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Compte rendu

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs

Mercredi 25 juillet 2007

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 03

Présidence de M. Hervé MARITON, Président

–  Auditions ouvertes à la presse 2

Réunie le jeudi 25 juillet 2007 au matin, la commission spéciale a procédé à une série d’auditions ouvertes à la presse sur le projet de loi.

La commission spéciale a tout d’abord organisé une table ronde avec les syndicats représentant les salariés. Cette table ronde était composée :

– pour la Confédération générale du travail (CGT) : de M. Paul Fourier, secrétaire général de la fédération des transports CGT, accompagné de Mme Frédérique Dupont, secrétaire confédérale et de M. Laurent Russeille, secrétaire général adjoint de la fédération des cheminots CGT ;

– pour la Confédération française démocratique du Travail (CFDT) : de M. Jacky Bontems, secrétaire national adjoint, accompagné de M. Dominique Olivier, secrétaire confédéral et de M. Pascal Flachard, secrétaire fédéral à la FGTE-CFDT ;

– pour la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) : de M. Jean-Philippe Catanzaro, conseiller confédéral, trésorier adjoint en charge du dossier sur le service minimum et de M. Denis Dontenvill, responsable du secteur Cheminots CFTC ;

– pour Force ouvrière (FO) : de M. René Valladon, secrétaire confédéral, accompagné de M. Eric Falempin, secrétaire général FO Cheminots et de M. Gérard Apruzzeze, secrétaire général FO Transports ;

– pour la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE – CGC) : de M. Jean-Philippe Mommejac, secrétaire général du syndicat CFE-CGC RATP et de M. Jean-Pierre Charenton, secrétaire général du syndicat CFE-CGE SNCF ;

–  pour la Fédération générale autonome des agents de conduite (FGAAC) : de M. Bruno Duchemin, secrétaire général et de M. Jean-Michel Namy, secrétaire général 3ème adjoint ;

– pour Sud-Rail et l’Union syndicale Solidaires transports : de M. Stéphane Leblanc, responsable liaison agents de conduite, accompagné de M. Hervé Brière, responsable des transports urbains.

Le président Hervé Mariton, après avoir souhaité la bienvenue aux participants à cette table ronde, a proposé qu’après une intervention liminaire, les représentants des différentes organisations syndicales répondent aux questions des membres de la commission spéciale.

M. Paul Fourier a regretté les conditions dans lesquelles se sont déroulées les précédentes rencontres avec le ministre du travail et avec les sénateurs, au cours desquelles aucune des propositions de la CGT n’a été retenue. Le Sénat n’a reçu les syndicats qu’à l’occasion d’une seule table ronde, tandis qu’il procédait à huit auditions des représentants du patronat. Qui plus est, le compte-rendu de cette table ronde n’a pas été fidèle aux propos tenus ; c’est pourquoi la CGT demande que la présente déclaration soit annexée in extenso au compte-rendu des travaux de la commission spéciale.

Sur le fond, rien dans ce texte ne vise à améliorer le dialogue social et certaines dispositions, en particulier l’allongement du préavis, risquent même de le dégrader sans diminuer le nombre de conflits. Il s’agit donc à l’évidence surtout de dissuader les salariés de faire grève.

En revanche, rien n’est fait pour contraindre les 55 % d’entreprises qui s’en exonèrent à respecter l’obligation de négociation annuelle.

La non prise en compte de la particularité des mouvements interprofessionnels ou spontanés pourrait également exacerber les passions.

Faire peser un risque pénal sur les salariés pourrait favoriser les discriminations syndicales et détériorer le climat dans les entreprises, de même que les pressions qui seront exercées sur les salariés en raison de l’obligation de déclaration préalable et de la consultation au bout de huit jours de conflit, qui sont des atteintes caractérisées au droit individuel à la grève.

Toutes les propositions de la CGT destinée à améliorer la qualité du dialogue social afin de réduire la conflictualité se sont vu opposer une fin de non-recevoir.

Le non-paiement des jours de grève est une provocation destinée à discréditer les salariés aux yeux des Français et l’amendement adopté par le Sénat ferme la porte à des décisions susceptibles de favoriser une reprise du travail dans de bonnes conditions.

L’idée de conclure des accords de prévention de conflit avant le 1er janvier 2008 est totalement irréaliste.

Au total, ce texte n’améliore en rien les conditions du dialogue social et le détourne dans un sens uniquement favorable au patronat. Il est donc seulement destiné à empêcher l’utilisation du droit de grève en réaction aux attaques répétées contre les conditions sociales et salariales et contre les systèmes de protection sociale. La conflictualité ayant beaucoup baissé depuis dix ans dans les transports, rien n’appelait à un tel durcissement, si ce n’est la peur des mouvements sociaux à venir.

Le texte ne répond en rien aux préoccupations quotidiennes des usagers quant à la continuité du service public, dont la dégradation tient surtout au manque d’investissements.

La volonté évidente de casser le droit de grève risque de s’étendre bientôt à d’autres secteurs. Le motif avancé de garantir la liberté d’aller et venir est fallacieux car elle n’est en rien menacée par la grève dans un pays où les déplacements sont assurés à 80 % par la voiture.

Ce dont la France a besoin pour diminuer la conflictualité et fournir aux usagers des services publics de qualité, c’est de plus de dialogue dans les entreprises.

M. Jacky Bontems a constaté qu’en dépit de quelques améliorations les dispositions essentielles du texte n’ont guère évolué.

Pour la CFDT, la première priorité demeure le dialogue social. Elle considère également que la prévention des conflits peut être favorisée dans les milliers de petites sociétés de transport par un dispositif d’alerte sociale. Il lui paraît aussi très important d’améliorer les conditions de transport des usagers par des investissements significatifs car les gênes sont bien plus occasionnées par des problèmes techniques que par des conflits.

Au regard de ces principes, le projet de loi n’apporte guère de plus-value au dialogue social et il pourrait même être contre-productif. C’est pourquoi la CFDT est en total désaccord avec le délai de prévenance 48 heures avant une grève, qui pourrait être dangereux, en particulier dans les petites entreprises en raison des pressions que pourraient exercer les employeurs.

De même, si le recours au médiateur introduit par le Sénat est un progrès, la CFDT ne saurait souscrire à l’obligation de recourir à un vote après huit jours de conflit.

Pourquoi par ailleurs souhaite-t-on que les organisations syndicales soient associées à la réflexion sur la prévisibilité des services en cas de conflit, alors qu’elles ne le sont pas en temps ordinaire ?

L’amendement du Sénat sur les retenues de salaire dans les accords de fin de conflit ne correspond en rien à la réalité observée sur le terrain. Pire, il privera les partenaires d’une possibilité de débloquer certaines situations et empêchera les salariés de sortir d’une grève la tête haute.

La CFDT a insisté à plusieurs reprises sur la priorité à donner aux accords de branche dans les transports urbains et interurbains où la situation sociale n’est pas bonne. Cela paraît d’autant plus important que les négociations ont déjà échoué du fait du patronat.

M. Jean-Philippe Catanzaro a observé un déséquilibre entre le premier volet du texte, qui comporte les mesures destinées à anticiper les conflits et le deuxième volet, sensiblement renforcé, qui traite de la partie coercitive. Certaines propositions des syndicats ont été détournées : ainsi, le médiateur n’intervient pas suffisamment en amont.

Afin de mieux anticiper les conflits, la CFTC propose de créer un observatoire social indépendant des entreprises. L’ancien comité de suivi de la charte sur la prévisibilité signée en 2006 pourrait pour sa part se transformer en observatoire global chargé de faire des propositions concrètes sur le premier volet de la loi.

Dans les PME, ce texte risque de détériorer un dialogue social déjà très ténu. La CFTC souhaite donc que les accords de branche deviennent la norme dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Rien n’est prévu pour améliorer la contractualisation, perçue comme une nouvelle contrainte imposées aux syndicats. La CFTC propose donc que des moyens soient prévus, en particulier pour la formation.

L’application du délai de prévenance de 48 heures pourrait avoir des effets sur la liberté individuelle des salariés. Mieux vaudrait peut-être, comme le propose une organisation patronale, externaliser cette démarche, ce qui permettrait de mieux informer les usagers sans risquer d’aggraver les conflits.

L’article 9 est pour sa part perçu comme une provocation. Pourquoi n’envisager qu’une sortie de crise perdant-perdant ? Pourquoi, lorsque la responsabilité de l’entreprise dans le conflit est établie, fermer la porte à une éventuelle réparation ? La rédaction retenue montre une méconnaissance de la réalité, alors que des solutions concrètes peuvent être trouvée sur le terrain. Il faut donc conserver la possibilité de recourir aux mécanismes qui existent aujourd’hui.

