Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire

Mardi 30 octobre 2007

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 6

Présidence de M. Christian Jacob Président

– Audition ouverte aux membres de la commission des affaires économiques et à la presse de M. Rémi Bailhache et de M. Didier Marteau, membres du bureau de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture

M. Didier Marteau, président de la Chambre d’agriculture de l’Aube, et M. Rémi Bailhache, président de la Chambre d’agriculture de la Manche, ont présenté les propositions faites par l’Assemblée permanente des Chambres d’Agriculture (APCA) dans le cadre du Grenelle de l’environnement sur six grands thèmes : l’énergie et la biomasse, la biodiversité, les intrants, les organismes génétiquement modifiés (OGM), l’agriculture durable et l’agriculture biologique. Ils ont précisé que l’APCA n’avait pas initialement été invitée à participer aux groupes du travail du Grenelle de l’environnement au sein des cinq collèges mais qu’elle avait finalement obtenu d’être associée aux travaux de ces groupes en tant que personnalité qualifiée.

M. Didier Marteau a témoigné du souci des agriculteurs, et de leurs représentants, de valoriser les bonnes pratiques qui existent déjà depuis des années et répondent aux grands objectifs du Grenelle de l’Environnement. Or dans le cadre du groupe 4 du Grenelle, les débats ont parfois dérivé vers des théories inapplicables, telle que l’idée de basculer la totalité de la production agricole en agriculture biologique.

D’une façon plus générale, le Grenelle de l’Environnement n’a pas assez parlé :

– d’économie ;

– d’Europe ;

– de mondialisation.

Il faut prendre garde à ne pas imposer des règles, idéales mais trop strictes, à des produits nationaux alors qu’on en dispense parfois les produits importés. Il ne faudrait pas non plus pénaliser par ces nouvelles règles nos produits à l’export, qu’il s’agisse des vins et spiritueux, des fromages ou de certaines productions animales ou céréalières. L’APCA se félicite à ce titre que le Président de la République ait rappelé dans son discours que les mêmes règles doivent s’appliquer aux produits importés. Pour les OGM, il va être difficile d’expliquer aux agriculteurs que toute culture commerciale sera interdite, si l’on continue à importer librement dans le même temps des plantes génétiquement modifiées cultivées dans d’autres pays.

L’agriculture est souvent mise en accusation, alors que de grands progrès ont déjà été faits. S’agissant de l’énergie et de la biomasse, M. Didier Marteau a indiqué avoir réussi à baisser de moitié sa consommation de fuel à l’hectare dans son exploitation agricole grâce à des techniques culturales simplifiées : des mesures d’économie sont donc possibles et doivent être encouragées. D’une façon générale, chez les agriculteurs, l’utilisation des engrais est aussi beaucoup plus précise.

Le fil directeur mis en avant par l’APCA dans ses propositions est l’encouragement de toutes les mesures sources d’économie et de production d’énergies renouvelables, car les agriculteurs peuvent aussi être producteurs d’énergie grâce notamment à l’éolien ou au photovoltaïque. La maîtrise de la demande énergétique passe par le développement de diagnostics et la programmation des actions nécessaires, notamment en termes d’isolation.

La promotion des biomatériaux ne se limite pas au développement des seuls biocarburants ; le recours à la biomasse, à partir du bois, au chanvre, ou au biogaz (méthanisation) par exemple, offre de réelles perspectives. Encore faut-il que le démarrage de ces filières fasse l’objet d’un accompagnement adéquat.

Il est indispensable de développer dans la durée des outils financiers incitatifs. Il serait dangereux par exemple de revenir aujourd’hui sur les incitations fiscales accordées aux biocarburants. Les ruptures de productions dues à des aléas climatiques dans quatre continents sur cinq entraînent une hausse des prix des matières végétales mais il n’est pas sûr que ce renchérissement et cette tension sur la demande perdurent sur une longue durée. En outre, les efforts en matière de recherche doivent être poursuivis, qu’il s’agisse de biocarburants de seconde génération mais aussi de première génération, si l’on ne veut pas prendre de retard par rapport à d’autres pays, tels les Etats-Unis.

