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La Commission entend M. François Baroin, ministre du Budget, des comptes publics, de la Fonction publique et de la réforme de l’État, sur l’exécution du budget 2010.
M. le président Jérôme Cahuzac. Tout d'abord, j’informe la Commission des résultats du vote concernant la reconduction de M. François Drouin à la tête d'Oséo : 31 votants, 30 suffrages exprimés, dont 29 pour cette reconduction et 1 contre. Du côté du Sénat, sur 14 votes, 13 suffrages ont été exprimés, tous favorables à la reconduction de M. Drouin.
Je souhaite la bienvenue à M. François Baroin.
Les résultats du budget 2010 sont d’abord marqués par un déficit de 148,8 milliards d’euros, soit un milliard de moins que prévu dans le collectif de fin d'année. Résultant de mouvements en sens contraires, pour certains conjoncturels, cette réduction n'est pas significative, même si elle est bien sûr la bienvenue. Il importe davantage de discerner les tendances de fond, notamment en ce qui concerne les recettes.
Celles de TVA sont un peu supérieures aux prévisions. En revanche, celles de l'impôt sur le revenu semblent être en deçà de ce qui était attendu et le rebond du produit de l'impôt sur les sociétés – IS –, s'il existe, est moins important qu'il n'avait été estimé dans la dernière loi de finances rectificative. Or, l'IS est un indicateur essentiel de l'état de notre économie. Que peut-on déduire des dernières rentrées ? Cet impôt représente une part significative des recettes de l'État. Envisagez-vous de revoir à la baisse l'estimation de son produit - 44,3 milliards d’euros – en 2011 ? Dans cette hypothèse, quelle serait la compensation ?
Enfin, quelle analyse faites-vous du produit 2010 de l'ISF, qui serait sensiblement supérieur aux prévisions ? On a pu lire que ce surcroît de recettes serait dû à l’action menée afin de régulariser un certain nombre de patrimoines expatriés. Dans ces conditions, cette recette ne pourrait guère être considérée comme exceptionnelle : si le produit est annuel, l’assiette, une fois qu’elle est réintégrée, demeure d’une année sur l’autre.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je partage l’inquiétude de notre président quant à l’impôt sur les sociétés, qui risque d’être miné, comme l’impôt sur le revenu, par des déductions et par des réductions d’assiette. Il est ennuyeux de constater une moins-value de deux milliards d’euros par rapport aux prévisions. C’est une des raisons pour lesquelles, quoique conscients de l’intérêt du crédit impôt recherche, nous avons souhaité, en loi de finances pour 2011, mieux cadrer ce dispositif.
S’agissant des dépenses, pour la deuxième année consécutive, plusieurs milliards d’euros de crédits sont redéployés au bénéfice de dépenses que je qualifierai « de guichet », concentrées sur la mission travail-emploi, notamment avec les contrats aidés, et sur les missions de solidarité. Ce redéploiement n’est possible que grâce à une économie importante – 3,5 milliards d’euros en 2009 et 2 milliards en 2010 – sur les intérêts de la dette. En l’absence d’une économie similaire en 2011, comment financerons-nous, tout en restant dans la norme de progression « zéro volume », les dérapages structurels de ces missions ?
Concernant enfin les dépenses de personnel, allez-vous, monsieur le ministre, lancer une analyse précise, par ministère, de la restitution, sous forme de mesures catégorielles, d’une partie des économies procurées par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite ? On a le sentiment que ces mesures ont dépassé les 50 % prévus et l’on observe, comme l’an dernier, une augmentation de la masse salariale de l’ordre de 700 millions d’euros – sans même parler des pensions. J’avais pourtant cru comprendre que l’objectif du non-remplacement était aussi la stabilité de la masse salariale. Les ministères ont-ils vraiment joué le jeu ? Que comptez-vous faire en la matière dans le cadre de l’exécution du budget 2011 ?
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Je ne reviendrai pas sur les intenses travaux de préparation et d'examen de la loi de programmation des finances publiques, de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 : nos rendez-vous nous ont permis d’être au même niveau d’information au regard des objectifs que nous nous fixons.
