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et de
Mme Michèle Tabarot,
Présidente de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation
puis de
M. Christian Kert,
Vice-président de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation
La commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire entend, en audition ouverte à la presse, commune avec la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, sur le rapport public thématique de la Cour des comptes : « Les musées nationaux après une décennie de transformations (2000-2010) ».
Mme la présidente Michèle Tabarot. Je souhaite la bienvenue à M. Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, et à M. Emmanuel Giannesini, conseiller référendaire. Le titre du rapport de la Cour des comptes montre que les musées nationaux ont connu, durant la dernière décennie, une transformation, voire une métamorphose. Dans son rôle d’évaluation des organismes publics, la Cour des comptes avait déjà, il y a une dizaine d’années, émis des recommandations sur la gestion des musées. Comment apprécie-t-elle aujourd’hui la façon dont celles-ci ont été mises en œuvre, la situation actuelle des musées et, surtout, les défis qui les attendent ?
La semaine dernière, nous avons tenu une table ronde sur un sujet étroitement lié à celui des musées : la valorisation du patrimoine culturel. Elle a fait émerger deux questions. Quelle serait la meilleure manière de valoriser économiquement le patrimoine culturel, sans remettre en cause l’accès de tous à celui-ci ? Quelles sont les incidences de la gratuité sur la fréquentation des musées ?
M. Yves Censi, président. Je remercie M. Jean Picq pour le caractère stimulant de son rapport. Il intervient après celui remis, en juin 2009, par la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC), intitulé : « Musées nationaux, libérer les énergies ! » dont les rapporteurs étaient MM. Richard Dell’Agnola, Nicolas Perruchot et Marcel Rogemont, ici présents. Il s’agissait alors, en partant de l’exemple fourni par le musée du Louvre, de permettre à la tutelle d’exercer pleinement son rôle de veille stratégique tout en laissant les coudées franches aux initiatives des musées.
Le point d’exclamation dans le titre du rapport de la MEC garde toute son actualité. Celui de la Cour des comptes révèle une situation relativement paradoxale, à savoir une politique parfois décevante en dépit des succès des musées nationaux.
Nous vous interrogerons notamment, monsieur le président, sur la politique d’investissements pour la période 2011-2017 et sur la gratuité d’accès aux musées et aux monuments nationaux.
M. Jean Picq. Je n’oublie pas notre coopération avec les rapporteurs de la MEC à propos du musée du Louvre. La Cour des comptes est très attachée à sa collaboration avec le Parlement. Vos commissions constituent souvent en effet les principaux relais de ses recommandations. Sans vous, celles-ci resteraient fréquemment lettre morte. Pour jouer son rôle d’aiguillon, la Cour a besoin que d’autres stimulent les changements nécessaires dans les politiques publiques.
Le rapport que la Cour vient de consacrer à dix ans de politique muséale ne porte pas sur la gestion de tel ou tel musée pris séparément. Il ne se prononce pas non plus sur la régularité de leurs opérations. Il considère l'ensemble des 37 musées nationaux et l'action Patrimoine des musées de France du budget du ministère de la Culture comme une seule et même politique publique. Dès lors, nous en avons chiffré le coût, mesuré l'évolution et rapporté les résultats aux objectifs assignés, notamment par les lois de finances successives.
Notre rapport traite, d’une part, de la dynamique des dépenses, d’autre part de l’efficacité et de l’efficience de la politique publique.
La dynamique des dépenses se résume à trois constats : elle a été exceptionnelle durant la décennie qui s'achève ; elle nous paraît insoutenable pour l'avenir ; elle se cache en partie sous les dépenses fiscales du mécénat.
Entre 2000 et 2010, les dépenses budgétaires du ministère de la Culture consacrées aux musées nationaux et à la politique muséale sont passées de 334 millions d’euros à 528 millions, soit une progression de 58 % en euros courants. Avec une inflation de 20 % durant la même période, la progression s’établit à 34 % en euros constants. Les dépenses ont donc augmenté deux fois plus vite que l’ensemble du budget du ministère de la culture, et trois fois plus vite que le budget de l'État. Si l'on considère que, hors plan de relance de 2008, la norme de progression des dépenses depuis dix ans obéit au principe d’une stabilité en volume, peu de services publics peuvent se targuer d'un tel effort budgétaire de l'État.
Cette progression est d'autant plus notable qu'au cours des mêmes années les recettes propres des musées, essentiellement les recettes de billetterie et les recettes commerciales diverses, se sont, elles aussi, accrues, notamment par d’importantes hausses des tarifs d’entrée. Toutes les catégories de recettes ont donc augmenté parallèlement, même si chaque musée présente une configuration singulière : tous, en effet, ne supportent pas directement leurs charges de personnel. Mais il existe une loi d’airain de l’activité muséale, du moins pour les établissements disposant de collections permanentes : le taux de subvention de l’État s'échelonne entre 55 % et 80 %.
Les montants que nous venons d’évoquer intégrant les crédits d'investissements, cette dynamique n'est plus soutenable. Comme la Cour l'avait montré dans son rapport de 2007 sur « Les grands chantiers culturels », le ministère de la Culture et les musées nationaux lancent de grands projets qui, se succédant et se renouvelant sans cesse, dessinent ainsi une politique permanente. Le Louvre n'a pas encore achevé le pavillon destiné à abriter les collections du département des arts d'Islam que déjà il envisage une nouvelle opération consacrée aux chrétientés d'Orient.
La décennie 2000 a vu la réalisation de deux très grands chantiers : le schéma directeur du domaine de Versailles et la construction du musée du quai Branly, ainsi qu’un grand nombre d’autres d'opérations de taille moyenne. La décennie 2011-2020 présente d'ores et déjà un risque d'emballement : alors que les chantiers achevés au cours des dix dernières années pour les seuls musées nationaux ont représenté environ 500 millions d’euros, ceux programmés au titre des dix prochaines années atteignent le double de cette somme. Encore ne s’agit-il que des chantiers des musées : je ne compte pas la Philharmonie de Paris, la restauration du quadrilatère Richelieu de la Bibliothèque nationale de France et l'achèvement du Centre des archives.
La « dotation Abu Dhabi », souvent mentionnée comme la source de financement des futurs grands chantiers muséaux, ne représente que 400 millions d’euros en capital. Et on sait, grâce aux études de l'Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (Admical), que le volume total du mécénat culturel s'est contracté au cours des deux dernières années. Il existe donc un risque d'impasse budgétaire pour les grands chantiers muséaux de la décennie qui vient.
Les équipements, nouveaux ou agrandis, généreront de surcroît un coût de fonctionnement supplémentaire. À titre d’exemples, le triplement des surfaces d'exposition du musée Picasso, en cours de rénovation, exigera 50 emplois de plus d'ici à 2013 ; le département des arts d'Islam du Louvre en nécessitera 40, seule la moitié pouvant, selon le musée, provenir de redéploiements.
Cette dynamique de dépenses nous paraît difficilement soutenable au regard de l’exigence de redressement des finances publiques, notamment de l’objectif de limitation du déficit budgétaire de l'État par le programme de stabilité et de croissance que votre Assemblée a approuvé le 2 mai dernier. Certes, au total, les musées nationaux ne représentent qu'une petite partie des dépenses de l'État, mais rien ne justifie de les exempter de l’effort de maîtrise de la dépense publique.
Une politique, aussi brillante soit-elle, présente toujours un coût, qui aujourd’hui dérape. C'est le devoir de la Cour de le signaler à la représentation nationale et à l'opinion. À observer l'accueil réservé à ce rapport, il semble que nous ayons été compris.
Une dynamique cachée réside dans les dépenses fiscales au titre du mécénat qui s’ajoutent aux dépenses budgétaires. Avec la loi du 1er août 2003, la France s’est dotée d’un régime fiscal très généreux pour le mécénat. En passant d'une déductibilité des dépenses du résultat imposable à une réduction de l'impôt dû, son régime a changé de nature. La déductibilité « à l'américaine », s'impute sur le résultat imposable des sociétés. Ce qui revient à admettre implicitement que les versements au profit d'actions culturelles peuvent faire partie de l'objet social des entreprises. La réduction d'impôt, spécifiquement française, place les mêmes dépenses en dehors de l'objet social : l'État en compense fiscalement le montant en raison de leur utilité publique. Contrairement à une idée reçue, le dispositif français ne s'est pas mis au niveau de son équivalent anglo-saxon : il l'a dépassé.
Pour bien comprendre le système français, il convient de distinguer deux dispositifs. Le premier, spécifique au monde de la culture, notamment aux musées, porte sur les acquisitions d’œuvres. Réservé aux entreprises, il ouvre droit à une réduction d'impôt sur les sociétés égale à 90 % de la valeur des dons, à laquelle s'ajoutent 5 % de contreparties en nature.
Le second dispositif, dit de droit commun, bénéficie non seulement au monde culturel mais aussi aux œuvres humanitaires, à la recherche et à l'enseignement supérieur. Les musées, surtout les plus grands, en bénéficient pour leurs expositions, leurs rénovations et leurs activités culturelles. Le système ouvre droit à une réduction d’impôt sur le revenu de 66 % et d’impôt sur les sociétés de 60 %, à laquelle s'ajoutent jusqu'à 20 % de contreparties. Les dons des mécènes peuvent être apportés en numéraire, sous forme de travaux, ou encore de prestations directement prises en charge au bénéfice du donataire.
