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Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire

Mardi 11 septembre 2007

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Christian Jacob Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Roger Guesnerie, président de l’Ecole d’économie de Paris, président du groupe de travail « Promouvoir des modes de développement écologiques favorables à la compétitivité et à l’emploi » du Grenelle de l’environnement

Le président Christian Jacob, après avoir remercié M. Roger Guesnerie pour sa disponibilité, a rappelé que la délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire de l’Assemblée Nationale avait souhaité entendre les six présidents des groupes de travail en collaboration avec la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et son président, M. Patrick Ollier.

Il a ensuite présenté M. Roger Guesnerie : président de l’école d’économie de Paris, il dirige la chaire de théorie économique et d’organisation sociale au Collège de France ; il est également directeur d’études à l’EHESS et membre du conseil d’analyse économique. Mais c’est en sa qualité de président du sixième groupe de travail du Grenelle de l’environnement intitulé « Promouvoir des modes de développement écologique favorables à la compétitivité et à l’emploi » qu’il est auditionné aujourd’hui.

M. Roger Guesnerie a d’abord précisé qu’il avait été sollicité pour présider ce groupe en raison de ses travaux sur les questions liées à l’environnement et, plus précisément, étant spécialiste des problèmes climatiques, pour son rapport sur « Kyoto et les enjeux économiques de l’effet de serre » présenté au conseil d’analyse économique.

Trois réunions plénières ont eu lieu depuis le mois de juillet. Ce mardi 11 octobre, les groupes 3 et 6 se sont réunis afin de réfléchir ensemble à la question des déchets. A ce jour, huit programmes – il devrait y en avoir dix au total - ont été préparés par les différents rapporteurs : sur la publicité responsable – compatible avec le développement durable -, l’information sur les produits écologiques, les indicateurs de développement durable, le développement des éco-technologies et la promotion des éco-entreprises, la réduction des impacts économiques et environnementaux de la production des déchets, les transports, la promotion d’une économie de fonctionnalité – c’est-à-dire la vente d’un service pendant toute la durée de vie du produit, plutôt que la simple vente d’un produit à un instant t ; raisonnement qui peut s’appliquer par exemple aux pneumatiques– et, enfin, sur la formation et la recherche. Une fiche transversale sur la fiscalité sera par ailleurs bientôt disponible, après une réunion commune avec le groupe de travail numéro 1 ; seront notamment abordés la question de l’affectation des ressources, des redevances aux frontières, l’éventuelle substitution d’une fiscalité « carbone » à une fiscalité « travail »…

Le groupe du travail est actuellement au milieu du gué et les propositions envisagées ne sont pour l’instant pas définitives.

Le président Christian Jacob s’est interrogé sur les différentes pistes fiscales pouvant être envisagées. Qu’en est-il en outre des questions liées aux transports et au recours aux énergies renouvelables, notamment à la biomasse ?

M. Roger Guesnerie a répondu que ces thèmes relevaient essentiellement de la politique énergétique, laquelle n’est pas directement concernée par les travaux de son groupe.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, a demandé si une réflexion avait été déjà engagée sur la définition de la notion même de modes de développement écologique et sur les domaines dans lesquels ceux-ci seront appliqués. Qu’en est-il, par exemple, des modalités de la démarche Haute Qualité Environnementale (HQE) en matière de construction ? S’agit-il d’un mode de développement écologique, qui doit être décliné de la formation de l’apprenti à l’élaboration des plans locaux d’urbanisme, qui pour l’instant ne l’imposent pas ?

M. Roger Guesnerie a répondu que la question de l’habitat faisait partie du mandat du groupe 1, que la définition des modes de développement durables n’avait pas été abordée directement par le groupe mais que selon lui, il était difficile d’élaborer une définition unique de ces modes de développement, les questions qui se posent par exemple en matière de changement climatique ou de préservation de la biodiversité étant singulières.

M. Philippe Plisson a considéré quant à lui que le seul véritable mode de développement écologique consistait à remettre en cause la sacro-sainte croissance comme outil de développement. Le groupe 6 formulera-t-il par exemple des propositions en ce qui concerne les emballages, dont l’inflation actuelle s’apparente à un véritable gaspillage ?

M. Bernard Lesterlin s’est demandé si la question de la fiscalité écologique relevait du seul groupe 6 ou de son association avec le groupe1. Existe-t-il en outre d’autres pistes de financement des projets écologiques ?