Le Président de la République a annoncé dans son discours un encouragement en faveur des biomatériaux, ainsi que la réalisation d’un diagnostic écologique et énergétique des biocarburants. La perspective de ce diagnostic ne fait pas peur à l’APCA, dans la mesure où des études de l’ADEME ont déjà mis en avant un bilan positif pour les biocarburants. L’accent mis par le Président de la République sur la nécessité de soutenir la recherche va par ailleurs dans le bon sens.

M. Rémi Bailhache a regretté que le groupe de travail n°2 du Grenelle de l’Environnement, auquel il a participé, n’ait pas discuté des problématiques de l’eau et de la forêt et se soit focalisé sur la seule biodiversité.

Le fil directeur de l’APCA sur ce thème est de mettre en avant la nécessaire valorisation de tous les espaces et des productions concourant à la biodiversité. Il s’agit notamment de valoriser le rôle joué par l’agriculture dans la biodiversité : la gestion des haies, les bocages ou l’implantation de bandes enherbées permettent de maintenir la biodiversité. L’APCA avait proposé que cette valorisation se fasse par le biais d’unités de valeur « biodiversité », qui permettent de mesurer l’action des agriculteurs.

Il faut en tout état de cause encourager par des mesures incitatives la diversité des cultures et des assolements au sein des territoires. La biodiversité ne concerne pas seulement des espaces protégés. Elle est aussi favorisée par la mise en œuvre d’itinéraires de production (assolements, prairie, luzerne, chanvre, lin, agroforesterie…).

Il faut également prendre en compte les équilibres territoriaux lors de la réintroduction de prédateurs. Il est regrettable que le groupe 2 du Grenelle de l’environnement n’ait à aucun moment abordé la question de la présence du loup ou de l’ours, alors que des études récentes soulignent une réduction de la biodiversité lorsque ces prédateurs sont réintroduits, appauvrissement lié notamment à un changement dans les pratiques pastorales induit par la réintroduction du loup ou de l’ours.

Il faut aussi lutter contre le gaspillage des terres agricoles, dû à une urbanisation encore mal maîtrisée, grâce à une nouvelle politique foncière. Cette question a aussi fait l’objet de discussions dans les autres groupes de travail du Grenelle. La disparition des terres agricoles diminue l’espace porteur de la biodiversité.

L’idée d’une trame verte, louable par elle-même, peut se concrétiser à partir de l’existant, sans qu’il soit besoin de l’étendre à d’autres espaces qui seraient répertoriés par inventaire de nature faunistique ou floristique. La France compte en effet déjà de nombreux parcs nationaux, réserves naturelles, parcs naturels régionaux, zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) ou zones Natura 2000 qu’il suffirait de relier par des corridors écologiques. L’APCA est réservée aussi sur le caractère opposable aux tiers de cette trame verte, que certains avaient envisagé.

Le Président de la République a émis le souhait dans son discours que la mise en place de cette trame serve d’exemple au niveau européen. Il importe en tout état de cause que cette trame verte ne se transforme pas en une nouvelle déclinaison du réseau Natura 2000.

Le travail fait sur l’économie des espaces et la maîtrise de l’urbanisation a abouti à la volonté exprimée par le Président de la République de créer de nouveaux outils afin de préserver l’espace agricole.

