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Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire

Jeudi 13 décembre 2007

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Christian Jacob Président

– Audition de Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme de la carte judiciaire

Le président Christian Jacob a remercié la ministre d’avoir répondu à l’invitation de la Délégation et lui a demandé de bien vouloir rappeler les objectifs de la réforme de la carte judiciaire, préciser son coût et indiquer l’impact du groupe de travail qui va être mis en place sur la répartition des contentieux sur la conduite de cette réforme. Il a également salué le travail réalisé par le rapporteur, M. Max Roustan.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a remercié à son tour le président et le rapporteur de la Délégation de leur invitation, qui lui donne l’occasion de dresser un bilan de la réforme de la carte judiciaire, près de six mois après son lancement. Elle a tenu à souligner la cohérence des propositions du Gouvernement, qui a pleinement pris en compte la réalité des territoires. Elle a tout d’abord fait un bref rappel des objectifs de la réforme et de sa méthode.

Le premier objectif est de localiser les pôles de l’instruction issus de la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, qui impose désormais la collégialité de l’instruction. Cette disposition législative doit être mise en œuvre à compter du 1er mars 2008. Il est à noter que, si la création des pôles de l’instruction constitue l’un des volets de la réforme de la carte judiciaire qui sera mise en oeuvre, elle est indépendante de celle-ci : réforme ou pas, elle aurait eu lieu car elle résulte de la loi du 5 mars 2007.

Le second objectif est de remédier aux difficultés de fonctionnement de la justice. Ces difficultés existent. Chacun les connaît. Elles sont souvent liées à la carte existante et aux implantations actuelles des juridictions. Trois exemples le montrent.

Premièrement, un tribunal qui n’a pas assez d’affaires ne permet pas aux magistrats d’être performants dans tous les types de contentieux qu’ils rencontrent. La qualité de la justice nécessite aujourd’hui un minimum de spécialisation.

Deuxièmement, l’éparpillement des juridictions a pour conséquence l’isolement des juges et la dispersion des moyens, ce qui nuit à la qualité de la justice. Cela est surtout vrai pour les affaires complexes, comme la commission d’enquête parlementaire sur « l’affaire d’Outreau » l’a démontré. Mais cela l’est aussi d’une façon générale. Les magistrats doivent pouvoir échanger entre eux, travailler ensemble. Or 273 tribunaux d’instance n’ont qu’un seul juge d’instance. Ce n’est pas un problème de moyens : la plupart de ces tribunaux n’ont pas l’activité suffisante pour qu’on y affecte deux magistrats.

L’impartialité est également mieux garantie dans des juridictions regroupées. On le voit bien avec les tribunaux de commerce : les commerçants veulent être jugés par des pairs et non par leurs concurrents.

Troisième exemple : la dispersion des moyens ne permet pas une bonne gestion des ressources humaines. Elle ne permet pas non plus une organisation efficace des greffes.

La continuité du service public ne peut pas être garantie dans une trop petite juridiction. Ainsi un congé maladie peut bloquer le fonctionnement d’un tribunal. Il y a actuellement cinquante tribunaux ou greffes qui n’ont pas de magistrat ou de fonctionnaire.

La qualité et l’efficacité de la justice sont les gages d’une proximité, qui doit être réelle et non symbolique.

Une justice de proximité est une justice disponible, dont les Français trouvent la porte ouverte au moment où ils ont besoin d’elle, une justice rapide, proche dans le temps plutôt que dans l’espace, et une justice au contact de la société et de ses exigences.

La réorganisation de la carte judiciaire ne règlera pas, à elle seule, toutes les difficultés. Elle n’est que l’un des aspects de la réforme de la justice. Elle est un préalable à sa modernisation.

Voilà pourquoi il est indispensable de regrouper les tribunaux. Cela permet de réduire les délais – charge de travail mieux répartie, audiencement plus rapide des affaires, notification plus rapide des jugements –, d’améliorer la qualité de la justice – les juges, moins isolés, peuvent échanger sur des dossiers compliqués— et d’assurer une meilleure sécurité aux personnels et au public accueilli dans les tribunaux, car une dispersion des moyens, donc des sites rend nécessaire une sécurisation accrue.

Il n’existe pas de méthode idéale, sinon les précédents gardes des sceaux auraient réussi à faire aboutir la réforme. Ses prédécesseurs et elle-même ont tous utilisé des méthodes similaires, comme l’indiquent le rapport Haenel-Arthuis, les travaux de Mme Guigou, de M. Toubon ou de Mme Lebranchu, mais il y a toujours eu des obstacles à la mise en œuvre de la réforme.

Quoi qu’en pensent certains, une large concertation a été menée. Conformément à la demande faite au comité consultatif le 27 juin dernier, toutes les organisations syndicales ou professionnelles ont remis leurs contributions à la chancellerie. Celles-ci sont consultables sur Internet. Ce sont des orientations générales posant des principes directeurs qui ont presque toutes été intégrées dans les décisions qui ont été prises.

Dans toutes les cours d’appel, les chefs de cour ont organisé une concertation locale avec les magistrats, les personnels et les professions juridiques. Tous ont remis des propositions entre le 30 septembre et le 15 octobre. Elles sont également en ligne.

Les ministres de l’intérieur et de la justice ont demandé aux préfets de réunir les élus dans les départements. En outre, 235 élus ont été reçus à la chancellerie, de même que toutes les organisations qui le souhaitaient.

La ministre de la justice a rappelé qu’elle n’avait pas voulu faire des annonces depuis la chancellerie, mais qu’elle était allée sur le terrain pour expliquer la réforme, engager directement le dialogue et présenter, cour d’appel par cour d’appel, les schémas d’organisation envisagés. Des arguments ont été échangés. Ils ont été entendus et, au fur et à mesure, les propositions ont été ajustées. Après les déplacements, de nombreuses délégations ont été reçues.

La concertation sur la carte judiciaire ne date pas de l’actuel gouvernement. Cela fait des années que le ministère de la justice y travaille. Des concertations nationales ont déjà été menées. De nombreux rapports ont été rédigés. Dans celui qui avait été remis à Elisabeth Guigou à la suite de la consultation de 1998, il était déjà préconisé de supprimer plusieurs tribunaux de grande instance (TGI), dont ceux de Dinan, de Morlaix, de Marmande et de Tulle. Ce n’est pas la concertation qui a fait défaut jusqu’à présent, mais la volonté de décider et d’aller jusqu’au bout.

