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La Commission entend MM. Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand, rapporteurs d’information, sur la péréquation communale.
M. le président Jérôme Cahuzac. Je vais maintenant donner la parole à Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand pour une communication sur la péréquation communale.
Chacun se souvient de la clause de rendez-vous pour fixer le détail de l’organisation de la péréquation communale et intercommunale, prévue par la loi de finances pour 2011 dans son article 125.
Nos rapporteurs d’information, qui ont été désignés le 8 février dernier, ont l’intention de présenter leur rapport en septembre. C’est en effet avant le 1er septembre que le Gouvernement doit lui-même nous fournir un rapport sur le fonds national de péréquation. Mais nos collègues ont souhaité venir devant nous dès à présent pour nous communiquer l’état de leur réflexion.
M. Marc Laffineur, Rapporteur. Le travail de la mission a buté sur l’indisponibilité de chiffres définitifs concernant la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises – la CVAE – pour l’année 2011. Cette indisponibilité empêche pour l’instant la mise au point de simulations fiables, mais ne nous empêche pas de fixer les grands axes du futur fonds de péréquation intercommunal.
L’existence même de ce fonds est justifiée par l’importance des écarts de richesse au niveau du bloc communal : alors qu’ils sont de un à deux au niveau de la région, de un à cinq au niveau du département, ils sont de un à 1 000 au niveau des communes et établissements publics de coopération intercommunale – EPCI.
La réforme de la fiscalité locale n’a corrigé cet état de fait que dans des proportions insuffisantes, tout en rendant nécessaire la remise à plat de nombreux instruments de péréquation des recettes communales largement fondés sur la taxe professionnelle.
Il existe aujourd’hui une volonté politique forte de développer la péréquation ; elle s’est traduite par la mise en œuvre, pour la première fois en 2011, du fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux – les DMTO – pour un montant total de 440 millions d’euros. Dans les mois qui viennent, vont par ailleurs être mis en place le fonds de péréquation de la CVAE et le présent fonds.
L’article 125 de la loi de finances initiale pour 2011 a fixé un objectif global de ressources du fonds de 2 % des recettes fiscales du bloc communal en 2015, ce qui représente environ un milliard d’euros. Encore faut-il préciser que ce chiffre serait plus important dès lors que, comme le recommande la mission, l’on prendrait en compte dans les recettes communales les DMTO et, de manière plus générale, l’ensemble des produits fiscaux qui seraient pris en compte dans le nouveau potentiel financier (taxe sur les casinos, taxe de séjour).
En outre, les montants redistribués par le biais du fonds de solidarité de la région Île-de-France – le FSRIF – et les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle – FDPTP –, respectivement de 270 millions d’euros à terme et de 420 millions d’euros, ne doivent pas être pris en compte dans ces 2 %.
La philosophie générale de la mission est donc de mettre en place un fonds le plus important possible avec une répartition adaptée.
S’agissant des modalités de contribution au fonds, l’article 125 a prévu un prélèvement opéré sur les collectivités dont le potentiel financier est supérieur à 1,5 fois la moyenne. Après expertise, il apparaît que ce seuil est trop élevé puisqu’il conduirait à concentrer énormément le prélèvement, sur une centaine d’EPCI.
Ce seuil doit donc être abaissé, selon nous, à 1,1 fois le potentiel financier moyen, voire 1 fois, ce qui permettrait d’asseoir le prélèvement sur un peu moins de 300 contributeurs.
Selon les simulations fournies lors de la dernière réunion du CFL, en retenant un scénario sans distinction des strates de communes, on ciblerait entre 256 et 288 EPCI contre 600 à 700 EPCI dans un scénario « stratifié ».
Ces 256 EPCI représentent 25,5 millions d’habitants et 33 milliards d’euros de potentiel fiscal, alors que les 700 EPCI retenu dans un modèle « stratifié » représentent 19 millions d’habitants et 24 milliards d’euros de potentiel fiscal. En outre, dans le scénario distinguant des strates, 580 communes ont moins de 10 000 habitants.
