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Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire

Mardi 16 octobre 2007

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 3

Présidence de M. Christian Jacob Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Olivier Marembaud, directeur général délégué de Fret SNCF

– Informations relatives à la délégation

Le Président Christian Jacob a souhaité la bienvenue à M. Olivier Marembaud, directeur général délégué de Fret SNCF, et lui a demandé de faire le point sur la situation du fret SNCF et du fret ferroviaire en général.

M. Olivier Marembaud a souligné que l’on était à un moment où apparaissait une demande importante des clients et des collectivités. Alors que le fret ferroviaire a souvent fait figure de mal aimé dans la période récente, un basculement fondamental est en train de s’opérer. Le fret ferroviaire n’obtient aujourd’hui que 11 % de parts de marché en France, contre 50 % dans les années soixante. Il représente 40 % de parts de marchés aux États-Unis.

Cette situation tient certes à la géographie économique de la France, où les flux industriels sont peu importants et diffus, mais aussi à diverses mesures qui ont favorisé le transport routier : taxation plus favorable au secteur routier, dispositions législatives ou réglementaires rendant le fret ferroviaire très contraint, notamment en ce qui concerne les règles d’emploi des personnels. Pendant très longtemps, la politique de développement de la SNCF a également donné la priorité au trafic « voyageurs ».

Aujourd’hui apparaît un projet de développement du fret orienté vers le haut débit ferroviaire : il y a la volonté de mettre à la disposition des clients le meilleur du ferroviaire, c’est-à-dire sa capacité de massification et d’emport sur de longues distances. Il s’agit de mettre en œuvre pour le fret ferroviaire un projet du même ordre que celui qui a conduit au développement du TGV pour les voyageurs.

Pour cela, il va falloir être capable de redéployer des moyens sur ces grands flux de marchandises, c’est-à-dire mettre des wagons là où il y a actuellement des camions. On peut ainsi procéder par la mise en place de trains entiers allant de point à point pour répondre aux besoins déjà très massifiés de l’économie et aussi anticiper, en réservant des sillons pour des besoins identifiés. Cela vient d’être fait entre l’Est et le Sud-Est mais aussi entre la région Rhône-Alpes et le Sud-Ouest.

Il est également possible d’offrir un service de wagon isolé, d’un point à un autre en passant par des points de concentration. Ce service, qui correspond à une certaine évolution de l’économie et à la fragmentation des envois, peut avoir de réelles perspectives s’il s’effectue dans des zones denses à l’arrivée et au départ, c’est-à-dire s’il est bien situé là où existent des flux et des besoins. Tel est l’objet d’un des programmes du haut débit ferroviaire, avec la mise en place de trois grands « hubs » traitant ces wagons 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour assurer les dessertes avec une circulation très rapide. Il pourrait ainsi y avoir une trentaine de plateformes en France.

La troisième possibilité est celle du transport combiné avec des conteneurs. Cette réponse est de plus en plus utilisée et l’utilisation de ce mode de transport progresse de 15 % par an. A cet égard, les ports constituent de plus en plus les poumons du développement du trafic ferroviaire et le haut débit ferroviaire est aussi orienté vers le transport combiné, comme l’atteste la volonté de créer de nouvelles dessertes, telles Lyon-Anvers mais aussi Clermont-Ferrrand-Le Havre ou Cognac-Le Havre par exemple. Il s’agit de répondre aux besoins des territoires au fur et à mesure que l’économie bouge.

C’est dans ce cadre qu’a été restructuré le service des wagons isolés et qu’ont été supprimées 262 dessertes, afin que le dispositif industriel soit resserré sur certains flux et corresponde aux besoins dans un souci de plus grande efficacité. Il faut néanmoins savoir que les 262 dessertes en cause ne concernaient que 150 clients environ, que la moitié d’entre elles n’avait aucun trafic et que les deux tiers traitaient moins de trois wagons par mois. Des solutions alternatives sont actuellement examinées avec ces clients.

Il est indéniable qu’il y a des attentes extrêmement fortes du côté des clients, ce qui implique une remise à plat du service. Les relations avec les clients évoluent et il faut chercher à massifier les envois. Par ailleurs, la dimension européenne prend de plus en plus d’importance. Ainsi 40 % du trafic se fait à l’international, ce qui est le cas, par exemple, chaque fois que la distance dépasse 500 kilomètres. Le développement européen passe par de nouveaux accords garantissant aux clients la qualité et le prix de la prestation.

