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La Commission entend M. Éric Jalon, directeur général de la Direction générale des collectivités locales, sur la péréquation communale et intercommunale
M. le président Jérôme Cahuzac. Nous accueillons maintenant M. Éric Jalon, directeur général des collectivités locales, pour évoquer la péréquation communale et intercommunale. Le comité des finances locales a eu de nombreuses réunions sur ce sujet. Par ailleurs, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, des groupes de travail ont déjà livré leurs conclusions, dont le projet gouvernemental s’écarte, notamment en introduisant des strates pour apprécier le seuil de déclenchement des prélèvements en fonction du potentiel financier agrégé, le PFIA. Je pense aussi aux mécanismes de distribution aux bénéficiaires, qui paraissent a priori complexes. Comment se fera la montée en puissance du Fonds de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales, le FPIC, dont le montant doit progressivement atteindre 1 milliard d’euros, par tranche de 250 millions ? Dans quelle mesure peut-on être sûr que ce volume sera atteint, puisque certaines communes seront à la fois contributrices et bénéficiaires ?
Le point le plus important est aujourd’hui celui qui touche aux strates. Certains élus de communes petites ou moyennes craignent en effet que celles-ci y perdent. Les écarts de richesse en fonction du potentiel financier, qui sont de 1 à 5 pour les départements et de 1 à 3 pour les régions, atteignent en effet 1 à 1 000 pour les communes. S’il y a un échelon territorial qui exige une péréquation efficace, c’est donc bien l’échelon communal.
(M. Éric Jalon commente une série de diapositives figurant en annexe.)
M. Éric Jalon, directeur général des collectivités locales. Je vous présente aujourd’hui le dispositif que proposera le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2012, et qui ne sera délibéré en Conseil des ministres que la semaine prochaine, après avoir été présenté – la veille – au CFL. Nous levons donc le voile sur ce dispositif. Mais les révélations devraient être peu nombreuses, celui-ci ayant été mis au point de manière aussi transparente que possible.
Permettez-moi d’abord de rappeler le contexte dans lequel il s’inscrit. Le FPIC, qui concerne les communes et les intercommunalités, poursuit deux objectifs : l’approfondissement de l’effort de péréquation au sein du secteur communal et l’accompagnement de la réforme fiscale. Lors de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale, la CET, le Parlement a pris l’initiative de renforcer la péréquation au sein de chacun des niveaux de collectivités territoriales, dite péréquation horizontale. En 2011 a donc été mis en place le fonds de péréquation sur les droits de mutation à titre onéreux – DMTO – entre les départements, qui s’élève à 440 millions d’euros ; en 2013 se déclencheront les fonds de péréquation de la croissance de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE –, au profit des régions et des départements ; en 2012, le FPIC.
Ce dispositif s’inscrit dans le prolongement de l’effort durable entrepris en faveur de la péréquation1. Depuis la réforme de la dotation globale de fonctionnement – DGF – en 2004-2005 et le plan de cohésion sociale, les deux principales dotations de péréquation « verticale » que sont la dotation de solidarité urbaine – DSU – et la dotation de solidarité rurale – DSR – ont plus que doublé, suivant des progressions parallèles de + 106 % pour la première et de + 102 % pour la seconde. Existent en outre d’ores et déjà deux mécanismes de péréquation horizontale. Il s’agit d’une part du Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France – FSRIF –, qui existe depuis une vingtaine d’années, et d’autre part des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle – FDPTP –. Leurs reversements aux communes dites concernées et les reversements prioritaires ont été sanctuarisés dans la garantie individuelle de ressources due à chaque collectivité dans la réforme de la taxe professionnelle ; ceux destinés aux communes défavorisées – la partie proprement « péréquatrice » – ont été relayés par une dotation de l’État, à hauteur de 449 millions d’euros en 2011, répartie entre les départements concernés.
Pour préparer le projet de loi de finances pour 2012, nous avons travaillé dans le cadre imparti par l’article 125 de la loi de finances pour 2011, qui pose quatre principes. Le premier est un objectif de ressources, fixé à 2 % des recettes fiscales, soit 1 milliard d’euros à l’horizon 2015, avec une montée en charge progressive. Le deuxième consiste en l’alimentation du fonds par un prélèvement opéré sur les ressources des groupements appréciées au niveau des intercommunalités ou, à défaut, de chacune des communes isolées. Nous nous fonderons donc sur les « blocs territoriaux », ce qui présente plusieurs avantages. D’une part, cela facilite les comparaisons, puisque nous ne travaillerons pas sur 36 000 communes et 2 500 intercommunalités à fiscalité propre, mais sur environ 4 000 entités – EPCI ou communes isolées – dont le nombre est appelé à se réduire avec la réforme territoriale. D’autre part, grâce au potentiel financier agrégé – PFIA –, nous pourrons comparer ces ensembles en neutralisant les choix de régime fiscal opérés par les intercommunalités concernées. On pourra ainsi comparer sans distorsion un ensemble constitué d’un EPCI à fiscalité professionnelle unique et de ses communes membres avec un ensemble constitué d’un EPCI à fiscalité additionnelle et de ses communes membres. Le troisième principe est celui d’un reversement en fonction du potentiel financier, et éventuellement de critères de charges, et le quatrième celui du maintien d’un fonds de péréquation spécifique à l’Île-de-France, qu’il faudra donc articuler avec le dispositif national. J’en ajoute un cinquième : la définition d’un nouvel indicateur de ressources – rendu nécessaire par la réforme de la taxe professionnelle – assez large pour constituer la meilleure mesure de la richesse des collectivités concernées.
L’article 125 prévoit un rapport que le Gouvernement remettra, après avis du Comité des finances locales – c’est l’un des objets de sa réunion de la semaine prochaine –, au Parlement qui devra se prononcer sur six questions. La première, qui va nous occuper longuement aujourd’hui, est celle des groupes démographiques ; la deuxième, celle du potentiel financier moyen définissant le seuil de prélèvement ; la troisième, celle du taux de prélèvement et de son mode de calcul – il s’agit de savoir si l’on introduit une progressivité dans le prélèvement, et selon quelle méthode. La quatrième question est celle du montant maximal de prélèvement à instaurer. Je rappelle que le Conseil constitutionnel n’avait validé le dispositif le plus ancien de péréquation horizontale, le FSRIF, qu’à la condition qu’il soit plafonné, estimant que dans le cas contraire, il porterait atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. La cinquième question est celle des critères de ressources et de charges utilisés dans la répartition des attributions, et la sixième celle de l’articulation avec le FSRIF.
