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La Commission entend M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor, et M. Anthony Requin, directeur général adjoint de l’agence France Trésor, sur la Facilité européenne de stabilité financière (FESF).
M. le président Jérôme Cahuzac. Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor, et M. Anthony Requin, directeur général adjoint de l'agence France Trésor.
En juin 2010, le Parlement a autorisé l'État à apporter sa garantie à une nouvelle entité, le Fonds européen de stabilité financière – FESF –, dans la limite de 111 milliards d’euros. J’ai transmis à tous les commissaires les informations que j’ai reçues de Mme le ministre de l'économie le 23 juin dernier, à propos des émissions de titres du Fonds au profit de l'Irlande et du Portugal.
Par ailleurs, dans le projet de loi de finances rectificative en cours de discussion, le Gouvernement a, par amendement, demandé au Parlement l'autorisation de porter sa garantie à 159 milliards d’euros afin d'augmenter la capacité maximale de prêt du Fonds.
L’aide accordée à la Grèce l’a été jusqu’à présent sous forme de prêts accordés par des États de l'Union européenne. Le Fonds va-t-il se substituer à eux ? Si oui, de quelle façon ? Ensuite, pouvez-vous faire le point sur les soutiens actuellement accordés à la Grèce et à l'Irlande et bientôt au Portugal ? Comment se décomposeront les contributions des États entre garantie et surgarantie, une fois les nouvelles dispositions adoptées ?
Comment gère-t-on la « réserve de liquidité » représentant la différence entre les fonds levés sur les marchés et les prêts effectivement consentis aux pays aidés ? Quelle est enfin la raison d'être de l’amendement à l’article d’équilibre du PLFR, que le Gouvernement à a introduit au Sénat, qui autoriserait l'État à placer des liquidités auprès du FESF ?
M. Gilles Carrez, Rapporteur général. La loi de règlement de 2010 a montré que nous avions déjà décaissé 4,45 milliards d’euros en faveur de la Grèce sur une autorisation d'engagement de 16 milliards. Qu’en est-il des risques de décaissement, sur le plan budgétaire, qui existeraient au titre du second mécanisme, lequel joue en garantie ?
M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor. Je rappellerai en quelques mots le contexte. Le programme de redressement de l’économie grecque lancé au tout début du mois de mai 2010 comporte un plan sans précédent de soutien international de 110 milliards d’euros – 30 milliards pour le FMI et 80 milliards pour l’Union européenne. L’aide étant apportée dans le cadre de prêts d’État, nous avons levé directement sur les marchés notre quote-part.
Toutefois, face à la pression des marchés qui persistait en l’absence de réponse globale à la crise, l’Eurogroupe a décidé dès le week-end des 8 et 9 mai 2010 de mettre en place un nouvel instrument de financement et de soutien : la Facilité européenne de stabilité financière – FESF –, dotée de 440 milliards d’euros de capacité de prêt, auxquels s’est ajouté un potentiel de prêt de 60 milliards octroyé par la Commission, qui lève sur les marchés des fonds garantis par le budget communautaire. L’Union européenne était donc prête, en cas de contagion, à mobiliser 500 milliards d’euros, le FMI apportant de son côté 250 milliards, ce qui faisait un total de 750 milliards d’euros. Dès le lundi matin, la Banque centrale européenne achetait des titres de dette pour contribuer à calmer les marchés et à stabiliser les taux d’intérêt.
Pour diverses raisons, en 2010 et au début de 2011, les pressions se sont renforcées sur d’autres États de la zone euro : l’Irlande et le Portugal ont choisi, l’un plus rapidement que l’autre, de demander leur aide à l’Union européenne et au FMI. Les programmes de soutien à l’Irlande et au Portugal représentent respectivement quelque 85 milliards d’euros et un peu moins de 80 milliards. Ces programmes mobilisent à la fois la Facilité créée à l’été 2010, le mécanisme de la Commission et le FMI.
