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Compte rendu

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Jeudi 16 décembre 2010

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 04

Présidence de M. Alain Claeys, Président

– Audition de M. René Frydman, professeur des universités, gynécologue, chef de service à la maternité Antoine Béclère, membre de la Commission nationale de la naissance 2

– Présences en réunion 13

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi Bioéthique

Jeudi 16 décembre 2010

La séance est ouverte à neuf heures cinq.

(Présidence de M. Alain Claeys, président)

La Commission spéciale se réunit en vue de procéder à l’audition du professeur René Frydman, professeur des universités, gynécologue, chef de service à la maternité Antoine-Béclère, membre de la Commission nationale de la naissance.

M. le président Alain Claeys. Comme l’a fait avant elle la mission d’information sur la révision des lois de bioéthique, cette commission spéciale accueille aujourd’hui le professeur René Frydman, chef du service de gynécologie-obstétrique et du pôle « Femme Couple Embryon Enfant » à l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart, professeur des universités, responsable de l’équipe « qualité des gamètes et implantation » à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et auteur de nombreux ouvrages. Il a également été membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) entre 1986 et 1990.

Monsieur le professeur, nous souhaiterions connaître votre position sur les trois questions qui retiennent plus particulièrement l’attention de la commission spéciale : la recherche sur l’embryon, pour laquelle le projet de loi maintient le principe de l’interdiction assortie de dérogations ; l’anonymat du don de gamètes, dont traite le titre V ; et la gestation pour autrui (GPA), sujet que n’aborde pas ce projet mais sur lequel nous avons néanmoins jugé utile de nous pencher. Il serait intéressant également que vous nous disiez quelles seraient les conséquences de l’autorisation de la vitrification d’ovocytes, un thème qui vous tient particulièrement à coeur.

M. René Frydman, professeur des universités, gynécologue. La question la plus importante pour les médecins et les chercheurs demeure celle de la recherche sur l’embryon, dont il faut redéfinir le cadre général. Je suis de ceux qui pensent qu’il faut distinguer la recherche de l’innovation clinique et thérapeutique, et l’exemple de la vitrification des ovocytes est précisément l’un de ceux qui peuvent le mieux illustrer mon propos.

Les premières congélations d’ovocytes ont été réalisées, grâce à la méthode dite de congélation lente, pour préserver la fertilité de femmes soumises à des traitements anti-cancéreux et leur conserver l’espoir d’enfanter un jour. À partir de 1985, est apparue dans les publications étrangères une nouvelle technique, pratiquée notamment par des équipes japonaises, la vitrification, qui semblait donner de meilleurs résultats. Souhaitant la tester, nous avons déposé des projets de recherche comparative auprès des instances habituelles, l’Agence de la biomédecine (ABM), l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et le ministère. Ces trois projets en sont restés au stade de l’étude juridique. En effet, l’interprétation faite des textes aboutit à assimiler nouvelle méthode de conservation et création d’embryons pour la recherche.

Aujourd’hui donc, en France, et contrairement à ce qui se passe dans les pays voisins, la vitrification d’ovocytes n’est toujours pas pratiquée. Cet exemple montre que l’innovation est impossible : dès que l’on souhaite apporter des modifications en amont, aux milieux de culture ou aux techniques de conservation, c’est assimilé à de la recherche, donc interdit. Et, en l’occurrence, il y a paradoxe puisque la méthode n’est pas condamnée : en juin, l’ABM, qui ne s’est jamais prononcée sur la vitrification des ovocytes, a autorisé cette même technique pour les embryons déjà constitués, dans le cadre d’un projet parental !

Il faut donc distinguer la recherche de l’innovation. La recherche, dont les visées sont cognitives, ne s’inscrit pas dans un projet parental. Elle doit satisfaire à un certain nombre de conditions, en termes d’objectifs, de recueil du consentement, etc., pour être approuvée. L’innovation consiste à apporter des modifications pour améliorer un résultat. Elle s’appuie sur des recherches, déjà effectuées en France ou ailleurs, sur des données cliniques ou sur l’expérimentation animale, tous pré-requis pour passer à l’application chez l’homme. Elle pourrait faire l’objet de démarches particulières, de demandes d’autorisation spécifiques, dans le cadre d’une procédure transparente. Mais elle serait identifiée comme telle, distincte de la recherche, dont les objectifs sont différents. Cela permettrait d’éviter des blocages tels que ceux que nous connaissons aujourd’hui.

En quoi cette nouvelle technique de vitrification est-elle intéressante ? Vous savez que la France connaît une pénurie de dons d’ovocytes, avec 4 000 demandes annuelles pour 250 recueils d’ovocytes en 2008. Les demandes augmentent à mesure que s’élève l’âge de la procréation et que se multiplient les familles recomposées : nombre d’entre elles proviennent désormais de femmes dans la quarantaine. Or plusieurs mesures permettraient de faciliter ces dons. La première consisterait à mener de larges campagnes d’information. La deuxième serait d’accorder une véritable reconnaissance aux donneuses et de faire en sorte qu’elles soient mieux indemnisées – elles ont souvent à faire l’avance de leurs frais de médication et de transport – sans entrer pour autant dans un système de rémunération dont je pense, après réflexion, qu’il serait délétère.

