Accueil > Travaux en commission > Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Mercredi 6 octobre 2010

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 3

Présidence de M. Christian Jacob Président et de M. Patrick Ollier Président de la commission des affaires économiques

– Audition, ouverte à la presse, commune avec la commission des affaires économiques, de M. Pierre Veltz, candidat au poste de Président-directeur général de l’Établissement public de Paris-Saclay

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu, lors d’une audition commune avec la commission des affaires économiques, M. Pierre Veltz, candidat au poste de Président-directeur général de l’Établissement public de Paris-Saclay.

M. Christian Jacob, président. Au nom de la commission du développement durable, je suis heureux de vous accueillir pour cette audition commune avec la commission des affaires économiques. Je précise que chaque fois que nous le jugerons nécessaire avec son président Patrick Ollier, nous organiserons des réunions communes avec la commission qu’il préside, sur des sujets d’intérêt commun.

Vous êtes candidat au poste de président du conseil d’administration de l’établissement public Paris Saclay, créé par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. Comme dans le cas de M. Marc Véron, je précise que cette audition ne se situe pas dans le cadre de l’application de l’article 13 de la Constitution pour les nominations relevant du Président de la République mais dans celui de l’article 29 de la loi du 3 juin 2010 qui prévoit votre audition par « les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ». Vous avez d’ailleurs été auditionné au Sénat, mardi 14 septembre, par la commission de l’économie et la commission de la culture et de l’éducation.

Afin de lancer le débat, et avant votre intervention et celle des représentants des groupes politiques, je souhaite vous poser quelques questions. Depuis mars 2009, vous êtes délégué interministériel pour la mise en œuvre de la mission de préfiguration de la création de Paris Saclay, autrement dit vous occupez un poste qui pourrait être qualifié de préfigurateur : pouvez-vous dresser le bilan de vos réalisations dans le cadre de cette mission ? Comment voyez-vous les relations entre Paris Saclay et la Société du Grand Paris, en particulier dans les domaines liés aux transports et à l’aménagement du pôle scientifique et technologique ? Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le plan de financement de l’Établissement public ?

La loi du 3 juin 2010 prévoit de nombreux intervenants, avec la création de plusieurs collèges au sein du conseil d’administration de l’établissement public de Paris Saclay ; elle prévoit également de nombreuses concertations entre les différentes parties prenantes au sein notamment d’un comité consultatif. Quelle sera, selon vous, la physionomie de ces diverses concertations ? Par ailleurs, les débats tenus à l’Assemblée nationale comme au Sénat ont porté significativement sur la question de la création d’une zone non urbanisable de protection naturelle, agricole et forestière, ce que l’on a appelé les fameux « 2 300 hectares ». Quelles seront les modalités de concertation avec les parties prenantes ?

M. Patrick Ollier, président. Au nom de la commission des affaires économiques, je vous souhaite à mon tour la bienvenue. Je rappelle que, dans le cadre de l’examen pour avis des titres IV et V du projet de loi sur le Grand Paris, nous avions adopté, à mon initiative, un amendement prévoyant la tenue de la présente audition. Il nous paraissait en effet important que les commissions parlementaires puissent entendre le candidat à la présidence de l’Établissement public de Paris-Saclay, préalablement à sa nomination.

Il y a dix jours de cela, le 24 septembre dernier, lors de son déplacement à Palaiseau, le Président de la République a confirmé le lancement de l’aménagement du campus de Paris-Saclay. Le chef de l’État a annoncé à cette occasion qu’une subvention d’un milliard d’euros, accordée au titre des investissements d’avenir, allait s’ajouter aux 850 millions d’euros déjà versés par l’État pour le développement du « cluster » scientifique et technologique. Ces chiffres témoignent à eux seuls de l’ambition exceptionnelle de ce projet.

Pour autant, beaucoup à mon sens reste à faire. Le point faible du plateau de Saclay tient au fait que son potentiel, qui est considérable, demeure insuffisamment valorisé à des fins de développement économique. À cet égard, nous aimerions connaître la stratégie que vous comptez mettre en œuvre pour remédier à cette situation et répondre aux interrogations qui sont aujourd’hui les nôtres : comment entendez-vous développer la création d’emplois et d’entreprises technologiques ? Comment comptez-vous favoriser les synergies – inhérentes au modèle du « cluster » – entre les établissements d’enseignement supérieur, les organismes de recherche et les entreprises ?

