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Mardi 23 novembre 2010

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 17

Présidence de Mme Fabienne Labrette-Ménager Vice-présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Guillaume Pepy, président de la SNCF

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Guillaume Pepy, président de la SNCF.

Mme Fabienne Labrette-Ménager, présidente. Je vous prie d’excuser l’absence de Christian Jacob, qui a été élu ce matin président du groupe UMP et m’a demandé d’assurer l’intérim.

Je vous informe que M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues ont déposé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la situation de l’industrie ferroviaire française. Cette proposition sera inscrite à l’ordre du jour de notre Assemblée le mercredi 8 décembre, en application de l’article 141 de notre Règlement. Renvoyée dans un premier temps à notre Commission, elle vient d’être réorientée vers celle des affaires économiques.

Notre Commission est heureuse de vous recevoir à nouveau, monsieur le président. Tous nos collègues n’ayant pu s’exprimer le 2 juin dernier, il nous a paru opportun d’organiser – comme vous l’aviez vous-même proposé – une nouvelle audition.

Je vous poserai pour ma part deux questions.

Conformément à l’article 145-7 de notre Règlement, notre Commission a créé une mission sur l’application de la loi ORTF de décembre 2009, conduite par Yanick Paternotte et Maxime Bono. L’objet principal de cette loi était de créer l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) dans le cadre de l’ouverture progressive du marché du transport de voyageurs. Dans quel état d’esprit la SNCF accueille-t-elle ce texte ? Comment vous préparez-vous à l’entrée sur le marché de nouveaux concurrents ? Quelles sont vos craintes et vos attentes à ce sujet ?

Ma seconde question est d’une brûlante actualité : ces dernières semaines ont été marquées par des grèves très fréquentes. Comment l’entreprise a-t-elle résisté ? Si le service minimum a fonctionné pour les voyageurs, la situation du fret semble plus critique que jamais. Faut-il aller vers un service minimum du fret ? Pensez-vous que les objectifs de report modal du Grenelle de l’environnement restent tenables ?

Je cède la parole aux porte-parole des groupes pour une première série de questions.

M. Jean-Paul Chanteguet. Le transport ferroviaire de marchandises a été ouvert à la concurrence en mars 2006 et les transports internationaux de voyageurs libéralisés en décembre 2009. Ni la libéralisation du transport national de passagers, ni l’organisation institutionnelle des entreprises ferroviaires ne sont envisagées dans la refonte du premier paquet ferroviaire présentée le 17 septembre par la Commission européenne. Néanmoins, celle-ci présentera en 2012 une évaluation globale des avantages et inconvénients d’une libéralisation totale. Est-il envisageable que les seconds soient supérieurs aux premiers ? Avec la refonte du premier paquet, la Commission veut contraindre les entreprises ferroviaires qui contrôlent les services dits annexes – gares de triage, terminaux, stations de ravitaillement – à créer une entité séparée dès lors qu’elles détiennent une position dominante. Quel regard portez-vous sur cette orientation ? Quelles pourraient en être les conséquences pour la SNCF ?

Vous avez par ailleurs prévu de consacrer un milliard d’euros au plan fret pour la période 2010-2015, et l’État 7 milliards d’ici 2020. Mais pouvez-vous nous dire quelles parts de ces montants seront engagées dès cette année ? Les entités spécialisées – transport combiné et autoroutes ferroviaires, produits agricoles et de carrière, flux de charbon et sidérurgiques et flux d’hydrocarbure, de chimie et d’automobile – prévues dans ce cadre ont-elles été créées ?

Dans le cadre de la procédure d’appel d’offres lancée par Eurostar pour l’achat de nouveaux trains à grande vitesse, Siemens a été préféré à Alstom. Alors ministre des transports, Dominique Bussereau avait affirmé que l’intention d’achat était nulle et non avenue, car les trains Siemens ne remplissaient pas les conditions de sécurité pour traverser le tunnel sous la Manche. Pouvez-vous commenter la décision d’Eurostar ?

J’en viens aux trains d’équilibre du territoire (TET). Il semble que la convention de financement des trains interrégionaux peine à aboutir. Je rappelle qu’elle a pour objet de combler les déficits occasionnés par les trains Corail et Téoz, évalués à 210 millions d’euros par an. Deux sources de financement ont été proposées par l’État, autorité organisatrice de ce service : une augmentation de la taxe d’aménagement du territoire sur les autoroutes, qui devrait rapporter 35 millions, et une contribution de solidarité territoriale de 3,5% sur le montant du chiffre d’affaires des TGV, pour un rendement attendu de 175 millions. Vous avez fait valoir au Gouvernement que cette nouvelle taxe porterait atteinte à la rentabilité des TGV. Pensez-vous avoir été entendu ? Il semble en tout cas que le Gouvernement s’apprête à proposer un autre mode de financement, qui ramènerait la charge supportée par la SNCF à moins de 100 millions d’euros.

Enfin, il ne serait pas inutile que vous expliquiez à la représentation nationale pourquoi le prix moyen du billet TGV a augmenté deux fois plus vite que l’inflation depuis 2002.