La méthode suivie s’est appuyée sur la concertation, en particulier au sein du groupe de travail que présidait le rapporteur général au CFL, qui a consacré sept séances à ce thème entre février et juillet 2011. Nous avons tenu compte – même si on peut discuter de la manière dont nous l’avons fait – des travaux menés par la commission des finances du Sénat et par votre commission. Des simulations ont été réalisées à compter de mai 2011, sur la base des données provisoires de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE –. Nous les avons communiquées au CFL lors des réunions de juin et juillet. À l’issue de ce processus, le 20 juillet, le ministre chargé des collectivités territoriales a arrêté le schéma du dispositif, pour qu’il soit traduit dans le projet de loi de finances, actuellement soumis à l’examen du Conseil d’État.
J’en viens aux grands principes du FPIC.
Nous avons tout d’abord retenu l’idée d’un fonds national unique, afin de favoriser une réduction des inégalités sur l’ensemble du territoire. Il y a eu débat – la question s’était en effet posée, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, de savoir s’il valait mieux un fonds national ou une addition de fonds régionaux du type du FSRIF. Or, le potentiel financier communal moyen par habitant varie considérablement selon les régions : pour une moyenne de 933 euros par habitant, il va de 528 euros par habitant pour la Guyane à 1 334 euros pour l’Île-de-France. Les écarts-types sont très importants : de 470 euros au niveau national, il varie entre 160 euros pour la Réunion et 991 euros pour la Basse-Normandie. Des fonds régionaux pourraient certes corriger les inégalités existantes dans chacune des régions, mais sur la base de ressources très différentes d’un fonds à l’autre. L’effet global serait donc moindre. C’est pourquoi nous avons écarté cette option.
Le deuxième principe consiste à mesurer la richesse au niveau intercommunal, en consolidant les ressources du groupement et de ses communes membres au travers de la notion d’ensemble intercommunal. Cela aura concerné 4 238 collectivités en 2011, dont 2 599 EPCI à fiscalité propre et 1 639 communes isolées, et permet, comme je l’ai dit, une comparaison neutre par rapport aux régimes fiscaux des intercommunalités concernées.
Nous avons enfin retenu le principe d’une montée en charge progressive, par tranches de 250 millions d’euros, pour atteindre 2 % des ressources fiscales des communes et EPCI en 2015. Pour répondre à votre question, monsieur le président, il s’agit d’un volume brut, puisque certaines communes pourront être à la fois contributrices et bénéficiaires. Il faudra donc prélever et redistribuer 1 milliard d’euros. Le solde n’atteindra donc pas 1 milliard d’euros, mais il y aura bien, à l’horizon 2015, 1 milliard qui circulera entre les collectivités.
M. le président Jérôme Cahuzac. Permettez-moi de vous interrompre : le milliard d’euros circule entre les collectivités, mais une partie est prélevée et attribuée aux mêmes collectivités : on peut donc difficilement qualifier ce mécanisme de « péréquateur », même si cela ne concerne qu’une faible part du fonds.
M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances. Ce point a fait l’objet de longs débats au sein du CFL. Nous avons finalement opté à la quasi-unanimité pour ce système où l’on peut être à la fois contributeur et bénéficiaire. Tous les systèmes mis en place jusqu’à présent, où l’on est tantôt l’un tantôt l’autre, se signalent en effet par des effets de seuil massifs et incompréhensibles. Tout changement de l’un des paramètres
– potentiel financier, décompte de logements sociaux – conduit la collectivité à sortir du système ou à y rentrer à nouveau, ce qui est insupportable. C’est pourquoi nous avons, pour la première fois, fait le choix, pour le fonds de péréquation DMTO, sur lequel avait travaillé notre collègue Laffineur, d’un système qui permet d’être à la fois contributeur et bénéficiaire. Son grand avantage est de créer une continuité et de supprimer les effets de seuil. Cette année, 440 millions seront prélevés pour ce fonds. Si on retranche les fonds reçus par les contributeurs, la redistribution nette s’établit à environ 350 millions d’euros ; mais le résultat est infiniment meilleur. Je m’inquiétais beaucoup de la mise en œuvre de ce fonds, mais cela s’est fort bien passé. Tout bien considéré, et même si le président a raison, ce système est donc meilleur.
M. le président Jérôme Cahuzac. Ce n’est pas le fait qu’une commune puisse être à la fois contributrice et bénéficiaire qui fait débat, mais le respect de l’esprit de l’article 125 de la loi de finances initiale. Le maintien du principe selon lequel une commune peut être à la fois contributrice et bénéficiaire – que je ne conteste pas – me paraît en effet difficilement compatible avec l’affichage d’un volume de péréquation global d’1 milliard d’euros. M. Jalon l’a d’ailleurs dit, il s’agit d’un volume brut, non d’un volume net.
M. Henri Emmanuelli. Il ne faut donc pas gonfler les chiffres.
Lorsqu’on met en œuvre une péréquation, il y a des recettes, mais aussi des dépenses. Prenons l’exemple des DMTO dans le département de la Seine Saint-Denis : les recettes sont certes élevées, mais que dire des dépenses ?
M. le rapporteur général. Vous abordez là la deuxième partie : vous êtes trop rapide…
M. le président Jérôme Cahuzac. Si la différence entre volume brut et volume net vous paraît infime, monsieur le rapporteur général, il est dommage d’opter pour cet affichage. Je crains pour ma part que l’écart ne soit pas si infime – d’où le choix du volume brut, et non pas net.
M. le rapporteur général. Nous avons fait le choix de fixer un montant. Dans les fonds du type FSRIF, voire FDPTP, il n’est pas garanti parce que le montant soumis à la péréquation dépend de l’évolution des différents paramètres. Dans le cas présent, le CFL tenait à ce que l’on se donne un objectif de péréquation dans le temps. Or pour cela, on ne peut raisonner qu’en brut, et ce pour des raisons techniques, puisqu’on fixe une valeur de point. Mais je ne suis nullement opposé à ce que l’on précise le volume net à l’occasion de l’examen du texte, par exemple dans l’exposé des motifs.