M. René Valladon s’est associé aux propos précédents et s’est étonné que, contrairement à ce qui avait été annoncé, la pratique législative soit appelée à l’emporter sur la pratique conventionnelle. Car force est de constater que l’on cherche à contraindre la liberté de contracter par des dispositions inopérantes.

Qui plus est, il est bien évident que les négociations ne pourront en aucun cas aboutir avant le 1er janvier 2008.

L’article 9 est quant à lui extrêmement dangereux car il interdira de négocier librement. Au motif fallacieux que l’on sortirait parfois des conflits par un remboursement des jours de grève, on prévoit un dispositif inapplicable, tout particulièrement dans les PME, car on se demande bien comment il sera possible de montrer que tel ou tel relevé de conclusions viole l’article 9.

S’agissant du délai de prévenance, il va de soi que les syndicats seront solidaires de tout salarié qui serait sanctionné au motif qu’il n’a pas annoncé 48 heures à l’avance qu’il allait faire grève. Empêcher le salarié d’apprécier jusqu’au bout le résultat des négociations équivaut à mettre en cause sa liberté individuelle. Exige-t-on d’un électeur qu’il arrête son choix deux jours avant un scrutin ?

Ce qui est préoccupant, c’est moins le texte lui-même que l’application que les chefs d’entreprise pourraient en faire. On voit bien que le gouvernement joue au pompier pyromane. Cette loi est dangereuse, provocatrice inutile ; mieux aurait valu que les discussions portent sur de réelles propositions d’amélioration du dialogue social.

M. Jean-Pierre Charenton a rappelé que la meilleure grève est celle qui se termine avant d’avoir commencé…

Il a considéré que ce projet porte davantage sur le dialogue social et la prévisibilité du trafic que sur le service minimum et qu’il est ainsi au cœur des préoccupations des citoyens qui bénéficient du service public des transports. En fait, il consacre les accords sur la prévention des conflits déjà intervenus dans les grandes entreprises nationales. Il ne remet pas en cause le droit de grève, en particulier parce qu’il exclut la réquisition des grévistes.

Si l’on veut promouvoir un véritable service public de qualité, on ne saurait oublier que 90 % des dysfonctionnements ont pour origine des problèmes d’infrastructures ou un manque de moyens matériels ou humains, tandis que la conflictualité est en diminution constante.

S’agissant plus précisément du texte, la CFE-CGC regrette que l’article 1er n’évoque pas les liaisons aériennes et maritimes, alors qu’il y a un véritable problème pour la Corse.

La date butoir pour l’accord sur la prévention des conflits paraît également trop proche.

L’obligation pour les salariés de se prononcer 48 heures avant le début de la grève prévue à l’article 5 semble contraire à l’arrêt rendu par la Cour de cassation en juin 2006 à propos d’Air France.

Il semble par ailleurs que la médiation prévue par le Sénat pourrait intervenir plus tôt.

Enfin, l’article 8 impose en quelque sorte une double peine aux entreprises, contraintes à la fois de verser les indemnités contractuelles aux autorités organisatrices et de rembourser les titres de transport.

M. Bruno Duchemin a souligné que les usagers ne sont jamais la cible d’un préavis de grève et que tout ce qui permet d’améliorer leur information et la prévisibilité va dans le bon sens.

En tant que syndicat professionnel, la FGAAC, qui ne conteste en rien la légitimité du gouvernement à tenir une promesse électorale, porte surtout son attention sur les aspects techniques du texte.

S’agissant de l’article 2, elle s’étonne que l’obligation de notification faite aux organisations syndicales ne s’applique pas également aux employeurs. Pourquoi ceux-ci ne pourraient-ils pas provoquer eux-mêmes une négociation quand ils sentent que leurs orientations stratégiques devront être expliquée aux partenaires sociaux ?

La sécurité de la circulation est évidemment essentielle. De ce point de vue, la réaffectation des non-grévistes pour remplacer les grévistes paraît dangereuse, non seulement en raison des risques de conflits entre les agents mais aussi parce que, dans le secteur ferroviaire, seul l’arrêté d’aptitude permet de vérifier que le conducteur détient toutes les connaissances lui permettant de circuler en sécurité.

Le délai de prévenance ne risque-t-il pas de bloquer la négociation 48 heures avant le début du conflit ? Concrètement, comment un agent en déplacement à l’étranger ou en vacances pourra-t-il prendre position ? Si un salarié veut conserver la possibilité de faire grève ou pas, il devra systématiquement se déclarer gréviste, ce qui semble aller à l’encontre de l’esprit de ce texte. Pourquoi ne pas prévoir plutôt une consultation pour connaître la tendance, comme cela se pratique à la SNCF, tout en laissant les négociations aller à leur terme et en permettant au salarié de changer d’intention, dans le respect de son droit individuel à la grève ? On éviterait ainsi de considérer que l’on entre dans un conflit 48 heures avant qu’il n’ait commencé et l’on prendrait en compte le fait que la grève sert parfois à provoquer la négociation.

La FGAAC n’est pas opposée à la consultation à bulletin secret au bout de huit jours, car il est vrai que des pressions peuvent s’exercer lors des assemblées générales. Mais il convient de préciser le périmètre de cette consultation : concernera-t-elle les grévistes, les non grévistes, l’encadrement ? À périmètres différents, résultats différents.

Par ailleurs, il est quand même rare qu’une grève dure huit jours. Quand cela arrive et que l’on compte 100 % de grévistes, c’est le plus souvent parce que l’entreprise joue le pourrissement. Dans ce cas, à quoi bon consulter ? Un bon projet d’entreprise doit être équilibré entre la pertinence économique et les accords sociaux. Il est dommage que la loi ne le mentionne pas car on donne ainsi l’impression que l’on a moins voulu traiter du dialogue social que jeter l’opprobre sur la grève.

Signataire de l’accord de 2004 à la SNCF sur la prévention des conflits l’amélioration du dialogue social, comme de la charte de la prévisibilité, la FGAAC en retrouve certains aspects dans ce projet mais elle regrette qu’il soit trop tourné vers la culpabilisation des grévistes et qu’une occasion de promouvoir le dialogue social ait ainsi été gâchée.

Le président Hervé Mariton s’étant interrogé sur le fait que l’alarme sociale à la SNCF ne fonctionne que dans 15 % des cas de grève, M. Bruno Duchemin a répondu que la demande de concertation immédiate 10 jours avant le préavis permet que, dans 80 % des cas, celui-ci ne soit pas déposé. Le nombre de jours de grève a considérablement diminué, mais il n’est pas possible de prévoir les grèves sporadiques, déclenchée à la suite d’une agression. Dans certains cas, la grève répond aussi à une mise en cause de la sécurité des agents. Enfin, toutes les organisations syndicales n’ont pas signé l’accord sur la prévention des conflits.

M. Stéphane Leblanc a souligné que l’exercice du droit de grève est déjà largement encadré et ne nécessite pas de restrictions supplémentaires.

Ce que les Français attendent, c’est une amélioration du service public des transports au quotidien. Dans la mesure où l’on compte désormais moins d’un jour de grève par agent, c’est donc d’une véritable loi de programmation d’amélioration du service public dont on a aujourd’hui besoin pour répondre aux problèmes que rencontrent les usagers les 364 autres jours de l’année.

S’agissant des accords de branche, le délai prévu pour les négociations est extrêmement court.

Deux dispositions du texte sont totalement inacceptables. La première est la déclaration d’intention 48 heures à l’avance, surtout dans la mesure où elle est assortie de sanctions. Il s’agit d’une mesure inutile, compliquée à mettre en œuvre et qui conduira, par précaution, les syndicats à demander à tous leurs adhérents de se déclarer grévistes pour ne pas prendre le risque d’être sanctionnés. Cela aura des effets pervers sur la prévisibilité du trafic, alors que les procédures actuelles permettent une prévision assez fine.

On ne voit pas l’intérêt d’une consultation au bout de huit jours, surtout dans la mesure où aucune mesure coercitive n’est prévue. On peut se demander s’il ne s’agit pas en fait de légitimer des campagnes de discrimination contre les mouvements minoritaires, ce qui poserait un vrai problème au regard de l’exercice du droit individuel à la grève.