Aujourd’hui des décisions sont prises. Il est bon de rappeler comment elles ont été élaborées.

Il ne s’agit d’abord pas d’une réforme mécanique, laquelle aurait consisté à poser un principe – par exemple un TGI par département, le plus important ou celui du chef lieu – et à l’appliquer partout, quels que soient les territoires, leurs spécificités et la demande de justice. Le Président de la République s’était engagé sur la base d’une cour d’appel par région et d’un TGI par département. Or la concertation a montré que ce n’était pas possible partout. Le premier obstacle était l’immobilier. Il y a ensuite des considérations d’aménagement du territoire à prendre en compte.

Les propositions ont été élaborées en croisant des critères judiciaires avec les réalités du territoire.

Les situations judiciaires d’aujourd’hui sont bien différentes de celles de 1958. La justice est un service public. La réforme entend renforcer sa qualité.

L’organisation de chaque juridiction a été examinée. Depuis plusieurs années, les rapports de l’inspection des services judiciaires et les études du ministère ont abouti à un double constat : en dessous d’un certain effectif et d’un certain seuil d’activité, une juridiction connaît des problèmes d’organisation, ne serait-ce qu’en termes de gestion de personnel. Par exemple, 54 tribunaux de grande instance ont un nombre de magistrats du siège inférieur à 10, et 18 TGI ont une activité inférieure à 1 500 affaires civiles nouvelles par an ou à 2 500 affaires poursuivables au plan pénal. C’est nettement en dessous du seuil de la moyenne annuelle.

Ces constats ont servi à la réflexion, mais ils n’ont pas été appliqués de façon mécanique. Sinon, 54 TGI auraient été regroupés, au lieu des 23 qui l’ont été.

Les constats sur l’activité ont donc été combinés à une approche qualitative de l’environnement judiciaire : proximité d’un autre tribunal, présence d’un établissement pénitentiaire dans le ressort, présence d’un tribunal pour enfants.

La même démarche a été employée pour la carte des tribunaux d’instance (TI) – 273 n’ont qu’un juge d’instance ; 169 ont une activité qui ne permet pas d’occuper un juge à plein temps – ainsi que pour les tribunaux de commerce, en concertation avec les organisations consulaires au niveau national. L’objectif est de renforcer l’égalité devant la justice commerciale, car on constate des différences de traitement que rien ne justifie : 14 départements connaissent à la fois des tribunaux de commerce et des TGI à compétence commerciale. Il a été décidé d’enlever les chambres commerciales dans les TGI de droit commun pour les mettre dans les tribunaux de commerce afin d’assurer à la fois une meilleure justice et une meilleure lisibilité.

Enfin, pour les pôles de l’instruction, l’objectif de la loi de 2007 est la collégialité. Il a donc paru logique de retenir les tribunaux de grande instance qui ont déjà une activité en matière d’instruction suffisante pour trois magistrats, la collégialité reposant sur trois magistrats. Lorsque ce n’est pas le cas, il est proposé de regrouper l’activité d’instruction de plusieurs TGI.

Il a également été tenu compte des données territoriales. L’aménagement du territoire est, en effet, une préoccupation légitime.

La diversité des territoires fait la force de la nation et les Français y sont très attachés. Les élus de toutes tendances représentent cette diversité avec une vraie passion et la défendent avec beaucoup de conviction. Cependant, cette diversité ne doit pas devenir une excuse pour ne rien changer : les territoires, ce ne sont pas des kilomètres carrés ou des kilomètres de distance ; ce sont avant tout des lieux de vie. Le service public doit s’adapter au public. Il doit rendre service là où les femmes et les hommes en ont besoin. La France de 2007 n’est plus la France de 1958 !

C’est une évidence pour tous que la carte actuelle présente des inégalités démographiques et géographiques. En Isère, par exemple, il y a actuellement trois tribunaux de grande instance : un à Grenoble pour un ressort de 700 000 habitants, deux dans le Nord Isère pour une population totale de 400 000 habitants. Il y a un déséquilibre entre les deux bassins de population. Autre exemple : dans le département du Nord, il y a 14 conseils de prud’hommes hérités de l’histoire industrielle, soit un pour 184 000 habitants, alors que, dans le département de la Gironde, il y en a deux, c’est-à-dire un pour 688 000 habitants.

La répartition actuelle conduit à des aberrations : il y a 9 kilomètres entre les conseils de prud’hommes de Halluin et de Tourcoing, 16 kilomètres entre le TGI de Riom et celui de Clermont-Ferrand, et 27 kilomètres entre les tribunaux d’instance de Mende et de Marvejols. De nombreux autres cas pourraient être cités.

Il a également été tenu compte des réalités du territoire, comme le montrent les exemples suivants.

Premier exemple : les spécificités historiques des régions. Ainsi les chambres commerciales des TGI en Alsace-Moselle ont été conservées, car l’échevinage est une spécificité du droit local. La spécificité historique est également prise en compte dans le maintien des cours d’appel. Ainsi le ressort de la cour d’appel de Rennes s’étendra toujours à la Loire-Atlantique.

Deuxième exemple : l’expansion urbaine. Le développement des villes nouvelles de Marne-la-Vallée et de Melun-Sénart justifie le maintien de trois TGI en Seine-et-Marne. Annemasse, dans la cour d’appel de Chambéry, est une ville en forte croissance. Elle constitue une unité urbaine avec Genève. Il a été décidé d’y créer un tribunal d’instance, auquel sera rattaché l’actuel tribunal d’instance de Saint-Julien-en-Genevois, dont la population est bien inférieure.

Troisième exemple : le développement économique local. La réorganisation des tribunaux d’instance dans l’ouest de la Côte d’Or prend en compte les perspectives de développement ouvertes par l’existence d’une gare TGV à Montbard.

Quatrième exemple : l’équilibre des territoires. Le maintien d’un tribunal de grande instance à Montargis permet de préserver l’équilibre entre l’Est et l’Ouest du Loiret. C’est dans le même souci qu’ont été conservés les TGI de Fontainebleau et de Sens. Ce même équilibre est recherché dans certains départements maritimes, où sont conservées une juridiction du littoral et une juridiction à l’intérieur des terres. Tel est le cas dans les départements de la Vendée, de la Charente-Maritime ou de l’Aude.

