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La Commission entend, en audition ouverte à la presse, M. Stéphane Romatet, directeur général de l’Administration et de la modernisation du ministère des Affaires étrangères et européennes, et M. Laurent Garnier, directeur des Affaires financières, sur le projet de loi de règlement pour 2010 (n° 3507) : la gestion des effectifs et la situation des réseaux du ministère des Affaires étrangères et européennes en Europe.
M. le président Jérôme Cahuzac. Nous poursuivons nos auditions relatives à la loi de règlement et au bilan de l'exécution budgétaire en 2010.
Comme l'an dernier, notre programme comporte une dizaine d'auditions, soit de ministres, soit de responsables de programme, selon les propositions présentées par les rapporteurs spéciaux.
Bien entendu, le calendrier est cette année un peu particulier, du fait du débat sur la loi de finances rectificative 2011, qui nous a occupés au début du mois de juin. Nous serons conduits à procéder aux dernières auditions début juillet, ce qui peut paraître surprenant puisque notre Assemblée aura examiné le projet de loi de règlement que ces auditions sont censées préparer...
Ce décalage est en réalité sans gravité. La logique de la LOLF suppose que les leçons de la gestion précédente soient tirées avant l'examen du projet de budget de l'année suivante, selon le « chaînage vertueux » voulu par les pères fondateurs de la LOLF... Aussi, même à partir des auditions effectuées en juillet, nous pourrons tirer des conséquences utiles lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012. Je pense par exemple au dossier de l'immobilier de l'administration centrale de la justice, pour lequel M. Michel Mercier est désireux de nous apporter des éléments d'actualité.
Ce matin, sur la proposition de M. Jean-François Mancel, nous accueillons M. Stéphane Romatet, directeur général de l'Administration et de la modernisation du ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE), et M. Laurent Garnier, directeur des Affaires financières. Il s'agit d'abord de revenir sur les principales leçons de l'exécution budgétaire en 2010 ; ensuite d'évoquer plus particulièrement le thème proposé par notre Rapporteur spécial : la gestion des effectifs et la situation des réseaux diplomatique et consulaire.
M. Stéphane Romatet, directeur général de l'Administration et de la modernisation du ministère des Affaires étrangères et européennes. Merci de nous recevoir pour évoquer les conditions dans lesquelles nous avons exécuté en 2010 et nous exécutons en 2011 le budget du ministère des Affaires étrangères, que votre Assemblée a voté et qui se compose de deux missions principales : Action extérieure de l’État et Aide publique au développement.
Premier fait marquant, 2010 a été pour nous une année de réformes liées aux décisions prises dans le cadre de la première vague de la RGPP, notamment la mise en place des opérateurs de l’action extérieure et la promulgation de la loi du 27 juillet 2010 sur l’action extérieure de l’État. Ce chantier a mobilisé toutes les équipes du ministère et s’est traduit par un certain nombre de décisions, notamment la création de trois opérateurs : l’Institut français, qui doit donner une nouvelle dynamique à notre politique culturelle extérieure, France expertise internationale et CampusFrance, opérateur de l’attractivité et de l’influence de la France à l’étranger, encore en cours de constitution.
Nous avons par ailleurs vécu, sur le plan des effectifs, une année de tensions, que nous continuons à percevoir en 2011. En effet, nous devons exécuter le schéma d’emploi, donc appliquer la règle de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, avec ses effets sur notre organisation, tout en assumant un certain nombre de charges nouvelles, notamment en matière consulaire. Dans ce contexte, l’organisation de l’élection des députés des Français de l’étranger, en 2012, représente une lourde charge pour le réseau consulaire.
Un certain nombre de décisions liées à des évolutions politiques dans le monde ont par ailleurs concerné notre réseau diplomatique et consulaire. Le principe général, auquel le ministre d’État est particulièrement attaché, est de maintenir l’universalité d’une présence française à l’étranger. Des mesures relatives à la carte diplomatique ont été adoptées en 2010 et 2011, en particulier la création d’un consulat général – et probablement prochainement d’une ambassade – au Sud-Soudan et le rétablissement de nos relations diplomatiques avec le Rwanda, qui a entraîné l’établissement, début 2010 à Kigali, d’une ambassade de plein exercice.
M. le président Jérôme Cahuzac. Ma première question concerne la gestion des effectifs. Dans un ministère comme le vôtre, avec un réseau déconcentré qui est le deuxième au monde, qui compte à la fois de nombreux cadres de haut niveau, mais aussi des contractuels et des agents de droit local, la gestion des ressources humaines est un exercice délicat.