L’allongement de la négociation et le recours au médiateur ne sont pas des mesures critiquables, mais si l’objectif est bien d’éviter un conflit, il faut surtout s’efforcer de donner un contenu à la négociation en répondant, au moins partiellement, aux attentes des salariés. Il conviendrait donc de voir comment on pourrait y contraindre les entreprises.

L’article 9 est inutile et pervers en ce qu’il empêchera une réponse rapide à certains conflits et ralentira en conséquence le retour à la normalité pour les usagers.

Au total, ce texte très politique est un brin démagogique et l’on a vu qu’il est d’ores et déjà prévu de l’étendre à d’autres salariés, ce qui ne peut que renforcer l’idée que l’objectif poursuivi est surtout de restreindre leurs capacités de résistance.

S’agissant de l’affectation des non-grévistes, le président Hervé Mariton a souhaité savoir s’il en existe des exemples et si, dans ces cas, l’affectation s’est déroulée dans de bonnes conditions. À ce propos, si l’on peut comprendre l’hostilité des syndicats, on peut aussi se dire que le délai de 48 heures est précisément destiné à mieux connaître les grévistes et à favoriser ainsi une meilleure affectation des non-grévistes.

Sachant que dans un certain nombre d’entreprises, il existe des équipes volantes destinées à renforcer les effectifs, il a demandé si ce projet pourrait inciter à recourir à une organisation de ce type en cas de conflit.

Le rapporteur a souhaité savoir si les syndicats avaient constaté une amélioration du texte depuis sa première présentation.

Il a par ailleurs considéré que l’idée que l’employeur pourrait lui aussi anticiper un éventuel conflit mérite d’être creusée.

Il s’est enfin demandé comment les participants à cette table ronde pensent qu’il serait possible d’approfondir encore le dialogue social.

M. Alain Vidalies, ayant observé que plusieurs orateurs avaient évoqué l’échec des négociations avec le patronat sur les accords de branche, a demandé s’ils pouvaient préciser la durée des négociations qui ont déjà eu lieu et les points d’achoppement.

M. Daniel Paul, après avoir rappelé que Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF, venait d’annoncer un plan important prévoyant l’affectation de 100 millions d’euros et la création de 1 000 postes, a demandé si les représentants des syndicats pouvaient dresser le bilan des suppressions de postes décidées par la direction de la SNCF depuis quatre ou cinq ans.

Il a aussi observé que plusieurs d’entre eux ont souligné les dysfonctionnements du réseau. La ligne Le Havre-Paris en est une parfaite illustration avec, en effet, une seule journée de grève sur 365 jours de galère… Dans ces conditions, c’est surtout de la continuité, de la qualité et de la sécurité du service public qu’il faudrait aujourd’hui parler au lieu d’examiner un texte de lutte des classes auquel le groupe GDR s’opposera avec la plus grande fermeté.

M. Robert Lecou a rappelé qu’il avait rédigé un rapport procédant à une analyse comparée de la situation des services publics en Europe et constatant que la France est dans une situation exceptionnelle en raison du nombre de jours de grève. Or, s’il convient bien sûr de marquer son attachement au droit de grève, il faut aussi défendre la continuité du service public car les Français veulent être sûrs de pouvoir prendre un train pour arriver à l’heure.

Dans certains pays d’Europe, il existe un service minimum, dans d’autres, la culture du dialogue social est particulièrement développée et la grève est pratiquement interdite car elle est considérée comme un échec. Il faut donc bien aujourd’hui trouver en France une solution afin de concilier le droit de grève et la continuité du service public.

M. Guénhaël Huet a souligné à quel point les Français sont gênés par les mouvements de grève lancés de façon tellement rapide qu’ils n’ont pas le temps d’être prévenus.

Parler à propos de ce texte de lutte des classes est particulièrement déplacé car ce sont les salariés modestes qui pâtissent le plus de ces difficultés.

Pour autant, ce projet ne remet pas en cause le droit de grève, mais recherche un équilibre entre différentes libertés publiques. On a d’ailleurs du mal à comprendre en quoi le délai de prévenance de deux jours serait un obstacle majeur à l’exercice du droit de grève. Les salariés d’une entreprise de transport connaissent assez bien la situation de leur entreprise et les revendications des uns et des autres pour savoir, 48 heures à l’avance, s’ils vont ou non se mettre en grève. L’objectif poursuivi par ces dispositions n’est pas de gêner les grévistes mais d’organiser l’information des usagers.

La consultation au bout de huit jours de grève prévue à l’article 6, présente un évident caractère démocratique et l’on comprend mal en quoi il serait gênant de faire le point en demandant aux salariés de s’exprimer, d’autant que le résultat du vote n’affectera pas l’exercice du droit de grève.

Le président Hervé Mariton a observé que pour sa part il avait du mal à comprendre comment l’on peut contester le principe du vote à bulletin secret.

M. Jean-Frédéric Poisson s’est déclaré sensible à ce qui a été dit sur la nécessité pour un chef d’entreprise d’améliorer les conditions du dialogue social et favorable à ce que cela apparaisse dans le débat, même s’il semble difficile de légiférer sur ce point, qui relève de la libre administration des entreprises.

S’agissant de la consultation des salariés, dès lors qu’on considère qu’un vote à la majorité est légitime, on peut se demander pourquoi le texte n’en tire pas toutes les conséquences.

Enfin, puisque plusieurs représentants des syndicats ont mis l’accent sur la sécurité, comment ne pas faire la comparaison avec les pompiers, eux aussi victimes d’agressions, et qui n’ont pas la possibilité de faire grève, ou avec le personnel hospitalier, pour lequel la grève ne peut pas prendre la forme d’un blocage de service ou d’une cessation d’activité ? N’existe-t-il pas aussi une obligation de service public pour les transports, qui devrait entraîner une restriction du droit à bloquer le service ?

Mme Frédérique Dupont a souligné que, depuis 2004, c’est l’attitude de l’UTP qui a empêché les négociations d’aboutir. Ses représentants réclamaient une loi permettant de déroger au dialogue social et à la négociation. Dès lors qu’ils ont obtenu satisfaction, tout laisse à penser qu’ils attendront l’échéance prévue du 1er janvier 2008. De même, comment ne pas s’interroger sur l’avenir de la négociation annuelle obligatoire dans la mesure où 55 % des entreprises ne respectent pas cette obligation ?

Pour sa part, la CGT proposait une consultation avant toute signature d’un accord, un rejet par une majorité de salariés entraînant la poursuite des négociations. Cette proposition n’a pas été retenue.

Le président Hervé Mariton a demandé si l’un des syndicats présents récusait le principe du vote à bulletin secret au bout de huit jours de grève.

M. René Valladon a répondu que cela dépendait de ce qu’on voulait en faire. Il a rappelé, à propos de la déclaration préalable, que, dans un arrêt relatif à la consultation des salariés par les cadres dans le secteur de la chimie, la chambre sociale de la Cour d’appel de Grenoble avait considéré qu’il s’agissait d’une atteinte excessive au droit de grève.

M. Laurent Russeille a souligné que les associations d’usagers considèrent que le plan présenté par Mme Anne-Marie Idrac, sans aucune consultation dans l’entreprise, n’est pas à la hauteur des enjeux. Depuis 2002, 16 000 emplois ont été supprimés et rien ne dit que les 1 000 emplois supplémentaires se traduiront par des créations, plutôt que par des réaffectations. Qui plus est, les 100 millions promis s’étaleront sur trois ans.

Dans la mesure où la sécurité des transports est une donnée essentielle, la réaffectation envisagée des personnels semble particulièrement difficile.

Le rapporteur a répondu que l’article 5 dispose clairement que les réaffectations se feront « conformément aux règles de sécurité en vigueur ».

M. Éric Falempin a rappelé qu’après la suppression massive d’emplois, la SNCF ne dispose plus du temps nécessaire à la formation professionnelle de ses conducteurs et qu’on peut donc se demander comment elle pourrait former les personnels appelés à remplacer les grévistes.

Il a considéré en outre que le texte risquait d’entraîner des discriminations car seuls quelques corps de métiers seraient concernés par certaines dispositions, notamment celles relatives aux 48 heures et au référendum. Dans les faits, seuls les salariés exerçant des métiers liés à la sécurité risqueront d’être sanctionnés en cas de non-respect de certaines obligations.

Le président Hervé Mariton a observé que cela n’avait rien d’illégitime ou de choquant dans la mesure où tous les salariés n’exercent pas les mêmes fonctions dans l’exécution du service public. Faire une distinction n’est pas pratiquer une discrimination

M. Éric Falempin a indiqué, en réponse à la question sur la nature des problèmes rencontrés, qu’en 2006 la SNCF avait connu 6 043 incidents entraînant un retard de circulation, dont 140 seulement dus à des mouvements sociaux et 1 728 à des difficultés techniques. Voilà la réalité quand on parle de continuité du service public !