La congélation des ovocytes, dont l’efficacité a été démontrée par une publication espagnole établissant que, sur 300 ovocytes vitrifiés, les résultats en termes de fécondation et d’implantation étaient identiques à ceux obtenus grâce à des ovocytes « frais », serait un autre élément facilitant les dons. Elle permettrait de préparer et d’effectuer le transfert d’ovocytes dans le calme, en le déconnectant du don. Dans la pratique, la concomitance des deux actes crée une tension difficile à gérer pour les receveuses comme pour les équipes médicales. L’avenir sera sûrement à la création de banques publiques d’ovocytes, soumises aux règles habituelles d’anonymat – si celui-ci est maintenu – et de non-commercialisation. L’évolution serait identique à celle que nous avons connue pour le don de sperme : avant la création des Centres d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS), l’insémination artificielle se pratiquait dans le cabinet du médecin, immédiatement après le passage d’un donneur « furtif ».

Par ailleurs, il faudrait mener une réflexion sur l’âge et la maturité exigés des donneuses. La loi de 1994 impose qu’elles soient déjà mères, le dispositif ayant été calqué sur celui des CECOS dans lequel l’homme, pour donner son sperme, doit être père et avoir obtenu l’accord de sa compagne. L’un des arguments avancés pour justifier ce choix était qu’une jeune femme pourrait se trouver dans une situation difficile si, après avoir donné ses ovocytes, elle devenait stérile sans jamais avoir enfanté. Ce point, à ma connaissance, n’a pas été réexaminé lors des débats sur la révision de la loi. Abaisser l’âge du don permettrait de disposer de davantage d’ovocytes et aurait un autre avantage : plus la donneuse est jeune, plus le transfert a de chances de succès. Mais cela supposerait de lever la crainte qui a inspiré le choix de 1994 et je pense qu’une des façons d’y parvenir – en même temps d’ailleurs que d’inciter au don – serait d’offrir à ces jeunes femmes l’assurance de pouvoir disposer pour elles-mêmes, en cas de nécessité, d’une partie de leurs ovocytes ainsi congelés. C’est une clause qui n’existe pas dans les pays voisins, et qui, je crois, vaut la peine d’être examinée.

Pour en revenir à la question de la recherche sur l’embryon, je pense que le régime actuel est très préjudiciable. Dans la pratique, il aboutit à ce que les jeunes chercheurs se montrent réticents à s’engager sur un terrain considéré comme « sulfureux » et où, de surcroît, ils risquent de se heurter à un butoir, le moratoire expirant en février 2011.

Il peut être nécessaire de regarder ce qui se passe au niveau de l’embryon, voire d’analyser un certain nombre de ses composantes, avant de le transférer chez la femme et d’obtenir une naissance. Ainsi, les débuts de la fécondation in vitro (FIV) en France ont nécessité que l’on observe la façon dont se développaient les embryons dans les trois premiers jours suivant la fécondation. Il y a donc eu des études sur des embryons hors projet parental. Le paradoxe, aujourd’hui, est que l’on interdit la recherche sur l’embryon, mais que l’on autorise la recherche sur l’enfant né. C’est ainsi que des recherches ont été menées sur les enfants issus d’une injection intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI), méthode développée dans le doute, faute d’avoir pu en analyser toutes les étapes.

Les innovations, en particulier pharmaceutiques, supposent que l’on effectue d’abord des recherches sur l’animal mais, même si les résultats de celles-ci se révèlent positifs, le passage à l’homme comporte toujours un risque. Nombre de médicaments ont ainsi dû être retirés du marché en raison de leurs effets constatés, comme le Distilbène. Il peut donc être nécessaire, je le répète, de réaliser des études sur les embryons, et sur des embryons qui ont tous les attributs de la vitalité embryonnaire – étant bien entendu qu’elles en requièrent un très petit nombre et qu’elles doivent, à chaque fois, être justifiées.

Les règles actuelles créent surtout un climat de méfiance, dont les conséquences sur le dynamisme de la recherche, sur le progrès scientifique et sur le développement de brevets n’ont pas été bien mesurées.

J’en viens à la question des mères porteuses, qui renvoie à l’éternel débat sur les rapports entre science et éthique : toute découverte scientifique ne doit pas forcément être exploitée, toute nouvelle technique ne doit pas forcément être appliquée. Cela fait dix ans que l’on sait reconnaître le sexe du foetus dès la septième semaine, sans geste invasif, par une prise de sang maternel. Pour autant, comme le veut la loi, il n’est fait usage de cette possibilité que dans le cas de pathologies. Aucune dérive n’a été constatée. Cela montre que, même si c’est une gageure, les applications peuvent toujours être contrôlées.

Qui sont les personnes fragiles dans cette affaire de gestation pour autrui ? Même si je suis bien placé pour mesurer leur souffrance – je rappelle que 50 % des couples engagés dans un essai de FIV n’auront pas d’enfant –, je ne pense pas que ce soient les femmes stériles. Les personnes fragiles, ce sont celles qui entreront dans un système d’exploitation.