L'application de la règle du non remplacement d'un départ à la retraite sur deux pose donc des problèmes particuliers : selon la Cour des comptes, elle suppose la suppression de quelque 600 emplois équivalents temps plein (ETP) entre 2009 et 2011. La Cour éprouve toutefois des difficultés à suivre la mise en œuvre de cette règle. Elle signale en particulier « une ambiguïté dans l'application de la règle du « 1 sur 2 », qui est source de désaccord entre la direction du budget et le ministère ».
Comme le rapport annuel de performances ne permet pas de reconstituer les éléments du calcul, nous aurions besoin de précisions. Quels sont les principes d'application de la règle du 1 sur 2 dans votre ministère ? Quelles sont les perspectives pour 2011 et d'ici la fin du nouveau cycle triennal, en 2013 ?
Ma seconde question fait suite aux préconisations de la mission d'évaluation et de contrôle, en 2010, concernant la prise en charge des frais de scolarité des élèves français à l'étranger. Afin d'assurer, à coût constant, le renforcement du réseau d'enseignement français, la MEC a proposé de suspendre le dispositif dit de « gratuité », dont les coûts étaient galopants et d’aller vers une prise en charge différenciée selon un barème par pays. Le Gouvernement a choisi de ne pas suivre ces propositions : en loi de finances pour 2011, il a été prévu que les droits d'écolage seraient pris en charge à leur niveau de l'année scolaire 2007-2008, dans des conditions fixées par décret pour chaque établissement. Ce dispositif ne brille ni par sa simplicité, ni par sa lisibilité. Vous permet-il, au moins, de « tenir » les dépenses ? Quelles sont les perspectives en 2012 et 2013 ?
M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Je remercie Stéphane Romatet et Laurent Garnier, qui sont toujours attentifs aux réflexions de notre Commission.
On dit souvent que le ministère des Affaires étrangères exerce une immense mission politique avec de petits moyens budgétaires… Mais il nous faut raisonner à partir de l’existant. Or, d’année en année, lorsque vient le temps de la loi de règlement, nous constatons qu’il est nécessaire d’abonder des crédits incontestablement insuffisants en loi de finances initiale. Ainsi, ont fait défaut 80 millions d'euros en 2008, 113 millions en 2009 et 126,5 millions d'euros en 2010, soit respectivement 3,4 %, 4,5 % et 4,8 % des crédits ouverts. Cela traduit les tensions que vous venez de souligner.
On peut en voir comme première explication le fait que l’on ait retenu, pour la programmation triennale 2008-2011, un taux de change euro/dollar – l,56 $ pour 1 € – très éloigné de la réalité.
En ce qui concerne le personnel, on peut s’interroger sur l’application effective de la règle du « 1 sur 2 », les efforts de suppression de postes portant essentiellement sur les recrutés locaux pour lesquels vous allez même au-delà des objectifs. Mais la Cour des comptes a relevé que le gain était faible au regard de la masse salariale du ministère. Cela n’a rien de surprenant puisque le traitement d’un titulaire équivaut à celui de cinq recrutés locaux ! Quel est votre point de vue à ce propos ? Comment pourriez-vous mieux vous conformer à la règle de non remplacement ?
Quelles ont été par ailleurs les améliorations et les rationalisations dans l’organisation de notre réseau ? J’avais notamment proposé que l’on tienne davantage compte des évolutions diplomatiques en Europe, en particulier que l’on rationalise notre présence dans des villes comme Rome, Vienne ou Bruxelles, où notre présence prend des formes diverses.
S’agissant de l'enseignement français à l'étranger, le président l’a dit : nous sommes quelque peu déçus que les propositions de la MEC n’aient pas été suivies d’effet. On constate une nouvelle fois une tension en la matière puisqu’il a fallu abonder les crédits de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Pourriez-vous nous apporter quelque éclaircissement en ce qui concerne les pensions de ses agents ?
Par ailleurs, la loi de programmation triennale ayant interdit aux opérateurs de l’État d’emprunter au-delà de 12 mois, nous avons dû l’an dernier, en loi de finances rectificative, trouver une solution pour permettre à l’Agence – dont les prêts sont en fait remboursés par le droit d’écolage acquitté par les parents – de réaliser des travaux dans trois établissements. Êtes-vous en mesure de proposer une solution plus pérenne ?