S’agissant tout d'abord du déficit budgétaire, nous finissons l'année sur un résultat un peu meilleur que celui que nous avions fixé, puisque le solde n’est négatif que de 148,8 milliards d'euros, au lieu des 149,8 milliards prévus dans la dernière loi de finances rectificative.
Nous tenons également notre engagement de maîtrise des dépenses de l'État. Le budget 2010 a été bâti sur la base d'une progression des dépenses strictement limitée à l'inflation, selon la règle du « zéro volume », soit un total de dépenses autorisées de 352,6 milliards d’euros. Nous respectons strictement ce plafond et nous arrivons même un peu en-dessous, à 352,5 milliards d’euros, cependant que l'inflation aura été de 1,5 %, pour une prévision de 1,2 %. Le plafond n'ayant pas été revu à la hausse, cela équivaut, rétrospectivement, à une réduction de la dépense d'environ un milliard d’euros.
Par ailleurs, l'exercice 2010 comprend un ensemble de dépenses exceptionnelles, non reconductibles, dont le montant était fixé dans la dernière loi de finances rectificative à environ 70 milliards d’euros. Là encore, l’exécution est conforme aux prévisions : 32,4 milliards d’euros pour les investissements d'avenir, 32,4 milliards au titre de la dotation de compensation « relais » de la taxe professionnelle, 5,2 milliards pour les dépenses du plan de relance.
L'exercice budgétaire 2010 nous a aussi permis de solder la dette de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale et de répondre ainsi à une critique récurrente de la Cour des comptes. S'élevant à 7 milliards d’euros à la fin 2006, cette dette a fait l'objet d'efforts de réduction constants. En 2010, la mobilisation des excédents du « panier » de recettes affecté à la compensation des allégements généraux de charges, pour 1,4 milliard d’euros, a permis d'apurer le montant résiduel de dette. Nous avons également apuré notre dette vis-à-vis du Crédit Foncier de France.
Pour l'essentiel, les événements qui ont marqué l'exécution 2010 ont pu être anticipés et intégrés dans la construction du budget 2011. Ainsi, nous avons remis à niveau l'AAH, à hauteur de plus de 700 millions d’euros, tandis que, pour tenir compte du dérapage de 2010, la dotation des contrats aidés a été augmentée de 400 millions d’euros, alors que leur volume va baisser en 2011. Les dépenses de personnel ont également été remises à niveau pour tenir compte du dépassement lié au décalage des départs en retraite.
Les recettes fiscales nettes s'établissent à 253,6 milliards d’euros pour une prévision de 255 milliards dans la dernière loi de finances rectificative. Cet écart de 0,5 %, observé sur les rentrées de toute fin d'année, est très faible au regard des incertitudes liées à la prévision.
Il s'explique principalement par de moindres rentrées de l'impôt sur les sociétés, qui s'établit à 32,9 milliards d’euros, soit un rendement inférieur d'environ 2 milliards à la prévision faite en loi de finances rectificative. Je retiens surtout, pour ma part, que le produit de cet impôt a progressé de 57 % en 2010. Nous avions eu, avec M. Muet, un débat sur son élasticité : on voit bien qu’il existe de ce point de vue un modèle français, avec une grande élasticité, notamment à la hausse en cas de reprise d’activité. À l’occasion du collectif de fin d’année, notre présentation a été bien évidemment sincère, mais aussi conforme à notre analyse du quatrième acompte. Nous en sommes désormais au cinquième, versé au 15 décembre. Ce manque à gagner de deux milliards d’euros s’explique-t-il par le fait que les entreprises, touchées pour huit à neuf milliards d’euros par les mesures relatives aux niches, auraient anticipé ces modifications de la fiscalité en constituant des provisions, ou traduit-il plutôt un ralentissement de l’activité ? Quoi qu’il en soit, il est marginal au regard d’une progression assez spectaculaire du produit et j’ai d’autant moins de craintes pour l’avenir que les annonces relatives aux résultats de mars sont assez positives.
