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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 29 juin 2011

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 94

Présidence de M. Jérôme Cahuzac, Président

–  Audition de M. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts et consignations, et de M. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des Dépôts et consignations, sur l’activité de la Caisse

–  Présences en réunion

La Commission entend M. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts et consignations, et M. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des Dépôts et consignations, sur l’activité de la Caisse.

M. le président Jérôme Cahuzac. Mes chers collègues, nous sommes très heureux d’accueillir Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts et consignations, et M. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des Dépôts et consignations, à l’occasion de la remise du rapport que celle-ci doit faire au Parlement chaque année. Depuis sa création en 1816, la Caisse est en effet « placée, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative »
– exercice qui ne fut pas que théorique ces derniers mois. Son mode de gouvernance spécifique a été confirmé par la loi de modernisation de l’économie de 2008.

Nous recevons également M. Bouvard et M. de Romanet à l’occasion de la remise du rapport d’activité du groupe en 2010.

M. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts et consignations. Je rappelle que la gouvernance de la Caisse des Dépôts et consignations est exercée, au titre de l’exécutif, par le directeur général, la commission de surveillance devant, elle, remplir des attributions qui lui sont dévolues par la loi.

Cette commission s’est réunie à 22 reprises au cours de l’année 2010. Ses travaux sont préparés par un comité d’examen des comptes et des risques, un comité du Fonds d’épargne, présidé par Arlette Grosskost, un comité des investissements qui examine toutes les opérations portant sur des investissements supérieurs à 150 millions d’euros ou à caractère stratégique, et un comité des nominations.

Depuis un an s’est mis en place un comité spécifique chargé de participer, avec la commission de surveillance et l’Autorité de contrôle prudentiel, aux travaux de construction du modèle prudentiel de la Caisse des Dépôts.

Quatre faits marquants illustrent les acquis de l’année écoulée.

Le premier concerne la clarification des relations financières entre l’État et la Caisse. Avant tout, je tiens à exprimer aux membres de la commission des Finances ma gratitude pour le soutien constant qu’ils m’ont apporté dans ce domaine. Nous avions engagé cette démarche à l’issue des résultats de l’exercice 2008, lesquels avaient abouti à une situation qui n’avait pas été prévue par les textes en vigueur.

Au terme de ces travaux de clarification, la commission de surveillance s’est prononcée le 13 octobre 2010 sur un dispositif d’ensemble qui a permis de valider l’utilité des missions d’intérêt général, inscrites dans la loi, en leur fixant un cadre pluriannuel. Le travail conduit par l’Inspection générale des finances pour le compte de la ministre a permis de valider la pertinence de ces missions sur lesquelles les représentants du Trésor s’interrogeaient régulièrement.

Le dispositif d’ensemble permet également de prendre en compte l’ensemble du résultat consolidé du groupe, récurrent comme exceptionnel, pour fixer à 50 % la fraction versée à l’État.

En outre, il plafonne cette fraction à 75 % du résultat social, permettant ainsi à la Caisse, qui n’a pas d’actionnaire et qui ne peut compter que sur son résultat social, de continuer à conforter ses fonds propres, de poursuivre ses investissements et de couvrir ses risques. À cet égard, je tiens à dire combien l’écoute très attentive de la ministre de l’économie et des finances a été déterminante.

Le deuxième fait marquant est l’investissement dans l’ouverture du capital de La Poste, qui va faire évoluer la structure du groupe Caisse des Dépôts et conforter ses activités financières et industrielles.

Dans ce dossier, exceptionnel au regard du montant de l’investissement, la commission de surveillance a souhaité recourir à une expertise indépendante et désigner l’un de ses membres pour suivre le projet. Ainsi, en liaison avec le directeur général – que je remercie –, la négociation a permis à la Caisse d’investir 1,5 milliard d’euros dans le groupe La Poste dans des conditions satisfaisantes, c’est-à-dire avec une valorisation équilibrée et juste de l’ensemble des activités de La Poste, des garanties suffisantes par rapport au risque éventuel, et une clause de retour pour l’État au cas où cette société serait amenée à surperformer par rapport à son plan d’affaires. Cet investissement s’inscrit dans une démarche stratégique et une volonté de coopération renforcée avec chacune des filiales de la Caisse des Dépôts, en particulier CNP Assurances.

Le troisième fait marquant est la mise en œuvre des investissements d’avenir.

Signe de confiance dans l’institution, le gouvernement a confié 7,5 milliards d’euros à la Caisse des Dépôts, laquelle sera l’opérateur de huit conventions. Celles-ci s’inscrivent pleinement dans le cadre des orientations stratégiques arrêtées en début de mandature dans le cadre du plan ELAN 2020. Ce programme génère des attentes car, depuis plus de vingt ans, l’investissement public a été réduit par une contrainte budgétaire de l’État durablement forte. Pour la Caisse, ce programme des investissements d’avenir est donc une chance, mais aussi un défi. Une chance parce qu’il est au cœur des priorités de l’action publique, action publique qui se projette dans le long terme, ce qui répond aux missions de la Caisse. Un défi, car la nécessaire sélectivité dans le choix des projets créera des frustrations qu’elle devra gérer sans se substituer au budget de l’État, ni sacrifier ses propres investissements prioritaires.

Le quatrième fait marquant est le succès des filiales. Nous sommes dans une logique de groupe, et l’évolution de ces dernières fait l’objet d’examens réguliers par le comité des investissements.

La fusion entre Transdev et Veolia Transport est maintenant entrée dans une phase active.

Il faut aussi saluer l’alliance entre EGIS et IOSIS, qui renforce l’ingénierie française et a permis de soutenir le développement de l’actionnariat salarié au sein du groupe EGIS.

CNP Assurances reste le principal centre de profits du groupe, mais est à l’aube de rendez-vous stratégiques dans un contexte où l’assurance-vie en France a atteint une certaine limite. À cet égard, je veux redire combien il est important de ne pas bouleverser les règles sur le fonctionnement de l’assurance-vie. Certes, la stratégie à l’international de CNP Assurances s’est révélée très positive puisque le Brésil est aujourd’hui pour elle un centre de croissance très important, mais elle ne peut s’en contenter.

Le document qui vous a été distribué présente l’activité des filiales par groupe, notamment au niveau du pôle environnement.

À la demande du directeur général, le tourisme comme la dépendance se trouvent également placés au centre des priorités stratégiques du groupe.

Enfin, je tiens à saluer aussi la mobilisation des directions de la Caisse des Dépôts chargées de la gestion des métiers historiques du groupe, notamment de celle des retraites. Ce travail est réalisé de manière très méticuleuse, y compris au niveau des contrôles effectués, notamment au travers des nouvelles dispositions résultant du vote de la loi de modernisation de l’économie votée en 2008 ; je tiens à apporter cette précision étant donné le débat qui existe actuellement sur la fraude dans un certain nombre de secteurs et des informations qui circulent sur Internet – sans doute alimentées par l’extrême droite –, en particulier sur l’allocation de solidarité aux personnes âgées.

