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Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire

Mardi 6 novembre 2007

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 7

Présidence de M. Christian Jacob Président

– Audition ouverte aux membres de la commission des affaires économiques et à la presse de M. Pierre Graff, président directeur général d’Aéroports de Paris

Après avoir accueilli le PDG d’Aéroports de Paris, le Président Christian Jacob a fait état de la forte implication de la délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire dans le suivi des travaux du Grenelle de l’environnement. L’Assemblée nationale recueillera les fruits de ce travail de fond une fois venue la phase législative du processus.

Les initiatives d’Aéroports de Paris (ADP) en faveur du développement durable appellent un certain nombre de questions. Quelle place a été faite aux énergies nouvelles renouvelables (ENR) et aux normes de haute qualité environnementale (HQE) pour la construction de nouveaux bâtiments? Comment réagit le président d’ADP aux propositions parfois faites de limitation du nombre de vols court et moyen-courriers, lorsqu’il existe une alternative par voie ferroviaire ? Où en est le projet de troisième aéroport parisien ? Et enfin, comment réagit ADP au processus du Grenelle de l’environnement et aux premières orientations annoncées ? Qu’en est-il notamment de la taxe sur le kérosène pour les avions ?

M. Pierre Graff a signalé avoir suivi le Grenelle de l’environnement avec satisfaction, en dépit d’une hostilité initiale forte à l’encontre du secteur aéronautique relayée par la presse. La concertation conduite par M. Jean-Louis Borloo et les annonces de cadrage du chef de l’Etat ont permis d’aboutir à des propositions finales plus équilibrées et acceptables par tous.

Il faut d’abord distinguer en matière de nuisances environnementales ce qui relève des aéronefs et ce qui relève des aéroports. Il s’avère techniquement très difficile de réduire les nuisances environnementales provoquées par les aéronefs. En revanche, il est nettement plus simple d’opérer sur les aéroports à partir des techniques utilisées dans les villes pour diminuer la pollution de l’eau, les déchets ou la pollution atmosphérique : les structures ne sont en effet guère différentes de celles des bâtiments classiques. La lutte contre le bruit est conditionnée quant à elle à des mesures étatiques. Aéroport de Paris a déjà consenti des efforts importants, qui se sont traduits par la certification ISO 14001 de ses trois sites d’Orly, de Roissy et du Bourget et vont au-delà des normes actuelles. Elle a ainsi reçu une notation A+ délivrée par une agence environnementale indépendante. Pour autant, bien faire ne signifie pas qu’on ne puisse faire mieux.

En matière de lutte contre la pollution atmosphérique, il n’existe aucune déclinaison de la norme HQE pour les structures aéroportuaires. Les critères ont donc été établis avec le Centre scientifique et technique du bâtiment, notamment pour le futur satellite 4. En dépit d’une hausse de 5% du coût de construction, le taux de retour sur investissement s’est élevé à 7% ou 8% grâce aux économies réalisées par la suite. L’équation économique de la démarche HQE est donc tenable, dans la mesure où il s’agit de bâtiments appelés à être utilisés pendant 30 à 40 ans.

En ce qui concerne le bâti ancien, Aéroports de Paris ambitionne une baisse de sa consommation énergétique par passager de 20% d’ici 2010 et de 40% d’ici 2030. Ces objectifs élevés supposent de repenser l’équipement des bâtiments, notamment leur éclairage et leur chauffage : optimisation des températures par l’installation d’automatismes, remplacement par des ampoules à basse consommation. Cependant, ils permettront de concilier une augmentation du trafic aérien et une baisse simultanée de la consommation énergétique par passager. L’objectif d’une baisse de 40% à l’horizon 2030 nécessite cependant des techniques plus lourdes. Les anciennes chaudières à charbon ont été fermées : le chauffage provient aujourd’hui du gaz naturel et, à Roissy, de la cogénération. Ces chaudières à gaz, qui ne sont pas très vieilles, seront optimisées voire remplacées pour certaines. A Orly, un projet de géothermie, dont le coût est estimé à onze millions d’euros, permettra de disposer d’une énergie propre, sans émission de CO2. Ce projet permettra de faire face au développement des bureaux et de fermer partiellement les chaudières à gaz. Pour Roissy, en l’absence de source chaude, une étude conduite avec Veolia et Suez envisage un recours à une chaudière fonctionnant à partir de la biomasse, plus particulièrement au bois. Cependant, compte tenu notamment du nombre réduit de fournisseurs, les prix de mise en œuvre sont trop élevés et se posent de vraies difficultés économiques.

