Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire

Mercredi 16 avril 2008

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 16

Présidence de M. Christian Jacob Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Paul Champsaur, président de l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes (ARCEP) sur la couverture numérique du territoire

Après avoir souhaité la bienvenue à M. Paul Champsaur, le Président Christian Jacob a rappelé que la délégation à l’aménagement du territoire avait pris l’habitude d’auditionner régulièrement le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et que cette audition était la quatrième depuis la création de la délégation.

Il a d’abord demandé à M. Paul Champsaur de faire un point précis sur l’équipement numérique du territoire et sur les risques de fracture numérique, qui risquent de redevenir importants avec l’apparition du très haut débit. Il s’est notamment interrogé sur les modalités permettant de favoriser au mieux le développement de la fibre optique, compte tenu de l’importance des surcoûts induits par son déploiement. Il a également souhaité avoir des précisions sur la couverture en téléphonie mobile et interrogé le président de l’ARCEP sur les difficultés de couverture en Internet haut débit à partir de la technologie WIMAX, soulignées la veille devant la Délégation par M. Alain Rousset, président de l’Association des régions de France.

Par ailleurs, faute de pouvoir obtenir une information précise de la part des opérateurs sur le taux de couverture au niveau non pas global mais communal et infracommunal, les collectivités locales ne peuvent jouer leur rôle en matière de couverture numérique. L’Observatoire du haut débit, mis en place par l’ARCEP et la délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) dispose-t-il aujourd’hui de cette information détaillée ?

Enfin, quel bilan peut être tiré de l’intervention des collectivités locales en matière de couverture des zones blanches et de mise en concurrence des opérateurs ?

Après s’être félicité de la qualité des relations entretenues entre l’ARCEP et la Délégation, M. Paul Champsaur a tenu à souligner combien la prospective technologique et économique était délicate en matière de communications électroniques, secteur dans lequel la régulation, dont l’ARCEP a la charge, a pour principal objectif la mise en œuvre d'une concurrence effective permettant à une part de plus en plus grande de Français de bénéficier de nouveaux services à des tarifs compétitifs.

L’aménagement et la couverture numériques du territoire constituent aussi l’une des préoccupations majeures de l’ARCEP. L’attention qu’elle porte aux critères de couverture dans l’attribution des ressources en fréquences, ainsi qu’à l’intervention des collectivités territoriales en témoigne.

Réciproquement, la couverture du territoire n’est pas l’unique critère de l’aménagement numérique du territoire ; la progression de la concurrence sur les territoires en est aussi un indice significatif, dans la mesure où elle permet à une part de plus en plus importante de nos concitoyens de bénéficier de nouveaux services à des tarifs compétitifs.

C’est à la lumière de cette complémentarité que l’Autorité apprécie, par exemple, l’intervention des collectivités territoriales dans le secteur des communications électroniques. Cette intervention peut être jugée bénéfique à un double titre, dans la mesure où elle permet non seulement de favoriser la couverture des zones blanches, mais également d’apporter une offre concurrentielle là où celle-ci ne se serait pas déployée spontanément. Un tel résultat n'est pas sans conséquences sur le pouvoir d’achat et la qualité de vie des administrés, d’autant que les bénéfices de la concurrence par les infrastructures, notamment en termes de baisses tarifaires, se font ressentir au-delà des parties denses où elle s'exerce, en particulier sur le marché résidentiel. Quand France Télécom subit les effets de la concurrence en zone dense et baisse ses tarifs ou améliore ses prestations, ce sont tous les consommateurs, y compris ceux situés dans des zones qui ne sont couvertes que par l’opérateur historique, qui en profitent, dans la mesure où les opérateurs français sont des opérateurs nationaux pratiquant une politique commerciale unique sur l’ensemble du territoire.