La commission de surveillance se réjouit des bons résultats 2010 du groupe.

Le Fonds d’épargne affiche un résultat de 1,485 milliard d’euros, en progression de 27,5 % par rapport à 2009, du fait notamment des effets de la généralisation de la distribution du livret A, qui ont permis de consolider sa marge d’intérêt.

Pour la section générale, le résultat s’élève à 2,158 milliards d’euros, contre 1,980 milliard en 2009. Il s’explique par une bonne performance des filiales qui contribuent à hauteur de 67 % à la formation du résultat récurent. Cela conforte le discours que nous tenons, Augustin de Romanet et moi-même, depuis quatre ans sur la pertinence et la nécessaire stabilité du périmètre du groupe.

La contribution représentative de l’impôt sur les sociétés – CRIS – est de 369 millions d’euros. La fraction du résultat social s’élève, selon les nouvelles règles, à 839 millions d’euros, ce qui représente 39 % du résultat net consolidé.

Sans être très éloignés du système antérieur, nous trouvons des avantages au fait de l’intégration des résultats exceptionnels dans la durée.

Les enjeux qui marqueront l’année 2011 pour le groupe sont au nombre de trois.

Tout d’abord, la consolidation de la capacité d’action du Fonds d’épargne, avec la mise en œuvre des nouvelles règles de centralisation.

Ensuite, la réussite du Club des investisseurs de long terme, via le rôle d’intermédiation qu’il peut jouer pour mobiliser des ressources au bénéfice de l’économie nationale.

Enfin, la construction du modèle prudentiel auquel s’est attachée la commission de surveillance. Pour la définition de ce dernier et la détermination du niveau des fonds propres, dont elle a la charge conformément au décret du 27 avril 2010, la commission de surveillance s’est dotée des moyens nécessaires à l’accomplissement de cette nouvelle responsabilité avec la création d’un secrétariat général, dirigé par Brigitte Gotti, que je veux remercier pour son investissement dans la préparation de ce rapport au Parlement.

L’enjeu est important. En effet, au travers du modèle prudentiel, c’est la définition des équilibres de long terme de la Caisse qui est en cause et, au travers du niveau des fonds propres, c’est la sécurisation de ses capacités d’investissement qui est en jeu. Je redis donc ma gratitude à Christine Lagarde, car ce modèle prudentiel sera déterminé par la commission de surveillance, alors que dans le schéma initialement envisagé, notamment par le ministère de l’économie et des finances, nous étions soumis à la commission bancaire, avec tous les risques que cela pouvait représenter dans une période marquée par la rigidité et l’inadaptation des règles pour un investisseur de long terme.

M. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des Dépôts et consignations. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, en 2010, le Groupe Caisse des Dépôts a atteint tous les objectifs que nous vous avions présentés l’an dernier, en particulier s’agissant de ses résultats financiers.

Le résultat consolidé s’est établi à 2,15 milliards d’euros, qui se décomposent en un résultat récurrent de 1,819 milliard – le plus élevé de l’histoire du groupe – et en plus-values à hauteur de 332 millions d’euros.

Ce résultat récurrent a connu une progression continue depuis 2007. Notre résultat consolidé ayant été fortement négatif en 2008, j’ai voulu créer cette notion de résultat récurrent pour montrer la performance intrinsèque de l’établissement, sachant qu’une institution qui est un investisseur peut toujours manipuler les résultats en externalisant beaucoup de plus-values une année et pas du tout l’année suivante. Ce résultat récurrent est « extourné » des plus-values sur le portefeuille d’actions qui peuvent évidemment s’orienter très fortement à la hausse ou à la baisse. Ainsi, la somme de 1,819 milliard d’euros traduit une performance intrinsèque favorable. Cette performance est le résultat de la contribution du Fonds stratégique d’investissement – FSI –, mais aussi de la bonne performance des filiales dont la présence croissante à l’étranger, notamment dans les pays émergents, leur a permis d’assurer 67 % du résultat consolidé.

Cela nous a permis d’effacer la crise, puisque le principal indicateur de la santé du groupe est son niveau de fonds propres. Pour investir et mener ses actions, il n’a que trois ressources : 20 milliards d’euros de fonds propres, 30 milliards de dépôts des professions juridiques et 10 milliards d’emprunts. Ainsi, et pour simplifier, la Caisse des Dépôts a un passif de 60 milliards d’euros, face auxquels 60 milliards d’euros d’actions, d’obligations, de private equity et d’actifs indiquent son résultat annuel, lequel permet de réalimenter les fonds propres et de verser un prélèvement à l’État.

En 2010, la contribution du groupe s’est établie à 1,100 milliard d’euros pour les missions d’intérêt général, soit un niveau historiquement très élevé, et à 2,490 milliards pour la contribution au budget de l’État.

Pour les missions d’intérêt général, c’est le financement des PME qui a été le plus consommateur de crédits, avec 629 millions d’euros effectivement engagés, mais 378 millions comptabilisés compte tenu de la pondération à 51 % de la contribution du FSI à France Investissement. Viennent ensuite le logement et la politique de la ville : 450 millions d’euros, les universités et l’économie de la connaissance : 121 millions et le développement durable : 129 millions d’euros.

La contribution au budget de l’État a été exceptionnelle en 2010 et ne sera malheureusement pas renouvelable dans les mêmes termes l’an prochain. En effet, au versement normal des 839 millions d’euros au titre de 2010, s’ajoutent 330 millions d’euros versés au titre du rattrapage 2009 – à la faveur des négociations qui ont traîné en longueur, nous avons pris l’engagement que l’État ne serait pas pénalisé sur la contribution 2009 –, 369 millions au titre de la contribution représentative de l’impôt sur les sociétés, et 969 millions du prélèvement sur le résultat du Fonds d’épargne.

M. Michel Bouvard. Le rattrapage signifie que les règles ont été appliquées rétroactivement : il était convenu qu’elles le soient dès l’exercice 2009.

M. Augustin de Romanet. Le plafonnement à 75 % du résultat social a conduit, dès la première année d’application, à ce que nous avions escompté. Ainsi, en rythme de croisière, l’organisation du groupe Caisse des Dépôts est la suivante : un résultat consolidé d’environ 2 milliards d’euros et un résultat social d’environ 1 milliard. Le résultat consolidé comprend toutes les contributions des filiales ; le résultat social est le cash qui entre dans les comptes de l’établissement public Caisse des Dépôts. Ainsi, la contribution au budget de l’État plafonnée à 75 % du résultat social signifie qu’elle est plafonnée à 37,5 % du résultat consolidé – puisque le résultat social représente la moitié du résultat consolidé. C’est ce qui s’est passé en 2010, avec un taux de distribution de 39 % du résultat consolidé.

