Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire

Mardi 15 avril 2008

Séance de 17 heures 45

Compte rendu n° 15

Présidence de M. Christian Jacob Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Alain Rousset, président de l’Association des Régions de France, sur l’exécution des contrats de projet Etat-Région et sur la couverture numérique du territoire

Le Président Christian Jacob a remercié M. Alain Rousset d’avoir répondu à l’invitation de la délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire, qui a notamment pour mission d’assurer l’information du Parlement sur la mise en oeuvre des contrats de plan État-régions (CPER) en vertu de la loi du 25 juin 1999. La couverture numérique du territoire, autre thème de cette audition, constitue également l’un des axes de travail privilégiés de la délégation depuis sa création.

C’est pourquoi la délégation a souhaité savoir :

- Si les conditions de lancement des nouveaux contrats de projets Etat-régions apparaissaient satisfaisantes aux régions, compte tenu notamment de la réévaluation des financements apportés par l’Etat par rapport aux mandats de négociation initiaux des préfets ?

- Ce qu’il en était de l’évaluation de l’exécution de l’ancienne génération de contrats de plans, sachant que des divergences entre les données des régions, de la DIACT et des différentes administrations de l’Etat ont été souvent constatées en cours de programmation? Le recours au logiciel Présage, déjà utilisé pour les fonds européens, peut-il faciliter ce suivi pour les nouveaux contrats en cours, en permettant d’harmonisant ces données? Son déploiement est-il envisagé au sein des conseils régionaux ?

- Si les nouveaux contrats de projets respectaient davantage que les anciens contrats de plan les compétences respectives de l’Etat et des collectivités territoriales ? Les actions retenues dans ce cadre correspondent-elles bien à des investissements relevant de compétences partagées ?

- Si le resserrement des contrats de plan, notamment sur la compétitivité, l’attractivité du territoire, l’environnement ou la cohésion sociale, thèmes similaires à ceux retenus pour le ciblage des fonds structurels, a été un facteur de blocage ou s’il a permis aux régions de se concentrer sur des sujets d’importance ?

- Quel bilan peut-on tirer des actions mises en œuvre pour améliorer la couverture numérique du territoire, et notamment des solutions préconisées par l’Association des Régions de France (ARF) pour résorber les zones blanches, ainsi que des délégations faites aux départements par les régions pour les licences Wimax?

M. Alain Rousset a tout d’abord sollicité la bienveillance des membres de la délégation, car il n’est pas aisé de dresser un état chiffré des contrats de plan, un an après leur adoption. Les crédits délégués correspondent à des crédits d’étude pour analyser des opérations de recherche ou d’amélioration de l’infrastructure ferroviaire et l’Etat étant en difficulté financière, il n’a délégué dans de nombreuses régions qu’un tiers des crédits sur certaines opérations de la précédente génération, ce qui entraîne un décalage. Porter un jugement aujourd’hui sur les nouvelles orientations des contrats de projets serait donc injuste, sachant que la première phase est essentiellement une phase de montée en puissance.

Le resserrement de ces contrats autour d’un certain nombre d’objectifs est positif. Chaque région, bien évidemment, agit en fonction de ses besoins, c’est le sens même de la décentralisation. Ainsi, le Nord-Pas-de-Calais travaillera davantage sur la cohésion sociale que la région Midi-Pyrénées ou l’Aquitaine qui concentreront plutôt leurs efforts sur le ferroviaire.

Cela étant, les infrastructures ferroviaires et la recherche-développement et l’innovation sont systématiquement les deux grands postes des CPER car, depuis de nombreuses années, les régions interviennent conjointement avec l’Etat dans la recherche et les universités. S’agissant du fer, l’état des infrastructures est tel, surtout dans le sud, que les régions ont pris conscience qu’il n’était pas possible de moderniser les transports en TER sans d’abord travailler sur les voies.

Les contrats de projet sont bien un exercice de compétences partagées, mais les régions sont critiques, car il reste plutôt un schéma étatique, les régions ne faisant que s’y greffer. Ainsi, la loi n’ouvre pas la compétence universitaire aux régions, non plus que la compétence du logement étudiant ou de la recherche. Elle n’oblige pas non plus les régions à régénérer les voies, mais à défaut, beaucoup fermeraient.