La Facilité, pour se financer sur les marchés au moindre coût, devait être dotée de la note triple A. À cette fin, il est apparu nécessaire, après discussions avec les agences de notation à l’été 2010, d’introduire des sortes de coussins de protection, qui ont abouti à ramener la capacité de prêt réelle à un montant situé entre 220 et 250 milliards d’euros. Les marchés et les observateurs n’ont pas manqué de s’en rendre compte. C’est pourquoi, pour faire face aux difficultés rencontrées dans la zone euro, il a fallu restaurer très rapidement la capacité initialement annoncée de 440 milliards d’euros. Tel est l’objet du texte qui a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale après validation par le Conseil européen du mois de mars. La France va augmenter son niveau d’exposition théorique, via les garanties qu’elle octroie. Je tiens à préciser que, même si tous les États s’engagent de la même façon, les agences de notation ne tiennent compte que des pays bénéficiant du triple A. Notre plafond de garantie sera donc porté de 120 à 165 % de notre quote-part, et notre exposition de 111 milliards à 159 milliards d’euros. Tous les pays de la zone euro ont engagé la même démarche que la France, à l’exception de deux États qui n’ont pas besoin, pour modifier leur niveau maximum d’engagement, de saisir à nouveau leur Parlement.
L’impact de la FESF sur la dette brute correspondant aux montants effectivement tirés, il est nul au moment de l’engagement. Lorsque le Portugal ou l’Irlande font appel à la FESF, la dette brute de la France s’accroît à hauteur de sa quote-part, soit quelque 20 % des décaissements, mais il n’y aura de dépense budgétaire qu’en cas de défaut de paiement, hypothèse qui n’est pas aujourd'hui envisagée.
M. le Rapporteur général. Monsieur le directeur, les 16 milliards d’euros d’aide à la Grèce que nous avons votés seront-ils intégralement appelés ou nous en tiendrons-nous au montant déjà versé, en faisant appel au Mécanisme européen de stabilité financière créé depuis pour les besoins futurs ?
M. Ramon Fernandez. S’agissant de la Grèce, je n’ai pas la réponse définitive. Le Conseil européen des 23 et 24 juin a pris note de la demande du Premier ministre grec d’engager des négociations sur un nouveau programme d’une durée plus longue, pour aller au-delà de l’échéance actuelle de mai 2013, jusqu’au printemps 2014. La communauté internationale devra donc mobiliser des financements et des prêts supplémentaires, en contrepartie du plan de redressement de l’économie grecque qui est actuellement débattu par le Parlement grec. Ce nouveau programme de trois ans, qui devrait donc courir de la mi-2011 à la mi-2014, sera-t-il financé par la FESF ou continuera-t-il de l’être, au moins partiellement, par les prêts bilatéraux jusqu’à épuisement des engagements ? La question est posée. La logique voudrait qu’à compter de l’automne 2011, ce soit, comme pour l’Irlande et le Portugal, la FESF qui prenne le relais. Mais les deux options sont possibles : chacune a ses avantages et ses inconvénients.
M. le Rapporteur général. Les banques participeront-elles, aux côtés des institutions publiques, au financement du nouveau dispositif en faveur de la Grèce ?
En janvier 2010, les banques françaises étaient nettement moins engagées que les banques allemandes. La presse affirme que c’est l’inverse aujourd'hui ! Qu’en est-il au juste puisque le nouveau plan devrait retenir les expositions actuelles ?
M. Jérôme Chartier. Quels sont, au mois le mois, les besoins de financement de la Grèce ? Comment la dette grecque est-elle évaluée sur les marchés secondaires ?
Enfin, où en sont, au plan européen, les discussions avec les banquiers, s’agissant d’une éventuelle rallonge à la Grèce ? Est-il envisageable, sans parler de restructuration de la dette, qu’ils participent à de nouveaux emprunts à longue échéance contre un remboursement par anticipation d’emprunts anciens ?
M. Charles de Courson. La commission des Finances n’a jamais obtenu de chiffres précis sur les besoins de financement de la Grèce, de 2010 à 2014, notamment sur ceux correspondant au remboursement des dettes échues. Or, ce faisant, on substitue de l’endettement public à de l’endettement privé. Cela renvoie à l’affaire du Crédit Lyonnais : nous avons remboursé intégralement leurs 70 milliards de prêts aux banques tierces alors qu’il aurait fallu exiger des efforts de chacun. Dès janvier 2010, j’ai prévenu Mme Lagarde que les peuples ne supporteraient pas durablement un tel mécanisme. On oublie trop souvent, dans les réunions internationales, que ce sont finalement eux qui paient ! Je répète ma question : quels sont les besoins de financement de la Grèce et à quelle hauteur les prêts accordés remboursent-ils les banques ?