Pour ce qui est du haut débit fixe, la France bénéficie désormais d'un taux d'équipement parmi les plus élevés d'Europe, grâce à la mise en œuvre effective du dégroupage qui a permis la concurrence et l’innovation sur l’ADSL. Ainsi comptait-elle, fin 2007, plus de 15 millions d'accès à Internet à haut débit, chiffre en progression de 22 % sur un an. Quant au dégroupage, c’est-à-dire la partie revenant aux concurrents de France Télécom, il représente près de la moitié des accès au haut débit, avec une augmentation de 26 % en 2007. Au total, le haut débit est aujourd'hui accessible à 98,3 % de la population en France, ce qui signifie a contrario que 550 000 foyers, soit 1,7 % de la population, sont équipés d’une ligne téléphonique qui est, certes, connectée à un répartiteur équipé pour fournir le haut débit, mais trop longue pour pouvoir bénéficier de ce dernier. Cette population résiduelle est très dispersée sur le territoire et peut même concerner des foyers en région parisienne.

Aucune solution évidente ne s’impose pour remédier à cette situation. Afin de couvrir ces zones blanches en haut débit fixe, plusieurs technologies sont potentiellement disponibles : ADSL, WIMAX, WIFI, satellite.

S'agissant de l'ADSL, France Télécom propose aux collectivités une solution dite NRA-ZO (nœud de raccordement des abonnés en zone d’ombre), qui permet, en remontant au statut de NRA des sous-répartiteurs téléphoniques, de raccourcir la distance entre les logements et l’équipement et de rendre ainsi éligibles à l’ADSL de nouvelles lignes, technique pour laquelle France Télécom a établi un seuil minimum de clientèle potentielle, soit 20 lignes inéligibles (10 ans dans les communes rurales). A la demande de L'ARCEP, France Télécom propose depuis juin 2007 une offre de gros permettant aux autres opérateurs, y compris aux délégataires des collectivités territoriales, de fournir la même prestation, ce qui doit permettre aux collectivités de mettre en concurrence les opérateurs et les technologies dans leurs appels d’offres. L’objectif est de rendre cette offre pleinement opérationnelle dans les meilleurs délais. Aujourd'hui, France Télécom utilise en effet cette offre pour concurrencer directement les initiatives des collectivités territoriales.

Pour ce qui est des fréquences WIMAX, dont l'attribution a eu lieu en 2006, le déploiement des réseaux est en cours et l'Autorité effectuera au 30 juin 2008 un premier contrôle des obligations de couverture des opérateurs, dont les résultats devraient être rendus publics au cours de l’été. L’ARCEP devra tenir compte de la maturité des technologies pour se prononcer. Les collectivités territoriales joueront un rôle important dans ce déploiement, soit parce qu'elles sont titulaires de fréquences, soit par le biais de délégations de service public établies avec les opérateurs disposant des fréquences.

Cela étant, la première technologie WIMAX (norme 802.16d) n’est pas au rendez-vous et tous les opérateurs ont préféré passer directement à la technologie suivante (norme 802.16e) qui permet d’utiliser les services en mobilité. Nulle part dans le monde n’existera donc de technologie WIMAX adaptée uniquement au haut débit fixe.

La couverture du territoire en haut débit montre, d'une part, que la concurrence est un puissant facteur d'aménagement du territoire, même si elle ne permet pas une couverture universelle, et d'autre part, que la couverture complète de la population, et non plus de 98,3 %, représente un coût potentiellement très élevé. En effet, c’est paradoxalement la concurrence en zone dense qui a incité France Télécom à équiper les répartiteurs plus petits des zones moins denses, zones dans lesquelles l’opérateur historique avait l’avantage d’être présent et de disposer de ses parts de marché les plus élevées.

La couverture du 1,7 % restant par les technologies terrestres – filaires (NRA-ZO) ou hertziennes (WIMAX, WIFI) – représente, selon les technologies, entre 300 et 900 millions d’euros de dépenses d'investissement, hors coût de fonctionnement.

Des solutions satellitaires beaucoup moins coûteuses émergent, permettant d’offrir du haut débit bas de gamme à 1 mégabit, là où la longueur des lignes empêche jusqu’à présent d’accéder au haut débit. Seul le coût des terminaux représente un surcoût pour l'utilisateur, encore que le paiement de l’intégralité des paraboles reviendrait, pour un intervenant public, beaucoup moins cher que d’autres techniques. Le satellite représente donc une solution complémentaire pour couvrir les zones non couvertes par les technologies terrestres et pour atteindre une couverture complète à moindre coût. C'est ainsi qu’une telle solution est utilisée dans le cadre du service universel en Suisse.

