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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Jeudi 13 octobre 2011

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 8

Présidence de M. Jérôme Cahuzac, Président

–  Suite de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2012 (n° 3775) :

Examen des crédits des missions :

– Écologie, développement et aménagement durables : Transports aériens et météorologie ; vote sur le budget annexe Contrôle et exploitation aériens (M. Charles de Courson, Rapporteur spécial)

– Économie : Commerce extérieur (M. Olivier Dassault, Rapporteur spécial)

–  Présences en réunion

La Commission examine d’abord, sur le rapport de M. Charles de Courson, les crédits du programme Météorologie de la mission Écologie, développement et aménagement durables, ainsi que le budget annexe Contrôle et exploitation aériens.

M. Charles de Courson, Rapporteur spécial pour les crédits des transports aériens et de la météorologie. Le champ du rapport spécial que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui recouvre, d'une part, le budget annexe Contrôle et exploitation aériens et, d'autre part, le programme Météorologie, qui relève du budget général.

Je commencerai par dire quelques mots de ce programme, qui verse à l'établissement public administratif Météo-France sa subvention pour charges de service public. Cette subvention s'élèvera en 2012 à 207 millions d'euros, soit 9 millions de plus qu'en 2009.

Cette progression assez significative, qui s'inscrit dans le cadre du futur contrat d'objectifs et de performance (COP) entre Météo-France et l'État, a deux explications : d’abord, la nécessité de reconstituer le fonds de roulement de l'établissement, très sollicité dans le cadre de l'actuel COP ; ensuite, la réalisation ou l'achèvement d'importants investissements, notamment la construction de la salle d'accueil du nouveau supercalculateur, qui fait l’objet d’un partenariat avec l’université de Toulouse, et le renouvellement du réseau de radars, la qualité et la densité des radars étant des facteurs primordiaux pour effectuer de bonnes prévisions.

Météo-France poursuit sa réorganisation territoriale ; depuis des années je demandais la contraction du réseau en raison de l’évolution technologique qui rend sans objet les implantations départementales. L'objectif de la réorganisation est de réduire de cent huit à cinquante-cinq le nombre de ces implantations. C'est en 2012 qu'auront lieu, dans un climat social quelque peu tendu, les dix-huit premières fermetures – le tiers des fermetures envisagées : presque trois ans se seront écoulés entre la décision de principe et sa première mise en œuvre, le temps de conduire la concertation.

Sans m'étendre davantage sur Météo-France, qui peine à maintenir le niveau de ses recettes commerciales, je souhaiterais appeler l'attention de la Commission sur la question du financement du service public de météorologie en Nouvelle-Calédonie. Il est dommage que notre collègue néo-calédonien membre de la commission des Finances soit absent. Bien que depuis 1988 la compétence en la matière appartienne à la Nouvelle-Calédonie, Météo-France continue de prendre en charge cinquante-six des soixante-dix emplois du service territorial de la météorologie ! Je suis en attente d'un complément d'informations sur le sujet mais, afin d'avoir un débat avec le Gouvernement, je déposerai, à la mission Relations avec les collectivités territoriales, un amendement destiné à minorer la dotation grâce à laquelle la Nouvelle-Calédonie serait censée financer la météorologie. Je n’ai toujours pas reçu de réponse écrite, mais il semblerait que les moyens aient bien été transférés à la Nouvelle-Calédonie. Cette situation est d’autant plus anormale que la Nouvelle-Calédonie est une des rares collectivités ultramarines à bien se porter et à se développer. Elle a les moyens d’assumer les fonctions régaliennes qui lui ont été transférées.

J'en viens au budget annexe Contrôle et exploitation aériens, cœur de mon rapport spécial.

Les crédits demandés pour 2012 – 2 217 millions d'euros en autorisations d'engagement et 2 205 millions en crédits de paiement – sont supérieurs de 2,3 millions à ceux prévus l'an dernier dans le cadre de la programmation triennale.