Cinquième exemple : les zones de montagnes ou d’accès difficile. On a pu tenir compte, dans un certain nombre de cas, de cette contrainte géographique. Ainsi ont été maintenus à ce titre les tribunaux d’instance de Saint-Girons dans l’Ariège, de Sarlat en Dordogne, de Pontarlier dans le Doubs, de Saint-Claude dans le Jura et d’Oloron-Sainte-Marie dans les Pyrénées-Atlantiques.

Sixième exemple : les réalités administratives. Le développement de l'aire urbaine Belfort-Montbéliard militait sans doute pour un tribunal de grande instance commun et renforcé. En même temps, il est difficilement concevable qu’un département n’ait pas de tribunal de grande instance. La concertation l'a fait clairement apparaître. Le Gouvernement y a été attentif. Le territoire de Belfort conservera son TGI.

Outre-mer, le Parlement a fait de Saint-Martin une collectivité territoriale distincte de la Guadeloupe. Pour tenir compte de sa spécificité, un tribunal de première instance y sera ouvert. Il sera d’ailleurs créé avant la fin du mois d’août 2008.

Tout cela montre que la réforme de la carte judiciaire n’a pas été mécanique. Elle n’a pas été plaquée depuis Paris, mais établie au cas par cas.

L’organisation de la justice sera mieux structurée. Quand elle sera achevée, fin 2010, elle comptera 862 juridictions, au lieu des 1 190 actuelles. Les trente-cinq cours d’appel seront maintenues. Les tribunaux de grande instance seront au nombre de 158, contre 181 aujourd’hui. Un tiers des départements en métropole – 32 sur 96 – continuera à compter au moins deux TGI et 91 TGI auront un pôle de l’instruction, alors qu’ils ne devaient être initialement que 86 ou 87.

Fin 2009, 302 tribunaux d’instance existeront : 178 seront regroupés et 7 créés, pour tenir compte des bassins démographiques.

Il y aura 135 tribunaux de commerce en 2009 : 55 seront regroupés sur les 185 qui existent aujourd’hui ; cinq nouveaux tribunaux de commerce seront créés, en raison notamment de l’enlèvement des chambres commerciales des TGI de droit commun. De plus, un tribunal mixte de commerce s’ajoutera aux sept existant outre-mer.

L’avis publié au Journal officiel le 22 novembre soumet à une consultation de trois mois le projet de regroupement de 63 conseils des prud’hommes sur 271, soit 23 %.

Tel est le schéma qui a été proposé. Avec les juridictions spécifiques à l’outre-mer et à l’Alsace-Moselle, il y aura au total 862 juridictions. On ne peut donc pas parler de désert judiciaire. A chaque endroit où est envisagé le regroupement d’un tribunal de grande instance, il est proposé de maintenir un tribunal d’instance renforcé, c’est-à-dire un lieu de justice où l’on pourra traiter le contentieux des affaires familiales. C’est une demande qui a été formulée par les tribunaux de grande instance qui ont été réorganisés.

La garde des sceaux a également indiqué qu’elle souhaitait ouvrir une réflexion sur la nouvelle répartition de certains contentieux entre les différentes juridictions. Cette réflexion trouve tout son sens maintenant que la carte est mieux structurée.

Une réflexion sur ces évolutions sera lancée prochainement avec les organisations de magistrats et d’avocats. Celle-ci sera confiée à une commission présidée par un universitaire de renom, le recteur Serge Guinchard, professeur émérite à l’université Paris II. Elle pourra notamment porter sur la définition du contentieux de proximité, tel que les affaires familiales, par rapport aux compétences dévolues actuellement aux différentes juridictions par la loi. Elle concernera aussi les contentieux très spécialisés, comme le contentieux de l’adoption internationale, l’indemnisation de l’amiante ou les catastrophes en matière de transport.

De telles modifications ne pourront être décidées que par la loi. Le Parlement sera donc appelé à se prononcer le moment venu.

La proximité prend aussi un autre sens avec les nouvelles technologies. Elles permettent en effet de rapprocher les Français de leurs tribunaux, facilitent l’accès à la justice et la rendent plus rapide, plus réactive et plus efficace.

Le décret du 15 novembre 2007 organise la dématérialisation des procédures pénales. Elle sera effective à compter du 1er janvier 2008. La visioconférence sera autorisée entre les salles d’audience : c’est une disposition prévue par la proposition de loi sur la simplification du droit. Seront également expérimentés des points « visiopublic », c’est-à-dire des bornes équipées d’un scanner, d’une imprimante, d’un écran et d’une caméra. Une convention a été signée en ce sens avec France Télécom le 3 décembre dernier et avec l’association des maires de France. Ces bornes donneront accès à des services Internet – envoi et réception de documents – ainsi qu’à un téléconseiller par visioconférence. Elles créeront un lien direct entre le justiciable et la juridiction.

L’accès au droit est préservé. Toutes les maisons de justice et du droit sont maintenues. D’autres seront créées et modernisées, notamment avec les nouvelles technologies. Deux le seront en Bretagne et en Lorraine. Le maintien des tribunaux d’instance de Loudéac et de Toul ne se justifiait pas. Ce constat avait été formulé par les chefs de cour. Il est cependant apparu important de maintenir un lieu d’accès à la justice en Bretagne intérieure. Quant à Toul, le Gouvernement a voulu maintenir un service public dans cette ville, qui vient d’être rudement touchée par la fermeture de l’usine Kléber. D’autres projets de création sont à l’étude : Châteaubriant, Lodève et Ploërmel. Dans le débat budgétaire, l’Assemblée nationale a d’ailleurs montré tout son intérêt pour l’accès au droit, en y affectant les crédits nécessaires.

La ministre de la justice a évoqué, en conclusion, l’accompagnement de la réforme, en soulignant qu’elle serait très attentive à ses conséquences pour les personnels, n’ignorant pas que les regroupements de tribunaux entraîneront le déménagement de certains magistrats ou fonctionnaires. Cela aura également des effets sur la vie locale.

Pour les avocats qui subiront un préjudice suite au regroupement de leur TGI, il y aura des compensations et des mesures individuelles. Des discussions ont eu lieu avec leurs représentants. Tous les bâtonniers concernés ont été reçus à la chancellerie.

La réforme aura aussi des conséquences immobilières. Des bâtiments seront libérés. Ceux qui appartiennent aux conseils généraux ou aux communes seront remis à la disposition de ces collectivités. Il s’agit souvent d’édifices situés en centre ville. Ils appartiennent au patrimoine local.