Le président Hervé Mariton a répondu qu’en tant que rapporteur du budget des transports il n’est pas indifférent à ce sujet, mais qu’il s’agit aujourd’hui, à l’occasion de ce texte, de résoudre un des problèmes qui se posent aux usagers.

M. Pascal Flachard a observé que sur un certain nombre de points, le Sénat n’a pas vraiment amélioré le texte. Ainsi, il est regrettable que seuls les syndicats ayant notifié leur intention de déposer un préavis de grève soient invités à participer à la négociation préalable.

Par ailleurs, l’article 7 bis nouveau semble en contradiction avec l’article 5, en ce qu’il ne fait plus référence au seul personnel non-gréviste mais aussi au personnel « disponible ».

S’agissant des accords de fin de conflit, si certains prévoient le paiement des jours de grève, c’est tout simplement parce que l’employeur n’avait pas respecté les dispositions contractuelles. La rédaction retenue par le Sénat interdit de telles négociations et seul le juge pourra désormais trancher. On prive ainsi les partenaires d’une marge de négociation, au risque que le conflit ne s’éternise.

La négociation dans la branche des transports urbains a duré cinq mois. Elle s’est inspirée de l’accord intervenu à la RATP. L’UTP est responsable de l’échec car elle ne voulait pas aboutir, attendant tout simplement que cette loi soit votée. Même si l’aboutissement n’est pas garanti, l’obligation de négocier prévue dans le texte paraît importante et il faut espérer que cette organisation sera à l’avenir dans un meilleur état d’esprit.

Comment trouver des solutions pour garantir la continuité du service public ? La CFDT est persuadée que c’est par la négociation que l’on y parviendra.

Enfin, la CFDT regrette que le Sénat ait détourné l’idée de la médiation car pour elle le médiateur doit être indépendant ; il est là pour rapprocher les points de vue, pas pour déclencher la fameuse consultation.

M. Roland Muzeau a demandé qu’on lui communique des exemples d’entreprises où les accords de fin de conflit ont prévu le paiement des jours de grève, pratique que M. Christian Blanc a niée hier.

M. Christian Blanc a observé qu’il n’avait pas parlé de toutes les entreprises, mais de son expérience personnelle en tant que président de la RATP.

M. Bruno Duchemin a regretté que l’on ne traite pas des 98 % de dysfonctionnements qui entraînent des perturbations sur les lignes, sur lesquels l’information devrait être de bonne qualité, qu’ils soient ou non dus à des grèves. Certes, l’article 4 traite des incidents techniques et des aléas climatiques, pour lesquels les perturbations sont réputées prévisibles, mais c’est bien le moins…

Il a estimé que M. Daniel Paul avait eu raison de rappeler les problèmes réguliers de la ligne Paris-Le Havre, où les locomotives, vieilles de plus de 50 ans et qui tombent régulièrement en panne, ne sont plus entretenues au motif quelles seront remplacées par le matériel récupéré sur les lignes de l’Est après le lancement du TGV. Le dialogue social devrait conduire à se préoccuper aussi du sort des conducteurs que les pannes obligent à travailler plus longtemps, au risque qu’un conflit ne se déclenche. Comment s’étonner que la grève de cette semaine, à Lille, ait été suivie à 100 % quand on voit le peu de cas qui est fait des conducteurs qui se sont formés en vain en vue d’assurer les trajets vers la Grande-Bretagne ?

Ce texte est sans doute une vitrine politique, mais l’occasion de traiter l’ensemble des dysfonctionnements, le sous investissement, la saturation des réseaux, a été gâchée. Il ne faut donc pas faire croire aux Français que tout sera réglé par le vote de cette loi.

Le président Hervé Mariton a souligné que le débat donnerait aussi l’occasion de dire un certain nombre de choses à ce propos.

Il a distingué les perturbations prévisibles de celles qui ne le sont pas et, parmi les premières, celles qui sont liées aux grèves.

Par ailleurs, il a rappelé qu’un certain nombre de progrès techniques sont intervenus et que les crédits destinés à la régénération ont beaucoup augmenté.

M. Laurent Russeille a observé que la régénération n’empêche pas les accidents.

M. Hervé Brière en réponse à M. Jean-Frédéric Poisson a fait valoir qu’à la différence des agents des entreprises de transport, les pompiers, les policiers et les personnels hospitaliers sont assujettis à des services dits « vitaux ».

M. René Valladon a rappelé que, bien que la loi le leur interdise, les gardiens de prison se sont mis massivement en grève en 1989.

Le président Hervé Mariton après avoir rappelé que nul ici n’avait l’intention d’interdire la grève a remercié l’ensemble des participants à cette table ronde.

*

Puis, la commission spéciale a entendu Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF, accompagnée de M. Claude Solard, conseiller du directeur Général Exécutif, de Mme Laurence Eymieu, directrice des Relations Institutionnelles et de Mme Marielle Abric, chargée des relations parlementaires à la Direction des Relations Institutionnelles.

Le président Hervé Mariton, a remercié Mme Anne-Marie Idrac d’avoir répondu à l’invitation de la commission. Il a remarqué que ce projet de loi vise à optimiser l’utilisation des moyens disponibles les jours de grève et lui a demandé comment, sur la base de ce texte, la SNCF pourrait améliorer le service rendu aux citoyens.

Mme Anne-Marie Idrac a salué la valeur de ce projet de loi : du point de vue éthique, d’abord, la continuité du service public étant au cœur même de la définition du service public ; du point de vue commercial ensuite, continuité et prévisibilité intéressant les clients, voyageurs ou chargeurs ; du point de vue managérial enfin. Selon elle, par sa méthode, il réalise un équilibre et oblige à la négociation entre partenaires sociaux d’une part, et avec les autorités organisatrices d’autre part.

Où en est aujourd’hui l’état de la conflictualité à la SNCF ?

On compte un peu moins de 700 préavis par an, sachant qu’un préavis de signifie pas grève, laquelle peut être plus ou moins suivie. Ce chiffre est à rapporter à la taille de l’entreprise, 260 000 salariés à la maison mère, et à apprécier à l’échelle des 250 établissements. Il y a une dizaine d’années, on avait atteint un pic de 1 200 préavis ! Les cinq premiers mois de 2007 confirment cette tendance à la baisse.

Le nombre de journées perdues est extrêmement dépendant des grèves nationales, motivées par la contestation de l’orientation de l’entreprise, mais aussi par la volonté de certaines organisations syndicales de peser sur des sujets dépassant la SNCF – réforme des retraites en 2003, contrat première embauche (CPE) en 2006. Ce nombre était en 2006 autour de 0,8 par agent ; depuis le début de l’année, il est de 0,13 par agent, ce qui est très faible.

La première disposition du texte intéresse la prévention des conflits.

À partir de 2003 a été mis en place à la SNCF un dispositif de prévention, signé par l’ensemble des organisations syndicales ; il s’appuie sur la DCI, ou demande de concertation immédiate, qui ressemble à l’alarme sociale mise en place à la RATP en 1996. En cas de différend, une ou plusieurs organisations syndicales peuvent en aviser la direction par écrit. La direction peut prendre l’initiative de déclencher, de son côté, une telle procédure, sur des sujets potentiellement conflictuels. S’ouvre alors une période de concertation de dix jours ouvrables avec les organisations syndicales à l’origine de la demande. Il s’agit de trouver une solution ou de passer un accord permettant d’éviter le dépôt d’un préavis. Un relevé de conclusions est alors établi par écrit et diffusé auprès de l’ensemble du personnel. Lorsqu’elle est utilisée, cette procédure permet, dans 90 % des cas, de trouver une solution évitant le conflit ; en 2006, 927 DCI ont été déposées et n’ont donné lieu qu’à 114 préavis. Pour autant, elle n’est pas utilisée systématiquement. C’est ainsi que 84 % des préavis déposés l’année dernière n’avaient pas été précédés d’une DCI et que la DCI n’a été utilisée en amont que dans 16 % des cas.

Voilà pourquoi l’obligation de négocier, qui est au cœur du dispositif du projet de loi, est à même de provoquer un véritable choc culturel et de changer l’état d’esprit dans lequel se trouvent certaines organisations syndicales, qui font de la grève le point de passage obligé de la négociation.

Le Sénat a apporté, la semaine dernière, lors de la discussion en séance publique, deux modifications à l’article 2 du projet de loi.