Dans cette optique ont été mises en place des dessertes directes vers le port d’Anvers depuis Lyon et Perpignan assurées dans leur totalité par des locomotives et des conducteurs français. Il y a une situation analogue avec l’Italie, parcours au cours duquel la continuité du service est assurée de bout en bout, et des solutions contractuelles sont recherchées avec les réseaux voisins, notamment celui des CFF – les chemins de fer suisses -, afin qu’ils assurent des opérations de sous-traitance permettant de garantir la prestation au client.

Le monde du transport ferroviaire, qui était autrefois régi par des relations diplomatiques entre des entreprises en situation de monopole, entre dans l’ère industrielle, ce qui implique la passation de contrats avec des entreprises et des engagements vis-à-vis des clients. La révolution managériale en cours est également essentielle dans un contexte désormais marqué par l’ouverture à la concurrence.

Cette ouverture, effective depuis le 1er avril 2006, a eu certaines vertus. Certes, la concurrence a pris 3 à 4 % de parts de marché, mais cela a renvoyé la SNCF à la question fondamentale de la relation avec les clients et à la notion de compétitivité, tant en termes de qualité qu’en termes de coûts. Est ainsi apparue la nécessité d’une réforme profonde en interne, en repensant l’organisation même du travail avec les personnels. En effet, l’amélioration du service passe inéluctablement par la spécialisation des personnels au fret et une réorientation vers des objectifs plus technico-commerciaux. Il est devenu indispensable de discuter des conditions permettant de réaliser de bonnes performances. Il faut notamment une chaîne de décision courte et un système permettant d’accroître l’efficacité au sein de la SNCF, sans recourir à la filialisation.

Il y a la volonté de faire jouer un grand rôle au transport ferroviaire à l’avenir pour répondre aux attentes qui se manifestent, ce qui nécessite de reconstruire à partir des bases existantes un modèle dans ses multiples dimensions : géographique, managériale, européenne. Cette transformation doit être portée de l’extérieur et de l’intérieur.

Cette transformation est un enjeu économique très important pour la SNCF. Actuellement, le fret SNCF perd beaucoup d’argent : 260 millions d’euros sur un chiffre d’affaires de 1,7 milliard d’euros, soit 15 % de son chiffre d’affaires. Les perspectives de développement et de rentabilité existent, mais cela nécessite une véritable révolution interne.

Le président Christian Jacob a d’abord demandé quel serait, à infrastructures constantes, le pourcentage du fret qui, à échéance de cinq ou dix ans, pourrait basculer de la route au rail. Que pourrait être ce taux avec une modification adéquate des infrastructures ?

En ce qui concerne les liaisons portuaires, pourquoi le port dit « de proximité » pour Lyon et Perpignan est-il Anvers ? Comment sont organisées les relations entre le fret SNCF, les ports français et VNF ?

M. Olivier Marembaud a insisté sur la transformation des services. En effet, la première demande des clients est la qualité et la compétitivité au sens large. Bien des choses sont réalisables dans le cadre existant. Ainsi la SNCF a été capable, en l’an 2000, de transporter 53 milliards de tonnes/kilomètre avec les infrastructures actuelles. Cette année il ne s’agira que de 41 milliards de tonnes/kilomètre, mais la comparaison n’est pas absolue.

Avec des efforts de massification, notamment en faisant circuler des trains plus longs et plus lourds, il est possible de gagner des capacités avec les mêmes infrastructures et d’accroître le trafic. La question délicate est celle de l’attribution des sillons dans le cadre des infrastructures actuelles, les sillons étant les horaires durant lesquels les trains de fret peuvent emprunter les voies.

Dans les derniers temps, la priorité a souvent été donnée aux trains de voyageurs, en raison du développement des TGV et TER. Il est très difficile aujourd’hui de tracer des sillons de trains de fret sur longue distance à travers la France avec une vitesse moyenne satisfaisante. A situation constante en termes d’infrastructures, il reste possible d’atteindre une augmentation significative du trafic de fret : on devrait pouvoir atteindre l’objectif de 25 % fixé par les pouvoirs publics, dès lors que la question de l’affectation de sillons aura été reposée dans de nouveaux termes.

