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Compte rendu Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mercredi 16 janvier 2008

Séance de 16 h 15

Compte rendu n° 14

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann Présidente

• Audition de Mmes Tita Valade, présidente de l’Association française des femmes diplômées d’université (AFFDU) et Mme Évelyne d’Anzac de Lamartinie, trésorière nationale et Présidente du groupe de Paris 2

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l’audition de Mmes Tita Valade, présidente de l’Association française des femmes diplômées d’université (AFFDU) et Évelyne d’Anzac de Lamartinie, trésorière nationale et Présidente du groupe de Paris.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Valade et Mme d’Anzac de Lamartinie d’avoir répondu à l’invitation de la Délégation. Elle leur a demandé de présenter les objectifs et les actions de l’AFFDU, de préciser l’analyse qu’elles faisaient de la place des femmes dans l’enseignement supérieur – sachant que les filles réussissent dans l’ensemble mieux leur scolarité que les garçons et qu’elles sont plus présentes que ceux-ci dans les études supérieures. Les filles sont maintenant aussi nombreuses que les garçons à être titulaires d’un baccalauréat S mais restent toujours absentes de certains métiers. Quelles sont les initiatives prises par leur association en ce sens ou pour lever les freins à l’accès des femmes aux postes de responsabilité ? Quelles sont enfin les actions à mener auprès des enseignants et, plus largement, des personnels de l’éducation nationale pour les sensibiliser aux questions de mixité et d’égalité des sexes.

Mme Tita Valade a indiqué que l’AFFDU a été fondée en 1920, à la suite de la première guerre mondiale. Des femmes, en particulier anglaises et américaines, ont souhaité que les femmes du monde entier se rassemblent autour d’un mot d’ordre : plus jamais ça ! L’AFFDU fait partie de la Fédération internationale des femmes diplômées des universités, la FIFDU, présente dans 186 pays, et du Groupement européen des femmes diplômées des universités, la GEFDU, partenaire de l’Union européenne. Tous les membres de ces organisations œuvrent la main dans la main pour la paix. C’est leur spécificité par rapport aux autres associations féminines.

L’AFFDU, qui compte vingt et un groupes dans toute la France, est en liaison permanente avec les autres associations européennes et internationales. Une réunion par an a lieu au niveau européen et une réunion internationale tous les trois ans. Les thèmes actuels en sont  la protection des enfants, la lutte contre la violence faite aux femmes et le travail pour la paix.

L’AFFDU aide aussi les jeunes filles dans leurs études en distribuant des bourses à des doctorantes qui souhaitent finir leurs études à l’étranger.

L’AFFDU organise le concours des Olympes de la parole dans les établissements scolaires. Il a pour but de faire réfléchir les élèves sur l’égalité filles-garçons, femmes-hommes et d’aider à la prise de parole des filles en public. Pour 2008, les élèves doivent réfléchir sur le sujet suivant : Pensez-vous que tous les métiers sont accessibles à égalité aux filles et aux garçons ?

À travers ce concours, l’association cherche à agir sur la mentalité des enfants pour faire comprendre que l’égalité entre les filles et les garçons – et donc entre les femmes et les hommes – doit être considérée. Les enfants travaillent par groupes mixtes de sept ou huit sous la direction d’un professeur et présentent leur travail devant un jury local. Une finale nationale se tient à Paris, devant un jury dont font aussi partie une représentante du ministère de l’Éducation nationale et une représentante de l’Observatoire de la parité.

L’année dernière, un groupe d’enfants de Créteil a réalisé un montage montrant, au début, le père battant sa famille, en particulier ses filles et sa femme, à qui il interdisait même de s’asseoir à table. À la fin du film, il comprend que les filles et les femmes avaient autant de droits que les garçons et les hommes. Quand un groupe a fait cette démarche, elle retentit sur leur famille et leurs amis, leur classe et les autres classes de l’établissement, ainsi que sur les enseignants.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé comment les établissements étaient contactés et s’il était facile de mobiliser les chefs d’établissement.

Mme Évelyne d’Anzac de Lamartinie a expliqué que les Olympes de la parole faisant l’objet d’un accord avec le ministère de l’Éducation nationale, les recteurs d’académie reçoivent chaque année le sujet du concours qu’ils communiquent aux chefs d’établissement, pour diffusion aux enseignants. La présidente de chaque groupe régional de l’AFFDU, souvent aidée de la chargée de mission académique, va voir les établissements pour leur demander s’ils souhaitent participer. Généralement la présidente du groupe régional se fait aider par la chargée de mission académique car, sans elle, elle n’a pas le droit d’entrer dans les établissements. L’AFFDU n’agit jamais spontanément mais à la suite de l’intervention de la chargée de mission.

