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La Commission entend M. Michel Mercier, ministre de la Justice et des libertés, sur le projet de loi de règlement pour 2010 (n° 3507) : l’immobilier de la Justice.
M. Dominique Baert, président. Avant de laisser le ministre de la Justice et des libertés nous parler de l’immobilier de la justice, dans le cadre général de nos travaux sur l’exécution budgétaire de 2010, je salue la présence d’une délégation de parlementaires de l’Assemblée nationale du Mali. (Applaudissements.)
Monsieur le Garde des Sceaux, il aurait été plus classique de vous entendre avant le vote du projet de loi de règlement, mais l’ordre du jour des assemblées ne l’a pas permis, malgré votre bonne volonté. En tout état de cause, votre audition permettra de faire le point sur un feuilleton que nous suivons depuis la fin de l’année et qui concerne le regroupement des services centraux de votre ministère. Permettez-moi un bref rappel des épisodes précédents.
Premier épisode : le 23 novembre 2010, notre Commission émet, pour la première fois, un avis défavorable sur un décret d’avance prévoyant l’ouverture en urgence de 232 millions d’euros de crédits pour couvrir la location, pendant douze ans, d’un immeuble situé Porte d’Issy. Consulté sur le projet, le Conseil de l’immobilier de l’État avait préconisé l’acquisition d’un immeuble situé Porte de Bagnolet, pour un coût de 150 millions d’euros correspondant à six années de loyers des diverses implantations de l’administration centrale.
Deuxième épisode : les crédits ayant néanmoins été ouverts, l’Assemblée nationale adopte en décembre, lors de l’examen de la loi de finances rectificative pour 2010, un amendement diminuant les crédits de votre ministère de 72 millions d’euros.
Troisième épisode : le 26 janvier 2011, François Baroin, ministre du Budget, annonce à la commission des Finances du Sénat qu’une année supplémentaire est accordée à la Chancellerie pour mener à bien le projet de regroupement des services. Il évoque la possibilité de louer des locaux en respectant un plafond de loyer de 400 euros par mètre carré.
Quatrième épisode : interrogé en mai par le président de notre Commission et le Rapporteur spécial Yves Deniaud sur les conséquences financières du maintien de ces services en 2011 dans les locaux loués par la Chancellerie sur six sites, hors place Vendôme, le ministre du Budget répond partiellement. Il parle de renégocier les baux, mais les loyers resteraient très supérieurs à 400 euros par mètre carré.
Cinquième épisode : en juin 2011, l’État, par l’intermédiaire de France Domaine, fait savoir qu’il cherche pour le ministère de la Justice une nouvelle implantation de plus de 30 000 mètres carrés. Les offres devront lui parvenir avant le 20 juillet. Parallèlement, un appel d’offre est lancé pour un marché public d’assistance à maîtrise d’ouvrage afin de dépouiller, de classer et de négocier les propositions.
M. Yves Deniaud, Rapporteur spécial pour la Politique immobilière de l’État. Monsieur le ministre, début novembre, vos services ont présenté en urgence au Conseil de l’immobilier de l’État, que je préside, le fruit de la recherche d’un site unique pour les services centraux de la Chancellerie, actuellement répartis sur plusieurs immeubles loués dans Paris pour un montant total de plus de 25 millions par an.
Lors de la réunion, à laquelle participait le chef du service France Domaine, on nous a annoncé qu’au terme d’une sélection méticuleuse, le choix se résumait à deux sites : l’un rue Henry-Farman, dans le quinzième arrondissement, proche d’Issy-les-Moulineaux ; l’autre à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis. Au vu d’études comparées sur les temps de transport, vos services ont déclaré une préférence pour le premier, qui n’a paru justifiée ni au Conseil de l’immobilier de l’État, ni, ensuite, à la commission des Finances et à l’Assemblée nationale, compte tenu de l’écart de prix considérable entre les deux sites. Envisagé pour relocaliser les services du ministère de l’Intérieur actuellement logés rue Nélaton, l’immeuble de la rue Henry-Farman a été exclu de la liste restreinte du fait de sa mauvaise desserte par les transports en commun.
Pourquoi le site de la porte de Bagnolet n’a-t-il pas été retenu, dès lors qu’il répondait aux exigences de fonctionnalité et qu’il était plus avantageux financièrement ? Je rappelle que l’Assemblée nationale a réduit de 72 millions d’euros le montant des autorisations d’engagement demandé par le Gouvernement dans le collectif de fin d’année.