S’agissant du très haut débit fixe, le déploiement de la fibre optique jusqu'à l'abonné, qui s’étalera sur quinze ou vingt ans, représente un investissement considérable, permettant, dans une première étape, d’offrir un débit symétrique de 100 mégabits par seconde ainsi que de nouveaux services : TV haute définition, vidéo à la demande, etc. Le coût de ce déploiement représentera environ 1 milliard d'euros par an pendant les dix prochaines années. Comme le génie civil – creusement de tranchées et pose de fourreaux – représente une part importante de ce coût, les infrastructures existantes, appartenant pour l’essentiel à France Télécom, doivent être partagées entre les opérateurs. À la demande de l'ARCEP, France Télécom propose à ses concurrents une offre d'accès à ses fourreaux pour y déployer leurs propres réseaux de fibre, à des conditions techniques et tarifaires qui seront régulées d'ici l'été par l'Autorité. L’ARCEP ne régulerait donc plus que l’accès au génie civil et non plus – chaque opérateur étant propriétaire de sa fibre – les conditions d’accès au réseau, comme pour le réseau fil de cuivre de France Télécom.

Au problème posé par la partie horizontale – le génie civil – s’ajoute celui soulevé par la partie verticale ou terminale, c’est-à-dire le déploiement de la fibre dans les immeubles. Afin d’éviter que le premier opérateur qui intervient ne bénéficie d'un avantage concurrentiel, faute pour les autres de pouvoir déployer des réseaux sans occasionner des nuisances pour les propriétaires et les habitants, le projet de loi de modernisation de l'économie prévoit une mutualisation des déploiements sur la partie terminale des réseaux, qui fera l’objet d’une régulation. Il s’agira de mettre en place de façon inédite une régulation symétrique du déploiement des réseaux, la même obligation s’imposant à tout le monde, et les conditions techniques et financières d’accès étant convenues à l’avance et acceptées par tous. Ainsi pourra-t-on assurer un développement concurrentiel du marché, comparable à celui qui a permis le succès de l'ADSL grâce au dégroupage.

Depuis la loi pour la confiance dans l'économie numérique, adoptée en 2004, les collectivités territoriales peuvent intervenir en tant qu'opérateur de communications électroniques. C’est ainsi que l’on recense aujourd’hui quelque 300 projets, dont 86 majeurs, couvrant chacun plus de 60 000 habitants, pour un investissement cumulé de 1,4 milliard d’euros et plus de 20 000 kilomètres de réseau fibre. En matière d’équipement en haut débit, ce n'est pas l’équipement du répartiteur qui coûte cher, mais le réseau de fibre à mettre en place pour s’y connecter, qui représente un coût fixe indépendant du nombre de personnes desservies. Les collectivités locales se sont fortement impliquées dans le déploiement concurrentiel du haut débit en réalisant des réseaux de collectes qui permettent de faciliter le dégroupage. C'est ainsi que 37 % des répartiteurs dégroupés l'ont été grâce aux réseaux d'initiative publique.

Les collectivités investissent également pour couvrir les zones blanches du haut débit au moyen de la mise en œuvre de plusieurs technologies : NRA-ZO, WIMAX, WIFI, satellite. Enfin, elles s’intéressent depuis peu à la fibre dans la boucle locale, c’est-à-dire ce qui relie le logement au répartiteur, en facilitant le déploiement de la fibre par la mise à disposition de fourreaux ou en incitant les opérateurs à installer des fourreaux supplémentaires lors de leur implantation. Aussi est-il essentiel que les collectivités locales, qui doivent gérer les travaux de génie civil, aient une vision à moyen terme de la géographie de leur sous-sol, favorisant les investissements rendant plus facile l’arrivée d’opérateurs des télécommunications.

Le Président Christian Jacob a fait remarquer qu’il fallait que les autres opérateurs intervenant en matière d’eau, de gaz ou encore d’électricité acceptent cette utilisation des mêmes tranchées.