En sens inverse, les recettes de TVA sont meilleures qu'escompté, d'environ 500 millions d’euros, et s'établissent à 127,3 milliards d’euros. Lors de l'examen de la loi de finances rectificative, vous aviez, monsieur le président et monsieur le rapporteur général, exprimé une certaine inquiétude quant au montant de cet impôt : ces rentrées témoignent de la bonne tenue de la consommation, moteur essentiel de la croissance.
Les recettes non fiscales, qui sont les plus liées à la situation économique, notamment les dividendes perçus sur les entreprises publiques ou sur la Coface, sont globalement conformes aux prévisions malgré une légère moins-value, de l’ordre de 400 millions d’euros – mais je rappelle que nous avions réévalué de 3,6 milliards d’euros le montant attendu entre la loi de finances initiale et la loi de finances rectificative.
Enfin, plusieurs événements ont joué favorablement sur le solde des comptes spéciaux. Ainsi, la Grèce n'a pas mobilisé la dernière tranche des prêts que la France avait prévu de verser – je rappelle qu'il s'agit de crédits évaluatifs, que nous ne pilotons évidemment pas de la même façon que les crédits budgétaires ordinaires. Au total, la France a accordé, en 2010, 4,4 milliards d’euros à la Grèce.
D’autre part, le solde du compte d'avance aux collectivités locales s’est amélioré d’environ 500 millions d’euros, en lien avec la révision à la baisse du coût de la réforme de la taxe professionnelle. Je crois que nous y verrons plus clair quant aux effets du passage à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE – à la fin du premier exercice complet suivant cette réforme.
À ce stade, cette analyse de l’exécution budgétaire conforte notre prévision corrigée d’un déficit public représentant 7,7 % du PIB.
J’en viens à la question du rapporteur général sur les dépenses de personnel. Le dépassement est de 250 millions d’euros, et de 450 millions si l’on ne tient pas compte des moindres dépenses de pension. C’est beaucoup, mais moins que ce que nous avions anticipé au moment du décret d’avance. Ce dépassement ne tient pas à un problème de paiement des fonctionnaires par l’État, mais simplement au fait que l’anticipation du nombre de départs à la retraite ne s’est pas confirmée, notamment parce que les fonctionnaires n’échappent pas aux inquiétudes généralement suscitées par la crise. Il y a ainsi eu, en 2009, 8 000 départs de moins qu’annoncé et, en 2010, 5 000 à 6 000 de moins. Ce décalage devrait se résorber.
S’agissant des effectifs, donc des schémas d’emploi, nous sommes également au rendez-vous : les suppressions de postes devraient concerner, en 2010, 30 500 équivalents temps plein, soit 5 500 de plus qu’en 2009. L’exécution du schéma d’emploi est bonne, à l’exception du ministère de l’intérieur, en raison du recrutement de 1 500 adjoints de sécurité décidé par le Président de la République, et de l’éducation nationale, du fait des recrutements décidés en amont pour la rentrée 2009.
Je rappelle que le ministre du budget contresigne tous les textes relatifs aux retours catégoriels, c’est-à-dire à la restitution aux agents d’une partie des économies provenant du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Nous n’anticipons pas à ce stade de dérapage par rapport aux 475 millions d’euros de mesures nouvelles prévues. L’analyse par ministère sera fournie dans le cadre des rapports annuels de performance. Il est vrai que la restitution est un peu plus forte dans certains ministères, notamment lorsqu’ils enregistrent davantage de non-renouvellements, et cela joue dans les négociations collectives. Un outil de décompte des emplois rend compte de façon précise de l’évolution des effectifs.
L’ISF déclaré et encaissé a été de 3,6 milliards d’euros pour une prévision de 3,55 milliards. La plus-value réelle est donc de 50 millions d’euros seulement. Le surcroît de recettes correspond pour l’essentiel à des produits exceptionnels qui résultent d’une action spécifique de lutte contre la fraude et contre l’évasion fiscales. Cela n’a pas d’incidence sur les besoins de financement de la réforme de la fiscalité du patrimoine. Le bilan de la cellule de régularisation fiscale a fait apparaître un produit d’ISF de 500 millions d’euros. Les produits du contrôle fiscal et des déclarations tardives sont de 400 millions d’euros.