Cette option conduit par conséquent à centrer le prélèvement sur de petites communes aux moyens plus limités, ce qui ne semble pas être une bonne manière de construire un fonds de péréquation.
M. Jean-Pierre Balligand, Rapporteur. La mise en place du fonds de péréquation suppose de mener une réflexion sur les modalités d’appréciation des richesses de chaque collectivité.
Compte tenu de l’impact de la réforme de la fiscalité locale sur les modalités de calcul du potentiel fiscal et du potentiel financier des communes et de leurs EPCI, la première question concerne les modalités de prise en compte, dans ces deux potentiels, de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, ou DCRTP, et du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) ; contrairement à certains, la mission propose d’intégrer ces dotations pour leur montant brut dans le nouveau potentiel financier, sans opérer de retraitement complexe.
Une autre question concerne le nombre de dotations à prendre en compte dans ce potentiel financier rénové : alors que la définition actuelle ne prend en compte que les dotations forfaitaires, la mission propose de prendre en compte également les dotations de péréquation, afin que le fonds soit assis sur la définition la plus complète de la richesse de chaque collectivité.
En outre, la mission a tenté de proposer une méthode permettant de dresser la liste des impositions locales qui pourront également être prises en compte dans le potentiel financier (PFI) :
– il faut prendre en compte un maximum de taxes locales afin de donner une image fidèle de la richesse d’une collectivité ;
– le critère de l’affectation n’est pas suffisant, en soi, pour écarter cette prise en compte, comme c’est le cas, par exemple, de la taxe de séjour ;
– par souci de simplicité, la mission propose de ne pas intégrer les impositions dont les montants sont très limités, sauf lorsqu’ils sont concentrés sur quelques communes.
Sur ce fondement, le potentiel financier rénové pourrait intégrer les « quatre vieilles » impositions directes locales – et désormais celles qui ont remplacé la taxe professionnelle – les DMTO, le prélèvement sur les casinos, la taxe sur les pylônes, la taxe de séjour, la taxe sur les remontées mécaniques et la taxe locale d’équipement. Conformément aux préconisations du CFL, il est également possible de prendre en compte la surtaxe sur les eaux minérales et la redevance des mines.
La taxe d’enlèvement des ordures ménagères et le versement transport constituent des prélèvements réellement affectés et ne doivent pas être pris en compte dans le potentiel financier pour cette raison.
S’agissant des bénéficiaires du fonds et des modalités de ventilation des montants prélevés, la mission préconise d’abord que les communes isolées puissent bénéficier également du fonds. En outre, afin de lisser les effets de seuils, la mission préconise qu’un EPCI puisse être à la fois contributeur et bénéficiaire du fonds. Enfin, elle propose d’en rester à l’idée que l’EPCI est le pivot de la redistribution du fonds.
Ce principe suppose toutefois de préciser dans la loi les modalités de répartition de la somme ainsi versée entre l’EPCI et les communes membres. La mission préconise de renvoyer cette répartition à un accord local dont la majorité serait renforcée (50% des communes représentant 50 % de la population). À défaut d’accord, la loi peut prévoir que 40 % du montant versé à l’EPCI sera reversé aux communes membres. S’agissant du nombre des contributeurs, la mission considérerait comme une solution équilibrée qu’environ 1 000 EPCI soient bénéficiaires des reversements.
Le montant reversé serait déterminé à partir d’un indice synthétique de ressources et de charges. S’agissant des critères de ressources, tout le monde s’oriente vers la prise en compte du potentiel financier rénové. Mais certains proposent la prise en compte de l’effort fiscal ou d’un coefficient de mobilisation des ressources fiscales (à définir dans la loi comme le rapport entre les recettes fiscales totales et le potentiel fiscal). La mission considère que cette prise en compte risque d’inciter les EPCI à augmenter leurs impôts.
S’agissant des critères de charges, le débat est à ce stade relativement bien avancé. La mission propose que l’on retienne des critères relativement dispersés – de manière à assurer une redistribution efficace – en évitant de retenir des critères qui sont fortement corrélés entre eux, ce qui aurait pour effet de surpondérer un même ensemble de communes.