M. Paul Champsaur a reconnu que certains réseaux peuvent parfois très mal se prêter à l’ajout de fourreaux. Il a souligné l’importance de l’accès à l’information dans ce domaine. Une commune actuellement connaît assez mal son réseau.

Le Président Christian Jacob s’est demandé si l’ARCEP ne pouvait pas mettre à disposition des collectivités locales une information sur leurs réseaux, d’autant que la numérisation du cadastre, qui coûte déjà très cher à ces dernières, ne leur fournit pas pour autant un récolement des réseaux ? Il est agaçant pour les responsables de collectivités de devoir partager voire de supporter les coûts d’installation avec des opérateurs sans avoir connaissance des réseaux. Peu de villes de moins de 20 000 habitants disposent d’une numérisation de leurs réseaux.

M. Paul Champsaur a répondu que l’ARCEP était une trop petite institution pour gérer un système d’information géographique détaillé qui fournisse une description du sous-sol. Pour autant, les collectivités territoriales doivent, pour agir correctement, connaître les réseaux qui sont présents sur leurs territoires. C'est pourquoi le projet de loi sur la modernisation de l'économie prévoit que les opérateurs devront leur fournir, ainsi qu’à l’État, une description détaillée des réseaux implantés sur leur territoire.

Une autre préoccupation majeure de l'Autorité concerne la couverture des services de téléphonie mobile.

De par leur licence, les trois opérateurs mobiles ont une obligation de couverture GSM de 98 % de la population. Ils s’étaient ainsi engagés, dans le cadre d'une convention signée en 2003 et conformément à la loi pour la confiance dans l'économie numérique, à couvrir, avant le 31 décembre 2007, 3 000 communes en zones blanches identifiées par les préfets de région. Ce programme, piloté par le ministère en charge de l'aménagement du territoire et par la DIACT, a montré qu'il était possible de couvrir davantage de communes avec le même nombre – 2 200 – de sites radioélectriques. C'est pourquoi une troisième liste de communes est en cours de définition après les deux premières listes établies dans le cadre de la convention de 2003, ainsi qu’un calendrier supplémentaire de déploiement pour la couverture de ces nouvelles communes.

Pour sa part, l'Autorité a demandé aux opérateurs, début 2007, une plus grande transparence sur leur niveau de couverture afin de favoriser l'information des consommateurs et des collectivités territoriales et d'inciter au déploiement. La fiabilité des cartes de couverture ainsi publiées, et que chacun peut consulter, est vérifiée par des enquêtes de terrain par canton, qui ont concerné onze régions en 2007 – le même nombre le sera en 2008.

Enfin, la couverture des axes de transports prioritaires a fait l'objet d'une convention en février 2007 entre les opérateurs et le ministre en charge de l'aménagement du territoire. Les axes dont le trafic est supérieur à 5 000 véhicules par jour, ainsi que ceux reliant, dans chaque département, les sous-préfectures à la préfecture, devront être couverts fin 2009 par les opérateurs.

Même si elle a pris du retard en raison du délai de maturation des équipements – car rien ne se passe jamais comme prévu en matière technologique – la couverture 3G, ou plutôt 3G+, dernière évolution de l’UMTS, qui permet un débit moyen de 1 à 2 mégabits par seconde, est déjà largement engagée : SFR couvre 70 % de la population, niveau qu’Orange devrait atteindre fin 2008, contre 20 % pour Bouygues Télécom, qui a obtenu sa licence plus tard et devrait couvrir 75 % de la population en décembre 2010.

Aujourd'hui, le déploiement repose sur l'utilisation, comme en Europe et dans une grande partie du monde, de fréquences à 2,1 gigahertz. Cependant, atteindre un niveau de couverture comparable au GSM suppose la réutilisation de fréquences basses, inférieures à 1 gigahertz, qui permettent une meilleure propagation radioélectrique que les fréquences hautes et qui réduisent le nombre de sites à installer, donc le coût du déploiement. On assiste parallèlement en Europe à un décollage des services de données de la 3G en Europe, ce qui est une incitation forte au déploiement sur le territoire. C'est pourquoi l'ARCEP vient de modifier les licences d’Orange et de SFR – Bouygues Telecom pourra faire la demande plus tard – pour leur permettre de réutiliser, pour la couverture du territoire en 3G+, une partie des fréquences à 900 mégahertz utilisées pour la couverture GSM. A cet égard, les équipements en 3G+ seront disponibles d'ici à la fin de l'année.