Ailleurs, des travaux seront nécessaires et des investissements seront effectués. Réaliser ces investissements, cela signifie aussi créer des emplois et donner du pouvoir d’achat.

La réorganisation de la carte judiciaire est une réforme ambitieuse. Elle a nécessairement un impact sur les territoires. A cet égard, le Gouvernement a recherché les meilleurs équilibres et veillé à l’intérêt du justiciable, donc de la population.

La modernisation de l’institution judiciaire représente un véritable enjeu. C’est le renforcement de la qualité de la justice au service de nos concitoyens. Cette réforme est nécessaire. C’est pour cela que le Gouvernement souhaite la mener à son terme.

Le président Christian Jacob a reconnu la difficulté de la tâche de la ministre. A partir du moment où l’on touche aux structures de l’Etat – et la justice en est l’un des piliers – cela génère toujours des passions. Il s’est félicité qu’elle n’ait pas annoncé la réforme depuis la place Vendôme et qu’elle soit allée sur le terrain, quel qu’ait été l’accueil qui lui était réservé. Faisant partie des maires qui voient deux tribunaux fermer dans leur ville, il a déclaré mesurer le côté ingrat de la démarche. Ce qui doit être pris en compte, ce n’est pas la structure judiciaire, mais l’accès des justiciables au droit et à la justice.

M. Max Roustan a constaté le chemin parcouru depuis la promesse électorale du candidat Sarkozy d’un TGI par département et d’une cour d’appel par région et jugé opportun le choix de la ministre de se rendre sur le terrain pour annoncer les nouveaux schémas de réorganisation. Il a déclaré prendre acte des décisions arrêtées, bien que toutes ne recueillent pas son entière approbation.

Selon quelles modalités seront maintenus des points physiques d’accès au droit dans les villes affectées par les fermetures de tribunaux ? Les maisons de la justice seront-elles à la charge des communes, déjà tant sollicitées, ou le ministère de la justice continuera-t-il de les garder sous sa tutelle ? Ce dernier point permettrait sans doute de rassurer encore davantage les administrés, si soucieux d’avoir à proximité cette justice qui leur paraît indispensable.

En ce qui concerne le recours aux nouvelles technologies de communication, présenté comme un palliatif à l’éloignement géographique, il a rappelé s’être rendu à Grenoble, où la cour d’appel a déjà engagé la mise en place de la dématérialisation des procédures pénales. L’ensemble des TGI sera équipé de ces nouvelles technologies d’ici 2009. Les TI en bénéficieront-ils également, ainsi que le public qui les fréquente et qui n’a pas recours à un avocat ? Des formulaires sont certes déjà mis en ligne sur le site du ministère de la justice, mais ils ne sont jamais utilisés, soit par méconnaissance, soit par manque d’accompagnement juridique, ce qui est dommage pour le justiciable. Tout le monde n’a pas non plus accès à Internet ni les facultés pour l’utiliser. Il subsiste encore des zones blanches sur le territoire, lesquelles correspondent souvent à des endroits où il est également difficile de circuler. Les personnes qui veulent avoir accès au droit cumulent, dans ces zones, les deux handicaps.

Enfin, la réforme de la carte judiciaire doit être accompagnée de moyens adéquats pour éviter toute désorganisation du fonctionnement de la justice. Peut-on avoir une estimation des différentes composantes du coût de la mise en œuvre de la réforme, tant sur le volet immobilier que sur le volet social ? A l’inverse, quelles sont les économies attendues de la fermeture des sites annoncés ? Une étude d’impact a-t-elle été réalisée ? Si tel était le cas, serait-il possible d’en avoir connaissance, en vue de finaliser l’élaboration du rapport d’information ?

Mme Rachida Dati a, tout d’abord, répondu sur l’accès au droit et à la justice.

On s’est rendu compte que, dans certains tribunaux d’instance, il y avait peu d’activité et beaucoup de demandes d’accès au droit : demandes de renseignements, de formulaires ou de conseils par rapport à un litige ou une affaire familiale. Quand on a regroupé les tribunaux d’instance, on a constaté que ces demandes ne correspondaient pas aux compétences de ces juridictions et qu’elles concernaient parfois des contentieux, notamment familiaux, qui relevaient du TGI. L’essentiel de l’activité juridictionnelle des TI concerne en fait les tutelles, qui feront l’objet d’un traitement à part. Compte tenu de ces constatations, le gouvernement a souhaité développer un point d’accès au droit par le biais d’une visioconférence ou d’un point « visiopublic » ou prévoir un fonctionnaire pour renseigner les justiciables dans le cadre d’une maison de justice et du droit.

La différence entre une maison de justice et du droit et un tribunal d’instance est que ce que l’on fait dans ce dernier est défini par la loi. En revanche, les activités de la maison de justice et du droit sont plus larges : non seulement il y a un juge de proximité, mais également les délégués du procureur, le médiateur, une antenne pénale et il est possible de déposer des requêtes sur des compétences liées à un tribunal de grande instance. Il y est offert un accès au droit plus large que dans un tribunal d’instance. A chaque fois qu’un regroupement était envisagé, on a regardé quelle était la demande du justiciable.

Le tribunal d’instance de Forcalquier, par exemple, n’avait plus de magistrat depuis des années et cette juridiction n’existait plus de fait. Elle a été fermée, la demande de justice étant quasi inexistante à cet endroit. Cela a permis de redéfinir celle-ci sur le territoire en la déclinant selon la formule :accès au droit-accès au juge.

Pour ce qui est de la demande de proximité des justiciables, la ministre de la justice a rappelé qu’elle est allée souvent sur le terrain pour finaliser le programme de M. Sarkozy en matière de justice. Dans la convention justice de l’UMP, qui était trans-partis, c’est-à-dire élaborée non seulement par des membres de l’UMP mais également par beaucoup d’autres personnes non affiliées au parti, comme des syndicalistes, et dans le programme du Président, il était proposé une cour d’appel par région et un TGI par département et les modalités de cette réforme étaient détaillées.

Quant aux nouvelles technologies, elles permettront non seulement un meilleur accès des justiciables à la justice mais également une justice de meilleure qualité, car elles faciliteront les conditions de travail des personnels de justice. Ce dont les Français souffrent, c’est de la lenteur de la justice. Lors de ses déplacements, la ministre a demandé aux Français ce qu’ils préféraient : divorcer plus vite ou avoir un tribunal à côté de chez eux qui prend du temps, car il n’a pas le nombre de magistrats nécessaire à sa disposition. Les Français préfèrent, d’une manière générale, que la justice aille plus vite. La proximité par les nouvelles technologies le permettra, ne serait-ce que grâce à la communication de pièces par Internet. Cela facilitera aussi le travail des avocats.

