trouve aussi de très petites entreprises.
D’après les impressions que nous avons, les sinistres jusqu’à présent ne sont pas considérables malgré la conjoncture et le fait que nous ayons dû nous substituer aux banques. En même temps, nous n’avons que peu de recul, deux ans tout au plus. Pour l’instant, les sinistres restent en deçà de nos prévisions.
En ce qui concerne les pôles de compétitivité, je n’ai parlé que du Fonds unique interministériel – FUI –. Il ne faut pas oublier l’activité classique d’Oséo, celle de l’Agence nationale de la recherche, ou celle des régions. Le paysage ressemble à un véritable maquis, mais le FUI est très apprécié dans la mesure où il accorde des subventions. Il est difficile d’y voir très clair parce que nous sommes dans une phase de transition, entre la période où la gestion était dans les mains du ministère des finances et maintenant où elle nous incombe. Les projets sont nombreux mais la complexité du processus de décision est telle que, globalement, les réalisations n’augmentent pas fortement.
Oui, nous avons mis en place des services en ligne, notamment pour la commande publique. Réseau Commande publique, qui est accessible directement, centralise l’ensemble des appels d’offres des collectivités publiques et fournit un dispositif d’accompagnement en matière d’information.
Les mécanismes de renforcement des fonds propres ne sont pas réservés aux grosses PME de plus de cinquante salariés, même si les choses sont plus faciles pour elles. Il faudrait déjà aider les ETI et les PME pour créer un effet d’entraînement qui s’étendrait à tout le tissu des entreprises.
Cela étant, je tiens à souligner le succès des prêts participatifs, qui permettent de renforcer le haut de bilan sans entrer au capital. Un tel dispositif évite d’avoir à valoriser l’entreprise, à partager les résultats quand la situation n’est pas forcément favorable, et, inversement, permet d’attendre le moment propice pour ouvrir le capital. En l’absence de garantie, nous courons les mêmes risques que les actionnaires et notre présence les aide à obtenir d’autres concours. La procédure est ouverte aux entreprises de toute taille, et les financements vont de 30 000 euros à 3 millions d’euros.
M. Louis Giscard d'Estaing. Quelle est l’évolution du taux de sinistralité, sur les 14 milliards de risques propres ?
D’après votre expérience, les fonds d’investissement de proximité et le dispositif ISF-PME ont-ils permis de renforcer les fonds propres des PME ?
Oséo poursuit-il son activité de co-cautionnement avec les chefs d’entreprise, héritée de la SOFARIS ?
Enfin, avez-vous bien reçu le produit de la taxe perçue sur les bonus des banquiers et qui vous était destiné ?
M. Dominique Baert. En tant que guichet unique d’intervention, Oséo est une réussite et il a fait la preuve de la qualité de ses collaborateurs et du puissant effet de levier des fonds qu’il engage.
En tant qu’acteur important de la mobilisation du grand emprunt, pourriez-vous faire le point sur la trésorerie correspondante et sur son emploi programmé ?
Par ailleurs, vous avez insisté sur la cohérence des interventions en faveur de filières précises. Elle n’est pas moins nécessaire à l’intérieur d’un territoire. Or, parmi les instruments d’intervention, figure, outre Oséo spécialisé dans les petits projets, le Fonds stratégique d’investissement – le FSI – dédié surtout aux gros projets. Existe-t-il des cas de collaborations entre les deux pour dynamiser le développement économique d’un territoire particulier ?
Oséo étant dans le giron de l’État, et ses moyens étant en augmentation, serait-il inconcevable qu’il conduise des actions spécifiques en direction, d’une part, de l’économie sociale et solidaire qui est un vecteur de création d’emplois que l’on aurait tort de sous-estimer, et, d’autre part, du microcrédit professionnel, pour accompagner la création de petites entités industrielles et de services ?
M. Michel Bouvard. Je voudrais témoigner de la ténacité dont François Drouin a fait preuve pour faire aboutir la fusion en dépit de certaines résistances.
La Caisse des dépôts, qui est actionnaire à 38 % du nouvel ensemble Oséo, se réjouit de l’intelligence mise en œuvre dans la collaboration avec le FSI. On avait tout à craindre d’une concurrence sur le terrain, mais la mise en place des plates-formes Appui PME a permis de coordonner les efforts d’Oséo, ceux du FSI et de la Caisse des dépôts pour le haut de bilan, et de développer un produit nouveau, au travers du fonds commun de placement à risque, OC +, qui est un véritable succès.