Cette augmentation résulte d'une simple mesure de périmètre, à savoir le transfert de quarante équivalents temps plein travaillé – ETPT – depuis le budget général, pour achever la consolidation au sein du budget annexe du service national de l'ingénierie aéronautique. Ce transfert de quarante ETPT sera financé par l'affectation au budget annexe d'une quotité supplémentaire de taxe de l'aviation civile – TAC –, dont le produit est actuellement réparti entre le budget général et le budget annexe.

J'ai proposé hier à la commission des Finances qui, hélas, ne m’a pas suivi, d'affecter l'intégralité de la TAC au budget annexe, afin d'en permettre le désendettement. Actuellement, 80 % vont au budget annexe et 20 % au budget général.

Comme vous le savez, le budget annexe est essentiellement financé par voie de redevances, payées par les usagers du transport aérien en contrepartie des prestations de service assurées par la direction générale de l’Aviation civile (DGAC). Or, une partie des activités qui pourraient potentiellement être financées par redevances ne le sont pas du fait soit de régimes dérogatoires – concernant notamment la navigation aérienne outre-mer pour laquelle les redevances couvrent seulement 40 % des coûts – soit de difficultés rencontrées dans la mise en recouvrement, entre autres des redevances de surveillance et de certification.

Les autres recettes du budget annexe ne suffisant pas à couvrir l'intégralité des charges de fonctionnement, la DGAC doit couvrir par emprunt, outre la totalité des investissements, une petite partie du fonctionnement. Elle évalue le montant annuel de ce sous-financement à plus de 100 millions d'euros.

C’est pourquoi le budget annexe est entré dans ce que la Cour des comptes n'a pas hésité à qualifier de « spirale de surendettement ». Entre 2001 et 2011, la dette s'est accrue de 64 % ; elle augmentera à nouveau en 2012, pour s'établir à 1 214 millions d'euros.

De fait, la DGAC s'endette pour financer son fonctionnement, le montant de l'emprunt – 250 millions d'euros prévus pour 2012 – étant supérieur à celui des investissements – 197 millions d'euros.

Étant le défenseur de la règle d’or pour les budgets annexes au même titre que pour le budget général, j’affirme qu’il faut mettre un terme à cette situation. Avant d’interroger le Gouvernement sur le sujet en séance publique, je tiens à connaître le sentiment de la Commission.

Je ne connais que deux façons de rétablir l’équilibre du fonctionnement : augmenter les redevances ou réduire les dépenses de fonctionnement. Les redevances font l’objet d’un engagement communautaire, qui rend les marges plus faibles. Il conviendrait de faire des efforts, pas seulement sur l’outre-mer, mais sur l’ensemble des recettes.

Les besoins en investissement sont très importants, dans le cadre de l'intégration de la navigation aérienne au niveau communautaire, au sein du FABEC (Functionnal Airspace Block pour l'Europe centrale). L'affectation de l'intégralité de la TAC au budget annexe lui procurerait, au titre de 2012, un surcroît de recettes de 76 millions d'euros, ce qui lui permettrait de ne pas procéder à l'augmentation prévue du plafond d'emprunt – à hauteur de 55 millions d'euros – et de s'engager progressivement vers son désendettement.

Compte tenu des investissements que j’ai mentionnés, les marges de manœuvre sur les dépenses sont réduites. Un gisement d'économies pourrait sans doute être trouvé du côté de la gestion des personnels. Le problème, que j’ai soulevé dans mes rapports successifs, est que l’on accepte que, à l’image des salariés du privé négociant avec leur patron des conventions collectives, les fonctionnaires de la DGAC négocient des « protocoles sociaux » triennaux, dont les mesures catégorielles sont destinées, pour le dire pudiquement, à réduire la conflictualité, c'est-à-dire le risque de grève et de blocage par les contrôleurs aériens.

Je dénonce depuis plusieurs années, avec la Cour des comptes, le caractère coûteux et dérogatoire de ces protocoles, alors que la DGAC reste une direction d'administration centrale. C'est d'ailleurs là que réside le problème puisque, à tous points de vue, la DGAC se distingue des autres administrations : activité quasi-commerciale, double rôle de prestataire de services et de régulateur, gestion de ses ressources humaines, présentation de sa comptabilité.