S’agissant des intrants, M. Didier Marteau a indiqué que, depuis sept à huit ans, l’agriculture française avait réduit d’environ 40 % sa consommation de pesticides. Le Grenelle a identifié deux grands enjeux : l’eau, avec les problèmes liés à la traçabilité, et les produits phytosanitaires. Sur l’eau, l’APCM est d’accord pour étendre sur tout le territoire et à tous les cours d’eau la mise en place de zones tampon de 5 mètres, qui n’est actuellement pas obligatoire pour tous les agriculteurs. Il faut généraliser l’enregistrement des pratiques et le recours aux outils de pilotage. Mais il ne faut pas se fier au nombre de traitements : celui-ci est relativement indifférent puisque tout dépend, à chaque fois, des volumes concernés. Le nombre de passages a augmenté mais les doses d’intrants ont été divisées par 4 ou 5.

Les mesures agro-environnementales territoriales doivent être encouragées. Il ne faut pas, non plus, perdre de vue la nature des terres qui ne posent pas les mêmes problèmes. Ainsi la décision de mettre en place une couverture totale l’hiver, au lieu d’avoir simplement une terre labourée, est une solution valable pour la Champagne crayeuse ; elle l’est beaucoup moins pour les terres argileuses, pour lesquelles cette couverture pose un problème de technique culturale, alors que le risque de fuites de nitrates est moins prégnant.

Il faut poursuivre le développement des démarches de gestion collective : l’objectif concernant l’eau est d’entraîner 80 à 90 % des exploitants agricoles si l’on veut obtenir un effet tangible. Ce problème a déjà été traité par la loi sur l’eau, qui mériterait sans doute d’être complétée.

En ce qui concerne les phytosanitaires, qui sont des produits destinés à soigner les plantes, leur utilisation n’est pas systématique mais décidée seulement en fonction des besoins, grâce aux informations ou avertissements transmis à l’exploitant. Il faut bien évidemment développer la recherche de connaissances sur les solutions alternatives à la protection chimique des cultures, en valorisant notamment les acquis des productions biologiques. Mais toute erreur ou toute lacune en matière de protection des plantes peut avoir des conséquences considérables sur la récolte suivante.

Il faut former tous les utilisateurs de produits phytosanitaires et anticiper les exigences communautaires qui ne rendent obligatoire cette formation qu’en 2014. Cette formation doit aussi être étendue aux utilisateurs qui ne sont pas exploitants agricoles, qu’il s’agisse du particulier jardinant le dimanche ou du jardinier d’une collectivité locale. Il faut proposer des conseils objectifs, de même que poursuivre et amplifier la collecte des déchets phytosanitaires. La surveillance épidémiologique du territoire doit être renforcée et il serait souhaitable que le service de protection des végétaux, qui est un service dépendant du ministère de l’agriculture et qui se concentre actuellement sur le contrôle des locaux de stockage des produits phytosanitaires, recentre ses missions sur ce suivi et cette surveillance.

Enfin, il ne faut jamais perdre de vue qu’une harmonisation des réglementations françaises sur les réglementations européennes est opportune, si l’on veut éviter des distorsions de concurrence.

M. Didier Marteau a ajouté qu’une loi sur les OGM devait intervenir le plus vite possible. Il serait sans doute souhaitable de placer la Haute autorité qui sera créée par cette loi sous l’autorité de l’agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et de l’agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET), si l’on veut éviter la multiplication de structures. Il convient aussi d’amplifier la recherche sur les biotechnologies et le droit communautaire doit être renforcé pour traiter équitablement les productions européennes et les importations.

Sur les intrants, le Président de la République a donné un an au ministère de l’agriculture pour proposer un plan permettant une réduction de 50% de ces molécules d’ici 10 ans. Cet objectif est ambitieux, car des efforts importants ont déjà été faits en la matière et il sera donc de plus en plus difficile d’atteindre des baisses spectaculaires.

S’agissant des OGM, notre pays risque de regretter son retard dans l’utilisation des biotechnologies. Aux Etats-Unis, des gènes de résistance à la sécheresse sont utilisés, de même que des gènes de résistance aux maladies ou aux insectes. Il existe même un maïs qui utilise moitié moins d’azote, ce qui constitue un plus environnemental. Il est dommage que le Président de la République ait annoncé une pause dans les cultures commerciales en France car dans un pays où l’on ne produit pas d’OGM, les investisseurs partent. Et les fauchages ont été particulièrement nombreux cet été.