Au-delà, monsieur Drouin, comment envisagez-vous le développement à l’export ? Quels moyens vous faudrait-il ?
Quel jugement portez-vous sur les pôles de compétitivité et sur la manière dont les PME qui y sont implantées sont aidées dans leur croissance ? Aide-t-on ces dernières à dépasser le stade de la sous-traitance ?
M. Christian Eckert. Vous avez déclaré, monsieur Drouin, à propos des concours à l’innovation, que l’année 2010 avait été « normale » ? Comment aller au-delà des 579 millions d’euros annoncés ?
Comment améliorer concrètement les partenariats avec les collectivités et les régions ?
Oséo intervient-il en faveur de l’économie verte, qui trouve difficilement à se financer ?
M. Philippe Vigier. Dans la région Centre, j’ai mesuré personnellement l’efficacité des services d’Oséo, mais il est important de mieux articuler leur action avec celle des régions, en faveur de l’innovation et de l’exportation. Quelles sont, monsieur Drouin, vos ambitions en la matière pour rendre moins difficile le parcours du combattant que doivent effectuer les chefs d’entreprise ? En matière de consolidation des fonds propres, les outils régionaux sont disparates alors que les entreprises comptant entre dix à cinquante salariés traversent une passe encore plus délicate car les banques se sont retirées en 2010.
Enfin, quels sont vos liens avec l’Agence française pour les investissements internationaux qui, s’agissant des plans de revitalisation et de redynamisation lancés après la fermeture d’entreprises majeures, donne l’impression de travailler dans son coin, sans tenir compte des autres acteurs – région, Oséo ?
M. Hervé Mariton. Si Oséo disposait de moyens supplémentaires, quelle serait sa priorité numéro un ? Et, inversement, qui serait la première victime d’une réduction de ses moyens ?
M. Michel Vergnier. Certains territoires sont frappés plus tard que d’autres par la crise. De quels moyens d’alerte disposez-vous ?
Comment instaurer un dialogue avec les collectivités ? L’élu d’une petite collectivité peut-il obtenir auprès de vous certains renseignements qu’il a du mal à se procurer ? Est-ce votre rôle ?
M. René Couanau. En peu de temps, Oséo a réussi à se faire connaître positivement dans le maquis des aides. Pourriez-vous, monsieur Drouin, vous servir de cette image pour étendre votre rôle à la coordination ? Sachez que l’on nous demande si Oséo est un acteur parmi d’autres, ou s’il intervient en tant que coordonnateur.
M. Henri Emmanuelli. Dans le cadre du débat sur la centralisation des fonds du livret A, nous cherchons à mesurer le volume des crédits accordés aux PME par les banques. Elles nous objectent que le fléchage de ces concours ne serait pas possible. Vous qui êtes au contact des PME, avez-vous l’impression que le système bancaire joue son rôle ?
M. Jean-Pierre Balligand. Vous avez, monsieur Drouin, parlé d’un taux de sinistralité bas. Que faut-il entendre par là sachant que vous avez dû jouer le rôle de pompier tout au long de l’année 2009 et, dans une moindre mesure, en 2010, d’ailleurs à la satisfaction des élus toutes tendances politiques confondues ?
Sachant que votre mission première consiste à accompagner l’innovation et la montée en puissance de nos PME, quelle est aujourd’hui la part de votre métier d’origine dans votre activité ?
Vos moyens en région, bien qu’efficaces, sont très faibles. Ne faudrait-il pas coordonner leurs efforts avec ceux du FSI et des fonds régionaux gérés par les régions pour éviter une dispersion des énergies ?
M. Marc Goua. Si la sinistralité est relativement basse et les besoins de trésorerie moindres, c’est aussi parce que l’activité n’a pas redémarré et grevé les besoins en fonds de roulement. Pourriez-vous intervenir en cas de tension des trésoreries ?
M. François Drouin. Le niveau des risques est inférieur à celui que nous avons connu en 2003 et très inférieur à celui de 1993. Fin 2008, nous avions prévu un doublement des sinistres pour 2009 : ils n’ont progressé que de 75 %. En 2010, nous tablions sur un accroissement de 40 % par rapport à 2009 ; or nous sommes en dessous.