Si le premier dispositif, proprement culturel, fait l'objet d'une prévision dans les projets annuels de performances et se trouve ainsi à peu près contrôlé par un mécanisme d'agrément conjoint des ministères de la Culture et du Budget, le second ne fait en revanche l'objet d'aucune estimation ni d'aucun suivi : il se trouve « noyé dans la masse » du dispositif de droit commun et très décentralisé dans sa gestion. Ainsi, chaque fois qu'un musée mobilise un mécène, il engage une dépense fiscale sans que celle-ci soit connue des administrations centrales.
La Cour n'a pas critiqué le principe même du mécénat, elle a simplement relevé l'importance de ses contreparties fiscales. Elle s’est également gardée de proposer leur réduction, estimant que le législateur avait pris une position explicite en 2003. Mais elle a formulé des recommandations précises, demandant que le mécénat soit mieux chiffré, encadré et évalué. Les opérations dites de droit commun, supérieures à un certain seuil, devraient faire l'objet d'un agrément des ministères de la Culture et du Budget. Ces mêmes opérations, lorsqu'elles portent sur des mécénats en nature, devraient donner lieu à une évaluation contradictoire de la valeur des apports. Enfin, les reçus fiscaux ne devraient être délivrés, là encore au-delà d'un certain seuil, qu'au vu d'un compte d'opération certifié.
Si les interlocuteurs de la Cour lui ont fait le procès, infondé, d'avoir critiqué le régime du mécénat, aucun n'a contesté ses recommandations, qui relèvent du souci de bonne gestion et de transparence. À l'occasion du contrôle de Chambord, la Cour s'est ainsi étonnée que l'opération de rénovation du célèbre escalier à double hélice ait fait l'objet d'une estimation de 192 000 euros par l'architecte en chef des monuments historiques, puis ait été effectuée par une entreprise, au titre du mécénat en nature, pour un million d’euros. Ce montant a fait l’objet, de la part de l'établissement public, d’un reçu fiscal permettant au mécène de bénéficier d’une réduction de 60 % de son impôt sur les sociétés.
Que faire ? Ce n'est pas à la Cour de recommander une révision du contenu de la politique muséale en pointant tel ou tel projet, comme la rénovation du Grand Palais, l'espace dédié à l'art contemporain au Palais de Tokyo ou la création de la Maison de l'histoire de France. Il lui revient en revanche de souligner que la liste des grands chantiers programmés pose un sérieux problème de soutenabilité. C'est pourquoi elle recommande que chaque opération de construction ou de rénovation fasse l'objet, avant sa programmation, d'un projet culturel, scientifique et économique précis. Il est en effet indispensable que l'État sache à quoi et à combien il s'engage à long terme.
La Cour ne pouvait non plus préconiser l’augmentation des tarifs d'entrée des musées : ils ont déjà fortement progressé au cours des dix dernières années et se situent, au plan international, dans la moyenne haute des pays connus. Ils constituent déjà parfois une barrière à l'accès des citoyens plus modestes.
En matière de financement, la Cour a concentré ses recommandations sur les paramètres relevant d'une politique d'efficience. Trois axes d'efforts ont été mis en évidence.
D’abord, la gestion des ressources humaines doit désormais se placer sous le signe des gains de productivité, grands oubliés de la décennie écoulée, qui fut marquée par une croissance importante des emplois : la recension des bonnes pratiques ainsi que l'introduction du progrès technologique et de la contrainte d'efficience dans la muséographie devraient permettre d'abaisser le coût des fonctions d'accueil et de surveillance.
Ensuite, les activités annexes d’offre, comme les expositions, les éditions, les auditoriums, devraient faire l'objet d'objectifs économiques et viser l'équilibre financier global.
Enfin, les sommes consacrées par l'État à la compensation budgétaire de la gratuité, accordée aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans et aux enseignants, devraient être redéployées au bénéfice d'actions ciblées vers les publics les plus éloignés de la culture. Après y avoir été hostiles, les musées défendent aujourd'hui cette idée avec ardeur : la surcompensation budgétaire dont ils ont bénéficié, à hauteur de 19,48 millions d’euros, soit environ 40 % des sommes versées, ne doit pas écarter une approche plus imaginative.
À considérer les objectifs et les résultats de la politique muséale, il faut distinguer ceux qui sont propres aux musées, chacun ayant un contrat d’objectifs assortis d’indicateurs, de ceux qui relèvent de la politique muséale de l'État, tels que fixés par la loi du 4 janvier 2002. Ces derniers se répartissent eux-mêmes entre les objectifs affichés au printemps 2003, à la faveur du plan de réforme des musées, qui a accru l'autonomie des grands musées et préparé le doublement des aides fiscales par le mécénat, et les objectifs présentés depuis 2006 dans les rapports annuels de performances du ministère de la Culture. Ces trois séries d'objectifs recoupent quatre préoccupations : la gestion des collections, le développement de l'offre culturelle, la modération du soutien de l'État et la diversification des publics.
L’amélioration de la gestion des collections, qui se situe au cœur du métier des musées, a été partiellement atteinte. La gestion des inventaires s'est modernisée, les procédures de récolement sont désormais au point et d’importants efforts ont été réalisés pour la conservation préventive. Le centre de réserve et de restauration des musées de France, qui pourrait voir le jour à Cergy-Pontoise, constitue ainsi une opération importante, même si des retards ont été pris. Des risques subsistent en cas de débordements de la Seine.
Le développement culturel est l’objectif le plus largement atteint au cours de la décennie. Il sous-tendait un effort budgétaire exceptionnel de l’État. Un nouveau musée a vu le jour, le musée du quai Branly, avec le succès que l’on connaît. Tous les grands musées nationaux se sont agrandis. Les acquisitions ont été plus nombreuses et plus brillantes. Le nombre d'expositions temporaires a été multiplié par trois et le nombre de publications par deux. Les auditoriums se sont développés. L’art contemporain et le spectacle vivant ont fait leur entrée dans les musées, sur le modèle du Centre Georges-Pompidou. En termes au moins quantitatifs, la politique de développement de l'offre culturelle a donc été spectaculaire. Mais, contrairement aux espérances, elle n'a pas été financée par une plus grande efficience des musées.
Quant à l’objectif – qui a donné lieu à un débat avec le ministère de la Culture – d'efficience et de modération du soutien de l’État, c’est dès 2003 que ce dernier avait exigé des musées une gestion plus efficiente. D'abord exprimé en termes prudents, cet objectif a été chiffré à partir de 2006 dans le cadre des projets annuels de performances, à travers des taux de ressources propres et de subventions. En 2006, le taux de ressources propres des musées était ainsi chiffré à 43 %, et sur cette base, une cible de 46 % était affichée pour 2010. En 2008, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le ministère de la Culture a indiqué que cet objectif devait être compris comme une stabilisation, voire une réduction, des subventions directes de l'État, en proportion comme en volume. L’objectif n'a pas été atteint : en 2010, le taux de ressources propres des musées est descendu à 39 %. La hausse des tarifs des musées et le développement du mécénat n'ont donc pas eu pour contrepartie une stabilisation, encore moins une modération, des subventions de l'État, bien au contraire. Les musées ne sont pas devenus plus efficients, ils ont simplement dépensé davantage.
S’agissant de la diversification des publics, quatrième préoccupation, elle a donné lieu, dès 2006, à la fixation d’un objectif de développement quantitatif, mesuré dans les rapports annuels de performances. La fréquentation des musées nationaux a sensiblement progressé, puisqu'elle est passée de 17,8 millions à 28,1 millions de visiteurs, soit une progression de 66 %. Ce phénomène d'engouement n’est pas propre à la France, mais nulle part il n'a été aussi fort, du moins si l'on s'en tient à l’observation des grands pays comparables. Ce résultat, à mettre au crédit des musées nationaux, n’était pourtant pas leur principal objectif. En 2003, le Gouvernement avait insisté sur la nécessité du rajeunissement et de la diversification sociale du public des musées. À partir de 2006, les rapports annuels de performances du ministère de la Culture ont continuellement affiché un objectif et un indicateur de fréquentation des jeunes publics. La lettre de mission du Président de la République à la ministre de la Culture, en août 2007, insistait sur la nécessaire démocratisation de l'accès aux musées.
Ceux-ci ont fait valoir les efforts qu’ils ont accomplis en faveur des publics scolaires et des maisons de retraite. Mais le résultat global de la décennie est décevant.
Alors que les jeunes de moins de dix-huit ans représentaient 17 % de la fréquentation des musées nationaux en 2003, ce taux est descendu à 15,6 % en 2009, loin de la cible de 20 % qui avait été fixée au milieu des années 2000. Entre 2005 et 2009, quand les musées nationaux gagnaient 4,8 millions de visiteurs, seuls 410 000 étaient des jeunes alors qu'ils étaient désignés comme public prioritaire.
La diversification sociale est plus difficile à mesurer et donne lieu, parfois, à des débats passionnés. D'après les études publiées par le ministère de la Culture, et corroborées par deux études du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie – le CREDOC –, la proportion des Français qui ont visité un musée dans l'année écoulée est passée de 33 % en 1997 à 30 % en 2008, soit le niveau de 1988. Les études disponibles montrent que le public national des musées ne s'est pas élargi : le taux de fréquentation de toutes les catégories socioprofessionnelles et géographiques est en repli en 2007-2008 par rapport à la fin des années 1990, sauf pour les retraités et pour les parisiens intra muros. La décennie n’affiche de résultats en hausse que pour ces derniers : leur taux de visite est passé de 57 à 65 %. La démocratisation de l'accès aux musées n'a donc pas progressé. Le développement de la fréquentation a surtout été le fait des touristes étrangers et des visiteurs que l’on qualifie de connaisseurs, devenus de plus en plus assidus.