L'Autorité sera particulièrement attentive au respect par les opérateurs de leurs obligations de couverture, qui seront contrôlées en août 2009. Maintenant que ces derniers disposent de fréquences basses leur permettant d’atteindre le niveau élevé de couverture auquel ils s’étaient engagés, il n’y a aucune raison pour qu’ils ne couvrent pas à terme le territoire en 3G+ aussi bien qu’ils l’ont fait en GSM, d’autant que les sites déployés dans le cadre du programme zones blanches du GSM et qui utilisent des fréquences à 900 mégahertz pourront être réutilisés pour la 3G+. Enfin, une partie des ressources en fréquences à  900 mégahertz est réservée à un éventuel quatrième opérateur.

Aujourd’hui, toutes les conditions sont réunies, sur le plan technique et réglementaire, ainsi qu’en termes de disponibilité des fréquences, pour que les opérateurs puissent couvrir l’ensemble du territoire en 3G+. À cet égard, les enquêtes de qualité effectuées en matière de téléphonie mobile par l’ARCEP, qui ont été étendues à la technologie 3G+, ont montré pour cette dernière un débit de 1 mégabit par seconde en mobilité, c’est-à-dire en extérieur. Un tel débit, qui correspond au bas de gamme du haut débit fixe, permet l’accès à Internet, ce qui est impossible avec le GSM ou l’EDGE, et difficilement possible avec la première version de l’UMTS.

La technologie mobile évoluant, les fabricants travaillent déjà à la couverture des futurs réseaux mobiles à très haut débit, dits LTE (Long Term Evolution), qui permettront, au début de la prochaine décennie, de fournir au minimum des débits équivalents au haut de gamme du haut débit fixe actuel, soit au moins 10 mégabits par seconde jusqu’à plusieurs dizaines. Cependant, comme il existera beaucoup plus de possibilités d’utilisation des fréquences que de fréquences disponibles, le monde occidental va donc durablement entrer dans une pénurie de fréquences. Or les citoyens souhaiteront faire en mobilité ce qu’ils ont pris l’habitude de faire en situation fixe chez eux. Un problème plus aigu de couverture numérique du territoire se posera donc avec les nouvelles technologies.

À cet égard, si les réseaux LTE ont besoin, pour couvrir les zones denses, de fréquences hautes, soit 2,6 gigahertz, un problème se posera pour couvrir les zones peu denses appelées à être couvertes, comme pour la 3G+, en fréquences basses. De nouvelles ressources en fréquences basses, inférieures à 1 gigahertz, doivent donc être identifiées, d’autant que celles à 900 mégahertz permettront tout juste d’assurer cette couverture en 3G+ en zones peu denses.

Heureusement, le basculement de la diffusion de la télévision de l'analogique vers le numérique permettra, avec une même quantité de fréquences, de diffuser non plus une chaîne en analogique mais six chaînes en numérique, et donc de libérer des fréquences dans la bande UHF, soit entre 470 et 862 mégahertz. Ce dividende numérique sera ainsi réutilisable, en majorité pour élargir l’offre audiovisuelle, mais aussi pour assurer la couverture du territoire en haut débit mobile.

La Conférence mondiale des radiocommunications de l'automne 2007 a identifié une sous-bande de fréquences – dont une partie est aujourd’hui utilisée par la télévision et une autre par les militaires – de 72 mégahertz, soit entre 790 et 862 mégahertz, qui pourrait être réservée aux communications mobiles en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient. En France, ces fréquences permettraient de faire du haut débit mobile de haut de gamme voire du très haut débit dans les zones peu denses.