Les queues d’opérations de contrats de plan précédents posent un autre problème, notamment en matière d’infrastructures routières où les régions sont souvent contraintes d’avancer l’argent pour permettre la réalisation des opérations. La plupart des contrats de projet, aujourd’hui, n’intègrent plus le routier. A deux exceptions près, les régions ont réorienté la totalité de leur financement correspondant sur le fer, qui est devenu le principal poste. L’étude de l’école polytechnique de Lausanne a en effet montré que la régénération de notre réseau ferré était une priorité et nécessitait des investissements colossaux.

Les crédits européens posent également question : Si Etat et régions s’accordent sur la cohérence entre la durée des CPER et celle des programmes opérationnels, il reste un débat de nature institutionnelle sur la personne morale à désigner comme autorité de gestion. Les nouveaux contrats de projets, resserrés autour des objectifs de compétitivité, d’environnement, de mobilité, d’écologie, rejoignent les orientations des fonds européens et de la stratégie de Lisbonne. Les régions assurent souvent la contrepartie nationale aux fonds européens. Faut-il deux instructions pour un même dossier ? Les conseils régionaux ont bataillé pour pouvoir gérer une partie de ces fonds européens. Le gouvernement précédent les a autorisées à en gérer jusqu’à la moitié sous la forme de subvention globale, souvent dans les domaines de la compétitivité, de la recherche ou des transferts de technologie. Un instructeur unique permet d’abréger les délais de paiement et d’instruction, qui étaient un des gros problèmes de la France jusqu’à la refonte des procédures initiée par le gouvernement Raffarin, les dossiers européens étant alors instruits en 24 mois, contre 6 en Europe du Nord.

La problématique de montée en puissance est la même pour les crédits européens mais, à la différence des CPER, ceux-ci peuvent faire l’objet d’un dégagement d’office au bout de trois ans s’ils ne sont pas consommés.

Enfin, s’agissant des nouveaux contrats de projets Etat-régions, il faut encore souligner que la phase de signature des conventions n’est pas terminée pour toutes les lignes, chaque ligne opérationnelle supposant la signature d’une convention d’exécution. Alors que les précédents contrats de plan avaient été négociés pendant un an, voire un an et demi, ce qui avait permis d’y associer les départements et les agglomérations, il n’a pas été possible cette fois-ci d’associer les autres collectivités locales au détail du montage financier des nouveaux contrats de projets en amont, ce qui peut parfois entraîner un certain retard.

Quant aux clés de répartition, l’on ne peut donner de chiffres précis tant que les conventions d’application ne sont pas toutes signées.

Le Président Christian Jacob ayant demandé si le resserrement des objectifs avait été bien perçu par toutes les parties, M. Alain Rousset a répondu que les départements avaient critiqué le fait que la partie aménagement du territoire et développement rural n’ait pas fait l’objet d’une deuxième phase de négociation, alors qu’il en avait été convenu avec le gouvernement Villepin.

Les territoires ruraux ont pu avoir le sentiment que l’objectif de compétitivité supposait l’attribution de crédits aux zones urbaines pour la recherche et l’industrie.

Les contrats de plan sont un élément de régulation des compétences entre l’Etat et la région, ils permettent de surcroît de raccourcir les décisions publiques, en obligeant les partenaires à se mettre d’accord sur une liste d’opérations.

M. Philippe Vigier, se souvenant de taux d’exécution très médiocres des précédents contrats de plan par rapport à des programmations initiales volontairement très ambitieuses par effet d’affichage, a salué le resserrement des objectifs des CPER et la concordance de la durée de ces derniers avec les crédits européens.

Il a par ailleurs dénoncé le retard important pris par certains projets des CPER 2000-2006, notamment pour la recherche ou les universités, ce qui pose un problème de coût.