Ce dernier constat m’autorise un bref développement sur une autre dimension de la démocratisation : l'équilibre territorial de la politique muséale. L'État a choisi, en 2002, de ne plus aider financièrement les musées territoriaux. Les quelques aides restantes, portant sur l'investissement, sont en diminution : elles ont été divisées par deux entre 2000 et 2010, pour tomber à 16 millions d’euros. Aujourd'hui, 97 % des crédits consacrés à la politique muséale bénéficient aux 37 musées nationaux. Mais ce choix n'impliquait nullement que les investissements de l'État portassent exclusivement sur l'Île-de-France. Or, ce fut le cas, en faveur du musée du quai Branly, du département des arts d'Islam, de l'espace national consacré à l'art contemporain qui occupera le palais de Tokyo, de la Maison de l'histoire de France, de l'agrandissement du musée Picasso... Seul le MUCEM, à Marseille, qui ouvrira ses portes en 2013, constitue un investissement de l'État en province.
Toutefois, le plan « Musées en région », doté de 70 millions d’euros pour la période 2011-2013, au bénéfice de 79 projets, constitue peut-être le signe d'une nouvelle prise de conscience. Mais il n’implique pas un rééquilibrage territorial des investissements de l'État : le département des arts d'Islam, aménagé au sein du Louvre, représente à lui seul un investissement de 98 millions d’euros.
L'accentuation du déséquilibre entre Paris et les régions se lit dans l'évolution des chiffres de fréquentation. En 2002, l'Île-de-France représentait 49 % de la fréquentation des 1 200 musées labellisés « Musées de France ». En 2009, ce chiffre a atteint 58 %. Or, les trois quarts de ce phénomène de concentration sont liés aux 26 musées nationaux franciliens. Au regard de l'objectif d'un renouveau de l'action territoriale des musées, formulé en 2003, le résultat est pour le moins paradoxal.
La concentration des moyens de la politique nationale aurait pu être compensée par une politique de circulation des œuvres au profit des musées territoriaux. Mais, là encore, la décennie écoulée a débouché sur des résultats inégaux et plutôt en retrait. Certes, les prêts et dépôts en régions existent, concernant même parfois des œuvres majeures. Mais cette circulation tend à se ralentir. Dans le même temps, les coopérations internationales se développent car elles procurent aux musées nationaux des recettes plus substantielles.
C'est pourquoi la création d'antennes régionales constitue une innovation intéressante. C’est déjà un succès en termes de fréquentation. Ces antennes permettront peut-être de relancer la présentation d'œuvres majeures en régions. Le Centre Pompidou à Metz et l'antenne du musée d'Orsay à Giverny ont rencontré leur public. Il en ira sans doute de même du Louvre à Lens. On peut ainsi espérer un rééquilibrage de la politique en direction des régions. Mais les équipements correspondants sont presque intégralement financés par les collectivités territoriales, tant pour leur construction que pour leur fonctionnement.
Notre rapport comporte vingt-trois recommandations. Il est important qu’elles puissent être suivies, notamment par vos commissions. Elles peuvent être rassemblées autour de trois objectifs : améliorer l'efficience des musées pour anticiper la modération du soutien direct de l'État ; rééquilibrer la politique nationale en faveur des régions et inciter les musées à développer leurs actions territoriales ; redéployer les moyens consacrés à la politique de l'offre culturelle afin de favoriser la diversification sociale et la démocratisation du public.
Le chroniqueur d’une revue spécialisée reprochait récemment à la Cour d'avoir pris à cet égard une position idéologique, favorable à l’organisation d’expositions destinées à des publics particuliers. Ce n’était pas notre propos. Nous avons constaté que l'objectif de démocratisation était au cœur de la loi du 4 janvier 2002, qu’il était assorti d’un indicateur repris dans les projets annuels de performances, et qu’il s’agissait, depuis 1959, sinon depuis 1792, de l’une des missions du ministère de la Culture. Si nous avons insisté sur ce point, ce n’est donc pas par posture idéologique mais parce que cela correspond à une demande de la Nation.
Comme l'a indiqué le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, il ne faut pas tout attendre des musées eux-mêmes. Ils se situent en effet en bout de chaîne et l'entreprise de démocratisation culturelle commence à l'école, par l'éducation à l'art et à la culture. Les musées ne doivent cependant pas demeurer inertes. Attirer des touristes est excellent, fidéliser le public des connaisseurs est utile, mais il existe d'autres publics à conquérir et, si l’on en juge par la décennie écoulée, il n’est pas interdit d’espérer pour entreprendre.
Mme Muriel Marland-Militello. La question des musées, sur laquelle la Cour des comptes vient de se pencher, fait partie de l’exception culturelle française. Parmi les dix musées les plus fréquentés dans le monde, quatre sont français.
Le contenu de votre rapport relativise beaucoup les critiques qui semblent ressortir de vos têtes de chapitres. Vous reconnaissez que nos musées ont su profiter de la manne apportée par le budget de l’État pour développer leur activité culturelle. Le rapport rappelle aussi que l’excellence artistique et l’exception culturelle ne justifient pas de dépenser inconsidérément l’argent public, contrairement à ce que certains réclament. Mais il reconnaît que cet argent a bien été utilisé en faveur de la qualité des manifestations artistiques.
Vous estimez aussi que l’autonomie des musées représente un progrès, tout en montrant que, paradoxalement, celle-ci revêt quelques inconvénients vis-à-vis du pilotage des musées par le ministère de la Culture. L’autonomie a été voulue en considérant que l’action culturelle, dans sa diversité territoriale, en avait besoin pour renforcer sa créativité, aussi bien à Paris qu’en région. On ne peut donc à la fois défendre l’autonomie et vouloir maintenir le dirigisme d’autrefois. Pensez-vous que la systématisation de lettres de mission aux présidents et aux directeurs des établissements soit une absolue nécessité ?
Vous avez indiqué que le budget de l’État profitait plutôt aux musées de la région parisienne. Mais c’est à eux que la Cour des comptes semble avoir cantonné ses investigations ! Les Alpes-Maritimes possèdent trois musées nationaux : le musée Fernand Léger, le musée Chagall et le musée Picasso. Pourquoi avez-vous géographiquement limité vos recherches ? Ainsi, des activités vous échappent. Vous suggérez d’accroître la circulation des œuvres entre les musées de Paris et ceux des régions. Or, elle se pratique déjà beaucoup au bénéfice des musées territoriaux.
Les réserves formulées par la Cour sont certes pertinentes mais elles ne prennent pas suffisamment en compte toutes les méthodes possibles pour y remédier. Les solutions que vous proposez existent souvent déjà dans les territoires, mais peut-être pas en région parisienne.
Vous constatez une insuffisante diversité des publics : ce n’est pas toujours vrai.
Si la diversité culturelle n’est pas à la hauteur de vos espérances, n’est-ce pas en raison du retard pris par l’éducation artistique en milieu scolaire ? N’est-ce pas aussi parce que les conservateurs et les directeurs de musée ne sont pas formés à la médiation culturelle ? Une des réformes à envisager, aussi bien pour améliorer l’efficience des musées que leur démocratisation, ne devrait-elle pas prendre en compte cet aspect ? Les conservateurs et directeurs de musée bénéficient aujourd’hui d’une formation essentiellement artistique et culturelle, qui n’intègre pas le sens civique de la solidarité financière nationale : on ne leur parle que d’excellence et d’expertise artistiques.
Dans les territoires, il existe de nombreuses conventions entre les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), les rectorats et les collectivités locales, qui accomplissent déjà un remarquable travail d’éducation artistique avec des médiateurs dans les musées.
M. Marcel Rogemont. Pour avoir, avec d’autres collègues, porté la loi du 4 janvier 2002, participé au travail de la MEC relative au musée du Louvre et, plus globalement, aux musées nationaux, et préconisé un renforcement de leur autonomie, j’ai lu votre rapport avec un grand intérêt.
Il laisse entendre que l’autonomie et la « libération des énergies » sont peut-être allées un peu trop loin en réduisant les responsabilités du ministère de la Culture. Il est vrai qu’avant 2002, on ne risquait pas de divergences entre les musées nationaux et la direction des musées de France puisque leurs dirigeants étaient les mêmes. Jusqu’où allez-vous dans la critique de l’autonomie ?
La transformation de nombreux musées nationaux en établissements publics administratifs laisse quelques musées de côté. Cela modifie quelque peu les missions de la Réunion des musées nationaux (RMN). Néanmoins, celle-ci agit en gestionnaire de certains établissements dépourvus de la nouvelle capacité juridique. N’y a-t-il pas là une certaine contradiction ? Car, soit la RMN joue un rôle de mutuelle par rapport aux musées, soit elle en est directement gestionnaire.
S’agissant de la démocratisation culturelle, vous avez rappelé que la gratuité ne bénéficiait qu’aux 18-25 ans et aux enseignants, vous en avez mesuré le coût, décrit le financement et estimé l’efficience. Or, M. Henri Loyrette, président de l’établissement public du musée du Louvre, avait indiqué à la MEC qu’il consacrait 5 millions d’euros à l’accueil de 700 000 scolaires et qu’il préférerait affecter l’argent de la gratuité, soit 10 millions d’euros environ, à multiplier cet accueil par trois. Avez-vous étudié cet aspect de la question, qui n’est pas seulement d’ordre financier ?