La mission se prononce donc en faveur des critères suivants :
– logements sociaux (critères pris en compte pour la DSU et le FSRIF). Ce critère est fortement corrélé avec le critère du nombre d’allocations personnalisées au logement, donc il est inutile de retenir celui-ci ;
– longueur de voirie communale (l’un des critères de la dotation de solidarité rurale - DSR) ;
– nombre d’enfants de 0 à 18 ans scolarisés (autre critère de la DSR) ;
– nombre d’étudiants.
Moyennant ces grandes orientations, la mission estime que le fonds peut être construit même sans disposer des chiffres définitifs de CVAE pour 2011, quitte à prévoir des ajustements en cours d’année. Le point politique le plus épineux restera la question des strates de population, dont la prise en compte oriente très différemment les prélèvements du fonds.
M. Gilles Carrez, Rapporteur général. Je remercie les deux Rapporteurs pour cette contribution sur un sujet complexe, dont il conviendra plus précisément de définir les mécanismes lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012. Un point de méthode avant tout : nous n’y verrons clair que lorsque nous disposerons de simulations fiables. Or, aujourd’hui, les données disponibles ne sont que partielles : ce sont celles qui figurent aux états comptables 1259 qui servent à notifier aux communes leurs bases prévisionnelles et leurs dotations de compensation.
Concernant les ressources de l’ancienne taxe professionnelle, nous avons une visibilité sur le produit de la cotisation foncière des entreprises (CFE), de l’ordre de 5,6 milliards d’euros au total, ainsi que sur celui de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER). Il manque en revanche des données sur la décomposition du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui représente 26,5 % sur un total estimé à 15 milliards d’euros, et dont nous ne connaissons pas la répartition, dans la mesure où cela suppose de tenir compte des entreprises qui ont des établissements dans plusieurs communes. Ces données ne seront a priori disponibles que vers la mi-août, et nous serons donc amenés à travailler dans l’urgence au cours du mois de septembre. À ma demande en ma qualité de président du Comité des finances locales, la direction générale des Collectivités locales (DGCL) a déjà engagé des simulations sur la base des états 1259 : ces simulations nous donnent une première idée, puisqu’il ne devrait manquer que les 26,5 % relatifs à la CVAE.
La détermination des contributeurs doit, à mon avis, prendre en compte deux dimensions : d’une part, la géographie des territoires, autant pour ce qui concerne les intercommunalités que les communes ; par conséquent, le produit financier doit être consolidé en additionnant les ressources des communes membres et celles propres à l’intercommunalité. D’autre part, il faut définir les ressources entrant dans le calcul : il est bien sûr souhaitable de retenir les ressources les plus larges possibles, c’est-à-dire les recettes fiscales, mais également le fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR) et les dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP). Toutefois, je pense qu’il faut exclure les ressources affectées, comme le versement transport ou la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM). Quant aux recettes peu importantes à l’échelle nationale, mais qui le sont en revanche d’un point de vue microéconomique – comme la taxe de séjour ou le produit des jeux – il me paraîtrait difficile de ne pas les intégrer. Je partage, en outre, la préconisation des deux rapporteurs visant à écarter les ressources dont le produit est uniformément faible. En tout état de cause, il sera indispensable de disposer d’une liste des ressources concernées, pour que chacun puisse se faire une idée des enjeux.