C'est la raison pour laquelle je milite de longue date pour la transformation de la DGAC en établissement public autonome. Le Gouvernement, après l'avoir envisagé dans un rapport remis au Parlement à ma demande, y a finalement renoncé. Il va de soi que je le déplore.

Au-delà des questions budgétaires, je souhaiterais faire quelques commentaires sur le secteur du transport aérien au sens large.

Après avoir fortement chuté en 2009, la reprise de 2010 a été confirmée au premier semestre 2011. Dans ce contexte de sortie de crise, Air France rencontre des difficultés, liées à l'augmentation des prix du carburant. Plus structurellement, le groupe a du mal à faire face aux nouvelles concurrences : en ce qui concerne le long-courrier, la stratégie très agressive des compagnies du Golfe pourrait menacer ses parts de marché sur certaines destinations, notamment asiatiques ; en ce qui concerne le moyen-courrier, la réaction à la croissance des low costs, consistant à baser des avions sur certaines escales de province, paraît trop timide. Je reste sceptique sur l’adaptation de cette stratégie au déferlement des low costs, depuis plusieurs années. Il faut envisager à terme un effondrement des parts de marché sur le moyen-courrier.

Sur le plan environnemental, c'est en 2012 que le transport aérien sera intégré au système européen d'échange de quotas de CO2, contrepartie de l’exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers dont bénéficie le kérosène. On ne peut en effet soumettre à cette taxe que les lignes intérieures françaises. Cette intégration suscite l'opposition de certains États tiers à l'Union européenne – Canada, États-Unis et certains Émirats –, dont les compagnies, opérant en Europe, seront soumises au système dit des ETS.

Je ne m'étendrai pas cette année sur le coût exorbitant des dépenses de sûreté, dont je dénonce inlassablement depuis des années l'inefficacité, prouvée par des tests, ne voulant pas être accusé d’adopter une attitude antinationale consistant à donner des idées à de dangereux commandos terroristes. Comme s’ils ignoraient que les lignes Maginot sont faites pour être contournées ! En la matière, il conviendrait en conséquence de changer de méthode.

Je souhaiterais en revanche dire quelques mots d'un sujet dont l'actualité, brûlante il y a encore quelques semaines, a été brutalement refroidie : la cession des parts détenues par l'État dans les sociétés aéroportuaires.

Ces sociétés, dont le régime date de la loi relative aux aéroports de 2005, sont désormais au nombre de sept. Leur capital est détenu par l'État à hauteur de 60 %, par les chambres de commerce et d'industrie (CCI) à hauteur de 25 %, et par les collectivités territoriales concernées à hauteur de 15 %.

Comme l'y autorise – voire l’y incite – la loi de 2005, l'État a lancé en 2010 un processus devant conduire à une ouverture du capital par la cession de tout ou partie de ses parts.

Les CCI, mais surtout certaines collectivités, se sont fortement opposées à l'entrée au capital des sociétés aéroportuaires d'opérateurs privés, candidats naturels au rachat des parts de l'État. Face à ces résistances, le Gouvernement a décidé de repousser sine die la cession envisagée. Je le regrette, car cela aurait permis d'apporter des financements et, surtout, des réseaux au nécessaire développement des plateformes aéroportuaires régionales, actuellement sous-développées par rapport à celle des autres pays européens. Si le blocage devait persister, une autre piste pourrait être étudiée, consistant à transférer aux sociétés aéroportuaires, sous forme d'apport en capital, une partie de l'emprise foncière des aéroports détenue par l'État, celle qui n’est pas dédiée à l’essence des fonctions régaliennes. Cela a été fait dans la loi de 2005 pour Aéroports de Paris, et le développement de ce groupe depuis lors doit sans doute beaucoup à l'augmentation de capital ainsi permise.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Monsieur le Rapporteur spécial, êtes-vous favorable à l'adoption des crédits de la mission Écologie, développement et aménagement durables ?

M. le Rapporteur spécial. Oui, monsieur le président.

M. le Président Jérôme Cahuzac. En est-il de même de l'adoption des crédits du budget annexe Contrôle et exploitation aériens ?