Comme le dit le président Bouvard, cette nouvelle règle de prélèvement de l’État est protectrice pour la Caisse des Dépôts. En effet, il n’est plus possible de la décapitaliser, comme cela l’était avec l’ancienne règle qui permettait, en cas de résultat consolidé très élevé et de résultat social très faible, que la Caisse des Dépôts verse à l’État chaque année une contribution supérieure au cash qu’elle avait retiré des filiales, c’est-à-dire supérieur à son résultat social.

Le résultat des fonds d’épargne a également été historique, s’élevant à 1,485 milliard d’euros. Il a été permis par un doublement de la marge d’intérêt en 2010 (1,4 milliard d’euros contre 706 millions en 2009), une forte diminution des coûts des dépôts avec la baisse du taux du livret A – le taux moyen est passé de 1,92 % en 2009 à 1,46 % en 2010 –, ainsi que par la réalisation de plus-values sur le portefeuille d’actifs financiers : 516 millions d’euros. Ce résultat net servira à renforcer les fonds propres du Fonds d’épargne, à hauteur de 520 millions, le solde faisant l’objet d’un prélèvement de l’État, de 965 millions d’euros.

L’année 2010 a été marquée par l’achèvement des négociations sur le taux de centralisation du livret A et du livret développement durable – LDD –. Sur les 211 milliards d’euros centralisés à la Caisse des Dépôts en 2010, 41 milliards viennent du livret d’épargne populaire – LEP – et 170 milliards du livret A et du LDD.

Nous sommes très fiers d’avoir obtenu, grâce à votre soutien, la pérennisation d’un système qui est pour moi la plus grande expérience d’économie sociale et solidaire dans le monde. En effet, nous nous félicitons d’initiatives locales qui permettent de mobiliser des dizaines, voire des centaines de millions d’euros pour des fonds communs de placement solidaires qui alimentent l’économie sociale. Ce qui caractérise l’économie sociale, c’est l’absence de commissions et de prélèvements réalisés par la sphère financière. La même caractéristique vaut pour le livret A. L’intégralité des résultats de ce dernier va à la collectivité : cette ressource donne lieu à une rémunération qui retourne à l’épargnant, et le reste des profits va à la collectivité.

Le non-plafonnement du taux de centralisation à la Caisse permettra, à l’avenir, une croissance naturelle du Fonds d’épargne qui profitera de façon égale à la Caisse et aux banques. De plus, grâce à la règle de 1,25 fois le montant minimal des crédits, votée dans la loi de modernisation de l’économie, la Caisse des Dépôts a, en principe, toujours la garantie de disposer des ressources nécessaires pour des prêts qui montent en puissance
– 4,4 milliards d’euros en 2004 et 16,1 milliards en 2010.

Cette somme de 16 milliards d’euros a permis – et je veux rendre hommage aux équipes de la Caisse des Dépôts qui ont consenti ce triplement des prêts à effectif constant – de construire 133 000 nouveaux logements sociaux en 2010, contre 55 000 en 2005 ; de réaliser un grand nombre de bâtiments basse consommation d’énergie grâce à l’éco-prêt ; et de créer 11 800 places d’hébergement pour personnes âgées.

Alors que l’encours des prêts au logement social et à la politique de la ville a été stable entre 2004 et 2007 – ce qui a pu faire croire à certains que la Caisse des Dépôts cachait un trésor mal utilisé –, nous avons réussi à démontrer en 2010, avec votre concours, que le triplement du nombre de prêts permettait de le faire croître. Ainsi, en 2016, l’encours de prêts au logement social et à la politique de la ville devrait atteindre 159 milliards d’euros.

Comme l’a dit Michel Bouvard, l’entrée au capital de La Poste a été réalisée dans des conditions d’investisseur avisé. La Caisse investira 1,5 milliard d’euros, ce qui lui permettra de détenir 26,3 % du capital de La Poste où elle jouera un rôle actif avec trois administrateurs. Compte tenu des perspectives de résultats de cette dernière en 2011, nous savons d’ores et déjà que le rendement de nos capitaux investis correspond au standard du groupe. Ainsi, personne ne pourra dire que nous avons réalisé une opération de convenance avec l’État. C’est pourquoi je m’associe aux remerciements de Michel Bouvard à Christine Lagarde.

Nos priorités stratégiques, celle du plan ELAN 2020, sont au nombre de quatre.

La première concerne le développement des entreprises.

En 2010, le groupe Caisse des Dépôts demeure le principal investisseur en fonds propres dans le pays. Il a investi dans 430 nouvelles PME et entreprises de taille intermédiaire – ETI –.

Le FSI est désormais le principal véhicule de l’intervention du groupe en faveur des entreprises. Depuis sa création, il a investi 2,5 milliards d’euros en investissements directs dans 44 entreprises ; 1 milliard d’euros dans 670 PME via les fonds gérés par notre filiale CDC Entreprises ; et 523 millions dans 100 entreprises via les fonds sectoriels – je vous rappelle que le FSI a créé un Fonds de modernisation des équipementiers automobiles, un Fonds bois, un Fonds Innobio, et un Fonds de consolidation et de développement des entreprises dans lequel il a engagé 523 millions d’euros.

Par ailleurs, au travers de prêts d’honneur et du dispositif Nacre, la Caisse des Dépôts a permis la création et le financement de 41 500 TPE – très petites entreprises – en 2010, soit une croissance de 20 % par rapport à 2009.

La deuxième priorité stratégique est relative au logement.

En 2010, le groupe a contribué à la construction de 145 500 logements neufs. J’ajoute que 320 000 logements sociaux ont été financés sur fonds d’épargne depuis 2008.

Les universités et l’économie de la connaissance constituent la troisième priorité.

Nous avons conventionné avec 132 établissements, et lancé en décembre 2010 le premier appel d’offres pour la rénovation de l’université de Bordeaux.

Devant la réticence des conseils d’administration d’université à laisser entrer les entreprises privées dans leur programme, ce qu’ils ont qualifié de « loup dans la bergerie », nous avons essayé d’inventer un partenariat public-public avec l’architecture suivante : l’université apporte une dotation en nature : son patrimoine immobilier et ses terrains ; la Caisse apporte des crédits, qui sont des fonds propres ; le cas échéant, les collectivités territoriales – régions, départements, communes – apportent également des fonds propres. Sur cette base, il est possible de lever de la dette et de créer une société, qui est le maître d’ouvrage et qui pilote la rénovation du programme universitaire. Ce maître d’ouvrage, 100 % public, est libre de passer des contrats avec des sociétés privées pour des amphithéâtres ou des résidences universitaires, par exemple, et garde la maîtrise d’ouvrage du projet. Selon nous, ce système est le plus apte à préserver l’autonomie des universités.

En outre, grâce à la disposition issue de la proposition de loi des sénateurs Adnot et Dupont, votée en décembre 2010…

M. Michel Bouvard. Et grâce à l’amendement sur le foncier bâti voté par la commission des Finances.

M. Augustin de Romanet. … et grâce à l’engagement de M. Bouvard, nous avons réussi à obtenir la faisabilité de ces projets. Nous avons même pu éviter la disposition qui prévoit que les établissements publics n’ont plus le droit d’emprunter. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette disposition assez complexe qui pourrait interdire des opérations de valorisation pour des établissements comme Voies navigables de France ou l’Institut national de l’audiovisuel.