Confirmez-vous que le plan français prévoit que les banques et les assurances françaises créancières de la Grèce réinvestiront, sur la base du volontariat, 70 % des sommes perçues en remboursement des obligations grecques arrivées à échéance ; et que, sur ces 70 %, 50 % seront alloués à des nouveaux emprunts publics grecs à trente ans, le solde de 20 % devant être placé en obligations à taux zéro ?
Enfin, à quel niveau de déficit budgétaire la Grèce sera-t-elle de nouveau capable d’emprunter sur les marchés ? Mme Lagarde avait évoqué des prêts à six ans, mais jamais les Grecs ne seront capables de respecter une telle échéance !
M. Christian Eckert. J’imagine mal que l’Autorité de contrôle prudentiel, ou quelque autre institution, ne puisse pas nous donner le montant des engagements des banques françaises en Grèce ? Comment ces créances ont-elles évolué sur les quinze derniers mois ?
M. Ramon Fernandez. Les ministres de l’Eurogroupe ou de l’Ecofin se posent les mêmes questions que vous.
Nous sommes d’accord : l’argent public ne doit pas se substituer à l’argent privé. Nous avons donc réuni dès le printemps 2010 les banques et les compagnies d’assurance et l’Institut de finance internationale – Institute of international finance : IIF – a, si je me rappelle bien, publié dès le 3 mai 2010 un communiqué indiquant que les banques maintiendraient leurs expositions en Grèce sur toute la durée du programme. Deux fois, en 2010, nous avons fait le point sur ces questions avec nos banques et nos compagnies d’assurance. Entre le printemps 2010 et le printemps 2011, banques et compagnies d’assurance françaises ont donc respecté leurs engagements, à l’exception probable de l’amortissement des échéances intervenues entre-temps, mais nous ne pouvons manquer d’observer que la Grèce, n’ayant plus accès aux marchés depuis un an, n’émet plus de titres de dettes et qu’on ne peut donc plus en souscrire.
Un stress test est actuellement conduit auprès des principales banques européennes. Aux mois de juin et de juillet 2010, l’exposition à la dette souveraine de la zone euro détenue par l’ensemble des banques de la zone avait été publiée. Elle le sera à nouveau en juillet prochain : on saura alors si la situation des banques françaises est comparable à celle des autres grandes places financières européennes.
Il faut assurément impliquer les investisseurs privés pour éviter la restructuration de la dette grecque. Et, pour cela, il ne faut pas les faire fuir ! Leur faire comprendre que leur intérêt est de continuer à financer les États en difficulté est donc un exercice délicat. N’oubliez pas non plus que, derrière les banques ou les assurances, il y a l’épargne de leurs clients, donc des Français. Il faut aussi que les investisseurs institutionnels, qui sont des fonds de pension ou des organismes de gestion collective, continuent d’acheter de la dette des États en difficulté. S’ils ne peuvent plus se financer sur les marchés parce qu’on aurait fait fuir les investisseurs, la sphère publique restera la seule à pouvoir les financer. Autant nous n’avons aucun état d’âme à dialoguer, comme nous le faisons depuis un an, avec nos banques et nos compagnies d’assurance pour les inciter à assumer leur part de responsabilité, autant un discours très offensif pourrait les faire fuir, ce qui aurait l’effet inverse de l’effet recherché. Il s’agit de préserver un équilibre fragile.
La France a été le premier pays de la zone euro à réunir, dès mercredi dernier, l’ensemble des banques et des compagnies d’assurance pour leur expliquer les mesures prises à Luxembourg dans la nuit du dimanche au lundi précédents et leur rappeler que nous attendions d’elles qu’elles jouent le jeu, condition nécessaire du succès. Je crois qu’elles l’ont compris puisqu’elles ont travaillé d’arrache-pied à un dispositif. Il n’est du reste pas question pour nous de donner des garanties publiques supplémentaires à nos institutions financières pour qu’elles maintiennent leur exposition au risque grec. Le dispositif envisagé permet à la fois de minimiser les risques que comporte toute opération de ce type, qu’il s’agisse des notations, du traitement comptable, de l’impact prudentiel ou de la contagion, et de sécuriser le plus grand nombre possible de contributions du secteur privé par le recours à des incitations, comme cela s’est déjà fait à une autre époque et sur un autre continent avec le plan Brady, parfois cité en référence bien que la situation soit différente. Des réunions comparables ont eu lieu dans toutes les capitales européennes la semaine dernière. Ces échanges devraient permettre la mise au point, pour l’Eurogroupe du 3 juillet prochain à Bruxelles, d’un dispositif donnant à chacun suffisamment de garanties pour assurer la poursuite du programme actuel grec avec des financements tant publics – européens et FMI – que privés.