Où en est le projet de regroupement des services de la Chancellerie ? Quels sont le calendrier retenu, les options envisagées et le coût prévisionnel de l’opération ? Comment respecterez-vous le plafond d’autorisations d’engagement de 160 millions que nous avons voté ?
M. Michel Mercier, Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. Pour le ministère de la Justice, qui gère le deuxième parc du pays, le problème de l’immobilier ne se limite pas à Paris.
M. Henri Emmanuelli. Il se pose aussi à Mont-de-Marsan !
M. le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés Cette installation est une vraie catastrophe, mais, grâce à l’aide du président du conseil général, je suis sûr que nous ferons une vraie réalisation. Nous en reparlerons cet après-midi. À Lyon, le conseil général du Rhône, que je préside, assume 20 % des frais de construction du palais de justice.
Le rappel liminaire du président est exact, tout comme l’exposé de M. Deniaud. On a mal pris ce dossier, que j’essaie de traiter dans le calme et la sérénité. Nous sommes partisans du site unique, qui doit générer des économies en termes de crédits mais aussi d’emplois, notamment pour les services de base de l’immeuble. Je ne juge pas ce qui a été fait avant moi, je l’assume. On s’est enfermé dans un choix entre deux sites. Celui de Balard était tout de même desservi par le tram, le métro et le bus. Quant à celui de Bagnolet, la discussion avec les agents et les syndicats a révélé que la majorité du personnel habitait de l’autre côté de Paris.
Le Parlement joue son rôle quand il fixe le prix maximum du loyer et autres critères, que le pouvoir exécutif intégrera dans son choix. Nous avons décidé de travailler avec France Domaine pour établir un cahier des charges détaillé et le diffuser auprès des investisseurs de la place de Paris. Deux options restent ouvertes : l’acquisition d’un site existant, le cas échéant par crédit-bail, ou celle d’un site restant à construire, en vente en l’état futur d’achèvement. L’horizon de réalisation et d’aménagement serait, dans le premier cas, l’été 2012, dans le second, l’été 2015. La première option est privilégiée, le Parlement préférant l’achat à la location. À défaut, une location avec option d’achat éventuelle sera envisagée.
Pour la localisation, le cahier des charges envisage les arrondissements dix à vingt, ou la petite couronne, avec un lien rapide soit avec le ministère actuel soit avec un autre site proche de la place Vendôme, où les directions seraient maintenues. La Chancellerie souhaite que le site unique se trouve dans une zone déjà occupée par d’autres administrations, afin de mutualiser à terme des fonctions support, comme le parc auto ou la restauration. À cet égard, Balard l’emportait sur Bagnolet, mais ne revenons pas sur cette affaire, qui s’est soldée par un échec.
À l’automne, nous présenterons un projet au Conseil de l’immobilier de l’État. Son président a pu vérifier la conformité du cahier des charges aux prescriptions de l’Assemblée nationale et du Conseil. Le choix sera arrêté fin 2011, de sorte que vous n’aurez pas à examiner un nouveau budget sans que la décision ait été prise dans la sérénité qui sied à la justice.
Pour faciliter l’analyse des propositions, qui lui parviendront le 20 juillet, le ministère s’adjoindra dans les jours qui viennent les services d’un assistant à maîtrise d’ouvrage, spécialiste de l’immobilier, qui l’aidera à objectiver les termes du choix et à renforcer la qualité du dossier.
M. Dominique Baert, président. Quelles pourraient être les conséquences du choix sur la loi de finances pour 2012 ?
Par ailleurs, vous avez insisté sur la nécessité de joindre facilement le site unique à la place Vendôme, mais, pourquoi est-il exclu que les directions situées place Vendôme se regroupent aussi ? Et peut-on parler alors d’un site unique ?
M. le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. Soyons honnêtes : il y aura deux sites, voire trois. Le dossier a un peu traîné en début d’année, parce que l’État s’interrogeait sur l’avenir d’un site prestigieux, proche de la place Vendôme, qui aurait pu accueillir le ministère de la Justice. En attendant la décision finale, celui-ci conservera les bâtiments de la place Vendôme, où se trouve le seul ministère construit pour cet usage sous l’Ancien Régime. Je considère que son occupation est une victoire de la République.