M. Éric Jalon. Les simulations complètes étant en cours de vérification, je ne me risquerai pas à vous donner dès aujourd’hui un chiffre net, mais je crois pouvoir dire que la différence est marginale. Je m’engage en tout cas à communiquer les chiffres au CFL la semaine prochaine, lorsque nous lui présenterons le rapport du Gouvernement.
M. le rapporteur général. La différence entre le brut et le net sera moins importante que pour le fonds de péréquation des DMTO.
M. Éric Jalon. Je le pense. Tout cela est une question de logique. Nous faisons tourner deux mécanismes différents, l’un qui prélève 1 milliard d’euros et l’autre qui le redistribue. Ce ne sont pas les mêmes populations qui sont concernées. D’une part, le pourcentage de collectivités cibles de la redistribution est moindre que le pourcentage de collectivités cibles pour le prélèvement. D’autre part, les critères ne sont pas les mêmes : dans la redistribution interviendra en effet, pour la moitié du mécanisme, un critère de charges dont nous parlerons tout à l’heure. De fait, certaines collectivités sont concernées dans les deux cas, mais le chiffre net que nous donnerons la semaine prochaine devrait être de nature à rassurer la Commission.
J’en viens au nouvel indicateur de ressources que constitue le PFIA. L’objectif est de mesurer la richesse fiscale à l’échelle du territoire de l’EPCI en neutralisant les choix de structure fiscale des intercommunalités et en comparant des groupements de catégories différentes.
Le panier de ressources pris en compte intègre aussi largement que possible les effets de la suppression de la taxe professionnelle, puisque la totalité des ressources fiscales et des compensations issues de la réforme sont retenues. Il a d’autre part été élargi à quatre impositions : le prélèvement sur le produit des jeux, la surtaxe sur les eaux minérales, les taxes sur les remontées mécaniques et la redevance des mines. Toutes les ressources fiscales pour lesquelles la loi n’a pas prévu d’affectation sont donc prises en compte pour former le potentiel fiscal agrégé – PFA –.
Trois options étaient ensuite possibles pour passer au potentiel financier agrégé. La première consiste à ajouter au PFA les dotations forfaitaires des communes membres, ce qui donne un montant total de 67,8 milliards d’euros. Dans la deuxième, on ajoute en sus les dotations de péréquation des communes membres, soit un montant total de 70,6 milliards d’euros. La troisième inclut en outre la dotation d’intercommunalité, soit un montant total de 73,2 milliards d’euros.
Nous avons retenu à ce stade la première option. Il y a en effet une vraie difficulté à intégrer les dotations de péréquation dans un mécanisme de péréquation : même si c’est ce que souhaitait la commission des finances du Sénat, cela nous semble de nature à compliquer le dispositif et à introduire des effets de neutralisation croisée entre péréquation horizontale et péréquation verticale. Nous n’avons pas davantage souhaité retenir les dotations d’intercommunalité alors que la réforme des collectivités territoriales doit être mise en œuvre dans les trois prochaines années et que les périmètres vont par conséquent évoluer, ce qui nous aurait obligés à recalculer chaque année les dotations d’intercommunalité de l’année n-1 sur la base du périmètre au 1er janvier. La question pourra être posée de nouveau lorsque les périmètres seront stabilisés, c’est-à-dire à l’horizon 2014 ou 2015.
J’en arrive à une question qui vous préoccupe, celle des groupes démographiques. Je conviens qu’ils sont déjà nombreux dans le code général des collectivités territoriales, mais ce n’est pas le fruit du hasard. Le débat de 2004-2005 sur la modulation de la dotation forfaitaire de base par habitant en fonction de la population, qui avait lui aussi motivé la constitution d’un groupe de travail au CFL, avait ainsi conclu à la nécessité de faire progresser la dotation de base par habitant en fonction de la population, parce que les études économétriques des professeurs Gilbert et Guengant, qui font autorité en la matière, avaient constaté que les dépenses par habitant croissent avec la taille de la commune, selon une formule logarithmique. L’effet de mesure de la richesse – le potentiel financier – et l’effet de mesure du pouvoir d’achat n’étant pas comparables, comparer de manière non stratifiée des communes de quelques dizaines d’habitants avec de grands ensembles n’apparaissait pas pertinent.
Nous avons néanmoins souhaité documenter cette question au sein du groupe de travail, en étudiant trois scénarios : un scénario « déstratifié », qui utilise le PFIA selon une référence nationale – il s’agit de comparer toutes les collectivités par rapport à la moyenne nationale du PFIA ; un scénario stratifié avec quatre groupes démographiques ; un scénario stratifié avec six groupes démographiques. Contrairement à ce que l’on a pu entendre ici ou là, il ne s’agit en aucun cas de faire du FPIC un ensemble constitué de six fonds étanches. Ce n’est pas parce que l’on compare les collectivités au sein de strates démographiques que l’on redistribue un prélèvement assis sur chacune des strates au sein de chacune des strates. Ce serait en effet faire l’erreur que nous avons voulu éviter en refusant le principe de fonds régionaux. Il ne s’agit donc que d’un outil de mesure. En d’autres termes, les collectivités prélevées dans les strates élevées ne partageront pas au bénéfice des collectivités bénéficiaires de leur strate, mais bien à celui de l’ensemble des collectivités bénéficiaires.
M. Henri Emmanuelli. C’est une solidarité stratifiée.
M. Éric Jalon. Non : il n’a jamais été dit que les communes de plus de 200 000 habitants auraient un pactole à répartir entre les communes de plus de 200 000 habitants et elles seules, tandis que les communes ou EPCI de moins de 10 000 habitants auraient un pactole – bien évidemment moindre – prélevé et réparti au sein de cette seule strate. La solidarité n’est pas stratifiée : c’est la mesure de la richesse relative qui est stratifiée. Il y a bien un fonds, avec des mouvements financiers entre toutes les communes, et non six fonds. C’est un point fondamental qui doit être clair pour tous.
M. le président Jérôme Cahuzac. Cela signifie donc que dans la première strate, celle des collectivités ayant le moins d’habitants, une commune peut avoir un PFIA supérieur à 0,9 fois le potentiel financier moyen de cette strate, et donc contribuer au FPIC, sans pour autant être objectivement plus riche qu’une commune d’une autre strate qui, elle, n’est pas contributrice. Autrement dit, cela conduit des communes à être considérées comme riches dans leur strate, bien qu’elles le soient moins qu’une commune d’une autre strate qui, elle, ne contribue pas. La stratification à six strates conduit donc à ce qu’il y ait davantage de communes contributrices parmi les communes petites et moyennes que si l’on faisait le choix d’une stratification nationale ou à moins de six strates.