Vous avez également une mission d’ordre plus stratégique, qui est de redonner à la région capitale toute sa place sur la scène internationale tout en renforçant l’attractivité du système français de recherche et d’innovation. Un des enjeux fondamentaux en la matière est la capacité à attirer les meilleurs chercheurs étrangers. Pouvez-vous nous faire part de vos projets en ce domaine ?

Par ailleurs, la création de l’Établissement public de Paris-Saclay a suscité quelques inquiétudes parmi les élus locaux, qui ont pu craindre d’être dépossédés de certaines prérogatives en matière d’urbanisme. Comment comptez-vous les associer à l’élaboration de vos projets ?

Enfin, nous aimerions vous entendre sur un sujet important, sur lequel nous avons beaucoup travaillé - tant dans le cadre du Grenelle de l’environnement que de la loi de modernisation de l’agriculture, - je veux parler de la préservation du foncier agricole, préservation qui doit aller de pair avec le développement de l’activité économique. Comment entendez-vous assurer donc le développement industriel et scientifique du plateau de Saclay tout en préservant ses terres agricoles et son patrimoine hydraulique ?

M. Pierre Veltz. Messieurs les présidents, je vous remercie de l’occasion que vous me donnez de m’exprimer devant vos deux commissions réunies sur un projet qui me mobilise depuis plus d’un an déjà. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je me présente rapidement. Je suis fonctionnaire et j’ai effectué toute ma carrière dans la fonction publique, ce dont je m’enorgueillis. La particularité de mon parcours est de s’être déroulé au sein de plusieurs communautés professionnelles. J’ai été universitaire, puisque j’ai été enseignant, directeur d’établissements d’enseignement supérieur, comme l’école des Ponts, chercheur en sciences sociales et urbaniste. Je connais également le secteur industriel, pour avoir été consultant pour de grandes entreprises dans le domaine de l’organisation. Ce parcours m’a mis en contact avec le monde des grandes écoles dont je suis familier, mais dont j’ai été un analyste critique et dont j’ai inlassablement prôné le rapprochement avec celui de l’université.

Mes motivations pour accéder au poste de président du conseil d’administration de l’établissement public Paris Saclay sont de plusieurs ordres. Il me tient d’abord à cœur de poursuivre le travail accompli depuis près d’un an. Ce projet de « cluster » me paraît ensuite constituer un enjeu considérable pour notre pays, car mes fréquents voyages à l’étranger m’ont intimement convaincu que, face à la concurrence de pays comme la Chine ou les États-Unis où les campus universitaires ont une tout autre ampleur, il nous fallait réagir vite. L’innovation est en effet un enjeu compétitif majeur. Force m’est de constater qu’en ce domaine, la France, si elle dispose d’atouts académiques majeurs, pâtit d’une organisation perfectible que je résumerai en disant qu’elle se caractérise par un cloisonnement excessif de tous les acteurs. Face à ce constat, l’impulsion politique peut se révéler décisive, et celle donnée par le Chef de l’État me paraît incontestable.

S’agissant de Saclay, vous le constaterez sur la carte que je vous ai fait distribuer, son aire d’influence, je devrais dire le périmètre de l’établissement public, est bien plus vaste que le simple plateau, puisque la partie sud s’étend en Essonne, que la partie nord inclut une partie des Yvelines, et notamment le pôle de compétitivité de Versailles-Satory, où Renault a installé son technocentre dont les effectifs – de 1 200 aujourd’hui - sont appelés à croître, et enfin qu’au nord-ouest, elle comprend notamment Saint-Quentin en Yvelines. Notre ambition est, pour ce qui concerne le campus universitaire, d’en faire une structure de taille et de renommée équivalentes à Oxford ou Cambridge.

Les enjeux de cette opération sont au nombre de trois. Le premier est la création de synergies entre les acteurs. Une fondation de coopération scientifique regroupe déjà les 23 établissements d’enseignement supérieur et de recherche qui s’installeront ou qui y sont installés.

Le deuxième est la création d’entreprises nouvelles. Plusieurs très grandes entreprises ont choisi Saclay pour leur pôle de recherche et développement, comme Danone ou Thales, EDF devant les rejoindre dans un futur proche. Mais le but ultime reste la création de nouvelles activités, qui reste le « talon d’Achille » de notre modèle européen. Suzanne Berger, professeur au Massachussetts Institute of Technology (MIT), a estimé le potentiel de création d’emplois en France à dix fois son niveau actuel compte tenu des potentialités de notre pays. Et il faut reconnaître qu’aujourd’hui, il demeure plus facile pour les étudiants issus des grandes écoles d’entamer une carrière toute tracée où on leur « déroule le tapis rouge » au sein des très grandes entreprises que de créer leur entreprise. J’observe avec plaisir que ces mêmes très grandes entreprises évoluent dans leur vision des petites et moyennes entreprises qu’elles intègrent désormais dans leurs stratégies de croissance.