ADP s’est doté d’une flotte de véhicules utilitaires composée à 30% de véhicules à basse consommation, fonctionnant au gaz ou à l’électricité. Il est prévu de renforcer à terme ce pourcentage voire d’atteindre 100%. Toutefois, la faiblesse de l’offre sur le marché ne facilite pas cette opération, et les constructeurs français apparaissent ici particulièrement en retard sur leurs concurrents étrangers. Par ailleurs, ADP dispose d’un plan de déplacements d’entreprise intégré au plan de déplacements urbains des collectivités locales concernées. Un site Internet partagé avec d’autres sociétés permettant l’organisation d’un covoiturage pour près de cent quarante mille personnes a été mis en place dans ce cadre et monte progressivement en puissance. Ce dispositif s’avère tout à fait pertinent, compte tenu de la saturation du RER par rapport aux besoins de transport des salariés.

En ce qui concerne le temps de roulage des avions, il faut savoir que le déplacement et le démarrage des réacteurs des aéronefs s’effectuent pour l’heure grâce à un moteur auxiliaire très polluant, l’Auxillary Power Unit. Une réflexion est en cours pour solliciter plutôt des groupes électrogènes au sol, encore appelés Ground Power Unit, ou, encore mieux, des prises électriques de 400 hertz. Roissy est déjà prêt ; les équipements d’Orly restent à installer. Quant au temps de roulage lui-même des appareils, il est possible de le faire baisser de 10% si les compagnies, le contrôle aérien et les sociétés aéroportuaires pouvaient se concerter parfaitement en vue d’une meilleure optimisation en temps réel de la gestion des files d’attente. Un groupe de travail a été mis en place à cette fin et il est important d’aboutir.

Il faut aussi noter le remplacement des autobus aéroportuaires par des métros automatiques, comme le CDG VAL sur le site de Roissy. Cela permet une économie de 2000 tonnes de C02 par jour.

S’agissant du traitement des déchets, des dispositifs de tri sélectif sont en cours d’installation dans les zones destinées aux passagers. D’ores et déjà, les ordures collectées à Orly font l’objet d’une vente à Rungis qui, en échange, restitue une partie de l’énergie récupérée. Une usine de compostage a été créée. Une réflexion pour approfondir le recyclage des eaux pluviales, qui sont polluées par le kérosène et les acétates, devrait prochainement aboutir. Enfin, et plus symboliquement, des arbres seront plantés à proximité des aéroports pour améliorer leur cadre environnemental et absorber une partie des émissions de CO2.

En conclusion, toutes les initiatives engagées se justifient sur un plan économique, avec un taux de retour sur investissement raisonnable. Les seules difficultés rencontrées actuellement sont relatives à la modicité de l’offre de voitures non polluantes et à la chaudière à biomasse.

En ce qui concerne la limitation des vols courts et moyens courriers, il faut rappeler en préalable que l’intérêt du président d’ADP est d’avoir surtout des vols longs courriers, qui rapportent plus d’argent pour l’aéroport, et pour lesquels il n’y a pas de transport de substitution. Mais ce n’est pas si simple. Il est indispensable de considérer avant toute chose l’état du marché et la forte demande de trafic aérien, dopée par la mondialisation. Ce trafic devrait progresser de 3 à 4% par an en passagers dans les 20 ans qui viennent car il reste d’énormes parties du monde (Inde, Chine, Amérique du Sud) dans lesquelles le marché n’est pas mature. Même au sein de la vieille Europe, le marché n’est pas encore mature : la croissance attendue est de 7 à 8% par an, avec une clientèle provenant notamment d’Europe de l’Est, d’Italie et de l’Espagne et voyageant pour des motifs touristiques ou commerciaux. Il serait irresponsable de refuser cette demande, en la renvoyant de fait sur d’autres capitales européennes, et le réseau TGV est loin de couvrir tous les besoins. Les compagnies aériennes considèrent souvent que le TGV est leur concurrent frontal mais à Roissy nombre de passagers arrivent par le TGV. Cependant, la demande est beaucoup plus large et diffuse que le schéma de desserte des TGV.