Ce sera peut-être de leur propre gré. Mais, que je sache, elles n’assiègent pas le Parlement en clamant : « Je veux porter un enfant ! ». Accepterait-on que des personnes vendent, parce qu’elles le veulent, un œil ou un rein, fût-ce « dans de bonnes conditions » ? Les bonnes conditions n’existent pas. Une grossesse, une naissance n’ont rien d’anodin. Quant à autoriser une GPA soft pour une cinquantaine de femmes par an, cela ne résoudrait absolument pas le problème de la stérilité, et affaiblirait extraordinairement notre position sur le plan des principes.

La GPA n’aboutit à rien d’autre qu’à l’aliénation de la femme, à son exploitation, à son utilisation au profit d’une autre. Je suis résolument pour le maintien de son interdiction sur notre territoire. La France devrait même prendre l’initiative d’une campagne internationale pour l’élimination de cette pratique.

S’agissant de l’anonymat du don de gamètes, je pense qu’offrir la possibilité à l’enfant majeur d’avoir accès à des informations sur le donneur, si celui-ci y a consenti, respecte la liberté des deux. Cela suppose bien entendu que les parents informent l’enfant des conditions de sa conception, ce qui demeurerait de leur entière responsabilité.

L’un des arguments opposés par l’Académie de médecine à la levée de l’anonymat est qu’elle inciterait les parents à « ne pas dire », qu’elle renforcerait paradoxalement le secret, comme on le constate en Suède où peu d’enfants demandent à connaître leur père génétique. D’un autre côté, tout se passe comme si l’on souhaitait que les parents ne cachent pas à leur enfant qu’il est né d’un don mais sans aller plus loin. Si l’on incite les parents à informer l’enfant des conditions de sa conception, la cohérence voudrait qu’alors on lève l’anonymat. Or beaucoup de parents vivent bien le secret, ce qui se comprend quand on connaît le parcours d’un couple confronté à la stérilité et à l’attente.

Une autre objection consiste à dire que la disposition proposée aboutira à créer deux catégories d’enfants, les uns ayant droit à connaître leurs origines, les autres non. Mais que se passe-t-il dans la « vraie vie » ? Tant que l’on ne demandera pas un pedigree à chaque naissance, beaucoup d’enfants demeureront dans l’ignorance de leurs origines génétiques. Il ne s’agit pas de traquer le père biologique !

En définitive, la disposition inscrite dans le projet de loi me semble à la fois respecter la liberté des parents, dont la position sur cette question des origines sera déterminante pour la suite, celle de l’enfant, qui souhaitera ou non accéder à la connaissance de ses origines, et du donneur, qui aura ou non accepté de donner son identité. Pour qu’une procédure aboutisse, il faudra que ces quatre volontés, ces quatre libertés se conjuguent. Je n’ai pas d’opposition à cette proposition, que je trouve intéressante.

M. Jean Leonetti, rapporteur. Sur la GPA, votre position est claire. Je ne crois pas, d’ailleurs, que les voix en faveur de la légalisation de cette pratique seront très nombreuses dans notre commission. Approfondissons plutôt le débat sur la recherche sur l’embryon et sur l’anonymat du don de gamètes.

Selon vous, il faut sortir de l’hypocrisie qui consisterait à dire que ce n’est pas une expérimentation sur l’embryon que de le congeler : le premier chercheur qui a tenté cette technique de conservation sur un embryon a, de fait, pratiqué une recherche sur un embryon destiné à naître. Sauf à figer définitivement toute recherche en vue d’améliorer la procréation médicalement assistée, il faudra cesser d’interdire de toucher à ce qui est destiné à naître. C’est davantage un principe de précaution scientifique qu’une opposition éthique qui motive la vitrification de l’ovocyte. D’ailleurs, il existe un paradoxe que vous avez souligné : la vitrification de l’embryon est, elle, admise.

La mission d’information sur la révision des lois de bioéthique a proposé, pour sa part, que toutes les expérimentations puissent être menées dans ce domaine, de façon très encadrée, sous des conditions de fiabilité, de reproductibilité et de qualité.

Vous avez fait, sur le don d’ovocytes, une proposition inédite et fort intéressante. Ce don n’est en rien comparable au don de sperme, puisqu’il nécessite une stimulation ovarienne et une ponction, et comporte un risque médical. S’il ne s’agit pas de le rémunérer – sauf à entrer dans un engrenage à l’espagnole, où les ovocytes proviennent de femmes pauvres –, il faut l’indemniser et le reconnaître. Nous avons passé en revue toutes les solutions – diplôme, lettre de reconnaissance du Président de la République, médaille, avance des frais–, mais celle que vous nous proposez mérite que l’on s’y arrête. Offrir à une femme jeune qui n’a pas encore procrée la possibilité de conserver une partie de ses ovocytes et lui garantir ainsi une absence de stérilité ultérieure peut constituer une motivation très forte pour la donneuse potentielle, surtout lorsque l’on sait que le désir de maternité survient de plus en plus tard, à des âges de moindre fertilité. Cette proposition a aussi le mérite de réserver cette possibilité aux donneuses d’ovocytes, et non pas de l’ouvrir à toutes les femmes, ce qui reviendrait à utiliser la médecine à des fins de confort psychologique.

Je continue à penser que l’embryon destiné à naître peut aussi, dans certains cas, faire l’objet de recherches. Mais il ne peut s’agir de recherche purement fondamentale. Elle doit être ciblée, et viser à améliorer la qualité de l’embryon. Il faudra voir comment distinguer cette recherche, qui devrait faire l’objet d’un encadrement très strict, de la recherche sur la cellule souche embryonnaire, qui devrait être plus largement autorisée. Pensez-vous aussi que la cellule souche n’est pas de même nature que l’embryon, dans la mesure où elle en est seulement une partie et qu’à partir d’un certain stade, elle n’est plus totipotente ?

