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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 22 juin 2011

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 90

Présidence de M. Jérôme Cahuzac, Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Frédéric Péchenard, directeur général de la Police nationale, et du général Jacques Mignaux, directeur général de la Gendarmerie nationale, sur le projet de loi de règlement pour 2010 (n° 3507) : les principales leçons de l’exécution budgétaire de la mission Sécurité

–  Présences en réunion

La Commission entend M. Frédéric Péchenard, directeur général de la Police nationale, et le général Jacques Mignaux, directeur général de la Gendarmerie nationale, sur le projet de loi de règlement pour 2010 (n° 3507) : les principales leçons de l’exécution budgétaire de la mission Sécurité.

Jérôme Cahuzac, président : Je rappelle que cette audition sur la mission Sécurité s’inscrit dans le cadre de notre examen du projet de loi de règlement pour 2010 et du suivi de l’exécution budgétaire. M. Frédéric Péchenard, directeur général de la Police nationale, et le général Jacques Mignaux, directeur général de la Gendarmerie nationale sont tous deux responsables des programmes qui composent la mission Sécurité même si la Police nationale et la Gendarmerie nationale exercent leurs missions sur des territoires et dans des conditions différentes. Messieurs les directeurs généraux, je vous donne la parole afin que vous nous présentiez brièvement les principaux enseignements que vous tirez de l’année 2010 sur le plan budgétaire.

M. Frédéric Péchenard, directeur général de la Police nationale : Avant de vous parler du projet de loi de finances pour 2012 en cours de préparation, il me paraît utile de vous restituer en quelques mots le contexte général de mon budget. Le programme 176 Police nationale représente près de 8 milliards d’euros de rémunérations et de contributions au compte d’affectation spéciale – CAS – Pensions, soit les crédits de titre 2, auxquels s’ajoute 1 milliard d’euros de crédits de fonctionnement, équipement et investissements hors titre 2. Le programme comporte un effectif de l’ordre de 144 000 ETP.

Le plan triennal 2011-2013 se traduit par un rebasage de la masse salariale, ce qui est une bonne chose, mais ce rebasage est financé sur les crédits de fonctionnement et d’investissement, ce qui annonce de grandes difficultés. Pour la première fois depuis 3 ans, mon budget ne me fait pas craindre une situation critique sur le titre 2. Grâce au rebasage obtenu fin 2010, soit 108 millions d’euros hors CAS Pensions et 153 millions d’euros avec les contributions au CAS, je peux donc enfin mettre en correspondance les emplois et la masse salariale. Pour 2011, j’avais d’ailleurs donné instruction à mes services de présenter un document prévisionnel de gestion – DPG – prévoyant la mise en réserve sur le titre 2 d’un montant supérieur à 40 millions d’euros.

Au total, les moyens budgétaires de la police nationale présentent en programmation triennale une hausse globale, tous titres confondus, de presque 3 %. Toutefois, hormis le rebasage, l’augmentation provient essentiellement de l’augmentation des dotations au CAS Pensions et de l’impact du glissement vieillesse technicité – GVT.

S’agissant des effectifs, la police a naturellement contribué à la RGPP avec une diminution de 4 000 ETPE entre la fin de 2007 et 2011 mais les recrutements complémentaires d’agents de sécurité – ADS – que vous avez autorisés ont permis d’atténuer, sur 2010-2011, les baisses d’effectifs. En l’état actuel de la programmation, les plus fortes diminutions d’effectifs sont prévues en 2012, 1 682 ETPE et en 2013, 1 681 ETPE.

Je vous avoue que ma principale crainte aujourd’hui s’est déplacée sur les moyens de fonctionnement et l’investissement. Le triennal consacre et accélère la baisse du budget de fonctionnement. À titre d’exemple, je n’ai pu renouveler en 2011 que 1 000 véhicules sur les 28 000 de la Police nationale. À ce rythme, la durée de vie d’un véhicule sera de 28 ans, ce qui est impossible pour des voitures qui tournent 24 heures sur 24. Cette situation implique des choix drastiques. La nécessité de maintenir la capacité opérationnelle de la police a conduit à une baisse de l’investissement logistique, technologique et immobilier. Mais cette situation n’est pas durable.