La visibilité des échéances pour les trois prochaines années est bonne. Les détenteurs de dettes sur les marchés secondaires sont soit des investisseurs privés soit des banques centrales, la BCE ayant acquis, pour des montants importants, des titres de dette grecque en vue de mieux stabiliser les marchés. D’autres banques centrales, notamment asiatiques, l’ont fait également. Le profil de détention de la dette grecque est réparti entre des investisseurs privés hors de Grèce, des entités grecques et des banques centrales.
Nous procédons actuellement, pour les trois prochaines années, à la computation définitive de la part de chacun. On peut raisonnablement penser que, sur les quelque 90 milliards d’euros de titres de dettes arrivant à échéance dans les trois prochaines années, environ 60 milliards pourront être détenus par d’autres investisseurs que les banques centrales.
M. Charles de Courson. À l'issue des trois ans, dont il était clair d’emblée qu’ils ne suffiraient pas, combien de temps faudra-t-il à la Grèce pour retourner sur les marchés ?
M. Michel Bouvard. Certains établissements – banques ou assurances – ont-ils spéculé en procédant à des rachats de dette grecque ? Si oui, il serait particulièrement condamnable que la substitution de financements publics à des financements privés les exonère de leur responsabilité.
Les cessions envisagées par le gouvernement grec peuvent-elles contribuer au remboursement du stock de dette ?
M. Henri Emmanuelli. Quels sont les taux à deux, cinq ou dix ans, réclamés par les créanciers privés de la Grèce ?
Selon la rumeur, les discussions au sein du groupe de travail entre le Trésor et les créanciers privés seraient extrêmement animées. Est-il exact qu’ils remettraient en cause, en contrepartie du maintien de leurs financements, le caractère privilégié des prêts consentis par les États ? Et les règles prudentielles ? Fantasmagorie ou réalité ?
M. le Rapporteur général. Mme Lagarde avait insisté, en nous présentant le premier plan en janvier 2010, sur le fait que les prêts de l’État seraient privilégiés.
M. le président Jérôme Cahuzac. Confirmez-vous que ce sont finalement les vues françaises qui ont prévalu, l’idée étant que le plan ne serait pas considéré comme un événement de crédit par les acteurs de marché, et consisterait en une sorte d’« initiative de Vienne », ou roll-over, sans impact sur la note des banques françaises participantes ? D’après la rumeur, un blocage progressif du marché interbancaire serait en train de se produire, en raison de l’incertitude qui pèse sur la note des banques.
M. Ramon Fernandez. En ce qui concerne les besoins de financement de la Grèce, je vous renvoie au plan entériné il y a un an, tous les chiffres sont publics. Les 110 milliards d’euros sur trois ans couvraient à la fois les échéances des emprunts, les déficits publics et la trésorerie pour les dépenses courantes de l’État grec. Mais l’hypothèse de départ était que la Grèce reviendrait sur les marchés début 2012, pour lever une quarantaine de milliards d’euros entre le premier trimestre 2012 et mai 2013. Il va falloir pallier cette incapacité temporaire.
Pendant combien de temps ? Le dérapage observé ne doit pas masquer l’effort d’ajustement budgétaire accompli l’année dernière par les Grecs, le plus important jamais enregistré : le déficit a été réduit de 5 points de PIB. Mais le déficit initial était un peu plus élevé qu’on ne le pensait, et les recettes fiscales sont restées en deçà des prévisions… Il faut renforcer une administration fiscale, ce qui ne se fera pas du jour au lendemain. Cela étant, la démarche engagée commence à porter ses fruits, et, selon les hypothèses du programme, la Grèce devrait dégager un excédent budgétaire primaire à compter de 2012.
Les privatisations annoncées sont très importantes. Elles figuraient dans le plan initial de 2010 à hauteur de 7 milliards d’euros, et le gouvernement grec a porté l’objectif à 50 milliards d’euros, soit 20 % du PIB.