L’Europe doit maintenant compléter cette étape en prenant la décision de destiner ces fréquences à la fin de l’analogique aux services mobiles et à la couverture par le très haut débit mobile des zones les moins denses du territoire. Et l’industrie suivra. Ainsi le marché bénéficiera-t-il d'une taille suffisante pour permettre une production au niveau européen voire mondial – car il n’y en aura pas pour la France seule – d'équipements de réseaux dans cette bande de fréquences. Et la rareté des fréquences basses ne permettra sans doute pas le déploiement de quatre opérateurs sur l’ensemble du territoire. L’harmonisation européenne est donc nécessaire.

Le Président Christian Jacob s’est inquiété de ce que la concurrence très forte entre la télévision et Internet en matière de fréquences nuise à la bonne répartition de ces dernières.

M. Paul Champsaur a rappelé que la loi du 5 mars 2007 prévoit explicitement que le dividende numérique créé par le passage au numérique de la télévision soit réservé majoritairement à l’offre audiovisuelle. Ce n’est donc qu’une partie des fréquences qui peut en tout état de cause être affectée à autre chose, notamment aux services mobiles.

Pour prendre l’exemple des États-Unis, la partie du dividende numérique réservée aux mobiles est de l’ordre de  100 mégahertz. La structure de l’État étant fédérale, contrairement à celle de l’Europe, une compétition par mise aux enchères peut donc être organisée entre services différents – audiovisuels ou mobiles. En Europe, au contraire, cette compétition aboutirait à une fragmentation du marché, les fréquences et les procédures afférentes relevant de prérogatives nationales. Or, les fréquences audiovisuelles, qui sont émises à forte puissance à partir de poteaux élevés, voyagent loin et la taille des pays européens est petite : si des opérateurs mobiles l’emportaient pour la région de Londres alors que de l’autre côté de la Manche, en France, les mêmes fréquences étaient attribuées aux opérateurs audiovisuels, les services mobiles ne pourraient fonctionner à Londres, en raison des brouillages induits.

Il n’existe donc pas d’alternative à une harmonisation européenne en matière de dividende numérique si l’on veut des services mobiles à haut débit dans les zones moins denses.

Le Président Christian Jacob a souligné que le déploiement du haut et très haut débit sur l’ensemble du territoire français était aussi un facteur d’aménagement et de développement durable, dans la mesure où il évitait certains déplacements et facilitait le télétravail. Il a réitéré ses craintes sur le fait qu’une répartition trop inégalitaire du dividende numérique à l’avantage des services audiovisuels ne conduise à priver certaines zones rurales de l’accès au haut et très haut débit pour offrir un nombre pléthorique de chaînes, dont l’intérêt pour les populations n’est pas aussi crucial. Il a demandé au président de l’ARCEP si, en complément de la nécessaire harmonisation européenne, des dispositions ne devaient pas être prises au niveau national pour éviter cette situation.

M. Paul Champsaur a répondu que des décisions devaient être prises aux deux niveaux, à la fois au niveau européen pour instaurer une protection minimale de certaines bandes pour les services mobiles, mais aussi au niveau national. Sur le plan national, il s’agit parallèlement de définir par une décision politique l’utilisation des fréquences audiovisuelles restantes. À cet égard, des études de TDF montrent que la réservation d'une sous-bande pour les mobiles est parfaitement compatible avec le développement de la télévision haute définition et des multiplex. L’Autorité a d’ailleurs effectué une étude sur l’apport du mégahertz marginal en matière d’offre supplémentaire dans le domaine soit de l’audiovisuel soit des mobiles. Pour sa part, le CSA a procédé à une consultation publique en vue d'établir le schéma national d'utilisation des fréquences à l'extinction de l'analogique et l’ARCEP y a répondu.

M. Philippe Distler, directeur général de l’ARCEP, a précisé que tous les grands pays industrialisés ont, en matière de réaménagement du spectre après extinction de la diffusion analogique, pris la décision politique d’en réserver une petite partie pour les services mobiles ou pour les services de sécurité. Une telle décision ne nuit pas au développement de services audiovisuels, le changement de technologie devant permettre une optimisation de l’usage du spectre de radiodiffusion par rapport à la situation actuelle. Il s’agit pour tous d’un jeu gagnant-gagnant.