M. le Rapporteur spécial. Assurément.

La Commission adopte le budget annexe Contrôle et exploitation aériens.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Je rappelle que le vote des crédits de la mission Écologie, développement et aménagement durables interviendra à l'issue de l'examen des crédits de la Prévention des risques ; conduite et pilotages des politiques de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, le 19 octobre prochain.

*

La Commission procède ensuite, sur le rapport de M. Olivier Dassault, à l’examen des crédits du commerce extérieur de la mission Économie.

M. Olivier Dassault, Rapporteur spécial pour les crédits du commerce extérieur. Monsieur le président, mes chers collègues, nous avons rencontré il y a quelques semaines M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, avec lequel nous avons évoqué différents sujets et qui a apporté des réponses à plusieurs de nos questions. Nous continuons toutefois de nous en poser quelques-unes. Je me contenterai donc d’aborder les points essentiels.

Avec une balance courante négative de 45 milliards d'euros, une dette publique qui devrait atteindre 85 % du PIB et l'annonce d'un déficit de la balance commerciale avoisinant les 75 milliards d'euros en 2011, niveau jamais atteint encore, et sans doute réédité en 2012, la France multiplie les mauvais résultats.

Mais si les niveaux d'endettement et de déficit publics de notre pays se trouvent propulsés sur le devant de la scène politique aujourd'hui, cet autre déficit qu'accuse notre balance commerciale, continûment depuis 2002, ne suscite pas le même émoi.

Pourtant, l'indifférence à l'égard du déficit de notre commerce extérieur n'est plus de mise. Parce que l'euro fort ou le montant de la facture énergétique ne suffisent plus à l'expliquer, le déficit structurel de notre balance des biens est le révélateur d'une crise grave, celle de l'érosion de la compétitivité de notre pays.

Pour preuve, notre part de marché se dégrade progressivement depuis dix ans, aux niveaux tant européen que mondial, passant de 5,1 % en 2000 à 3,4 % en 2010. La France est le seul pays européen à n'avoir pas retrouvé encore son niveau d'exportations d'avant-crise. Même si les secteurs traditionnellement porteurs restent dynamiques – aéronautique, agriculture et agroalimentaire –, ils ne peuvent compenser le solde négatif du secteur des produits manufacturés.

Les réponses à apporter pour redynamiser nos exportations ne sont pas simples à trouver et vont bien au-delà du simple soutien financier que l'État peut proposer aux entreprises souhaitant se développer sur les marchés extérieurs.

Bien que limité en volume – de l'ordre de 500 millions d'euros, à rapporter aux 393 milliards d'exportations réalisées en 2010 –, ce soutien financier, qui concerne 3 % des entreprises, est le plus important des pays de l'OCDE – 0,7 % du volume des exportations aux États-Unis, 1,2 % pour l'Allemagne et 2,2 % pour l'Italie. Une partie de ces aides s'inscrit dans les crédits de l'action 7 Développement international et compétitivité des territoires du programme 134 Développement des entreprises et de l'emploi de la mission Économie, dotée dans le projet de loi de finances pour 2012 de 120,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une légère progression – 1 % – par rapport à 2011.

Ils financent à hauteur de 80 % les subventions pour charges publiques allouées aux deux opérateurs en charge de l'action : Ubifrance et l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII).

L'année 2012 voit la quatrième et dernière vague de dévolution des personnels des soixante-trois missions économiques à Ubifrance, conformément aux décisions prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques en 2008 et au calendrier prévisionnel. La forte progression de la dotation de l'État à l'Agence entre 2008 –49 millions d'euros – et 2012 – 79,3 millions d'euros – est le résultat de ce transfert, qui a fait passer les effectifs sur la même période de 554 à 1 418 agents.

La dotation de l'Agence française pour les investissements internationaux s'élève à 14,8 millions d'euros, en baisse depuis 2010 – moins 1 %. Sa mission principale consiste non seulement à prospecter les investisseurs à l'étranger et à les accompagner en France, mais également à valoriser l'image économique de la France à l'étranger.

À ce titre, l’attractivité de la France en 2010 ne s'est pas démentie : un nombre record de projets d'investissements a été enregistré – 782 –, signe que les réformes d'ampleur engagées ces trois dernières années – renforcement du crédit d'impôt recherche, lancement du Grand Paris, réforme de la taxe professionnelle et lancement du Programme national des investissements d'avenir – représentent de réels atouts qui différencient le site France de ses concurrents, notamment européens.