Par ailleurs, le système aérien fonctionne par « hub » et il n’est possible d’équilibrer économiquement les liaisons aériennes qu’entre grandes villes. Une fréquence minimale de rotation des avions est nécessaire pour assurer leur rentabilité. Avec les hubs, les courts et moyens courriers sont rabattus sur une plateforme de correspondance et les passagers peuvent faire des liaisons de point à point à des prix supportables. Une limitation des moyens courriers menacerait ce hub, ce qui serait grave pour notre économie. En effet, c’est grâce à cette technique du hub qu’une PME d’Aurillac peut élargir sa zone de chalandise au-delà de 150 km et que son PDG peut rencontrer un fournisseur dans une ville moyenne d’Europe ou des Etats-Unis en moins de 24 heures. C’est donc un outil important pour la compétitivité de nos entreprises, de même que la plateforme FEDEX pour les marchandises. En cas de limitation des vols courts et moyens courriers, les entreprises françaises n’hésiteraient d’ailleurs pas à passer par des hubs allemands ou par Londres. Il ne faut pas oublier que ces plates-formes de correspondance sont en compétition les unes avec les autres, compétition dans laquelle la France est en bonne place. Et dans cette compétition, les gagnants sont ceux qui arrivent à offrir un maximum de correspondances dans un délai donné. Plus l’offre de correspondances est élevée, plus la plate-forme attire de passagers et plus il est possible de recourir à des avions plus grands et donc de proposer in fine des tarifs plus bas aux passagers, ce qui permet de faire venir une nouvelle clientèle. Ce qui n’est pas forcément bon pour l’environnement, notamment en termes de bruit, est très positif pour la compétitivité de notre économie et pour l’emploi. La limitation des vols moyens courriers détruit la technique du hub. Recourir au rail comme alternative supposerait des horaires plus calés pour les trains et une meilleure correspondance train/avion.

L’autre idée, qui a été soulevée lors des débats dans le cadre du Grenelle de l’environnement, est de ne brimer que les liaisons aériennes parallèles à une ligne de TGV existante. Mais il s’agit alors d’une économie administrée. Il est sans doute préférable de laisser jouer le choix du consommateur, qui incite chacun à faire des efforts de compétitivité et à être performant. Il n’y a plus par exemple de liaison aérienne entre Paris et Bruxelles, sans qu’il y ait eu besoin de taxe. Le Thalys s’est en effet imposé comme le mode de transport le plus performant. En revanche, il existe toujours des lignes aériennes Paris-Marseille car la desserte du TGV pose encore des problèmes d’horaire pour une partie de la clientèle. Les transports aériens ne représentent que 2,5% du total des émissions de CO2 ; il serait donc regrettable de monter une « usine à gaz » pour une économie environnementale quasi-nulle.