Mme Tita Valade a précisé que ce concours était maintenant connu. Cela étant, son lancement dans un établissement nécessite que le groupe régional soit dynamique et qu’il y ait un professeur qui veuille bien se charger du surcroît de travail que cela représente.

Grâce aux Olympes de la parole, l’AFFDU a obtenu le label « Tous différents, tous égaux ». Le groupe de Bordeaux ayant des relations étroites avec le groupe de Bilbao, l’association envisage des réunions avec plusieurs pays de façon à obtenir un label au niveau européen.

Sur la question des inégalités de carrière entre les hommes et les femmes, les études parviennent toujours aux mêmes résultats : les jeunes filles travaillent très bien dans l’enseignement secondaire et sont plus nombreuses que les garçons à entrer à l’université. Puis, au fur et à mesure que l’on monte dans les échelons, le plafond de verre freine leur progression. Cependant, maintenant beaucoup de femmes, avec des diplômes sérieux, parviennent cependant à faire une bonne carrière.

L’AFFDU organise aussi des colloques, comme celui de 2005, dont le thème était la mixité et, l’année dernière, la diversité culturelle.

Par ailleurs, l’association publie, tous les trois mois, une revue « Diplômées », qui donne une photographie de son action et regroupe des articles de fond. Pour des informations plus rapides, l’association édite un flash d’information mensuel intitulé « La Feuille AFFDU ».

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé s’il y avait toujours chez les jeunes femmes la même conscience des questions touchant à l’égalité.

Mme Tita Valade a répondu par la négative. Les jeunes filles et les jeunes femmes ne veulent plus s’engager parce qu’elles croient que tout est acquis. On doit avoir beaucoup de respect pour les femmes qui ont fait beaucoup pour la cause de celles-ci et il faut continuer.

L’AFFDU participe également au prix de la vocation scientifique et technique, qui est une création des Délégations régionales aux droits des femmes dans le but de distinguer les jeunes filles qui ont opté pour des carrières comme pilote de ligne, mécanicien sur les moteurs de Formule 1, dessinatrice en bâtiment ou technicien supérieur.

Les obstacles à l’accès des jeunes filles aux filières scientifiques sont multiples mais tiennent beaucoup aux mentalités. Il faudrait, aussi, éduquer les parents, les enseignants et, surtout les conseillers d’orientation qui, souvent, découragent certaines filles de s’orienter vers les filières scientifiques.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé à quel moment se créait la coupure entre les filles et les garçons.

Mme Tita Valade a le sentiment que c’est à la puberté. À ce moment-là, les filles et les garçons se séparent, s’envient et se méprisent. Les parents ont également tendance à valoriser les garçons.

Mme Évelyne d’Anzac de Lamartinie a insisté sur le rôle important des conseillers d’orientation dans le choix des carrières et s’est inquiétée de la baisse de leur nombre. Elle a demandé s’il était possible de se faire entendre au niveau ministériel à ce sujet. Elle a également demandé si, au sein des IUFM, des efforts étaient réalisés pour préparer les enseignants à véritablement promouvoir l’égalité des chances entre filles et garçons.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué qu’il s’agissait précisément du thème traité par la délégation cette année. Après avoir travaillé sur l’égalité professionnelle, la parité, le temps partiel, les femmes de l’immigration, les retraites, la délégation s’est rendue compte qu’il fallait faire évoluer les mentalités et ceci dès l’enfance. C’est pourquoi il faut agir au niveau de la formation des maîtres. Un message doit être adressé à ce sujet au ministère de l’éducation nationale.

Mme Tita Valade a insisté sur le fait que les statistiques montrent que les filles sont souvent meilleures que les garçons jusqu’en Terminale et même à l’entrée à l’université. C’est donc lors de l’orientation à la fin des études secondaires que le basculement s’opère.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait valoir que le langage que l’enseignant emploie par rapport aux filles et aux garçons a souvent un contenu inégalitaire. Elle avoue que cette question n’a jamais été son souci quand elle a enseigné, personne ne l’ayant alertée sur cet aspect.

Mme Tita Valade a relevé une dégradation de la situation. Quand elle a voulu suivre des études scientifiques, personne ne l’en a dissuadé ; c’est aujourd’hui que l’on entend le discours selon lequel le fait d’être une femme ne permet pas de faire telles ou telles études. Peut-être aussi a-t-on moins le goût du travail et de l’effort. S’il y a moins de filles que de garçons qui s’engagent dans les études scientifiques, il y a aussi moins de garçons qu’auparavant.