M. Éric Jalon. Vous avez raison. C’est d’ailleurs ce qu’illustre le graphique des résultats du scénario « déstratifié2 », qui fait apparaître une très forte concentration des prélèvements sur les communes ou les intercommunalités de grande taille, avec cependant un effet de richesse qui reste marqué pour les communes isolées dans les strates inférieures. Je complète mon propos par quelques chiffres qui ne figurent pas dans cette présentation, mais qui figureront dans le rapport du Gouvernement. Le PFIA moyen national s’établit à 989,18 euros par habitant. Dans la strate des communes de moins de 10 000 habitants, il est de 668 euros par habitant ; mais l’écart-type dans cette strate est de 368 euros. En l’absence de stratification, nous aurions donc des communes qui, bien que favorisées à l’échelle de leur strate et de leurs charges, ne seraient pas contributrices parce qu’elles se situent en dessous du PFIA moyen national. Il y a donc un choix à faire : faut-il retenir le seul potentiel financier, ou prendre aussi implicitement en compte les critères de charges, c’est-à-dire la corrélation objective qui a été mise en évidence entre le potentiel financier et les charges supportées par les communes ? Nous nous sommes en fait inscrits dans la continuité du raisonnement fait en 2004-2005. La stratification nous est apparue comme le moyen de prendre en compte la forte augmentation des charges par habitant induite par celle de la population.
M. le rapporteur général. Je dois reconnaître que malgré notre volonté de consensus, des voix divergentes se sont encore fait entendre lors de la dernière réunion du CFL sur cette question de la stratification. Historiquement, nous avons toujours raisonné de façon stratifiée dans les mécanismes de dotations de nos finances locales. Lorsque la DGF a été créée en 1979, il y a plus de trente ans, l’écart de DGF par habitant entre les toutes petites communes et Paris, Lyon et Marseille était de 1 à 3, en partant du constat que l’écart moyen de dépenses était le même. Depuis, la France s’est urbanisée. Nous ne pouvons balayer les arguments de nos collègues maires ruraux, à qui l’on réclame, tout comme dans les villes, des crèches ou d’autres services. Mais dans le même temps, force est de reconnaître cette prégnance historique d’un delta de dépenses moyen très important.
Il est apparu dès les premières réunions que, si l’on ne stratifiait pas, il faudrait automatiquement prendre en compte l’effort fiscal. Il est évident que, dans les villes qui dépensent plus, la fiscalité est davantage sollicitée. Le graphique3 met en évidence qu’une bonne partie des transferts sont pris en charge par le milieu urbain, le milieu rural restant épargné. Si l’on retient le critère de la population, cela revient au même, car s’il y a beaucoup moins de contributeurs dans un scénario non stratifié, ils sont très sollicités.
M. le président Jérôme Cahuzac. Cela dépend du seuil de déclenchement.
M. le rapporteur général. Je l’ai d’ailleurs constaté au CFL, où les représentants des grandes villes ont un certain poids. Au terme des sept réunions de travail, ma conclusion personnelle est la suivante. La péréquation horizontale constitue une petite révolution. Nous n’avons en effet jamais réussi à la mettre en œuvre, sauf en Île-de-France – encore est-elle régulièrement remise en cause par nos collègues des Hauts-de-Seine. Si l’on veut ancrer véritablement cette notion, il faut donc un minimum de consensus. Il sera toujours temps de faire bouger les curseurs ensuite. Or si nous choisissons de ne pas stratifier, nous devrons faire droit à la prise en compte de l’effort fiscal. Nous serons alors confrontés à un problème de redistribution. En principe, celle-ci va tenir compte à 50 % du revenu des habitants. Prenons le cas de l’Île-de-France. Le revenu nominal des habitants y est très supérieur à la moyenne, mais leur pouvoir d’achat après déduction des dépenses de logement est tout à fait comparable – voire inférieur – à la moyenne. La prise en compte du revenu va donc introduire un biais au détriment des régions urbaines où la situation du logement est très tendue. Bref, le curseur est délicat à placer, et cela au moment même où l’on introduit la péréquation horizontale. C’est pourquoi la majorité du CFL s’est finalement ralliée à l’idée que mieux valait stratifier, au moins dans un premier temps. C’est un choix pragmatique : il s’agit de réussir la péréquation – et pour cela, il nous faut éviter tout blocage. Songez que voilà vingt ans que nous essayons sans succès de mettre en place une péréquation horizontale ! Nous avons profité de la réforme de la taxe professionnelle pour en consacrer les principes. Il ne faudrait pas qu’à vouloir aller trop vite, on réduise tous nos efforts à néant.
M. le président Jérôme Cahuzac. Je ne crois pas que les oppositions seront de nature politique et classique. Vous en avez d’ailleurs vous-même indiqué la raison. Dès lors qu’une commune à 750 euros de PFIA peut être contributrice dans une strate, tandis que dans une autre, une commune à 1 200 euros de PFIA ne le sera pas, on voit bien que l’opposition sera davantage entre grandes ou très grandes villes et villes petites ou moyennes. Je ne serais d’ailleurs pas surpris que cette option de la stratification ait été privilégiée par certains maires de grandes villes comme Lyon, Le Mans ou Paris. Bref, chacun se déterminera en fonction du nombre d’habitants des communes ou des territoires qu’il représente.
M. Jean-Pierre Balligand. Vous savez que nous avons travaillé sur ce sujet avec Marc Laffineur. Intéressons-nous d’abord au prélèvement. Ramenée en euros par habitant, la moyenne pour l’ensemble de la population s’établit à 6,74 euros dans le scénario du Gouvernement, et à 5,04 euros dans le scénario sans strates que nous avions construit. Détaillons maintenant par strates : pour la première – moins de 10 000 habitants – cette moyenne s’établit à 8,40 euros dans le scénario du Gouvernement, et à 3,44 euros dans le nôtre. Pour la deuxième strate – entre 10 000 et 20 000 habitants – elle s’établit à 7,19 euros dans le scénario du Gouvernement et à 2,86 euros dans le nôtre. Pour la troisième strate
– entre 20 000 et 50 000 habitants – nous sommes à 6,93 euros dans le scénario du Gouvernement et à 3,05 euros dans le nôtre ; pour la quatrième – entre 50 000 et 100 000 habitants – à 5,63 euros dans le scénario du Gouvernement et à 3,95 euros dans le nôtre ; pour la cinquième – entre 100 000 et 200 000 habitants – à 6,26 euros dans le scénario du Gouvernement et à 5,02 euros dans le nôtre. Pour les plus de 200 000 habitants, enfin, la moyenne s’établit à 6,62 euros dans le scénario du Gouvernement et à 7,05 euros dans le nôtre. Pour les 18 millions d’habitants qui vivent dans des communes de plus de 200 000 habitants, le supplément de prélèvement dans notre scénario est limité à 43 centimes.