S’agissant des dotations, je rappelle qu’aujourd’hui, le critère retenu est celui du potentiel financier et non plus du potentiel fiscal, précisément parce qu’il a été décidé de tenir compte des dotations forfaitaires, qui ne sont que le reflet de cinquante années de démantèlement de la fiscalité locale. À titre d’exemple, quelles sont les deux communes qui ont le plus de dotation globale de fonctionnement (DGF) par habitant ? Vichy et Lourdes, précisément parce qu’elles percevaient la taxe locale dans les années cinquante, avant la mise en place de la TVA, et que l’on a ensuite cherché à leur garantir le même niveau de recettes qu’auparavant, en faisant porter l’effort de la péréquation seulement sur le surplus annuel. Nos collègues vont plus loin, en proposant de prendre en compte les dotations de péréquation, notamment la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation d’intercommunalité, laquelle est d’ailleurs attribuée aujourd’hui à 70 % selon le potentiel fiscal. En tout état de cause, de manière consolidée, plus la base des recettes prises en compte sera large, plus on évitera les effets de seuil et les discontinuités. Les propositions de la mission permettront une sorte de lissage, puisque les contributeurs à la péréquation pourront aussi être bénéficiaires de la péréquation.
En revanche, je suis en désaccord avec les deux Rapporteurs sur la question des strates : je pense que si l’on ne procède pas à une stratification minimale, nous allons assister à un vaste transfert de l’urbain et du périurbain vers le rural. Ainsi, sur l’ensemble des EPCI, l’absence de stratification serait ingérable, car nous aurions de l’ordre de 7 à 8 % des EPCI de moins de 10 000 habitants et 75 % d’EPCI de plus de 50 000 habitants qui contribueraient. Certains pensent qu’en l’absence de stratification, il serait possible de corriger les effets pervers en ajoutant des critères de charges, mais cela reviendrait à mon sens à complexifier le système d’ensemble. Il me semble préférable d’opter pour une stratification minimale, avec quatre, cinq, au maximum six strates, pour que le système de péréquation soit acceptable par l’ensemble des collectivités. Alors, les critères de redistribution seront plus faciles à établir.
Il convient en tout cas de bien séparer le problème du prélèvement et celui de la redistribution : à vouloir régler la question des recettes en utilisant des critères de charges, on court le risque de l’échec.
M. Dominique Baert. Avant tout, deux points me paraissent mériter des éclaircissements. D’abord, parle-t-on bien de la même chose sur la péréquation et sur les résultats qu’on en attend ? Il s’agit en fait de faire vivre une péréquation horizontale alors que l’on a déjà un système de péréquation verticale, essentiellement à travers les dotations de solidarité urbaine et de solidarité rurale (DSU et DSR). Ensuite, on s’apprête à mettre en place ce dispositif de péréquation horizontale alors que les collectivités subissent un gel de leurs dotations pour trois ans, et qu’elles vont, pour certaines d’entre elles, voir certaines recettes diminuer très fortement, alors que leurs dépenses de fonctionnement restent fixes.
Sous le bénéfice de ces observations, trois questions méritent d’être posées.
En matière de péréquation, ne pensez-vous pas que la question de l’Île-de-France doit être posée dans un premier temps, et celle des autres régions ensuite ? En effet, d’aucuns souhaiteraient pouvoir opérer un prélèvement sur l’Île-de-France pour alimenter les autres territoires, mais les élus franciliens peuvent mettre en avant la diversité et les déséquilibres existants entre les différents territoires de cette région. Ainsi, ne craint-on pas des difficultés pour aboutir, dans l’hypothèse où l’on traiterait l’Île-de-France comme les autres régions pour mettre en place un dispositif de péréquation globale ?
Deuxièmement, s’agissant de la stratification, le débat a laissé présager que le prélèvement sur les EPCI serait opéré sur la base des ressources propres de l’intercommunalité mais également des ressources des communes membres. De ce point de vue, ne peut-on craindre des difficultés politiques pour les EPCI qui, une fois le prélèvement global opéré, souhaiteraient effectuer leur propre prélèvement sur certaines communes ?
Troisièmement, comment peut-on prendre en compte l’effort fiscal ?
M. Marc Francina. Je me permets de revenir sur la taxe de séjour : il ne faut pas oublier qu’elle est affectée, même si elle est fongible. Elle est payée par les touristes et sert à financer l’animation des offices de tourisme. Il est indispensable de conserver l’affectation de cette taxe, que de nombreuses communes ont déjà du mal à collecter.