M. Paul Champsaur a souligné que l’approbation des tableaux de répartition de fréquences relevait en France du Premier ministre, notamment après avis de la commission parlementaire du dividende numérique, dans le respect du compromis établi sur le plan international. À cet égard, la tâche de l’ARCEP aurait été plus facile si la sous-bande de fréquences de 72 mégahertz avait été plus large, car il est plus facile de gérer un grand nombre d’opérateurs que seulement trois ou quatre dans les zones denses, et sans doute moins pour ces fréquences dans les zones moins denses. Il faudra procéder à des appels d’offre partiellement géographiques. En tout cas, maintenant que l’Europe s’est accordée avec l’Afrique et le Moyen-Orient, il faut avancer.

Le politique doit s’intéresser à la programmation audiovisuelle, car si la consultation publique menée par le CSA porte sur le plan de basculement de l’analogique vers le numérique, encore faut-il savoir très vite vers quoi l’on va et ne pas se contenter d’un simple schéma d’arrêt de la diffusion analogique. Tout flou artistique en la matière empêcherait de faire profiter le mobile du dividende numérique. Il faut définir, comme d’autres pays le font actuellement, un plan de basculement vers le numérique qui soit compatible avec toutes les utilisations. L’enjeu des prochains mois est donc de faire en sorte que les différents partenaires parviennent, avant l’été, à concevoir un basculement vers un plan cible, et que l’Agence Nationale des Fréquences puisse négocier avec les pays voisins.

S’agissant des perspectives offertes en matière d'aménagement numérique des territoires, au-delà des distinctions technologiques fixe/mobile et filaire/hertzien qui prévalent aujourd’hui, se font jour des évolutions communes vers une progression très sensible des débits offerts sur les réseaux de communications électroniques, qui permettra de fournir des services toujours plus nombreux et de meilleure qualité aux utilisateurs.

De même, les évolutions apporteront une continuité et une convergence entre les services consultés à la maison ou au bureau et les services utilisés en mobilité. À terme, la complémentarité des déploiements de réseaux, par exemple entre la fibre et le très haut débit mobile, apportera à tous des services de qualité équivalente à un prix abordable, même si l’on ne sait pas encore comment va se gérer la concurrence entre ces deux types de réseaux.

Enfin, les évolutions permettront une multiplication des réseaux qui supportent les services et une plus grande indépendance de ces services et de ces réseaux. Par exemple, les services de télévision pourront être fournis indifféremment sur des réseaux de radiodiffusion, fixes ou mobiles, ou sur des réseaux de communications électroniques, également fixes ou mobiles.

Il s'agit donc d'évolutions économiques et sociales considérables, qui bouleverseront les façons de travailler, de communiquer, de se divertir, mais qui contribueront également à l'aménagement et à la couverture du territoire en multipliant les canaux de diffusion des services. Il appartient en tout état de cause aux pouvoirs publics de faire en sorte que personne n'en soit exclu. L'Autorité est à la disposition du Parlement pour lui apporter des éléments de réflexion dans cette démarche.

Remerciant le président de l’ARCEP pour son bilan concis et proche de la réalité, M. Philippe Vigier a souligné combien la fracture numérique s’était renforcée. Certes, la couverture ADSL représente 98,3 % de la population, mais une ligne à 512 kilobits par seconde est-elle performante ? Cela reste du haut débit bas de gamme, particulièrement pénalisant pour l’activité économique. Il faudrait élever au minimum à 2 mégabits le niveau de référence. Une cartographie affinée en la matière serait souhaitable.

Plutôt que d’adopter des technologies alternatives – WIFI ou WIMAX – pour lesquelles elle a dépensé 700 millions d’euros pour rien, la région Centre s’est finalement orientée pour l’équipement du sud de l’Eure-et-Loir vers la Boucle locale radio, ou BLR, technique qui permet de couvrir le territoire à moindres frais – sans préjuger de l’utilisation du volet « Innovations technologiques » du programme opérationnel européen 2007-2013 – à partir de fréquences radio délaissées par les militaires. Le coût pour l’utilisateur final s’élève ainsi à 50 euros pour la parabole et à 29,90 euros pour l’abonnement qui offre à la fois l’ADSL et la téléphonie illimitée, ce que France Télécom accepte d’ailleurs mal.