La quête permanente de ressources propres a fait évoluer les tarifications. Avez-vous observé les écarts, qui me semblent de plus en plus importants, entre les recettes provenant des expositions permanentes et celles provenant des expositions temporaires ? Quelles conclusions en tirez-vous ?
Vous avez évoqué la gestion des musées et le problème de la soutenabilité de la dépense muséale. De nouveaux musées se développent, par extension ou par création, mais surtout à Paris. Le musée du Louvre à Lens et le Centre Georges-Pompidou de Metz n’auront pas les moyens de fonctionner convenablement. Quelle réponse le ministère de la Culture fournit-il à cette observation, de même quand il projette de créer de nouveaux musées ?
(M. Christian Kert, vice-président de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, remplace Mme Michèle Tabarot.)
M. Nicolas Perruchot. Je remercie la Cour des comptes, d’une part pour la qualité et l’intérêt de son travail, d’autre part pour sa référence au rapport de la MEC de 2009, preuve que nos propres travaux de contrôle trouvent une oreille attentive auprès d’experts et de publics éclairés… ce dont je ne doutais pas une seconde !
Certaines observations et recommandations de la Cour recoupent les conclusions de la MEC ainsi que des remarques que j’ai formulées en tant que rapporteur spécial du programme Patrimoines de la mission Culture.
Ainsi, je continue de m’étonner que l’ensemble des dépenses fiscales liées au mécénat ne soit pas retracé dans les documents budgétaires. Cela nous fournirait d’utiles éléments d’appréciation et nous aiderait à améliorer les dispositifs en vigueur.
Je souscris, par ailleurs, au diagnostic selon lequel le processus d’autonomisation des musées nationaux reste incomplet, ainsi que l’avait déjà relevé la MEC. L’autonomie souhaitable des opérateurs doit s’accompagner de leur plus grande responsabilisation, notamment dans la maîtrise des dépenses et la gestion des ressources humaines. Elle devrait aussi se traduire par un renforcement des instruments de pilotage contractuels avec la tutelle. Des progrès sont encore à attendre dans ce domaine.
Les musées doivent évidemment marcher sur deux jambes : autonomie et responsabilité.
La responsabilisation des opérateurs renvoie aussi à une exigence de transparence, notamment en matière de dépenses. La MEC l’avait souligné, la Cour le rappelle. Il convient de développer des outils de comptabilité analytique afin d’appréhender les coûts complets de l’ensemble des fonctions, y compris des fonctions dites connexes.
Enfin, il est nécessaire de réévaluer le dispositif de gratuité instauré en avril 2009 dont l’efficacité soulève quelques interrogations et appelle probablement quelques évolutions.
Concernant la gestion des ressources humaines, la MEC avait proposé au ministère de la Culture d’engager une réflexion sur la création, au profit des musées nationaux, d’un système équivalent aux centres de gestion qui existent pour les collectivités territoriales. Pensez-vous qu’un tel système permettrait, d’une part des économies, d’autre part une plus grande efficacité dans la gestion des ressources humaines du fait de la mutualisation des moyens ? Vous avez constaté une évolution importante des effectifs, concentrée sur quelques établissements. Je souhaiterais connaître votre appréciation à ce sujet.
Faut-il par ailleurs recourir davantage à l’externalisation pour l’exercice des fonctions support et de celles qui sont en interface avec le public, notamment l’accueil, la sécurité, la surveillance la protection, la propreté ou encore la gestion des espaces verts ? C’est le choix qu’a fait le musée du quai Branly dès sa création. Faut-il s’inspirer de cette expérience apparemment intéressante ?
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, j’avais défendu un amendement demandant un rapport sur ce sujet. Il fut adopté par les deux assemblées mais censuré par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier budgétaire, alors qu’il relevait à l’évidence du contrôle du Parlement sur les finances publiques. Je renouvellerai ma demande à l’occasion du prochain projet de loi de finances.
S’agissant des moyens consacrés aux musées et de la politique tarifaire, je ne partage pas certains constats de la Cour car je relève ce qui m’apparaît comme deux contradictions dans son analyse.
Peut-on, à la fois, déplorer la croissance du financement public depuis dix ans et, en même temps, plaider en faveur d’un encadrement plus strict des politiques tarifaires des musées nationaux ? Si, de plus, on prend en compte la part de touristes étrangers dans la composition du public, est-il choquant de demander aux visiteurs de payer le même prix pour admirer, sans limitation de durée, les chefs-d'œuvre du Louvre, et pour assister passivement à la projection de la dernière production hollywoodienne dans une salle de cinéma parisienne ?
De même, peut-on, d’une part, souligner le coût excessif de la politique muséale menée depuis dix ans et, d’autre part regretter que l’État ait réduit ses soutiens aux musées gérés par les collectivités territoriales ? La décentralisation suppose une responsabilité accrue de celles-ci dans de nombreux domaines, dont la culture, principe d’ailleurs rappelé par la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France. Très souvent, les collectivités agissent en fer de lance pour obtenir, soit des antennes des grands musées nationaux, soit des prêts d’œuvres importantes pour leurs expositions. Elles doivent donc prendre en charge tout ou partie de la dépense afférente.
Le plan « Musées en régions » 2011-2013, mobilisant 70 millions d’euros en faveur des musées territoriaux et des « petits » musées nationaux, témoigne de la poursuite de l’effort en faveur de l’échelon local. Pourriez-vous préciser la position de la Cour à ce sujet ?
Vous vous interrogez sur le projet du Louvre à Abu Dhabi, dont le budget s’élève à plusieurs centaines de millions d’euros. Son apport, notamment pour les finances du Louvre, est considérable. J’espère que d’autres opérations analogues pourront être menées à terme. Car elles permettent de drainer de l’argent en provenance d’États étrangers et de renforcer l’image culturelle de la France dans des régions du monde où notre influence mérite d’être amplifiée.
Mme Marie-Hélène Amiable. Si le rapport de la Cour montre qu’en dix ans les musées nationaux ont fortement développé leur offre, ce dont nous nous réjouissons, les moyens financiers dégagés en leur faveur, qu’il s’agisse du soutien direct de l’État, des dépenses fiscales ou du recours à leurs ressources propres, n’auront pas permis d’atteindre les objectifs fixés, notamment pour la diversification des visiteurs.
Tandis qu’un objectif de 20 % avait été préconisé il y a dix ans pour les visiteurs de moins de dix-huit ans, la proportion correspondante serait passée de 17 % en 2003 à 15,6 % en 2009. Nous notons aussi que le pourcentage de personnes qui n’entrent jamais dans un musée est en augmentation. Que préconise plus précisément la Cour pour remédier à cette fréquentation majoritairement parisienne, âgée et aisée ?
La transformation des musées nationaux en établissements publics, autonomes ou non, n’entraîne pas forcément des économies. En revanche, elle comporte des risques. Le fait que trois musées nationaux – le musée Fernand Léger à Biot, le musée Picasso à Vallauris et le musée Chagall à Nice – soient sur le point de se transformer en établissements publics de coopération culturelle (EPCC), sous tutelle des collectivités locales, soulève la question du renforcement du poids politique de celles-ci sur la gestion des établissements, sur les acquisitions d’œuvres et sur leurs conséquences financières. Une gestion nationale des choix correspondants apportait une garantie de neutralité.
Enfin, pensez-vous que des orientations plus précises du ministère de la Culture pourraient corriger les difficultés que vous avez soulignées du fait de l’accroissement des moyens sans obtention des résultats attendus ? Le désengagement de l’État n’aurait-il pas provoqué un recul de la puissance publique pour la définition de la politique culturelle dans notre pays ?
Un service public des musées, plutôt que l’autonomie, voire la privatisation, des établissements, serait, selon nous, de nature à mieux affirmer l’ambition culturelle de la France, ses priorités, ses objectifs de diversité culturelle et de démocratisation, et à mieux gérer les moyens alloués.
M. Yves Censi, président. La question de la gratuité ayant été largement abordée par nos collègues, je reviendrai sur la politique d’investissement que vous avez évoquée en soulignant le coût – un milliard d’euros – des projets à financer durant la prochaine décennie, soit une enveloppe deux fois plus importante que celle mobilisée pour les chantiers menés au cours de la précédente décennie. Doit-on en déduire que, selon vous, certains investissements étaient secondaires ou que, du moins, ils ne représentaient pas une urgence telle qu’il convenait de les lancer dès maintenant, au risque de réduire les marges de manœuvre budgétaire du ministère de la Culture ? Quel aurait dû être le bon niveau d’investissement du point de vue de la soutenabilité de la dépense publique, et non de la seule politique culturelle : un financement constant par rapport à la décennie passée, légèrement supérieur, ou légèrement inférieur ?
M. Jean Picq. Je vais essayer de vous convaincre de l’absence de contradictions dans notre rapport. Certains constats soulèvent des questions, mais nous avons essayé de rester cohérents dans nos analyses.
Mme Muriel Marland-Militello m’a interrogé sur l’autonomie des établissements, de même que MM. Marcel Rogemont, Nicolas Perruchot et Mme Marie-Hélène Amiable. Notre rapport ne prétend nullement que l’autonomie aurait constitué une erreur ni que l’on devrait rétablir le système antérieur, dont les inconvénients ont été largement exposés, y compris par la Cour des comptes lorsque celle-ci, il y a plus de dix ans, avait travaillé sur le musée du Louvre. Nous avions, au contraire, déploré que l’institution manquât d’autonomie, notamment pour la gestion de ses personnels, et ne pût, de ce fait, agir de façon totalement responsable.