Vous me demandez si cela élargit l’assiette. Un mois après mon arrivée, j’ai mis un terme à l’existence de la cellule de régularisation. Ce dispositif a rapporté de l’argent, mais c’est par un effet d’optique qu’il a pu donner à penser que la base s’élargissait alors qu’en réalité les pénalités et le rappel sur trois ans s’ajoutaient à l’augmentation de l’assiette. Nous ne retrouverons donc pas dans les années à venir la partie de la base liée au constat des infractions. Il y aura bien une petite assiette supplémentaire, mais qui devrait donner lieu à un produit supplémentaire de 50, 100, ou 150 millions d’euros au plus, et certainement pas d’un milliard d’euros.
M. le rapporteur général. Au regard de la comptabilité budgétaire, le déficit est tenu. Mais vous avez fait état de différents éléments – 1,4 milliard d’euros de report de prêts à la Grèce, quelques centaines de millions d’euros de remboursement anticipé de prêts au secteur automobile, 400 millions d’amélioration du solde avec les collectivités locales – pour un total d’un peu plus de deux milliards d’euros, que l’on ne verra pas apparaître en comptabilité nationale. Pouvez-vous nous garantir que l’objectif de 7,7 % de PIB annoncé il y a quelques semaines sera néanmoins tenu ?
M. le ministre. Au regard des éléments qui sont déjà à votre disposition comme des derniers que nous vérifions actuellement, je le confirme, sans pouvoir toutefois vous indiquer avec précision si l’on sera à 7,64, à 7,68 ou à 7,71 %... Quoi qu’il en soit, l’avion est bien engagé sur la piste d’atterrissage.
M. Michel Bouvard. Il faut se réjouir d’un résultat d’exécution budgétaire qui permet de tenir la prévision et même de l’améliorer quelque peu, ce qui traduit à la fois les progrès de la situation économique et la qualité du suivi de cette exécution.
Le niveau du déficit reste néanmoins élevé, ce qui est préoccupant pour l’avenir et doit nous inciter à ne pas relâcher nos efforts. Cela suppose en premier lieu de continuer à améliorer le solde. Pourriez-vous nous indiquer comment ont évolué les grandes catégories de la dépense fiscale au cours de cet exercice ? L’objectif de la contenir a-t-il été tenu ou s’est-elle accrue ? Si vous ne disposez pas de ces éléments aujourd’hui, quand pourront-ils nous être communiqués ?
On sait par ailleurs que certains éléments n’entrent pas dans la dépense budgétaire et permettent de contourner la norme de dépenses. Au terme de l’exécution 2010, pouvons-nous être assurés que des transferts ne sont pas intervenus à cette fin en direction de certains opérateurs, ce qui ne pourrait qu’accroître les déficits futurs de la sphère publique ?
Je me réjouis que l’État ait soldé ses dettes vis-à-vis de la sécurité sociale, réduisant ainsi les besoins de trésorerie de cette dernière. Cet apurement est-il définitif et peut-on écarter tout risque de reconstitution d’une partie de la dette ?
Enfin, dispose-t-on d’informations sur le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » ? Les cessions intervenues sont-elles conformes aux prévisions ?
M. Pierre-Alain Muet. Ce déficit de 148,8 milliards d’euros reste un déficit record : même si l’on en retranche l’effet de la crise, que la Cour des comptes évalue à un tiers, il se monte encore à quelque 100 milliards d’euros.
Je n’ignore pas que l’impôt sur les sociétés est très sensible à la conjoncture. Mes remarques sur les élasticités portaient sur la hausse de 2 %, censée être « spontanée », de l’ensemble des prélèvements obligatoires dans le cadre de la programmation pluriannuelle.