La justice sera plus rapide grâce aux nouvelles technologies, au regroupement des moyens et à l’identification de nouvelles demandes. Il y a quinze ans, on ne parlait pas de l’accès au droit. Or il est désormais inscrit dans le budget.

La réforme générera-t-elle des économies ? Ce n’est pas son objectif premier mais ce sera forcément l’une de ses conséquences. Les nouvelles technologies vont améliorer les conditions de travail des fonctionnaires et des greffiers. Ils passeront moins de temps à faire des photocopies ou des recherches dans les archives. On doit savoir que, dans un tribunal, il faut plus de deux jours pour retrouver un dossier. La numérisation et la dématérialisation permettront de gagner du temps, ce qui entraînera forcément, à terme, des économies.

Les études d’impact existent par défaut, ne serait-ce que par le programme immobilier. De nombreuses juridictions ne sont pas aux normes. Avec ou sans la carte, la justice a un problème immobilier. Cela impose de louer et d’étendre les locaux quand c’est nécessaire, ou de regrouper quand c’est possible, car des sites ne sont pas remplis à plein.

Le coût immobilier lié à la réforme de la carte judiciaire est estimé à 500 millions d’euros sur six ans.

Les mesures phares de la réforme sont l’accès au droit et l’accès au juge, ces deux réalités étant bien identifiées. Le point d’accès au droit permettra d’obtenir des renseignements sur la conduite à tenir en cas de litige. Les TGI n’ont quasiment pas été touchés et ceux qui l’ont été deviennent des tribunaux d’instance renforcés, c’est-à-dire dont on renforce la proximité.

Des services nouveaux seront proposés dans les maisons de justice et du droit où l’on pourra déposer une requête TGI, une demande de divorce, par exemple.

La demande d’informatisation date de 1999 sans que, jusqu’à présent, il y ait eu des avancées significatives. Alors qu’il est possible d’acheter un billet de train sur Internet, il n’existe toujours pas de connexions compatibles entre deux TGI dans le ressort d’une même cour d’appel. Les TGI d’Evry et de Paris, par exemple, n’ont pas des logiciels compatibles. Angoulême, qui a été promu site pilote, donne une idée de la transformation qui sera opérée à partir du 1er janvier 2008 quand les nouvelles technologies seront introduites dans toutes les juridictions.

Des mesures d’accompagnement sont prévues, à hauteur de 20 millions d’euros pour les avocats, ce chiffre constituant la fourchette haute de l’estimation, et de 30 millions pour les fonctionnaires. Pour l’année prochaine, 1,5 million d’euros ont d’ores et déjà été provisionnés.

M. Bernard Lesterlin s’est félicité que la délégation ait pris l’initiative de ce rapport d’information. Il est par ailleurs heureux que Mme la garde des sceaux expose devant la représentation nationale les grandes lignes de son projet. En tant que représentant du groupe socialiste, radical et citoyen, il a rendu hommage au travail accompli par M. Max Roustan et s’est réjoui d’avoir pu participer aux auditions du rapporteur.

Les représentants de la nation exercent aujourd’hui quelques unes de leurs missions fondamentales : le contrôle de l’exécutif, le respect du bon fonctionnement des services publics et le souci de l’aménagement du territoire.

Il a relevé que la période était propice aux innovations juridiques de toutes sortes : outre que certains divorces pourront être prononcés devant notaires, que reste-t-il du respect de la hiérarchie des normes juridiques dès lors que la loi, en l’occurrence, viendra en application d’un décret - dont la publication est par ailleurs imminente - concernant la carte judiciaire ? De même, quid des « tribunaux d’instance renforcés » et du « tribunal de première instance » outre-mer ? Le périmètre de compétence des juridictions ne relève-t-il pas toujours de la loi ? Le rapport de M. Roustan et le débat parlementaire devraient permettre d’éclairer ces questions. Quelle sera la teneur de ce projet de loi ? Quand sera-t-il soumis au Parlement ?

S’agissant des mesures d’accompagnement, les chiffres donnés sont-ils définitivement arrêtés ? Qu’est-ce qui, précisément, sera financé, notamment en matière d’accompagnement social des personnels ? Où en est l’étude d’impact de la réforme de la carte judiciaire ? Quand sera-t-elle rendue publique ? Quel budget, enfin, sera dédié à l’immobilier ?

M. André Chassaigne a salué le travail de la délégation et de M. Max Roustan, son rapport étant indispensable, mais également, même s’il n’en partage pas les grandes lignes, la présentation très précise que vient de faire la ministre.

Des décisions de fermeture de tribunaux d’instance ont été prises, notamment concernant celui d’Ambert dans le Puy-de-Dôme. Or, l’isolement des zones de montagne n’a pas été pris en compte, non plus que l’éloignement de Thiers où le tribunal est certes maintenu, ce qu’il convient d’ailleurs de saluer. En quoi consiste exactement la justice foraine, notamment dans le cadre des affaires familiales et des tutelles, dans des zones rurales isolées dont la population est souvent âgée et parfois handicapée ? Le juge se déplacera-t-il ? Des permanences seront-elles assurées ? Les tribunaux d’instance abritent aussi les tribunaux paritaires des baux ruraux, pour lesquels le projet de loi sur la valorisation des produits agricoles adopté hier a prolongé le mandat des assesseurs jusqu’en 2010. Ces assesseurs sont souvent des agriculteurs âgés. Qu’est-il prévu pour les tribunaux paritaires des baux ruraux ?

Mme la garde des sceaux a noté que les audiences y sont peu nombreuses.

M. André Chassaigne en a convenu.

Il a ensuite indiqué qu’une liste de 63 conseils des prud’hommes susceptibles d’être supprimés avait été publiée au Journal Officiel et qu’une période de trois mois de concertations conduites par les préfets est désormais ouverte. Les communes, de même que les conseils généraux et les chambres de commerce, les organisations professionnelles et syndicales seront consultés : comment leurs avis seront-ils pris en compte ?