Le troisième enjeu est bien entendu l’aménagement du territoire : il s’agit aujourd’hui du déficit le plus criant. Il faut d’abord impérativement que l’accessibilité du site soit améliorée, à court et à moyen terme, sous une forme plus attractive qu’actuellement, où certains sites, je pense à celui du CEA, restent enfermés sur eux-mêmes… Pour ceux d’entre vous qui s’y sont déjà rendus, il est frappant de ne rencontrer aucun piéton, aucun cycliste, ni aucun étudiant, et de ne pouvoir y évoluer qu’en automobile, à l’inverse de la vision accueillante et vivante qu’offrent au premier abord les campus chinois ou nord-américains.

Certaines emprises me paraissent de plus démesurées, si l’on songe que celle de l’école Polytechnique a une surface équivalente à Hyde Park à Londres. C’est pourquoi la plupart des aménagements nouveaux se feront sur les terrains – notamment ceux dévolus à cette école et sur ceux de l’université. La logique actuelle d’extension contribue à la raréfaction de l’espace agricole : pour parler clairement, les lotissements grignotent la campagne. Afin de tourner le dos à cette forme d’urbanisation néfaste, qui empêche toute réelle animation du site, le mot d’ordre doit être celui de compacité et de densification des espaces déjà occupés et de ceux à créer. À titre d’exemple, nous avons conseillé aux écoles qui doivent nous rejoindre, comme Agro ParisTech, comme l’annonçait le Président de la République il y a une dizaine de jours, de s’implanter au sein d’emprises déjà existantes plutôt que de consommer encore de l’espace agricole.

En conclusion, je dirai pour répondre aux questions qui m’ont été posées sur ce point que l’Établissement public de Paris-Saclay n’est pas, dans mon esprit, la prolongation pure et simple de la mission de préfiguration. Si je suis nommé président de cet établissement, je ne serai plus le représentant de l’État, qui m’aura nommé et qui disposera de représentants au sein du conseil d’administration. Mon ambition est de faire de cet établissement un outil partenarial que s’approprieront les différents partenaires en place : en premier lieu l’État, mais aussi la communauté académique, la communauté économique et surtout les collectivités locales. Car il s’agit d’un projet d’envergue mondiale, mais qui ne connaîtra le succès que s’il devient un projet de territoire. Au-delà des turbulences qu’il suscite, je reste confiant, car je suis un créateur de consensus et mon sentiment est que ce projet ne rencontre pas, sur le fond, d’opposition majeure, ni sur son ambition, ni sur les formes urbaines que nous avons souhaité lui donner. J’espère que nous aurons l’occasion de le démontrer en pratique.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. Veltz, au cours du processus d’élaboration de la loi, M. Christian Blanc, secrétaire d’État au Grand Paris, avait évoqué l’impérieuse nécessité d’associer les collectivités territoriales à la réalisation du projet. Je souhaiterais que vous nous fassiez le point sur la concertation avec les acteurs de l’aménagement du territoire.

Un problème de fond n’a pas été réglé par la loi ; l’hypothèse que l’État a prise en l’imposant comme étant le cœur de la stratégie vise à concentrer en un lieu les instruments publics d’enseignement et de recherche susceptibles d’attirer les grandes entreprises, pour redonner une potentialité économique européenne et mondiale à la France et à l’Île-de-France, et conduit à s’interroger ceux qui pensent que la concentration géographique n’est peut-être pas la meilleure solution, à une époque où les moyens technologiques offrent d’autres perspectives. En effet, la logique de développement des réseaux semble s’opposer à celle de la concentration. Il y a tout lieu de se poser la question de la pertinence de cette option dans la mesure où la stratégie suivie pourrait détourner des moyens d’autres territoires, en Ile-de-France comme dans le reste du pays, et les en priver au profit du pôle de Paris-Saclay. Si tel était le cas envisagez-vous d’accompagner les territoires délaissés ?

Enfin, le développement du pôle scientifique et technologique nécessite un développement harmonieux tant sur le plan scientifique, culturel et humain, donc la création d’un tissu urbain. Si l’on souhaite qu’il soit réellement attractif, cela nécessitera du temps et posera des problèmes environnementaux, notamment au regard des questions hydrologiques, quand l’on connaît la spécificité du plateau de Saclay en la matière. Des études spécifiques ont-elles été effectuées ?