M. le président Alain Claeys. Concrètement, cela signifie-t-il que les recherches sur des lignées de cellules souches embryonnaires importées devraient être autorisées ?

M. le rapporteur. Je pose la question sans donner la réponse : je tâtonne. Mais, comme l’a dit Axel Kahn, un embryon et une cellule souche ne sont pas de même nature, tout comme un embryon destiné à naître n’est pas de même nature qu’un embryon destiné à ne pas naître.

M. le président Alain Claeys. Il ne faudrait pas nous trouver dans une situation délicate, où l’importation de lignées de cellules souches embryonnaires serait autorisée quand la recherche sur des cellules souches embryonnaires obtenues à partir d’embryons surnuméraires resterait soumise à une procédure dérogatoire.

M. le rapporteur. Au dire des chercheurs, le système interdiction/dérogation entrave la recherche sur les cellules souches. D’un autre côté, personne ne souhaite que la recherche sur l’embryon aboutisse à des « essais d’homme », comme disait le professeur Mattei, à manipuler le devenir d’un être humain. Comment donc trouver un système qui maintiendrait nos valeurs – la recherche ne doit pas mener à la modification d’une destinée humaine – tout en autorisant la recherche sur les cellules souches embryonnaires ?

Permettez-moi de poser une question simple et manichéenne au professeur Frydman, avec lequel je crois être, sur ce point, quelque peu en désaccord : qu’est-ce qu’un don de gamètes ? Si l’on estime que l’affectif et l’éducatif l’emportent sur le génétique, que c’est son environnement familial, social et culturel, et non son génome, qui fait l’homme, il faut considérer le don de gamètes simplement comme un don biologique, destiné à favoriser la naissance d’un enfant chez un couple stérile. Dans ce cas, je suis favorable au maintien de l’anonymat : l’histoire de l’enfant, c’est celle qu’on lui crée.

Mais on peut aussi accorder au génétique une grande importance, en considérant que les gamètes prédestinent l’enfant, que la transmission des gènes emporte plus que celle des critères phénotypiques, qu’elle inclut celle des talents et du caractère. Dans cette hypothèse – que je ne fais pas mienne –, j’estime qu’il faudrait, sauf à accepter de se défaire d’une part intime de soi, se refuser même au don.

Tout dépend de ce que les parents choisissent de dire à l’enfant né d’un don de gamètes. Ils peuvent lui expliquer que la science est simplement venue les aider dans leur projet, injectant des gamètes comme elle injecterait des molécules – la parentalité est alors claire et établie. Mais si l’enfant comprend, dans une vision déterministe, que quelqu’un lui a transmis, avec ses gènes, un peu de sa destinée, il n’aura de cesse d’accéder à ses origines et se sentira obligé de connaître cette part de son histoire.

Sur le papier, la solution prônée par le projet de loi est satisfaisante : elle procède d’une conjonction de libertés. Mais la GPA nous a appris que la liberté d’adultes consentants peut n’être qu’apparente, et contraire à l’éthique.

M. Gaëtan Gorce. De quel point de vue doit-on se placer pour aborder la question de l’anonymat ? Si le don a été effectué dans le but de permettre à un couple stérile d’avoir un enfant, il me semble que c’est cet enfant qui doit être au centre de nos préoccupations. Or il a droit, comme n’importe quel autre enfant, à connaître ses origines.

Doit-on considérer que son origine génétique « existe » juridiquement et qu’elle fait partie de son histoire ? Il est difficile de répondre par la négative : l’enfant ne serait pas là si le don n’avait pas été effectué. Cela perturbe-t-il la relation de parentalité ? Dès lors que l’enfant a été informé du mode de sa conception, on peut considérer que l’entourage familial a pris ses responsabilités et fait son choix. Cela remet-il en cause le statut des parents ? Je pense plutôt que ce sont le secret et l’anonymat qui pourraient induire un doute sur la réalité du rapport établi entre parents et enfant. Si le don n’est pas considéré comme un acte purement « technique », mais reconnu comme ayant une valeur juridique et humaine – la décision prise par un individu de contribuer à la naissance d’un enfant –, il est alors normal de conférer au donneur un statut et de permettre à l’enfant de le connaître, pour autant que la société ait clairement précisé le rôle de chacun.

Je ne peux que récuser l’idée selon laquelle le droit à connaître ses origines perturberait l’histoire familiale ou l’éducation de l’enfant, et qu’il faudrait, par conséquent, le nier. Au contraire, il s’agit d’un élément de cette histoire, qu’il faut pouvoir intégrer.

La seule question qui reste alors est de savoir si la levée de l’anonymat peut être un élément de nature à freiner les donneurs, comme cela a pu être observé ailleurs. Pensez-vous qu’elle pourrait aboutir à un tarissement des dons ?