Je souligne également que les comptes des casinos sont arrêtés au 31 octobre : comment, alors, va-t-on procéder pour affecter les sommes par rapport aux années antérieures, et comment fera-t-on en cas de baisse importante de du produit du prélèvement, comme cela s’est produit récemment ? Ce prélèvement constitue une ressource loin d’être négligeable pour certaines petites communes dotées d’un casino.
M. François Pupponi. Je suis relativement d’accord avec les propositions avancées, tant sur le volet prélèvement que sur le volet versement. Concernant le potentiel financier, il faut effectivement attendre le résultat des simulations pour pouvoir observer ce que produirait l’intégration des dotations de péréquation. S’agissant de la stratification, il faut bien avoir conscience qu’en l’absence de strates, on opérera un prélèvement important sur les intercommunalités urbaines, nombreuses en Île-de-France, alors même qu’il y a déjà le fonds de solidarité de la région Île-de-France (FSRIF). Il faudra donc bien finir par trouver un dispositif équilibré, capable de satisfaire les grands contributeurs, comme la ville de Paris ou les grandes intercommunalités des Hauts-de-Seine. Une solution pourrait peut-être consister à prévoir une stratification pour le prélèvement mais pas pour le reversement.
En outre, les intercommunalités seraient désormais les bénéficiaires de ce nouveau fonds, alors que c’étaient les communes qui en bénéficiaient jusqu’alors. Cela risque donc également de poser un problème au regard du FSRIF. Il est évident qu’il sera nécessaire de mettre en place un fonds spécifique car sinon, les communes accuseront une perte sèche par rapport à la situation actuelle. Les avis divergent sur la question de savoir si ce fonds doit être à l’intérieur ou à l’extérieur du dispositif global. En revanche, le point de départ pourrait être les sommes prévisionnelles du FSRIF en 2015, soit autour de 270 millions d’euros : il faudrait, à partir de là, trouver une solution de reversement satisfaisante.
M. Alain Rodet. La présentation qui vient d’être faite me met un peu mal à l’aise, pour trois raisons. Tout d’abord, les budgets de la plupart des conseils généraux et même des régions sont d’ores et déjà des budgets de péréquation, puisque pour l’essentiel les recettes sont prélevées sur les zones urbaines et redistribuées aux zones rurales ; veillons donc à ne pas créer un « millefeuille » de péréquation, qui pourrait aboutir à des injustices. Ensuite, le dispositif proposé risque de pénaliser les communes dont le coefficient d’intégration fiscale est élevé, c’est-à-dire celles qui ont fait des efforts pour organiser leur intercommunalité. Enfin, ne serait-ce pas là un moyen détourné de faire contribuer les agglomérations hors Île-de-France au financement du Grand Paris ?
M. Philippe Vigier. Je tiens à souligner la qualité du travail effectué. Il me semble qu’une stratification simple et lisible pourrait être envisagée, sur la base du découpage des intercommunalités : communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines et métropoles. Les Rapporteurs ont indiqué qu’en l’absence d’accord politique, le poids de la redistribution serait de 40 %. Mais en cas d’accord politique, prévoirait-on un reversement minimum ou maximum ? Il serait utile de le préciser.
M. Michel Diefenbacher. Je crains que les propositions formulées par les Rapporteurs n’ajoutent de la complexité à la complexité. Le système financier communal est certes ancien, compliqué, opaque et injuste ; mises en place pour corriger les inégalités, les dotations de l’État n’y sont pas parvenues. Mais, au lieu de travailler à une redéfinition de ces dotations, il nous est proposé de mettre en place un système de péréquation horizontale. Si la péréquation horizontale pour les départements, mise en place l’année dernière, peut être une bonne solution, elle ne l’est pas pour les communes, entre lesquelles il y a davantage d’inégalités. Sommes-nous sûrs d’être sur la bonne voie ?
M. Marc Laffineur, Rapporteur. Ce que vient de dire Michel Diefenbacher est bien la preuve qu’il faut mettre en place une péréquation horizontale, comme dans de nombreux autres pays européens.