Le vrai problème va concerner les communes qui assument des charges de centralité. D’après les chiffres des rapports de la DGCL, nous savons que ce sont les communes de 2 500 à 30 000 habitants qui payent le plus lourd tribut à cet égard, ainsi que celles de plus de 200 000 habitants. Or la première strate inclut des petites villes de 5 000, 6 000, 7 000 ou 8 000 habitants, qui assument de vraies charges de centralité, et qui seront prélevées – même si elles sont peu riches – uniquement parce qu’elles seront comparées à des communes rurales au potentiel fiscal très bas. Entre la stratification que vous avez choisie et ce que nous proposions, le différentiel est considérable – je rappelle que pour les communes de moins de 10 000 habitants, on est à 8,40 euros de prélèvement dans le premier et à 3,44 euros dans le second, et ce n’est guère mieux pour les strates suivantes. Franchement, vous privilégiez les communes de plus de 200 000 habitants. Vos stratifications conduisent à une iniquité fondamentale qui entache tout le dispositif.
M. Marc Le Fur. Sans prétendre avoir l’expertise des deux orateurs précédents, je voudrais plaider pour l’absence de stratification. Toutes choses égales par ailleurs, une commune d’un peu moins de 10 000 habitants paiera, alors qu’une commune d’un peu plus de 10 000 habitants sera épargnée, puisqu’elle appartiendra à un échantillon plus « favorable ». Cet effet de seuil me semble difficile à justifier.
Par ailleurs, nous nous heurtons, depuis les lois créant les intercommunalités, à une difficulté majeure. Sur le plan financier, il est aujourd’hui plus intéressant de constituer une communauté urbaine qu’une communauté d’agglomération, et une communauté d’agglomération qu’une communauté de communes. Bref, la loi favorise les grosses structures, ce qui aboutit à des comportements aberrants : on fusionne à l’infini des communes pour pouvoir constituer une communauté d’agglomération. Épargnons-nous donc cette difficulté : raisonnons à partir d’un principe simple, en retenant le revenu par habitant, et tenons-en compte sans que la taille de la commune puisse interférer.
M. Éric Jalon. La comparaison entre les masses prélevées et les masses reversées dans le scénario du Gouvernement illustre mon propos de tout à l’heure : la péréquation ne s’opère pas au sein de boîtes étanches. Ainsi, les montants reversés aux collectivités bénéficiaires de la première strate – moins de 10 000 habitants – s’établissent à 53,5 millions d’euros, pour 36 millions d’euros prélevés. Par ailleurs, et cette donnée figurera dans le rapport, les blocs communaux – constitués d’une intercommunalité et de ses communes membres – représentent la moitié des contributeurs au sein de la première strate, les communes isolées en représentant l’autre moitié. La moitié des 53,5 millions d’euros prélevés sur la première strate le sont donc sur des communes isolées, qui présentent un écart de richesses objectif par rapport à la strate. Au fur et à mesure que la réforme de l’intercommunalité sera mise en œuvre, les communes isolées rejoindront les intercommunalités. Elles verront alors leurs richesses diluées dans des ensembles intercommunaux plus importants, et cet écart entre prélèvement sur la première strate et reversement au bénéfice de la première strate s’accentuera. Dans cinq ans, la masse prélevée sur la première strate sera sans doute moindre qu’aujourd’hui, tandis que la masse reversée à cette même strate devrait être encore supérieure.
Je réponds maintenant à M. Balligand sur les villes moyennes. La situation particulière des strates 3 – 20 000 à 50 000 habitants – et 4 – 50 000 à 100 000 habitants – nous a en effet conduits à nous interroger. Je suis cependant quasiment sûr de la réponse que je vais vous faire – que nous vous confirmerons la semaine prochaine. Dans les strates 3 et 4, les communes isolées représentent respectivement 41 % et 38 % du prélèvement, mais ne reçoivent quasiment rien. Autrement dit, la totalité de celui-ci va aux blocs communaux. Mais quelles sont ces communes isolées ? La strate 3 compte 47 communes isolées, dont 46 sont situées en Île-de-France. 19 d’entre elles sont des communes de Petite couronne, qui n’ont pas l’obligation de rejoindre des intercommunalités. Quant à la strate 4, elle compte 14 communes isolées, toutes situées en Petite couronne. En d’autres termes, si on enlève les communes isolées d’Île-de-France, le biais que vous dénoncez disparaît. Il est en effet lié au fait que dans ces deux strates, on compare des grosses communautés de communes ou des petites communautés d’agglomération avec des grosses communes isolées d’Île-de-France, qui contribuent fortement – comme c’était l’objectif – au dispositif national de péréquation proposé. Voilà qui devrait permettre de lever une partie des objections soulevées.
M. Jean-Pierre Balligand. Vos chiffres n’invalident pas ce que j’ai dit sur les prélèvements considérables qui pèseraient sur les communes isolées des trois premières strates, alors que les communes faisant partie d’un ensemble agrégé y échapperaient. La prise en compte du potentiel financier agrégé moyen par strate introduirait une inégalité de traitement, au détriment des petites communes, surtout celles qui supportent des charges de centralité – lesquelles augmentent avec la population – et qui sont comparées à d’autres qui n’offrent pas de services et dont les habitants sont pauvres et âgés, ou ouvriers. Il aurait fallu prendre des ensembles de même type, par exemple les communes de moins de 1 000 habitants. La stratification que vous envisagez créera des distorsions graves, et pose une question de fond qui donnera lieu à un débat politique dépassant le clivage gauche-droite.