Général Jacques Mignaux, directeur général de la Gendarmerie nationale : La gendarmerie qui est avant tout une arme d’hommes et de femmes a connu ces dernières années d’importantes transformations, ce qui a nécessité de fortes adaptations. Elle a néanmoins tenu à maintenir ce qui fait sa raison d’être, le lien de proximité avec la population.

En 2010, en conséquence de la RGPP, le plafond d’emploi a été abaissé de 1 303 ETP : j’ai choisi de faire porter cette diminution sur les emplois de soutien mais également sur certaines unités opérationnelles tout en essayant de ne pas altérer la performance. En effet, nous avons été désengagés de la surveillance des centres de rétention administrative. Il y a eu également une réduction des transfèrements grâce au développement de la visioconférence. En 2010-2011, 15 escadrons de gendarmes mobiles ont été ou seront supprimés. Ces opérations se sont accompagnées d’un redéploiement sur le terrain. Par ailleurs, nous transformons chaque année 500 emplois au titre du recentrage sur le cœur de métier. En revanche, il n’y a pas eu et il n’y aura pas de suppression de brigade territoriale afin de continuer à couvrir la totalité du territoire national avec la même efficacité.

Avec un plafond d’emploi de 98 155 ETPT en 2010, en baisse de 1 354 par rapport à 2009, notre masse salariale devait nous permettre d’atteindre 96 940 effectifs moyens réalisés, finalement notre réalisation moyenne en 2010 a été de 96 179 ETPT. Alors pourquoi cet écart ? Le départ des gendarmes adjoints volontaires s’est accéléré alors que nous avons eu du mal à en recruter de nouveaux, ainsi que des personnels civils primordiaux pour nos performances opérationnelles.

Aussi, et malgré un surcoût de 10,5 millions d’euros dû aux opérations extérieures, 62 millions d’euros ont été annulés en fin de gestion. Dans le même temps, les dotations du titre 2 ont permis d’améliorer les conditions des personnels et une revalorisation de la grille indiciaire des militaires. Pour 2011, notre dotation de titre 2 votée en loi de finances initiale devrait nous permettre de déployer un maximum d’effectifs sur le terrain grâce notamment au plan de mobilisation des forces de sécurité qui nous a autorisé à relever notre plafond d’emploi de 200 ETP d’ici la fin de l’année.

Pour les moyens de fonctionnement et d’investissement, la LOPPSI promulguée en mars dernier nous apporte des moyens nouveaux. Elle opère un saut technologique : la rénovation des centres opérationnels qui assure la réception de tous les appels des usagers et la gestion des interventions, les déploiements de centrales radio qui permettent la géolocalisation des véhicules, l’essor de la visioconférence qui évite des déplacements, le déploiement de 220 véhicules de lecture automatisée des plaques d’immatriculation – LAPI – qui ont commencé à donner des résultats intéressants pour l’identification des voitures volées. Ces moyens nouveaux ne compensent pas toutefois la contraction des crédits observée dans le cadre de la programmation triennale 2011-2013. En 2011, pour préserver la capacité opérationnelle des unités, j’ai tenu à maintenir en volume les dotations de fonctionnement, au détriment de l’investissement dont les crédits ont subi une baisse de 50 % en 4 ans. La programmation votée dans le cadre triennal n’a pas suivi l’élan de la LOPPSI. Concrètement, je ne suis pas en capacité de lancer de grand programme immobilier alors que le parc domanial vieillit, ni de procéder au renouvellement naturel des véhicules dont l’âge moyen est de 6 ans. De même, le renouvellement et la mise à niveau du parc informatique prennent du retard. Sur le hors titre 2, en 2010, 62 millions d’euros ont été gelés et je n’ai obtenu que le dégel de 13,2 millions d’euros pour financer les besoins nécessités par les opérations extérieures et 8 millions d’euros pour l’acquisition en 2011 d’un hélicoptère EC 135. Cette année, nous avons obtenu avec beaucoup de satisfaction le dégel total des crédits, ce qui va nous permettre de faire face aux charges liées à la réforme de la garde à vue.

En définitive, si les perspectives budgétaires ne s’améliorent pas, la baisse de mon budget d’investissement constituera ma principale préoccupation.

