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Compte rendu Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 25 septembre 2007

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 5

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

•  Audition de M. Dominique Tellier, directeur des relations sociales du Medef et Mme Catherine Martin, directrice adjointe 3

La Délégation a procédé à l’audition de M. Dominique Tellier, directeur des relations sociales du Medef et Mme Catherine Martin, directrice adjointe.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la Délégation, a rappelé combien elle jugeait important pour la Délégation de travailler avec les partenaires sociaux, avant comme après la prochaine Conférence sur l'égalité professionnelle et salariale.

Elle a souhaité connaître la position du Medef sur cette question, organisation ayant largement contribué au succès de l’accord interprofessionnel sur l’égalité salariale, qui a été une excellente chose.

Avant de songer à modifier la législation, il faut veiller à ce que les lois existantes, qui paraissent suffisantes, soient appliquées. Or, en dépit des textes, les écarts salariaux persistent, y compris pour les bas salaires, même si ces écarts sont plus importants quand on s’élève dans la hiérarchie.

Mme Catherine Coutelle a pour sa part souhaité que cette réunion permette de faire apparaître les points de blocage à l’exercice d’un droit constitutionnel. En effet, on ne peut comprendre ce qui justifie qu’à l’embauche une femme cadre ne perçoive pas le même salaire qu’un homme. Il est tout à fait injustifiable que des questions de comportement empêchent l’arsenal législatif, qui est, en effet, suffisant, de s’appliquer.

M. Dominique Tellier s’est félicité de la tenue prochaine de la conférence et s’est réjoui que la présidente ait souligné le rôle de l’accord interprofessionnel et de ses déclinaisons dans les branches et dans les entreprises.

Tout ce qui peut faire évoluer les choses, comme cet accord mais aussi comme la campagne d’information engagée par les partenaires sociaux et par Mme Nicole Ameline, va dans le bon sens.

Si la méthode choisie pour préparer la conférence est bonne, force est de constater que les éléments statistiques dont on dispose manquent de cohérence. Il est en particulier étonnant que l’on continue aujourd’hui à travailler à partir des chiffres de 2002.

Mme Catherine Quéré s’est étonnée que le bilan social qui doit permettre de faire le point chaque année sur la politique salariale ne permette pas de disposer de données actualisées.

Mme Catherine Martin a répondu que ce bilan ne concernait que les entreprises de plus de 300 salariés.

M. Dominique Tellier a fait en outre observer qu’il était difficile de consolider ces bilans car ils manquaient d’uniformité. En revanche, on pourrait imaginer que la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère de l’emploi réalise des enquêtes plus pointues. Si Xavier Bertrand a raison de considérer qu’il faut commencer par un état des lieux et par un diagnostic partagé, cela est quand même un peu difficile quand on ne dispose que des chiffres de 2002.

Mme Catherine Martin a par ailleurs indiqué qu’une enquête plus récente de la DARES sur les salaires montrait que, dans le haut de la hiérarchie, les écarts ont plutôt tendance à se resserrer.

Plus généralement, quand on connaît la polémique sur les chiffres du chômage, on peut se demander si des statistiques publiées à partir de la même enquête emploi peuvent donner des résultats exacts…

Il convient par conséquent d’être prudent, ne serait-ce que parce que 5 à 8 % des écarts salariaux tiennent à des effets de structures que tous les organismes constatent. Il est donc un peu gênant que la communication tourne toujours autour de l’idée qu’il existe des écarts salariaux de l’ordre de 20 %, alors qu’on peut en expliquer une bonne partie par le fait que se sont les femmes qui exercent les dix métiers les moins qualifiés et les moins payés, que la durée de travail des femmes est souvent inférieure à celle des hommes ou qu’elles ont connu des ruptures de carrière en raison de la maternité. En outre, s’agissant de chiffres de 2002, les effets de la loi de 2006 ne sont évidemment pas pris en compte.

Pour sa part, le Medef a demandé au ministre de l’emploi que des outils méthodologiques permettent de mieux rendre compte de la réalité. Mais on peut également s’attendre à ce que, en application de la loi de 2001, les entreprises utilisent désormais dans les négociations annuelles les critères pertinents qui permettent de combler pour partie les lacunes statistiques.

M. Dominique Tellier a observé que, comme pour le bilan social, même avec des indicateurs issus de la loi, il était difficile de consolider des données des entreprises. S’il est possible, dans une entreprise qui joue le jeu, de voir où sont les écarts et de proposer des mesures correctives, l’approche macro-économique continue à poser problème. Or, pour relancer les négociations afin de lutter contre les discriminations et limiter les effets structurels, il est impératif de disposer de données fiables et plus précises.

Mme Catherine Coutelle a souhaité savoir s’il s’agissait d’une difficulté spécifique à la France et si l’on parvenait mieux à mesurer les écarts dans d’autres pays d’Europe. On voit mal comment agir si l’on ne dispose pas d’un diagnostic partagé.

M. Dominique Tellier s’est montré moins pessimiste : à l’arsenal législatif, national et européen, s’ajoute un arsenal conventionnel. Si l’on ne peut pas intervenir directement dans les entreprises, il est possible de rappeler les principes et les sanctions prévues et de mettre une méthodologie à leur disposition. Car c’est là qu’il faut donner l’impulsion.