La première réserve aux seules organisations syndicales qui envisagent de déposer un préavis cette obligation de négociation préalable. C’est une bonne idée car cela permettra de garder aux négociations un caractère concret, ciblé et approprié et d’éviter l’extension du champ du conflit initial. La procédure de négociation est ainsi allégée, même s’il n’est pas exclu que d’autres organisations syndicales s’y intègrent.

La seconde modification, en revanche, est plus discutable. Elle concerne la date obligatoire d’application du dispositif de prévention des conflits. Il ne serait applicable à la SNCF qu’à partir du 1er janvier 2009. Or pourquoi attendre ? Le dialogue social a déjà permis, en 2004, d’aboutir à un accord.

Le président Hervé Mariton a demandé s’il devait comprendre cela comme une demande que ce dispositif s’applique dès le 1er janvier 2008.

Mme Anne-Marie Idrac, après le lui avoir confirmé, a indiqué que certaines clauses portant sur la continuité et la prévisibilité du service public avaient déjà été introduites dans les conventions renégociées ces derniers mois, ou négociées dans le cadre du STIF.

C’est le cas du contrat Alsace, selon lequel la SNCF proposera quatre niveaux de desserte dont la mise en œuvre est discutée entre la région et la SNCF entre J moins deux et J moins un, en fonction de l’impact estimé du mouvement social, et qui prévoit des modalités précises d’information aux voyageurs. Le bonus malus tient compte des écarts entre le service annoncé et le service réalisé.

C’est le cas de la convention Rhône-Alpes, qui fixe trois niveaux de desserte, 30, 50 ou 70 %, le choix du niveau se faisant en concertation avec la région, compte tenu là aussi de la perturbation annoncée. Elle comporte des modalités d’information aux voyageurs et prévoit des pénalités financières.

S’agissant de la prévisibilité et de l’information assurée aux usagers, donc de la question de la rationalisation des moyens, Mme Anne-Marie Idrac s’est appuyée, là encore, sur un exemple concret, celui de la ligne C, précisant que M. Claude Solard a été chargé de la préparation des aspects techniques de la loi sur le service minimum.

Il s’agit, en l’occurrence, d’organiser la circulation de 265 trains, dans l’hypothèse d’un service réduit de moitié. Il faudra y affecter 150 conducteurs et 500 personnes chargées de l’accueil, de la sécurité et de l’information en gare. Cette information aux voyageurs doit être prête suffisamment tôt pour qu’ils puissent prendre leurs dispositions. D’où l’intérêt du délai de 48 heures s’agissant de la déclaration individuelle d’intention et de 24 heures s’agissant de l’information aux usagers.

Seront ainsi apposées, dans les 82 gares de la ligne C, 500 affiches annonçant les programmes de circulation. Seront éditées et distribuées 200 à 300 000 fiches horaires pour les 450 000 voyageurs habituels. Enfin, seront renseignées les bases informatiques, ce qui suppose d’entrer 20 000 données.

Tout cela impose de disposer d’un certain temps pour se retourner. En cas de grève nationale, il faudrait multiplier environ par 30 le même exercice sur toute la France.

Comment pourrait-on aller plus loin ?

Premièrement, grâce à la connaissance des personnels non grévistes et à la possibilité de les affecter sur des missions spécifiques – évidemment dans le respect des règles de sécurité –, on évitera de garder des réserves inutiles de personnels disponibles. L’incertitude sera ainsi réduite, même s’il faut savoir que la déclaration individuelle d’intention sera ou non suivie d’effet.

La présidente de la SNCF s’est refusée à croire que cette déclaration puisse être utilisée pour fausser la gestion de l’entreprise ou l’information des usagers. Au président Mariton qui lui fait remarquer que les organisations syndicales en ont évoqué l’hypothèse, elle a répondu que ce serait incompatible avec la juste conscience du service public et avec le sérieux qui s’applique au droit de grève.

Deuxièmement, il sera possible de dire aux usagers que le train de 8 heures 30 va circuler, au lieu de leur dire qu’il y aura un train entre 8 heures 15 et 8 heures 45. On passera d’une information sur le volume indicatif du plan de transport (par exemple, 50 % en moyenne) à une information sur des horaires précis sur des lignes précises.

Mme Anne-Marie Idrac a présenté aux membres de la commission spéciale la fiche « Perturbations Informations », qui indique : « En raison d’un arrêt de travail d’une partie du personnel SNCF, un service spécial est mis en place… » et qui donne certains horaires. Or en bas, on peut y lire : « Ces horaires sont susceptibles d’être modifiés en cours de journée » ! Cela détruit le sens même de l’affiche.

On pourra donc progresser dans l’élaboration de grilles de dessertes précises, ligne par ligne, dans des protocoles d’identification des personnels présents et des affectations sur les services, agent par agent, et dans la communication de chaque horaire. Il en résultera une meilleure efficacité s’agissant de la mobilisation des moyens disponibles. Dans quelles proportions ? Il est difficile de le dire, car chaque ligne est différente. Et chaque grève est différente, son impact aussi. Quoi qu’il en soit, la SNCF sera amenée à faire moins de réserves et à avoir des plans de transport plus robustes.

Quant au remboursement, il est parfaitement légitime, et il deviendra un droit nouveau. C’est une grande avancée du texte. La rédaction du Sénat prévoit que ce remboursement par l’entreprise sera exigible en cas de défaut d’exécution du plan de transport. Cela pourrait amener la SNCF à être très prudente, pour ne pas dire chiche, dans la manière dont elle proposera aux autorités organisatrices le calage du niveau de service.

Dans la plupart des conventions s’applique un système de malus lorsque le service n’est pas assuré. Le texte du Sénat introduit une deuxième forme de malus. Il conviendra donc de réfléchir, avec les autorités organisatrices, sur la meilleure façon d’inciter l’entreprise, en l’occurrence la SNCF, à faire le meilleur plan de transport possible, le but restant d’améliorer le service rendu. Le danger est qu’elle se montre trop prudente pour limiter les risques de remboursement.

Mme Anne-Marie Idrac appelle l’attention de la commission sur l’état d’esprit dans lequel elle a conçu le programme d’amélioration de la qualité de service qu’elle a annoncé à la presse la semaine précédente et qu’elle a appelé « Nouvelle dynamique de proximité ». Il concerne les transports de la vie quotidienne, TER, transiliens, Corail et Intercités, qu’empruntent 200 millions de clients par an.

Il s’agit de garantir à tous les voyageurs, dans toutes les gammes de produits, un meilleur niveau de service possible. Au cours de ce programme de trois ans, l’accent sera mis sur trois exigences fondamentales des clients : la sérénité, ce qui pose la question de la régularité des trains ; la liberté d’esprit, ce qui suppose de s’engager sur l’information ; la prise en considération, ce qui implique certaines actions, notamment la gestion des situations de crise. Les bons résultats de la SNCF lui permettent d’en réinvestir une partie dans ce programme. 100 millions d’euros ont donc été mis sur la table au titre de 2008.

Les incidents récents dus à une mauvaise prise en charge des clients, notamment en terme d’information, ont accéléré le travail engagé en vue de l’amélioration de la qualité du service. Les premières mesures seront mises en place à partir de la rentrée.

Ce projet de loi prépare un profond changement d’état d’esprit. C’est la loi qui défend le service public. Certains avaient pu se laisser entraîner à penser que c’était la grève … Il va révolutionner les façons de faire. Aujourd’hui, l’organisation de la SNCF n’est pas basée sur l’idée que la continuité du service public en temps de grève constitue une priorité. La gestion spécifique en temps de grève n’existe pas, faute d’outils.

Avec cette loi, la SNCF sera plus efficace en termes de prévention et en termes de robustesse et de fiabilité de ses plans de transport.

M. le Président Mariton a abordé trois points.

Mme Anne-Marie Idrac lui semble être de ceux – si elle l’autorise a être impertinent – qui n’avaient pas toujours approuvé le principe d’une loi. Il ne faut pas éluder une telle question.

Deuxièmement, les organisations syndicales, certaines formations politiques et certains collègues s’accordent sur l’idée que ce n’est pas de service minimum mais de service maximum dont on a besoin et que l’essentiel des perturbations n’est pas lié à la grève, mais aux sous investissements. Il a donc demandé à Mme Anne-Marie Idrac d’apporter des éléments de réponse sur ce point. Il y a aussi la question de la distinction entre les perturbations prévisibles et celles qui ne le sont pas – les incidents techniques, entre autres.