L’autonomie a été voulue par la loi. La Cour l’avait souhaitée, elle en accompagne désormais le processus. Mais l’autonomie n’est pas l’indépendance : c’est la capacité des gestionnaires à agir en pleine responsabilité.
Quelle doit être la relation intelligente entre le ministère de la Culture et les établissements publics autonomes ? Faut-il systématiser les lettres de mission ? Nous avons souligné l’importance de la cohérence du pilotage. L’idéal serait que les contrats d’objectifs et les lettres de mission concordent. Car les responsables ont besoin de savoir sur quoi ils seront jugés. Ils ne sont pas en république autonome, ils sont autonomes dans la République. Le ministère et la représentation nationale leur assignent des objectifs. Ils doivent pouvoir en rendre compte.
La contractualisation permet de répondre en partie à la question relative au désengagement, ou non, de l’État. Nous avons vu que son engagement financier avait été croissant. Mais comment l’État s’assure-t-il que des établissements publics autonomes respectent la politique nationale ? Des progrès sont à réaliser sur ce point. Il n’est pas simple de passer d’une centralisation absolue, avec une direction des musées de France et une RMN, à un système radicalement différent. La décennie qui s’achève a vu l’autonomie se mettre en place, mais non les dispositifs de suivi et de contrôle de celle-ci. La décennie à venir doit fournir au ministère de la Culture l’occasion de créer des instruments de pilotage qui, sans être contraires à l’autonomie, garantissent la réalisation des objectifs nationaux.
Existe-t-il une contradiction entre le souci de modérer la croissance des soutiens de l’État et la volonté d’encadrer la politique tarifaire ? Les réponses sont variables d’un directeur de musée à l’autre. L’un d’entre eux, le président de l’établissement public du château de Versailles, a fait valoir qu’il ne souhaitait pas recevoir de directives, considérant que l’autonomie implique la liberté de détermination des recettes.
Nous estimons pour notre part que si nous accordons l’autonomie aux musées, en leur laissant la liberté de gestion de leurs recettes et de leurs dépenses, l’État doit corrélativement réduire son soutien. Or, nous avons constaté un parallélisme entre la croissance de l’aide de l’État et de celle des tarifs. La liberté ne saurait donc être totale. Aucun directeur de musée, d’ailleurs, ne la réclame. De quoi serait fait un encadrement à la fois légitime et raisonnable ? Le débat reste ouvert. Il nous paraîtrait cependant normal que, chaque année, le conseil d’administration, qui comprend des représentants de l’État, se prononce sur la politique tarifaire et puisse la comparer à celle des autres établissements. Il faudrait surtout éviter de prendre des décisions au coup par coup, comme nous l’avons vu au musée d’Orsay.
La gestion des ressources humaines comporte probablement, comme l’a indiqué M. Nicolas Perruchot, des marges de progression importantes, par la mutualisation, parfois l’externalisation, et par le réexamen des méthodes muséographiques. C’est un sujet sur lequel nous restons prudents car il ne relève pas de notre compétence directe. C’est aussi pourquoi je ne saurais répondre à la question de Mme Muriel Marland-Militello sur la formation professionnelle des directeurs de musée.
Nous constatons simplement que les coûts ne sont pas connus et ne peuvent donc être comparés. Un tableau dans le rapport retrace ceux relatifs à la fonction de surveillance : personne ne peut en expliquer la disparité. Comme souvent en matière de dépenses publiques, une bonne connaissance des coûts, ainsi que leur comparaison, permettrait de mettre en lumière d’éventuels gains de productivité.
Certains exemples étrangers nous ont montré que des progrès considérables étaient réalisables dans la muséographie, notamment par le recours à des protections par vitre qui peuvent avoir des conséquences sur l’organisation des dispositifs de surveillance en allégeant la présence du personnel.
Que faire pour attirer des publics ? Pourquoi les objectifs ne sont-ils pas atteints en la matière ? Nous avons suggéré deux pistes possibles.
La première consiste à rééquilibrer le territoire afin d’améliorer la démocratisation. Le succès des antennes régionales, sur lequel nous manquons encore de chiffres précis, tend à le montrer. Mais la France est la France : la concentration sur Paris résulte d’une longue histoire ; la prise de conscience de la nécessité d’un renversement est récente. Personne n’aurait, par exemple, imaginé que le musée du quai Branly pût être installé ailleurs qu’à Paris. Cependant, l’exemple du MUCEM devrait encourager les responsables politiques à songer à d’autres grandes villes pour de futurs projets de même nature.
La seconde piste concerne la politique tarifaire. Certains tarifs, notamment les tarifs groupés avec accès aux expositions permanentes, peuvent s’avérer dissuasifs. Mais il n’y a pas de raison, quand on bénéficie d’un large et captif public étranger, de se priver de la ressource correspondante. À la suite d’une visite de musée à Washington, nous avons étudié la formule du tarif recommandé, ou d’équilibre, faisant que les visiteurs peuvent payer plus, ou moins, selon leurs moyens propres. Bien que contraire à nos habitudes, ce système mériterait qu’on l’expérimente dans un musée français.
La diversification des publics et la modulation de la gratuité se situent dans le même esprit. La gratuité a été contestée par les musées eux-mêmes, qui n’en perçoivent pas toujours les incidences concrètes, même si la mesure a été largement compensée sur le plan financier. Il faut, en cette matière, tenir également compte des territoires. Nous proposons donc que les sommes importantes affectées à la gratuité soient progressivement redéployées vers des appels à projets car l’inventivité provient souvent de la concurrence. Le musée du Louvre, qui possède un observatoire des publics, a engagé des actions en ce sens, que l’on pourrait intensifier.
M. Emmanuel Giannesini, conseiller référendaire. Nous n’avons pas seulement contrôlé les grands musées parisiens érigés en établissements publics, même si cela n’apparaît pas explicitement dans le rapport. Ainsi, dans les Alpes-Maritimes, nous avons rencontré les responsables du service à compétence nationale (SCN) qui regroupe les trois musées nationaux du département.
La transformation du SCN en établissement public de coopération culturelle (EPCC) ne constitue, en l’état, qu’un projet. La Cour ne contrôle que ce qui existe déjà. Mais nous avons pu constater que l’autonomie culturelle résultait d’abord d’un état d’esprit et de la volonté des équipes dirigeantes sur place. Au cours des années 2000, les musées concernés, notamment Chagall et Fernand Léger, se sont agrandis et se sont dotés d’une capacité d’expositions temporaires grâce au redéploiement de leurs propres crédits sur les dotations de fonctionnement, pourtant relativement étroites. La RMN a concédé une augmentation tarifaire exceptionnelle pour une exposition temporaire au musée Chagall, ce qui montre bien qu’elle ne mène pas systématiquement une politique impérialiste à l’égard des SCN et qu’elle peut accepter le dialogue. Les autorités de tutelle ont été convaincues. Les opérations correspondantes ont trouvé leur public ainsi que leur équilibre économique.
Le statut d’établissement public apporte certes des avantages. Mais il n’est pas, en lui-même, le gage d’un meilleur développement culturel des musées : les moyens des SCN le permettaient déjà.
La Cour constate en outre que l’autonomie accordée aux EPCC est demeurée incomplète, notamment pour la gestion des personnels.
L’idée d’un centre de gestion, permettant une certaine forme de mutualisation des moyens, ne doit pas faire oublier que les moyens en personnel des musées nationaux étaient mutualisés dans l’ancien système : tous les agents étaient fonctionnaires de la direction des musées de France, qui les affectait suivant une procédure théoriquement autoritaire mais, en pratique, concertée. La mutualisation a cessé avec la transformation en établissements publics. Il faudrait donc imaginer un autre système. Mais je crains que la formule ne soit dépassée par l’évolution de ce qui est demandé aux musées. À titre d’exemple, le musée du quai Branly a externalisé plusieurs tâches, de même que le fera le musée Picasso agrandi. Les statuts se sont mélangés. La filière intégrée Accueil, surveillance et magasinage (ASM) n’existe plus en tant que telle : les musées ont recruté des personnels contractuels susceptibles d’occuper plusieurs types de fonction, notamment en matière de surveillance. Ainsi, au musée d’Orsay, la surveillance externe est assurée par une société privée, alors que la surveillance interne est demeurée sous la responsabilité de la filière ASM. Reconstituer une capacité de mutualisation alors que le système a déjà connu sa phase centrifuge me semble donc difficile à envisager.
Le véritable enjeu réside dans l’expertise des pratiques de surveillance : il est vrai que les gains de productivité ont été oubliés durant la dernière décennie. Ainsi, si le taux d’ouverture des salles du musée du Louvre est passé, en quelques années, de 75 % à 92 %, les effectifs ont, en même temps, progressé de 23 %. Il s’agit donc d’un investissement en volume, et non en productivité comme nous l’aurions souhaité dans une perspective de maîtrise des dépenses publiques. De ce point de vue, toutes les pistes n’ont pas été explorées.
La principale concerne les pratiques de surveillance elles-mêmes : il nous a été rapporté qu’aux États-Unis, le passage de la garde statique à la garde dynamique, c'est-à-dire les rondes, pouvait avoir un impact significatif – entraînant au Metropolitan Museum de New York un gain de productivité de 15 %.