Les contributions obligatoires aux organisations internationales et les versements au titre des opérations de maintien de la paix (OMP) pèsent fortement sur le budget du MAEE puisqu’ils dépassent 800 millions d’euros. Bien sûr, les OMP sont impossibles à prévoir et les contributions obligatoires difficiles à renégocier, mais voilà plusieurs années que l’on évoque un nécessaire rebasage afin de parvenir à la sincérité budgétaire et que le dépassement perdure. Certes, il est passé de plus de 86 millions d'euros en 2009 à 40 millions en 2010, mais je m’inquiète car, sans même prendre en compte l’évolution des taux de change, un certain nombre de dépenses ont été reportées en 2011, telle une éventuelle revalorisation de notre contribution à l’ONU. Pouvez-vous nous en dire plus à ce propos ?
M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Un hebdomadaire satirique a publié des informations sur la mise à la retraite anticipée d’un certain nombre de fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères dans des conditions assez particulières – départ à 58 ans, versement de la moitié des primes qu’ils auraient obtenues s’ils étaient restés en activité jusqu’à leur date normale de départ. Ces informations font un peu désordre au regard de la réforme des retraites… Sont-elles exactes ?
M. Stéphane Romatet. S’agissant des effectifs, la structure d'emplois du MAEE est très particulière. Sur environ 15 000 ETP, nous comptons 5 000 agents titulaires, 5 000 contractuels, essentiellement affectés à des missions de coopération et d'action culturelle, et 5 000 recrutés locaux. Nous devons répondre à la contrainte spécifique de maintenir un nombre d'emplois suffisant pour continuer à armer et à faire fonctionner un réseau universel. Depuis maintenant une quinzaine d'années, loi de finances après loi de finances, nous avons supprimé au total environ 12 % de nos emplois et nous avons donc en quelque sorte effectué notre RGPP avant les autres. À partir de 2009 et du schéma d'emplois de la première RGPP, nous sommes interrogés sur la capacité contributive de notre ministère en termes de restitution d'emplois, notamment de titulaires. Il a été décidé que le ministère appliquerait la règle du 1 sur 2 à l'ensemble de sa structure d'emplois, mais avec une déclinaison différente entre les emplois de titulaires, de contractuels et de recrutés locaux. Pour l'ensemble de la période 2009-2013, le MAEE supprimera 1 150 emplois : 700 ETP au titre de la première RGPP et 450 au titre de la deuxième (2012-2013), soit une diminution totale de 7 %. Cela représentera un peu moins d’un emploi de titulaires sur deux, mais près de deux emplois sur trois au regard de l'ensemble de notre population.
Comme l'ensemble des ministères, nous affectons la moitié des économies ainsi réalisées, soit environ 15 millions par an, au retour catégoriel afin d'améliorer la situation de nos personnels, en particulier locaux vis-à-vis desquels nous devons nous comporter comme un employeur exemplaire et en faveur desquels nous avons encore des mesures à prendre, notamment pour parfaire leur couverture sociale.
Je l’ai dit, nous commençons à sentir des tensions sur nos effectifs, en particulier sur le réseau consulaire confronté à des obligations croissantes – organisation des élections, contrôles migratoires, encadrement des fonctions de visa. Nous nous demandons donc, si cette politique d'emploi se poursuit après 2013, s'il nous sera possible de poursuivre sur le même rythme et de maintenir un réseau diplomatique universel.
Il est vrai, monsieur Mancel, que notre voilure diplomatique n'a pas été modifiée en Europe, en dehors de la fermeture décidée récemment des consulats de Liège et Anvers, que le ministre d'État a annoncée aux autorités locales et aux élus des Français de l'étranger. Les effectifs de ce réseau ont toutefois énormément diminué depuis 2009 puisqu’ils sont passés de 160 à 60 ETP. Un effort de productivité très important a ainsi été fourni, qui s'est traduit pour l'essentiel par le transfert des fonctions consulaires vers l'ambassade de la capitale, les consulats jouant désormais un rôle d'influence en maintenant une présence dans les villes qui sont à la tête des principales régions d'Europe. Partout où cela est possible, notamment à Bruxelles, nous mutualisons et nous créons des services communs de gestion.
Plusieurs questions m'ont été posées sur l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. S'agissant de la prise en charge, c'est-à-dire des conséquences budgétaires de la gratuité de l'enseignement pour certaines classes, à la suite d'un rapport rédigé par la sénatrice Sophie Joissains et par votre collègue Geneviève Colot, le Gouvernement a décidé d'une part un moratoire en application duquel la gratuité ne vaut que pour les classes de seconde, première et terminale ; d'autre part une cristallisation, ce qui signifie qu'en application d'un décret paru début mai, l'État ne prend en charge les frais de scolarité que sur la base de leur montant au cours de l'année scolaire 2007-2008. Des pressions s'exercent, en particulier de la part des Français de l'étranger, pour que l'on aille au-delà, mais nous appliquons les décisions qui ont été prises, qui nécessitent déjà d'importants crédits, soit, si l'on ajoute les bourses à cette prise en charge, 96 millions au budget 2010, 119 millions en 2011 et sans doute 125 millions en 2012.