Si je partage la plupart des opinions du Rapporteur général, je dois dire que je comprends mal – ou trop bien – sa position sur la stratification. Distribuer en fonction de strates et de critères de charges défavoriserait les communes rurales ; je vous rappelle que sur les 700 EPCI visés par un scénario avec une stratification, 590 comptent moins de 10 000 habitants. Sans distinction par strate, la ponction est possible sur 30 millions d’habitants, contre seulement 18 millions en stratifiant. Sans strates, la ponction s’opère sur une masse fiscale de l’ordre de 30 milliards d’euros ; avec strates, sur une masse de 20 milliards.
Cette différence s’explique par le fait que si le nombre d’EPCI est plus grand, l’assiette fiscale et le nombre d’habitants sont quant à eux plus faibles. Cela aboutirait donc à prélever les zones rurales au profit des zones urbaines.
Les effets de cette absence de stratification seraient toutefois atténués, pour les zones urbaines, par un choix de critères de charges qui leur seraient favorables : logements sociaux, enfants en crèche et étudiants sont plus nombreux en ville qu’en milieu rural. Mais c’est une question qui ne pourra être tranchée que lorsque nous disposerons des simulations.
M. Gilles Carrez, Rapporteur général. Si l’on raisonne en moyenne nationale, le pourcentage d’EPCI supérieurs à la moyenne est de 5 % pour ceux comptant moins de 10 000 habitants, de 18 % pour ceux comptant 20 000 à 50 000 habitants, de 49 % pour ceux comptant de 1 000 000 à 200 000 habitants et de 68 % pour ceux dont la population dépasse 200 000. On ne touche que très peu d’EPCI de faible population, alors que les écarts types de ces EPCI par rapport à la moyenne de leurs strates peuvent être colossaux.
M. Marc Laffineur, Rapporteur. Je persiste à penser que nos arguments ne sont pas faux, même s’il convient d’attendre les simulations.
Je crois qu’on ne peut pas faire de véritable péréquation en excluant l’Île-de-France. Nous avions d’ailleurs tranché ce débat entre nous, en décidant de ne plus créer de fonds de péréquation régionaux. Si nous sommes favorables au maintien du FSRIF, il conviendrait que les communes franciliennes participent également au fonds national, dont elles pourront au demeurant percevoir des versements.
S’agissant du prélèvement sur les jeux et de la taxe de séjour, je rappelle qu’il n’est pas question d’en supprimer l’affectation aux communes d’implantation. Il s’agit simplement de les prendre en compte dans les modalités de calcul du nouveau potentiel financier.
S’agissant de l’effort fiscal, la mission a exclu de le prendre en compte tenu du risque est de distribuer davantage aux collectivités qui augmentent les impôts.
M. Jean-Pierre Balligand, Rapporteur. Sur la question de la stratification, une piste pourrait être ouverte par notre ancien collègue M. Yves Fréville, qui a proposé un indice croisé de charges et de population. Cet indice permet de montrer que les charges de centralité pèsent surtout sur les grandes villes et les petites villes, les villes moyennes étant curieusement moins chargées. Cet indice permettrait de tenir compte d’un critère de charge par habitant, sans strate. Mais nous n’avons pas encore eu le temps d’expertiser ce sujet.
Je voudrais répondre à Michel Diefenbacher que compte tenu de l’état actuel et à venir des finances publiques, si nous ne mettons pas en place de péréquation horizontale, les collectivités territoriales vont vers des jours difficiles. La péréquation horizontale permet d’éviter que les écarts aillent de 1 à 1 000. Cela n’empêchera pas de revoir la péréquation verticale, ce qui est sans doute utile.
À Dominique Baert et à François Pupponi, je souhaite préciser que si les communes franciliennes les plus riches seraient soumises à une sorte de « double peine », elles pourraient également bénéficier d’une double affectation, par le fonds national d’une part et le FSRIF d’autre part. En outre, il ne s’agit pas de sommes colossales : que sont 250 millions d'euros au regard de la richesse communale ? Le FSRIF ne ponctionnera pas le fonds national.