M. Michel Diefenbacher. Nous constatons en effet que la dépense globale de la mission Sécurité en 2010 a été conforme aux prévisions de la loi de finances initiale. Au-delà de cette observation générale, l’analyse plus précise des crédits montre l’existence de deux distorsions. La première se situe entre les services de police et ceux de gendarmerie. La police a consommé un peu plus que les prévisions initiales, de l’ordre de + 1,23 %, la gendarmerie consommant un peu moins, - 1,56 %.

La deuxième distorsion se trouve entre les crédits de rémunérations d’une part et les crédits de fonctionnement et d’investissement d’autre part. Comme viennent de l’évoquer les deux directeurs généraux, nous sommes en présence d’une difficulté particulière pour la DGPN : la maîtrise des rémunérations. En 2010 a été observé un dépassement de 68 millions d'euros des dépenses de rémunérations par rapport aux inscriptions en loi de finances initiale sur le programme Police nationale. Cela a évidemment provoqué un certain nombre de conséquences sur les autres dépenses, qu’il a fallu comprimer pour maintenir l’enveloppe globale. Apparaissent ainsi en fait deux difficultés : la gestion de la masse salariale, en particulier celle de la police nationale, et la nécessité de faire face à l’ensemble des besoins opérationnels, compte tenu de la compression des crédits de fonctionnement et d’investissement.

Je souhaite poser six questions aux directeurs généraux.

La première concerne la gestion de la masse salariale et s’adresse essentiellement au directeur général de la Police nationale. Le « rebasage » en loi de finances initiale pour 2011 devrait permettre une correspondance des dotations avec les besoins plus précise que par le passé. Comment se passe la gestion de ces crédits en 2011 et quelles sont les perspectives pour 2012 ? Les ajustements en cours d’exercice, observés par le passé, seront-ils évités ? En ce qui concerne la gendarmerie, comment s’expliquent les départs à la retraite nettement plus importants que prévus en 2010 – 3 223 départs pour 2 380 prévus ? Quelles sont là encore les perspectives pour 2011 et les années suivantes ?

La deuxième question porte sur les dépenses de fonctionnement et d’investissement, et plus particulièrement sur les dépenses immobilières de loyers et les opérations de partenariat public privé – PPP. Ces dépenses sont en augmentation et représentent des charges très lourdes pour les deux services. Les loyers représentent ainsi 36 % des dépenses de fonctionnement et d’équipement de la gendarmerie nationale. Il s’agit là d’un paramètre qui peut s’avérer important en gestion.

Quelle est votre appréciation sur les opérations de PPP ? Il est apparu dans un premier temps que ces dispositifs pouvaient permettre de mener à bien un certain nombre de projets : cinq opérations sont en cours de réalisation pour la direction générale de la police nationale, six pour la direction générale de la gendarmerie nationale, une septième étant prévu en 2012. Cependant la lecture des documents budgétaires montre que ces opérations risquent d’être en réalité plus coûteuses que prévues. Partagez-vous ce constat ? Quelles conclusions en tirer pour l’avenir ?

En ce qui concerne la réorganisation des forces de sécurité qui est l’objet de ma troisième question, l’importance des mesures prises ces dernières années ne peut que nous impressionner : restructuration des services, modernisation des méthodes, renforcement des moyens. Si l’on s’attache à la seule restructuration des services, il faut rappeler le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur, le redéploiement des zones de police et de gendarmerie, la mutualisation des moyens, la création de services communs, en particulier les groupements d’intervention régionaux – GIR –, le regroupement des services de renseignement au sein de la police nationale, la création de la police d’agglomération, le renforcement de la police de proximité, etc.

Globalement, les résultats correspondent aux attentes : avec des moyens mieux maîtrisés, les résultats en termes de délinquance et de taux d’élucidation continuent à s’améliorer. Il manque cependant l’appréciation de ces différentes mesures de restructuration, en termes d’efficacité de la gestion budgétaire. Dans la perspective de poursuivre ou non la mise en œuvre de ces dispositifs, il est important d’en évaluer précisément l’efficacité. S’agissant notamment des redéploiements territoriaux entre police et gendarmerie, un certain nombre de circonscriptions de police demeurent encore situées en dessous du seuil de 20  000 habitants. Doit-on appliquer ce seuil de 20 000 habitants à l’ensemble du territoire national et ce seuil est-il définitivement pertinent ? Il apparaît indispensable d’évaluer précisément l’efficacité des mesures de redéploiement territorial déjà intervenues si un nouveau seuil – 30 000 habitants ou plus – devait être défini.