D’autre part, novice sur ces sujets, j’ai découvert, en écoutant les représentants des CECOS, que ces centres travaillaient à des appariements, afin de garantir une ressemblance entre le donneur et le futur père, entretenant, en quelque sorte, la fiction selon laquelle l’enfant serait bien issu biologiquement de son père. Cette pratique vous semble-t-elle acceptable ? J’avoue avoir été perturbé, pour ne pas dire choqué, par cette information.

Enfin, dès lors que l’on a accepté l’idée que des tiers puissent intervenir dans la conception d’un enfant, on a ouvert la porte à un certain nombre de questions et d’interrogations. Diverses techniques de procréation médicalement assistée ont été mises en œuvre pour les femmes stériles. Pourquoi la GPA, dans la mesure où elle est le seul recours permettant à des femmes privées d’utérus d’avoir un enfant, ne serait-elle pas admise ? La seule raison qui pourrait conduire à écarter cette pratique serait l’impossibilité démontrée de garantir l’indépendance de la femme qui prête son utérus. Une ouverture extrêmement limitée, sous contrôle et sous des conditions thérapeutiques très particulières, ne pourrait-elle protéger le corps de la femme de toute instrumentalisation ? J’avoue me poser beaucoup de questions…

M. Michel Vaxès. N’y a-t-il pas lieu de clarifier le concept d’origines ? Si l’on se place du point de vue de l’homme comme espèce animale, la notion est purement biologique. Si l’on parle des origines d’un être en tant que personne humaine, c’est une valeur historico-sociale qui est en jeu. Or, selon qu’on adopte l’une ou l’autre définition, nos réponses à la question de l’anonymat ne seront pas les mêmes. Quelle est l’opinion du professeur Frydman sur ce point ?

Mme Martine Aurillac. J’avoue être séduite par l’idée que des libertés puissent se conjuguer. Mais si l’on considère l’intérêt de l’enfant, le seul qui vaille en définitive, ne doit-on pas craindre que le jeune homme ou la jeune fille né d’un don de gamètes soit considérablement perturbé en apprenant que le donneur refuse de le rencontrer ?

M. René Frydman. L'embryon est-il, ou non, destiné à donner naissance à un enfant ? Là est pour moi la distinction fondamentale. Dans les deux cas, il peut y avoir étude et expérimentation, mais dans des cadres différents. L'embryon qui n'est pas destiné à naître sera détruit et c'est dans ce seul cas qu'il peut y avoir aujourd’hui prélèvement de cellules souches embryonnaires et production de lignées, à ma connaissance...

M. le rapporteur. C'est parce que l'embryon va être détruit qu'on peut procéder à un prélèvement de cellules, qui va le détruire.

M. René Frydman. En effet, c'est parce qu'il n'y a plus de projet parental et que ceux qui auraient pu en être porteurs ont accepté que l'embryon soit détruit qu'il peut y avoir prélèvement de cellules souches. La question de l'intention, du projet parental, est donc cruciale. Pour autant, dans ce cadre, tout n'est pas permis : l'utilisation est soumise à des règles, notamment scientifiques.

Deuxième cas : l'embryon est destiné à naître. Le cadre est autre, mais n'exclut pas l'innovation. Comme à tout âge de la vie, il peut y avoir recherche clinique. Mais innovation n'est pas expérimentation. En 1986, avant de procéder aux premières fécondations in vitro, il est bien évident qu'on a observé pour vérifier que les embryons décongelés se développaient, que n'apparaissait pas telle ou telle « monstruosité » dans les premiers jours. Certes, on ne l'a pas fait des centaines de fois, comme il aurait fallu, mais c'était nécessaire pour franchir le pas et, sinon pour valider la méthode, pour avancer vers cette validation, et cela supposait bien entendu d'informer les couples.

Bien faire la différence entre l'embryon faisant l'objet d'un projet parental et l'embryon qui n'en fait pas, ou plus, l'objet, permettrait de clarifier bien des choses.

La question de l'anonymat fait matière à débat : il n'y a pas de bonne solution – on ne peut espérer que choisir la moins mauvaise, sachant qu'on se heurtera toujours à des situations délicates, comme celle du donneur qui ne veut pas savoir ce que son don est devenu, ou du père qui abandonne la mère enceinte. Mais la vie est faite de ces situations parfois éprouvantes. Un enfant désireux de retrouver un donneur qui entend, lui, rester inconnu aura peut-être du mal à accepter ce refus. Cependant, beaucoup dépendra de la façon dont on aura préparé la révélation.

En tout cas, si la loi doit valider cette hypothèse du « cumul des libertés », il faudra bien veiller à ce que celles-ci ne puissent s'exercer rétrospectivement. J'ai personnellement accouché des femmes sous X, puis constaté vingt-cinq ans plus tard que quelqu'un était venu consulter le dossier pour retrouver leur identité, ce qui m'a placé en porte-à-faux. On ne devra pouvoir disposer que pour l'avenir.

Je ne sais pas comment pratique le CECOS en matière d'« appariement ». Pour ma part, tout mon effort de ce point de vue se borne à éviter qu'il y ait entre les parents et l'enfant une différence visible – ce qui se limite dans les faits à une différence de couleur de peau, la couleur des yeux ou des cheveux étant affaire secondaire pour la plupart des couples. Cela vaut aussi bien pour le don de sperme que pour le don d'ovocytes.