S’agissant de l’agriculture durable, M. Rémi Bailhache a souligné la nécessité d’encourager une démarche qualifiante pour les exploitations, visant à une reconnaissance de la haute valeur environnementale. Une demande très forte s’est exprimée lors du Grenelle de l’environnement pour une qualification environnementale des exploitations. L’APCA est favorable à cette qualification et souhaiterait qu’elle s’inscrive dans une démarche volontaire. Il faut favoriser l’engagement d’un maximum d’agriculteurs dans une démarche d’agriculture durable, grâce à une valorisation de leurs produits par un étiquetage adéquat et par un prix rémunérateur. Cette démarche devra aussi être prise en compte par des mesures incitatives dans le cadre des politiques agricoles. Le Grenelle de l’environnement a fixé un objectif assez ambitieux de 50% d’exploitations certifiées « haute valeur environnementale » d’ici 2012. L’APCA est aussi favorable à une intégration de critères environnementaux dans les cahiers des charges des produits faisant l’objet d’un signe de qualité.

Concernant l’agriculture biologique, le Grenelle de l’environnement a fixé des objectifs très ambitieux : passer très rapidement à 6% de la surface agricole utile en agriculture biologique puis à 20% en 2020 ; faire en sorte que 20% de la restauration collective fasse appel à des produits de l’agriculture biologique, soit un repas par semaine. Or, il faut développer la production de l’agriculture biologique en adéquation avec le marché ! La production dite « bio » doit aussi s’intégrer complètement dans le processus d’accompagnement des agriculteurs au lieu d’en constituer un système parallèle. La contractualisation doit être en outre développée de l’amont à l’aval, afin que les agriculteurs ne soient pas les seuls à prendre des risques.

Enfin, il est impératif de ne plus importer de produits bio, répondant à des cahiers des charges moins exigeants que ceux existant en France. Une adaptation du cahier des charges français au cahier des charges européens est donc souhaitable.

Le président Christian Jacob a remercié les représentants de l’APCA pour la qualité de leur intervention.

M. Yanick Paternotte s’est interrogé sur les prélèvements réalisés sur les eaux circulantes et sur les nappes souterraines. A quoi faut-il rattacher l’encadrement de ces pratiques, à la réglementation relative aux intrants ou à un label de haute valeur environnementale (HVE) ?

M. Didier Marteau a rappelé que la qualification HVE ne correspondait ni à un signe de qualité ni à une filière mais à une démarche et répondu que les deux catégories pouvaient valablement s’appliquer. Les démarches de protection des ressources en eau méritent d’être valorisées et l’environnement de l’exploitation doit être pris en compte et respecter un certain nombre de critères. Certains exploitants sont vigilants pour leur production mais oublient dans leur exploitation le tas de fumier qui se déverse dans la rivière. Les techniques de piégeage pourraient être généralisées pour réalimenter les nappes phréatiques et éviter les désagréments du drainage. Jusqu’ici, tout a été fait pour se débarrasser de l’eau au lieu d’envisager d’autres utilisations. Les retenues collinaires, bien que critiquées en raison de leur impact sur le paysage, constituent une piste intéressante : ces retenues ont permis en Vendée d’alimenter en eau les touristes l’été de même que les pêcheurs. En matière de gestion quantitative, des efforts ont été faits pour réduire le niveau des prélèvements. Sur le plan qualitatif, il faut envisager des mesures et préconisations très précises en matière d’utilisation et de techniques d’épandages de produits phytosanitaires pour protéger l’eau.

M. Serge Poignant a remercié les intervenants pour les documents distribués, particulièrement instructifs, et approuvé la nécessité d’aller dans le sens du marché mise en avant par les deux intervenants. Il a salué la responsabilisation effective du monde agricole, qui a trop souvent été mis à l’index.