Mme Évelyne d’Anzac de Lamartinie a indiqué qu’une étude réalisée il y a deux ans sur Femmes et Sciences et Femmes et mathématiques montre, en effet, que la désaffection pour les sciences touche aussi les garçons.

Elle a, par ailleurs, exprimé son admiration pour les enseignants qui travaillent dans des établissements de SEGPA. L’exemple donné par les parents dans ces milieux difficiles est contre-éducatif.

Les difficultés sont doubles. Il y a une désaffection de l’effort du côté des garçons comme du côté des filles et un exemple parental qui n’est pas toujours porteur. On a l’impression que c’est à l’école de faire toute l’éducation des enfants.

Mme Tita Valade a rappelé que les prix de l’IREM, Instituts de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques et les bourses L’Oréal aident les femmes qui franchissent les barrières et les mettent en valeur. Cela étant, pour entrer dans une grande école, il faut vraiment qu’une fille soit remarquable, tant les années de classes préparatoires sont dures intellectuellement et physiquement.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’est inquiétée d’une certaine fragilité psychologique des jeunes. Ils ne sont plus préparés aux épreuves de compétition car ils sont accompagnés sur tout. Or, il faut bien comprendre la notion d’égalité des chances : une fois qu’on s’est assuré que celle-ci était effective, il faut avoir la possibilité de justifier un classement.

Mme Tita Valade a souligné que le rapport de la commission présidée par le recteur Hetzel, « université-emploi », mise en place pour réfléchir aux moyens de favoriser la sortie de l’université vers des emplois, met en évidence l’importance de l’orientation des étudiants et d’une sélection de ceux-ci à l’entrée de l’université.

Mme Tita Valade a poursuivi la présentation des actions de l’AFFDU.

L’association organise aussi tous les deux ans un salon du livre de femmes. Cette année, Valérie Pécresse est venue présenter son livre « Être une femme en politique ». L’association est apolitique et areligieuse. Il y a quelques années, c’est Yvette Roudy qui était venue présenter son livre.

Les jeunes filles qui bénéficient d’une bourse des vocations sont parrainées par des femmes ou des hommes qui sont dans le même métier. Mais il faut leur rappeler que toute femme qui a un métier travaille double, car elle fait également beaucoup à la maison.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déploré que la mentalité des hommes n’ait pas évolué.

Mme Tita Valade a indiqué qu’il arrivait qu’un mari prenne ombrage du fait que sa femme accède à un grade supérieur au sien. Mais tout est une question de compréhension entre les époux.

Elle a ensuite regretté L’AFFDU ait du mal à recruter. En effet, les associations spécialisées comme Femmes et mathématiques, Femmes et Sciences, Femmes Ingénieurs, Femmes et carrières juridiques et Femmes juristes regroupent des diplômées de l’université sur des critères professionnels. La présidente de l’association française des femmes juristes, et l’AFFDU ont évoqué la possibilité de créer une fédération. Mais le montage juridique est difficile. On ne peut pas demander à toutes de payer la cotisation de l’AFFDU qui est assez élevée. Cela permettrait pourtant d’avoir encore plus de poids au sein de la FIFDU. Avec 675 adhérentes, l’AFFDU a, actuellement, quatre voix sur le plan mondial. Si elle rassemblait toutes les femmes universitaires, elle en aurait quinze.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remarqué qu’une telle attitude privilégiait le corporatisme par rapport à une démarche unitaire.

Mme Évelyne d’Anzac de Lamartinie a précisé que, en plus des rassemblements entre universitaires, l’association propose des bourses aux jeunes filles. Le groupe de Paris qui a fait de gros efforts en ce sens depuis deux ans, peut distribuer entre 13 000 et 14 000 euros. L’association prend aussi comme « aspirantes » les jeunes filles qui n’ont pas pu avoir de bourses : elles ont un petit droit d’inscription à payer et elles sont invitées aux réunions. Elles sont au nombre de quarante-deux cette année.

Mme Tita Valade a rappelé que l’association a dû procéder à une mise en conformité comptable qui lui a compliqué la tâche. Devant la difficulté, certains groupes, qui n’étaient constitués que de cinq ou six membres, ont préféré cesser leur activité.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a salué le rôle joué par Mme Valade, qui a réussi à instituer une présidence de consensus, et remercié les deux intervenantes.