M. Serge Grouard. Tout comme l’intervenant qui s’est exprimé avant moi, j’ai également des interrogations sur la compatibilité entre la logique de concentration et la logique de réseaux. Je m’interroge aussi sur les stratégies à mettre en œuvre et sur les éventuelles synergies entre la Société du Grand Paris et l’Établissement public de Paris-Saclay, entre cet Etablissement public et la fondation de coopération scientifique, entre l’Établissement public et les collectivités territoriales, entre certaines grandes écoles, sur la synergie avec les entreprises notamment les start-up ? Comment tout ceci va-t-il être réalisable dans des délais relativement courts, puisqu’on a cité l’objectif de 2015 ? Se pose également la question des infrastructures de transport qui nécessitent des investissements relativement lourds ; quel est le coût de l’investissement public et sa répartition entre les différents acteurs ? Enfin, comment envisagez-vous la synergie entre le pôle scientifique et culturel de Saclay et d’autres parties du territoire national ?

M. Stéphane Demilly. De mon point de vue, la restructuration du campus de Saclay est un grand projet qui, par ses ambitions, dépasse la seule Île-de-France et concerne l’ensemble du pays. Il s’agit de faire naître ici une véritable « Silicon Valley » à la française et de dynamiser l’ensemble des ressources disponibles sur le site.

L’Établissement public de Paris-Saclay aura à affronter trois défis.

Le premier est celui de faire émerger un véritable développement industriel sur ce terreau de culture scientifique. Si l’on appliquait aux 16 000 chercheurs présents sur le site le ratio observé aux États-Unis et selon lequel on observe, en moyenne, une entreprise innovante créée pour cent chercheurs, on en serait aujourd’hui à 160 créations annuelles ; en pratique, on en compte aujourd’hui dix fois moins. Il faudra donc réussir la conversion de cet ensemble de potentialités existantes en réalités opérationnelles.

Le second défi tient à l’émergence de PME fortes, qui puissent être demain de grands champions français. Aujourd’hui, les PME concentrent 60 % de l’emploi et de la création de richesse de notre pays. Pourtant, aucune ne paraît à même de rejoindre rapidement le groupe des entreprises cotées au CAC 40. Cette situation est très différente de celle qui prévaut aux États-Unis ou en Allemagne. Dès lors, comment l’établissement pourra-t-il contribuer à faire émerger de telles PME à fort potentiel de développement ?

Le troisième défi est celui de la maîtrise des technologies de demain, situées à la confluence des nanotechnologies, des biotechnologies, des technologies de l’information et des sciences cognitives (NBIC). Dans ces domaines, les États-Unis et le Japon ont plusieurs longueurs d’avance. Quels objectifs l’établissement public compte-t-il s’assigner dans ces domaines ?

M. Pierre Veltz. Pour l’établissement public, les défis sont vastes car les difficultés sont nombreuses.

L’interrogation est légitime, qui consiste à se demander quel peut être l’intérêt d’une telle concentration de ressources humaines, techniques et financières à l’heure de la multiplication des réseaux coopératifs. En fait, au cours des années récentes, on a assisté à un double mouvement : celui, spectaculaire, du développement de ces réseaux ; mais aussi celui de la concentration des moyens — en Chine ou aux États-Unis — au sein de grands « hubs » universitaires, lieux cosmopolites qui attirent les cerveaux du monde entier. Sait-on ainsi qu’aux États-Unis, on estime que 45 % des entreprises innovantes comptent parmi leurs membres fondateurs une personne qui n’y est pas née ? Pour la France, la question est donc de savoir si nous jouons ou non cette carte de l’attractivité.

Il est bien clair que l’intention n’est pas de créer une sorte d’isolat, déconnecté des réalités franciliennes. Comme je l’écrivais récemment sur un blog, « Saclay n’est pas une île ! » et le concept de « Silicon Valley », s’il doit être pris comme modèle, le serait plutôt à l’échelle de l’Île-de-France. Le futur pôle de Saclay ne peut se concevoir que comme un élément des écosystèmes francilien et national.

Certains craignent une captation des entreprises et des savoirs situés à proximité du pôle. Je veux dire ici qu’aucune politique volontariste de prospection n’est engagée de notre côté et que nous ne cherchons à « débaucher » personne. Le déménagement de l’Institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement (AgroParisTech) résulte d’une décision de regroupement des sites, prise avant que l’opération sur Saclay ne soit lancée. De même, c’est EDF qui a manifesté spontanément son intérêt, car sa direction des Études et recherches souhaitait s’appuyer sur un environnement de haut niveau dans les domaines de la modélisation et des mathématiques appliquées.