Beaucoup de pistes ont été évoquées dans le domaine énergétique. S’agissant des biocarburants, comment réagir à la découverte des émissions de protoxyde d’azote par les biocarburants et, en outre, ne doit-on pas craindre des difficultés d’approvisionnement des usines ? Par ailleurs, les intervenants ont-ils eu connaissance de difficultés administratives rencontrées par des agriculteurs tentés par une installation photovoltaïque ?

Des progrès nombreux ont été faits dans l’utilisation de produits phytosanitaires, qui se traduisent notamment par l’apparition de l’agriculture raisonnée. Mais il est indispensable de réfléchir aux procédés de substitution et soutenir la recherche en ce sens.

Enfin, la filière biologique est soumise à certaines limites. Elle ne peut se développer qu’avec le marché et reste dépendante des aléas climatiques. Dans la Loire-Atlantique, par exemple, la viticulture bio n’a fait que 5% de récolte cette année, en raison d’une trop forte pluviosité. Il faut être pragmatique et ne pas perdre cette donnée de vue.

M. Didier Marteau a souscrit à la nécessité de remplacer les produits phytosanitaires par d’autres. Dans le domaine énergétique, une filière biomasse-bois est en cours de constitution, avec l’aide notamment des chambres d’agriculture, mais il faudra du temps pour organiser le marché.

Le coût des biocarburants a flambé avec les prix agricoles, compte tenu des effets climatiques. Les deux dernières années ont été particulièrement mauvaises pour les oléagineux et le colza. Il y a un problème de cycle et d’un manque de variétés ; les OGM, en proposant de nouvelles variétés plus résistantes, pourraient être la solution, même si cela peut être plus difficile dans le cas du colza compte tenu des risques spécifiques de dissémination de pollen et de repousse. Il n’y a pas à s’inquiéter de l’alimentation des usines ; la France a tout prévu en la matière, grâce à une contractualisation entre organismes économiques et agriculteurs et à une bonne organisation de la filière diester, contrairement à l’Allemagne dont la moitié des usines n’a pas tourné. Il faudra sans doute réduire le montant des exportations pour se recentrer sur le marché français. En revanche, en ce qui concerne l’éthanol, le recours au E85 a été une fausse bonne idée. Ce type de carburant est davantage adapté à des pays comme le Brésil, qui dispose de la canne à sucre, ou les Etats-Unis, qui peuvent compter sur de gros rendements pour leur production de maïs et se dispenser de la phase de séchage. Quant au rejet de protoxyde d’azote, il est connu et ne retire pas l’avantage principal des biocarburants, à savoir diminuer le recours aux énergies fossiles et libérer la France de la contrainte énergétique extérieure en diminuant les importations de pétrole. Et le bilan écologique des biocarburants reste en tout état de cause plus favorable que celui des hydrocarbures.

Enfin, le solaire photovoltaïque n’est rentable qu’au bout de 10 ans, ce qui en fait un investissement délicat. Les activités de revente sont possibles.

Réagissant aux écarts de rendements soulignés par M. Didier Marteau, qui allaient presque du simple au double entre la France et les Etats-Unis, le Président Christian Jacob lui a demandé de préciser le différentiel de coût existant entre maïs américain et français.

M. Didier Marteau a répondu que cet écart entre maïs français non OGM et maïs américain OGM était du simple au double, voire parfois presque du simple au triple. Il a ajouté que les techniques de culture avaient été simplifiées aux Etats-Unis pour les productions OGM car les agriculteurs se contentaient désormais de semer entre les rangs, sans labourage, ce qui pouvait être très intéressant d’un point de vue environnemental. Par ailleurs, le recours aux OGM a permis de régler le problème des attaques de pyrale sur les végétaux, qui peut avoir des effets catastrophiques.

M. Serge Poignant a demandé à M. Didier Marteau d’être destinataire de son étude sur l’installation de panneaux photovoltaïques dans son exploitation agricole.