Dans nos partenariats public-public, nous avons intégré, d’une part, cette nouvelle structure juridique, d’autre part, l’ouverture – décidée par le Président de la République – sur les fonds d’épargne d’une enveloppe de 1 milliard d’euros pour moderniser les universités au titre du plan de relance. Nous avons donc considéré que lorsqu’une université empruntait au Fonds d’épargne, elle n’était pas passible de l’interdiction de la loi de décembre 2010.

Ainsi, notre dispositif de partenariat public-public repose sur des fonds propres de la Caisse des Dépôts et des universités, lesquelles empruntent à la section du Fonds d’épargne pour pouvoir investir et réaliser ces projets. Si j’insiste sur ce point, c’est parce vous aurez à vous pencher sur les conséquences de l’article qui, en interdisant l’endettement des établissements publics, peut créer des blocages.

Enfin, l’année 2010 a été marquée par la création du fonds France Brevets, doté de 100 millions d’euros, couronnement d’un dispositif de valorisation des brevets mis en place dans le cadre du programme des investissements d’avenir. L’État a consacré 900 millions d’euros à la création de douze sociétés « d’accélération du transfert de technologie » qui permettront, dans les territoires, la valorisation des brevets par les laboratoires de recherche et les universités.

La quatrième priorité stratégique est le développement durable.

Nous poursuivons notre promotion de l’investissement socialement responsable dans toutes les filiales du groupe, ainsi que notre investissement dans les énergies renouvelables avec l’objectif de détenir en portefeuille 1 GW en 2013, sachant que 545 MW sont actuellement engagés.

Enfin, s’agissant de la protection de la biodiversité, les premiers contrats ont été signés par notre filiale CDC Biodiversité.

Comme l’a dit Michel Bouvard, le programme des investissements d’avenir constitue un enjeu managérial pour la Caisse des Dépôts. Huit programmes représentent 7,5 milliards d’euros, le principal étant le Fonds pour la société numérique, avec 2 milliards dédiés aux infrastructures pour le très haut débit, et 2,250 milliards pour le volet usages et contenus. C’est cette enveloppe de 2,250 milliards d’euros qui a permis de créer le mois dernier le Fonds pour la société numérique, fonds d’investissement de 400 millions d’euros qui doit permettre à tout entrepreneur ayant un projet de e business ou d’activité économique en lien avec le numérique de trouver des fonds propres.

Nous avons également un programme pour une quinzaine d’écocités, intitulé Ville de demain ; un programme de formation professionnelle par alternance ; un programme pour le Fonds national d’amorçage, qui va irriguer une vingtaine de fonds d’amorçage sur tout le territoire ; un programme doté de 200 millions d’euros pour les plateformes mutualisées d’innovation, qui sont des équipements de recherche pour les pôles de compétitivité ; un programme pour l’économie sociale et solidaire, doté de 100 millions d’euros ; enfin, le programme France Brevets, avec 50 millions d’euros apportés au titre du programme d’investissement d’avenir et complété par 50 millions d’euros de fonds propres de la Caisse des Dépôts.

Pour l’année 2011, nos ambitions sont marquées par chacune des quatre priorités stratégiques.

Premièrement, nous souhaitons accentuer notre effort en faveur des PME, avec notamment l’étape importante du lancement de France Investissement II. Nous venons en effet de renouveler avec l’État notre engagement de mobiliser 625 millions d’euros par an pendant huit dans, ce qui permettra, grâce à l’effet levier du secteur privé, un investissement de 2 milliards par an dans les PME.

En outre, nous souhaitons développer fortement notre visibilité en région. Dans la mesure où, avant 2007, il était interdit à nos directeurs régionaux de s’occuper de PME, nous accusons un certain retard de communication sur le terrain, qui a consisté à ne jamais donner le sentiment que nous pouvions être une sorte de cagnotte dans laquelle on pouvait puiser. Entre une publicité à tout va et la discrétion qui est la nôtre, un équilibre doit être trouvé.

Deuxièmement, pour le logement et la politique de la ville, nous continuons à faire porter l’accent sur un niveau très élevé de prêts sur fonds d’épargne. Notre objectif est de financer 536 000 logements sur la période 2011-2015.

Nous avons pour ambition de construire 10 % des places d’établissement pour personnes âgées d’ici à 2015. Pour ce faire, nous avons lancé une petite société, CDC-Générations, qui sera un investisseur en fonds propres dans des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – pour développer l’offre de ces derniers à bas prix.

Troisièmement, pour les universités et la société de la connaissance, notre principal objectif est de réaliser les quatre partenariats public-public, dont je vous ai parlé, à Bordeaux, Lyon, Strasbourg, et Saclay avec le projet AgroParis Tech.

Par ailleurs, nous espérons investir dans une vingtaine de projets universitaires d’ici à 2015.

Quatrièmement, en ce qui concerne le développement durable, nous continuons à vouloir structurer les filières industrielles, en particulier la biomasse pour laquelle nous avons investi récemment dans l’usine Géotexia inaugurée en Bretagne. Notre portefeuille d’énergies renouvelables devrait ainsi atteindre, comme je l’ai dit, 1 GW en 2013.

Un autre enjeu pour le groupe est de développer son adaptation aux besoins des territoires.

Comme l’a montré le rapport Davezies, la différenciation très marquée des territoires – certains bénéficient principalement de revenus touristiques, d’autres vivent d’industries, tandis que dans d’autres les personnes vivent avec des revenus de transfert – traduit des besoins très différents. Nous allons donc adapter nos activités aux territoires. Pour cela, nous avons entamé une réflexion sur notre réseau, certainement sous-dimensionné par rapport aux missions qui sont désormais les nôtres. Nous allons probablement le renforcer, notamment s’agissant de l’action des PME, et le restructurer.

Nous allons poursuivre nos investissements à grande échelle. D’ici à 2013, nous investirons 1,2 milliard dans des projets d’intérêt général.

Le programme des investissements d’avenir sera géré de façon aussi décentralisée que possible.

Nous essaierons d’adapter notre offre aux besoins des territoires dans le domaine du logement et celui de la recherche de synergies groupe – avec La Poste, les grandes infrastructures et le Grands Paris –.

Nous accompagnerons les entreprises publiques locales qui se restructurent. En effet, la réforme territoriale conduira à la création de très nombreuses structures intercommunales ou départementales. Nous essaierons également de promouvoir ce que l’on appelle la « SEM contrat », qui est le nouveau mode d’économie mixte que la Fédération des entreprises publiques locales – EPL – essaie d’introduire dans notre pays.