S’agissant des fonds européens, la déclinaison régionale des programmes dans le cadre des fonds FEDER est extrêmement compliquée, bien plus que dans les autres pays de l’Union : les négociations se déroulent tout d’abord au niveau de l’Etat, puis des régions, entre lesquelles les critères diffèrent. Beaucoup de temps a été perdu, ce qui peut entraîner des dégagements d’office.

Concernant les routes, les opérations inscrites dans les anciens contrats de plan ont pris du retard et l’on se retrouve aujourd’hui avec des queues de programme qui vont durer trois ou quatre ans. Non seulement il faut les financer, mais il avait été annoncé en 2007 un plan spécifique routier – des contrats d’itinéraire – qui est resté lettre morte. Où en est-on quinze mois après ? Des projets sont depuis bloqués, faute de financement.

Le Président Christian Jacob a précisé que les contrats d’itinéraire avaient également été bloqués dans le cadre du Grenelle de l’environnement.

M. Jean Proriol a rappelé que le gouvernement avait aussi prolongé de deux ans le financement des opérations routières des anciens contrats de plan, mais qu’aujourd’hui, les départements et les régions étaient dans l’attente.

M. Alain Rousset a confirmé que les routes étaient sorties du champ des CPER et qu’il avait bien été négocié avec l’Etat que le programme routier décidé en 2000 serait achevé. Il convient de ne pas juger trop sévèrement les contrats de plan dont les taux d’exécution, aux environs de 70%, sont bien meilleurs que ceux des autres crédits inscrits en loi de finances, des programmes pluriannuels de l’Etat, notamment en matière de défense, ou des budgets des collectivités territoriales.

M. Philippe Vigier ayant relevé que, sur la part région, le taux d’exécution atteignait parfois 90%, M. Alain Rousset a confirmé que les régions avaient avancé énormément d’argent dans les domaines de la recherche, des universités ou des routes et parfois pris en charge la totalité des surcoûts.

M. Philippe Vigier a répété qu’il ne formulait pas de critique, et que le resserrement était une bonne mesure. En revanche, en région Centre, l’erreur a été commise de déconnecter les volets territoriaux de la signature du contrat de projet lui-même. Un an après, les agglomérations, les départements qui pouvaient signer ne sont plus complètement en état de le faire, alors que ces volets territoriaux sont le seul moyen d’apporter localement un peu d’oxygène.

Il a ajouté que pour pallier les insuffisances de l’ADSL, il a souhaité développer dans sa région la boucle locale radio, qui présente de nombreux avantages et ne coûte pas cher. Il s’est cependant heurté à l’article 221 du règlement FEDER qui impose un caractère innovant. Il convient en l’espèce de ne pas rajouter de la complexité à la complexité. Pour améliorer la réactivité et éviter que les crédits européens ne fassent l’objet d’un dégagement d’office, il serait sans doute préférable de confier le pilotage aux régions, un copilotage étant facteur de blocage.

Enfin, en matière de cohésion sociale, notamment en ce qui concerne les problèmes liés aux maisons de retraite et à la désertification médicale, les crédits régionaux ne sont pas suffisants.

M. Jacques Le Nay a rappelé que l’exécution des contrats de plan avait toujours débuté par une sous-consommation des crédits, du fait de la période de réflexion et d’étude. Ce n’est que dans la seconde partie que les crédits sont essentiellement consommés.

Les régions ont souvent délégué les licences Wimax pour le numérique aux départements, mais dans son département, 4500 foyers, sur 270 000, ne sont pas desservis. Le département a finalement opté pour la fibre optique, ce qui permettra de desservir sous trois ans la quasi-totalité de ces 4500 foyers, mais il faudra alors trouver, grâce aux fonds européens, aux fonds de l’Etat et aux fonds des collectivités, une autre technologie pour équiper les derniers villages.

M. Alain Rousset a expliqué que les régions, comme la Bretagne, délèguent aux départements les travaux de couverture en réseau haut débit, soit sur appel d’offre, soit en conventionnement avec France Télécom. L’Aquitaine, la Gironde et les Pyrénées-Atlantiques fonctionnent sur appel d’offres et avec un opérateur privé alors que la Dordogne travaille plutôt avec l’opérateur historique. La région participe systématiquement au financement. Sa région, comme six autres, a obtenu la licence Wimax, et l’a déléguée aux départements. Mais le Wimax ne fonctionne pas, en raison d’un problème technologique.