M. Didier Marteau a indiqué qu’il fournirait volontiers cette étude à M. Poignant, mais qu’il n’avait pas encore fait le choix de cette implantation et qu’il attendait les éventuels dispositifs que le gouvernement mettrait en place en la matière dans le cadre du Grenelle de l’environnement. En ce qui concerne les intrants, le gouvernement a annoncé la disparition de 47 molécules. Mais il va se poser un problème pour certaines productions, notamment, celles des légumes, en particulier pommes de terre et carottes, pour lesquelles il n’y a pas de produit de remplacement. Il est révélateur à cet égard que l’agriculture biologique n’ait pas réussi à produire de pommes de terre cette année. En ce qui concerne les biocarburants, la seconde génération ne sera pas disponible avant 12 ou 15 ans.

Mme Jacqueline Irles a déploré l’asymétrie d’information existant en matière d’OGM, qui donne l’impression que les faucheurs monopolisent la communication sur ce sujet. Les producteurs et l’APCA doivent mieux communiquer sur ce sujet, qu’il s’agisse des avantages attendus mais aussi des risques. Il ne faut en effet pas oublier de parler de ces risques, si l’on ne veut pas que des peurs irrationnelles restent ancrées dans la population, alimentées par l’emploi des termes « contamination » ou « pollution » par les faucheurs.

Il y a une volonté gouvernementale de développer l’agriculture biologique mais comment inciter les exploitants à passer au bio ? Il faut bien avoir à l’esprit qu’il faut attendre trois ans pour obtenir un agrément, trois ans pendant lesquels il n’est pas possible de valoriser ses produits. De même, la compensation des aléas climatiques ne se retrouve pas toujours dans les prix.

Par ailleurs, si les céréaliers semblent très structurés et puissants, il n’en est pas de même des autres producteurs, comme les maraîchers. Sur ces questions, quelles sont les solutions proposées par l’APCA ?

Dans les Pyrénées-Orientales, la filière bois rencontre des difficultés pour se structurer et pour valoriser ses produits. Il faut des moyens en la matière.

M. André Chassaigne a évoqué les problèmes liés aux cultures d’OGM en Auvergne, avec la présence de Limagrain et des collectifs anti-OGM. Toute personne qui tente de faire prévaloir une approche raisonnable se fait systématiquement maltraiter. Or, il est fondamental de pouvoir laisser la recherche publique sur les biotechnologies conduire ses travaux à leur terme, ce qui implique des essais en plein champ. Tous les laboratoires rencontrent désormais des difficultés pour trouver de jeunes chercheurs. Il importe notamment de pouvoir évaluer les risques de dissémination de façon objective, grâce à la recherche. Or, les seules recherches conduites par l’INRA ne portent plus que sur des peupliers et les greffes de vigne en Alsace. Il est indispensable de développer la recherche, de même qu’il est impératif de créer une haute autorité indépendante, constituée d’un collège d’experts mais aussi d’un collège de citoyens. Le Grenelle de l’environnement a montré que l’on pouvait mettre en place une démarche plus participative, associant les citoyens et les ONG. En ce qui concerne l’agriculture biologique, la question du coût se pose de façon terrible, même s’il est nécessaire d’être volontariste en la matière. L’approvisionnement en bio des cantines scolaires se heurte aux limites des budgets des établissements.