Une autre activité importante du groupe consiste à promouvoir le modèle d’investisseur de long terme. En clair, nous souhaitons attirer les fonds souverains dans les investissements de notre pays. Nous souhaitons le faire via des plateformes de co-investissement qui permettent à des infrastructures en France non délocalisables d’être financées par de l’épargne étrangère. Selon nous, il faut maximiser l’utilisation de l’épargne française vers les pôles de compétitivité, nos PME et nos activités de proximité, et laisser les étrangers nous accompagner dans des infrastructures non délocalisables, évidemment selon des conditions financières contrôlées. Pour ce faire, nous développons notre Club des investisseurs de long terme.

Ce modèle d’investisseur de long terme doit être défendu à Bruxelles. Il faut également promouvoir des règles qui soient plus compatibles avec l’investissement de long terme dans le cadre des instances internationales qui fixent les règles comptables. C’est tout l’enjeu du lobbying de ce club que nous avons créé il y a trois ans et qui comprend aujourd’hui 14 membres pesant 3 200 milliards de dollars.

Un enjeu technique important en 2011 consistera à arrêter un modèle prudentiel qui nous permette, à tout moment, d’être assurés de garder notre triple A, dès lors que l’État garde le sien. En effet, aucune agence de notation ne note une entreprise publique à un niveau plus élevé que celui dont bénéficie l’État. C’est une loi selon laquelle notre notation est notamment liée, pour les agences de notation, à la garantie implicite que nous avons de l’État.

En conclusion, nous voulons bâtir un modèle d’investisseur exemplaire pour le bicentenaire de la Caisse des Dépôts en 2016, dont les principaux défis sont au nombre de sept : diffuser sur tout le territoire une culture de développement des fonds propres des PME ; aider au développement de filières industrielles françaises pour les énergies renouvelables ; contribuer au renouveau des universités et à l’avènement d’une économie de la connaissance ; développer l’investissement responsable dans l’Établissement public et ses filiales ; mettre notre réseau d’investisseurs de long terme au service de l’économie française ; promouvoir la constitution de groupes qui projettent les atouts de la France dans le monde – Veolia et Transdev, EGIS et IOSIS – ; être un gestionnaire de mandats de référence et continuer à valoriser les ressources du livret A pour une politique du logement plus ambitieuse.

M. le président Jérôme Cahuzac. Vous avez évoqué les 7,5 milliards d’euros de l’État dont vous avez la charge pour les programmes retenus dans le cadre du Grand emprunt. Nous considérons bien sûr que le commissaire au Grand emprunt fait bien son travail, mais le Parlement a à cœur de vérifier l’utilisation des fonds qu’il a votés. Or la gouvernance du Grand emprunt complique nos modalités de surveillance. Quel suivi avez-vous instauré ?

Le Fonds stratégique d’investissement va bénéficier de 1,5 milliard d’euros prélevés sur les fonds d’épargne. Or vos ressources n’étant pas inépuisables, un phénomène de vases communicants finira par se produire, et nous craignons que cette somme soit prélevée au détriment des fonds réservés à la politique de la ville.

Vous avez évoqué la contrainte pour les opérateurs de limiter leur capacité d’emprunt à un niveau infra-annuel. J’ai cru comprendre au travers de votre réponse à ce problème qu’il nous fallait envisager une modification législative, le système actuel ne permettant pas à ces opérateurs, selon vous, même avec les souplesses que vous avez indiquées, de s’affranchir de cette limite.

La Caisse des Dépôts envisage-t-elle de retrouver un rôle en faveur des collectivités locales ?

M. Augustin de Romanet. Nous avons nommé un responsable du programme du Grand emprunt, Mme Catherine Mayenobe, auparavant secrétaire générale de la Cour des comptes, fonction qui nous semble adaptée pour vérifier que les procédures de décision sont correctes.

Vous avez salué l’efficacité de René Ricol. Nous sommes convenus avec lui de nous voir au moins deux fois par mois pour identifier toutes les difficultés qui pourraient survenir, notamment dans la rectitude et la rapidité des procédures de décision.

Nous portons tous nos efforts sur le suivi du Grand emprunt, sujet qui peut être évoqué à chaque réunion de la commission de surveillance. Tous les quinze jours, un membre du Parlement qui souhaite évoquer un problème lié au Grand emprunt a donc la possibilité de le faire.

S’agissant du FSI, la somme de 1,5 milliard d’euros ne sera pas prélevée sur les prêts en faveur du logement social et de la politique de la ville, mais sur le portefeuille financier du Fonds d’épargne. Sur un bilan de 225 milliards d’euros, le Fonds d’épargne a environ 120 milliards de prêts et 100 milliards d’obligations ou d’actions – dont environ 12 milliards d’actions.

En ce qui concerne la limitation d’emprunt, j’illustrerai mon propos par un exemple. Dans la zone de Lyon, un terrain vague appartenait à Voies navigables de France dans le quartier de la Confluence, à proximité du nouveau siège du conseil régional que Jean-Jacques Queyranne a fait construire. Ce terrain vague avait une valeur considérable, et VNF a été en mesure de le valoriser en créant une société avec la Caisse des Dépôts. VNF a apporté son terrain, nous avons apporté du cash et, ensemble, nous avons emprunté afin de construire des bâtiments qui ont permis d’assurer des retours financiers très significatifs pour cet établissement. Cela a été possible parce que l’État a autorisé ce dernier à disposer de son foncier. Demain, compte tenu de l’interdiction pour les établissements publics d’emprunter, cette opération ne serait plus possible puisque VNF n’aurait plus le droit d’être partie à une société qui emprunte.

L’action de la Caisse des Dépôts en faveur des collectivités locales est-elle d’actualité ? Les banques ne semblent plus guère intéressées par les prêts aux collectivités, car ils mobilisent trop de fonds propres : certains banquiers d’affaires, que j’ai reçus il y a quelques mois, souhaitent que ce rôle soit désormais dévolu à la Caisse des Dépôts. En d’autres termes, cela ne reviendrait-il pas à privatiser les gains et à socialiser les pertes ? Si les prêts aux collectivités sont coûteux, peut-être faut-il répercuter ce coût sur ces dernières car la Caisse des Dépôts devrait elle aussi trouver de nouvelles ressources.

Dans les années soixante, elle prêtait aux collectivités en utilisant le Fonds d’épargne ; mais le partage de cette ressource et les besoins croissants en logement sociaux rendent impossible, ce me semble, un retour à ce modèle. Doit-on alors imaginer un retour au modèle des années quatre-vingt, lorsque la Caisse des Dépôts empruntait sur les marchés ? Si tel est le souhait des pouvoirs publics, je ne puis l’exclure. Mais la Caisse a toujours bien fonctionné sans solliciter de nouvelles parts de marché : nous ne demandons donc rien. Si nous renouons avec ce modèle, il faudra le faire à trois conditions : ne pas perdre d’argent ; veiller à ce que l’Autorité de contrôle prudentiel ne nous demande pas d’appliquer strictement les règles de Bâle III ; exercer cette activité en toute transparence, sous le contrôle du Parlement.