Il faut lancer un plan d’urgence pour couvrir la France en haut débit, aussi bien pour des raisons d’aménagement du territoire, que parce que la plupart des PME sont en zone rurale et ont besoin du haut débit pour commercer, sans parler du télétravail ou de la télémédecine, qui permet de pallier la baisse du nombre de médecins dans certaines zones et la fermeture de plus en plus d’hôpitaux à la campagne.

Malheureusement, l’État n’intervient plus en matière de haut débit, sauf par fléchage d’une partie des crédits FEDER. A l’initiative de l’État et des régions, des sortes de centres de ressources ou observatoires ont été créés pour analyser la vacance territoriale des zones haut débit. Il serait souhaitable qu’il en existe un dans chaque région, car il est très difficile de dresser un état des lieux précis. Seul l’opérateur historique connaît l’état du réseau, mais il refuse de communiquer ses informations.

Par rapport à des critères de couverture numérique du territoire, à l’utilisation des fonds européens, à des objectifs économiques de santé ou sociaux, il faudrait avancer plus vite. Les régions, dans ce domaine, ne souhaitent pas forcément être opérateurs, les départements pouvant assurer la couverture haut débit de leur territoire, jusqu’à la dernière ferme ou la dernière entreprise, et les régions porter la dorsale régionale.

M. Alain Rousset a par ailleurs insisté sur l’utilité du contrat de plan, compte tenu de l’organisation institutionnelle actuelle de la France où personne ne sait qui fait quoi. C’est un bon outil de régulation et de préparation des dossiers, mais il faudrait se doter d’un guide de bonne conduite à long terme, notamment pour ménager des crédits d’étude non seulement en début mais aussi en fin de contrat de plan afin de préparer le contrat suivant. Il est également souhaitable de conserver le côté resserré des contrats de plan, en cohérence avec les fonds européens et de se donner le temps de la négociation, car c’est du temps gagné sur l’exécution. Malheureusement, le gouvernement Villepin a souhaité aller très vite sur les contrats de projets et les temps de discussion ont été presque divisés par deux.

Il serait souhaitable aussi que sur le volet des universités et de la recherche et sur celui du transfert des technologies, les rôles soient précisés. Aujourd’hui, de nombreux éléments inscrits dans les contrats de plan pourraient être délégués aux collectivités locales, comme les bâtiments universitaires.

A M. Jean Proriol qui a posé la question du coût, M. Alain Rousset a répondu que si le gouvernement délègue les intérêts du placement EDF, les collectivités feront un meilleur travail sur les bâtiments universitaires que Bouygues, et sauront mieux gérer le logement étudiant.

Une autre piste pourrait être suivie, en adoptant, dans le cadre d’une décentralisation mieux définie, des schémas régionaux directifs. Cela signifierait certes que le niveau régional a une autorité sur les autres niveaux, mais il est regrettable qu’aujourd’hui, dans de nombreux domaines, comme le haut débit pourtant indispensable à la modernisation des territoires, l’on avance seulement en fonction des bonnes volontés des uns et des autres.

Il est vrai part ailleurs que les voies ferrées sont en train de subir le même sort que les routes nationales, mais il était difficile de faire autrement. Ainsi, entre Albi et Toulouse, entre Bordeaux et Sarlat, si la région ne pousse pas l’Etat à mobiliser des crédits avec RFF dans le CPER, les lignes sont fermées et remplacées par des bus.

Pour que la liaison grande vitesse Paris, Bordeaux, Tours, Toulouse ou Hendaye se mette en place, il faut que les régions payent la moitié de la part publique, ce qui ne représente pas moins d’1,5 milliard sur dix ans pour l’Aquitaine. Le système français reste jacobin : l’Etat veut continuer à tout piloter, mais les financements sont partagés. Ainsi, même si la voie entre Bordeaux et Bayonne est nationale, la région est obligée de financer l’amélioration des voies ferrées. Comment mieux répartir les compétences ?