M. Henri Emmanuelli. Les cessions vont se faire à prix cassés !
M. Ramon Fernandez. En Grèce, tout, ou presque, est public. Pour l’instant, rien n’a été privatisé. On attend 500 millions d’euros de la cession de parts dans l’opérateur télécom. Certains actifs suscitent de l’intérêt, d’autres mettront plus de temps à se vendre. Les 50 milliards d’euros attendus entre 2011-2015 correspondent à des évaluations sérieuses, et doivent être comparés au patrimoine public grec, estimé à 250 milliards d’euros environ. Ces 20 points de PIB devraient contribuer significativement à l’effort de désendettement du pays.
On ne sait pas qui a racheté la dette grecque. Les créanciers ne sont pas tous en Europe, il ne s’agit pas toujours d’entités régulées. La Banque centrale européenne, dans le cadre de son programme de rachat de titres, a acquis de l’ordre de 40 milliards d’euros de dette grecque. Donc, les banques centrales contribuent aux mouvements constatés aujourd'hui sur la dette grecque.
Les créanciers actuels de la Grèce ont acheté leurs titres aux conditions d’origine, soit environ 3,5-4 % à dix ans. Ce sont celles de la dette qui arrive à échéance dans les deux ou trois années qui viennent. Aujourd'hui, les taux pour cette échéance sont entre 15 à 16 %. Les taux à deux ans atteignent des sommets stratosphériques.
Les discussions que nous avons eues mercredi dernier avec les banques ont porté sur un dispositif consistant à réinvestir une partie des sommes arrivées à échéance dans des titres de maturité beaucoup plus longue, de trente ans. Celle des prêts accordés actuellement à la Grèce est en moyenne de sept ans et demi, comme ceux du FMI, au lieu de cinq ans initialement pour les prêts européens.
M. Henri Emmanuelli. Les banques ont-elles demandé des garanties ?
M. Ramon Fernandez. Aucune garantie publique ne sera apportée à un quelconque dispositif de rehaussement de crédit, de garantie ou autre. Si garantie il y a, elle sera gérée par la sphère privée pour la sphère privée. Il reste à voir l’accueil que réserveront à cette proposition des banques françaises les autres banques en Europe, les compagnies d’assurance, les fonds de pension, car il s’agira d’une décision collective qui engagera les différents acteurs, y compris les trésors et les banques centrales de l’ensemble de la zone euro.
M. Jérôme Chartier. Et hors zone euro ?
M. Ramon Fernandez. L’Institute of International Finance, dirigée par un Américain, participe aux discussions. S’il est difficile aux Européens d’exiger, voire de demander à des banques non européennes de souscrire ce genre d’engagement, on peut, avec beaucoup d’arguments, les y encourager : tout le monde comprend, tôt ou tard, que l’intérêt de tous les investisseurs à long terme est de ramener la sérénité sur les marchés. Il n’y a pas que la Grèce… La dette de la principale économie mondiale aussi est observée de près par les agences de notation. La problématique de la dette souveraine intéresse tous les États, même si l’Europe est sous les projecteurs aujourd'hui.
M. Charles de Courson. Les créanciers peuvent-ils vendre sur le marché secondaire ?
M. Ramon Fernandez. À condition d’accepter de perdre entre 40 % et 50 % : les acheteurs se font rares depuis que la BCE a interrompu ses rachats.
Un traitement, même volontaire, de la dette encourt deux risques. D’une part, un événement de crédit qui déclencherait les CDS. L’ISDA – International Swaps and Derivatives Association –, l’association professionnelle qui dit le droit en la matière, a déclaré que les projets en discussion en étaient pour l’instant à l’abri. D’autre part, la note selective default décernée par les agences de notation, à titre très temporaire, sans conséquences catastrophiques. La BCE a bien dérogé à la règle à propos de la Grèce, notée aujourd'hui CCC, en prenant en compte certains critères tels que le suivi très étroit du programme d’ajustement, les financements débloqués par les États, etc.
M. Nicolas Perruchot. Sous l’effet domino, la contagion peut-elle s’étendre au-delà, à l’Irlande, au Portugal ou d’autre ?
M. Henri Emmanuelli. L’action, forcément « volontaire » des créanciers privés, se ferait-elle sans contrepartie, en termes de traitement prudentiel ou de garantie ?
M. Gilles Carrez, Rapporteur général. Que deviendraient les financements FMI et Union européenne si le plan de rigueur n’était pas adopté par le Parlement grec ?