M. Michel Bouvard. Les conventions relatives aux investissements d’avenir ont toutes été examinées par la commission de surveillance ; un rendez-vous est prévu pour l’évaluation de ces conventions, sans oublier le suivi des prévisions d’engagements.

La Caisse n’a pas à arbitrer entre, d’un côté, le prêt au FSI et, de l’autre, le financement du logement social et de la politique de la ville. La raison en est simple : aux termes de la loi, la ressource centralisée ne peut être inférieure à 125 % de l’encours des prêts consentis au titre du logement social et de la politique de la ville, de sorte que le taux de centralisation remonte automatiquement si des besoins nouveaux apparaissent en ces domaines.

Le problème de l’engagement de 1,5 milliard d’euros en provenance du Fonds d’épargne est double : d’une part, puisqu’il s’agit d’un prêt, le FSI se financera par de l’endettement ; de l’autre, ce prêt intervient alors que la totalité du capital n’est pas libérée. J’interprète donc cette mesure décidée par le chef de l’État comme une façon d’assurer, en cas de besoin, des ressources complémentaires à celles qui existent déjà.

Le Fonds d’épargne finance déjà des prêts à Oséo, lesquels ont atteint 6,350 milliards d’euros entre avril et octobre 2009 et 5,2 milliards à la fin de 2010. En janvier 2011, ils s’élevaient à 4,7 milliards d’euros. Les ordres de grandeur avec le prêt éventuel au FSI sont donc comparables.

L’interdiction d’emprunter aux opérateurs a été prévue pour éviter toute dérive de l’endettement. Mais il s’agit en l’occurrence de la gestion de l’immobilier de l’État, qui est en partie détenu par ces mêmes opérateurs. Trouvons donc un modèle économique intelligent pour rendre les politiques publiques plus performantes.

M. Louis Giscard d'Estaing. M. Bouvard, qui est président de la commission de surveillance, nous a souvent rappelé l’enjeu des missions de la Caisse des Dépôts, notamment pendant la crise.

Il serait en effet utile de clarifier les rôles respectifs de France investissement 2, du FSI et d’Oséo, notamment parce que les banques, soumises aux critères de Bâle III, diminueront peut-être leurs interventions dans les entreprises non cotées, pourtant essentielles à notre économie.

Par ailleurs, la marge d’intérêt a doublé dans les résultats du Fonds d’épargne. Ce levier peut-il, selon vous, être pérennisé ?

Les encours des prêts en faveur du logement sont passés de 4,4 milliards d’euros en 2004 à 16,1 milliards en 2010. Cette tendance peut-elle se poursuivre et, si oui, jusqu’à quel niveau ? N’y a-t-il pas là une piste pour le financement des collectivités locales ?

Enfin, qu’en est-il de la gouvernance des investissements d’avenir par la Caisse des Dépôts ?

M. Jean-Pierre Balligand. Je ne voudrais pas jeter de l’huile sur le feu s’agissant de la décentralisation des fonds d’épargne, mais il convient d’être prudent. Lors de la dernière assemblée générale du Crédit mutuel, M. Lucas s’est déclaré en faveur d’une diminution du niveau de centralisation à la Caisse des Dépôts. Cette intervention préfigure à mon avis une offensive des réseaux distributeurs historiques. N’oublions pas que c’est le Crédit agricole, soutenu par d’autres banques, qui avait plaidé pour une décentralisation partielle des fonds. Le Gouvernement français l’a décidée, sans que Bruxelles ne le lui demande à aucun moment, pour permettre aux banques, qui connaissaient alors une crise de liquidités, de financer les PME. Mais personne, pas même Bercy, n’est capable de dire si la ressource est bien utilisée à cette fin.

Le volume de liquidités reçu par les nouveaux réseaux distributeurs ayant augmenté grâce au lissage de Bercy, celui des réseaux historiques a diminué : il ne serait donc pas étonnant de voir ces derniers se plaindre à leur tour du niveau de centralisation des fonds à la Caisse des Dépôts. Gardons à l’esprit que cette centralisation permet de financer des politiques utiles à l’intérêt général.

Le bilan et les orientations présentés par le directeur général n’appellent pas de commentaires de ma part. Quant aux collectivités locales, je ne suis pas sûr qu’il faille rétablir l’équivalent de la Caisse d’Épargne et de crédit – CAEC –, mais les élus des collectivités pourraient réfléchir à la création d’une agence qui émettrait des obligations sur les marchés. Resterait alors à définir le rôle de la Caisse des Dépôts. Les collectivités ne pourront en effet se financer à des coûts trop élevés ; or M. Pérol a clairement indiqué, au nom de l’Association française des banques, que la participation de ces dernières diminuerait.

La Banque postale, dont la Caisse des Dépôts est actionnaire, dispose de nombreuses liquidités. Le Parlement devrait s’y intéresser, car je crains que les intérêts de la Caisse des Dépôts au sein de cette banque ne soient contradictoires avec ses intérêts au sein de Dexia, qu’il faut « reprovisionner ». Je rappelle que les caisses d’Épargne ont pris la place de Dexia auprès des collectivités, puisqu’elles assurent désormais leur financement à hauteur de 40 %.

M. François Goulard. Les domaines d’intervention de la Caisse des Dépôts n’ont jamais été aussi nombreux et variés : ses ressources humaines lui permettent-elles d’y faire face ?

Puisque la Caisse intervient, comme opérateur, dans certaines politiques publiques – comme l’équipement numérique –, la coordination avec les actions de l’État ne pose-t-elle pas des problèmes ?

M. Christian Eckert. Les engagements de la Caisse des Dépôts dans le cadre du Grand emprunt me semblent relativement faibles : quel est votre sentiment sur ce point ?

Quelle est la complémentarité, dans le soutien aux petites entreprises, entre la Caisse et Oséo ?

Enfin, le document que vous nous avez transmis détaille les perspectives de développement économique liées à la dépendance. Quel rôle la Caisse entend-elle jouer en ce domaine – gestion de fonds, prêts pour soutenir l’investissement, maîtrise d’ouvrage via ses filiales ? Comment, le cas échéant, envisage-t-elle de coordonner ses interventions avec celles de l’État, notamment pour éviter certaines externalisations comptables ?

M. Yves Deniaud. Quel rôle la Caisse joue-t-elle, ou pourrait-elle jouer, dans la gestion de l’immobilier de l’État ? Cette question se pose d’autant plus après l’échec de la Société de valorisation foncière et immobilière – SOVAFIM – dans la vente des bâtiments du ministère de la défense à un acheteur unique. La Cour des comptes a été très sévère avec la SOVAFIM, qui se débat un peu comme un poisson sur le sable. Quelles sont vos relations avec elle, et quel avenir lui voyez-vous ?

M. Jean-Pierre Brard. Vos présentations, monsieur de Romanet, monsieur Bouvard, était fort intéressantes mais un peu roses.

Les banques ont fait pression en arguant des obligations imposées par Bâle III, dont la perspective pourtant s’éloigne ; or le taux de centralisation de l’épargne réglementée, lui, n’évolue guère : pouvez-vous nous indiquer son niveau précis ? Quelle est par ailleurs, dans cette ressource, la part dévolue au financement du logement social ?