M. Yanick Paternotte. La situation du fret ne laisse pas d’inquiéter. A une crise structurelle s’est ajoutée avec les grèves une donnée conjoncturelle ; or si on a beaucoup parlé du service minimum pour le transport de passagers, on a quasiment occulté le drame du fret ferroviaire – certaines rames ont été bloquées 7 à 10 jours, sans autre alternative dans bien des cas que le camion. Les opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) sont une des clefs de la relance du fret. Quelques-uns ont émergé, notamment les OFP portuaires. Il semble que la SNCF peine parfois à se positionner. Quels sont votre stratégie et vos objectifs en la matière ?

Je suis de ceux qui pensent que le couple franco-allemand est l’une des clefs – en tout cas pour les moyennes et longues distances – du report modal. Après la « guerre froide », où en sont vos relations, au moins pour le fret, avec la Deutsche Bahn ? Des alliances ou des échanges sont-ils possibles ? Sur les sillons européens, il n’y aura en effet pas d’objectifs d’allotissement de longue durée sans entente entre la France et l’Allemagne.

La loi ORTF de décembre 2009 se fonde sur une architecture précise : séparation des infrastructures entre RFF et la SNCF opérateur, mise en concurrence d’abord du fret, ensuite des grandes lignes, voire des TER passagers régionaux. La position du régulateur a fait l’objet de commentaires, y compris de la part de la Cour des comptes. Deux ou trois divisions appartenant à la SNCF ont été critiquées. Quelle est votre réflexion à l’usage ? Cela fonctionne t’il ou faut-il revoir le dispositif – c’est l’un des points auxquels nous nous intéressons avec Maxime Bono dans le cadre de la mission d’information de notre commission sur l’application de la loi.

S’agissant de l’ouverture à la concurrence des grandes lignes, peu de demandes de sillons ont été faites par les groupes alternatifs. Comment envisagez-vous la concurrence d’Eurostar – une de vos filiales – ou d’autres grands groupes demain ? Pour l’heure, il semble qu’il n’y ait guère d’ouverture à la concurrence sur les grandes lignes avec cabotage. Quel paysage voyez-vous se dessiner et à quel horizon ?

M. Stéphane Demilly. Une récente étude du Boston Consulting Group, reprise notamment par UFC-Que choisir, a mis en évidence une hausse très importante du billet SNCF entre 2002 et 2009. Le tarif moyen d’un billet de TGV serait ainsi passé de 38,20 euros à 45,20 euros, soit une augmentation de près de 20 %. L’opacité de la grille tarifaire de la SNCF, en particulier, est mise en cause – entre les promotions, les billets professionnels, les billets standards ou les cartes commerciales, il est parfois difficile de s’y retrouver ! Quel est votre sentiment ?

Standard & Poor’s a récemment dégradé d’un cran, de AAA – la meilleure note – à AA+, la note de la dette à long terme de la SNCF. Quelles raisons ont motivé cette décision ? Quel impact aura-t-elle sur la SNCF, qui devra nécessairement emprunter à des taux plus élevés ?

Enfin, à la lumière des grèves à répétition que nous venons de connaître, que pensez-vous du fonctionnement du service minimum ? En tant qu’usager du train, j’ai constaté à plusieurs reprises que des trains pourtant annoncés n’étaient pas au rendez-vous. La loi vous semble-t-elle appliquée de manière satisfaisante ou faut-il la renforcer ? J’aimerais également savoir combien ces grèves ont coûté à la SNCF.

M. André Chassaigne. Le 18 février dernier à Zürich, sept grandes entreprises européennes de fret ferroviaire ont conclu l’alliance Xrail en vue de rendre plus performantes et attractives les offres de transport international par wagons isolés. Leur déclaration commune rappelle que le transport par wagons isolés représente environ la moitié du fret ferroviaire européen et détient un potentiel de croissance important à l’échelle internationale. Or seulement onze pays, dont la France ne fait pas partie, en seront bénéficiaires. Les principales organisations syndicales de cheminots et les associations environnementales ont pourtant adopté le 19 mars une déclaration commune réclamant un débat public. Le 3 juin, plusieurs centaines de personnalités ont lancé un appel national – dont j’ai été l’un des premiers signataires - à la révision en urgence du plan fret de la SNCF. Début juillet, les organisations représentatives des principaux chargeurs ont dénoncé avec virulence la restructuration du fret et demandé la médiation du Gouvernement, en affirmant que cette réorganisation dénommée « multi-lots/multi-clients » n’était pas une réponse adaptée aux besoins des chargeurs. Qu’en est-il de ces demandes ?

Ma deuxième question a trait aux conventions avec les régions. La régionalisation des TER a permis d’augmenter le trafic de voyageurs de 45 % entre 2001 et 2009. Les régions ont joué le jeu et développé des politiques ambitieuses d’offre de transport. L’Auvergne a ainsi investi plus de 107 millions d’euros pour compenser le désengagement de l’État et moderniser le réseau existant. Or on assiste à une augmentation scandaleuse de la facture des conventions du fait des péages : pour l’Auvergne, on est passé de 61 millions en 2004 à 85 millions en 2008 et on annonce 103,6 millions pour 2015 ! Comment la SNCF peut-elle justifier de telles augmentations, qui asphyxient financièrement des régions déjà étranglées par l’absence de compensations de l’État et la réforme de la fiscalité ? Les collectivités locales seraient-elles pour vous des vaches à lait ?