En effet, la logique de la circulation d’un train de fret est très différente de celle d’un train de voyageurs. Contrairement aux trains de voyageurs, dont les horaires et les jours de circulation sont programmés à l’avance pour une période déterminée, il est plus difficile de programmer tout au long de l’année des sillons bien définis pour le fret, car il faut pouvoir être à tout moment en mesure de répondre aux besoins des clients. Il est indispensable d’avoir davantage de souplesse dans l’utilisation des sillons et de retravailler sur les règles d’affectation des infrastructures.

Le président Christian Jacob a demandé si cela impliquait que l’on retire certaines affectations de sillons au transport des voyageurs.

M. Olivier Marembaud a répondu que cela pouvait vouloir dire cela, mais que, surtout, il faudrait organiser le graphique en définissant par avance des zones réservées au fret. Il n’y a rien d’arithmétique ; il faut seulement mener une réflexion entre le gérant des infrastructures et l’entreprise ferroviaire pour dégager des capacités de transport, même si dans certains cas des conflits peuvent apparaître.

L’exemple de la rive droite du Rhône est significatif, car il s’agit du seul itinéraire spécialisé dans le fret à haut débit, qui achemine des convois du Nord de la France jusqu’au bassin de Fos. Or, commencent à arriver des demandes de réinstallation de lignes de transport de voyageurs par TER de la part des régions PACA et Rhône-Alpes. La question est donc de savoir quelle est la bonne allocation des infrastructures publiques, entre le fret à longue distance et le transport de voyageurs qui peut se faire par la rive gauche ou par bus.

Cela étant, les structures actuelles ont des limites. Si le trafic de fret ferroviaire progressait fortement en raison d’un accroissement de la demande des clients et de la volonté des pouvoirs publics, il y aurait fatalement des blocages, essentiellement dans la périphérie des grandes agglomérations, surtout autour du nœud lyonnais ou de la grande couronne parisienne. Il deviendrait alors indispensable de réaliser des infrastructures d’évitement permettant de fluidifier la circulation, ce qui signifie que des investissements lourds seraient nécessaires.

En ce qui concerne la question spécifique des ports, le fait d’avoir cité Anvers revêtait une part de provocation, car il est évident que le fret souhaite travailler davantage avec les ports français. A cet égard, se posent certes des questions relatives au transport ferroviaire lui-même, mais il convient surtout de revoir l’ensemble de la chaîne portuaire. En effet, la compétitivité d’un port dépend des filières de manutention, de la capacité d’attirer des armateurs, de l’ergonomie et du bon fonctionnement du transfert du chargement du bateau vers les autres modes de transport, ainsi que de l’efficacité de la gestion des voies de ports, de surcroît avec l’ouverture à la concurrence.

S’appuyant sur l’exemple de la ligne à grande vitesse Sud Europe-Atlantique, Mme Martine Lignières-Cassou a estimé que les développements respectifs du fret ferroviaire et du transport de voyageurs étaient concurrentiels. Si l’on veut développer le fret ferroviaire, il faut donc réaliser une nouvelle voie et des infrastructures complémentaires, ce qui pose clairement la question des moyens financiers. Ce type de conflit ne se posera pas seulement dans les grandes agglomérations, mais aussi dans tous les espaces périurbains, si on souhaite y développer des modes de transport collectif.

Il n’est pas critiquable de vouloir développer le fret ferroviaire et de communiquer là-dessus. Mais la suppression de 262 gares ne s’inscrit guère dans cet axe. Comment gérer cette antinomie ?

M. Frédéric Cuvillier a souligné qu’il savait, pour avoir participé à l’audition de Mme Idrac devant la commission des affaires économiques, que la mention du port d’Anvers n’était pas une provocation, puisque ce sera désormais la destination d’agents travaillant jusqu’ici dans les gares –portuaires- de Boulogne-sur-mer et de Calais, qui vont être fermées. Les plans d’aménagement portuaire élaborés à la suite de la décentralisation, tels celui du port autonome de Dunkerque, méritent l’attention de la SNCF. En effet, une concurrence existe également entre ports et le principal concurrent des ports français est Anvers. On peut donc s’interroger en voyant l’entreprise publique citoyenne, souvent aidée par les collectivités locales dans d’autres secteurs, travailler surtout avec des ports étrangers. Une démarche similaire envers les ports français pour favoriser leur développement semble souhaitable.