En ce qui concerne la création d’un troisième aéroport, cette hypothèse était plausible il y a quelques années, en termes notamment de réserves foncières. Le rapport de M. Douffiague avait en effet conclu en 1995 qu’il était raisonnable de disposer d’une nouvelle plate-forme aéroportuaire dans la perspective d’une saturation des plates-formes existantes à l’horizon 2020 et donc souhaitable de constituer une réserve foncière. M. Bernard Pons, Ministre de l’équipement de l’époque, a alors évoqué le site de Beauvilliers, dans le sud du bassin parisien, et cette réflexion est allée jusqu’au dossier d’enquête en vue de la déclaration d’utilité publique. Est intervenu un changement de majorité et le nouveau ministre des transports, M. Jean-Claude Gayssot, n’a plus parlé de Beauvilliers. La recherche d’un nouveau site a été relancée en 2001 avec l’organisation d’une série de débats publics. Le site de Chaulnes est finalement choisi mais celui-ci pose de sérieux problèmes d’accès et nécessite la mise en place d’une desserte par TGV. La nouvelle majorité arrivée au pouvoir a rendu caduc ce choix. En conclusion, il n’y a donc aucun consensus politique et social pour créer une troisième plate-forme dans le bassin parisien. Il faut en tout état de cause protéger les cônes d’envol et d’atterrissage, si l’on ne veut pas réitérer les erreurs du passé, ce qui veut dire un gel de l’urbanisation sur 40 à 60 km de longueur et 15 à 20 km de largeur. Il est clair qu’on ne dispose pas de cette surface pour l’instant et qu’il sera extrêmement difficile de trouver un site qui fasse consensus.

Le Président de la République a d’ailleurs souligné, lors de l’inauguration du satellite 3 en juin dernier, la nécessité de développer Roissy, tout en prenant davantage en compte les riverains, par exemple par la mise en place d’une charte. Il reste effectivement des choses à faire pour améliorer la vie des riverains, en termes notamment d’indemnisation et d’isolation phonique, mais il faut aussi respecter la donne économique. Les aéroports de Roissy et d’Orly génèrent 300 000 emplois directs et indirects ; 1 million de passagers en plus entraîne une création de 4500 emplois dont 2000 sur la plateforme aéroportuaire. Les deux hubs d’Air France et de Fedex sont des outils d’intérêt général. La grogne des riverains a quelque peu baissé ces dernières années, en raison de certaines améliorations et ces dernières doivent être poursuivies. Tout ceci nous amène à l’horizon 2020, où il y aura un choix politique à faire, si le trafic aérien continue à croître. La première option est de refuser cette croissance et ce trafic se reportera sur d’autres villes européennes. L’autre option est d’utiliser l’ensemble des aéroports existants, ce qui nécessite des efforts d’investissement au sol pour pouvoir reporter une partie du trafic sur des aéroports éloignés. Le gouvernement devra avoir aussi le courage de prendre des mesures autoritaires pour envoyer les compagnies aériennes sur des sites périphériques, sur des critères non discriminatoires. Il existe en effet déjà plusieurs petits aéroports autour de Paris, tels celui de Dreux et de Vatry. Mais d’ici là, il y aura sans doute eu aussi des améliorations en matière de fret, grâce notamment au lancement du projet Carex ; la conclusion d’accords de libre-échange pourrait aussi permettre de développer des marchés province-étranger. La meilleure solution est en tout état de cause d’optimiser l’utilisation des plateformes aéroportuaires et de miser sur le réseau des aéroports périphériques.

En ce qui concerne le débat sur l’application d’une taxe carbone au transport aérien, il faut savoir que les aéroports sont déjà soumis à un système de quotas d’émissions de CO2. Ce quota est actuellement de 180 000 tonnes par an. Ce niveau n’ayant pas été atteint, des droits d’émissions ont pu être revendus et le niveau autorisé devrait être revu à la baisse. Ce système de quotas a donné naissance à un vrai marché financier, avec des possibilités de « swap » de quotas par exemple. L’adhésion des compagnies aériennes à ce système de quotas serait souhaitable. Il n’existe pas de carburant alternatif au kérosène pour les avions mais il est encore possible de gagner sur le rendement des moteurs d’ici 20 ans. Avec un système de droits d’émissions, on a la certitude de pouvoir encadrer les compagnies aériennes. Si ces quotas sont dépassés, les sommes payées en plus par les compagnies aériennes permettront d’aider des secteurs dans lesquels des mesures concrètes existent pour réduire sensiblement les émissions de CO2. Il faudrait cependant appliquer ce système de quotas à une échelle mondiale et non pas seulement européenne, si l’on veut éviter des distorsions de concurrence redoutables. Il serait donc souhaitable que la Commission européenne légifère sur ce dossier et obtienne une réciprocité avec les autres grands pays, tels les Etats-Unis et le Japon.