J’en viens à la politique immobilière de l’AEFE. Comme l’a rappelé M. Mancel, le Parlement a interdit l'année dernière aux opérateurs de l'État de se lancer dans une politique d'emprunt allant au-delà des emprunts annuels de trésorerie, ce qui a remis en cause les conditions habituelles de financement des projets immobiliers de l'Agence. À l'occasion du collectif budgétaire de fin 2010, vous avez ensuite décidé d'ouvrir des crédits afin de lui permettre de réaliser des opérations immobilières précises, comme la reconstruction de l'école française d'Ammân et la construction de l'école maternelle du lycée Jean Monnet à Bruxelles. Dans le cadre des négociations budgétaires pour 2012, nous recherchons une solution plus pérenne afin de financer les projets immobiliers identifiés de l’AEFE, à laquelle il est envisagé de permettre de recourir à des prêts spéciaux du Trésor. Vous avez rappelé à juste titre que les prêts ne sont pas remboursés par une subvention versée par l'État mais par la contribution des familles, au titre des droits d’écolage.
Précédemment inscrites au budget général de l'État, les pensions des personnels de l’AEFE ont été transférées à l'opérateur à partir de 2009, ce qui a entraîné une forte augmentation des dépenses, de 120 millions en 2009 à 133 millions en 2011. Cette charge est assumée par l'Agence, sur sa subvention qui a bien évidemment été rebasée en 2009, mais elle est aussi supportée pour partie par les familles.
J'en viens aux contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix. Depuis quatre ans, nous nous sommes attachés à renforcer la sincérité et à améliorer le pilotage et le suivi de ces contributions, au titre desquelles pas moins de 800 millions d'euros ont été inscrits au budget 2011.
Nous avons aussi produit un effort en matière de couverture du risque de change, auquel, notre ministère est en effet lourdement exposé – non seulement sur les OMP mais aussi sur nos rémunérations. M. Garnier vous donnera des indications supplémentaires à ce propos. La programmation triennale a bien été bâtie sur une hypothèse d’1,56 $ pour 1 €, qui était valable en 2009 mais qui n'est plus adaptée à la réalité des marchés aujourd'hui. Aussi, nous serons plus probablement aux alentours d'1,40 $ pour 1 € pour le budget 2012. En 2011, nous nous sommes lancés dans un mécanisme de couverture du risque de change sur la base d'1,35 $ pour 1 €, ce qui devrait nous éviter de demander des crédits supplémentaires en collectif de fin d’année, comme nous avons dû le faire en 2010. Cela confirme que vous avez voté un budget sincère, à la suite d'un rebasage d'une centaine de millions d'euros que nous avions obtenus du ministère du Budget afin de mettre enfin les crédits des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix en adéquation avec la réalité de la dépense, comme la Cour des Comptes et vous-même nous y aviez beaucoup incités.
Monsieur Emmanuelli, il n'y a pas de préretraite pour les diplomates sans affectation. Nous connaissons une situation difficile de sureffectifs dans l'encadrement supérieur : compte tenu de l'évolution de notre carte diplomatique et des nominations – bienvenues car elles enrichissent notre corps – de personnalités de la société civile, une cinquantaine de diplomates sont aujourd'hui sans affectation. Nous nous sommes donc demandé s’il fallait les laisser durablement sans perspective d'affectation ou promouvoir un système d'aide à la reconversion, à la deuxième carrière. C'est ce dernier parti que nous avons pris. Un premier dispositif avait été mis en œuvre en 2009, pour une trentaine de cadres. Le Gouvernement a décidé de faire de même, à nouveau pour une trentaine de fonctionnaires. Il ne s'agit pas d'une préretraite mais du maintien uniquement du traitement de base, sans les primes, à partir de 58 ans et pendant une période limitée à trois ans, afin de permettre à ces diplomates d'envisager une reconversion.
M. le président Jérôme Cahuzac. Y a-t-il une aide à cette reconversion ?
M. Stéphane Romatet. Oui, sous la forme des contacts que nous avons pris afin de favoriser l’outplacement, qui a permis à plusieurs fonctionnaires d'accomplir une deuxième carrière en dehors du ministère, en apportant une compétence géographique ou linguistique à des entreprises ou à des activités de consultants.