À nous de savoir faire fructifier nos cartes maîtresses en soutenant, notamment à l'export, nos entreprises, pour reprendre la main dans le jeu international.

M. Charles de Courson. Monsieur le Rapporteur spécial, le commerce extérieur continue de plonger et les prévisions pour 2012 prévoient une aggravation du déficit de l’ordre de 2 milliards d’euros. Pensez-vous que ce chiffre soit réaliste – il nous conduirait déjà à un déficit de 77 milliards d’euros – ou risque-t-il d’être revu encore à la hausse ? Peut-on envisager ne serait-ce qu’une stabilisation ? Chaque année, la dégradation de notre compétitivité nous coûte presque un demi-point de croissance.

Par ailleurs, quels seraient les grands axes d’une politique structurelle de compétitivité permettant à la France de stabiliser ses parts de marché à l’étranger, voire d’en regagner ?

M. Olivier Dassault, Rapporteur spécial. Je ne suis pas devin : même si je suis d’un naturel optimiste, je reconnais que nous nous trouvons face à une réalité conjoncturelle d’autant plus catastrophique que ce n’est pas la dépréciation du dollar par rapport à l’euro qui nous empêche d’exporter au sein de l’Union européenne. D’autres facteurs existent, notamment le fait suivant, que j’ai évoqué auprès du secrétaire d’État chargé du commerce extérieur lors de la séance des questions au Gouvernement du mercredi 5 octobre dernier : nos clients d’hier sont devenus nos concurrents d’aujourd'hui.

En effet, nous avons effectué, dans de nombreux secteurs, des transferts de technologie et accepté que nos produits soient fabriqués à l’étranger. La délocalisation d’un trop grand nombre de nos sites industriels contribue également à creuser le déficit. Je ne pense pas que nous soyons sur une pente descendante. Toutefois, je le répète, le budget d’aide à l’exportation est un petit budget comparé aux dépenses de l’État, et la structure ministérielle chargée du commerce extérieure est elle-même une petite structure. Les États-Unis et les pays anglo-saxons ont compris le rôle du ministre du commerce extérieur : c’est un grand ministère doté de secrétaires d’État présents sur les grandes expositions internationales. Le secrétaire d’État français ne peut pas être présent partout à la fois : même s’il se déplace et emmène des chefs d’entreprises avec lui, cela ne suffit pas.

J’ai également évoqué au mois de septembre la question de la non-réciprocité : nos règles sont insuffisantes pour répondre aux contraintes imposées par certains pays étrangers pour exporter chez eux. J’espère que les résolutions du G20 visant à rendre effectif le principe de réciprocité, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui, seront un jour appliquées.

Nous sommes trop vertueux : les Français sont de bons élèves, l’Europe elle-même est une bonne élève, si bien que nous nous imposons des règles qui limitent le soutien des États à l’exportation, ce qui n’est pas le cas d’un grand nombre de pays non-européens, notamment la Chine, l’Inde ou le Brésil, qui ne peuvent plus être qualifiés de pays émergents au vu de leurs résultats. Peut-être faudrait-il revoir à la baisse les aides reçues par certains pays, car elles facilitent, non plus l’importation de produits, mais leur exportation, si bien que ces pays deviennent des concurrents importants.

M. Jean-François Mancel. Comme le Rapporteur spécial l’a relevé, il est inquiétant que les Français ne considèrent pas comme un problème le fait que le commerce extérieur batte, année après année, des records de déficit. Ce déficit est en quelque sorte « entré dans les mœurs ». Il faudrait au contraire sonner le tocsin et se mobiliser fortement compte tenu des pertes qu’il représente pour le pays, dans une situation qui se révèle au surplus très difficile. Comment faire pour réveiller les consciences ?