L’application d’une taxe carbone au kérosène est en revanche une mauvaise idée, qui aurait des effets pervers sur l’économie. Cette taxe n’aurait qu’un seul effet, celui de renchérir le prix du billet d’avion. Et les compagnies étrangères seraient incitées à acheter leur plein de carburant ailleurs. Il ne s’agit donc pas d’une bonne logique sur un plan environnemental, contrairement au système des quotas d’émissions.

M. Yanick Paternotte a rappelé que la Commission européenne prévoyait un doublement du trafic aérien à l’horizon 2020/2025 et estimé que Roissy, aéroport sur lequel devraient être enregistrés 550 000 mouvements à la fin 2007, n’avait pas la capacité physique de faire face à une telle croissance du trafic. Le Hub a généré une économie prospère mais aussi de nouvelles contraintes, dans la mesure où les vols de correspondance devaient tous partir dans un laps de temps d’1 heure ½. Dans ces conditions, quelle est la vraie limite physique du bassin parisien ? Que fera-t-on lorsqu’il n’y aura plus de place ? Ce problème quantitatif doit aussi prendre en compte le qualitatif lié au cadre de vie des riverains. Des études ont mis en avant les troubles liés aux vols de nuit et des améliorations sont attendues dans ce domaine.

Enfin, si le poids des avions exclut toute évolution sur les pistes d’atterrissage, de nouveaux revêtements plus écologiques que le bitume ne peuvent-ils pas être envisagés pour les « taxiway », c’est-à-dire les voies de circulation des aéroports menant à ces pistes ou aux hangars ?

M. Serge Poignant s’est interrogé sur la création possible d’un autre hub en France, en dehors de la région parisienne. Il a souligné les difficultés que poserait la limitation des vols moyens courriers pour les aéroports de province et la Loire-Atlantique. Sur le bâti et les sources d’énergie possibles, qu’en est-il du recours à l’énergie solaire sachant que les aéroports disposent de grandes toitures et de grands espaces ? Ce type d’énergie pourrait constituer un champ d’expérimentation intéressant, dans la mesure où les prix vont chuter d’ici 20 ans.

M. Philippe Boënnec a regretté la vision quelque peu jacobine de l’exposé, donnant à penser que tout doit se dérouler sur Paris. A l’étranger, en matière de transport aérien, tout n’est pas aussi centralisé dans la capitale. En outre, il faut tenir compte des déplacements de population et d’activités économiques qui peuvent advenir dans les vingt prochaines années. Or, compte tenu des contraintes de temps administratives, c’est aujourd’hui qu’il faut faire des choix en matière d’aménagement du territoire.

M. Philippe Duron a réagi aux propos de M. Pierre Graff, sur l’absence probable de création d’un troisième aéroport et le nécessaire développement des plates-formes existantes. L’aéroport de Beauvais est déjà utilisé par les compagnies low-cost. Le trafic maritime se dégrade dans la Manche et le trafic aérien augmente en conséquence. Dans ces conditions, sur quelles plates-formes, ce développement aura-t-il lieu ? Quelle sera par ailleurs l’évolution du fret aéroportuaire dans les quinze prochaines années ?

En réponse aux différents intervenants, M. Pierre Graff a indiqué que :

– les deux doublets de pistes à Roissy disposent d’une capacité gigantesque. Cette capacité est limitée par celle du contrôle aérien, qui prend aujourd’hui en charge 110 mouvements à l’heure. Mais il serait tout à fait possible d’augmenter ce nombre de mouvements par heure, pour atteindre en période de pointe un niveau de 150 équivalent à celui des Etats-Unis. Des marges de manœuvre peuvent également être gagnées, en remplissant les périodes creuses ;

– il existe une forte demande de la population pour interdire les vols de nuits. Ces vols sont déjà interdits à Orly et il est délicat d’aller plus loin en fermant Roissy la nuit, si l’on ne veut pas tomber dans le syndrome bruxellois : la Commission européenne avait cassé la décision du ministre des transports belge visant à fermer l’aéroport de Bruxelles la nuit, en considérant que cette mesure était disproportionnée à l’objectif poursuivi.