M. le président Jérôme Cahuzac. L’incitation consiste seulement à limiter la rémunération de ces agents au seul traitement de base et à une aide à trouver un débouché pour une autre vie professionnelle ?
M. Stéphane Romatet. Nous leur proposons également un pécule d’aide au départ.
M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. À combien s’élève ce pécule ? On parle de la moitié des primes qui auraient été perçues jusqu’à la retraite, ce n’est pas rien !
M. Stéphane Romatet. Il ne s’agit pas de la moitié des primes qu’ils auraient perçues jusqu’à la retraite mais pendant cette période maximale de trois ans pour laquelle ils sont en dispositif de fin d'activité. Ce petit capital de départ, qui peut aller jusqu'à quelques dizaines de milliers d'euros, a par exemple permis à certains de nos collègues de créer une petite entreprise, de se lancer dans une activité de consultant – nous pouvons vous donner des exemples précis.
M. le président Jérôme Cahuzac. Quel est le budget consacré à ce pécule, qui s'ajoute au traitement de base ?
M. Stéphane Romatet. Le traitement de base est versé comme il l'aurait été ; le pécule est assis sur l'estimation de ce qu’auraient été les primes pendant la durée du dispositif et nous donnons aux collègues qui en bénéficient la moitié de ces primes. L'État économise donc la moitié des primes ainsi qu'une partie des pensions qu'il aurait versées si cet agent était resté en activité dans les cadres du ministère. Nous réglons en outre de la sorte le lancinant problème du sureffectif du MAAE.
M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. En 2009, lorsque l’on a pris conscience de ce problème, on avait envisagé d’organiser des entretiens entre la direction des Ressources humaines et les fonctionnaires vraisemblablement concernés, afin de les informer de leur faible chance d’accéder à la fonction d’ambassadeur et de leur poser la question de leur départ. Cela a-t-il été fait ?
M. Stéphane Romatet. C’est ce que nous faisons de manière systématique. Nous ne pouvons évidemment pas contraindre un agent de l’État à partir, mais nous essayons de dessiner le profil de carrière de nos cadres supérieurs de 50 à 55 ans et nous les invitons à considérer toutes les possibilités de reconversion s’il apparaît que leur place dans la maison ne leur permettra pas de mener une carrière normale.
Dans le cadre du dispositif que je viens de décrire, un contingent de 30 postes supplémentaires est ouvert pour la période 2011-2013 et nous espérons ne plus avoir à y recourir une fois que le sureffectif aura enfin été résorbé.
M. Alain Rodet. Ce dégagement des cadres commence-t-il à partir du grade de conseiller des affaires étrangères ou en deçà ?
Disposez-vous par ailleurs d'une évaluation des sommes qu'il sera nécessaire d'inscrire au budget 2012 pour couvrir le coût du scrutin pour l'élection des députés des Français de l'étranger ?
M. Louis Giscard d’Estaing. Quelle est la part des diplomates français dans les institutions internationales et européennes et quelle est notre politique de pénétration dans ces instances ? Il me semble que nous pourrions utiliser cette voie à la fois pour renforcer notre influence et pour proposer des solutions à nos diplomates sans affectation au sein de notre réseau.
Vous avez par ailleurs évoqué un rebasage de nos contributions aux OMP. En tant que rapporteur spécial du budget opérationnel de la défense, j’ai participé aux travaux qu’a conduits la MEC sur les opérations extérieures. Nous avions alors, avec la Cour des Comptes, globalisé l'ensemble des flux qui concourent au financement de nos opérations de maintien de la paix sous mandat. Destinée à aider les réfugiés du Darfour, l’opération Eufor-Tchad a eu un coût d’autant plus important pour notre pays que nous avons à la fois fourni une grande partie du contingent et beaucoup contribué au financement de cette opération européenne, via le mécanisme de gestion du financement des coûts communs des opérations de l'Union européenne ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense (Athena). Quelle est votre analyse à ce propos ?
Enfin, j’aimerais moi aussi connaître le coût de l’organisation de l’élection des députés des Français de l’étranger. Pourra-t-on mettre à profit les listes électorales déjà constituées dans le cadre des élections présidentielles ? Le dispositif sera-t-il comparable avec celui qui prévaut pour l’élection à l’Assemblée des Français de l’étranger ?
M. Bernard Carayon. Les frais de scolarité des enfants de fonctionnaires envoyés à l'étranger sont-ils pris en charge par le MAEE ?