M. Bernard Carayon. Comment justifiez-vous la méthode qui a été choisie, monsieur le directeur ?
Pourriez-vous également nous communiquer également quelques cas concrets, pris dans chaque strate ? M. Balligand a raison, les charges de centralité pèsent particulièrement sur les villes entre 5 000 et 30 000 habitants, et sur celles de plus de 200 000 habitants sans que les intercommunalités permettent de les réduire vraiment. Ces villes risquent donc de subir une double peine.
Mme Marie-Christine Dalloz. Dans la première strate, les communes de moins de 10 000 habitants, la moitié de la collecte proviendrait de communes isolées. Pour mieux comprendre, pourrait-on faire cette ventilation dans chaque strate ?
Le dispositif ne risque-t-il pas de se déséquilibrer, au fur et à mesure que le nombre de communes isolées diminuera ?
M. Éric Jalon. Il ne me semble pas, dans la mesure où nous n’avons pas fixé le montant du prélèvement par strate. L’évolution de la composition des strates se répercutera sur leurs contributions.
Le tableau de la page 13 montre la proportion de la population contributrice dans chaque groupe démographique avec et sans stratification. Sans stratification, 8 % de la population est sollicitée dans les communes et intercommunalités de moins de 10 000 habitants, et 83 % dans celles de plus de 200 0000 habitants ; contre respectivement 32 % et 38 % avec la stratification, qui permet donc une plus grande homogénéité.
La contribution moyenne par habitant s’établissait à un peu plus de 5 euros dans le mécanisme proposé par M. Balligand et M. Laffineur, et à 6,74 euros dans le nôtre parce que l’assiette n’est pas la même : 75 % du potentiel fiscal contre 90 %. La différence réside donc exclusivement dans la répartition entre les différentes strates. Ainsi, dans le système Balligand-Laffineur, la somme prélevée par habitant dans la strate de moins de 10 000 habitants serait de 3,84 euros et de 6,98 euros dans la dernière strate – plus de 200 000 habitants. Comment justifier un écart qui va du simple au double ? En revanche, dans notre système, si l’on excepte la première tranche où le prélèvement moyen est de 8,40 euros, il est de 7,19 euros dans la deuxième et de 6,62 euros dans la dernière.
Reste la question de la contribution dans les communes et intercommunalités de moins de 10 000 habitants, où elle est à 8,40 euros. Je donnerai la semaine prochaine au Comité des finances locales le montant moyen du prélèvement dans les blocs communaux, et dans les communes isolées, que je pressens nettement plus élevé.
M. le rapporteur général. Le Comité des finances locales a eu du mal lui aussi à admettre ce chiffre de 8,40 euros. Toutefois, il semble que son niveau élevé soit dû à des communes qui sont restées isolées parce qu’elles sont très riches. À elles seules, elles feraient monter le prélèvement moyen par habitant. Comment expliquer autrement que les communes de moins de 10 000 habitants, avec un potentiel financier moyen très faible, arrivent à un montant moyen supérieur aux communes de plus de 200 000 habitants ?
M. Jean-Pierre Balligand. J’insiste auprès de vous, monsieur le directeur, pour que la vérification soit faite. Votre explication vaut pour les communes moyennes, me semble-t-il, mais, dans l’Aisne ou dans le Tarn, les communes isolées sont des sortes de villages gaulois, qui ne sont pas riches du tout.
M. le président Jérôme Cahuzac. Il y en a partout, des villages gaulois !
M. Jean-Pierre Balligand. Ce que vous décrivez correspond plutôt à la typologie des communes moyennes dont certaines sont suffisamment riches pour pouvoir investir individuellement.
M. Éric Jalon. En tout état de cause, la commission des finances disposera de l’ensemble des simulations effectuées pour préparer le texte.
Le prélèvement par habitant est calculé seulement pour les communes soumises à prélèvement. Autrement dit, plus, au sein d’une strate, le nombre de communes concernées est réduit, plus le prélèvement moyen est élevé. Il faudra donc voir le montant moyen par habitant pour l’ensemble de la population de la strate.
Une fois la référence déterminée – c'est-à-dire le potentiel financier agrégé de référence, national ou par strate –, comment calculer le prélèvement en respectant, d’une part, le principe de progressivité et, d’autre part, en répartissant la charge entre EPCI et leurs membres ? S’agissant du premier point, pour dépasser la simple proportionnalité, nous avons retenu l’écart à la moyenne de la strate du potentiel financier agrégé par habitant de l’entité, divisé par la moyenne du potentiel financier agrégé par habitant de la strate, et multiplié successivement par le nombre d’habitants au sens de la dotation globale de fonctionnement et la valeur du point. Cette méthode permet d’obtenir un prélèvement progressif en fonction du PFIA tout en évitant les effets de seuil indissociables d’un barème par tranche.
La répartition de la charge dans les EPCI comportera deux étapes. Dans un premier temps, on calculera d’abord la contribution de l’ensemble intercommunal puis on répartira en fonction des ressources fiscales de l’EPCI, minorées des compensations versées à ses membres, et de celles de l’ensemble de communes. Il faut éviter de trop peser sur les intercommunalités.
M. Dominique Baert. Qui fera le prélèvement ?
M. Éric Jalon. Cette tâche sensible sera confiée aux directions départementales des finances publiques : le prélèvement sera imputé sur les douzièmes, à moins que des modalités différentes n’aient été décidées à l’unanimité de l’EPCI et de ses membres.
Venons-en au reversement. En vertu du système proposé, une commune pourra être à la fois contributrice et bénéficiaire.
Le reversement repose sur un indice synthétique de ressources et de charges prenant en compte pour moitié la richesse relative de la collectivité au sein de sa strate, mesurée par l’écart du potentiel financier agrégé par habitant à la moyenne du groupe démographique, et pour moitié la richesse de ses habitants en retenant l’écart du revenu moyen par habitant à la moyenne nationale. Nous avons passé en revue tous les critères utilisés pour répartir les dotations de péréquation versées par l’État et il en est ressorti que le revenu par habitant est l’indicateur le plus transversal et le plus simple pour mesurer objectivement la charge supportée par les collectivités en termes d’offre de services à la population.
M. le rapporteur général. Le revenu synthétise beaucoup d’autres critères, comme l’APL, mais le revenu nominal ne détermine pas forcément le pouvoir d’achat, là où le prix des logements est élevé.
M. Éric Jalon. Les bénéficiaires seront la première moitié des collectivités – EPCI, communes membres et communes isolées – classées dans l’ordre décroissant de leur indice de ressources et de charges.