Une deuxième piste est relative au progrès des techniques. Le président du musée d’Orsay avait esquissé une stratégie en ce sens en 2007. Hélas, peu de temps après, une intrusion nocturne remit en cause son projet, qui fut gelé. Car de tels incidents traumatisent la communauté muséale : bien souvent, les dispositifs de protection n’ont pas été pris en défaut, mais la première réaction est d’ajouter du personnel de surveillance. Il existe donc encore des expériences à tenter.
La troisième piste porte sur l’externalisation. Le coût de surveillance du musée du quai Branly est significativement inférieur à la moyenne des musées nationaux mais il semble que cela soit surtout imputable à sa muséographie : un plateau unique et ouvert, plutôt qu’une succession de salles fermées. Il est aujourd’hui difficile de savoir si l’externalisation apporte par elle-même des économies de fonctionnement. Nous recommandons donc au ministère d’engager une étude précise sur ce point.
M. Richard Dell’Agnola. Je félicite à mon tour la Cour des comptes pour la qualité de son rapport et la pertinence de ses propositions.
Je ne reviendrai pas sur les questions relatives à la gestion des musées, à leur autonomie, à la nécessité, comme nous l’avons souligné dans le rapport de la MEC, de responsabiliser les opérateurs, ni sur la transparence des dépenses ou l’exigence d’une comptabilité analytique. Je centrerai mon propos sur le problème de la fréquentation des musées.
La Cour a fait état d’une forte augmentation des dépenses, de 334 à 528 millions en dix ans. Pour quel bénéfice ? Sur près de 5 millions de visiteurs supplémentaires, on compte seulement 400 000 jeunes, soit moins de 10 %. Vous indiquez que la démocratisation n’a pas progressé. Or, la culture doit profiter au public le plus large possible. C’est pourquoi il existe des musées. Comment donc faire pour que la fréquentation en soit meilleure ? On ne note pas d’élan spontané de la jeunesse vers les musées, ni en Île-de-France ni dans les autres régions. Son accès à la culture passe par d’autres instruments, notamment Internet : plus facile à utiliser, il ne procure cependant pas la même qualité de contact avec les œuvres d’art.
Rejoignant sur ce point sur l’intervention de Mme Marland-Militello, j’estime que les conservateurs et les directeurs de musées doivent devenir des ambassadeurs de la culture, des missionnaires hors les murs. Il faut les former pour cela. Dans l’entreprise, on apprend comment aller vers le client. Il en va de même, à la différence du cinéma, pour le public des musées : il ne suffit plus de l’attendre, comme il ne suffit pas d’attendre le chaland. Mettons en place des outils pédagogiques adaptés à cette exigence.
Je ne suis pas opposé à la gratuité ; il ne faudrait pas « jeter le bébé avec l’eau du bain ». Malgré ses limites, revenir dessus constituerait une régression. On ne saurait envisager de rétablir le paiement des entrées pour les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. Il ne faut pas non plus se montrer malthusien : une partie des moyens financiers compensant la gratuité pourrait être redéployée vers d’autres opérations. La gratuité doit devenir un outil parmi d’autres.
Le président Picq a évoqué certaines pratiques anglo-saxonnes. Mais je ne suis pas sûr que les Français, si on leur donne le choix, soient disposés à payer plus qu’un tarif obligatoire : ils seraient plutôt tentés de payer moins…
M. Michel Herbillon. La Cour des comptes n’a pas critiqué le mécénat, mais a souhaité qu’il soit mieux chiffré, mieux encadré et mieux contrôlé. Comment expliquez-vous qu’on ne parvienne pas à disposer d’une évaluation suffisamment fiable de celui-ci, tant au ministère de la Culture qu’à celui du Budget alors que, depuis la « loi Aillagon » du 1er août 2003, le mécénat s’est beaucoup développé ?
Partagez-vous les conclusions du rapport de l’Admical, qui montre une diminution du mécénat culturel au profit des actions de type humanitaire, social et sportif ?
Avez-vous pu évaluer le rôle de la mission du mécénat au sein du ministère de la Culture ?
Les crédits budgétaires d’acquisition des œuvres contemporaines sont inévitablement limités. Ces œuvres et leur marché ont un caractère international. L’intervention du mécénat est indispensable, sans que, pour autant, les musées en deviennent trop dépendants - je pense tout spécialement au Centre Georges-Pompidou, un des plus grands musées au monde dans ce domaine -. Comment peut-on concilier ces trois contraintes ?
Mme Monique Boulestin. La Cour des comptes a rappelé que la politique culturelle de la France, plutôt coûteuse et centrée sur la région capitale, n’avait pas fait progresser la démocratisation souhaitée de l’accès aux musées.
Les grands chantiers envisagés pour la prochaine décennie vont entraîner une refonte complète du statut de nos musées nationaux, ce qui inquiète à la fois leurs personnels et les collectivités locales.
Actuellement, 37 musées nationaux, répartis sur l’ensemble du territoire, se divisent en deux catégories : ceux relevant du régime des EPCC, tels que Versailles, Le Louvre, Orsay, le quai Branly, et ceux sous statut de SCN, comme Cluny, Ecouen, Pau, Limoges… Or, depuis plusieurs années, l’idée de transformer tous les musées nationaux en établissements publics fait son chemin, même si le directeur général des patrimoines s’interroge lui-même sur son bien-fondé. Car elle entraînerait des coûts supplémentaires non négligeables et, dans le contexte économique actuel, renverrait le financement des musées non seulement vers le mécénat mais, plus encore, vers les collectivités territoriales.
Lorsque la Cour préconise de préciser la nature et la portée des compétences de la RMN, s’agit-il de refondre notre système muséal ou de sacrifier un système qui a fait ses preuves, en termes d’efficacité, de réactivité et de gestion des coûts ?
M. Patrick Bloche. En tant qu’administrateur du musée du quai Branly, et au vu des budgets des trois dernières années, j’ai observé des dotations de l’État en simple reconduction, voire des gels de crédits de 10 %, plutôt qu’une augmentation des dépenses de 58 % en dix ans, comme indiquée dans le rapport de la Cour des comptes. Serions-nous donc dans une phase de décélération ?
Compte tenu de la RGPP, n’est-ce pas également le cas des effectifs ? La Cour a pointé une augmentation de 14 % de ceux-ci pour l’ensemble des musées nationaux. Où retrouve-t-on ces accroissements de personnels, hormis ceux de surveillance déjà évoqués, quand on sait que, par ailleurs, le nombre des conservateurs a été réduit de 20 à 30 % en dix ans ?
Entre 1985 et 1995, 120 musées ont été ouverts en région. La France compte donc aujourd’hui 1 214 musées. Est-ce trop, du point de vue de la Cour ?
Pensez-vous que la gratuité des collections permanentes, instaurée par la Ville de Paris pour ses musées, soit un facteur de progression de la fréquentation ?
M. Marc Bernier. Auteur d’un rapport analysant la mise en œuvre à mi-parcours de la loi handicap de 2005, j’interviendrai sur le thème de la démocratie culturelle et de l’égalité des chances dans l’accès à la vie culturelle.
Qu’en est-il à cet égard de l’accessibilité des personnes handicapées, que le handicap soit d’ordre non seulement moteur, mais également visuel, auditif et même psychique ? S’agissant plus généralement de l’absence de démocratisation de l’accès aux musées, la révolution numérique peut-elle aider à attirer notamment les jeunes ?
Par ailleurs, si l’on ne peut que déplorer le tassement – une division par deux entre 2000 et 2010 – des aides de l’État aux musées des collectivités territoriales ainsi que la préférence parisienne au détriment des régions, ne serait-il pas possible, aux fins d’équilibre territorial, d’amplifier l’expérience du Centre Pompidou mobile par une circulation des œuvres des musées nationaux vers des musées territoriaux, de façon que la culture soit au plus près de la population ?
Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud. Ma première question porte sur la politique tarifaire.
La décennie 2000-2010 s'est ouverte sur une orientation politique claire en faveur de la modération des tarifs d'entrée dans les musées nationaux. En dépit de cette orientation, ce sont de fortes augmentations des tarifs qui, à partir de 2003, ont été décidées par les musées nationaux. En 2000, les tarifs de base des musées du Louvre et de Versailles qui s'élevaient tous deux à 7,01 euros
– 46 francs à l’époque –atteignent aujourd'hui respectivement 10 euros et 15 euros, soit une hausse de 42 % au Louvre et de 114 % à Versailles. Dans le même temps, l'inflation ne représentait que 20 %.
À vous lire, cette contradiction entre les orientations politiques et la pratique des musées est en partie la conséquence d'un désinvestissement stratégique et politique du ministère de la Culture vis-à-vis des questions tarifaires, aujourd'hui décidées par les seuls musées. Les tarifs sont devenus des sujets de gestion majeurs pour ces derniers, mais ne sont plus considérés comme des leviers de la politique nationale. Doit-on en déduire que l’absence de volonté politique nationale en matière de politique tarifaire marque une des limites de l’autonomie des musées nationaux ?
Ma seconde question a trait à la fréquentation des musées nationaux par les enseignants et leurs élèves, qui se situe bien en dessous des prévisions. Si les taux retenus pour le calcul de la compensation de la gratuité avaient été ceux constatés en 2009, on aurait pu réaliser une « économie » substantielle de 19,48 millions d’euros, puisque la perte de recettes de billetterie, basée sur des chiffres de fréquentation de ces publics pour le moins optimistes, s’est traduite par une surcompensation de 8,35 millions d’euros en 2009 et de 11,36 millions d’euros en 2010.