Le tribunal d’instance étant maintenu, la suppression du conseil des prud’hommes de Thiers, par exemple, est d’autant plus regrettable qu’aucun problème de coût ne se posait et que c’était un tribunal rapide : traitement des dossiers en six mois au lieu d’un an en moyenne et très faibles taux d’appels. L’ensemble des parties concernées, du MEDEF à la CGT, demande d’ailleurs son maintien. Les préfets, dans le cadre de la concertation, disposeront-ils d’une marge de manœuvre ? Un dialogue s’est-t-il engagé entre la chancellerie et le ministère du travail, qui est concerné au premier chef ?

Mme Françoise Hostalier a rappelé que la justice, comme l’éducation, n’allait pas bien. Par sa technicité et son fonctionnement, elle est trop éloignée des Français. Une grande réforme, aurait été nécessaire, mais ce ne sera pas le cas puisque le Gouvernement se contente d’ouvrir ou de fermer des tribunaux.

Il aurait été de même essentiel de mener une véritable réflexion sur l’aménagement du territoire. Elle a rappelé qu’elle avait fait des propositions visant à modifier le ressort de certains tribunaux dans le département du Nord et qu’il lui a été répondu que ce n’était pas à l’ordre du jour.

Il serait par ailleurs aisé de s’inscrire en faux contre les arguments de Mme la garde des sceaux visant à justifier la nouvelle carte judiciaire. La Voix du Nord rapporte ce matin que dix mois de prison avec sursis ont été requis au tribunal d’Hazebrouck contre des trafiquants d’Ecstasy interpellés en septembre. Cette procédure aura donc été rapide puisqu’elle n’aura duré que trois mois. Dans la nuit de mardi à mercredi, deux personnes ont été arrêtées pour trafic d’héroïne et de cocaïnes. Elles seront convoquées au tribunal le 29 janvier, soit 48 jours après. Et ce tribunal sera supprimé !

Quid de la notion de tribunal d’instance renforcé ? En quoi consistera la mission confiée à M. Guinchard ? En cas de nouvelles mesures, les parlementaires seront-ils mis à nouveau devant le fait accompli ?

M. Jean-Michel Clément a considéré que ce projet était une occasion manquée, tous les professionnels étant par ailleurs conscients des disparités de fonctionnement de l’institution judiciaire entre les différents départements.

Mme la garde des sceaux a indiqué qu’il faudrait apprécier la nature des demandes de justice avant de mettre en place l’organisation susceptible d’y répondre. Nombre d’élus se sont engagés dans un travail de réflexion en ce sens qui n’a pu hélas aller à son terme. Il faut espérer que la mission confiée à M. Guinchard s’appuiera sur ce travail qui se poursuit et qu’une réflexion sera menée sur la manière pour les justiciables d’accéder au droit.

Les deux tribunaux d’instance de sa circonscription ayant été supprimés, il a rappelé que 112 communes allaient ainsi être privées d’un accès au droit. Une réponse possible à cette situation serait la mise en place d’un point d’accès au droit ou d’une maison de justice et du droit, mais quels en seront les contours ? Quels moyens y seront affectés ? Face aux demandes de la population, les collectivités locales ne sont-elles pas contraintes de s’impliquer pour faciliter cet accès au droit ? Dans ce cas, une augmentation de la dotation globale de fonctionnement s’imposerait. En soi, la création de maisons de justice et du droit peut être légitime et correspondre à une notion moderne d’accès à la justice adaptée à certains de nos territoires : si le tribunal de Forcalquier n’a plus d’affaires à traiter, rien ne justifie son maintien. Mais encore faut-il que ce soit ceux qui ont vocation à financer ces structures qui les financent.

Si les tribunaux paritaires de baux ruraux traitent en effet peu d’affaires et s’il est donc normal d’en repenser l’organisation, il est en revanche dommageable de ne pas avoir pris le temps de la réflexion.

Il faut espérer qu’une justice accessible, rapide, de qualité et économe permettra de satisfaire les attentes légitimes des Français.

Mme la garde des sceaux a rappelé que la réflexion sur l’évolution de la procédure de divorce n’était pas nouvelle, comme en atteste par exemple l’excellent rapport sur les contentieux familiaux de la sociologue Irène Théry, qui avait déjà préconisé le non recours au juge dans le cadre du divorce par consentement mutuel. Une réflexion aura lieu à ce propos dans le cadre du groupe de travail qui sera mis en place sur la répartition des contentieux. Cela n’exclut pas la possibilité d’accéder à un avocat, même en cas de recours à un notaire, et le juge, bien entendu, pourra toujours intervenir si une partie estime avoir été lésée. Une telle mesure permettrait de libérer des fonctionnaires, des greffiers et des magistrats pour juger d’affaires plus graves.

La réforme de la carte judiciaire sera en effet effectuée par décret. Elle a rappelé qu’elle n’avait pas demandé aux chefs de cours, dans son discours liminaire du 27 juin dernier, de limiter le champ de la concertation à la seule dimension géographique de la réforme mais qu’elle leur avait au contraire laissé une grande liberté en la matière. Il était donc possible de commencer à examiner la question des contentieux ou de proposer la création d’un tribunal de première instance (TPI). Or il n’y a pas eu de consensus : les parties sont d’accord sur le principe, mais pas sur les modalités pratiques.

Par ailleurs, la création de TPI, voulue à l’époque par Henri Nallet, qui regrouperaient toutes les juridictions, suppose la disparition des tribunaux d’instance en tant que structures autonomes. De même, il n’y a pas eu de consensus s’agissant des redécoupages de ressorts. Certains élus, tout comme les barreaux, sont hostiles à des redécoupages. La réforme de la carte judiciaire n’est certes pas révolutionnaire, mais son impact est important sur de nombreux corps dont les intérêts divergent.

M. Bernard Lesterlin a rappelé que rien n’obligeait à avoir un TPI par département, même si l’UMP le préconisait.

Mme la garde des sceaux a précisé que le Président de la République s’était engagé à ce qu’il y ait un tribunal de grande instance par département, tout en maintenant les tribunaux d’instance. Cette structure ne disparaissait pas, ce qui n’est pas le cas avec un tribunal de première instance.

Il n’y a pas eu non plus de consensus sur les compétences des juridictions. Dans ces conditions, le groupe de travail, composé de techniciens du droit et de magistrats, est particulièrement nécessaire.