En ce qui concerne l’évaluation financière, je m’en expliquerai dès la rentrée devant votre Rapporteur spécial M. Deniaud ou devant votre Commission.
M. Richard Mallié. En tant que membre du Conseil de l’immobilier de l’État, je me félicite que l’achat soit envisagé, une administration pérenne n’ayant rien à faire dans des locaux en location. Le ministère semble avoir évolué sur ce point. Nous appuierons vos propositions, car, loin de se limiter aux effectifs, la RGPP doit porter aussi sur l’immobilier.
M. le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. Il appartient au Parlement de fixer des conditions, que le pouvoir exécutif prendra en compte pour choisir le site.
M. Christian Eckert. Au cours d’une audition menée dans le cadre des travaux du Comité d’évaluation et de contrôle consacrés à la RGPP, le secrétaire général de l’administration du ministère de la Défense a dit et répété que, concernant le regroupement sur le site de Balard, la seule option étudiée avait été le partenariat public-privé. À l’inverse, monsieur le ministre, confirmez-vous que l’achat est la seule solution envisagée, à l’exclusion de toute autre, pour regrouper les services du ministère de la Justice ?
M. le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. Le ministère respectera le cadre fixé par l’Assemblée nationale, c'est-à-dire un achat, ou éventuellement une location avec option d’achat. Mais ce ne sera pas un PPP, ce qui ne veut pas dire que le ministère n’utilise pas les PPP. Je suis un pragmatique, je choisis la meilleure solution pour un projet donné. Plus largement, s’agissant des établissements pénitentiaires, je veux pouvoir comparer les solutions avant de décider, mais, pour le site unique, nous privilégions l’achat.
M. Michel Diefenbacher. Force est d’admettre que les premières expériences de PPP ont été très décevantes. La formule est-elle mauvaise ? Ou bien a-t-on manqué de pratique ?
Où en sont les opérations immobilières conduites dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire ? Il s’agit d’un projet de grande ampleur – avec la suppression de plus de 400 juridictions au 31 décembre dernier, dont dix-sept tribunaux de grande instance, la création de quatorze juridictions et le regroupement d’autres juridictions sur des sites déjà surchargés – qui doit éviter la formation de friches judiciaires et les dysfonctionnements dans des tribunaux déjà encombrés.
M. le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. S’agissant des PPP, il faut éviter le dogmatisme, surtout en l’absence d’éléments de comparaison. Nous attendons un rapport de la Cour des comptes, mais, pour le moment, je n’exclus d’emblée aucune solution.
On a mal mesuré au départ que la réforme de la carte judiciaire se traduirait par un chantier immense et très onéreux : nous menons 433 opérations immobilières dans les palais de justice, sans compter Mont-de-Marsan... Il y a toujours un moyen d’aller plus vite, monsieur Emmanuelli : en acceptant une participation du conseil général. En 2008, 114 opérations ont abouti ; en 2009, 136 ; en 2010, 410. Il en restera encore 137 à mener. Les fusions nécessitent parfois d’agrandir les locaux. La réforme de la carte judiciaire devra se mesurer à l’aune de l’efficacité de l’action des magistrats.
M. Patrick Lebreton. Je vous remercie de m’accueillir à la commission des Finances. J’en reviens aux PPP car, étant élu de La Réunion, je me préoccupe du sort de la prison de Saint-Pierre. Ne risque-t-elle pas, en raison des besoins à long terme du ministère dont s’est inquiété le Rapporteur général, d’être remise en cause ?
M. le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. Monsieur Lebreton, vous avez vu de vos propres yeux les efforts que l’État a faits à La Réunion. La nouvelle maison d’arrêt de Saint-Denis est une vraie réussite, le centre pénitentiaire du Port est en bon état, les juridictions aussi. Il reste, c’est vrai, la prison de Saint-Pierre, qui est en mauvais état, et que nous avons décidé de reconstruire. En prison, le détenu est privé de liberté, mais il dispose de ses autres droits d’être humain. J’ajoute que les prisons de La Réunion ne sont pas surpeuplées, elles accueillent même des prisonniers de Mayotte.