M. le rapporteur. Lorsqu'il y a don de gamètes, qu'est-ce qui est transmis ?

M. René Frydman. Je pense qu'il n'y a pas de réponse à cette question. Dans le cas d’un transfert d’ovocytes, j'explique à la femme qu'elle va porter un enfant, en accoucher, l'élever, etc., et qu'en ce sens, elle sera incontestablement sa mère. Mais on ne peut pas faire abstraction de la donneuse qui a agi consciemment, et regarder l'ovocyte comme un simple matériau. Il y a ici aussi intention et cette intention ne peut compter pour rien. Cela étant, quelle importance relative accorder à l’élément génétique ? Il y a, en face, tout le développement à venir de l'enfant, dans la relation à sa mère... Et la femme vivra sans doute la situation plus facilement que l'homme dans la mesure précisément où elle porte l'enfant à naître, où elle vit la maternité dans son corps – où elle est reliée à l'enfant.

S'agissant de la gestation pour autrui, le point central à considérer est la non-indépendance de la femme qui « se prête » et il faut donc analyser soigneusement ses motivations. Aime-t-elle être enceinte ? Ce n'est pas interdit et, malheureusement, on n'empêchera jamais certaines femmes de multiplier les grossesses, puis de donner leurs enfants à la DASS. Veut-elle rendre service à autrui ? Rien dans ce cas n'empêche l'adoption de ces enfants. Mais une grossesse et un accouchement peuvent s’accompagner de complications, il peut y avoir césarienne, hémorragie… Le problème majeur est d’ordre psychique : convaincue de participer à une aventure commune, la mère porteuse aspire à être admise au sein d’une sorte de famille élargie, mais se trouve fréquemment rejetée quand l’enfant est né. Il en résulte alors des dépressions profondes.

Si, comme les partisans de la GPA le soutiennent, celle-ci n’est pas une affaire d’argent, la motivation ne peut être qu’affective. Or, une fois l’enfant né, certains couples à tout le moins n’auront qu’un désir : se retrouver seuls avec leur enfant en oubliant les conditions de sa venue. C’est donc une situation à haut risque, qui aboutira à valoriser le seul génétique, dans la mesure où cette entreprise ne tend qu’à avoir un enfant de soi. C’est un désir qui peut se comprendre, mais on ne peut accepter qu’il se réalise au prix de la liberté d’une autre personne.

M. Jean-Yves Le Déaut. La distinction entre recherche et innovation me semble intéressante. Il y a, dans notre pays, quelque 150 000 embryons surnuméraires dont une grande partie ne font plus l’objet d’un projet parental. Se priver de la possibilité d’expérimentation à partir de ces embryons en déshérence relève d’une hypocrisie. Cela étant, on peut comprendre la réticence des chercheurs à s’engager dans cette voie, dans la mesure où, comme vous l’avez dit, ils ne sont pas assurés de pouvoir poursuivre leurs travaux pendant une durée suffisante. Que l’on puisse mener des recherches cliniques sur l’homme à tous les âges excepté aux premières étapes de la vie, voilà qui est difficile à justifier, et qui mérite en tout cas réflexion. Je partage donc votre avis sur ce point.

Pour autoriser les dons d’ovocytes de la part de jeunes femmes qui n’ont pas encore été mères, vous avancez un argument qui me semble inédit, à savoir qu’on pourrait réserver une partie des ovocytes à leur profit, pour le cas où elles en auraient besoin par la suite. Mais n’en va-t-il pas de ces ovocytes comme des embryons, qu’on ne peut plus réimplanter après cinq ans ? Peut-on les conserver indéfiniment ? Supposons une donneuse de vingt ans : peut-elle espérer utiliser ses ovocytes quand elle en aura quarante ?

Enfin, le recours à la médecine prédictive n’est pratiquement autorisé en France que dans le cadre du diagnostic préimplantatoire, mais elle offre bien d’autres possibilités, comme on le voit aux États-Unis. Où doit-on placer le curseur ?

M. Philippe Tourtelier. En conservant pour leur usage une partie des ovocytes donnés par de jeunes femmes, on les ferait bénéficier d’une sorte d’« assurance fertilité ». Mais cela peut aboutir à ce que des gens de soixante-dix ans et plus aient des enfants de dix-huit ans. Dispose-t-on d’études sociologiques sur les effets d’une éducation dispensée par des parents âgés ?

Puisque l’on en revient à la question de l’inné et de l’acquis, ne pourrait-on définir l’humanité comme le mouvement qui nous éloigne du déterminisme biologique, même si nous ne pouvons en faire abstraction ? Né d’un don, doit-on être obsédé par la recherche de ses origines ? Ceux dont ce n’est pas le cas ne se préoccupent guère, il me semble, des caractères génétiques de leurs parents. Les croisements ont d’ailleurs été tels qu’on trouve, dans la même famille, des petits et des grands, et des gens aux aptitudes très diverses. Dans ces conditions, une telle quête des origines semble assez vaine…

Enfin, je suis en désaccord avec notre collègue Gorce quand il dit que c’est l’enfant qui est au centre de la démarche. Ce qui importe, c’est la relation entre ses parents et lui, sans laquelle il ne saurait se construire. Or je crains qu’avec le dispositif prévu pour la levée de l’anonymat, on ne crée les conditions de secrets de famille qui, comme la psychanalyse nous l’apprend, sont sources de troubles.