Ni l’assistance ni l’aide ne pourront régler le problème : c’est l’état d’esprit des chefs d’entreprises français qu’il faut mettre en cause. En effet, exception faite des très grands groupes et de petites entreprises qui trouvent des niches à l’étranger, la grande majorité de nos entrepreneurs ne s’adonnent pas comme ils le devraient à la recherche de marchés extérieurs. Cela ne tient-il pas également à l’organisation de notre économie, très différente, à cet égard, de celle de l’économie allemande ? Alors que l’Allemagne compte beaucoup sur les ressources de l’exportation, en France la consommation intérieure a toujours représenté un facteur très important de croissance économique, si bien que nos entrepreneurs, par facilité, aiment mieux vendre sur le marché français que de rechercher des marchés extérieurs. Comment faire pour donner à la majorité de nos entreprises le désir de ne plus se contenter du confort du marché intérieur et l’envie de s’intéresser à l’export ?

M. Olivier Dassault, Rapporteur spécial. Voilà une excellente question. Si les Français sont de plus en plus nombreux à partir en vacances à l’étranger, nos chefs d’entreprise n’aiment guère « quitter la boutique ». Or les PME ont rarement les moyens de rémunérer un cadre export : ils doivent donc payer de leur personne. Il y a bien sûr des exceptions – je pense, par exemple, dans notre département de l’Oise, aux établissements Cornilleau, premier fabricant mondial de tables de ping-pong, qui exportent jusqu’au Japon. Mais c’est un état d’esprit qui doit s’acquérir dès l’enfance, et l’école n’éveille pas suffisamment chez nos jeunes le désir de se tourner vers l’extérieur.

Rappelons d’autre part qu’à une voix près, l’anglais a été préféré au français comme langue commerciale.

M. le président Jérôme Cahuzac. Cela ne gêne pas les Allemands !

M. Olivier Dassault, Rapporteur spécial. C’est un handicap que nous surmontons mal. Il faudrait que les enfants apprennent l’anglais dès l’école maternelle, comme je l’ai recommandé à plusieurs reprises. Beaucoup d’entreprises, et notamment des petites, pourraient exporter davantage. Mais, bien souvent, leurs dirigeants ne parlent pas anglais. Il faut donc, comme je le dis à la page 20 de ma note de présentation, « former et mobiliser la jeunesse à l’international ».

J’ai craint un temps que le succès du volontariat international en entreprise (VIE) ne perdure pas, dans la mesure où il est devenu volontaire et non plus obligatoire à la suppression du service militaire. Mais il suscite toujours des vocations : 6 500 VIE étaient en poste à la fin de l’année 2010. L’objectif fixé par les pouvoirs publics – atteindre 10 000 postes fin 2011 – ne sera cependant pas atteint. La formule ne peut rencontrer le même succès qu’à l’époque où le service militaire était obligatoire. Contrairement à ce qu’a dit un jour un Président de la République, il ne s’agissait pas d’un service militaire de « fils d’archevêque » : de nombreux jeunes issus de milieux non favorisés choisissaient ce service par goût de l’international, et 90 % d’entre eux trouvaient ensuite un emploi, soit sur place, soit dans le service export d’une entreprise française.

Le Gouvernement envisage de promouvoir le dispositif en l’ouvrant aux filières professionnelles, sous la forme d’un « VIE pro ». C’est une bonne idée car, si beaucoup de jeunes s’installent aujourd’hui à l’étranger, c’est dans l’espoir d’y réussir mieux qu’en France, et non pour travailler pour des entreprises françaises à l’exportation.

Je regrette que la prise de conscience de ces handicaps ne fasse pas partie des priorités politiques du Gouvernement. Sans doute parce que nous nous sommes reposés sur nos résultats excédentaires d’il y a une vingtaine d’années, nous avons négligé de mettre les bouchées doubles. Or nos concurrents ne nous ont pas attendus : la Chine, qui était le septième exportateur mondial il y a sept ans, occupe aujourd’hui la première place.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Dans le secteur agroalimentaire, où nous étions performants, nous sommes passés au troisième rang, derrière l’Allemagne et les Pays-Bas. Peut-être les dispositions que nous avons adoptées hier en Commission sur la baisse du coût du travail aideront-elles à rétablir la situation. Dans ce domaine plus que dans d’autres, le coût du travail est en effet un élément pénalisant. Espérons que les baisses de charges compensées par les nouvelles recettes que nous avons votées hier suffiront à rendre de nouveau ce secteur performant. Si tel est le cas et que la mesure ne coûte que 400 millions d’euros par an, il apparaîtra comme dommage de ne pas l’avoir fait plus tôt.