Cela étant, les entreprises du CAC 40 ne paient que 8 % d’IS en moyenne et les entreprises de plus de 2 000 salariés 13 %. Seules les PME approchent des 33 %, ce qui pose un réel problème de justice fiscale. Nous aurions pu, à cet égard, utiliser dès le débat budgétaire un excellent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires et supprimer, comme le proposait par amendements le groupe socialiste, un certain nombre de niches fiscales utilisées abondamment par les grandes entreprises. Cela nous aurait permis d’assurer des recettes pour les années 2011 et suivantes.
Par ailleurs, la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux provoque des ravages dans certains secteurs – à l’éducation nationale par exemple – pour des résultats budgétaires discutables. Selon la Cour des comptes, l’économie d’un milliard d’euros que le dispositif devait rapporter se réduit à 200 millions lorsque l’on prend en compte les heures supplémentaires créées en compensation. Nous souhaiterions savoir ce qu’il en est précisément pour 2010.
M. Charles de Courson. En apparence, tout va bien, monsieur le ministre ! Pourtant, un examen détaillé montre un dérapage à la hausse de 1 % pour les dépenses et un dérapage à la baisse, de 1 % également, pour les recettes, hors effets exceptionnels.
Alors que nous nous sommes engagés à un maintien de la masse salariale en euros courants dans les trois prochaines années, le secrétaire d’État chargé de la fonction publique lui-même admet que le taux de retour des économies engendrées par le non-remplacement des effectifs partant à la retraite n’est pas de 50 %, comme cela avait été décidé, mais de plus de 70 %. En effet, lorsque l’on ajoute les mesures catégorielles, on passe de 475 millions d’euros à plus de 700 millions, pour des économies de personnel à peine supérieures à 900 millions. Dans ces conditions, êtes-vous prêt à procéder à un blocage total des mesures catégorielles et à abaisser le taux de retour à 25 % ? D’après les éléments fournis par la Cour des comptes, on ne pourra respecter la programmation triennale qu’à ces deux conditions.
S’agissant des dépenses sociales, nous avions affirmé dès la discussion du projet de loi de finances – PLF – pour 2010 que les crédits prévus seraient insuffisants. L’exécution le confirme : le dérapage s’élève à 1,5 milliard d’euros et il n’est pas conjoncturel mais au contraire reconductible. Que faire pour qu’il ne se reproduise pas dans l’exécution de 2011 ?
Enfin, nous avons bénéficié une nouvelle fois d’une chute importante des taux d’intérêt. L’économie, supérieure à 2 milliards d’euros, a permis en 2010 de compenser les dépenses supplémentaires.
M. le rapporteur général. Plus on emprunte, moins cela coûte !
M. Charles de Courson. Mais c’est fini : depuis trois ou quatre mois, les taux d’intérêt à court terme remontent. On a compensé deux dépenses structurelles par une économie conjoncturelle. Quelles mesures entendez-vous prendre pour l’exercice 2011 ?
J’en viens aux recettes, qui sont globalement conformes aux prévisions à l’exception du produit de l’impôt sur les sociétés. Sachant que vous m’opposerez le secret fiscal, je ne vous demanderai pas, monsieur le ministre, de nous donner les montants acquittés par les cinq entreprises françaises soumises au régime du bénéfice mondial. Seuls le président de notre Commission et le rapporteur général ont accès à ces informations qui, soit dit entre nous, sont accessibles à quiconque sait lire les comptes. La société Total, par exemple, a réalisé 17 milliards d’euros de bénéfices après paiement de 8 à 9 milliards d’IS dans le monde – mais de moins d’un milliard d’euros au budget de la France. Il est donc inexact d’affirmer que Total paie 4 % d’IS : c’est en réalité beaucoup plus, avec des taux très supérieurs à 50 % dans certains pays – les États du golfe, notamment. Quoi qu’il en soit, pourriez-vous au moins nous indiquer le montant global, consolidé, de l’IS acquitté par ces cinq groupes, au niveau mondial et au niveau de la France ?
Si l’on n’arrive pas à faire de prévisions, c’est que les reports de déficit et d’amortissement sont considérables et que personne ne veut s’attaquer au problème de l’amortissement dégressif. Ce dispositif était justifié en période de forte inflation, l’est-il encore lorsque l’inflation est très faible et que l’on a déjà retiré de la base taxable les équipements et biens mobiliers, les EBM ? Ne devrait-on pas engager une réflexion sur l’assiette de l’IS ?