Par parallélisme avec les modalités de prélèvement de droit commun, les versements seront répartis au prorata des ressources fiscales de l’EPCI et de ses communes membres. À la majorité qualifiée, l’ensemble communal pourra opter pour une répartition en fonction du coefficient d’intégration fiscale, ou bien, à l’unanimité, pour une répartition selon des critères librement fixés. Si certains s’y risquent, ce sera l’occasion de mettre à plat les mécanismes de péréquation internes à l’intercommunalité.
M. Dominique Baert. Le versement sera-t-il fait à l’EPCI, à lui de reverser aux communes membres, ou bien ira-t-il directement aux communes membres ?
M. Éric Jalon. Les versements seront calculés et versés à chacun par les directions départementales, selon les mêmes modalités que les prélèvements, c'est-à-dire au prorata, à moins d’une décision contraire, le régime de droit commun visant à éviter les effets de trésorerie.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les attributions de compensation de taxe professionnelle passent-elles par les directions départementales, ou par les EPCI ?
M. Dominique Baert. Par les EPCI.
M. Marc Le Fur. Quel est le critère autre que le revenu par habitant qui entre dans l’indice synthétique qui sert au calcul du reversement ?
J’approuve entièrement que le revenu par habitant soit le critère majeur de répartition. Mais la philosophie de la distribution doit être la même que celle de la collecte. Et ne pas retenir le revenu par habitant pour la collecte défavoriserait les communes qui accueillent la majorité de la population modeste, à savoir les communes de petite taille où vit aujourd'hui la population ouvrière. Dans la plupart des agglomérations de province, plus on s’éloigne du centre, plutôt bourgeois, plus on trouve de gens modestes. Le critère de la taille des communes ne fait que polluer la collecte.
M. Éric Jalon. Le prélèvement est adossé au potentiel financier agrégé par référence à celui de la strate, c'est-à-dire au revenu des collectivités, et non à celui des habitants. En revanche, les reversements dépendent pour moitié des ressources des collectivités, rapportées à celles de la moyenne de la strate, et pour moitié du revenu moyen des habitants par rapport au revenu moyen national.
M. le rapporteur général. Au sein du Comité des finances locales comme au Sénat, certains ont même proposé une stratification des revenus, au vu des différences énormes entre les revenus nominaux.
M. Éric Jalon. En ce qui concerne l’outre-mer, seuls seront susceptibles d’être prélevés les communes et groupements des départements d’outre-mer, en raison de la spécificité de la fiscalité des collectivités d’outre-mer – les COM.
Les reversements seraient calculés par application au montant des ressources du FPIC d’une quote-part – c’est le système en vigueur pour la plupart des dotations – qui pratiquerait une majoration de 33 % de la population par rapport à la population totale. Cela représenterait une dotation de 13 millions d’euros en 2012, ventilée ensuite en fonction de la population entre les collectivités des DOM – hors Mayotte – et les COM et Mayotte.
S’agissant du FSRIF, nous nous sommes largement inspirés des travaux faits au sein de Paris Métropole, dont les représentants ont présenté leurs propositions devant le groupe de travail du Comité des finances locales.
Le cadre se définit en six points. Premièrement, un objectif de ressources fixé ex ante en sécurisant les ressources brutes, qui connaîtront une montée en charge progressive, de 210 millions en 2012 à 270 millions en 2015. Deuxièmement, une commune pourra être à la fois contributrice et bénéficiaire. Troisièmement, seul subsistera le premier prélèvement auquel sont soumises les communes de la région Île-de-France, le second, assis sur les bases de la taxe professionnelle, ayant vocation à disparaître. Quatrièmement, le prélèvement serait calculé en fonction de l’écart au carré entre le potentiel financier agrégé de la collectivité et la moyenne constatée dans la région Île-de-France – le carré étant la condition d’une forte progressivité, sur laquelle les membres de Paris Métropole s’étaient entendus. Cinquièmement, un plafonnement à 10 % des dépenses réelles de fonctionnement, ce qui correspond à une reconduction du régime actuel. Sixièmement, pour les reversements, la composition de l’indice synthétique sera simplifiée : maintien du revenu par habitant, des logements sociaux et du potentiel financier.
L’articulation avec le FPIC est délicate. Les communes d’Île-de-France doivent contribuer à la fois à la péréquation régionale et à la péréquation nationale sans dévitaliser l’une ou l’autre. Quand nous allons calculer le potentiel financier agrégé des blocs territoriaux ou des communes isolées d’Île-de-France, nous le majorerons, ou le minorerons selon les cas, des versements ou des prélèvements au titre du FSRIF de façon à en neutraliser l’impact. Par ailleurs, la contribution globale au FPIC et au FSRIF sera plafonnée à 15 % des ressources prises en compte dans le calcul du potentiel financier agrégé.
M. Marc Le Fur. Je reviens sur une polémique dont la presse régionale s’est fait l’écho. Depuis la réforme de la taxe professionnelle, des régions qui étaient considérées comme riches naguère ne le seraient plus, notamment l’Île-de-France, et, inversement, des régions qui n’étaient pas riches le seraient devenues. Disposez-vous d’éléments objectifs ?
J’aimerais disposer des chiffres de péréquation au titre des droits de mutation de mon département en 2010 et 2011.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Une commune d’Île-de-France pourra-t-elle voir sa contribution au FPIC compenser, et même dépasser ce qu’elle reçoit du FSRIF ? Si oui, ce sera difficile à expliquer.
M. Éric Jalon. En principe, je ne pense pas mais il faudra vérifier dans le détail.
M. Bernard Carayon. Quand sera présenté le rapport sur la répartition du Fonds de péréquation prévu à l’article 125 de la loi de finances ?
M. le rapporteur général. Le Comité des finances locales doit donner son avis, qui sera annexé au rapport, mardi prochain.