M. Ramon Fernandez. Pas de vote, pas de plan. Pas de plan, pas de décaissements. Un tel scénario est inenvisageable. Le gouvernement Papandréou a obtenu la confiance par 155 voix sur 300, c'est-à-dire la totalité des voix de son parti. C’est le degré d’union nationale qui conditionne la capacité dans la durée à tenir les engagements. L’enjeu aujourd'hui, c’est d’éviter de déclencher une nouvelle vague de suspicion à l’égard des pays réputés vulnérables, indépendamment de la qualité des politiques qui y sont menées, pour ne pas avoir à financer des pays qui seraient exclus du marché. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas faire fuir les investisseurs privés. Le dosage est compliqué, mais c’est une nécessité absolue.
M. Charles de Courson. Comment les créances sur la Grèce sont-elles traitées au regard des ratios de solvabilité des banques et des compagnies d’assurance ? Et demain, quel sera l’impact avec Bâle III et Solvabilité II ?
M. le président Jérôme Cahuzac. Même question sur la notation des banques, qui se ressent sur le marché interbancaire ?
M. Ramon Fernandez. Dans de nombreux pays, le risque souverain et le risque bancaire sont tellement liés que tout événement concernant le premier interagit sur le second, d’où la nécessité de trouver une solution. Je ne crois pas que la note des banques françaises, qui ont mieux passé la crise que beaucoup d’autres, soit menacée, à condition de trouver une solution d’ensemble pour atténuer les tensions sur le marché de la dette souveraine en zone euro. Une exposition totale de 10 milliards d’euros à la dette grecque n’est pas à redouter. Les décisions prises concernant Bâle III et les propositions faites, le week-end dernier à Bâle, à propos des institutions systémiques, impliquent des recapitalisations d’une autre ampleur. La mise sous surveillance par une agence de notation ne doit pas susciter d’inquiétude excessive.
Le mode de comptabilisation des titres de dette souveraine diffère selon qu’ils figurent dans le trading book ou le banking book, et, dans ce cas, entre ce qui est libre à la vente et ce qui sera gardé jusqu’à échéance. L’horizon de détention détermine le traitement comptable, qui peut n’est pas le même selon les banques et selon les pays. Pour les compagnies d’assurance, ce n’est pas très différent.
En l’état, au regard des ratios de liquidité de Bâle III, les titres de dette souveraine sont considérés comme les actifs les plus sûrs. C’est l’une des raisons pour lesquelles le gouverneur de la Banque de France comme le ministre des finances ont contesté publiquement le projet de Bâle, qui n’est pas définitif.
M. Charles de Courson. Quel est votre diagnostic pour l’Irlande et le Portugal ? Trois ans seulement, n’est-ce pas beaucoup trop court pour des pays en proie à de telles difficultés ?
M. Ramon Fernandez. Les plans d’ajustement s’étalent sur trois ans mais les financements sont plus longs, de sept ans et demi dorénavant pour tout le monde. Tous les plans accompagnés par le FMI et l’Union européenne sont calés sur cet horizon. Aujourd'hui, les leçons de l’expérience passée sont tirées et on met sur pied un suivi trimestriel très précis, avec des missions sur place et une assistance technique renforcée. Les plans portugais et irlandais sont très récents, mais, pour l’instant, les réalisations sont en ligne avec les prévisions. Leur niveau de dette et de déficit est plus raisonnable qu’en Grèce, et l’administration plus solide.
Encore une fois, tout dépendra de notre capacité à créer collectivement un environnement propice au retour des investisseurs sur le marché de la dette.
M. le président Jérôme Cahuzac. Nous vous remercions de la qualité de vos réponses, monsieur le directeur, et du temps que vous nous avez consacré.
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Membres présents ou excusés
Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 28 juin 2011 à 14 heures
Présents. – M. Dominique Baert, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Gilles Carrez, M. Jérôme Chartier, M. Charles de Courson, M. Jean-Yves Cousin, M. Richard Dell'Agnola, M. Michel Diefenbacher, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, M. Jean-Claude Flory, M. Marc Francina, M. Marc Goua, M. Patrick Lemasle, M. Jean-François Mancel, M. Henri Nayrou, M. Nicolas Perruchot, M. Alain Rodet, M. Jean-Claude Sandrier
Excusé. – M. Pierre Bourguignon
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