La mise en place de l’établissement public ne correspond donc pas à la réalisation d’un projet pharaonique et solitaire, mais bien à la mise en place d’un élément d’un réseau plus vaste — les seuls établissements du CEA à Saclay comptent déjà près de huit mille chercheurs — et inséré dans une logique nationale.

Pour ce qui concerne les relations entre l’établissement public et les collectivités territoriales, il est évident que celles-ci doivent se l’approprier. Neuf de leurs représentants siègent d’ailleurs à son conseil d’administration, aux côtés de représentants de l’État et de la communauté universitaire et scientifique et du monde économique. Au contraire, c’est de leur implication que dépend son succès.

Le contrat de développement territorial signé entre l’État et les collectivités concernées dressera le cadre de leur partenariat dans ce secteur géographique et l’établissement public constituera le support de son développement.

Pour ce qui a trait à la préservation de l’environnement, des terres agricoles et des ressources hydrauliques, je rappelle simplement qu’une surface de 2 300 ha de terres agricoles bénéficie d’une protection législative et que cette disposition devrait mettre les terres à l’abri de tous les projets concurrents.

M. le président Patrick Ollier. Le caractère interactif et négocié du contrat de développement territorial revêt un caractère essentiel et ses dispositions doivent être prioritairement issues de la concertation avec les collectivités territoriales concernées. Il s’agit là d’un signal fort en direction de la préservation des équilibres des territoires. Cela ne serait pas le cas si, par exemple, l’établissement décidait seul avec l’État. La réserve des 2 300 hectares est par ailleurs un élément auquel nous tenions dans le débat.

M. Pierre Veltz. Il n’y a aucun doute sur le fait que l’établissement public n’est qu’un instrument de support du partenariat entre l’État et les collectivités territoriales.

M. Yves Albarello. Je souhaite poser plusieurs questions très concrètes. Comment concevez-vous l’aménagement du Plateau de Saclay ? Où sont les espaces qui doivent rester protégés ? Quel calendrier pour le programme d’aménagement ? Comment articuler, le calendrier de l’aménagement de « la double boucle » avec celui de l’aménagement du Plateau de Saclay ? Comment concevez-vous la synergie du pôle scientifique et technologique de Saclay avec celui de la « cité Descartes » de Marne-la-Vallée ? Comment enfin comptez-vous encourager les différents partenariats avec les collectivités territoriales ?

Mme Marie-Lou Marcel. Alors que nous disposons d’un potentiel important en matière de recherche en sciences « dures », vous comptez installer plutôt des entreprises « high-tech ». Vous vous êtes inspiré, par ailleurs, du modèle chinois : ne risque-t-on pas de tomber dans le travers d’une recherche directement exploitable économiquement, au détriment de la recherche en sciences exactes ?

M. Serge Poignant. La création du pôle de Saclay est un projet d’envergure mondiale et il faut insister sur ses apports dans les domaines de la recherche et de l’économie. Combien y a-t-il sur le site d’incubateurs et de « starts up » ? Quels sont les objectifs en la matière ? Y a-t-il, par ailleurs, des projets d’instituts dans le cadre du « grand emprunt » ? Quels délais vous donnez-vous pour réussir cette synergie ? La date de 2015 est-elle, par exemple, retenue ? Il serait utile enfin de préciser le coût global du projet.

Mme Corine Erhel. L’ambition affichée pour l’établissement public, le soutien apporté par l’État, la proximité de Paris et de ses infrastructures, risquent d’affaiblir d’autres pôles industriels et de recherche en France. Quelles seront les relations du pôle de Saclay avec les autres pôles de compétitivité, tels que « Images et réseaux » en Bretagne, qui doivent garder leurs capacités d’innovation et d’emplois ?

M. Didier Gonzales. Le périmètre de l’Opération d’intérêt national (OIN) va de Versailles jusqu’aux portes du Val de Marne ; il est adossé à une autre OIN, celle d’Orly Rungis. Comment se fait l’articulation entre ces deux secteurs d’intervention ? Quelle est la place réservée à l’aéroport d’Orly englobé dans le projet ?

M. Jean-Luc Pérat. On est en présence d’un projet très ambitieux. Plusieurs questions méritent d’être posées : la disparité des sites ne va-t-elle pas créer de nombreux problèmes de transport ? Comment se fera l’association des agriculteurs qui ont aussi des projets d’investissements pour l’avenir ? Comment s’opérera la complémentarité entre universités et grandes écoles ? Quels liens avec les régions qui investissent aussi dans la recherche ? Par ailleurs, l’accueil des chercheurs étrangers posera sûrement des problèmes de logement et l’on pourrait observer une accentuation de la désertification des campagnes.