Ma dernière question porte sur la fermeture envisagée de la ligne Paris-Montluçon, avec la suppression du train direct Montluçon-Paris. Vous dites que le trajet direct serait plus long d’une vingtaine de minutes qu’une correspondance par Vierzon. Cette fermeture n’est en fait que la suite de celle des lignes Montluçon-Ussel et Montluçon-Clermont-Ferrand par Volvic. Or il y a actuellement un projet de réouverture de cette dernière avec des fonds publics, mais pour un usage par un OFP – donc privé. Trouvez-vous cela normal ? Evaluez-vous les conséquences économiques, mais aussi en termes d’aménagement du territoire, de l’ouverture de telles lignes ?

M. Daniel Paul. Très bien !

M. Guillaume Pepy, président de la SNCF. Je vous remercie de me donner l’occasion de m’exprimer à nouveau devant votre commission et je vous prie par avance de bien vouloir excuser le caractère lapidaire de mes réponses, mais vous avez posé au total une trentaine de questions !

Premier sujet, le service minimum et le fret. Pour la SNCF, la loi sur le service minimum est un succès du point de vue des usagers. Elle a réalisé un équilibre satisfaisant entre le droit de grève, qui est parfaitement respecté, et le droit aux transports, qui l’est mieux – notamment dans les grandes régions urbaines – qu’il y a cinq ou dix ans. Le point d’équilibre entre des intérêts historiquement contradictoires me semble donc atteint. Nous n’avons recensé que quelques trains qui n’ont pu circuler certains jours. L’offre du service minimum a donc été réalisée à 99,98% les jours de grève.

Le service minimum dans le fret est une question politique digne d’une réflexion du Parlement et des pouvoirs publics. La fermeture les jours de grève des postes d’aiguillage essentiels aux réseaux capillaires – ceux qui desservent les céréaliers, les ports, les dépôts de carburants ou les grandes zones industrielles – empêche en effet les treize opérateurs de fret ferroviaire, parmi lesquels la SNCF, d’assurer le trafic alors même qu’ils disposent de conducteurs. Le transfert vers la route – que personne ne souhaite – est alors inévitable. Là encore, il faudra trouver un point d’équilibre, c’est pourquoi j’appelle à une réflexion collective.

J’en viens à la loi ORTF. Nous souhaitions un régulateur ; nous sommes donc heureux que l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) ait été créée. La loi a d’autre part établi deux statuts particuliers, l’un pour la gestion des trafics et des circulations – la direction de la circulation ferroviaire (DCF) – l’autre pour les gares – Gares & Connexions. Bien que rattachées à la SNCF, ces deux entités sont autonomes par rapport à l’entreprise ferroviaire, afin de préserver les conditions de la concurrence. A l’heure actuelle, je n’entends pas de critiques à l’égard de ce dispositif qui répond à un double objectif : que la SNCF soit suffisamment mature pour faire jouer la synergie entre la gestion des circulations ou les gares et le reste de l’entreprise, que nos futurs concurrents n’aient pas à redouter une discrimination à leur encontre par le biais des gares ou de la gestion des circulations. Le système me paraît satisfaisant mais, s’il était jugé discriminatoire, la loi devrait être modifiée. J’y suis très attentif mais je plaide pour que l’on lui donne sa chance à ce modèle, car il permet à la SNCF de préserver une certaine unité dans le respect de la concurrence.

Pourquoi n’y a-t-il pas de nouveaux concurrents aujourd’hui ? Lors de ma prise de fonctions voici deux ans et demi, j’avais dit clairement que la SNCF ne demandait pas que l’on retarde l’arrivée de la concurrence dans notre pays, qui n’en serait que plus brutale lorsqu’elle adviendrait finalement. L’entreprise se prépare à cette perspective. Nous souhaitons qu’elle arrive dans deux conditions. La première est que ce soit équitable pour la SNCF, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas d’écrémage – les concurrents se positionnant sur les liaisons rentables et laissant les lignes déficitaires à la SNCF. Ce point est aujourd’hui à l’étude dans le cadre du rapport du sénateur Grignon comme des réflexions des pouvoirs publics. La deuxième condition est que ne subsistent pas deux statuts sociaux disparates – d’un côté le statut historique des cheminots, de l’autre celui du ferroviaire privé – car la SNCF en serait pénalisée. C’est pourquoi j’ai appelé publiquement à la définition d’un socle social commun, donnant des garanties essentielles aux cheminots du privé comme à ceux du public. C’est du reste ce que vous avez fait récemment dans la loi relative à la nouvelle organisation du marché de l’électricité – dite loi NOME – avec le statut social des salariés du gaz et de l’électricité. Il me semble qu’il y a place pour une convention collective qui permettrait d’éviter le dumping social. A ces deux conditions, la concurrence pourra être ouverte sans dommage pour la SNCF et les personnels.