Avec une base 100 en 2008, nous attendions 200 en 2009 ; or nous en sommes restés à 175. Nous pensions monter à 200 en 2010 ; or nous avons atteint140 environ.
Cela étant, la crise n’est pas finie et il faut rester prudent. Pour l’instant, les provisions sont suffisantes.
Les fonds d’investissement de proximité et les fonds ISF-PME sont la source de financement quasi exclusive des sociétés de capital-risque qui n’arrivent plus à lever des fonds autrement.
Le cautionnement des chefs d’entreprise est une toute petite activité que je connais mal car elle est marginale. Il nous arrive de les garantir pour diminuer leurs risques.
La taxe sur les bonus des banquiers nous est bien parvenue et elle a été incorporée à notre capital. Toutefois, les bonus ayant été plus faibles que Bercy ne l’avait prévu, au lieu de 360 millions d’euros, nous n’avons touché que 298 millions, ce qui correspond à l’intégralité du produit de la taxe. Cette somme a tout de même fait repasser notre ratio Cooke au-dessus de 8 %.
La mise en œuvre du grand emprunt fait l’objet de deux sortes de convention. La première, conclue avec le Premier ministre, détermine l’affectation des sommes. La seconde regroupe les conventions opérationnelles avec les services. Toutes n’ont pas été signées, mais nous avons néanmoins reçu des fonds, notamment 800 millions d’euros sur 1 milliard attendu au titre des contrats de développement participatif.
Nous coopérons naturellement avec le FSI dans les territoires. Nous avons en particulier passé une convention avec le FSI-PME pour les projets de renforcement de fonds propres de plus de 2 millions d’euros, et avec Avenir Entreprises. Nous montons les dossiers avant de les présenter au FSI et nous sommes rémunérés pour ce faire. Nous avons dû lui fournir près de la moitié des dossiers qu’il a financés. La coopération existe donc sur le terrain.
En faveur de l’économie solidaire et du microcrédit professionnel, nous intervenons, mais jamais directement. Nous déléguons à des réseaux tels que France Active, France Initiative ou les Boutiques de gestion, qui distribuent en notre nom des prêts à la création d’entreprise. De même, nous avons conclu une convention avec l’Association pour le droit à l’initiative économique – l’ADIE – qui est active dans le microcrédit. Nous n’avons pas les moyens d’intervenir nous-mêmes.
Pour développer davantage le financement de l’innovation, il nous faut simplement plus de dotations puisque nous avons les projets. Nous pourrions aussi relever les quotités.
Avec les régions, le partenariat autour de l’innovation – le reste marche bien – doit être redéfini en amont. Une fois que nous aurons choisi ce que nous voulons faire, la région et Oséo abonderont un fonds dont nous assurerons la gestion car nous sommes opérationnels. Le processus de décision doit devenir rapide et fluide. Plusieurs régions sont d’ores et déjà intéressées. Tous les financements destinés à l’innovation, en particulier ceux qui sont destinés aux pôles de compétitivité, seront concernés. Les responsables de programme des ministères devront donner leur accord au dispositif.
Nous soutenons l’économie verte, surtout la partie innovation. En particulier, nous avons un programme dit d’innovation stratégique industrielle qui soutient trente projets par an environ, qui peuvent atteindre jusqu’à 10 millions d’euros. Nous participons ainsi à un important projet de distillation des produits végétaux. Et il y a d’autres exemples.
Il est vrai que ce sont les petites entreprises qui éprouvent des difficultés à réunir des fonds propres, mais nous leur apportons des soutiens qui vont de 30 000 à 3 millions d’euros. Nous avons également conclu un partenariat avec l’Agence française pour les investissements internationaux pour mettre en commun un service en ligne et une communauté dédiée, accessibles à toutes les entreprises.
Si Oséo disposait de plus de moyens, ils iraient en priorité à l’innovation, qui constitue l’enjeu le plus porteur d’avenir. Nous nous débrouillerons avec les moyens de fonctionnement que nous avons, mais nous pourrions soutenir davantage de projets. Si nos moyens étaient réduits, nous serions sans doute amenés à « couper » dans certains grands projets d’innovation lancés par l’Agence d’innovation industrielle. Peut-être pourrait-on être plus sévère avec certains d’entre eux, qui sont très lourds et portés par de grandes entreprises. Comme ils peuvent mobiliser jusqu’à 90 ou 100 millions d’euros, il suffirait de supprimer un ou deux projets pour récupérer des marges de manœuvre.