M. Dominique Baert, président. Il y a quelques mois, vous avez lancé, monsieur le ministre, une réforme de l’implantation de la médecine légale sur tout le territoire. À une question d’actualité que je vous ai posée, vous avez répondu que, après un premier schéma, vous meniez une concertation. Je vous ai donc saisi du maintien de l’unité médico-légale du centre hospitalier de Roubaix-Tourcoing, en partenariat avec l’institut médico-légal de Lille, et votre réponse a été extrêmement ouverte. Or les informations qui viennent de m’être communiquées par le médecin responsable de l’institut médico-légal de Roubaix-Tourcoing font état d’une fermeture du site, alors même que je n’ai pas encore reçu votre réponse, monsieur le ministre. Si tous les parlementaires sont traités de la même manière, ce serait fâcheux pour le Parlement. Alors, où en est-on ?
M. le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. La directrice de l’unité médico-légale de Roubaix-Tourcoing aurait mieux fait de m’écrire, plutôt qu’à vous. Nous ferons le point en septembre sur ce dossier qui concerne à la fois la justice et la santé. La décision a sans doute été prise un peu trop rapidement, même après vingt ans d’inaction. Nous allons regarder les choses de plus près. Il y a aussi des cas où, faute de spécialiste, les services de médecine légale ont été fermés, ce qui n’a pas empêché le ministère de la Santé de nommer à leur tête des professeurs de médecine légale. Nous ferons le point en septembre, avec le ministère de la Santé. J’ajoute que le ministère de l’Intérieur est favorable à la multiplication des points de médecine légale, de façon à éviter les transfèrements. Les décisions ne sont pas définitives.
M. Yves Deniaud, Rapporteur spécial. Je rappelle que les loyers versés pour les sites dispersés dans Paris dépassent 25 millions d’euros par an et que le plafond d’achat correspondait à six annuités de loyer. Choisir l’achat tombait sous le sens.
L’hôtel de la Marine, auquel vous avez fait allusion, monsieur le ministre, est trop petit pour héberger les services du ministère. Il ne représente que 24 000 mètres carrés, alors qu’il en faudrait 30 000. Un PPP n’est pas nécessaire dans la mesure où le ministère n’a besoin que d’un immeuble de bureaux, pourvu qu’il soit d’une taille suffisante.
Par ailleurs, où en est le PPP de la cité judiciaire des Batignolles, qui est le plus important de tous puisqu’il porte sur 800 millions d’euros, contre 600 millions pour Balard ?
M. le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. La reconstruction du tribunal de grande instance de Paris est un projet à part, compte tenu de son envergure. Nous sommes dans la phase de dialogue compétitif, et la décision devrait être prise à la fin de l’année. La maîtrise d’ouvrage des petites opérations est assurée par les services du ministère, alors qu’elle est confiée à l’Agence publique pour l’immobilier de la justice – l’APIJ – pour les plus grandes. Au fur et à mesure qu’elles avancent et qu’il faut des ajustements, nous nous efforçons de satisfaire le plus de gens possible.
M. Dominique Baert, président. Monsieur le ministre, nous vous remercions, et nous vous donnons rendez-vous pour le projet de loi de finances, qui sera l’occasion de faire un nouveau point.
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Membres présents ou excusés
Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 6 juillet 2011 à 11 h 30
Présents. - M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Jean-Marie Binetruy, M. Pierre Bourguignon, Mme Chantal Brunel, M. Thierry Carcenac, M. Olivier Carré, M. Yves Censi, M. Alain Claeys, M. Olivier Dassault, M. Yves Deniaud, M. Michel Diefenbacher, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Flory, M. Nicolas Forissier, M. Marc Francina, M. Daniel Garrigue, M. Georges Ginesta, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, Mme Arlette Grosskost, M. Laurent Hénart, M. Jean Launay, M. Richard Mallié, M. Jean-François Mancel, M. Jean-Claude Mathis, M. Pierre Moscovici, M. Henri Nayrou, M. Hervé Novelli, Mme Béatrice Pavy, M. Jacques Pélissard, Mme Sophie Primas, M. Camille de Rocca Serra, M. Michel Sapin, M. François Scellier, M. Michel Vergnier
Excusés. - M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, M. Jérôme Cahuzac, M. Gilles Carrez, M. Charles de Courson, M. François Goulard, M. Jean-François Lamour, M. Victorin Lurel, M. Patrice Martin-Lalande
Assistait également à la réunion. - M. Patrick Lebreton
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