M. Éric Jalon. Monsieur Le Fur, j’ai lu les articles parus dans Ouest-France. La question concernait surtout les régions, davantage que les communes et intercommunalités. Avant la réforme de la taxe professionnelle, le potentiel fiscal était le produit des bases par les taux moyens nationaux. Certaines régions, comme l’Île-de-France, qui pratiquaient des taux très bas, voire nuls, avaient un potentiel fiscal très élevé. Mais, comme les régions ne peuvent plus décider du taux que sur une fraction marginale de leurs ressources fiscales – TIPP et cartes grises –, ce sont les ressources réelles qui sont garanties. Dès lors, ces régions apparaissent relativement plus pauvres puisqu’elles ne peuvent plus mobiliser le potentiel fiscal dont elles disposaient autrefois. Entre deux régions, la première bénéficiant d’un potentiel fiscal élevé, mais pratiquant un taux très bas, verra son niveau de richesse relative diminuer tandis que la seconde, au potentiel plus faible, mais au taux élevé, verra sa richesse relative augmenter.
Ce mécanisme perturbe la mesure de la richesse entre les régions, mais pas nécessairement la réalité de la richesse des régions au regard de leurs besoins. Ainsi, si la région Île-de-France avait eu de réels besoins, elle aurait relevé ses taux avant la réforme. Le groupe de travail du CFL, en accord avec l’Association des régions de France, a jugé plus raisonnable de fonder la répartition des dotations de péréquation horizontale sur un nouvel indicateur de ressources tel que des régions comme le Limousin, la Bretagne ou l’Auvergne, continuent à apparaître comme relativement défavorisées, et la région Île-de-France relativement favorisée. Le mécanisme sera examiné dans un dernier groupe de travail qui se réunira demain. Sous cette réserve, il figurera dans le projet de loi de finances pour 2012 et mettra un terme à la polémique engagée par Ouest-France cet été.
M. François Scellier. Le phénomène joue aussi pour certains départements, ceux qui n’ont pas augmenté leur fiscalité.
M. Éric Jalon. Dans une moindre mesure, puisque les départements gardent un pouvoir sur leur taux d’imposition. Pour les départements, l’option prise consiste à passer au nouveau potentiel financier, en intégrant les produits à la place des potentiels quand les ressources ont été modifiées par la réforme de la taxe professionnelle, et à lisser dans le temps l’impact sur la répartition des dotations de péréquation en les encadrant – en les faisant évoluer dans une sorte de tunnel – aussi longtemps que nécessaire.
M. le rapporteur général. Nous examinerons en deuxième partie de la loi de finances, c'est-à-dire début novembre, la nouvelle définition des potentiels financiers pour les communes, les départements et les régions. Celles-ci sont tombées d’accord pour que leur potentiel financier ne tienne pas compte des ressources sur le volume desquelles elles n’ont plus la main. Dès lors, il sera très faible.
M. le président Jérôme Cahuzac. Le collectif pour 2010 avait prévu une dotation de 75 millions d’euros pour les départements en difficulté. A-t-elle été distribuée ? Si oui, quand, et selon quels critères ? Sinon, quand le sera-t-elle, alors même qu’elle avait été votée parce qu’elle nous paraissait indispensable ?
M. Dominique Baert. Pouvez-vous repréciser ce qu’il adviendra, en 2012 et 2013, des fonds régionaux de péréquation de la taxe professionnelle destinés aux communes défavorisées ? Et de la dotation nationale de péréquation – DNP – qui ne cesse de diminuer ?
M. Bernard Carayon. Peut-on avoir la liste des départements en difficulté et le montant de leurs dotations ?
M. Éric Jalon. Le collectif a autorisé deux fois 75 millions d’euros. Une première enveloppe était destinée à trente départements, et répartie selon des critères fixés par la loi. Le versement a eu lieu en août, mais les annonces ont été faites suffisamment tôt pour que les départements en tiennent compte dans leur budget prévisionnel.
La seconde enveloppe, qui est l’équivalent des dotations d’équilibre versées aux communes défavorisées, était destinée aux départements susceptibles d’avoir du mal à boucler leur budget en exécution 2010 ou 2011. Il a fallu attendre que les départements déposent leur candidature – le délai était le 30 avril, date limite pour le vote du budget –, puis examiner la situation de la quinzaine d’entre eux qui l’ont fait, en collaboration avec l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale de l’administration et l’Inspection générale des affaires sanitaires et sociales, pour décider qui serait éligible au regard de différents critères. La liste est en cours d’arbitrage. Une fois qu’il aura été rendu, une proposition d’aide individuelle sera faite au président du conseil général qui devra s’engager dans une convention à prendre des mesures de maîtrise des grands équilibres du budget. Ce n’est qu’au terme de la phase de négociation que l’on saura exactement qui seront les destinataires et combien ils recevront. Je comprends l’impatience du législateur puisque la mesure a été votée pour 2010. Sachez que cette disposition a été évoquée pour la première fois en juin 2010 au cours d’une rencontre entre le Premier ministre et le bureau de l’Assemblée des départements de France mais il n’était question alors que d’un mécanisme d’avance – non d’une dotation.
Au niveau national, en 2012, les concours financiers de l’État seront redéployés au sein de l’enveloppe qui est gelée, de façon à permettre de poursuivre l’accroissement des dotations de péréquation, notamment de la DNP. Les ministres détailleront les mesures la semaine prochaine. La mise en place de la péréquation intercommunale n’implique pas le renoncement à la péréquation verticale.
Les FDPTP recueillaient le produit des écrêtements de taxe professionnelle perçue auprès des établissements dits exceptionnels : barrages, centrales nucléaires… On distinguait les bénéficiaires de droit, c'est-à-dire les lieux d’implantation des installations, qui recevaient le prélèvement prioritaire, et les communes « concernées », c'est-à-dire les lieux de résidence des salariés. Les sommes qu’ils recevaient ont été sanctuarisées dans le calcul de la garantie de recettes fiscales liée à la réforme de la taxe professionnelle. En revanche, la partie péréquation en faveur des communes défavorisées a disparu avec la taxe professionnelle. Elle a été remplacée par une dotation de l’État de 449 millions d’euros pour 2011 répartie entre les départements au prorata de ce que représentaient les FDPTP pour les communes défavorisées. Les conseils généraux continueront à reverser les fonds aux communes défavorisées dans les mêmes conditions. Le montant est gelé par département.
M. le rapporteur général. Les présidents de conseil général y tiennent beaucoup parce qu’ils sont libres de répartir les fonds comme ils l’entendent.
M. le président Jérôme Cahuzac. Monsieur le directeur, je vous remercie sincèrement pour la qualité de vos explications sur un sujet ardu, et pour votre patience.
ANNEXE :
Fonds de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales (FPIC)
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1 Voir annexe p. 4
2 Voir annexe p. 11
3 Voir annexe p. 14