Nous devons dialoguer à l’échelon de la région qui est notre interlocuteur privilégié. Il nous est difficile de descendre à un niveau inférieur car nous ne pouvons pas nous disperser.
Dans la jungle des aides aux entreprises, nous sommes identifiés positivement, dit-on. Nous sommes en mesure d’étendre notre rôle de partenaire unique et de coordonnateur. Nous travaillons d’ailleurs à un portail unique avec Ubifrance, dont nous sommes très complémentaires, puisqu’il est très présent à l’étranger – nous pas, et inversement – et que nous finançons aussi l’international. D’autres partenariats sont sans doute possibles pour être opérationnel sans modifier le mécano institutionnel.
Quant aux prêts consentis aux PME, il me semble que les banques doivent savoir ce qu’elles font. Nous constatons qu’elles nous accompagnent puisque nous n’intervenons qu’en cofinancement. Nous avons les chiffres, mais ils ne répondent que partiellement à la question qui m’a été posée. J’ai connu une époque où les crédits étaient déclarés mensuellement à la Banque de France.
M. le président Jérôme Cahuzac. Ces temps-là sont révolus, elle n’a plus l’information.
M. François Drouin. Traditionnellement, la Caisse des dépôts refinance la moitié des besoins d’Oséo, sur la collecte du livret de développement durable. Pour nous, il est important que ce circuit soit maintenu, même si les sommes en jeu sont assez faibles par rapport à ce qui va au logement social : il nous faut entre 1,5 milliard et 2 milliards d’euros par an, destinés exclusivement aux PME. La Banque postale nous assure également quelques financements complémentaires.
En réalité, nous ne sommes pas des pompiers, même si nous sommes perçus comme tels. De toute façon, c’est terminé, et notre rôle consiste à soutenir l’investissement ainsi que la relance.
Il est vrai que nos équipes sont très réduites, mais cette caractéristique assure souplesse et rapidité, pour rester dans le rythme des entreprises. Pendant la crise, j’avais donné la consigne d’intervenir en quatre jours. S’il nous avait fallu trois semaines, nous n’aurions servi à rien.
Les tensions sur la trésorerie ne sont pas réapparues, mais quand l’activité reprendra, ce sera aux banques de suivre, car ce n’est pas le rôle de la puissance publique d’assurer le fonds de roulement des entreprises. Nous l’avons fait en raison de la gravité de la crise, mais nous avons reçu instruction d’arrêter le 31 décembre, ce que nous avons fait, sans faire de vague, d’ailleurs.
M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur le président-directeur général, je vous remercie.
M. François Drouin quitte la salle.
Il est procédé, par appel nominal et à bulletin secret, au vote sur la reconduction, envisagée par le Président de la République, de M. François Drouin aux fonctions de Président du conseil d’administration de l’Établissement public Oséo.
La séance est suspendue jusqu’au dépouillement du scrutin relatif à cette nomination au Sénat.
La séance est reprise à 12 heures 30 pour le dépouillement du scrutin : 31 commissaires ont pris part au vote et 30 suffrages ont été exprimés. Avis favorable : 29 ; avis défavorable : 1.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 19 janvier 2011 à 9 h 30
Présents. - M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Claude Bartolone, M. Jean-Marie Binetruy, M. Pierre Bourguignon, M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, Mme Chantal Brunel, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Olivier Carré, M. Jérôme Chartier, M. Alain Claeys, M. René Couanau, M. Charles de Courson, M. Jean-Yves Cousin, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Daniel Garrigue, M. Georges Ginesta, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Marc Goua, M. François Goulard, Mme Arlette Grosskost, M. David Habib, M. Laurent Hénart, M. François Hollande, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jean-Claude Mathis, M. Pierre Moscovici, M. Pierre-Alain Muet, M. Henri Nayrou, Mme Béatrice Pavy, M. Nicolas Perruchot, M. Alain Rodet, M. François de Rugy, M. Michel Sapin, M. François Scellier, Mme Isabelle Vasseur, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier
Excusés. - M. Bernard Carayon, M. Jean-Claude Flory, M. Nicolas Forissier, M. Jean-Pierre Gorges, M. Jean-Louis Idiart, M. Patrick Lemasle, M. Camille de Rocca Serra
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