Le Parisien de ce matin parle de l’« opacité » de l’utilisation des fonds. Ce n’est pas très aimable pour la Caisse des Dépôts. Quel est votre sentiment ?

Le président d’Icade avait tenu devant notre commission, il y a deux ans, des propos scandaleux : quand on dirige une filiale de la Caisse des Dépôts, on ne se comporte pas comme un joueur de Monopoly – heureusement, monsieur le directeur général, vous êtes sur un tout autre registre.

Icade a vendu son patrimoine de logements sociaux, qui était déjà en grande partie amorti. Pour les biens rachetés par les organismes de logements sociaux, l’opération est payée par les autres locataires, en d’autres termes par des gens en grande difficulté. Cette façon de dégager des marges pour la Caisse des Dépôts ne me semble pas très morale.

On peut se réjouir du rendement des capitaux investis à La Poste. Toutefois, dans le village de Lanslebourg-Mont-Cenis en Savoie – exemple choisi au hasard –, La Poste a supprimé son distributeur automatique de billets. Certes, la Caisse des Dépôts n’est pas responsable de ces décisions insupportables, mais, en tant qu’actionnaire, elle a du poids.

Votre idée sur les EHPAD me semble excellente.

Quant aux agences de notation, il suffit de connaître leurs principaux actionnaires – M. Marc Ladreit de Lacharrière pour Fitch et M. Warren Buffett pour Moody’s – pour comprendre que leurs règles ne sont assurément pas d’airain.

Le 7 juillet prochain, Mme Merkel présentera un programme inédit – aux dires de l’ambassadeur d’Allemagne, le Gouvernement fédéral n’avait jamais autant travaillé depuis la Réunification – visant à réduire de 40 % la consommation énergétique de tous les bâtiments du pays. Ce programme permettra des créations d’emplois massives. Je serais bien marri que notre pays joue « petit bras » et accumule les retards technologiques en ce domaine.

M. Bernard Carayon. Vous avez créé le Club des investisseurs de long terme. La gestion et la gouvernance de vos interlocuteurs vous semblent-elles transparentes et démocratiques ?

Nous sommes nombreux à souhaiter une vraie politique industrielle française et européenne, en rupture avec les orientations de Bruxelles qui nous exposent aux grands prédateurs financiers. Puisque le FSI est l’un des instruments de cette politique et que l’on ne peut imaginer une politique industrielle européenne sans l’Allemagne, un FSI franco-allemand est-il envisageable ?

M. Michel Diefenbacher. S’agissant de l’accompagnement des personnes âgées et des logements sociaux, les besoins, déjà considérables, continueront d’augmenter. Or les collectivités territoriales ne peuvent plus assurer seules les financements ; quant à ceux qui proviennent du privé, ils ne présentent pas toujours les garanties nécessaires et sont parfois trop coûteux. L’intervention de la Caisse des Dépôts est donc indispensable : comment l’envisagez-vous à l’avenir ?

M. Michel Bouvard. Nous savons exactement comment est utilisé chaque euro du Fonds d’épargne centralisé à la Caisse des Dépôts : la transparence et la traçabilité sont totales. Il en va tout autrement, bien entendu, pour l’épargne réglementée gérée par les banques. Même si la création de l’Observatoire de l’épargne réglementée a permis des progrès, force est de constater que l’ensemble des obligations inscrites dans la loi ne sont pas respectées – je pense notamment à l’affectation de ressources supplémentaires au financement des entreprises. Ce produit étant défiscalisé, il a un coût pour la collectivité : il serait donc souhaitable que chacun ait le même souci de transparence.

Si le sujet revient sur le tapis, c’est sans doute parce que les dispositions contenues dans le décret se traduisent par une remontée effective du taux de centralisation : 63,6 % au 31 mars 2011, 63,8 % actuellement et bientôt 65 %, soit une augmentation de près de 8 milliards d’euros des encours du Fonds d’épargne. Si je peux comprendre certaines frustrations, le taux de centralisation de 65 % résulte de l’application de la loi ; il constitue le plancher à partir duquel nous pourrons envisager un retour au taux de 70 %.

Par ailleurs, l’allongement de la durée des prêts nous oblige à revoir le modèle de financement du logement social et de la politique de la ville, sans oublier la diversification de l’offre de prêts.

Certaines critiques sont d’autant plus insupportables que ceux qui les formulent s’exemptent parfois des exigences inscrites dans la loi.

M. Augustin de Romanet. Pour ce qui concerne le renforcement des fonds propres des entreprises, l’important, monsieur Giscard d’Estaing, est d’offrir aux chefs d’entreprise un guichet unique. À partir de 1995, les pouvoirs publics entendaient créer des effets de levier sans jamais apparaître. En 2007-2008, cette tendance s’est inversée. Compte tenu des exigences de Bâle III, obtenir des financements de banques privées dans des fonds régionaux de capital-développement relève de l’exploit – à l’image des 25 millions d’euros que Philippe Richert obtint du Crédit mutuel pour créer Alsace croissance.

Quant au Fonds d’épargne, les résultats de 2010 sont liés à la baisse du commissionnement ; ils resteront donc exceptionnels. Par ailleurs, toute baisse du taux du livret A est bonne pour la marge. Selon nos hypothèses, le nombre de logements financés grâce au livret A en 2010 et 2011 constituera un pic : il devrait redescendre aux environs de 100 000 logements dans les prochaines années.

Je partage votre inquiétude, monsieur Balligand, sur les réseaux qui pourraient se mobiliser contre la centralisation du livret A. Entre les dépôts bancaires, le livret A et l’assurance-vie, la concurrence est sans merci. Les banques veulent davantage de dépôts pour satisfaire aux règles de Bâle III en matière de liquidités ; les compagnies d’assurance-vie veulent défendre leur part d’un gâteau sérieusement entamé ; le livret A, lui, dispose du double avantage naturel de la garantie de l’État et de la défiscalisation. Je partage votre crainte, même s’il faut être mesuré pour La Poste, qui n’octroie pas de prêts aux PME.

Je me suis toujours opposé au mélange des genres et à la recherche de nouvelles activités. Il ne me semble donc pas souhaitable que la Caisse des Dépôts revienne à marche forcée vers les collectivités locales. Mais s’il le faut, j’y suis prêt.

Vous êtes un peu sévère, monsieur Goulard. La Caisse des Dépôts s’est concentrée sur quatre objectifs, même s’il est vrai qu’elle a beaucoup développé ses activités. La première décision managériale prise en 2007 a été la création d’une direction des ressources humaines, auxquelles j’attache beaucoup de prix. Pour les investissements d’avenir, nous avons ainsi recruté des chefs de programme. Lors de la création du Fonds stratégique d’investissement, j’ai consacré le tiers de mon temps, entre le 20 novembre et le 18 décembre 2008, à choisir un directeur général ; ce fut encore le cas lorsqu’il fallut le remplacer. Dans toute entreprise, le choix des personnes est l’aspect le plus important.