En ce qui concerne le fret, il y a du mauvais et du bon. Le mauvais est que toutes les causes d’absence de fiabilité pèsent sur l’activité de fret ferroviaire, et au premier chef la crise des sillons, autrement dit des horaires : les travaux et les congestions sur le réseau empêchent la plupart du temps de donner des horaires de qualité aux trains de fret. C’est aujourd’hui le premier problème du fret ferroviaire français. D’après RFF, propriétaire et gestionnaire du réseau, cette crise est appelée à durer encore deux ans. La seconde cause d’absence de fiabilité tient aux insuffisances des entreprises, la troisième aux conflits sociaux.

Mais il y a aussi du bon. L’engagement national pour le fret ferroviaire – 7 milliards de l’État, auxquels s’ajoute un milliard de la SNCF – se met en œuvre. C’est long, mais les bonnes nouvelles sont là : la réouverture et la modernisation de la ligne Serqueux-Gisors, qui permet de disposer à partir du Havre d’un itinéraire d’évacuation autre que Le Havre-Rouen-Paris ; la courageuse décision qui a été prise de réaliser le contournement de la région lyonnaise ; le lancement des premières études sur les contournements de Lille ou de Nîmes. Bref, le chantier est lancé, et il mérite un large soutien : si notre fret était défaillant, c’est parce que nous n’avions pas de réseau capable de supporter un fret ferroviaire de qualité. Pendant des années, nous avons tout misé sur les voyageurs, en négligeant les investissements en faveur du fret.

Une autre bonne nouvelle concerne les trains d’équilibre du territoire : le conseil d’administration de la SNCF examinera demain le contrat de service public, tandis que le Gouvernement soumettra au Sénat un amendement au projet de loi de finances relatif aux dispositions financières correspondantes. Demain soir sera donc résolu un problème lancinant qui mine les élus de tous bords depuis près de vingt ans : les trains Corail, Téoz et Lunéa, empruntés par 100 000 voyageurs par jour et qui desservent 21 régions françaises, feront l’objet d’un contrat de service public conforme aux règles européennes, faisant de l’État l’autorité organisatrice de ces 340 trains quotidiens. C’est un progrès considérable, et il faut rendre hommage à tous ses acteurs. L’avenir des TET est désormais assuré, avec un financement en loi de finances et un contrat de service public.

Nous sommes bien sûr engagés dans le développement des OFP, les entreprises locales de fret, avec une doctrine : le seul cas dans lequel il ne faut pas compter sur la SNCF est celui où un opérateur local voudrait qu’elle lui « transfère » librement ses trafics. Nous avons la volonté de redresser nos propres activités et entendons défendre le fret SNCF tout en faisant de la place aux opérateurs locaux. Le critère d’opportunité de l’installation d’un opérateur local est le suivant : apporte-t-il davantage de fret ferroviaire – autrement dit un réel transfert de la route vers le rail ?

Les péages existent pour la bonne cause, puisque les péages du TGV financent pour partie la rénovation du réseau classique. J’appelle néanmoins régulièrement à leur modération, car leur augmentation très rapide – 200 millions d’euros pour la seule année 2011 – met en question l’équilibre de l’activité grande vitesse en France.

Sur les tarifs, permettez-moi d’apporter une précision : il y a parfois confusion entre l’évolution du tarif public et celle du panier d’achat. Or ce n’est pas la même chose : le tarif, c’est celui qui est proposé à tout le monde ; le panier d’achat, c’est ce que chacun décide d’acheter « à la carte ». Les chiffres sont les suivants : depuis 2002, les tarifs du TGV en France ont augmenté de 0,5% de plus que l’inflation. J’assume cette évolution : le réseau TGV s’étend, nous avons de plus en plus de rames et de gares, et de plus en plus de voyageurs. Le panier du consommateur a augmenté beaucoup plus vite – jusqu’à 5 à 6 % certaines années. D’une part, les voyageurs voyagent de plus en plus à l’international, où le prix moyen est plus élevé – pour une distance comparable, un Paris-Bruxelles est plus cher qu’un Paris-Dijon ou un Paris-Poitiers. D’autre part, nos voyageurs choisissent de plus en plus souvent la première classe et sont de plus en plus souvent des voyageurs professionnels. Entre 1999 et 2009, le trafic de première classe a augmenté de 80 %, celui de deuxième classe de seulement 40 %. Tant mieux : cela libère des places pour de nouveaux voyageurs.

Nous n’avons en tout cas pas à rougir de notre système TGV, qui est le moins cher d’Europe et qui le restera. Selon une étude du ministère des transports, le prix moyen au kilomètre du TGV est inférieur de 35 % à ce qu’il est en Allemagne. L’Espagne vient d’ouvrir la ligne à grande vitesse Madrid-Valence : le billet est de 61 % plus cher que pour un trajet équivalent en France ! Notre système est populaire et il doit le rester. Mais les tarifs du TGV doivent aussi refléter les coûts, notamment ceux des péages.

J’en viens maintenant à Eurostar. Les règles de sécurité dans le tunnel sous la Manche sont de la responsabilité des gouvernements français et britannique. Ceux-ci ont constaté que, quel que soit leur constructeur, les trains de nouvelle génération, dits à motorisation répartie, supposent une évolution des règles de sécurité. Ils doivent y réfléchir ensemble et je leur fais confiance. La SNCF détient 55 % des actions d’Eurostar, ce qui lui confère une responsabilité d’actionnaire. Mais il existe aussi des règles juridiques pour les appels d’offres. La société Alstom a déposé des recours contre la société Eurostar ; laissons la justice trancher.