La quatrième question porte sur les forces de maintien de l’ordre. Comme l’ont indiqué les deux directeurs généraux, les mesures de compression des effectifs de CRS d’une part, et de suppression d’escadrons de gendarmerie mobile d’autre part, ont été menées différemment dans les deux services. Pour les CRS, les réductions d’effectifs ont entraîné une modification du format des compagnies, sans en modifier leur nombre. La solution adoptée pour les escadrons de gendarmerie mobile est exactement inverse : leur nombre a été réduit et le format de chacun des escadrons a été maintenu. Compte tenu de l’expérience acquise, existe-t-il un instrument de la mesure de la pertinence de ces choix différents ? Ces choix peuvent-ils être remis en question par l’un ou l’autre des services ?

La cinquième question porte sur la police scientifique et technique. Ce domaine a connu une véritable révolution au cours de ces dernières années. Est-il possible de faire le point sur cette politique, en particulier en ce qui concerne le développement des grands fichiers de la police scientifique : le fichier automatisé des empreintes digitales – FAED – et le fichier national d’analyse des empreintes génétiques – FNAEG. Quelles sont les perspectives de développement de la police technique et scientifique, sachant que ce domaine doit être, de mon point de vue, celui à privilégier en cas d’investissement majeur ?

Enfin, la sixième question concerne la réforme de la garde à vue. Malgré le peu de recul que nous avons sur la mise en œuvre de la réforme, pouvez-vous confirmer les évaluations budgétaires associées au projet de loi de finances rectificative pour 2011, ou est-il déjà indispensable de mettre en œuvre des investissements plus importants pour adapter les locaux de garde à vue aux nouvelles règles fixées par la Cour de cassation ?

M. Frédéric Péchenard. En ce qui concerne la gestion de la masse salariale en 2011 et 2012, je rappelle que les difficultés réelles observées en 2009 et 2010 dépendent, au-delà du coût des mesures catégorielles, de plusieurs facteurs, de celui du GVT, mais également du changement de comportement des policiers pour leur départ à la retraite. Alors que, jusqu’à présent, les policiers partaient à la retraite entre 52 ans et 57 ans au maximum, la possibilité leur a été offerte de rester en activité jusqu’à 65 ans, sans que l’administration puisse intervenir. Cela a eu pour conséquence le maintien dans les cadres d’un certain nombre d’officiers, de commissaires, de majors, en général les plus gradés et les plus anciens, et il en est résulté un accroissement incontestable de la masse salariale. Ces difficultés proviennent essentiellement d’un défaut initial de « rebasage » des crédits de rémunérations en loi de finances initiale pour 2009. Pour 2011 et 2012, l’évolution des dépenses de titre 2 ne m’inspire aucune inquiétude : 8,118 milliards d’euros de crédits ont été ouverts, qui incorporent un « rebasage » de 150 millions d'euros. Une réserve de 40,5 millions d'euros a été constituée en gestion 2011. Cette réserve va permettre de financer le plan de mobilisation des moyens présenté par le ministre de l’Intérieur, avec pour objectif l’augmentation de la présence et de la visibilité de la police par le recrutement de 800 ADS, le financement de 35 000 vacations supplémentaires de réservistes et un paiement d’heures supplémentaires ciblées. Le dégel de la réserve de précaution a été demandé ainsi qu’un abondement des crédits hors titre 2, au titre de la fongibilité asymétrique, à hauteur de 10 millions d'euros.

Je répète que mes inquiétudes portaient sur les dépenses de personnels en 2009 et 2010, elles concernent les dépenses de fonctionnement et d’investissement hors titre 2 pour 2011 et 2012.

La procédure du PPP s’apparente à un achat à crédit : c’est plus rapide, mais c’est plus cher ! Le PPP permet de construire rapidement des commissariats, mais cela coûte cher sur le long terme. Il ne s’agit pas d’exclure a priori la possibilité de recourir à cette procédure : elle peut se révéler nécessaire pour lancer certaines opérations prioritaires. Il convient cependant d’y prêter attention car cela engage l’avenir de la police nationale et des loyers.