Peut-être conviendrait-il, en l’espèce, de travailler aussi avec RFF. Les chefs d’entreprises sont incités à recourir à d’autres modes de transport que le fret ferroviaire. La vitesse moyenne des trains de marchandise est de 20 km/h et ces trains sont plus souvent à l’arrêt qu’en mouvement. Or, pour assurer une liaison ininterrompue du Nord vers l’Ouest, il ne manquerait apparemment plus que quelques centaines de mètres de voies près d’Amiens. Un aménagement est-il envisagé ?

Parfois les trains de marchandises doivent rouler au ralenti sur certaines portions en raison de l’état dégradé du réseau. Ce sujet a été évoqué lors de l’audition de Mme Idrac et a été émise l’idée d’y voir plus clair sur ce point grâce à une mission d’information.

M. Olivier Marembaud a d’abord répondu aux interrogations sur les moyens financiers et aux conséquences pour le fret de la réalisation d’infrastructures nouvelles.

Le fret a un intérêt évident à la création de nouvelles infrastructures ferroviaires spécifiques, car cela permettrait de désaturer le réseau. Ce serait donc très positif.

Les problèmes périurbains sont connus, mais il faut également penser au développement de la logistique urbaine, afin de permettre d’amener des marchandises au centre des villes par la voie ferroviaire. En l’espèce, une expérience sera menée au mois de novembre avec Monoprix à Paris : un train amènera tous les jours les produits attendus du sud de Paris à la gare de Lyon, sans embouteillages, et ils seront ensuite distribués dans tout Paris par de petits camions fonctionnant au gaz. Cela montre comment on peut prendre en compte des besoins nouveaux.

En ce qui concerne les moyens financiers, le fret ferroviaire n’a pas actuellement les moyens, compte tenu de la concurrence, de payer les péages qui seraient nécessaires pour développer le réseau, sinon ce serait toujours le client qui paierait in fine. Cela étant, la SNCF est tout à fait favorable à la réalisation de shadow péages ou péages verts, une partie du péage du fret étant alors pris en charge par une contribution publique, car le fret ferroviaire contribue au développement durable et à l’aménagement du territoire. Des questions comme l’écotaxe ou l’eurovignette sont aussi à prendre en considération.

D’autres éléments de solution se situent à l’intérieur de la SNCF, avec la transformation de son organisation et l’amélioration des contacts avec les clients. Mais la question des grands équilibres économiques reste en tout état de cause présente.

La suppression de 262 dessertes répond à la volonté de resserrer le dispositif et d’améliorer la compétitivité de l’entreprise afin de développer le mode ferroviaire. Il ne s’agit nullement d’un retrait de principe pour quitter certaines zones. Cela correspond également à une réorganisation financière. Ce choix a ainsi permis de récupérer une quinzaine de locomotives qui, au lieu de tirer deux ou trois wagons, vont désormais en tracter une vingtaine dans des zones à forte densité de trafic.

Il ne faut pas oublier que ces locomotives ont été financées par des fonds publics. L’entreprise a donc la responsabilité de les utiliser au mieux de l’intérêt de la collectivité nationale, notamment en permettant de transférer des camions sur des trains là où se trouve le trafic. Une cartographie très parlante sera envoyée à la délégation. Il s’agit d’une carte européenne montrant où se situent les flux, tous modes de transport confondus. Il en ressort que la France a des zones denses et d’autres qui le sont moins et que le ferroviaire est un mode transport lourd, qui apporte une réponse industrielle adaptée à des flux.

M. Frédéric Cuvillier a relevé que s’il n’y avait plus d’offre pour certains modes de transport, il n’y aurait plus de flux !

M. Olivier Marembaud a ajouté que cela n’interdisait pas d’investir pour le futur. Il faut toujours garantir la réversibilité des choix. L’exemple de Cognac est parlant à cet égard : alors que le point de chargement de conteneurs avait été supprimé lors de la restructuration de la Compagnie nouvelle des conteneurs, un nouveau trafic est apparu ; en conséquence, en trois mois a été mis en place un train régulier vers Le Havre.