M. Patrick Bloche. Les partisans de la gestation pour autrui – que je préfère appeler « maternité pour autrui » – mettent en avant des cas où tout s’est bien passé. Vous faites état d’expériences différentes, mais la situation n’est-elle pas la même avec l’adoption, où l’emportent souvent l’altruisme et l’éthique du don, mais parfois aussi l’intérêt financier ? De ce fait, à l’heure de la mondialisation, et alors que la GPA est tolérée, voire autorisée par la loi dans certains pays, une légalisation strictement encadrée ne serait-elle pas en définitive plus efficace pour éviter l’instrumentalisation du corps féminin et pour combattre la marchandisation qu’une interdiction que certains parents, poussés par le désir d’enfant, contournent en se rendant à l’étranger ? Cependant, je vous sais partisan du maintien de l’interdiction : ne croyez-vous pas qu’à tout le moins, il conviendrait de faire évoluer la législation sur la filiation pour permettre à ces enfants nés à l’étranger d’avoir, à leur arrivée en France, deux parents ? En effet, à l’heure actuelle, ils n’ont qu’un père pour l’état civil.

M. Philippe Vuilque. Quelle est votre position sur l’implantation post mortem, monsieur le professeur ? Par ailleurs, plutôt que de parler d’indemnisation des donneuses d’ovocytes, ce qui pourrait conduire à des dérives, il me semble qu’il vaudrait mieux utiliser le mot « compensation ».

En ce qui concerne l’anonymat, nous pourrions bien nous trouver bientôt confrontés à une législation européenne discordante. Donc, même si je suis assez d’accord avec votre idée de « conjonction de libertés », prenons garde à ce risque de conflit juridique.

Mme Jacqueline Fraysse. La levée de l’anonymat pose à l’évidence problème. Certes, on ne peut compter pour rien l’intention du donneur, mais cette intention n’est-elle pas avant tout celle de fournir à un couple les moyens d’avoir l’enfant qu’il désire, et de l’élever en tant que parents ? D’autre part, connaissons-nous vraiment nos origines biologiques et nous en préoccupons-nous quand nous avons eu la chance d’avoir des parents qui ont bien veillé sur notre développement ? Enfin, les gens qui ont bénéficié d’une greffe cardiaque peuvent avoir envie d’exprimer leur reconnaissance à la famille qui a autorisé le prélèvement de cet organe sur un proche, qui peut être un enfant de vingt ans perdu dans des circonstances cruelles. Or, nous avons jusqu’ici considéré que ce n’était pas souhaitable.

J’entends donc bien toutes les préoccupations légitimes exprimées sur le sujet mais, à ce stade de ma réflexion, il me paraît que la levée de l’anonymat soulèverait plus de difficultés qu’elle n’en réglerait. Avez-vous des arguments de nature à me faire reconsidérer cette position ?

M. René-Paul Victoria. Si les embryons sont destinés, les uns à donner naissance à un enfant, et les autres à être détruits, quel peut bien être alors le statut de l’embryon ? Et comment qualifier, au regard de ce statut, les destructions auxquelles on procède ?

Mme Valérie Boyer. Ce serait sans doute un progrès considérable si, avec la création de banques d’ovocytes, les donneuses pouvaient, comme vous le préconisez, bénéficier, non pas d’une « assurance contre la stérilité » – mais, après tout, la vaccination contre le papillomavirus n’en est-elle pas une ? –, mais de la possibilité de sauvegarder et de transmettre leur patrimoine génétique. Outre que cela les placerait à égalité avec les hommes qui peuvent déjà recourir à la banque de sperme, cette garantie de pouvoir disposer soi-même, au besoin, de ses gamètes constituerait une compensation appréciable – le terme est en effet préférable à celui d’indemnisation –, mais aussi un élément de motivation. Je souhaite donc que l’examen de la loi soit mis à profit pour créer rapidement ces banques. Quant à la crainte que certains ne deviennent parents à soixante-dix ans, elle me paraît vaine : si le dispositif est bien encadré, de tels cas resteront exceptionnels.

M. René Frydman. On ne peut pas conserver indéfiniment les embryons inutilisés, monsieur Le Déaut : d’où la limite de cinq ans, en l’absence d’opposition des parents. Sur les 150 000 que vous avez mentionnés, 70 000 à 80 000 font l’objet d’un projet parental et ne peuvent donc être comptés comme surnuméraires ; sur le reste, un tiers a été mis par les parents à la disposition d’autres couples, un tiers est destiné à la destruction et un tiers à la destruction avec possibilité de recherche. Mais le problème n’est pas le même pour les ovocytes : tout paraît indiquer qu’il en va d’eux comme des spermatozoïdes, qui peuvent être utilisés après vingt-cinq ans de congélation.

L’objection tenant au fait qu’on pourrait devenir mère à un âge avancé ne tient pas. Dans sa sagesse, la loi française fixe une limite à la possibilité d’utiliser un embryon pour un projet parental en fonction de l’âge physiologique de la femme : à partir de la ménopause, mais plutôt à partir de 48 ou 49 ans, rien n’est plus possible.