Je vous remercie de votre question sur la notation de la SNCF, Monsieur Demilly car elle me permet de précision la situation. Il est souvent reproché à la France de faire bénéficier ses entreprises publiques de privilèges exorbitants qui ne seraient pas conformes au droit européen. La vérité est que la SNCF ne bénéficie ni d’une garantie explicite – qui supposerait une décision du Parlement – ni d’une garantie implicite – qui serait illégale – sur sa dette. La preuve en est que Standard & Poor’s a dégradé sa note d’un cran. Certes, le renchérissement du crédit qui en découle va nous coûter plusieurs millions d’euros, mais c’est aussi la preuve que la France respecte les règles européennes de la concurrence et que la SNCF n’est pas dans une situation exorbitante du droit commun.

Madame la présidente. Nous en venons à une nouvelle série de questions.

M. François-Michel Gonnot. Ayant eu l’occasion de participer à plusieurs réunions de Gares & Connexions, je voudrais témoigner de la qualité de son travail. C’est un enjeu extrêmement important pour la SNCF que de faire des gares des lieux différents, qui soient aussi demain des lieux de vie, des lieux de société et des lieux urbains.

Combien les grèves des dernières semaines – qui n’avaient rien à voir avec le mouvement sur les retraites – ont-elles coûté à la SNCF ?

Notre collègue sénateur Francis Grignon a conduit sur les prochaines étapes de l’ouverture à la concurrence pour la SNCF un remarquable travail qui a toutefois un petit goût d’inachevé car il n’a pas eu l’écho qu’il méritait. Que pensez-vous de ce rapport et êtes-vous favorable à sa publication ?

M. Daniel Paul. Selon vous, un service minimum pour le fret est souhaitable en raison du problème des aiguillages. Souffrez que l’on s’inquiète de cette nouvelle perspective de réduction du droit de grève !

La séparation des activités a un coût. Quel est ainsi pour la SNCF celui des déplacements d’agents pour des manœuvres de très courte durée sur un autre site que celui où ils se trouvent ?

M. André Chassaigne. En taxi !

M. Daniel Paul. L’État sera donc autorité organisatrice pour les 400 trains d’équilibre du territoire. Vous avez parlé de contrat de service public. Cela risque-t-il de déboucher un jour sur une mise en concurrence ?

Vous venez d’évoquer la dette. Mais quelle en est l’issue ?

Où en êtes-vous, par ailleurs, en ce qui concerne les OFP ? Allez-vous faire intervenir la SNCF ou mettre en avant ses filiales, dans l’idée que la maison-mère devienne progressivement minoritaire dans les activités ferroviaires du groupe ?

Enfin, 350 locomotives se trouvent aujourd’hui au dépôt dans la gare de Sotteville-lès-Rouen. Même des cadres de la SNCF parlent de gâchis. Est-il vrai qu’elles servent de gisement de pièces détachées alors même qu’elles sont en état de marche ?

Mme Françoise Branget. L’État va contribuer au financement d’un programme d’investissement dans les lignes à grande vitesse qui permettra de réaliser de cinq grandes lignes d’ici 2020. La Franche-Comté inaugurera le 11 décembre 2011 la branche Est, Belfort-Dijon, qui doit être complétée par la liaison Belfort-Mulhouse – le bouclage du financement est en cours. Ce raccordement s’inscrit dans l’axe européen Francfort-Barcelone. Cette « autoroute ferroviaire » ne sera cependant complète qu’avec la réalisation de la branche Sud – Besançon-Lyon –, que les élus francs-comtois ont inscrite comme priorité. Quel est votre sentiment sur cette liaison qui a beaucoup fait débat ?

J’appelle également votre attention sur les difficultés que rencontrent les usagers des TER, que ce soit en termes de respect des horaires ou d’annulations en dehors des périodes de grève. Nous mesurons au quotidien le mécontentement des usagers – je dis usagers, et non clients. Que comptez-vous faire pour améliorer vos performances et respecter les contrats passés avec les régions ?

M. Albert Facon. Où en êtes-vous du projet de suppression de la ligne TGV Arras-Paris ? Je l’emprunte plusieurs fois par semaine et les trains sont pleins !

Vous dites que les prix sont inférieurs en France à ce qu’ils sont ailleurs ; mais alors notre région n’est pas en France… La ligne Lille-Paris, c’est la poule aux œufs d’or ! Il en coûte en effet 20 centimes du kilomètre, contre 10,5 à 13 centimes sur les autres lignes et alors même que de nombreux habitants de la région prennent le train pour aller travailler à Paris. Vous allez me répondre que la distance est un facteur important du prix et que nous avons gagné beaucoup de temps avec l’ouverture de la ligne TGV. Ceux qui ont utilisé un tortillard pendant un siècle devraient donc, parce qu’ils gagnent enfin du temps, payer le double des autres ? C’est ce que j’appelle une double peine ! Allez-vous harmoniser davantage les tarifs ou faudra-t-il attendre la concurrence, ce que je ne souhaite pas ?

M. Michel Havard. Le rapport entre le coût du déplacement d’une famille en train et en voiture joue malheureusement trop souvent au bénéfice de la seconde. Comment abordez-vous la question de la politique tarifaire en direction des familles ?