Pour ce qui est des ports, l’objectif est d’être au contact permanent avec eux et de travailler davantage avec les ports français. Le trafic wagons isolés de Boulogne était faible. La SNCF continuera à desservir d’une façon ou d’une autre le port de Boulogne, car elle se doit d’y être présente et que les ports sont générateurs de trafic. En tout état de cause, il faut que les différents acteurs se mettent autour d’une table avec la volonté de développer le ferroviaire et dans le nouveau contexte marqué par l’existence d’autres opérateurs ferroviaires que Fret SNCF.

Quant à la vitesse moyenne, il est exact qu’elle est faible, mais cela reste lié à la question des sillons. Les vitesses peuvent atteindre 80 à 100 km/h de façon optimale, lorsqu’il s’agit de tracés sans points d’arrêt. Mais, bien souvent, les trains de marchandises sont arrêtés pour laisser passer d’autres trains.

M. Pascal Deguilhem a souligné que l’on ne pouvait qu’être favorable au développement du fret ferroviaire à haut débit, alors que certaines autoroutes sont surchargées de norias de camions. Pour autant il ne faudrait pas que tous les moyens soient concentrés sur ce transport massifié à haut débit, au risque de négliger des opérations essentielles pour les territoires et de fragiliser le tissu économique local. Quel avenir pour le service de wagons isolés, si l’on resserre son dispositif ?

Dans certains départements, le problème des sillons ne se pose pas puisqu’il n’y a même plus de TER. En supprimant les wagons isolés, on va entraver l’activité économique locale et mettre sur la route un trafic de poids lourds supplémentaire, alors que le réseau routier n’est pas adapté.

Si les fonds publics ont été utilisés pour l’achat des locomotives, ils ont également financé l’aménagement des réseaux. Or, certains embranchements seront rendus inutiles par la fermeture de gares. Il existait pour certaines de ces gares un véritable trafic, pour lequel il n’y a pas aujourd’hui de réponse alternative. Et dans le cadre du Grenelle de l’environnement, nous avons à répondre des conséquences des choix qui sont faits aujourd’hui.

M. Lionel Tardy a déploré la mauvaise visibilité des acteurs du fret de la SNCF. Appartenant depuis plusieurs années à la chambre de commerce et d’industrie de la Haute-Savoie, il a souligné avoir dû attendre son élection au Parlement avant de pouvoir rencontrer des responsables de ce secteur. Il y a un changement complet d’image à opérer.

Le problème du fret est également lié à la question des infrastructures et à l’action de RFF. Ainsi, en Haute-Savoie, c’est presque partout la voie unique. Il est donc indispensable que l’État soit capable de mettre en place des actions structurantes, pour aller vers des modes de transports plus doux et moins polluants.

Il se produit aussi parfois des choses étonnantes : ainsi, le marché pour le transport de l’eau d’Évian a été remporté par une entreprise britannique. Comment peut-on expliquer ce résultat ?

Mme Marie-Lou Marcel a indiqué qu’elle était élue d’un département, l’Aveyron, qui a été fortement touché par la suppression de gares, qui n’est pas sans poser de problèmes. S’il n’y a plus de possibilité de faire voyager le fret par le système des wagons isolés, cela remet le transport de ces marchandises sur les routes. Or le département de l’Aveyron est enclavé, aussi bien pour les routes que pour le ferroviaire.

Ces suppressions touchent donc aux questions d’aménagement du territoire, d’environnement et de développement durable. Dans le Nord-Est de la région Midi-Pyrénées le réseau ferroviaire est dans un état particulièrement lamentable et même les trains de voyageurs sont limités à 50 km/h. Des inquiétudes pèsent par ailleurs sur la ligne Cahors-Capdenac, actuellement fermée et dont le démantèlement serait à l’ordre du jour. Or elle pourrait constituer un axe stratégique dans le cadre du développement du fret ferroviaire.

M. Olivier Marembaud a souligné que le trafic des 262 dessertes supprimées était concentré sur 28 clients principaux et que des discussions avaient eu lieu pour rechercher d’autres alternatives : massification des envois et maintien d’une desserte avec une fréquence plus réduite, mise en place du transport combiné et remplacement des wagons par des conteneurs, procédé « fercam » avec reprise des marchandises par camions.