Je confirme vos propos sur la réorganisation des forces de sécurité. J’ajoute cependant que deux directions ont été supprimées au sein de la police nationale dans le cadre de la RGPP. La direction centrale du renseignement intérieur – DCRI – a été créée en fusionnant la DST et la Direction centrale des renseignements généraux – DCRG. Pour donner davantage de cohérence à l’action de formation et de recrutement, la Direction de l’administration de la police nationale – DAPN – et la direction de la formation ont été également fusionnées pour créer la direction des ressources et des compétences de la police nationale – DRCPN.

Nous continuons à travailler en étroite intelligence avec la gendarmerie pour le déploiement de la police d’agglomération et de la police des territoires. La démarche est de prévoir une force de sécurité par bassin de délinquance : les victimes et les auteurs des faits doivent être traités au même endroit dans un souci de cohérence de notre action. Ces redéploiements sont effectifs pour les agglomérations de Paris et de Lille, ou en cours de mise en œuvre à Lyon au 1er juillet, à Marseille et Bordeaux avant la fin de l’été.

M. Frédéric Péchenard. Nous avons procédé à la création de services communs à la police et à la gendarmerie, en particulier la direction de la coopération internationale – DCI – et également le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure – STSISI. Il ne semble pas souhaitable de créer de nouvelles structures communes, compte tenu de l’intérêt de conserver deux forces de sécurité distinctes. Par ailleurs, nous continuons de procéder à des achats communs pour les véhicules ou pour les pistolets automatiques SIG Sauer, par exemple.

Nous avons fait un choix différent quant aux réductions d’effectifs dans les unités de maintien de l’ordre. Les compagnies de CRS n’ont pas subi de suppression organique. Il demeure onze compagnies constituées maintenant de quatre sections au lieu de six, ce qui correspond à une diminution d’effectifs équivalant à 5,5 compagnies. Chaque compagnie comprend 140 ETPT au lieu de 150, ce qui permet de disposer de 85 CRS en opérations. Je considère que la conservation des unités constituées de CRS est une réussite.

Je suis pleinement d’accord avec M. Diefenbacher sur l’intérêt de la police technique et scientifique – PTS. Un audit complet a été diligenté dans le cadre d’une mission qui continue ses activités. L’amélioration des deux fichiers de PTS, le fichier automatisé des empreintes digitales – FAED – et le fichier national d’analyse des empreintes génétiques
– FNAEG –, ne suffit pas. Le déplacement systématique de fonctionnaires spécialistes ou polyvalents est indispensable sur les scènes d’infractions pour assurer le recueil des indices. Les premiers réussissent à prélever environ 30 % de plus de traces exploitables que les polyvalents, qui bénéficient de stages de formation. Il faut améliorer la PTS et l’on se dirige vers la création d’un troisième fichier de reconnaissance faciale, qui pourrait servir à l’exploitation des données de vidéo surveillance.

Par ailleurs, on développe la mise en œuvre de logiciels de rapprochements judiciaires, comme, à partir de janvier 2012, un instrument permettant de mettre en commun les fichiers d’antécédents de la police et de la gendarmerie. On ne peut que se féliciter de la très forte diminution des homicides volontaires en France, qui est l’un des résultats obtenus par le développement de la PTS : 1 500 homicides en 1990 et 670 en 2010. Entre ces deux dates, le taux d’élucidation a progressé de 70 % à 90 % environ.

La réforme de la garde à vue m’a causé un motif de satisfaction et un sujet d’inquiétude. Ce véritable tsunami procédural, résultant de décisions de la Cour de cassation d’application immédiate, exigeant la présence d’un avocat en garde à vue, a suscité la réaction très positive des fonctionnaires de police. Cependant, l’inquiétude demeure car les agents de police judiciaire continuent leur travail dans un cadre juridique non sécurisé.