En réponse aux inquiétudes de M. Chassaigne sur le traitement des affaires familiales en zone de montagne, elle a rappelé qu’elles ne relevaient pas aujourd’hui des contentieux attribués au tribunal d’instance mais aux TGI. Peut-être que, dans le cadre d’une redéfinition de la répartition de ces contentieux, certaines questions liées aux enfants – réévaluation d’une pension alimentaire, réaménagement mineur du droit de garde – pourraient-elles en revanche relever des tribunaux d’instance? Une nouvelle loi le déterminera.

M. Clément s’est quant à lui inquiété de l’accès au droit alors que des tribunaux d’instance renforcés sont créés. Lorsque des TGI sont regroupés, ces TI renforcés permettront de maintenir sur place le contentieux des affaires familiales grâce à la tenue d’audiences foraines, faute actuellement d’un support législatif, lequel ne pourra être effectif avant la remise des conclusions du groupe de travail.

A titre personnel, elle a estimé qu’il n’allait pas de soi que la loi confie la totalité des affaires familiales aux tribunaux d’instance, compte tenu des enjeux de protection des femmes et des enfants notamment.

Mme Françoise Hostalier a demandé pourquoi, dans ces conditions, il n’était pas possible d’adopter une loi avant de réformer par décret. Comment comprendre le processus consistant à ouvrir des juridictions, à en fermer d’autres ou à en maintenir sous forme expérimentale à travers des audiences foraines alors que la loi bouleversera peut être encore la donne ?

Mme la garde des sceaux a rappelé que les affaires familiales sont aujourd’hui de la compétence du TGI. Elles seront maintenues là où le TGI sera transformé en tribunal d’instance renforcé. Ultérieurement, la loi redéfinira le contentieux de proximité s’agissant des affaires familiales et elle attribuera par exemple les questions de garde d’enfants ou de réévaluation de pension aux tribunaux d’instance, même non renforcés. Mais s’il est décidé qu’un divorce un peu conflictuel continue à relever du TGI, l’audience foraine permettra de le maintenir dans le tribunal d’instance renforcé, d’où la nécessité de conserver les audiences foraines comme outils de la proximité.

L’étude d’impact a surtout une implication en matière d’immobilier, dont on sait combien il est dégradé. Il aurait donc été nécessaire d’agir même sans la réforme de la carte judiciaire : à Bobigny, la location de nouveaux locaux était indispensable, avec ou sans la réforme.

La ministre a ensuite répondu à M. Chassaigne que, pour le pays d’Ambert, il y a deux fonctionnaires mais pas de magistrat, en dehors de celui qui vient très ponctuellement en fonction des affaires. S’agissant des tutelles, le code de procédure civile permet déjà d’avoir des audiences à l’hôpital, dans les établissements spécialisés, dans les maisons de retraite voire à domicile. Cependant, lorsqu’il n’y a qu’un seul magistrat dans un tribunal d’instance, il est bien évident qu’il ne peut pas procéder quotidiennement à de telles audiences, tout simplement parce qu’il gère la juridiction, parce qu’il a d’autres contentieux et parce que, comme il n’est pas occupé à plein temps par ses fonctions juridictionnelles, il assume d’autres tâches qui ne sont normalement pas dévolues au juge.

Dans le cas d’Ambert, où il n’y a pas de magistrat affecté, le rattachement au tribunal de Thiers permettra, puisqu’il n’y aura pas de suppression de moyens, de disposer de deux magistrats à plein temps, dont l’un pourra bien davantage s’occuper des tutelles. En la matière, l’essentiel n’est pas le suivi de la mesure, qui est surtout assuré par les greffes, mais son ouverture qui permet de protéger les biens et les intérêts des personnes. Pour le suivi, il pourra y avoir sur place soit un point d’accès au droit, soit un greffier se déplaçant ponctuellement.

Aujourd’hui, le magistrat se déplace déjà, mais il le fait peu car il est seul, et quand il est en congé, la justice n’est pas assurée. Dès lors que deux ou trois magistrats seront regroupés, il y en aura toujours au moins un qui pourra se consacrer aux tutelles. On voit bien que la réflexion engagée suppose de bien connaître le fonctionnement de la justice.

La justice foraine existe déjà : c’est une organisation qui est dévolue au chef de cour. Dès lors qu’il disposera de trois magistrats, il pourra bien mieux gérer les ressources humaines.

Pour les baux ruraux, les magistrats se déplacent pour l’essentiel sur le terrain, mais il y a très peu d’affaires : sept en 2005 et trois en 2006 à Ambert.

La majorité des affaires relevant aujourd’hui de la compétence du juge d’instance ont trait aux tutelles. Il n’y a pas de comparution des personnes en matière de consommation et de surendettement, pour lequel on se contente de déposer un dossier. Il conviendra d’ailleurs que le groupe de travail se demande si l’intervention d’un juge est vraiment nécessaire en matière de surendettement pour appliquer un barème permettant de décider d’un plan d’apurement.

M. André Chassaigne a fait observer que, le temps d’attente étant fort long en raison du manque de disponibilité des juges, on laissait en fait les personnes s’enfoncer dans les difficultés.

Mme la garde des sceaux a répondu que, dans les tribunaux d’instance, on attendait que le magistrat vienne signer des plans de surendettement. A-t-on vraiment besoin d’un magistrat pour cela, d’autant que l’on reçoit le plan de surendettement par la poste, que le juge ne reçoit pas et qu’il n’y a pas de déplacement au greffe. Il ne faut donc pas se tromper sur ce qui se passe vraiment dans les tribunaux d’instance.

Le nombre de conseillers prud’homaux ne diminue pas, mais une mutualisation est nécessaire car, si on peut bien traiter cinq affaires, ce n’est évidemment pas le cas quand il y en a trois cents. Et le taux d’appel n’est pas un critère car, en la matière, l’appel ressemble souvent à un petit arrangement entre amis.

S’agissant de la concertation, la remise en cause intervient vraiment à la marge. Une concertation tripartite a déjà été menée entre les centrales syndicales nationales et les ministères de la justice et du travail. Les syndicats ont trouvé un terrain d’entente : le nombre des conseillers n’a pas diminué, mais les sections ont été rééquilibrées au profit des services afin de tenir compte de la diminution du poids de l’industrie. A Thiers, les 32 conseillers traitent chacun en moyenne cinq affaires par an.

C’est à tort que Mme Hostalier considère que l’on a raté la grande réforme de la justice. Simplement, on a commencé par les implantations. Tout figurait déjà dans le discours du 27 juin : les périmètres des contentieux, les ressorts, les redécoupages. Pour sa part, la ministre aurait souhaité que l’on fasse tout dès maintenant et que l’on prenne pour cela plus de temps, mais il n’a pas été possible de trouver un terrain d’entente sur la création des TPI ou sur le redécoupage des ressorts. Elle a laissé une liberté totale aux chefs de cours.