M. André Chassaigne a également indiqué que dans sa commune, dans le Puy-de-Dôme, un atelier de découpe de viandes bio avait été créé il y a trois ans et avait ouvert une boutique. Cette boutique a finalement été fermée, en raison des coûts trop élevés. Il importe donc de se pencher sur la question du revenu et de la marge bénéficiaire des acteurs économiques se lançant dans le bio, qui exige une politique très volontariste. S’agissant de la trame verte, il est exact que la France dispose déjà d’une couverture du territoire par les parcs nationaux, les parcs naturels régionaux ou les ZNIEFF et que des corridors écologiques pourraient être mis en place entre ces espaces naturels. Jusqu’où faut-il aller pour la création de cette trame verte ? Doit-on aller plus loin que ces espaces et surtout faut-il rendre cette trame verte opposable aux tiers ? Si cette trame verte est opposable, des exigences nouvelles vont être posées dans certains domaines de production. Or, si des contractualisations doivent être faites entre collectivités locales et producteurs pour compenser les baisses de rentabilité dans les exploitations, qui va les financer ? Il serait souhaitable que la dotation globale de fonctionnement des communes tienne compte des nouvelles exigences environnementales.

Les propos exprimés par les deux intervenants de l’APCA sur la nécessité de développer une véritable politique foncière restent flous et insuffisamment développés. Cette problématique de la disparition des terres agricoles à la suite de l’étalement urbain a déjà été abordée lors de l’examen de la loi relative au développement des territoires ruraux et de la loi d’orientation agricole. Tout le monde s’accorde à dire qu’il y a là un vrai problème mais personne ne sait comment agir. Ce problème se pose en particulier lors du départ à la retraite des agriculteurs. Il existe bien des opérateurs fonciers comme les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) ou des syndicats mixtes d’action foncière dans certains départements mais comment agir pour lutter contre les effets de l’étalement urbain ?

M. Didier Marteau a indiqué que l’APCA avait été particulièrement vigilante à ce que le vocabulaire utilisé à un moment ou à un autre dans le cadre des groupes de travail du Grenelle de l’environnement exclut des termes comme « contamination » ou « pollution ». Il convient de parler de dissémination et l’indication d’un taux de présence d’OGM dans un produit n’est qu’une question d’étiquetage pour le consommateur, en aucun cas, la réponse à un problème de santé.

M. Yanick Paternotte a indiqué que les risques de pollinisation étaient proches de 0 pour le maïs, si l’on respectait certaines distances entre les parcelles, mais que la situation était plus compliquée pour les crucifères (colza par exemple). De plus, deux types de problèmes ont été souvent avancés : l’impact possible sur la biodiversité, dans la mesure où l’espèce sauvage risque d’être supplantée par l’espèce OGM, et les risques de contamination croisée, c’est-à-dire d’hybridation et de transfert génétique.

M. Didier Marteau a estimé que le seul risque était celui du transfert d’un gène de résistance au « Round Up », le désherbant total, aux mauvaises plantes. En effet, des parades existent : semenciers et agriculteurs sont capables d’obtenir une pureté variétale, des distances de 30 à 50 mètres entre cultures sont suffisantes pour le maïs. Pour le colza, il faut effectivement prévoir des distances plus importantes mais des cultures de colza OGM sont possibles. Tout dépend ensuite si l’on veut s’en tenir à un seuil d’étiquetage de 0,9% ou retenir un seuil de 0,1%, beaucoup plus exigeant. Très mobilisées, les ONG sont bien organisées, payent des juristes et se sentent souvent investies d’une mission. Dans ces conditions, il n’est pas facile de discuter des OGM.

En ce qui concerne l’agriculture biologique, force est de constater que ce type d’agriculture correspond à un certain état d’esprit, qui va jusqu’à accepter que les plantes soient attaquées par des maladies ou des insectes, que des mauvaises herbes poussent dans les champs, et que les récoltes soient inférieures. Il est donc difficile de fixer des objectifs élevés d’agriculture bio in abstracto car il faut trouver des exploitants ayant cet état d’esprit. Le travail en serre est plus facile, de même que l’élevage ; par contre, faire des céréales en grande culture en bio nécessite une forte motivation, compte tenu notamment des problèmes d’attaques de pucerons. Des incitations à faire de l’agriculture biologique ont déjà été mises en place, à travers les contrats territoriaux d’exploitation. Mais on constate qu’un certain nombre d’agriculteurs reviennent à l’agriculture conventionnelle au bout de 5 ans, à l’issue de leur contrat, dès lors qu’ils n’ont plus d’accompagnement financier. De plus, cette situation est peu satisfaisante dans la mesure où dans ce laps de temps de cinq ans, ces producteurs ont déjà dû attendre trois ans avant de pouvoir valoriser leurs produits sous le label « agriculture biologique ». L’agriculture biologique ne se décrète donc pas : il faut une formation et des personnes prêtes à s’engager dans cette démarche. Et il faut impérativement avancer en même temps que le marché et ne pas le devancer, afin que les producteurs soient en mesure de compenser les surcoûts de production par le prix.