Troisièmement, il est regrettable que le projet de loi ne soit pas suffisamment clair s’agissant de l’impact qu’il aura sur les services de banlieue et sur les services des grandes lignes. Dans le titre, il est question de la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, soit la totalité de l’activité « voyageurs » de la SNCF. Les services internationaux sont-ils exclus d’emblée ? À quoi correspond la formule de « services quotidiens » qui apparaît dans le texte ?

Ce point fera sans doute partie des discussions avec les autorités organisatrices des grandes lignes, à savoir les régions, mais aussi l’État. Comment seront prises en compte les grandes lignes dans la mise en œuvre de ce texte et dans la relation avec l’autorité organisatrice qui peut être l’État ?

Le rapporteur a demandé à Mme Anne-Marie Idrac si ce texte préservera vraiment le droit de grève. Selon elle les 100 millions qu’elle a évoqués allaient permettre de créer mille emplois. Or les syndicats qui ont été reçus ont déclaré que le dialogue social était insuffisant, qu’ils venaient de découvrir l’existence de ces 100 millions, et que les mille emplois seraient affectés ailleurs. Qu’en est-il de ce dialogue social ?

M. Michel Destot a relevé que tout le monde est d’accord s’agissant de la continuité du service public. Pour autant, le service public ne se résume pas au service public national. Il peut avoir une dimension locale, régionale, voire de plus en plus européenne. S’imaginer que le seul cadre national permettra de réguler et de régler l’ensemble des politiques de transport est une vue de l’esprit.

Par ailleurs, il ne faudrait pas confondre la SNCF, la RATP et les autres exploitants. La SNCF et la RATP interviennent avec un nombre d’organisations administratives de transport (AOT) relativement limité – essentiellement les régions et l’État pour la SNCF, et le syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) pour la RATP. En région, ce nombre est infiniment supérieur. En région Rhône-Alpes, par exemple, il y a plus de 50 AOT et l’ensemble des collectivités devra travailler avec de très nombreux transporteurs. Cela explique la diversité des niveaux de dialogue social selon les niveaux d’appréhension des problèmes.

À la SNCF et à la RATP, le dialogue social existe depuis longtemps. On ne peut pas en dire autant des réseaux en région, avec Kéolis, Transdev ou Véolia. Cela explique que l’Union des transports publics (UTP) ait avancé aussi lentement et que les positions du Groupement des autorités responsables de transports (GART) et de l’UTP aient été si différentes. Le GART avait passé un accord avec M. Perben, alors que l’UTP ne l’avait pas fait. Ses représentants souhaitaient en effet qu’il y ait une loi pour pouvoir se positionner vis-à-vis des syndicats et vis-à-vis du personnel. En revanche, le GART était favorable à la négociation pour introduire dans les conventions qui lient les AOT avec les transporteurs ces clauses relevant du dialogue social et permettant d’assurer la continuité du service public.

Quand les sénateurs parlent de reporter d’un an l’application de ce texte, c’est pour faire droit aux AOT dans leur plus grande diversité qui, aujourd’hui, sont dans l’incapacité de conclure dans les trois mois qui viennent de telles clauses.

Le président Hervé Mariton a rétorqué que les positions des uns et des autres sont parfaitement compatibles. Les sénateurs sont bien dans l’esprit du 1er janvier 2008, sauf pour la RATP et la SNCF.

M. Michel Destot a remarqué qu’en effet le débat a eu lieu, mais que, selon lui, les sénateurs n’ont pas retenu le bon calendrier. Peut-être que la RATP et la SNCF peuvent conclure dans les trois mois, mais ce n’est pas le cas de toutes les AOT de province. Ces dernières sont en retard, notamment parce que l’UTP a traîné les pieds. Pourtant, il faut pouvoir donner sa chance à la voie contractuelle car sinon, on ne peut pas parler de dialogue social.

On sait très bien qu’aujourd’hui c’est le manque de moyens qui est la cause principale des perturbations. Il est donc clair que ce texte ne permettra pas de répondre aux problèmes de fond et d’avoir une politique de transports s’appuyant sur une capacité d’investissement suffisante s’agissant des infrastructures et du matériel. Il sera à l’origine d’opérations allant à l’encontre de l’objectif social et de l’objectif d’équilibre entre les droits des usagers et le droit de grève des personnels.

Sur le premier point qu’il a soulevé, Mme Anne-Marie Idrac a fait au président une réponse tout aussi impertinente, selon elle, que l’a été sa question : elle a été manipulée !

Ce texte oblige à la négociation. C’est la raison pour laquelle, au-delà des objectifs éthiques, commerciaux et managériaux qu’elle a évoqués précédemment, elle le soutient.

Sur le second point qu’il a soulevé, c’est-à-dire la continuité du service, elle a commenté un tableau retraçant les causes d’irrégularité, autres que les grèves.

Sur les grandes lignes, on compte 21 % de causes externes, et sur les transiliens, 50 %. Sont ainsi visées les intempéries, la malveillance, les accidents de personnes, les animaux. Mais il peut y avoir bien d’autres causes : problèmes de matériel, incidents provoqués par des voyageurs, non disponibilité des contrôleurs, travaux, problèmes d’aiguillages, incidents aux abords des voies, incendies, etc.

L’entreprise SNCF cherche à identifier les vrais sujets sur lesquels des moyens seront utiles. Les progrès de productivité et de compétitivité doivent être pesés dans un juste équilibre avec la nécessité d’assurer un service de qualité aux clients : c’est le service compétitif aux clients. Bien entendu, il existe un moyen de ne jamais avoir de difficultés sociales : par exemple en laissant ouverts tous les guichets, même lorsque les habitudes des clients ont changé ; ou en ne poursuivant pas de politique industrielle pour mettre les matériels au niveau des concurrents.

Il ne s’agit pas ici des moyens d’investissement de l’État, qui ne sont pas du ressort du président de la SNCF, mais de l’équilibre que doit réaliser l’entreprise, malgré les difficultés qui peuvent se présenter à elle.

Tout le monde l’a dit, l’entreprise SNCF a manifesté son souci de rendre le dialogue plus fécond. Différentes initiatives ont été prises en ce sens à l’intérieur des institutions représentatives du personnel, sur le terrain, avec les agents, avec les organisations syndicales, en amont des projets. Mais par définition, le dialogue social se joue à deux. On ne peut pas demander à la direction de renoncer à la modernisation et aux progrès de crédibilité qui sont souhaitables et souhaités par l’État actionnaire et par la collectivité nationale.

Elle a dit ne pas avoir d’opinion particulière à propos des grandes lignes pour lesquelles, l’État est l’autorité organisatrice. Toutefois cette autorité organisatrice a, dans les faits, très largement délégué son pouvoir à la SNCF. Il est vrai que le texte organise prioritairement les déplacements quotidiens de la population. Mais il est vrai aussi que la plupart des trains de grandes lignes sont quotidiens. Une ébauche de dialogue a eu lieu avec les représentants de l’État et il semble que ceux-ci ne sont guère enclins à modifier la situation et envisagent le maintien d’une assez large délégation.

En matière de transports de proximité, des priorités s’imposent : entre le fret, les grandes lignes, entre les TER et les transiliens. L’esprit de la loi est plutôt de favoriser les transports de la vie quotidienne, ce qui suppose une certaine évolution des pratiques antérieures, même s’il faudra tenir compte des règles européennes sur les sillons.

En matière de trains internationaux, Mme Idrac n’a pas pu dire comment s’appliquera le texte à Paris, Strasbourg ou Münich. Mais le ministère des transports a certainement préparé quelque chose à ce sujet.

M. le rapporteur s’est demandé si le droit de grève était préservé. Où pourrait-on déceler une atteinte au droit de grève ? Pas dans la prévention des conflits, à moins de considérer que la grève est mieux que la prévention… Pas dans la déclaration individuelle d’intention. Ce serait le cas si celle-ci supprimait l’exercice individuel du droit de grève, si celle-ci devenait une obligation et que des sanctions étaient prévues lorsque le salarié change d’avis ou a fortiori, lorsque le droit de grève est exercé. Non plus que dans la disposition qui prévoit, au bout de huit jours de grève, une consultation. Ce serait le cas si elle privait le salarié de son droit individuel à la grève. L’intérêt d’une telle consultation est d’amener à faire la part des choses et de ramener une certaine sérénité dans les discussions.

M. Robert Lecou s’est interrogé sur l’article 1er. La présidente de la SNCF a relevé les valeurs éthiques, commerciales et managériales du texte. L’entreprise pourra-t-elle s’accommoder de l’exclusion des transports à vocation touristique prévue dans cet article ? En effet, ces transports constituent une part importante de son activité commerciale.