M. Guy Malherbe. En tant qu’élu de l’Essonne, j’observe que nous avons mené beaucoup de recherches depuis 50 ans sur l’aménagement du Plateau de Saclay et que ce sont 50 années de perdues, même si des réalisations existent et si la volonté politique est là aujourd’hui. Le fait de réserver 2 300 hectares de terres agricoles ne posera-t-il pas des problèmes, vu l’orientation de « compacité » retenue ? S’agissant des déplacements, le plateau reste mal desservi pour les transports en commun comme pour l’automobile. Comment se fera la concertation entre les 49 communes concernées ?

M. Yanick Paternotte. Faut-il promouvoir une massification ou un travail en réseau ? Quel est l’avenir de Cergy Pontoise et de son pôle universitaire ? C’est là un vrai défi, à la différence de la situation des universités parisiennes.

Mme Laure de La Raudière. Je salue ce projet majeur, qui fait travailler ensemble de nombreux intervenants et permet une revalorisation de la fonction d’ingénieur en France. Quid de la nécessité pour les PME innovantes de travailler avec les « grandes écoles » ? J’aimerais que la logique excellente de ce projet aille jusqu’au bout.

M. Yves Albarello lisant les questions de M. Pierre Lasbordes. Pensez-vous que le projet du plateau de Saclay peut être envisagé uniquement comme un projet d’aménagement  ou sinon quel est-il ? En ce qui concerne l’aménagement, ce projet doit-il se résumer à la création d’un campus ou comprendre également des logements et des centres de vie, constituant ainsi une forme de « ville nouvelle » ?

M. Pierre Veltz. Pour répondre à M. Pierre Lasbordes, je dirai que ce projet ne se limite évidemment pas à l’aménagement, mais qu’il est porteur d’une grande ambition au service du campus et du cluster. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le législateur a créé cet établissement public atypique qui combine des compétences d’aménagement et de développement économique, avec également un regard sur les aspects scientifiques, même s’il ne gère pas directement cet aspect du projet qui est du ressort de la fondation de coopération scientifique. Il est clair que les questions scientifiques doivent demeurer l’apanage des scientifiques et que l’établissement public n’a pas vocation à les superviser, mais à travailler de concert avec la fondation.

À l’heure actuelle, le site de Saclay est principalement axé sur la recherche fondamentale, notamment dans le domaine de la physique, un des défis à relever consiste à créer davantage de liens en direction des sciences appliquées. Ces sujets relèvent des scientifiques et la contribution de l’établissement public consiste à aménager le site pour le transformer en un véritable campus digne de ce nom.

En ce qui concerne la superficie du site, vous savez que le territoire est immense, 7 500 hectares constitués essentiellement d’exploitations agricoles et de bois. Les 2 300 hectares dédiés au développement du site lui-même concernent la frange au sud sur le bord du plateau pour le campus et sur la partie nord ouest vers Satory en complément du développement de Versailles et de Saint-Quentin-en-Yvelines. L’espace agricole ne devrait donc qu’être très faiblement concerné. Je travaille en concertation avec les chambres d’agriculture et j’ai personnellement rencontré chacun des exploitants agricoles du plateau. La véritable question qui se pose est celle de l’avenir de cette agriculture très proche des centres urbains, de son évolution en lien avec l’environnement urbain. À cet égard, les points de vue sont aussi variés que le sont les stratégies de ces véritables entrepreneurs que sont les exploitants agricoles et il convient également de prendre en compte le mouvement des Associations pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne (AMAP). Je compte m’appuyer sur les ressources intellectuelles de l’INRA et de l’Agro qui auront leur siège sur le campus.

L’aménagement du site repose sur le principe de la mixité des fonctions aussi bien sur la partie campus au sud qu’au nord vers Satory. Il est absolument nécessaire d’éviter la création de ghettos scientifiques. Aujourd’hui l’ensemble du plateau est monofonctionnel ; il n’y a aucune interpénétration entre les différentes activités, à l’image du techno-centre de Renault qui fonctionne pratiquement en autarcie, en raison notamment des problèmes de transports rencontrés par les salariés. Notre démarche consiste à promouvoir la mixité des fonctions, sans pour autant aller vers la création d’une véritable « ville nouvelle » qui empiéterait largement sur les terres agricoles. À cet égard le choix de ne développer que le pôle de Saint-Quentin apparaît rétrospectivement le plus réaliste. Il faut donc développer l’enseignement supérieur sur le campus en lien avec le développement économique comme l’illustre parfaitement l’implantation de Thalès sur le site de Polytechnique.