M. Charles de Courson. La discussion que nous avons eue hier pour amorcer dans la filière agricole une baisse du coût du travail pour l’entreprise sans baisse du revenu net pour le salarié doit constituer un point central de la réflexion de notre Rapporteur spécial. Nous n’y échapperons pas, car nous avons un réel problème de compétitivité.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Dans le secteur agroalimentaire, nous avions en tout cas un incontestable problème de compétitivité coût.

M. Charles de Courson. La plupart des entreprises aéronautiques, y compris Dassault et EADS, délocalisent progressivement en zone dollar pour annuler ou atténuer les effets de change, puisque leurs transactions se font en dollars.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Nous avons en effet aussi un problème de compétitivité-change avec le dollar.

M. Charles de Courson. Les comparaisons sont aisées, puisque les entreprises aéronautiques ont des implantations dans le monde entier. Il n’y a guère que les Français pour dire qu’EADS est une entreprise franco-française ! En réalité, il y a plus de valeur ajoutée française dans certains Boeing que dans certains Airbus ! Quoi qu’il en soit, il est vrai que nous n’avons pas assez réfléchi aux réformes structurelles qui nous permettraient de redresser la situation.

M. le Président Jérôme Cahuzac. J’ai été étonné de lire dans la presse que des Airbus fabriqués en Chine bénéficiaient d’aides communautaires pour leur vente à l’extérieur des frontières chinoises. Il est déjà agaçant de voir fabriquer des Airbus en Chine, mais ça l’est encore plus d’apprendre que nous améliorons la balance commerciale de la Chine avec des aides communautaires ! Je suggère à notre Rapporteur spécial de vérifier cette information. Si elle est exacte, nous pourrions interpeller le Gouvernement à ce sujet.

Mme Marie-Christine Dalloz. Comme l’indique notre collègue dans son rapport, les produits de l’industrie représentent 64 % de nos exportations.

J’ai participé la semaine dernière au Salon mondial de l’optique (SILMO). Élue d’une circonscription où la filière lunettes est solidement implantée, je suis bien placée pour savoir combien elle a souffert des délocalisations. Depuis quelques années, la filière lunettes française se porte mieux, et elle exporte même beaucoup. Cela tient principalement à son organisation, qui s’est révélée être un facteur décisif dans la compétition sur les marchés internationaux, mais aussi au partenariat avec Ubifrance. S’agissant de ce dernier, je souhaite évoquer deux problèmes. Des entreprises de la filière lunettes souhaitent aujourd’hui relocaliser leur activité en France. Or autant délocaliser peut sembler aisé, autant relocaliser est un parcours très difficile. Par ailleurs, une entreprise de recherche-développement en design, filiale d’un très grand groupe français, s’apprête à quitter mon territoire pour l’Italie, et Ubifrance l’accompagne dans cette implantation, alors même que son départ va se solder par une perte sèche pour tous ses sous-traitants locaux. Il me semble que nous devrions être clairs et savoir marquer une préférence en faveur de nos territoires.

M. Olivier Dassault, Rapporteur spécial. Il s’agit somme toute dans ces deux cas de détournement des aides – un domaine dans lequel il convient d’être très vigilant. Puis-je vous demander, madame Dalloz, où les entreprises dont vous avez parlé et qui souhaitent aujourd’hui relocaliser s’étaient délocalisées ?

Mme Marie-Christine Dalloz. En Asie.

M. Olivier Dassault, Rapporteur spécial. C’est le signe qu’il y a chez nous une qualité de fabrication qu’on ne trouve pas ailleurs. Il y a surtout des normes de certification qui ne sont pas toujours remplies dans les autres pays. Ce qui est vrai pour les lunettes l’est aussi – et même plus – pour l’aéronautique.

Je n’ai pas lu l’article des Échos auquel vous avez fait allusion, monsieur le président, mais nous allons regarder cela de près. Ce serait en effet un vrai paradoxe que des aides communautaires servent à aider les entreprises chinoises à exporter et à nous concurrencer.