Il faut distinguer l’action des organisations professionnelles de l’action des chambres d’agriculture qui est horizontale. Il est exact que les céréaliers et les producteurs d’oléagineux sont très bien organisés, alors que les producteurs de fruits et légumes le sont beaucoup moins : en effet, ces derniers ont tendance à raisonner par type de légume ou de fruit cultivé et rencontrent des difficultés pour s’entendre sur les objectifs poursuivis. Les organisations professionnelles représentant les céréaliers sont aussi particulièrement puissantes, parce qu’elles s’en donnent les moyens, en sollicitant leurs adhérents.

Le président Christian Jacob a observé qu’il pouvait aussi y avoir des problèmes d’organisation du marché.

M. Didier Marteau a ajouté que l’organisation et le développement de la filière bois supposaient une contractualisation entre les producteurs et les utilisateurs. La plaquette et la réutilisation des sous-produits constituent un débouché intéressant. Les techniques sont connues et affichent une bonne efficacité énergétique : 2 kilogrammes de plaquettes remplacent 1 litre de fuel. Mais il reste à résoudre un problème d’organisation de la filière et de marché.

S’agissant des OGM, les faucheurs occupent le devant de la scène car leur discours est plus polémique et plus vendeur. Mais à partir du moment où apparaîtra un avantage direct pour le consommateur, notamment en termes de santé, l’acceptation sociale des OGM sera plus forte.

Le Président Christian Jacob a rappelé qu’un OGM était utilisé pour le vaccin antirabique.

M. Didier Marteau a souligné que de nombreux médicaments étaient élaborés à partir d’OGM, ce qui ne choquait pas la population. Il a également fait remarquer que maintenant que le gouvernement avait donné la parole aux ONG, en leur donnant dans chaque groupe de travail le même nombre de membres qu’aux autres collèges du Grenelle de l’environnement, il faudrait les gérer. Il s’est déclaré persuadé que l’agriculture biologique resterait un marché de niche.

M. Rémi Bailhache a indiqué que dans son département on pouvait encore comptabiliser 80 000 kilomètres de haies. Le bois peut être valorisé dans le cadre de la filière énergétique mais avec le bocage, on peut aussi le valoriser grâce à des essences intéressantes, qui peuvent tout à fait concurrencer les importations de bois, notamment exotique. L’APCA est opposée au caractère opposable de la trame verte, qui jusqu’ici n’a pas été retenu, et restera vigilante sur les conditions de mise en œuvre de cette trame verte. En matière d’urbanisme, l’Allemagne consomme moitié moins d’espaces naturels que la France pour le même développement économique et a prévu de restreindre encore sa consommation. En France, il y a une certaine gourmandise d’espace pour le bien-être de la population et pour, par exemple, améliorer la présentation d’une entreprise, tandis qu’à d’autres endroits subsistent encore des friches en cœur de ville. Il s’avère que l’achat de ces friches, compte tenu de leur situation, coûte plus cher que celui de terres agricoles. Il devient impératif de reconnaître les espaces agricoles comme des espaces occupés avec une activité économique. Il faut accepter de densifier le cœur des villes et, même si les outils à mettre en œuvre sont loin d’être évidents, engager une réflexion de fond pour avoir une vraie politique d’économie des espaces en ville.