M. Marc Goua. Certaines propositions de la mission m’inquiètent. Les villes disposant d’un haut niveau moyen de ressources sont parfois des communes qui comptent de nombreux habitants en grande difficulté. Certes, ces communes qui opèrent d’importants transferts sociaux bénéficient de ressources sous forme de dotations de l’État, notamment par le biais de la dotation de solidarité urbaine. Mais cette politique est essentiellement financée par la pression fiscale : la somme des recettes tirées de la taxe d’habitation et de la taxe foncière peut varier de 2,5 % à 11 % du revenu moyen selon les communes. Cette réalité est à mon avis insuffisamment prise en compte dans le mécanisme de péréquation envisagé par les Rapporteurs.
Par ailleurs, sur les critères de charges qu’ils proposent, si je trouve effectivement intéressant de prendre en considération le nombre de logements sociaux, d’étudiants ou d’enfants scolarisés entre 0 et 18 ans, je rappelle toutefois qu’il existe des critères objectifs, liés aux différentes catégories de revenus des habitants, permettant d’évaluer le degré de pauvreté de la population d’une collectivité. Le nombre de bénéficiaires du RSA en est un.
Je suis évidemment favorable à la péréquation horizontale. Mais qui, mieux que l’État, peut définir les critères de répartition des richesses et de péréquation ? Or, dans un certain nombre de communes, la dotation de solidarité communautaire (DSC) n’a de solidaire que le nom.
M. François Scellier. Je souhaiterais revenir sur les critères de charges, et notamment la prise en compte du nombre de logements sociaux. On se heurte à une difficulté qui est celle de la définition du logement social. À l’heure actuelle, on retient une définition uniquement patrimoniale de ce type de logement, fonction de la nature du propriétaire – établissement public, office public HLM, société d’économie mixte, commune – et non une définition fondée sur la situation économique de leurs locataires. Dans de nombreuses villes, il existe des logements sociaux qui ne sont pas considérés comme tels faute d’une définition économique de ce type d’habitat mais qui, eu égard à la nature de leurs occupants, génèrent des charges équivalentes à celles supportées par les « vrais » logements sociaux. Je suis conscient de la difficulté de l’exercice, mais j’estime qu’on ne pourra pas faire l’économie d’un effort de redéfinition de cette notion.
M. Marc Laffineur, Rapporteur. Je rejoins la préoccupation de notre collègue François Scellier. Toutefois, il n’appartient pas à notre mission de proposer une nouvelle définition du logement social. Je ferai la même remarque à Marc Goua : la DSC n’entre pas dans le champ d’étude de notre mission. Pour autant, notre proposition visant à introduire un cliquet de 40 % minimum au bénéfice des communes doit permettre de remédier aux difficultés, parfois importantes, que l’on peut rencontrer dans certaines intercommunalités.
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Informations relatives à la Commission
La Commission a nommé Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Elle a procédé à la nomination de M. Gilles Carrez, rapporteur sur la proposition de résolution européenne sur les recommandations de la Commission européenne relatives aux programmes de stabilité et de réforme de la France (n° 3528).
La Commission a également désigné, selon la liste ci-jointe, les rapporteurs spéciaux sur la loi de finances pour l’année 2012.