Il est vrai que certaines filières sont beaucoup mieux organisées que d’autres, madame Dalloz, comme les industries minières. Je constate aussi que les Italiens, par exemple, ont su mieux que nous structurer leurs filières pour assurer un véritable accompagnement des entreprises.

Bref, nous devons être plus ambitieux. Pourquoi ne pas lancer un plan national pour reconquérir nos parts de marché en Europe ? Il nous faut en même temps renforcer la vigilance européenne sur le plan de la réciprocité. Il n’est pas concevable qu’on nous empêche d’exporter dans certains pays tandis qu’existent quasiment – je le dis pour aller au bout du raisonnement – des aides à l’importation…

M. Charles de Courson. L’existence d’une chaîne de montage de l’A320 en Chine résulte d’un accord entre EADS et le gouvernement chinois.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Qu’EADS et le gouvernement chinois signent un accord pour que des Airbus soient fabriqués en Chine, soit ! Mais de là à ce que l’Union européenne subventionne l’export, il y a un pas !

M. Charles de Courson. Le marché chinois des avions va représenter en croissance plus de 40 % des parts de marché mondiales. C’est la fabrication des éléments non complexes qui a été délocalisée en Chine. En effet, le gouvernement chinois a demandé l’ouverture d’une école de formation, si bien que l’entreprise forme des travailleurs qui viennent en fait la piller. C’était cependant l’un des seuls moyens de se tailler des parts de marché élevées en Chine.

Qu’on se rassure, tous les éléments de l’A320 ne sont pas construits en Chine. Tous les systèmes complexes sont importés d’Europe. On a du mal à le concevoir, mais un avion est un produit extrêmement complexe, dont la valeur ajoutée vient d’un grand nombre de pays. Ce qui importe, c’est de conserver chez nous les systèmes qui constituent le moteur du dispositif.

M. Olivier Dassault, Rapporteur spécial. C’est tout le problème des décisions stratégiques des grandes entreprises françaises : faut-il accepter une petite part de transferts de technologie et de délocalisations pour conquérir d’importants marchés ? Chez Dassault, nous le refusons. Des Chinois sont venus nous rencontrer au Salon du Bourget. Ils souhaitaient visiter notre usine, non pour acquérir nos appareils, mais pour apprendre à en fabriquer, cette fabrication n’étant pas destinée au marché chinois, mais à l’exportation.

Il faut prendre conscience que nos clients d’aujourd’hui peuvent devenir nos compétiteurs de demain. Soyons d’une extrême prudence : ne fabriquons pas nous-mêmes nos propres concurrents ! Au contraire, portons haut les marques dans le domaine industriel !

Il est d’ailleurs un domaine qui réussit de manière fantastique : celui du luxe. Les marques ont une signature : elles ne peuvent être délocalisées, à moins de tomber dans la contrefaçon – qui est un autre sujet sur lequel nous nous battons. Il suffit pour le constater de jeter un œil sur les résultats des grands magasins : la part des Chinois qui viennent en France a considérablement augmenté dans leurs ventes. Il convient d’ailleurs de mieux accompagner cette évolution, qui contribue à nos résultats à l’exportation. Prenons un exemple simple : lorsque nous achetons en Asie, nous trouvons dix bureaux qui s’occupent de la détaxe à l’aéroport ; mais, en France, il n’y en a qu’un : les voyageurs y font la queue et sont reçus de manière assez revêche, alors même qu’ils sont venus consommer chez nous.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Monsieur le Rapporteur spécial, êtes-vous favorable à l’adoption des crédits de la mission Économie ?

M. Olivier Dassault, Rapporteur spécial. Oui, monsieur le président.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Je rappelle que le vote sur les crédits de la mission Économie interviendra à l’issue de l’examen des crédits du tourisme, le 24 octobre.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du jeudi 13 octobre 2011 à 10 heures

Présents. - M. Jean-Marie Binetruy, M. Jérôme Cahuzac, M. Jérôme Chartier, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, M. Jean-François Mancel, M. Camille de Rocca Serra

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, M. Alain Claeys, M. Patrice Martin-Lalande

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