Mme Anne-Marie Idrac lui a répondu que le ministre Xavier Bertrand souhaite parvenir à un équilibre entre différents droits d’importance équivalente. Sans doute le tourisme n’a-t-il pas été considéré à l’égal de la liberté d’aller et venir ou de la liberté du commerce et de l’industrie.

Le président Hervé Mariton a supposé que les transports concernés sont du même style que le train des Pignes ou le train Auray-Quiberon.

Mme Anne-Marie Idrac a admis qu’un certain nombre de lignes peuvent être considérées comme touristiques, mais a remarqué que certaines ne sont pas exploitées sur le réseau ferré national, et donc pas par la SNCF : c’est le cas du train des Pignes ou du train de la Rhune.

M. Robert Lecou a expliqué qu’il visait les migrations touristiques et qu’il conviendrait d’apporter des précisions.

M. Daniel Paul a remercié Mme Anne-Marie Idrac d’avoir confirmé que, depuis quelques années, la conflictualité, du moins à la SNCF, avait chuté. Pour le début 2007, on a relevé 0,13 journée perdue par agent. Ce score est remarquable et pouvait laisser espérer qu’on se rapprocherait du taux zéro. C’est sans doute pourquoi, il y a quelques semaines, Mme Idrac a déclaré qu’elle préférait la concertation, la discussion et la négociation à une loi.

Ce projet de loi concerne la continuité du service public, « seulement en cas de grève ». Il faut être attaché au service public, mais 365 jours par an. Bien sûr, il est toujours possible qu’une vache ou tout autre animal divague sur les voies de chemin de fer. Dans certains pays, en cas de suicide sur une voie ferrée, on met le corps sur le bord des rails et le trafic continue. Ce n’est pas le cas en France, mais on pourrait imaginer de modifier la loi de façon à ne pas bloquer le trafic pendant des heures en cas d’accidents de ce type. Après tout, on en est bien à légiférer pour 2 % des arrêts…

On note chaque année une augmentation importante du nombre de kilomètres sur lesquels les trains doivent rouler lentement. Mme Idrac peut-elle confirmer ce phénomène ?

Par ailleurs, dans certaines régions, sur certaines grandes lignes, Paris-Le Havre notamment, des locomotives ont plus de cinquante ans. La probabilité des incidents, des accidents et des pannes de matériel justifierait qu’on remplace ces locomotives et qu’on prévoie les investissements correspondants.

M. Guénhaël Huet a salué les propos de Mme Anne-Marie Idrac qui ont bien montré que ce projet de loi réalisait un équilibre entre différentes libertés publiques, entre les droits des agents de la SNCF d’un côté et ceux des usagers de l’autre.

Il y a bien sûr d’autres problèmes que la grève, personne n’en disconvient, mais ils ne correspondent pas à l’objet de ce projet de loi.

Les représentants d’organisations syndicales ont déclaré ce matin qu’il aurait fallu faire une autre loi comportant des engagements, pour l’État, à investir pour la SNCF et comportant quelques articles relatifs au droit de grève. C’est une conception un peu dépassée du travail législatif, qui amène à concevoir des lois « fourre-tout » dans lesquelles personne ne se retrouve. Et puis, que n’aurait-on entendu de la part de l’opposition qui aurait prétendu que, sous le prétexte de financer tel ou tel investissement en matière de transports, on en profitait pour introduire un cavalier aboutissant à limiter, voire à interdire le droit de grève ?

Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’on ne recourt pas souvent à une règle de droit qu’il faut la supprimer. La loi a par définition un caractère normatif et un rôle de prévention – c’est le cas de ce texte.

Mme Anne-Marie Idrac s’est déclarée très favorable à la négociation préalable prévue à l’article 2 et a fait la distinction entre le caractère obligatoire de la négociation préalable et le caractère facultatif de la demande initiale de concertation. Pourrait-on avoir des précisions à ce sujet ?

Il a également demandé le sentiment de Mme Anne-Marie Idrac sur l’organisation de la consultation à bulletin secret lorsque le conflit dépasse huit jours. Ce matin, un des représentants d’une organisation syndicale a évoqué le problème du périmètre de la consultation, même si le principe de cette dernière ne saurait être remis en cause.

M. Alain Vidalies a constaté que Mme Anne-Marie Idrac avait abordé une problématique qui n’avait pas été évoquée jusqu’à présent mais qui s’inscrit pleinement dans le débat. De son point de vue de responsable d’entreprise, le contenu du plan adapté devrait avoir le moins d’ambition possible pour éviter, par la suite, de devoir payer des pénalités. La démonstration est impeccable, mais il se demande comment on pourra sortir de cette difficulté.

Le projet de loi comporte des inconvénients. La déclaration obligatoire, 48 heures à l’avance, risque de poser des problèmes dans la pratique. Le rapport de forces, établi à l’avance, risque de figer les situations, même si les intéressés, finalement, ne font pas grève. On créera ainsi un point de fixation.

Enfin, ne seront consultés par référendum que ceux qui seront visés par le préavis. Cela encouragera le développement de grèves à petit périmètre et à réclamations corporatistes.

En conclusion, on risque, par ce texte, de remplacer certains inconvénients connus par d’autres inconvénients inconnus, selon la formule du doyen Rippert.

Mme Anne-Marie Idrac s’est félicitée du fait que les organisations syndicales aient rendu hommage à la qualité du dialogue social au sein de la SNCF.

S’agissant des locomotives le chiffre des investissements est de 2 milliards par an. Ces investissements sont rendus possibles en raison de la productivité qui permet de dégager des résultats. Aujourd’hui, l’âge moyen des locomotives est de 35 ans ; l’objectif est de le ramener à 15 ans en 2010. Des commandes ont déjà été passées, notamment sur le fret.

La question sur les ralents mériterait d’être posée au président de RFF, Hubert du Mesnil. Il semble cependant que leur nombre soit stable, que la situation s’améliore, mais que des raisons de sécurité amènent à préconiser ces ralentissements.

Il est souhaitable que la DCI soit obligatoire. Seule la loi peut le faire. Aujourd’hui, un préavis déposé sans DCI est tout à fait valable. Avec ce texte, ce ne sera plus le cas. Reste qu’il faudra réfléchir, comme l’a fait le Sénat, sur les acteurs qui seront conviés à cette discussion et sur l’objet même de celle-ci.

On a parlé des personnes concernées par ce que certains appellent le « référendum ». Néanmoins on n’a pas encore réfléchi concrètement à son organisation. Certains ont préconisé l’intervention d’un médiateur. Il est fréquent d’avoir recours à un médiateur. Pourquoi pas, surtout dans une période où il faudra définir de nouvelles règles ?

En ce qui concerne les risques d’effets pervers, son observation s’explique par une rédaction – d’ailleurs peu claire – introduite au Sénat, établissant une classification des différents niveaux de services et associant le remboursement au client pénalisé au niveau de service

M. le Président Mariton a remercié Mme la présidente de la SNCF.

*

La commission a enfin entendu une délégation de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), composée de M. Serge Nossovitch, secrétaire général et de M. Gérard Perre, président de la commission sociale de la FNTV.

M. Serge Nossovitch a tout d’abord expliqué que la Fédération nationale des transports de voyageurs représente des entreprises d’autocars concentrant 80 % de leur activité dans les lignes régulières, qu’elles soient spécialisées – comme les transports scolaires – ou ordinaires. Ces entreprises travaillent dans le cadre de conventions de délégation de service public et de contrats de marché passés avec des autorités organisatrices. Ces autorités sont en général les départements, ou les autorités organisatrices de deuxième rang, auxquelles ils délèguent leurs compétences.

L’une des particularités de ce secteur est qu’il comporte beaucoup de très petites entreprises : 15 % d’entre elles n’ont qu’un ou deux véhicules. Dans la grande majorité des cas, le seuil des cinquante salariés n’est pas atteint et il n’existe donc pas de délégués syndicaux.

En outre, ces entreprises travaillent sur un département tout entier ou sur plusieurs départements. La fréquence des trajets est généralement faible, se réduisant souvent à un aller et retour par jour. Pour ces raisons, une loi sur le service minimum risque d’être difficile à mettre en œuvre.

Le président Hervé Mariton a demandé ce que le projet de loi pourrait améliorer dans ce secteur.