Je ne prends pas en compte, j’y insiste, les éléments exceptionnels. Ainsi le montant de 1,4 milliard d’euros d’économies en dépenses pour ce qui est des prêts à la Grèce n’est qu’un report. Personne ne pense que les Grecs pourront tenir leurs engagements. Ceux qui ont mené le pays au désastre peuvent-ils le redresser ? Et les 300 millions d’euros de remboursement anticipé du secteur de l’automobile constituent un autre de ces éléments exceptionnels.
Pour s’en tenir donc aux éléments structurels de l’exécution, le dépassement atteint 4 milliards d’euros. Dès lors, les efforts sont devant nous !
En matière d’ISF, la « cellule de dégrisement » a rapporté 500 millions d’euros. Le taux forfaitaire issu des négociations se situant en moyenne à 20 %, on peut estimer les retours d’assiette à environ 2,5 milliards d’euros, c'est-à-dire trois fois rien au regard des sommes détenues à l’étranger, notamment en Suisse.
M. Hervé Novelli. L’amnistie fiscale de Berlusconi a permis des rapatriements bien plus importants.
M. Charles de Courson. Cet insuccès plaide en faveur de la réforme de l’ISF et du bouclier fiscal.
Vous évoquez par ailleurs l’accélération des redressements pour expliquer les 400 millions d’euros de recettes supplémentaires. Mais l’ISF est un impôt peu ou pas contrôlé : tout le monde sait que les déclarations sous-évaluent massivement les biens. Où en est-on dans le contrôle ?
M. Jean-Claude Sandrier. Dans l’augmentation du produit de l’ISF, quelle est la part des pénalités issues des redressements fiscaux et quelle est celle qui est liée au rapatriement d’une partie des fortunes ?
M. le ministre. L’évaluation des dépenses fiscales figurera dans les rapports annuels de performance, monsieur Bouvard. Dans le PLF pour 2011, nous avons anticipé le surcoût que pourraient engendrer de nombreux dispositifs dérogatoires que beaucoup ont utilisés. En matière de photovoltaïque par exemple, les dossiers d’ores et déjà déposés permettent de remplir avec deux ou trois ans d’avance les objectifs que nous nous étions fixés.
Il n’y a pas eu de transfert de l’État vers les opérateurs en cours d’année, donc pas de débudgétisation.
Nous tiendrons l’objectif national des dépenses de santé, l’ONDAM, et le comité d’alerte nous y aidera.
Pour ce qui est du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », les recettes et les dépenses devaient s’équilibrer à 900 millions d’euros en prévision. En exécution, les recettes s’élèvent à 592 millions d’euros et les dépenses à 613 millions. Le déficit, de 21 millions, est marginal. L’objectif reste la vente de 1 700 biens immobiliers. Nous comptons sur l’aide du Conseil de l’immobilier de l’État pour réussir cette opération.
Monsieur Muet, le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires réévalue en effet à près de 180 milliards d’euros le montant des niches fiscales bénéficiant aux entreprises, moyennant une nouvelle définition de ces niches. Nous avons intégré certaines de ces redéfinitions, ce qui permettra d’enrichir nos futurs débats puisque nous inclurons des éléments aujourd'hui considérés comme de simples modalités de calcul de l’impôt. Cela dit, l’effort demandé aux entreprises dans la loi de finances pour 2011 est de 9 milliards d’euros.
Le taux de retour global engendré par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux n’est pas de 70 %, monsieur de Courson. Je le répète, il varie, selon les ministères, autour de 50 %.