Il convient donc de relativiser l’impact de ces fermetures et de n’oublier ni les solutions de remplacement proposées ni l’économie de moyens ainsi réalisée par la SNCF et réinvestie ailleurs.

Une formule nouvelle est également expérimentée : celle des opérateurs ferroviaires de proximité. Il est en effet difficile à la SNCF, habituée à des trafics très importants, de s’adapter à des situations locales très spécifiques. Comment répondre aux besoins de polyvalence pour ces dessertes ? Cette formule a été développée dans de nombreux pays, en particulier en Allemagne et aux États-Unis : de petites entreprises locales assurent la desserte et le contact avec l’opérateur ferroviaire national. Ainsi la SNCF, dans son rôle de conseil et d’appui, a déjà passé, avec des chargeurs de la région Centre et avec le Conseil régional, une convention dont l’objet est de créer, dans cette région, un opérateur ferroviaire de proximité. La mise en place interviendra au début de 2008

Il s’agit d’une formule intéressante et novatrice : elle permet à la fois d’intéresser les chargeurs au développement de leur trafic et d’offrir une solution nouvelle qui n’était pas envisageable dans une organisation aussi lourde que la SNCF. Des projets similaires sont à l’étude dans l’Aveyron, en Auvergne, dans le Morvan et en Languedoc-Roussillon. Cela permet une revitalisation des territoires.

Cela étant, il peut y avoir des problèmes d’infrastructures, qui sont de la responsabilité de RFF. Ainsi, dans la région Centre, il faudra investir 75 millions d’euros pour assurer les dessertes dans des conditions satisfaisantes en faisant sauter des points noirs.

Il est toujours bien prévu de développer la formule du wagon isolé. De nombreux clients apprécient ce service et souhaitent son développement. Certains acceptent d’en payer le prix, sans pouvoir cependant disposer d’une qualité à la hauteur de leurs attentes compte tenu du caractère très diffus du service. Tel est le cas, par exemple, de la chimie et de la sidérurgie. A l’inverse, dans d’autres cas, ce service rendu n’est pas payé au prix de revient.

Il va falloir restructurer ce secteur pour développer ce mode de transport, à l’image de ce qui a été fait en Allemagne. Ainsi, de 2002 à 2007 a été opérée dans ce pays une restructuration totale qui a ramené le nombre des points de desserte de 2 100 à 1 400. Il en est ressorti un dispositif resserré qui a permis de diviser par deux le nombre de points de triage et de supprimer des branches de dessertes non rentables. La filiale fret de la Deutsche Bundesbahn est ainsi devenue rentable et s’est développée. Elle a pu racheter des entreprises étrangères, comme EWS le leader britannique du fret ferroviaire, qui dispose d’une filiale en France, ECR, mais aussi Transfesa, un opérateur de transfert entre la France et l’Espagne. Il y a une européanisation du secteur des transports dont il faut absolument tenir compte.

La question de l’image et de la perception du service dans le public est un problème majeur. En effet, le fret SNCF est associé à l’image d’une entreprise lourde et bureaucratique et l’idée est d’en faire aujourd’hui un ensemble adaptable. Il y a une forte volonté d’offrir un service adapté à des clients forts différents. Son personnel doit donc se spécialiser. Le changement d’image passe d’abord par un meilleur service rendu aux clients.

En ce qui concerne les eaux d’Évian, il y a eu un appel d’offres et la société qui l’a emporté – elle est britannique - avait proposé des tarifs inférieurs au prix de revient qu’il en aurait coûté à Fret SNCF. Le défi est donc de pouvoir faire une offre de qualité compétitive en prix. La seule concurrence était auparavant celle de la route.

L’arrivée d’une concurrence dans le domaine du fret ferroviaire aide cependant à développer le trafic. Il faut soutenir le fret SNCF qui est en croissance de 3,5 % depuis début 2007, après six années de pertes. Une forte augmentation est espérée et fret SNCF sera au rendez-vous, même si la concurrence étrangère a pris 3 à 4 % du marché.

Le président Christian Jacob a remercié M. Olivier Marembaud de ces informations.

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Informations relatives à la Délégation

Conformément à l’article 5 de son règlement intérieur, la Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire a autorisé son président Christian Jacob à assurer la publicité des auditions organisées sur le développement durable sous la forme d’un rapport d’information.

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