M. Gérard Perre a distingué deux aspects du projet. Le premier volet, celui de la prévention, est facilement applicable dans les entreprises de la FNTV. Le second, qui tend à mettre en place un service garanti, risque en revanche de poser beaucoup de problèmes techniques, 95 % des entreprises ayant moins de cinquante salariés. Il convient d’opérer une distinction avec les transports urbains, pour lesquels il existe une autorité organisatrice, un contrat et une entreprise délégataire : pour les transports interurbains, on comptera facilement quarante autorités organisatrices, une cinquantaine d’entreprises et quatre à cinq cents contrats. Cet éparpillement rend quasi impossible la mise en place d’un plan de service minimum. Pour un même collège, par exemple, on peut avoir une dizaine d’entreprises assurant trente ou quarante circuits différents. Si l’une d’entre elles est confrontée à une grève, on voit mal comment l’autorité organisatrice pourra définir un service garanti. La réaffectation du personnel est également difficile à réaliser car les territoires où interviennent les entreprises sont vastes et, la plupart du temps, les véhicules sont dispersés. En outre, lorsque la fréquence n’est que d’un aller et retour par jour, on ne peut pas obliger à effectuer 50 % du service.

Le président Hervé Mariton a objecté que l’on peut définir des priorités en fonction de l’importance que l’on accorde à telle ou telle ligne.

M. Gérard Perre a répondu que la difficulté ne sera pas résolue pour autant, dans la mesure où les services sont souvent assurés par plusieurs entreprises et non par une seule. Du reste, les conseils généraux accordent généralement la priorité à 100 % des services de transport scolaire et aux trajets domicile-travail du matin et du soir, ce qui revient à dire que 80 % ou 90 % des services sont prioritaires.

Au total, s’il est permis de nourrir une certaine inquiétude quant à la mise en place du service garanti, le volet « amont » du projet, consacré à la prévention, ne pose pas de problème, étant entendu que 95 % des entreprises du secteur n’ont pas de représentation syndicale. En grossissant un peu le trait, on pourrait dire que cette loi s’appliquera à 5 % des entreprises de la FNTV.

Le président Hervé Mariton a fait valoir que, même en l’absence de représentation dans l’entreprise, il existe des organisations de branche.

M. Gérard Perre a répondu que, dans le texte, la procédure en amont est déclenchée par une revendication émise par les représentants du personnel.

Le rapporteur a souligné que l’employeur peut également déclencher la procédure.

M. Serge Nossovitch a insisté sur la prépondérance du dialogue au sein de ces très petites entreprises et la rareté des grèves.

Le président Hervé Mariton ayant demandé s’il y aurait des négociations de branche à ce sujet. M. Gérard Perre a indiqué que cela est possible pour la partie amont du projet.

Le président Hervé Mariton a remarqué qu’il sera d’autant plus important de bien élaborer les accords de branche que la représentation du personnel est faible dans les entreprises.

M. Gérard Perre a objecté que, aux termes du projet de loi, l’accord de branche se référera aussi aux représentants du personnel.

M. Serge Nossovitch a ajouté que, de ce fait, la loi risque de protéger certains usagers et d’en exclure certains autres. Au surplus, les autorités organisatrices montreront certainement de la réticence à définir des priorités : pourquoi donner la préférence à tel lycée par rapport à tel autre, par exemple ?

Le président Hervé Mariton a signalé qu’il n’est toutefois pas impossible qu’une autorité organisatrice privilégie, par exemple, le transport des collégiens, dans la mesure où il est plus facile pour les lycéens de rester chez eux.

M. Serge Nossovitch a insisté sur la difficulté, pour les élus, de prendre de telles décisions.

M. Louis Guédon a relevé que le secteur est peu concerné par le texte, puisqu’il n’est pratiquement pas touché par les grèves. Il a également relevé que le gouvernement souhaite privilégier les petites entreprises dans la passation des marchés publics. Dans cette perspective, rien n’empêche d’exiger, dans le cahier des charges, la garantie d’un service minimum par un groupement de plusieurs petites entreprises soumissionnant au même marché. L’argument selon lequel les très petites entreprises ne pourraient pas satisfaire à la loi ne semble donc pas recevable.

Le président Hervé Mariton s’est demandé, dans le prolongement de cette intervention, si la loi ne risque pas d’avoir un effet pervers : les petites entreprises pourraient se trouver exclues des marchés en raison des difficultés qu’elles risqueraient de rencontrer pour garantir le service minimum. Dans cette hypothèse, seules les entreprises d’une certaine dimension pourraient répondre aux exigences du texte.

Le rapporteur a signalé qu’aux termes du code du travail « dans les établissements occupant moins de onze salariés, des délégués du personnel peuvent être institués par voie conventionnelle ». Il n’est donc pas nécessaire d’avoir des délégués syndicaux pour discuter au sein de l’entreprise.

Répondant à M. Louis Guédon, M. Gérard Perre a estimé que les dispositions que l’on peut introduire dans le cahier des charges n’ont rien à voir avec le projet de loi. Du reste, seuls trois départements ont créé une délégation unique.

M. Guénhaël Huet a reconnu que la situation des petites entreprises de transport doit être bien distinguée de celle des très grandes. Cela dit, on peut dégager des priorités de façon pragmatique. Par exemple, les transporteurs assurent des circuits courts et des circuits longs : on peut aussi imaginer que l’autorité organisatrice privilégie la continuité pour les circuits longs ; ou bien qu’elle donne priorité aux internes d’un établissement scolaire par rapport aux demi-pensionnaires… Il n’est donc pas impossible d’établir une certaine hiérarchie dans la continuité du service public assuré par des petites entreprises.

M. Gérard Perre a précisé que, contrairement à ce qui se passe dans les réseaux urbains ou dans les grandes entreprises, les conducteurs des entreprises de la FNTV ne sont pas interchangeables et ne peuvent guère être mobilisés en cas de grève.

M. Guénhaël Huet a indiqué que l’article 4, alinéa 7, du projet de loi ne fait que dresser un cadre général, à l’intérieur duquel on doit pouvoir trouver les moyens permettant d’établir certaines priorités. Il reste toutefois des marges d’appréciation.

Le rapporteur a signalé qu’une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir, en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise, la possibilité de négocier et de conclure des accords collectifs avec les représentants élus du personnel ou avec les salariés mandatés.

M. Gérard Perre a objecté qu’un accord de branche ne saurait définir les accords passés au niveau de l’entreprise.

Le président Hervé Mariton a émis l’hypothèse que l’accord de branche puisse prévoir la situation particulière des très petites entreprises.

M. Gérard Perre a affirmé que la FNTV n’est en aucun cas opposée au projet de loi, qui contient des éléments très positifs. Son propos est surtout de signaler les difficultés d’application dans le secteur.

Le président Hervé Mariton a remarqué qu’il faudra veiller à ce que la loi et ses textes d’application ne fassent pas obstacle à l’adaptation du dispositif aux petites entreprises.

M. Gérard Perre a indiqué que le mémoire préparé par la FNTV à l’intention des parlementaires recommande de faire du « cousu main » et de privilégier une approche entreprise par entreprise, de concert avec l’autorité organisatrice. Ni la loi ni les décrets d’application ne doivent imposer un cadre trop strict.

Le président Hervé Mariton a demandé s’il ne serait pas opportun de préciser que c’est l’autorité organisatrice, et non l’autorité délégataire, qui est chargée de veiller à l’application de la loi.

M. Gérard Perre a estimé que cette proposition est légitime mais que, sur le terrain, il est difficile de toucher aux autorités organisatrices de second rang, qui constituent parfois de petites baronnies.

Le président Hervé Mariton a répondu que cela n’empêche pas que l’application du service minimum soit bien de la compétence du conseil général.

M. Guénhaël Huet a ajouté que la loi du 13 août 2004 pousse les départements à reprendre les transports scolaires en maîtrise d’ouvrage. Cela permet de régler une partie du problème.

M. Gérard Perre a noté que, de toute façon, les dépôts de préavis de grève dans les entreprises de moins de dix salariés sont extrêmement rares.

Le président Hervé Mariton a constaté que le texte n’est assurément pas fait pour ces entreprises et qu’il faudra donc veiller à ce que celles-ci ne soient pas prises dans les filets de la loi.

M. Serge Nossovitch a remarqué que la difficulté tient à ce que plusieurs entreprises concourent au même service. Il faudra en effet veiller à ce que les appels d’offres à venir n’excluent pas certaines petites entreprises, et prendre aussi quelques assurances auprès de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Le président Hervé Mariton a remercié MM. Nossovitch et Perre pour leur utile contribution.