Le ministère de la Culture n'entend pas faire rembourser par les musées le trop
perçu, qui a été affecté à des investissements. Dès lors, comment préconisez-vous d’utiliser la surcompensation budgétaire ?
M. Hervé Féron. J’appellerai également l’attention sur un public qui cumule deux handicaps, si je puis dire, à savoir être jeune et provincial.
Le réseau des musées nationaux reste très parisien avec le tarissement des aides de l’État aux musées des collectivités territoriales, qui sont passées de 32,63 millions d’euros en 2000 à 16,53 millions d’euros en 2010. Ce regrettable désengagement de l’État s’est ainsi traduit, pour le seul centre Pompidou de Metz, par un financement de seulement 5,9 % des 68 millions d’euros de coût de la construction. Or, face à cette centralisation de l’offre culturelle, tout le monde ne peut pas venir à Paris : un billet SNCF aller et retour coûte 109,80 euros pour un jeune de mon département de la Meurthe-et-Moselle. La gratuité d’accès aux musées nationaux pour les jeunes de moins de vingt-six ans, membres de l’Union européenne, est une chose, mais s’il faut parallèlement dépenser plus d’une centaine d’euros pour en bénéficier dans les établissements parisiens, cela n’a pas de sens.
Dans votre rapport, vous émettez d’ailleurs des doutes sur l’efficacité du dispositif de gratuité, et vous expliquez la concentration parisienne par le peu d’efforts fait par l’État pour développer le patrimoine culturel national en province. Le lien, pour moi, est évident. Malgré la gratuité d’entrée pour les jeunes, la concentration des musées sur Paris freine l’accès de tous à la culture.
Mme Marie-Hélène Thoraval. En matière d’accès à la culture, en l’occurrence aux musées, il faut une approche plus qualitative que quantitative. Si 30 % seulement des Français ont une pratique culturelle, tout n’est pas en effet qu’une question de coût pour les 70 % restants. Aussi convient-il de s’interroger sur les raisons de cette non-pratique afin de dégager des préconisations qui contribuent à une augmentation de la fréquentation, que ce soit en province ou dans les musées parisiens.
M. Alain Marc. Au-delà du fait que la fréquentation des musées nationaux peut baisser en pourcentage, mais augmenter en masse – ce que vous n’avez pas précisé –, ma question portera plus particulièrement sur l’inégalité géographique en matière de répartition des musées nationaux sur le territoire. Pour que l’accès à derniers se démocratise, il convient ainsi de se pencher sur le coût du transport des élèves des écoles, des collèges et des lycées. En commission, nous avons plusieurs fois évoqué à cet égard la possibilité d’une convention passée avec la SNCF. N’est-il pas normal en effet que les classes puissent se rendre à des tarifs préférentiels dans les musées nationaux ?
M. Gilles d’Ettore. La gratuité non seulement se révèle être un échec, mais ne vaut pas pour tout le monde puisqu’elle est payée in fine par le contribuable, à hauteur de 23,1 millions d’euros en 2010. Quant à l’autonomie, elle doit également valoir sur le plan financier. Or, les dépenses de l’État en faveur des musées nationaux n’ont cessé de croître depuis dix ans.
Pour inciter les jeunes à se rendre dans les musées, ne serait-il pas plus judicieux de passer par l’éducation plutôt que par la gratuité, d’autant que des tarifs réduits existent déjà ? Ces millions d’euros qui compensent la gratuité pourraient alors servir à améliorer non seulement la sécurité dans les musées, par des moyens permettant également de baisser le nombre des surveillants, mais également la communication vis-à-vis des publics étrangers.
Ces derniers constituent en effet une source énorme de revenus pour nos musées, lesquels sont aussi un atout touristique pour la France. Il faut donc communiquer sur l’existence de ces musées et sur leurs expositions, et je regrette que dans vos propositions vous ne demandiez pas une concertation entre les musées et le ministère en charge du tourisme afin de mettre en œuvre en la matière une politique de communication agressive. L’argent si mal utilisé pour compenser la gratuité pourrait également trouver là un excellent moyen de servir.
M. Jean-Luc Pérat. Ainsi que certains de mes collègues l’ont souligné, si l’on ne peut réécrire le passé, du moins peut-on évoquer l’avenir, et je vous remercie à cet égard de votre rapport.
La démocratisation étant un trop vaste sujet pour pouvoir être abordé sous tous ses aspects aujourd'hui, je m’arrêterai, concernant l’Éducation nationale, sur la question à la fois de l’inégalité territoriale en matière d’accès aux musées et de sensibilisation à la place des arts dans le champ éducatif – thème souvent oublié. La culture revêt en effet un enjeu de proximité, et de démocratisation, pour les collectivités territoriales – départements et régions.
C’est ainsi que le département du Nord – sachant que la région Nord-Pas-de-Calais investit également beaucoup sur le thème de la proximité – mène, dans le contexte des collèges dont il a la compétence, une stratégie volontariste en matière de prise en charge des musées notamment départementaux, qu’il s’agisse du musée Matisse, au Cateau-Cambrésis, du musée départemental de Flandre, à Cassel, du musée atelier du verre de Sars-Poteries, du musée archéologique de Bavay, ou encore, dans un autre domaine, du Forum des sciences.
Si l’on veut en effet favoriser la culture – en l’occurrence la découverte des œuvres –, il faut investir au plus près. Ne pensez-vous pas qu’inciter ainsi les jeunes à se rendre dans les musées, c’est préparer l’avenir et favoriser l’égalité des chances ?
S’agissant par ailleurs du mariage de la culture et du tourisme, on peut certainement faire mieux en mettant en œuvre une véritable promotion de nos territoires.
M. Jean Picq. Concernant la soutenabilité de la politique d’investissement au cours de la prochaine décennie, M. Censi m’a demandé si nous avions identifié tel ou tel projet. J’ai déjà répondu que ce n’était pas le rôle de la Cour de s’interroger sur le contenu de la politique muséale, en l’occurrence sur les grands projets, lesquels au demeurant sont décidés au plus haut niveau de l’État. Pour autant, nous avons souligné l’importance d’un changement de logique en matière de soutenabilité, remarque que nous avions déjà présentée dans les rapports sur les grands chantiers culturels en insistant sur le fait que tout projet doit faire l’objet avant toute décision d’une trajectoire financière précise touchant l’investissement et le fonctionnement. Si les projets sont bien entendu le plus souvent au point sur le plan tant culturel que scientifique, leur dimension économique et financière est capitale. Pour prendre un exemple cité dans le rapport, si le musée Picasso avait un projet culturel et scientifique, que sa directrice développe avec beaucoup d’ardeur et de talent, toute dimension financière était en revanche absente.
Dans une période de maîtrise des finances publiques, la décision politique doit aussi prendre en considération la dimension financière pour que l’on sache à quoi l’on s’engage. C’est la première recommandation : faire en sorte que l’on dispose d’une juste évaluation du coût réel en investissement, à terminaison, et en fonctionnement récurrent de tout projet lancé.
Ensuite, si, comme nous l’affirmons, un risque de soutenabilité existe, ce sera évidemment au pouvoir politique et au Parlement d’apprécier s’il faut revoir à la baisse les projets eux-mêmes. Ce n’est pas à la Cour d’identifier à ce stade tel ou tel projet.
M. Censi a également évoqué, de même notamment que M. Perruchot, la nécessité pour la Cour de revenir sur ses considérations relatives aux musées territoriaux. Nous n’avons pas ignoré – je l’ai d’ailleurs dit dans mon propos introductif – le choix politique qui a consisté à donner la responsabilité de la gestion de ces musées territoriaux aux collectivités locales. Nous n’y revenons pas, d’autant qu’il n’y a pas eu d’enquête concernant les musées territoriaux. Dans le mouvement de croissance de la dépense publique en faveur des musées nationaux, nous avons, à propos de l’absence de diversification, simplement constaté, pour le regretter, que, dans le même temps, pour des raisons liées à ce choix politique, les crédits aux musées territoriaux étaient réduits de moitié. Il semble – mais je ne dis pas que c’est la Cour qui en est responsable... – que le ministre de la Culture ait pris conscience de cette question puisque le plan « Musées en régions », doté de 70 millions d’euros, marque le souci que le désengagement de l’État à l’égard des collectivités locales ne soit pas total et qu’en matière d’investissement il maintienne un effort raisonnable.
Concernant la question du mécénat et de l’absence d’évaluation chiffrée en la matière, sur laquelle M. Herbillon m’a interrogé, il est exact que si les rapports de performance de la mission Culture donnent une évaluation très précise des trésors nationaux du fait de l’existence des agréments, ce que l’on appelle le mécénat de droit commun n’est, pour sa part, pas suffisamment suivi. La raison en est qu’il est noyé dans la mission Sport, jeunesse et vie associative : tous les dons y sont en effet fondus. Pour autant, il n’est pas impossible de les recenser puisque les musées, qui adressent aux donateurs un reçu fiscal, pourraient donner au ministère de la Culture les montants reçus à ce titre – remontée d’information qui ne serait pas possible pour les dons en général puisqu’il faudrait alors de la part du ministère chargé des finances un travail considérable de recoupement des déclarations des particuliers.
Pour ce qui est des conclusions du rapport de l’association Admical, qui défend avec beaucoup d’ardeur le mécénat culturel au sens le plus originel du terme, c'est-à-dire celui d’une action en faveur de la culture, nous partageons ses critiques s’agissant de la manière dont le mécénat a évolué. On assiste en effet à une évolution des pratiques mécénales vers d’autres sujets, notamment les actions sociales, ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose, mais qui a comme conséquence de ne plus permettre de pouvoir tabler autant qu’avant sur le mécénat culturel.