M. Yanick Paternotte a demandé s’il n’était pas possible de fermer au moins l’un des deux doublets de pistes.

M. Pierre Graff a ajouté qu’un couvre-feu posait aussi un problème économique au regard du traitement de Fedex et de La Poste. Air France limite déjà son trafic sur la plage horaire minuit-5h du matin mais ce créneau ne correspond pas à l’intégralité de la nuit des riverains ; il semble cependant délicat pour la compagnie d’aller plus loin. En revanche, il paraît tout à fait envisageable de fermer l’un des deux doublets.

En ce qui concerne les revêtements utilisés, les pistes des aéroports sont en béton et il n’y a pas de grandes marges d’évolution en la matière, compte tenu de la forte pression exercée au sol par les avions. Et s’il s’agit de réaliser un bilan carbone, il faut prendre en compte aussi l’impact réel des autres types d’infrastructures, notamment ferroviaires, en terme d’artificialisation des espaces naturels.

Il n’est pas possible de réaliser deux hubs côte à côte. Chaque hub nécessite pour son fonctionnement une zone de chalandise minimale de 15 à 25 millions d’habitants, pour pouvoir remplir la plus grande partie de l’avion, et donc une distance d’au moins 300 à 500 km d’une structure existante. Lyon, avec la proximité de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, remplit ces conditions et un hub y fonctionne déjà. Mais il sera difficile de trouver un autre site cohérent en province. En Allemagne, Francfort est un hub, Munich n’arrive pas à en être un.

L’utilisation de l’énergie solaire est effectivement une piste intéressante à explorer. ADP y a recours pour le restaurant du comité d’entreprise. Mais pour les autres bâtiments aéroportuaires, des contraintes de hauteur et d’encombrement, liées à la nécessité pour les contrôleurs aériens de pouvoir visualiser les queues des avions, risquent de se poser, de même que des problèmes liés à l’éblouissement et à la réverbération. Cependant, ADP n’écarte pas l’éventualité de mettre des panneaux solaires partout où cela sera possible.

Il reste délicat de créer des lignes long-courrier à partir d’aéroports de province, à de rares exceptions (ligne Nice-New-York). Il s’agit plus d’un problème de marché que d’aménagement du territoire. Mais sans doute que d’ici 2020, la masse critique pour rentabiliser un aller-retour par avion sera-t-elle atteinte pour certains aéroports de province, tels celui de Toulouse ou peut-être de Notre-Dame des Landes dans le Grand Ouest. Le problème est le même en Allemagne.

M. Yanick Paternotte a indiqué que cela dépendait aussi de l’existence ou non d’une compagnie basée.

M. Pierre Graff a souligné la nécessité d’avoir un trafic un peu équilibré : certains aéroports, tels celui de Clermont-Ferrand, ont complètement décliné à la suite du départ d’une compagnie basée. L’aéroport de Beauvais est actuellement prospère grâce à la présence de Ryanair et il ne faudrait pas que cette compagnie s’en aille. C’est un bel outil, qui pourrait permettre de contribuer à désengorger les aéroports parisiens au-delà de 2020, mais il ne peut fonctionner sans investissement. C’est le contribuable qui paye pour les infrastructures, notamment ferroviaires, permettant de desservir cet aéroport.

Toutes les compagnies « low cost » n’ont pas fait le même pari que Ryanair de recourir à des aéroports périphériques en proposant des liaisons inédites à partir de villes moyennes. D’autres, comme Easyjet, font le choix d’opérer sur les mêmes aéroports que les compagnies traditionnelles. En tout état de cause, la création de nouvelles lignes à partir de villes de province n’est possible qu’avec des subventions des collectivités locales ; et il existera toujours un risque de voir partir un jour la compagnie assurant cette desserte, ce qui se passe actuellement à Poitiers.