M. Charles de Courson. En incluant les mesures catégorielles, il dépasse 70 %. Ce sont les chiffres de M. Tron.
M. le ministre. Il faut distinguer deux sujets.
Premièrement, le débat sur les modalités de calcul de l’évolution des revenus et du pouvoir d’achat des fonctionnaires. Comme nous le souhaitions, l’INSEE a choisi d’y intégrer, au-delà du point d’indice, les mesures catégorielles et la GIPA – garantie individuelle du pouvoir d'achat. Selon ces modalités, l’augmentation du pouvoir d’achat moyen des fonctionnaires s’est montée à 3,5 % l’an dernier, soit plus du double de celle du coût de la vie. Il serait erroné de corréler le taux de retour que vous évoquez et cette statistique.
Deuxièmement, le point d’indice et les mesures catégorielles elles-mêmes. Je ne puis anticiper les négociations prévues dans l’agenda social. La programmation triennale est actée. Nous verrons ce qu’il en sera mais vous connaissez mon sentiment sur ce point. Nous discutons avec les fonctionnaires au sujet de la titularisation des 830 000 contractuels qui ne bénéficient pas des mêmes avantages que les fonctionnaires statutaires.
Par ailleurs, la norme est un gel des dépenses hors dette et hors pensions. C’est pour respecter cette règle vertueuse que nous nous interdisons de recycler les économies dues à la faiblesse des taux d’intérêt. La gestion de notre dette est excellente. Nous avons largement bénéficié des taux à court terme l’année dernière mais nous nous adaptons aux évolutions. En l’occurrence, on constate aux États-Unis, en Allemagne et en France une petite hausse tendancielle des taux.
Sur les cinq entreprises françaises inscrites au régime du bénéfice mondial consolidé, il n’y a que deux grands groupes, Total et Vivendi, les trois autres étant des PME internationales. Je vous transmettrai les chiffres que vous demandez, tout en vous laissant le soin de les interpréter.
La « cellule de dégrisement » a permis le rapatriement de 7 milliards d’euros d’actifs et la perception d’un milliard d’impôt. On ne peut que s’en féliciter.
Au-delà, j’ai demandé aux services du ministère du budget de concentrer leur action sur la lutte contre la fraude, fiscale et sociale. Les dispositifs de contrôle devraient permettre de faire rentrer de l’argent dans les caisses.
En tout état de cause, je ne proposerai aucune amnistie fiscale !
M. Henri Emmanuelli. Elle a déjà eu lieu de façon déguisée !
M. le ministre. Dans un contexte de crise et d’efforts pour revenir à l’équilibre budgétaire, une amnistie serait insupportable. Je préfère une réforme de la fiscalité des patrimoines qui soit juste et équitable et qui apporte de la stabilité. Notre système fiscal souffre en effet à la fois de sa complexité et de son instabilité. Si nous arrivons à le rendre plus lisible et stable, nous favoriserons un rapatriement des fortunes, donc une augmentation de l’assiette générale de l’impôt.
Pour en revenir au bilan de la cellule de régularisation, 4 740 contribuables ont régularisé leur situation, générant pour l’État près d’un milliard de recettes en droits
– 880 millions d’euros – et en pénalités – 72 millions d’euros. Au 31 décembre 2010, 700 millions d’euros avaient été encaissés et 3 744 dossiers avaient été traités. Les droits émis se répartissent en 19 % d’impôt sur le revenu et prélèvement sociaux, 56 % d’ISF et 25 % de droits de succession. Enfin, 80 % des 1 000 dossiers restants sont en cours de taxation, pour un montant de droits et pénalités d’environ 100 millions d’euros.
M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos explications.
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Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 25 janvier 2011 à 14 heures
Présents. - M. Claude Bartolone, M. Pierre Bourguignon, M. Michel Bouvard, Mme Chantal Brunel, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Alain Claeys, M. René Couanau, M. Charles de Courson, M. Richard Dell'Agnola, M. Yves Deniaud, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Nicolas Forissier, M. Georges Ginesta, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Richard Mallié, M. Pierre-Alain Muet, M. Henri Nayrou, M. Hervé Novelli, M. Camille de Rocca Serra, M. Jean-Claude Sandrier, M. Michel Sapin, M. François Scellier, Mme Isabelle Vasseur, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier, M. Gaël Yanno
Excusés. - M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Michel Diefenbacher, M. Alain Joyandet, M. Victorin Lurel
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