En matière de logement, les annonces qui avaient été faites il y a quelques années de créer 150 000 logements ne sont plus d’actualité. Un consensus est en revanche apparu sur la nécessité de mettre en place un véritable campus résidentiel, comme cela existe partout dans le monde. Il est nécessaire de construire des logements étudiants de qualité destinés aussi bien aux grandes écoles qu’aux universités, là aussi pour introduire un élément de mixité qui fait défaut de manière caricaturale à l’heure actuelle. Mais il faut également créer des logements pour les familles, car il existe un besoin important de logements abordables en région parisienne d’une manière générale et sur le Plateau de Saclay en particulier. Il s’agit bien entendu d’un sujet qui ne peut être abordé qu’en lien avec les collectivités locales.

Mais il est tout aussi nécessaire de prévoir l’implantation de services et de commerces qui font actuellement cruellement défaut sur le Plateau de Saclay. Pour implanter de l’animation, il est indispensable à la fois de créer de la compacité et de disposer d’habitations permanentes sur le Plateau et la vallée. Nous avons mené conjointement avec les collectivités un travail de sélection d’un maître d’œuvre urbaine et paysagère et un paysagiste réputé internationalement, M. Michel Desvigne, a été choisi en qualité de mandataire. Il est envisagé de constituer un système en archipel autour de zones compactes à la fois paysagères et urbaines, afin de présenter un visage à la fois plus dense et plus accueillant. Il est indispensable de créer des logements pour disposer d’une animation permanente, les propositions du SDRIF en ce domaine paraissant d’ailleurs tout à fait acceptables.

La question des transports est évidemment centrale, car la pénurie actuelle en ce domaine explique en grande partie la difficulté à implanter des PME sur le Plateau de Saclay. Il est nécessaire d’agir conjointement dans trois directions, tout d’abord pour améliorer les transports existants comme le RER B et le RER C qui tendent à se dégrader, ensuite pour améliorer la desserte par les transports en commun en site propre qui est déjà réalisé en partie sur la zone sud et à Saint-Quentin-en-Yvelines et dont la prolongation est envisagée par le STIF. Cette infrastructure permettra l’utilisation de bus à haut niveau de service et à terme du tramway. Elle constituera l’épine dorsale d’est en ouest, sachant qu’une autre épine dorsale nord-sud est à l’étude car elle permettrait de relier la zone des Ulis à Vélizy et de desservir le campus d’HEC. Enfin dans le cadre du projet, il apparaît indispensable de prévoir une desserte rapide métropolitaine. Les études de modélisation disponibles tendent à montrer que le trafic serait assez faible, mais ces études ne comprennent pas la création d’une gare à l’est de Saint Quentin qui permettrait de drainer un vaste public. Même si le coût du kilomètre par usager est plus élevé dans cette région que dans la petite couronne, il convient de prendre en compte le besoin de développement de la région sur une période longue.

Les questions économiques portent notamment sur les voies et moyens de faire venir des PME sur le plateau. À cet égard, l’aménagement est fondamental et déjà opérationnel pour ce qui concerne l’accueil des PME en phase de croissance, puisque trois incubateurs sont en fonction. L’effort doit désormais porter sur la phase de maturation des entreprises et il est nécessaire de s’appuyer sur les pôles de compétitivité comme Systématic, Movéo et Médicen pour la biologie qui est la science appelée à irriguer tout le Plateau de Saclay.

La question de savoir si Saclay va « siphonner » les autres investissements n’a pas sa place dans une économie ouverte comme la nôtre. Il est au contraire indispensable de disposer de locomotives qui renforcent le réseau et de nouer des partenariats avec un pôle comme la « cité Descartes ».

Par ailleurs, il convient de remédier à la sous-représentation des sciences humaines. Le grand pôle en la matière est la « cité Descartes », avec laquelle il faudra créer un partenariat formel. Dans un autre ordre d’idées, on doit être à la pointe des innovations, par exemple, en expérimentant de nouvelles formes de mobilité ou en tissant un partenariat avec l’institut décarboné de la « cité Descartes ». On doit enfin améliorer la connexion avec Orly.