Général Jacques Mignaux. Les départs à la retraite ont été plus importants que prévu dans la gendarmerie en 2010, alors que traditionnellement, les deux tiers des gendarmes partent avant la limite d’âge et un tiers à la limite d’âge. On peut penser que le débat sur la réforme des retraites en 2010 a pu peser sur la décision des personnels concernés. En 2011, le flux de retraités est un peu plus élevé que prévu, mais il est prématuré d’en tirer des conclusions sur l’ensemble de l’année. Je déplore dans ces départs une perte d’expérience et de maturité professionnelle qui est préjudiciable au fonctionnement de l’arme. Ces écarts par rapport aux prévisions posent quelques problèmes pour l’organisation des recrutements, en particulier pour les officiers.

Les opérations de partenariats public privé – PPP –, conduites à partir de 2002, ont donné d’excellents résultats. Elles ont permis la construction rapide de casernes, plus rapide que les trois ou quatre ans qui étaient nécessaires lorsqu’il s’agissait de suivre une procédure habituelle. Cela étant, on peut estimer un surcoût de loyers d’environ 30 % en cas de bail emphytéotique administratif – BEA. Les PPP présentent également l’inconvénient de cristalliser les crédits de fonctionnement et de nous faire perdre nos marges de manœuvre budgétaires. Alors que nous avons environ 3 400 casernes à construire et entretenir, les loyers de la gendarmerie connaissent également une augmentation supérieure à celle de l’inflation.

Le travail de réorganisation de nos forces et les redéploiements police gendarmerie constituent une tâche de grande ampleur. Les résultats sont au rendez-vous, qu’il s’agisse de la baisse de la délinquance ou de l’amélioration des taux d’élucidation. Il s’y ajoute l’amélioration des méthodes, le développement des groupes d’intervention régionaux – GIR –, et la forte croissance de l’utilisation des grands fichiers de police technique et scientifique
– FAED et FNAEG.

Nous poursuivons, policiers et gendarmes, le travail en commun sans sacrifier à quelque dogme de mutualisation à tout crin. Ainsi, nous refusons d’envisager la mise en place d’un commandement départemental commun, car des problèmes d’autorité pourraient survenir.

Les redéploiements géographiques font l’objet d’une enquête de la Cour des comptes, à votre demande. Cette démarche a du sens, mais la réorganisation des compétences territoriales génère des surcoûts dans un premier temps, qu’il s’agisse de la gestion des personnels ou d’accompagnement social de leurs familles. La démarche sera poursuivie finement par des ajustements équilibrés. Nous avons mis en place également un dispositif de coopération opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires – CORAT. Ce nouveau cadre de coopération, l’habitude que nous avons de nous prêter main-forte en cas d’urgence, illustrent, s’il en était besoin, les bonnes pratiques qui unissent la police et la gendarmerie.

Depuis une dizaine d’années, le seuil de 20 000 habitants sert à délimiter le partage des compétences entre la gendarmerie et la police. Oui, il faut se poser la question de l’évolution de ce critère lorsque l’on est en présence de petites agglomérations, qui peuvent comprendre plus de 20 000 habitants, mais qui devraient cependant logiquement être transférées à la gendarmerie nationale. Il faut agir au cas par cas avec souplesse.

La création du service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure – STSISI – répond à la nécessité d’une bonne gouvernance du ministère de l’Intérieur en matière de systèmes d’information. Il convenait de rationaliser la recherche-développement dans ce domaine.

La gendarmerie participe également au développement de la PTS de proximité et dispose de 5 000 techniciens d’identification criminelle de proximité.

La réforme de la garde à vue génère des surcoûts : les brigades de gendarmerie peuvent disposer de locaux de garde à vue mais il convient d’améliorer la confidentialité des entretiens. Nous avons fait l’acquisition de détecteurs de métaux afin d’améliorer la dignité des personnes interrogées, de kits d’hygiène, et de 450 équipements de visio conférence permettant la liaison à distance de l’officier de police judiciaire avec le procureur de la République lorsque la garde à vue doit être prolongée au-delà de 24 heures.

Le chiffrage des besoins qu’exige la réforme n’est pas encore certain même si les moyens dont nous disposons ne suffisent pas tout à fait. La mise en œuvre de la réforme est préoccupante, on peut craindre la prolifération des questions préalables de constitutionnalité et des interventions de l’avocat qui pourtant devrait rester « taisant ». Si un même avocat assiste simultanément plusieurs gardés à vue sur une même affaire, il est évident que l’efficacité des entretiens en sera diminuée.