La médecine prédictive est certainement promise à des développements importants, avec la mise au point de nouvelles méthodes non invasives d’étude du fœtus. Nous n’en resterons pas à l’amniocentèse ! Se pose donc la question de savoir qui faire bénéficier de ces progrès et que rechercher. On sait déjà, par exemple, déterminer le sexe et le groupe rhésus du fœtus, mais on ne le fait qu’en fonction d’indications médicales précises. D’autres choses vont devenir possibles, y compris de connaître le génome, et il va donc falloir, dans ce domaine aussi, réfléchir aux limites à poser.

S’agissant de la recherche des origines, rappelons-nous d’abord que l’interdiction suscite le désir tandis que l’autorisation n’est pas toujours exploitée. C’est peut-être parce qu’il nous est loisible d’interroger nos parents que nous ne le faisons pas ! Quant aux parents eux-mêmes, on ne peut les obliger au secret. Lorsque nous avons débuté le don d’ovocytes – c’était avant la loi de 1994 –, il leur était possible d’opter pour ou contre l’anonymat, à l’entrée dans le dispositif – ce qui n’était pas tout à fait la même chose que le système de « double guichet » actuellement proposé. 15 % des couples bénéficiant d’un don choisissaient, une fois informés, le non-anonymat et leur enfant était donc destiné à pouvoir connaître l’identité de la donneuse – amie, tante, etc.

M. le rapporteur. Il s’agissait donc d’une liberté différée, acquise par l’intermédiaire des parents, et l’enfant pouvait, dans le cas contraire, reprocher à ceux-ci leur choix.

M. René Frydman. C’est vrai, mais on naît toujours avec une histoire et dans un milieu qu’on n’a pas choisis – on ne choisit même pas de naître ! Cela étant, je n’ai pas moi-même de position arrêtée : je ne fais que vous livrer ce dont j’ai eu l’expérience.

Il en est de la GPA comme de la peine de mort, monsieur Bloche : on ne peut l’accepter lorsqu’elle se ferait dans de bonnes conditions en la refusant dans les autres cas, comme on refuserait, par exemple, la seule mort par lapidation ! C’est le principe même qui est contestable, dans la mesure où cette pratique se fonde sur un assujettissement. Il est vrai que nous ne pouvons faire abstraction de la mondialisation mais ce n’est pas parce que la gestation pour autrui est admise dans d’autres pays que nous devons les imiter ! Au contraire même : nous devons combattre, dans ce domaine comme dans les autres, ce qui nous paraît néfaste, en essayant de convaincre les autres États. Reste le problème des enfants ainsi nés à l’étranger. Il faut bien évidemment les accueillir, comme on le ferait d’enfants nés du clonage, mais à condition de reconnaître pour mère celle qui a accouché. La solution pourrait être l’adoption, même si le père de l’état civil est bien le père génétique – en fait, on ne tiendrait pas compte du génétique dans cette occurrence, ce qui n’est pas sans intérêt.

M. le rapporteur. Cette adoption se heurterait à des problèmes juridiques – qu’on peut probablement contourner par une délégation de l’autorité parentale.

M. René Frydman. Les demandes d’implantation post mortem sont heureusement rares. Je ne serais pas opposé à ce qu’on les satisfasse lorsqu’elles suivent de près le décès – pas de trop près, pour qu’on soit assuré que l’intéressée ait eu le temps de la réflexion, mais en tout cas pas au-delà d’un certain délai, de manière à rester dans la continuité du projet parental formé par le couple.

J’approuve la suggestion de remplacer « indemnisation » par « compensation », à telle enseigne que je n’emploierai plus que ce dernier mot.

Monsieur Victoria, on n’a jamais pu s’accorder sur une définition du statut de l’embryon, et je ne crois pas qu’on puisse y parvenir pour tracer clairement la frontière entre chose et personne. Il appartient donc à chacun de trancher pour lui-même. Quant à la destruction des embryons, qui supprime une potentialité de devenir, elle sanctionne la fin du projet parental avec l’accord de ceux qui en étaient porteurs – ce en dehors de l’hypothèse où ils ne se seraient pas manifestés pendant cinq ans.

La conservation des ovocytes est-elle pour la donneuse une assurance de grossesse quoi qu’il arrive ? Certainement pas à 100 % mais, comme pour les femmes atteintes de cancer, c’est indéniablement un progrès par rapport à une absence de recours. Il ne faut pas qu’une jeune femme qui a donné ses ovocytes et qui est ensuite victime d’une infection des trompes se trouve elle-même dans l’impossibilité d’avoir un enfant. La congélation des ovocytes et leur stockage dans une banque permettent de l’éviter, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici.

M. le président Alain Claeys. Je vous remercie.

La séance est levée à dix heures quarante.

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Présences en réunion

Réunion du Jeudi 16 décembre 2010 à 9 heures

Présents. - Mme Martine Aurillac, M. Patrick Bloche, Mme Valérie Boyer, M. Yves Bur, M. Alain Claeys, Mme Catherine Coutelle, Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Patrick Gille, M. Gaëtan Gorce, M. Michel Heinrich, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Marc Le Fur, M. Jean Leonetti, M. Alain Marty, Mme Dominique Orliac, M. Jean Proriol, M. Philippe Tourtelier, M. Michel Vaxès, M. Philippe Vuilque

Excusés. - M. Jean-François Chossy, Mme Marietta Karamanli, M. Philippe Nauche

Assistait également à la réunion. - M. René-Paul Victoria