L’association avec les collectivités locales est un sujet majeur. Je propose de créer au sein de l’établissement public des commissions géographiques et thématiques qui pourraient être animées par des élus. On a déjà mis en place un groupe de travail portant sur la zone Saint-Quentin–La Minière–Versailles. On pourrait procéder de la même façon, s’agissant de la zone Campus et de Massy, mais je dois au préalable en discuter avec les élus. D’un point de vue thématique, deux sujets devront être discutés : d’une part, les transports, d’autre part, le logement et le cadre de vie.

Enfin, s’agissant des moyens financiers, j’éprouve encore quelques inquiétudes. On dispose certes de financements exceptionnels dans le cadre de l’« opération campus » : un milliard 850 millions ont déjà été versés, auxquels s’ajoutent les réponses qui sont en cours d’élaboration dans le cadre des autres appels à projets du « grand emprunt ». Cela représentera 2 milliards d’euros. Mais cette somme concerne essentiellement l’immobilier. La question reste posée du mode de financement de l’aménagement. Un besoin de financement important demeure concernant les infrastructures de base. À cet égard, l’effort financier du Conseil général de l’Essonne ne suffira pas. Cette charge ne peut peser seulement sur les collectivités locales. L’État doit y prendre sa part.

Je terminerai par la question foncière, qui est à la fois la garante d’un aménagement maîtrisé et qui renforce l’actif de l’établissement public. Je citerai à cet égard la loi du 3 juin 2010 sur le Grand Paris qui prévoit, en son article 32, que « l’État peut transférer, en pleine propriété et à titre gratuit, à l'Établissement public de Paris-Saclay, sur la demande de ce dernier, ses biens fonciers et immobiliers, à l'exclusion des forêts domaniales ».

M. le président Christian Jacob. Comme l’a rappelé Mme de La Raudière, il s’agit d’un projet remarquable, mais certains points devront toutefois être clarifiés ou améliorés, qu’il s’agisse du dialogue avec les élus locaux, de la question foncière ou du mode de financement. À ce titre, je pense qu’il serait utile pour nos deux commissions de vous revoir chaque année pour faire le point sur l’évolution de ce projet.

M. le président Patrick Ollier. Je vous remercie de n’avoir éludé aucune question et d’avoir répondu avec franchise. Vous avez rassuré ceux d’entre nous qui nourrissaient encore certaines inquiétudes. Pour ma part, je suis engagé dans une réflexion de même nature, concernant la construction du pôle de La Défense, dans le cadre d’une concertation qui est organisée avec des élus de toutes formations politiques. Il s’agit d’un défi d’une importance comparable à celui du Plateau de Saclay. L’enjeu dans les deux cas est de créer de nouvelles richesses tout en respectant l’équilibre entre les territoires.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je souhaiterais faire deux suggestions. En premier lieu, je propose que nous nous rendions sur le site. En deuxième lieu, il me paraîtrait opportun de créer un groupe de suivi commun aux deux commissions. Il nous faut en effet réfléchir à l’avenir des lieux qui ont subi le départ de certaines institutions.

M. le président Christian Jacob. La commission du développement durable nommera au début de l’année 2011, les deux députés en charge du rapport sur la mise en application de la loi sur le Grand Paris, dont son rapporteur, M. Yves Albarello. Il sera sans doute possible dans ce cadre d’associer des députés issus des deux commissions représentant la majorité et l’opposition.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 6 octobre 2010 à 10 heures

Présents. - M. Yves Albarello, M. Jérôme Bignon, M. Jean-Claude Bouchet, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, M. Stéphane Demilly, M. Raymond Durand, M. Albert Facon, M. Yannick Favennec, M. Daniel Fidelin, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. François-Michel Gonnot, M. Didier Gonzales, M. François Grosdidier, M. Serge Grouard, M. Michel Havard, M. Jacques Houssin, M. Christian Jacob, M. Jacques Kossowski, Mme Fabienne Labrette-Ménager, Mme Conchita Lacuey, M. Pierre Lang, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Nay, Mme Annick Lepetit, M. Gérard Lorgeoux, M. Philippe Martin, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, M. Jean-Luc Pérat, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Philippe Plisson, Mme Sophie Primas, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Max Roustan, M. Jean-Marie Sermier, M. Philippe Tourtelier, M. André Vézinhet

Excusés. - M. Jean-Yves Besselat, M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, M. André Chassaigne, M. Lucien Degauchy, M. André Flajolet, M. Joël Giraud, M. Armand Jung, M. Bernard Lesterlin, M. Jean-Pierre Marcon, M. Arnaud Montebourg, M. Martial Saddier

Assistait également à la réunion. - M. Guy Malherbe