Par ailleurs, au lieu de chercher à dégager des cadres, dans l'attente de leur retraite, un certain nombre de nos diplomates ayant atteint 58 ans, ne vaudrait-il pas mieux les mobiliser au service des intérêts commerciaux de nos grandes entreprises, au sein desquelles ils pourraient concourir à la conquête de nouveaux marchés ? Il me semble en effet dommage de perdre cette ressource humaine de grande qualité alors que nos entreprises ont besoin de tels talents.
M. Philippe Vigier. On a précédemment évoqué les tensions que la RGPP fait peser sur les effectifs. Je souhaite donc que vous nous confirmiez que le cadre d'emploi qui vous a été donné permettra d'assurer effectivement toutes les missions en 2012. À défaut, quelles seraient celles qui en pâtiraient ?
On a aussi souligné la nécessité de préserver l'universalité de notre pays, deuxième puissance mondiale en termes de représentation. Pourriez-vous nous indiquer comment évoluent les diplomaties des autres grands pays européens, en particulier de l'Allemagne et de l'Angleterre ?
M. Yves Deniaud. Pour avoir constaté l’incohérence de la gestion du patrimoine immobilier de l'État à l'étranger et les absurdités coûteuses qui découlent du manque de coordination, j’aimerais savoir où en est ce véritable serpent de mer qu'est la constitution d'une société foncière en la matière.
Mme Aurélie Filipetti. Comment expliquez-vous que les objectifs ne soient pas atteints en ce qui concerne les filières universitaires francophones à l'étranger ? Quel est votre sentiment quant au nombre d'élèves inscrits aux cours de langue de nos établissements culturels ?
Quel bilan pouvez-vous par ailleurs dresser, un an après la création du GIP Campus France ?
M. François Scellier. Votre ministère s'est-il soucié des dégâts psychologiques que peut entraîner le dégagement des cadres ? Existe-t-il une cellule de soutien ?
M. Stéphane Romatet. Nous avons la responsabilité éminente et lourde d'organiser en 2012 l'ensemble des scrutins qui se dérouleront à l'étranger : élections présidentielle et, pour la première fois, de onze députés des Français de l'étranger. Nous avons mobilisé l'ensemble de notre dispositif pour relever ce véritable pari, le Parlement ayant décidé, afin de garantir la meilleure participation possible, d'ouvrir tous les modes de scrutin possible – par Internet, par correspondance, par procuration, etc. Qui plus est, il faudra organiser deux tours de scrutin dans des circonscriptions extrêmement étendues, ce qui sera très lourd d'un point de vue logistique.
À ce stade, le coût est estimé à une quinzaine de millions d'euros dont la majeure partie, c'est-à-dire les dépenses liées à l'organisation générale des élections, sera prise en charge par le ministère de l'Intérieur, le MAEE assumant les dépenses spécifiques, en particulier celles qui tiendront à la communication, à l'établissement des listes électorales et aux tournées consulaires. L'ensemble de ces dépenses seront inscrites au budget qui vous sera soumis pour 2012. D'ores et déjà, nous mettons en place dans les consulats – non sans mal compte tenu de nos contraintes d'effectifs – les vacations nécessaires pour permettre l'établissement des listes électorales avant le 31 décembre de cette année.
Pour répondre à M. Rodet, s'agissant à nouveau des diplomates sans affectation, c'est véritablement l'encadrement supérieur qui est concerné par le dispositif de fin d'activité : conseillers des affaires étrangères hors classe et ministres plénipotentiaires, soit un total d'environ 300 agents. Notre objectif est de réduire ce sureffectif de 10 % d'ici 2013.
L'entrée dans ce dispositif se fait uniquement sur la base du volontariat, dans le cadre d'un dialogue avec chacun des agents concernés, avec une identification des débouchés ainsi qu'un accompagnement et un soutien personnalisés.
Un ambassadeur est particulièrement chargé de développer des partenariats avec les entreprises. Un certain nombre de nos collègues diplomates ont rejoint de grandes entreprises françaises, telles qu’Areva, Total ou Safran, qui sont très demandeuses de spécialistes du droit communautaire et d'excellents connaisseurs de certains secteurs géographiques, en particulier de l'Afrique du Nord, du Moyen-Orient et de l'Asie centrale.
Lors de l’installation du Service européen pour l'action extérieure, en 2009, seul le poste de secrétaire général était revenu à notre pays, en la personne de Pierre Vimont. L’année 2011 s’annonce bien meilleure puisque trois postes de chef de délégation de l'Union européenne seront tenus par des Français et qu'une dizaine de collègues ont été recrutés par le SEAE à des « postes juniors », à Bruxelles comme dans les délégations à l'extérieur de l'Union.