Je n’ai pas par ailleurs de réponse toute faite à sa question très difficile des moyens de concilier, tout en n’étant pas trop dépendant du mécénat, le désir d’acquérir avec celui de ne pas peser sur les crédits d’acquisition du ministère de la Culture – alors que le prix des œuvres flambe sur le marché international, en tout cas pour l’art contemporain. Pour faire face sinon à cette quadrature du cercle, du moins à cet enjeu, nous avons émis en la matière quelques remarques de bon sens.
Il convient d’abord d’être attentif – le ministère l’a semble-t-il compris – à ce que les grands musées, qui ont des capacités de recherche de mécénat, ne masquent pas tous les petits musées qui, dans le système antérieur, bénéficiaient de la mutualisation. Nous suggérons que l’on réexamine la règle des 20 % de recettes de billetterie revenant aux œuvres en faveur d’une formule permettant des dépenses d’acquisition afin de ne pas aggraver les inégalités entre musées.
Il est en tout cas indiscutable – sachant par ailleurs que nous ne pouvons rien au prix des œuvres sur le marché – que le mécénat a permis aux musées de disposer en trésorerie des ressources qu’ils n’auraient pas eues autrement sur les crédits d’acquisition de l’État – il suffit de voir la liste, figurant dans notre rapport, des principales œuvres acquises par les grands musées en mobilisant le mécénat d’acquisition.
S’agissant des compétences de la RMN et des remarques de la Cour en la matière auxquelles Mme Boulestin s’est référée, notre réflexion repose sur le fait que nous avions observé dans le passé entre les grands musées – surtout le musée du Louvre – et la RMN des conflits récurrents, et qu’il convenait de siffler, si j’ose dire, la fin des hostilités.
Nous avons ainsi pointé le fait que, même dans le cadre de l’autonomie – suggestion avec laquelle les patrons des musées nous ont fait connaître leur désaccord –, des compromis pourraient être trouvés dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens entre les grands musées et la RMN, par exemple en matière d’édition ou d’expositions où cette dernière garde des compétences. En revanche, dans le système de service à compétence nationale, la RMN aura un rôle considérable du fait de ses compétences de principe.
Quant à la question de savoir quelles doivent être les limites d’une politique de transformation en établissements publics, c’est un point sur lequel nous ne prenons pas partie. Nous soulignons cependant que si le passage au statut d’établissement public a été vertueux en termes de responsabilité, l’autonomie a eu un coût immédiat en termes d’encadrement avec la disparition de la mutualisation liée à la RMN. Il faut, à l’avenir, que tout établissement public soit plus efficient et que, lorsque des projets d’extension existent, ce soit au moindre coût pour la collectivité. Pour autant, un équilibre a, selon nous, été trouvé. Le ministère de la Culture peut estimer à juste titre, me semble-t-il, que les prochaines vagues de transformation, si elles doivent avoir lieu – je ne sais pas ce qu’il en sera pour Limoges –, se fassent avec beaucoup de prudence.
En qualité d’administrateur du musée du quai Branly, M. Bloche a fait référence aux trois derniers exercices budgétaires et à un gel de crédits de 10 %. Sur ce point, je cède la parole à M. Giannesini.
M. Emmanuel Giannesini. Un gel a en effet eu lieu en 2009 et en 2011, mais de 5 % de la part relative au fonctionnement, donc hors dépenses de personnel, des subventions pour charges de service public. Sur les trois dernières années, il y a donc eu une certaine modération du soutien de l’État.
M. Jean Picq. Quant au personnel, la règle du « un sur deux » s’applique également aux musées. Ce sujet a été contesté par certains responsables de musée. Nous pensons que les circonstances justifient qu’elle ne soit pas abandonnée.
Concernant la gratuité des collections permanentes instaurée par la ville de Paris pour ses musées, elle a sans conteste eu un effet.
M. Emmanuel Giannesini. Une étude de l’inspection générale de la ville de Paris a synthétisé différents contrôles effectués sur les musées de la ville au cours de la décennie 2000, mais faute de chiffres actualisés, nous ne pouvons nous exprimer plus avant.
M. Jean Picq. Concernant la « loi handicap », point – soulevé par M. Barnier – que nous ne soulignons peut-être pas assez, les musées se sont assurément beaucoup investis dans la prise en charge des handicapés en développant tous des actions particulières.
S’agissant de la question des tarifs posée par Mme Ceccaldi-Raynaud, l’autonomie n’interdit pas au ministère de la Culture, sinon quotidiennement, du moins une fois par an, d’engager un dialogue avec chacun des grands musées sur ce que peut être, au regard de comparaisons nationales et internationales, une politique tarifaire raisonnable. Nous ne prétendons pas qu’il faille revenir à un encadrement systématique.
Quant à l’utilisation de la surcompensation budgétaire, nous avons indiqué – même si j’ai bien compris qu’il paraissait difficile à certains de revenir sur cette mesure – que cette surcompensation méritait que l’on s’y intéresse et qu’en tout cas elle justifiait un redéploiement sur des appels à projet. Nous n’avons pas porté de jugement sur son efficacité parce qu’il est trop tôt pour le faire. Ainsi que cela a été souligné par les uns et par les autres, il faut là en tout cas de l’imagination, de l’inventivité, afin d’aller chercher des publics qui ne sont pas spontanément faciles à conquérir.
Si la concentration parisienne peut avoir un effet en termes de moindre démocratisation, il est probable, même si nous manquons d’études sur ce plan, qu’une action territoriale locale de proximité aurait un effet fort en termes d’attirance de publics aujourd'hui éloignés des musées – même si les musées nationaux ne sont pas moins aptes que les collectivités territoriales à attirer les publics.
Pour ce qui est de comprendre les raisons de la non-pratique culturelle de 70 % des Français, c’est là une question immense que Mme Thoraval a posée. Lors de l’audition des différents chercheurs sur ce sujet, nous avons été frappés par l’insuffisance de la recherche sur ce point. Si de nombreuses études sont effectuées localement – sans oublier la grande étude sur les pratiques culturelles des Français sur laquelle nous nous sommes appuyés –, elles ne sont pas toutes en mesure de donner des explications sur les non-visites. Il y a là un sujet de recherche qualitative afin d’imaginer ce qui serait en mesure d’accroître la faible fréquentation actuelle.
S’agissant de la remarque de M. Marc, nous avons bien dit que la baisse de la fréquentation en pourcentage – de 33 à 30 % entre 1997 et 2008 – s’était accompagnée d’une augmentation quantitative. Ce qu’il est en revanche intéressant de noter, c’est que cette dernière n’a pas profité aux jeunes, mais aux retraités, aux touristes et aux assidus. C’est pourquoi le jugement que la Cour a souhaité livrer à l’opinion peut être maintenu.
M. Emmanuel Giannesini. Je ne voudrais pas qu’il reste un malentendu s’agissant de la circulation des œuvres. Les grands musées ont bien une activité territoriale et procèdent à des prêts et à des collaborations, notamment sous la forme d’expositions, avec les musées territoriaux. Mais tous les indicateurs montrent une diminution de cette action au cours de la décennie. C’est cette tendance que nous avons souhaité souligner.
Le tableau qui figure en page 133 du rapport, montre ainsi que les expositions réalisées en collaboration par le musée du Louvre ont décru entre 2002 et 2005 dans des proportions importantes. C’est peut-être ce qui a pu inciter le musée, à partir de 2006, à supprimer cet indicateur. Cette tendance – un peu critiquée dans le rapport – tendant à mettre en place des indicateurs un peu plus diffus est en effet devenue assez courante dans le monde des musées depuis le milieu de la décennie.
J’insiste en tout cas sur le fait que des collaborations existent – elles sont parfois remarquables à l’exemple du dépôt du musée du Louvre au musée des Beaux-arts de Lyon de La fuite en Égypte – même si, encore une fois, en masse et en tendance, on note plutôt un fléchissement.
M. Christian Kert, président. Je vous remercie, messieurs, pour la très grande qualité de vos interventions.
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Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 18 mai 2011 à 10 heures
Présents. - M. Jean-Pierre Balligand, M. Claude Bartolone, M. Jean-Marie Binetruy, M. Pierre Bourguignon, M. Michel Bouvard, Mme Chantal Brunel, M. Bernard Carayon, M. Thierry Carcenac, M. Olivier Carré, M. Yves Censi, M. Jérôme Chartier, M. Alain Claeys, M. Charles de Courson, M. Jean-Yves Cousin, M. Olivier Dassault, M. Richard Dell'Agnola, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Henri Emmanuelli, M. Jean-Claude Flory, M. Marc Francina, M. Daniel Garrigue, Mme Annick Girardin, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Marc Goua, M. François Goulard, M. David Habib, M. Laurent Hénart, M. Marc Laffineur, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Hervé Mariton, M. Jean-Claude Mathis, M. Pierre Moscovici, M. Pierre-Alain Muet, M. Henri Nayrou, Mme Béatrice Pavy, M. Jacques Pélissard, M. Nicolas Perruchot, Mme Sophie Primas, M. Jean-Claude Sandrier, M. Michel Sapin, M. Pascal Terrasse, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier
Excusés. - M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Brard, M. Jérôme Cahuzac, Mme Aurélie Filippetti, M. Patrick Lemasle, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Novelli
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