Ma seconde question porte sur l’environnement. Acteur de la recherche, la SNCF est soucieuse des bilans énergétiques et environnementaux de son activité. Son bilan carbone est d’ailleurs exemplaire. Comment envisagez-vous l’avenir ? Quelles sont vos marges de progrès ?

M. Christophe Bouillon. Ma première question porte sur les dessertes interrégionales. Vous avez fait état de l’impasse dans laquelle vous vous trouviez avec un déficit de 190 millions. Quatre lignes interrégionales sont cependant rentables, dont la ligne Paris-Rouen-Le Havre. Mes collègues ont parlé du service minimum ; je préfère évoquer le service maximum. En effet, la qualité du service se dégrade depuis plusieurs années sur cette ligne : le temps de parcours est passé de 1 heure 07 à 1 heure 10 ; les retards restent nombreux. On est en droit d’attendre un effort.

Un mot des tarifs : si leur compréhension est si difficile, c’est d’abord parce qu’on manque d’explications sur leur construction.

Daniel Paul a évoqué la gare de triage de Sotteville-lès-Rouen. Si les faits sont confirmés, cela ne pourra que ranimer les craintes quant à la pérennité d’un outil capital pour la réindustrialisation de la région.

Enfin, vous avez évoqué la façon dont la SNCF aborde l’arrivée de Trenitalia ou de Veolia transports. Mais qu’en est-il de sa stratégie de développement en Europe ?

M. Guillaume Pepy. J’avais en effet oublié de répondre à la question sur le coût de la grève du mois d’octobre. Celui-ci s’établit à 200 millions d’euros en brut – manque à gagner et dépenses supplémentaires – et à 150 millions en net – c’est-à-dire compte tenu de ce qui n’a pas été dépensé du fait de la grève, économies sur les achats de sillons et retenue sur les salaires des grévistes.

Le rapport de M. Grignon n’est pas encore achevé et seul un document de travail a circulé. Je l’attends comme vous avec impatience : il y va de l’avenir du service public de proximité, puisqu’il porte sur les trains régionaux et leur éventuelle ouverture à la concurrence dans le cadre fixé par l’Union européenne.

Le contrat sur les TET ouvre-t-il la voie à leur mise en concurrence ? Cela exigerait une modification de la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI), qui a institué un monopole légal de la SNCF sur tous les trains de voyageurs.

En ce qui concerne la dette, j’ai pris l’engagement qu’elle reste soutenable, autrement dit que l’entreprise puisse en assurer le remboursement sur ses propres ressources dans des conditions de marché définies. A la fin juin, cette dette nette s’élevait à 8,6 milliards d’euros, pour un chiffre d’affaires estimé de 30 milliards d’euros en 2010.

Pour ce qui est du fret, je sais que la situation est vécue comme un déchirement par nombre de cheminots – dont je suis. Mais dans les conditions de concurrence entre le rail et la route qui prévalent dans notre pays, la SNCF a perdu ces dernières années dans le fret de l’ordre de 600 millions d’euros par an. C’est une véritable saignée qui obère l’avenir. Nous avons donc pris des décisions difficiles mais courageuses pour faire davantage de fret ferroviaire, mais aussi pour lancer une « révolution industrielle » qui implique de passer d’un mode de production du dix-neuvième siècle à un mode de production du vingt-et-unième siècle. Le mot clé de tout cela, c’est la massification. Compte tenu de l’hyper compétitivité de la route, le transport de détail a en effet « décroché ». Je le regrette, mais c’est un fait.

Nous pouvons en effet être fiers du TGV Rhin-Rhône, madame Branget. Ce sera le premier TGV à ne pas passer par Paris et il constitue un morceau de réseau européen. Sur la branche Sud, je dois à l’honnêteté de dire que le débat est difficile, notamment sur le point de savoir s’il faut faire une ligne à très grande vitesse pour les voyageurs ou une ligne mixte pour les voyageurs et pour les marchandises et si la vitesse doit être de 270 ou de 350 km/h. Selon Hubert du Mesnil, président de RFF, les premiers éléments de débat public n’ont pas permis de conclure nettement. Le débat devra donc être remis à l’ordre du jour.

Je n’avais pas le sentiment que les TER Franche-Comté étaient si peu performants, mais je vais regarder cela de près…

Chaque fois que j’ai le plaisir de vous rencontrer, monsieur Facon, vous m’interpellez sur le TGV Nord-Europe. Je vous rassure, nous l’aimons ! Ses promoteurs ont eu raison : le passage du TGV au centre de Lille, avec un double système de gares, est un succès.

M. Albert Facon. Merci Pierre Mauroy…

M. Guillaume Pepy. Je vous fais simplement observer que le péage – que je ne fixe pas moi-même – sur cette ligne est le plus élevé du réseau ferroviaire français : il représente environ 40 % de la recette.

M. Albert Facon. Il n’y a pourtant ni tunnel, ni montagne…

M. Guillaume Pepy. Cette ligne étant la plus occupée du territoire, il faut nécessairement davantage de crédits d’entretien et de maintenance.