Rapporteurs spéciaux | |
1. Action extérieure de l’État |
M. Jean-François MANCEL |
2. Administration générale et territoriale de l’État |
M. Marc LE FUR |
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales : 3. Politiques de l’agriculture ; Développement agricole et rural |
M. Nicolas FORISSIER |
4. Sécurité alimentaire |
M. Philippe VIGIER |
5. Aide publique au développement ; Prêts à des États étrangers |
M. Henri EMMANUELLI |
6. Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation |
M. Jean-François LAMOUR |
7. Conseil et contrôle de l’État |
M. Pierre BOURGUIGNON |
Culture : |
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8. Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
M. Richard DELL’AGNOLA |
9. Patrimoines |
M. Nicolas PERRUCHOT |
Défense : |
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10. Préparation de l’avenir |
M. Jean-Michel FOURGOUS |
11. Budget opérationnel de la défense |
M. Louis GISCARD D’ESTAING |
12. Direction de l’action du Gouvernement ; |
M. Jean-Pierre BRARD |
Écologie, développement et aménagement durables : |
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13. Prévention des risques ; Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer |
M. Jacques Pélissard |
14. Énergie |
M. Marc GOUA |
15. Transports aériens et météorologie ; |
M. Charles de COURSON |
16. Transports routiers, ferroviaires, fluviaux et maritimes ; |
M. Hervé MARITON |
Économie : |
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17. Développement des entreprises et de l’emploi ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés |
M. Jérôme CHARTIER |
18. Tourisme |
M. Jean-Louis DUMONT |
19. Commerce extérieur |
M. Olivier DASSAULT |
20. Statistiques et études économiques ; Stratégie économique et fiscale ; |
M. Jean-Claude MATHIS |
21. Engagements financiers de l’État |
M. Dominique BAERT |
22. Enseignement scolaire |
M. Yves CENSI |
Gestion des finances publiques et des ressources humaines : |
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23. Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local ; Facilitation et sécurisation des échanges |
M. Thierry CARCENAC |
24. Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État ; |
M. Pierre-Alain MUET |
25. Fonction publique ; Provisions |
M. Marc FRANCINA |
26. Politique immobilière de l’État ; Gestion du patrimoine immobilier de l’État |
M. Yves DENIAUD |
27. Immigration, asile et intégration |
Mme Béatrice PAVY |
28. Justice |
N. |
29. Médias ; |
M. Patrice MARTIN-LALANDE |
30. Outre-mer |
M. Claude BARTOLONE |
31. Politique des territoires |
M. Jean-Claude FLORY |
32. Pouvoirs publics |
M. Jean launay |
Recherche et enseignement supérieur : |
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33. Politiques de la recherche |
M. Jean-Pierre GORGES |
34. Recherche dans les domaines du développement durable |
M. Alain CLAEYS |
35. Enseignement supérieur et vie étudiante |
M. Laurent HÉNART |
36. Régimes sociaux et de retraite ; |
MM. Patrick LEMASLE |
37. Relations avec les collectivités territoriales ; |
M. Marc LAFFINEUR |
38. Remboursements et dégrèvements |
M. Jean-Yves COUSIN |
39. Santé |
N. |
40. Sécurité |
M. Michel DIEFENBACHER |
41. Sécurité civile |
M. Georges GINESTA |
42. Solidarité, insertion et égalité des chances |
M. Jean-Marie BINETRUY |
43. Sport, jeunesse et vie associative |
M. Henri NAYROU |
Travail et emploi : |
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44. Politiques du travail et de l’emploi |
Mme Chantal BRUNEL |
45. Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
M. Christian ECKERT |
Ville et logement : |
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46. Ville |
M. François GOULARD |
47. Logement |
M. François SCELLIER |
48. Participations financières de l’État ; (secteur public) |
M. Camille de ROCCA-SERRA |
Rapport d’information (usage des pouvoirs du premier alinéa de l’article 57 de la LOLF) :
49. Affaires européennes |
M. Pierre MOSCOVICI |
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Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 21 juin 2011 à 17 heures
Présents. - M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Pierre Bourguignon, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Gilles Carrez, M. Charles de Courson, M. Jean-Yves Cousin, M. Richard Dell'Agnola, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, M. Marc Francina, M. Marc Goua, M. Marc Laffineur, M. Jean-François Mancel, M. Jean-Claude Mathis, M. Henri Nayrou, M. Hervé Novelli, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, M. Jean-Claude Sandrier, M. François Scellier, Mme Isabelle Vasseur, M. Philippe Vigier
Excusés. - M. Jean-Claude Flory, M. François Goulard, M. Victorin Lurel, M. Michel Vergnier
Assistait également à la réunion. - M. François Pupponi
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