Par ailleurs, compte tenu du coût de leur déploiement, il convient de pouvoir utiliser les fibres optiques existantes en évitant les fins de non-recevoir de RFF, de la SNCF ou des sociétés d’autoroutes pour l’utilisation des fibres du réseau TGV ou des autoroutes. Il faut également que les opérateurs puissent passer dans les mêmes canalisations que celles d’EDF, de GDF ou encore de France Télécom, afin d’en finir avec les « trois chantiers ».

Pour ce qui est de la téléphonie mobile, s’il existe aujourd’hui une troisième liste de communes en zones blanches à couvrir, il n’en reste pas moins qu’entre les communes plusieurs coupures peuvent intervenir. C'est au point que, dans le Centre, le conseil régional finance des pylônes dans le Sud de la région.

Si la technologie 3G+ est l’avenir, on peut cependant craindre que la fracture numérique ne s’aggrave car les agglomérations seront plus rapidement desservies que les communautés rurales. La couverture en 3G+ ne pourra pas être totale si les services de télécommunications ne bénéficient pas de fréquences supplémentaires et il faudra mettre à profit la présidence française de l’Union européenne pour agir à cette fin.

S’agissant, enfin, de la transparence de l’information, l’ARCEP peut-elle faire en sorte que les opérateurs respectent leur cahier des charges et renseignent les collectivités sur les personnes qui sont desservies par l’ADSL et sur la qualité de leur accès au haut débit?

M. Paul Champsaur a distingué deux sujets, celui de la cartographie et celui de la transparence de l’information, et a répondu que l’Autorité non seulement souhaitait que les opérateurs mettent à disposition soit du grand public pour les zones de couverture soit des collectivités territoriales pour les réseaux une information beaucoup plus détaillée que par le passé. Il a également insisté pour que la loi le prévoit. Il s’agit là souvent, de la part des opérateurs, du point de résistance le plus dur, alors que l’ARCEP ne dispose pas de pouvoir réglementaire sur ce point. S’il est toujours possible de prévoir une obligation dans le cadre de l’attribution d’une licence pour l’utilisation de fréquences, aucun moyen d’action n’est possible à l’égard des réseaux filaires, en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires contraignantes. Il n’y a donc pas d’information rendue publique sur l’éligibilité à l’ADSL, ligne par ligne.

Pourtant, l’information existe. France Télécom, par exemple, dispose d’un serveur dédié. L’entreprise a malgré tout refusé la proposition de l’Autorité de faire prendre à la charge d’un centre technique de l’équipement le coût d’interrogation de ce serveur et la publication de l’information, se fondant sur des motifs de politique commerciale et de concurrence avec les autres opérateurs et les collectivités territoriales.

M. Renaud Chapelle, chef de l’unité Collectivités territoriales de l’ARCEP, a rappelé que le président de l’ARCEP avait écrit en février 2007 aux ministres concernés pour leur demander d’introduire dans des dispositions réglementaires les éléments permettant de faciliter la publication d’une cartographie fine des zones de couverture des différents opérateurs.

M. Paul Champsaur a souhaité qu’il y ait beaucoup plus de transparence, car il n'est pas normal qu’une commune ne sache pas si ses administrés ont accès ou non au haut débit alors que l’information existe. Les opérateurs connaissent les caractéristiques de chaque ligne. Si l’information sur les réseaux doit rester confidentielle et n’être adressée qu’aux seuls services spécialisés des collectivités territoriales concernées pour de légitimes raisons de sécurité, l’information portant sur la couverture du territoire par telle ou telle technologie doit être publique, à charge pour l’ARCEP de vérifier l’exactitude de l’information.

Après avoir indiqué que le prochain examen du projet de loi de modernisation de l’économie pourrait permettre de traiter cette question, le président Christian Jacob a remercié tous les intervenants.