La grande réforme de la justice, ne sera pas faite que d’ouvertures et de fermetures ; il faudra opérer une véritable réorganisation. Il faut être conscient que le service public de la justice n’est pas un service public comme les autres : on ne demande pas de la justice comme on demande des soins ou des écoles ; quand on a besoin de justice il faut que ce besoin soit satisfait rapidement.

Il est bien évident que le TGI d’Hazebrouck peut juger rapidement dans la mesure où il traite très peu d’affaires au pénal. Dans cette région, les courtes peines sont très peu exécutées. Quant un parquet comme celui-ci a un procureur, un substitut, très peu de juges du siège, pas de juge pour enfants, il est impossible d’y procéder à une comparution immédiate. Or il est très dommageable de renvoyer à trois mois une affaire d’ecstasy ou d’héroïne, qui apporte un trouble grave à l’ordre public. Ce qui est important s’agissant d’un TGI, c’est le pénal, et ce qui anime la réforme, c’est que l’on puisse procéder à des comparutions rapides et faire exécuter les mesures, tout simplement parce que le regroupement permettra de disposer des magistrats nécessaires, au parquet comme au siège.

Les bureaux d’exécution des peines, qui fonctionnent très bien là où il y a en a, seront généralisés. Il faut en la matière être cohérent : on ne peut pas affirmer une volonté de lutter contre la récidive et ne pas faire exécuter les sanctions. Or aujourd’hui, à Hazebrouck, on ne dispose pas des moyens nécessaires à l’exécution des peines. Et se sont bien les moyens au pénal qu’il faut renforcer : l’affaire d’Outreau a montré que c’est là que s’étaient produits les dysfonctionnements.

La proximité est d’ailleurs très liée aux délais : quand on a été agressé, on veut que l’agresseur soit rapidement jugé, qu’il rende des comptes avant de disparaître dans la nature et que la sanction soit exécutée. Or, toujours à Hazebrouck, au pénal le délai d’exécution des sanctions n’est pas extraordinaire.

Quand un juge d’instruction est seul et quand il n’y a que deux magistrats au siège et pas de juge pour enfants, ce qui est le cas à Hazebrouck, la délinquance des mineurs n’est pas traitée de la manière la plus efficace qui soit.

Par ailleurs, dans la mesure où le juge d’instruction ne peut pas siéger quand il a traité une affaire, dès lors qu’il n’y a que deux magistrats au siège, il est impossible de compléter la collégialité. Or Outreau a précisément montré la nécessité de la collégialité. On ne peut pas affirmer que les choses doivent changer après Outreau et s’accommoder du statu quo. La ministre a donc souhaité apporter une réponse et elle assume pleinement ses décisions car la sanction et son exécution sont essentielles à la protection de l’individu.

Prétendre que tout est ficelé à l’avance est excessif et nuit à la qualité de la discussion. La concertation a bien été organisée, mais elle s’est déroulée dans des conditions très difficiles. Il est facile d’affirmer que la ministre ne connaît pas les réalités du terrain, mais elle y est tous les jours et, avant d’opérer des choix, elle a regardé l’ensemble des schémas. Elle a ensuite pris ses responsabilités.

Il aurait en outre été impossible de revoir les implantations sans revoir les contentieux. En 1958, les affaires familiales se limitaient aux divorces et il y en avait très peu. Aujourd’hui, elles concernent bien plus les pensions alimentaires et la garde des enfants que les divorces proprement dits.

Pour en revenir à Hazebrouck, le nombre des affaires pénales est en baisse et il est inférieur à la moyenne nationale : 2 000 affaires par an, c’est fort peu. Mieux vaut avoir un vrai pôle pénal. Quant aux affaires civiles, elles sont constituées à 40 % d’affaires familiales, qui continueront à être traitées sur place.

S’agissant des contentieux, le groupe de travail va remettre les choses à plat avant que le Parlement ne se prononce. Il y a aujourd’hui de nouveaux contentieux comme celui de la consommation, qui est apparu à la suite de la loi Neiertz, mais qui est devenu très complexe avec l’intervention d’un grand nombre de directives européennes.

Il y a quinze ans, on ne parlait pas d’accès au droit. Or il est important pour les plus démunis de rappeler que l’accès au droit, qui va bien au-delà de l’accès au juge, ouvre l’accès à la citoyenneté. Est-il par exemple normal qu’une femme mariée de force ne connaisse pas son droit à divorcer et ses droits quant à ses enfants ? L’idée de renforcer l’accès aux droits élémentaires de l’individu est d’ailleurs également présente dans la réorganisation actuelle du ministère de la justice.

De nombreux travaux ont été conduits sur la réforme de la carte et sur les contentieux. Il existe bien des rapports sur l’accès au droit, sur l’accès au juge ou sur la demande de justice ; il fallait qu’à un moment donné la réforme intervienne effectivement.

Dans sa configuration actuelle, le tribunal d’instance n’est pas fait pour l’accès au droit et ce n’est d’ailleurs pas prévu par la loi. Cela sera en revanche possible dans le cadre des maisons de la justice et du droit, dont le contour est beaucoup plus large. Les MJD sont une vraie réussite et elles seront donc maintenues et même renforcées, grâce aux nouvelles technologies, des MJD de nouvelle génération étant appelées à être créées.

Répondant à une objection de M. Clément, la ministre a fait observer que la confidentialité était garantie par la présence d’un greffier dans les MJD et que les nouvelles technologies serviraient surtout à établir un lien entre les maisons et les tribunaux de grande instance, en particulier pour satisfaire la très importante demande de formulaires. Tel est bien le sens de la convention qui a été passée avec l’Association des maires de France.

M. Max Roustan a remercié la ministre, tout en soulignant qu’il eût été préférable que cette réunion fût organisée au début du travail de la délégation, ce qui aurait permis de répondre à bien des interrogations et peut-être d’atténuer certaines rancoeurs.

Mme la garde des sceaux a répondu qu’elle avait dès l’origine rencontré un grand nombre d’élus et que ses propos avaient souvent été mal rapportés. Elle a en outre constaté que certains élus avaient beaucoup protesté, tout en tardant à faire eux-mêmes des propositions, qui ont finalement été acceptées.