M. Jean-Jacques Urvoas. Pouvez-vous me confirmer que, pour les principaux corps de fonctionnaires et militaires, les suppressions d’effectifs dans la police et la gendarmerie ont été moins importantes que prévues en 2010 : 2 904 emplois rendus au lieu des 3 264 prévus en PLF ? Par ailleurs, est-il confirmé que les suppressions d’emplois ont été plus importantes dans la gendarmerie que dans la police ?

Le ministre de l’Intérieur vient d’annoncer que 4 000 personnels supplémentaires seraient consacrés à la voie publique. Ne s’agit-il pas en fait d’ETPT reconstitués, à savoir, environ 1 000 gendarmes adjoints volontaires – GAV – et adjoints de sécurité – ADS –, des réservistes dont les contrats prendront fin au plus tard le 31 décembre, et des ETP correspondant à des jours de repos travaillés et rémunérés ?

Je souhaiterais avoir des précisions sur les ouvertures de crédit dans la police en gestion 2010 – il s’agirait de 127 millions d'euros – alors que des annulations ont été également opérées.

Le directeur général de la Police nationale peut-il confirmer ses déclarations au Sénat, selon lesquelles une nouvelle diminution des effectifs des forces mobiles serait envisageable voire souhaitable, mais difficile à annoncer juste avant des élections générales. Cette déclaration constitue-t-elle une invitation à diminuer ces effectifs ou bien un regret d’y être contraint ?

Enfin, la gendarmerie dispose de plusieurs formations musicales. Sont-elles menacées par la RGPP ?

M. Jean-Claude Mathis. Le directeur général de la Gendarmerie nationale a souhaité le recentrage de la gendarmerie sur son cœur de métier. J’ai le souvenir d’un syndicaliste de la police qui avait indiqué que 30 à 40 % des policiers étaient occupés à tout autre chose que la sécurité des biens et des personnes. Quelle est la marge de progrès ?

Il a évoqué aussi sa préoccupation en matière de dépenses immobilières alors que les collectivités territoriales participent de différentes façons au financement de la construction des locaux de gendarmerie. Les réajustements de loyers pèsent-ils fortement sur l’enveloppe des crédits de fonctionnement ?

M. Frédéric Péchenard. En réponse à Monsieur Urvoas, j’indique que les plafonds d’ETPT de la police sont passés de 146 180 en loi de finances initiale pour 2009 à 144 790 en loi de finances initiale pour 2010.

Les renforts de policiers sur la voie publique annoncés par le Gouvernement se répartissent de la façon suivante : 800 ADS recrutés au-delà des prévisions avant la fin de l’année, 35 000 vacations de réservistes, et des heures supplémentaires rétribuées notamment pour la police des transports.

Je m’exprime franchement et je souhaite préciser mes propos tenus au Sénat. J’ai d’abord indiqué qu’il convenait de sanctuariser les effectifs dédiés à l’investigation judiciaire, en particulier ceux de la PTS. Cela a été autrefois une erreur d’opérer des prélèvements sur ces effectifs pour renforcer la police de proximité. En effet, l’investigation judiciaire permet d’augmenter les mis en cause et les taux d’élucidation. J’ai ajouté qu’il fallait préserver les effectifs de la direction centrale du renseignement intérieur – DCRI –, compte tenu de la menace constante du terrorisme islamiste. Nous avons préservé la France jusqu’à présent de tout attentat, grâce à la qualité du renseignement et à une législation adaptée permettant des arrestations préventives. J’ai considéré aussi qu’il fallait sanctuariser les effectifs des services généraux, compte tenu de la nécessité de déployer sur le terrain des policiers visibles comme les « patrouilleurs ».

Alors, où pourrions-nous envisager une nouvelle baisse des effectifs, très éventuelle et dépendant d’ailleurs du résultat des échéances politiques de 2012 ?

Le dispositif de formation a déjà été réduit mais on pourrait se contenter de 5 écoles importantes de gardiens de la paix. Il existe donc une marge de manœuvre réduite. Ensuite, j’ai ajouté que la réduction des forces mobiles, si elle n’était pas souhaitable, risquerait d’apparaître nécessaire.