Nous faisons circuler chaque jour 850 TGV dans un système qui est public. J’ai la responsabilité de sa bonne gestion devant le Parlement et le Gouvernement. Je veille donc à ce que les dessertes TGV « respirent » : on en crée et on en supprime en fonction des besoins des populations, des discussions avec les élus, enfin de leur bilan économique : si je n’en tenais pas compte, je serais responsable d’une mauvaise gestion de la SNCF. Nous faisons de notre mieux et notre système, je le redis, nous est envié par le monde entier.

Vous avez raison de nous interpeller au nom des familles, monsieur Havard. Je ne suis pas entièrement satisfait de cette gamme tarifaire, même si nous avons quelques progrès à notre actif, telle la carte « enfant famille », lancée il y a un an et demi avec Mme Morano et qui profite à 200 000 familles très modestes qui ne bénéficient pas de la carte famille nombreuse. Nous venons également de lancer des TGV Familles, intégralement à tarif Prem’s. Cela permettra aux familles de trouver des places peu chères, même à une date proche du voyage.

Les Français nous disent comme vous que la grille tarifaire est trop complexe. Cela tient à la raison simple que l’objectif est le remplissage maximum des trains. Si on en était resté au système kilométrique de notre jeunesse, les trains seraient beaucoup moins remplis, car chacun n’a pas les mêmes moyens pour voyager. Ce n’est donc ni par bêtise ni par vice que les tarifs sont complexes, mais afin de permettre à chacun de trouver le prix qui lui convient lorsqu’il veut voyager. Du reste, les Français sont devenus experts dans la gamme des tarifs : ils la trouvent compliquée, mais ils savent l’utiliser ! Les TGV français ont aujourd’hui un taux de remplissage de l’ordre de 73 ou 74 %, contre 50 % en Allemagne. Nous utilisons donc le bien public de manière 50 % plus efficace que les Allemands. C’est un autre motif de fierté.

Nous avons vis-à-vis des trains normands une dette quant à la qualité du service ferroviaire qui ne sera pas éteinte tant que la ligne ne sera pas entièrement rénovée. RFF va investir en une dizaine d’années près d’un milliard d’euros entre la gare Saint-Lazare et le Havre, en passant par l’ensemble des capillaires du réseau. Il est vrai que la ligne n’avait pas bougé depuis l’électrification dans les années 1960, et ceci parce qu’il n’y a pas de TGV. C’est dur pour les voyageurs – car il y a des travaux tout au long du parcours – mais la ligne sera reconstruite d’ici la fin de la décennie.

Le site de Sotteville a un avenir ferroviaire. Il est en effet très bien placé pour être l’un des maillons de notre réseau « massifié » du transport de marchandises. Dans quelques semaines ouvrira le tronçon de la Brèque au Havre, qui va enfin donner à Port 2000 le raccordement ferroviaire attendu depuis des années.

Je vous remercie, monsieur Bouillon, d’avoir posé la question du développement européen. Nous sommes le premier exploitant de trains en Grande-Bretagne, en partenariat avec des acteurs locaux, et nous détenons 27 % du marché local. Nous sommes également présents en Italie, en Suisse – en partenariat – et un peu en Allemagne. Nous cherchons à exporter le remarquable savoir-faire français dans le domaine du transport. J’ai un autre motif de satisfaction : on roule beaucoup français en Europe et de plus en plus dans le monde.

M. Didier Gonzales. La presse a fait état d’un certain mécontentement quant à la qualité du service rendu sur les lignes C et D du RER, exploitées par la SNCF. Ce constat a été étayé par le récent rapport de la Cour des comptes sur les transports régionaux en Île-de-France. Quelles solutions la SNCF propose-t-elle pour remédier à ces difficultés ?

Par ailleurs, vous nous aviez indiqué en juin dernier que les décisions relatives à l’avenir des sites de triage en Île-de-France seraient prises à l’automne. Pouvez-vous aujourd’hui éclairer notre commission à ce propos ?

M. Frédéric Cuvillier. Je viens d’avoir une révélation : si vous nous maltraitez de la sorte, monsieur le président, c’est parce que vous êtes un complice de Henri VIII… François Ier et Napoléon Ier se retournent sans doute dans leur tombe s’ils voient comment vous traitez notre littoral du Nord-Pas-de-Calais ! Pour vous, la Côte d’Opale et ses 800 000 habitants sont terra incognita !

Regardez une carte ! Depuis Boulogne-sur-Mer, il faut remonter à Lille pour redescendre jusqu’à Paris. Et, dans la mesure où les trains classiques ont disparu, ce sont les habitants, modestes, de notre région qui subissent les prix élevés des TGV lorsqu’ils sont contraints de se déplacer.

Qui plus est, le sort de la gare internationale de Fréthun nous préoccupe grandement. En supprimant des Eurostar, vous empêchez tout simplement notre région de bénéficier de la dynamique économique du transmanche, que n’empruntent pas moins de 30 millions de voyageurs chaque année. Alors que le passage de la Manche est rendu plus facile aux Parisiens et aux Bruxellois, ceux qui ont le malheur d’habiter Boulogne, Calais ou Dunkerque sont obligés d’aller prendre l’Eurostar à Paris.