Toutefois on voit bien que les freins demeurent importants et que les dirigeants d’entreprise sont encore fréquemment marqués par des stéréotypes. On a pu ainsi entendre que les femmes vivant plus longtemps elles doivent donc travailler plus longtemps ou qu’elles sont plus habiles que les hommes parce qu’elles ont toujours tricoté… On retrouve les mêmes réactions que suscitait l’accord sur la diversité, quand un chef d’entreprise pensait qu’il n’était pas possible qu’un boucher soit noir parce que les clients déserteraient la boutique... Même si les choses sont très différentes, les mentalités sont les mêmes.

Mme Catherine Coutelle a souligné qu’aucun stéréotype ne saurait justifier les écarts salariaux : quand on commence à travailler au même moment et que l’on dispose de la même qualification, il n’est pas admissible que l’on ne soit pas payé pareil.

Mme Catherine Martin a jugé que si l’on voulait pouvoir agir efficacement, il fallait parvenir à distinguer ce qui relève d’une part de la discrimination et d’autre part des effets de structures que l’on peut essayer de corriger mais que l’on ne parviendra pas à éliminer totalement.

Ainsi, s’il est désormais expressément prévu par la loi que la maternité ne saurait être une période creuse, il existe d’autres périodes d’interruption que connaissent plus spécifiquement les femmes, en particulier pour élever des enfants. Dans la mentalité collective, on continue à réserver aux femmes la majorité des tâches ménagères et l’éducation des enfants. C’est ce qui fait que les hommes sont plus nombreux à suivre des formations en dehors du temps de travail. Or, celui qui a bénéficié d’une formation connaît fréquemment une meilleure évolution de carrière.

Mme Catherine Coutelle a suggéré l’organisation d’un grand débat national sur le partage des tâches. Pour s’être intéressée à l’articulation entre-temps professionnel et vie familiale, elle considère que le développement des services aux salariés dans les entreprises permettrait d’aller vers plus d’égalité mais aussi – c’est un argument auquel le Medef ne devrait pas être insensible – d’éviter le turn-over des salariés.

Mme Catherine Martin a observé que si ce sujet avait été abordé dans l’accord de 2004 comme un moyen de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, le développement de ces services ne paraît possible que dans les grandes entreprises.

Lors de la dernière université d’été du Medef, a été présentée l’expérience très intéressante menée par l’association la Souris Verte, qui permet de faire garder les enfants sur les sites industriels, non pas en créant une crèche d’entreprise mais en faisant en sorte que l’entreprise complète ce que paie la mère pour faire garder ses enfants. Il est cependant évident que cela ne peut pas fonctionner partout.

Et c’est bien parce qu’il n’y a pas de solution globale qu’il faut mettre l’accent sur les expériences qui se développent, en particulier grâce au chèque emploi service universel.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que c’est aussi aux femmes qu’il va de plus en plus incomber de s’occuper des membres âgés de la famille et que cela va représenter une charge d’autant plus lourde qu’elle devront l’assumer au moment où elles sont au sommet de leur carrière. C’est un sujet auquel on n’a pas encore réfléchi faute d’avoir anticipé l’évolution démographique.

Comment le Medef intègre-t-il la question du temps partiel dans ses réflexions ?

M. Dominique Tellier a observé que dans 70 % des cas le temps partiel était choisi par les femmes.

Mme Pascale Crozon s’est étonnée de ce chiffre car on sait bien que, dans la grande distribution, où il est particulièrement fréquent, le temps partiel est imposé.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé qu’elle avait souhaité que les femmes qui choisissent le temps partiel soient clairement informées car elles n’en mesurent pas toujours les conséquences.

Il semble que le ministre ait préféré ne pas traiter ce sujet à l’occasion de la Conférence sur l’égalité. Considérant qu’il mérite un débat à lui seul. Il paraît pourtant évident que cette question devra être abordée.

M. Dominique Tellier a précisé que deux grands secteurs sont les premiers utilisateurs du temps partiel : le commerce et la propreté. Pour cette dernière, il est rare que l’on accepte que l’on nettoie le bureau quand on y travaille. Certaines entreprises de propreté commencent à prendre ceci en compte et à réfléchir à la diversification des tâches de leurs employés. Il ne faut pas oublier par ailleurs que le premier utilisateur de ce secteur est l’administration.

Pour sa part, la grande distribution affirme qu’il lui est aujourd’hui possible de ne plus recourir au temps partiel, mais que cela passera par l’automatisation, donc par la suppression de milliers d’emplois.

Mme Pascale Crozon a jugé ce chantage scandaleux et souligné que l’on pourrait éviter non seulement d’avoir autant recours au temps partiel mais aussi de le répartir sur plusieurs périodes de la même journée.