M. André Chassaigne a déclaré mesurer la difficulté de la tâche incombant à ce groupe 6, son champ d’action étant « schizophrénique » : comment promouvoir à la fois l’écologie, la compétitivité et l’emploi ? Ses travaux permettront-ils de mettre en évidence ces contradictions ? Qu’en est-il de la place de l’argent dans nos sociétés ? Se contentera-t-on de propositions parcellaires ou de véritables priorités seront-elles définies, notamment s’agissant de la mise en œuvre des différents projets ?

M. Serge Poignant s’est refusé à séparer développement écologique, compétitivité et promotion de l’emploi. Il suffit de considérer, par exemple, la place des nouvelles technologies en matière d’énergies renouvelables. Des gisements d’emplois existent, l’essentiel étant de mieux les repérer.

M.Philippe Boënnec a rappelé combien l’écologie et la compétitivité devaient être pensées dans l’optique de la mondialisation ; il importe de tenir compte de l’attitude des pays émergents ou en voie de développement. En outre, quelles peuvent être précisément, à long terme, les conséquences positives ou négatives de la politique écologique sur l’emploi ?

En ce qui concerne la question des emballages, M. Roger Guesnerie a répondu qu’une discussion s’était engagée sur le développement de la tarification incitative des services de traitement des déchets. Il a ainsi été envisagé que leur coût soit évalué en fonction de leur poids et non plus en fonction de la taille des habitations. Une discussion a également eu lieu sur la « contribution emballage » au titre du Point Vert, contribution amont, et sur le développement et la rationalisation de l’inclusion du coût du traitement des déchets dans le prix des produits et services.

Le groupe 6 réfléchit plus spécifiquement sur la fiscalité et la valorisation du développement durable. Des propositions seront faites, même s’il sera sans doute difficile de parvenir à un consensus.

Loin d’être contre-productive sur le plan de la compétitivité, l’écologie permet de créer des emplois, pour certains non délocalisables, notamment dans le secteur du bâtiment et de la construction pour l’élaboration, par exemple, de bâtiments à énergie positive. En outre, la France étant le premier investisseur dans les nouvelles technologies écologiques, il est crucial de maintenir cet effort afin que les autres pays en soient tributaires. C’est en tout cas un pari qui mérite d’être fait.

Contrairement à la biodiversité, dont les enjeux sont locaux et localisés, la lutte contre l’effet de serre doit être planétaire, le véritable enjeu étant d’entraîner les pays émergents ou en voie de développement dans ce combat. La France ou même l’Europe seules ne peuvent rien. De surcroît, si la France instaure, seule, un système de taxes ou de quotas, le coût des produits augmentera et la compétitivité en sera grevée, par exemple pour le secteur de l’acier. Comment procéder ? Sera-t-il possible de parvenir à des accords sectoriels entre différents pays? Une taxe d’ajustement aux frontières, intéressante mais qui ne fait pas l’unanimité, est-elle envisageable ? Cette taxe devrait en tout état de cause être vue dans une perspective diplomatique : est-ce le meilleur moyen d’obtenir un accord international pour l’après-Kyoto ?

Le président Christian Jacob a insisté sur l’importance, pour la France, d’être en effet aux avant-postes et donc de ne pas pénaliser les entreprises. Le Grenelle de l’environnement, alors que la France s’apprête à présider l’Union européenne, permettra aussi d’examiner les conditions de ce leadership, essentiel dans le cadre des négociations de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). En outre, il ne faut pas faire de grands discours aux Africains quand la croissance de l’Europe et des Etats-Unis s’est accompagnée de nombreuses atteintes à l’environnement.

M. Roger Guesnerie a rappelé la responsabilité des pays industrialisés dans la situation actuelle et considéré qu’il importait de mettre en place un accord gagnant-gagnant avec les pays émergents, tout en se montrant exemplaire et sans entraver la compétitivité. S’il faut évidemment encourager la production des éco-produits, comment se comporter néanmoins à l’endroit de pays comme la Chine ou l’Inde, qui n’ont pas les mêmes préoccupations ? L’encouragement de produits vertueux peut constituer une barrière non tarifaire. Comment, finalement, concilier le respect des règles de l’OMC et de l’environnement ?

Le président Christian Jacob a souhaité que les comptes rendus des travaux du groupe 6 soient transmis à la Délégation.

M. Roger Guesnerie a répondu qu’il n’y voyait personnellement aucune objection de principe et qu’il ferait part de cette demande au cabinet du Ministre d’Etat.

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