Il faudrait aussi s’attaquer aux charges indues pour recentrer la police sur son cœur de métier. Deux expériences sont actuellement menées au plan régional pour que la prise en charge des personnes transférées soit assurée par l’administration pénitentiaire. Je regrette que l’on continue d’obliger les fonctionnaires de police à assurer la charge des formalités de vote par procuration. Cela étant, l’ouverture de la réserve de la police à des non policiers va nous permettre de recruter des réservistes dédiés à cette tâche. Comme vous, je suis d’accord sur le fait que les policiers ont pour mission d’arrêter les voyous !

Le général Jacques Mignaux. Le plafond d’ETPT est passé de 99 509 en loi de finances initiale pour 2009 à 98 155 en loi de finances initiale pour 2010. L’effectif des ETP réalisés a été réduit de 97 416 au 31 décembre 2009 à 96 107 au 31 décembre 2010. Les personnels supplémentaires annoncés par le ministre de l’Intérieur ont les mêmes caractéristiques que pour la police : des recrutements nouveaux, des réservistes, et des heures de récupération travaillées. Cela apporte une vraie marge de manœuvre.

Environ 74 millions d'euros de masse salariale n’ont pas été consommés en 2010, 60 millions d'euros ont été annulés et environ 14 millions d'euros ont été reportés sur 2011 en moyens de fonctionnement et d’investissement. Sur ce même poste des moyens hors titre 2, 49 millions d'euros de crédits mis en réserve ont été annulés en 2010.

La gendarmerie dispose de deux formations musicales, celle de la Garde républicaine et celle de la Gendarmerie mobile, qui assurent tout le service du protocole de l’État. 25 ETPT seront supprimés en 2012-2013, mais je ne suis pas favorable à un regroupement de ces deux formations qui ont une identité très forte. Les manifestations protocolaires doivent être marquées d’un certain décorum qu’il convient d’entretenir, même si nous ne nous produisons pas dans les kiosques et les chefs lieux de cantons.

Je ne suis pas non plus favorable à une nouvelle diminution des effectifs des forces mobiles de la gendarmerie qui sont soumises à des missions outre mer très exigeantes, leur imposant des contraintes très fortes de rotation.

Qu’est ce que le cœur de métier pour la gendarmerie ? Nous disposons de trois catégories de personnels : des militaires sous statut de gendarme accomplissant des missions de police administrative et judiciaire, dont le coût est élevé, mais l’activité absolument indispensable ; des militaires du corps de soutien ; et des civils. On peut envisager des transformations de postes.

Je suis également attaché à la présence des gendarmes sur la voie publique alors qu’ils sont trop souvent sollicités pour des procédures judiciaires et administratives éloignées de leur cœur de métier. Le maintien de gendarmes en nombre suffisant doit permettre d’éclairer le débat sur les polices municipales.

Je tiens à remercier les élus pour l’appui des collectivités territoriales au rajeunissement du parc immobilier de la gendarmerie, en particulier dans les zones rurales isolées où la qualité des emprises est une condition du maintien du maillage territorial. Elle aide les familles à mieux supporter l’isolement des brigades. Mon souci principal est celui de l’entretien de l’immobilier domanial qui a subi ces dernières années un net vieillissement, voire un processus de paupérisation. Aucun gendarme présent à Aubervilliers ne regrette les locaux de la gendarmerie mobile qu’ils viennent de quitter, compte tenu de leur état. Le coût des loyers augmentant davantage que le budget de fonctionnement, la solution consiste à augmenter les dotations budgétaires.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je tiens à remercier très vivement les directeurs généraux que nous venons d’auditionner pour la franchise de leurs propos et la très grande qualité des réponses qu’ils nous ont apportées. Parmi toutes les auditions que la commission des Finances a menées sur le projet de loi de règlement, cet entretien est incontestablement l’un des plus intéressants.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 22 juin 2011 à 16 h 15

Présents. - M. Jean-Pierre Balligand, M. Claude Bartolone, M. Yves Censi, M. Richard Dell'Agnola, M. Jean-Louis Dumont, M. Marc Francina, M. Laurent Hénart, M. Jean Launay, M. Jean-François Mancel

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Michel Bouvard, M. Jean-Claude Flory, M. François Goulard, M. Victorin Lurel, M. Michel Vergnier

Assistaient également à la réunion. - Mme Delphine Batho, M. Jean-Jacques Urvoas

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