M. Dominique Tellier a reconnu que cela conduisait à travailler dans des conditions très difficiles mais toutes les entreprises ont des contraintes de rationalité. Celles de la grande distribution considèrent qu’une caissière qui ne sert à rien pendant une période est un coût injustifié.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a souligné que certains groupes parvenaient à organiser le temps de travail sur six semaines afin de ne faire travailler que rarement une personne sur deux plages horaires dans la même journée. Il est également possible qu’une femme travaillant à temps complet passe la moitié de sa journée à la caisse et l’autre à remplir les rayons.

Mme Catherine Coutelle a elle aussi considéré qu’il conviendrait de développer la polyvalence car la spécialisation fait peser une contrainte très forte sur les horaires.

Par ailleurs, d’autres métiers ont particulièrement recours au temps partiel, c’est le cas, sur la journée comme sur l’année, des transports scolaires.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a souhaité savoir si, dans ses formations, le Medef consacrait des séances particulières à la question de l’égalité et entre les femmes et les hommes.

M. Dominique Tellier a répondu que des journées d’information et de sensibilisation étaient organisées.

Mme Catherine Martin a fait observer que la présidente, Laurence Parisot, poursuivant et amplifiant le mouvement lancé par Ernest-Antoine Seillière, souhaite que sa détermination en faveur de l’égalité trouve une traduction dans les instances du Medef, où les femmes sont peu représentées, bien qu’elles soient environ 30 % des chefs d’entreprises. Elle a demandé à Laurence Danon de représenter le Medef à la conférence sociale.

Répondant à une question de la présidente, M. Dominique Tellier a indiqué que, si de précédentes universités d’été avaient consacré une partie de leurs travaux à l’égalité entre les hommes et les femmes, cela n’avait pas été le cas cette année.

Mme Catherine Martin, répondant pour sa part à la question de la présidente quant à la demande des chefs d’entreprise d’outils pédagogiques permettant d’intégrer la problématique de l’égalité au sein de l’entreprise, a précisé que l’accord interprofessionnel se déclinait d’abord dans les branches et qu’une vingtaine d’entre elles s’étaient désormais saisies du dossier.

M. Dominique Tellier a souligné que, si les chefs d’entreprise n’étaient pas tous très motivés sur cette question, les représentants des syndicats ne l’étaient pas toujours davantage. D’ailleurs, au sein les centrales syndicales aussi, ce sont surtout les hommes qui commandent.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a confirmé que, même dans les organisations syndicales, l’égalité n’était pas souhaitée par les hommes, comme si la question essentielle restait : « mais qui va garder les enfants ? »…

M. Dominique Tellier a fait observer que des progrès avaient quand même été enregistrés puisque les instances confédérales de la CGT et de la CFDT sont désormais paritaires. Mais au-delà de l’exercice de responsabilités confédérales, le travail d’une militante de base demande une très grande disponibilité.

Pour autant, le moment est venu de procéder à des avancées importantes, en particulier parce que l’évolution démographique va conduire à une pénurie de main-d’œuvre. En dehors de ces outils indispensables que sont les accords et les négociations, il faut donc que les pouvoirs publics mènent une campagne de communication forte pour faire évoluer les mentalités.

Mme Pascale Crozon a souligné l’important travail accompli par les délégations départementales aux droits des femmes et les résultats qu’elles obtiennent, bien qu’elles disposent de fort peu de moyens, qu’elles soient souvent soumises à la bonne volonté du préfet et qu’elles aient été  pratiquement menacées de disparition.

Mme Catherine Coutelle a elle aussi observé que le moment était favorable à des progrès, en particulier parce que les femmes souhaitent travailler. Et si elles interrompent leur activité professionnelle, c’est souvent parce que les conditions leur sont plus défavorables quand elles travaillent que quand elles restent chez elles…

La France présente par ailleurs la particularité d’avoir la population active la plus importante mais aussi un taux de natalité élevé, bien que les moyens de garde ne soient pas suffisamment développés.

Mme Catherine Martin a souligné qu’aujourd’hui les jeunes femmes qui sortent de l’université ont pratiquement toutes vu leur mère travailler et qu’elles ne sont plus tout disposées à se laisser faire.

Mme Catherine Quéré a ajouté que, parce qu’ils ne sont pas les premiers de la classe, les garçons ont un peu appris à respecter les femmes. On peut donc fonder quelque optimisme dans l’attitude des nouvelles générations.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié M. Tellier et Mme Martin et a souhaité savoir ce qu’eux-mêmes attendaient de la Délégation.

M. Dominique Tellier a répondu que, dans la mesure où tous les participants à cette réunion semblaient sur la même longueur d’ondes, il conviendrait de pousser dans la même direction lors de la conférence.

Mme Catherine Quéré a souhaité que la question de l’égalité soit systématiquement mise en avant dans toutes les réflexions que mène le Medef, car c’est ainsi que l’on favorisera la prise de conscience.

M. Dominique Tellier a relevé que c’était de la sorte que les choses se passaient dans les branches, où cette question est systématiquement intégrée dans chaque négociation. C’est ce que l’on appelle le « mainstreaming ». Cela ne signifie pas que l’on ne mène pas des négociations spécifiques sur l’égalité professionnelle. Néanmoins si traiter cette question à l’occasion d’un seul accord permet peut-être de se donner bonne conscience cela ne garantit nullement l’efficacité.