Le Fonds européen de développement, qui n'est pas encore un instrument communautaire mais un fonds spécifique avec des clés de financement particulières, est le seul dont le budget est pris en charge par celui du MAEE. Tous les autres fonds, en particulier les dépenses d'action extérieure qu'à évoquées M. Giscard d'Estaing, sont financés dans le cadre du budget européen et du dispositif de prélèvement sur recettes. Une éventuelle avance de fonds dans le cadre d’une mission militaire fait l'objet d'un remboursement a posteriori.
Il est vrai, monsieur Deniaud, que la constitution d'une société foncière est un serpent de mer… L’idée de créer ex nihilo un opérateur dédié, qu'il aurait fallu doter en capital et dans les mains duquel il aurait fallu faire basculer la propriété des biens immobiliers détenus par l'État à l'étranger, est sans doute apparue trop ambitieuse, surtout dans le contexte budgétaire que nous connaissons, et a donc été écartée. Nous privilégions donc, avec nos collègues de France Domaine, le recours à des opérateurs ad hoc préexistants, aptes à mener des opérations ponctuelles pour le compte de l'État. Outre la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), la Caisse des dépôts pourrait ainsi être intéressée par le portage de certains projets.
M. Vigier nous a interrogés sur le déploiement diplomatique de nos partenaires. De ce point de vue, il est intéressant de se reporter à une récente déclaration de M. David Cameron sur les orientations de la diplomatie britannique : il a en effet annoncé un important renforcement des effectifs de diplomates britanniques à l'étranger, en particulier dans le cadre de l'ouverture de nouvelles ambassades et d'une augmentation de 30 % de la présence diplomatique britannique dans les pays émergents. En dépit du contexte difficile des finances publiques, la diplomatie de ce pays est donc bien en train de se renforcer. De même, l’Auswärtiges Amt allemand a connu en 2009 et en 2010 un coup de pouce budgétaire de l'ordre de 10 %. À l'évidence, nos partenaires renforcent les moyens qu'ils consacrent à leur action diplomatique.
C’est dans le contexte de la RGPP qu'il a été décidé de constituer un nouvel opérateur, CampusFrance, grâce aux apports de l’ancien GIP EduFrance, du Centre français pour l’accueil et les échanges internationaux (Egide), qui gère les missions et les bourses à l’étranger, et du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS). Cette opération est compliquée car il s’agit d'entités aux statuts différents, dont les situations financières, parfois difficiles, diffèrent également. Dans le cadre d'un processus que nous pilotons avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche, une mission de préfiguration doit rendre ses conclusions avant la fin du mois de juin. La décision de constituer ou non cet opérateur pourra alors être prise, conformément à la loi du 27 juillet 2010 sur l'action extérieure de l'État.
Je ne puis, madame Filipetti, vous répondre précisément sur les filières universitaires francophones à l'étranger, mais je demanderai à mes collègues compétents de le faire par écrit.
Monsieur Carayon, les frais de scolarité des enfants des agents de l'État à l'étranger demeurent pris en charge directement par l'État employeur, à travers un système de majoration familiale. Ces enfants ne bénéficient donc pas du dispositif de gratuité scolaire.
M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Lors d'un déplacement que nous avons effectué à Bruxelles, M. Emmanuelli et moi-même n'avons pas vraiment ressenti l'optimisme dont vous avez fait preuve quant à la présence de fonctionnaires français au sein des instances européennes. Nous avons plutôt eu le sentiment que la tactique adoptée n'était pas la bonne et que nos agents demandaient surtout des postes importants, voire flamboyants mais ne savaient pas s’installer là où, peut-être dans l'ombre, les décisions sont en fait prises… Les choses se sont-elles améliorées depuis ?
Pourriez-vous par ailleurs, comme vous l'avez annoncé, nous donner plus de précisions sur la couverture des risques de change ?
M. Patrice Martin-Lalande. Mes deux questions ont trait au rayonnement culturel de notre pays.
Nous consacrons chaque année plusieurs dizaines de millions d'euros au soutien à la diffusion de la presse française à l'étranger. Si ce système continue à présenter un certain intérêt en Europe, il me paraît complètement dépassé dans des pays très lointains : à l'heure de l'Internet, à quoi bon voir arriver avec 48 heures de retard nos journaux et même nos magazines ? Où en sont les réflexions du MAEE quant à de nouveaux outils de promotion des contenus de presse français, notamment à travers le web ?