La coordination avec l’État est très bonne. Nous n’hésitons d’ailleurs pas à nous retirer lorsqu’il en exprime le souhait : nous ne sommes pas dépositaires de l’intérêt général. Pour le financement des universités, par exemple, nous nous sommes toujours tenus en retrait du ministre de l’enseignement supérieur.

M. Michel Bouvard. Et nous veillons à ce que nos interventions ne se traduisent pas par des débudgétisations.

M. Augustin de Romanet. Monsieur Eckert, beaucoup de dotations du programme d’investissements d’avenir ne sont pas consomptibles ; par ailleurs, les investissements sont toujours plus lents à décaisser que les subventions.

La complémentarité entre Oséo et la Caisse des Dépôts est totale : le premier apporte le bas de bilan – garanties et prêts – ; la seconde, le haut de bilan, c’est-à-dire les fonds propres. Seul le contrat de développement participatif et les obligations convertibles sont vendus par les deux réseaux. Je veille à ce que les responsables de la Caisse des Dépôts orientent les entreprises vers Oséo quand c’est nécessaire, et vice-versa.

Nous n’avons aucun état d’âme par rapport à l’échec de la vente des bâtiments du ministère de la défense, monsieur Deniaud : que la SOVAFIM fasse son travail. Dans le partenariat public-privé signé pour la création du Pentagone à la Française, à Balard, nous sommes intervenus en fonds propres, à des conditions financières plus favorables pour l’État. Nous restons donc à la disposition du ministère de la défense.

Comme l’a rappelé M. Bouvard, le taux de centralisation du livret A est de 65 %, monsieur Brard.

Les exigences de Bâle III pèsent encore sur les banques : il reste très coûteux pour elles d’investir dans des fonds de capital-développement ou de prêter à très long terme. Certaines d’entre elles ne prêtent plus au-delà de douze ans.

Quant au logement social, 90 % des encours de prêts du Fonds d’épargne y sont consacrés. J’ajoute que seul le ministère des finances peut décider d’un nouvel emploi.

Vous avez évoqué Icade, en faisant allusion au douloureux épisode de la vente de 25 000 logements intermédiaires. Je rappelle que leurs loyers avaient vocation à rejoindre les prix du marché libre à une échéance de douze ans. L’opération a donc permis de réintégrer ces logements dans le parc HLM, donc à stabiliser leurs loyers. Bref, il s’agit d’une bonne affaire pour les locataires. Par ailleurs, cette cession a été soutenue par le mouvement HLM et les pouvoirs publics. Comme elle était de surcroît dans l’intérêt d’Icade, je l’ai avalisée.

S’agissant de La Poste, nous veillerons, bien sûr, à la situation de Lanslebourg-Mont-Cenis…

Les objectifs du Grenelle II – 23 % d’énergies renouvelables d’ici 2020 – nécessitent des investissements considérables. Nous avons diligenté une étude sur l’efficacité comparée du photovoltaïque, de l’éolien, de la biomasse et de la micro-hydroélectricité. Beaucoup reste à faire, et le programme allemand nous stimulera davantage encore.

La gestion et la gouvernance des établissements qui sont nos interlocuteurs ne sont pas toujours transparentes et démocratiques, monsieur Carayon. Néanmoins, ces fonds souverains ont signé les principes de Santiago. En 2007, nous craignions qu’ils n’envahissent notre économie ; mais, poussés par la recherche de la rentabilité maximale, les flux restent au Sud : les fonds asiatiques investissent en Afrique ou en Amérique latine, et les fonds du Moyen-Orient investissent en Asie. Je rappelle que ces fonds possèdent 8 milliards d’euros dans le CAC 40, soit la moitié de ce que détient le groupe Caisse des Dépôts.

À court terme, la création d’un FSI franco-allemand ne me semble pas envisageable : le système de financement des entreprises allemandes est très différent. L’Allemagne possède en particulier un réseau de banques locales très puissant : une seule de des banques a le même nombre de participations dans les PME que l’ensemble du groupe Caisse des Dépôts – soit environ 2 000.

Vous m’avez interrogé, monsieur Diefenbacher, monsieur Eckert, sur la dépendance. Les prêts issus du Fonds d’épargne ont financé cette année près de 12 000 places nouvelles et 5 000 réhabilitations. Par ailleurs, nous avons demandé à la Société nationale immobilière
– SNI – de participer à la réhabilitation du parc et de transformer certains logements en places pour personnes âgées. Nous avons également renforcé les associations ISATIS – Intervenir pour soutenir l’autonomie en termes d’immobilier et de services – et AREPA – Association des résidences pour personnes âgées. Enfin, des investissements en fonds propres associés à des participations privées ont permis de créer CDC générations : il s’agit de proposer un prix de journée modéré aux personnes dont les ressources équivalent au niveau moyen des pensions, à savoir 1 400 euros par mois. Dans les cinq prochaines années, notre objectif est de financer 10 % des places nécessaires.

M. Michel Bouvard. Je regrette que vous ayez aussi mal ressenti l’audition de Serge Grzybowski, monsieur Brard. Cela dit, la quasi-totalité du résultat d’Icade revient à la Caisse des Dépôts, donc à l’intérêt général ou au budget de l’État.

D’autre part, Icade mène une action essentielle de valorisation des politiques foncières, dans une approche de long terme qui coïncide avec les choix d’aménagement des collectivités territoriales – c’est notamment le cas en Seine-Saint-Denis.

Enfin, l’équipe de direction a une vision stratégique. La cession de logements locatifs résulte aussi de choix liés à l’évolution du statut d’Icade, devenue une grande société foncière. Il n’est pas inutile que la Caisse des Dépôts compte une telle société parmi ses filiales, notamment dans la perspective du Grand Paris.

M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur le directeur général, monsieur le président de la commission de surveillance, je vous remercie.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 29 juin 2011 à 9 heures

Présents. - M. Jean-Pierre Balligand, M. Claude Bartolone, M. Jean-Marie Binetruy, M. Pierre Bourguignon, M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, M. Jérôme Cahuzac, M. Bernard Carayon, M. Thierry Carcenac, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Alain Claeys, M. Charles de Courson, M. Jean-Yves Cousin, M. Richard Dell'Agnola, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, M. Jean-Claude Flory, M. Marc Francina, M. Daniel Garrigue, M. Georges Ginesta, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. François Goulard, Mme Arlette Grosskost, M. Laurent Hénart, M. Alain Joyandet, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Marc Le Fur, M. Patrick Lemasle, M. Richard Mallié, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, M. Henri Nayrou, M. Hervé Novelli, Mme Béatrice Pavy, M. Jacques Pélissard, M. Camille de Rocca Serra, M. Pascal Terrasse, Mme Isabelle Vasseur, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier, M. Gaël Yanno

Excusés. - M. Dominique Baert, M. Patrice Martin-Lalande

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