De même, lorsque nous rendons visite à des alliances françaises et que nous demandons à leurs responsables comment Internet a modifié leur politique de formation au français, nous obtenons des réponses assez hétérogènes. Quelle est la politique de l'État pour donner une nouvelle dimension à l'enseignement du français ?
M. Stéphane Romatet. J’avoue mon incompétence sur ces deux dernières questions, que je transmettrai à mes collègues en leur demandant de vous répondre par écrit.
Il est vrai, monsieur Mancel, que la tradition française est plutôt de rechercher les postes emblématiques de direction ou de direction générale dans les grandes organisations internationales. Or, il ne faut en effet absolument pas négliger les postes d'encadrement intermédiaire et même les postes juniors, en particulier dans des fonctions administratives. C'est une tactique que les Britanniques maîtrisent parfaitement. Les résultats des procédures de recrutement du SEAE en 2011 montrent toutefois que des Français sont maintenant davantage recrutés pour des postes intermédiaires, auxquels eux-mêmes sont davantage candidats. C'est une bonne stratégie et le fait que le nouveau directeur financier du Service soit un Français m'apparaît comme une valeur ajoutée pour notre pays. Nous nous réjouissons donc de l'avoir incité à se porter candidat.
M. Laurent Garnier, directeur des Affaires financières du ministère des Affaires étrangères et européennes. S’agissant de la couverture de change, nous avons depuis 2006 avec l'Agence France Trésor une convention qui nous permet d'acheter des devises, principalement des dollars, à un terme donné. Nous avons utilisé ce mécanisme lorsque nous pouvions acheter à taux plus favorable ou équivalent à celui prévu en loi de finances initiale. Ainsi, en 2009, nous avons acheté la contrevaleur d’environ 180 millions d'euros. En 2010, nous n'avons pas pu nous couvrir parce que le taux réel était moins favorable que le taux prévu en LFI. C'est ce qui a conduit à ouvrir des crédits complémentaires en loi de finances rectificative.
Nous avons relancé cette procédure en 2011, année pour laquelle la prévision d'un taux de change de 1,35 $ pour 1 € apparaît réaliste. En début d'année, lorsque le taux était effectivement celui-là, nous avons couvert quasiment toutes les échéances de l'année en dollars. C'est pour cela que nous nous sommes pratiquement certains de tenir l'exécution.
Cela étant, l'objectif n'est pas de spéculer sur le taux de change mais de conforter le taux prévu en LFI.
M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Certes, mais j’espère que, si une occasion se présente, vous ne la ratez pas.
M. Laurent Garnier. Début 2011, le taux est demeuré à 1,35 pendant plusieurs semaines, conformément à la prévision associée au projet de loi de finances, et nous avons donc décidé de nous couvrir, en pensant que nous faisions une bonne opération puisque l'on annonçait plutôt une dégradation de la parité. Aujourd'hui, le taux est à 1,40, ce qui signifie que si nous avions attendu pour nous couvrir, nous aurions réalisé un gain…
Pour sa part, l'Agence France Trésor réalise des opérations pour notre compte mais ne nous donne pas de conseil quant à la date à laquelle nous devons acheter.
M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Vous pourriez la motiver en lui octroyant une commission sur les gains de change…
M. le président Jérôme Cahuzac. Messieurs, je vous remercie.
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Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 15 juin 2011 à 9 h 30
Présents. - M. Jean-Pierre Balligand, M. Claude Bartolone, M. Jean-Marie Binetruy, M. Pierre Bourguignon, M. Jean-Pierre Brard, Mme Chantal Brunel, M. Jérôme Cahuzac, M. Bernard Carayon, M. Thierry Carcenac, M. Olivier Carré, M. Yves Censi, M. Jérôme Chartier, M. Jean-Yves Cousin, M. Olivier Dassault, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Flory, M. Marc Francina, M. Daniel Garrigue, M. Georges Ginesta, Mme Annick Girardin, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Marc Goua, M. David Habib, M. Laurent Hénart, M. Jean Launay, M. Patrick Lemasle, M. Jean-François Mancel, M. Patrice Martin-Lalande, M. Pierre-Alain Muet, M. Henri Nayrou, M. Jacques Pélissard, Mme Sophie Primas, M. Alain Rodet, M Miche Sapin, M. François Scellier, Mme Isabelle Vasseur, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier
Excusés. - M. Michel Bouvard, M. Alain Claeys, M. Richard Dell'Agnola, M. François Goulard, M. Jean-François Lamour, M. Victorin Lurel, Mme Françoise de Salvador
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