Vous allez sans doute me dire que s’arrêter à Calais-Fréthun ralentit les trains avant de passer dans le tunnel. Mais pourquoi ce ralentissement ne jouerait-il que dans ce sens ? Jusqu’à présent, en effet, il y avait 25 arrêts chaque jour du côté anglais contre 5 à Fréthun. Et si cette gare est peu fréquentée, n’est-ce pas parce que vous avez laissé les Anglais bloquer le nombre des réservations : il faut avoir essayé de réserver sur l’Eurostar pour le mesurer !

Remplacer comme vous le faites les Eurostar par des TGV ne saurait nous satisfaire puisqu’ils ne peuvent emprunter le tunnel. Une ancienne affiche le proclame : en 1890, il fallait 2 heures 45 pour relier « Boulogne-les-Bains » à Paris. Eh bien on n’a pas gagné une seule minute depuis lors ! Mais rassurez-vous, le risque de nous voir débarquer dans votre bureau pour protester est limité : si nous manquons le premier train, vous ne nous verrez pas avant 13 heures 30. Mieux vaut ne rien avoir à faire à Paris le matin…

Comment par ailleurs ne pas s’émouvoir de la suppression de 725 emplois chez SeaFrance ? Que pouvez-vous nous dire à ce propos ?

Enfin, pouvez-vous dire un mot de la stratégie de la SNCF en matière de fret portuaire ?

M. Serge Grouard. La SNCF est, bien sûr, un acteur important du SNIT, le schéma national des infrastructures de transport, dont on voit bien qu’il va entraîner un changement de configuration de l’ensemble des réseaux de transports. Au-delà d’une forte ambition, ce sont les questions de coût et de financement qui sont posées, à un horizon finalement assez proche à l’échelle de travaux aussi lourds.

Quelle pourrait être, dans ces conditions, la gouvernance de l’ensemble des procédures liées à la réalisation de ce schéma, notamment de la bonne partie des 2000 km de LGV qui y figure, surtout dans la mesure où certains chantiers importants vont se chevaucher ?

Le modèle économique retenu est certes ambitieux, mais avons-nous véritablement les moyens de le financer ? Sauf à risquer des retards, ne faudrait-il pas tracer des vraies priorités et échelonner davantage les réalisations dans le temps, en prenant en particulier en compte le rapport coût/temps gagné ?

Enfin, pour rendre le SNIT acceptable, au lieu de réaliser de nouvelles infrastructures coûteuses et de nouveaux tracés, utilisons les corridors existants, là où le paysage a déjà été abimé du fait d’autoroutes ou de LHT par exemple.

Même si ces questions relèvent aussi d’autres acteurs, notamment de RFF, j’aimerais connaître votre sentiment à leur propos.

M. Joël Giraud. Peut-on espérer que l’accord relatif aux trains d’équilibre du territoire va conduire la SNCF à changer d’attitude vis-à-vis du seul train qui dessert ma région, le Lunéa qui circule de nuit – ou qui ne circule pas… – entre Paris et Briançon ?

Pendant quinze jours cet été il a été annulé en raison de travaux du côté de Melun – qui se trouve, chacun le sait, dans la banlieue nord de Briançon… – travaux qui, curieusement, ne gênaient pas la circulation du train pour Nice partant dix minutes plus tôt…

Loin de moi l’intention de contester l’exercice du droit de grève, mais j’observe en outre que ce train est supprimé dès qu’il y a ne serait-ce qu’un seul gréviste en France… Ainsi, pendant le dernier conflit social, il a été supprimé pendant un mois, sans aucune solution de substitution !

Alors que les enjeux touristiques sont importants pour les vacances de Noël, il a fallu attendre le 17 novembre pour que ce train soit dans les systèmes de réservation et que les tours opérateurs puissent simplement effectuer des réservations. Dans cette attente, ils avaient bien évidemment mobilisé des moyens routiers, merci pour le Grenelle ! Et ce phénomène se reproduit pour les vacances d’hiver de mi-février puisque ce train n’est toujours pas dans les grilles tarifaires de la SNCF : les tours opérateurs réservent des autocars et certains touristes annulent leur séjour au motif qu’ils ne peuvent pas venir en train.

Voilà comment nous sommes traités ! J’aimerais comprendre pourquoi. Peut-on escompter, après la « révélation » qu’a eue mon collègue, un miracle, laïc, à la SNCF ?

Je vous avais dit il y a un an – et je n’ai bien sûr pas eu de réponse – que, la seule solution consistant à passer par l’Italie, il nous était impossible de nous procurer les horaires par votre intermédiaire. Rien n’a changé : nous sommes toujours obligés d’avoir recours à la Deutsche Bahn et aux Chemins de fer fédéraux. Le système de réservation de la SNCF devait être modifié, mais nous n’avons aucun interlocuteur.

Unique élu français siégeant à la convention alpine, je vous signale que le seul opérateur qui ne vient pas aux réunions, même lorsque le ministère des transports le convoque, est la SNCF. Peut-être est-ce parce que, lorsque la réunion a lieu à Bregenz, vous ne pouvez trouver les horaires des trains…

S’agissant de la ligne Paris-Milan, pourquoi y a-t-il une rupture de charge du côté de Modane ? On nous dit de prendre un car, mais parfois il n’est pas là… On prévoit des trains à étage comme si on ignorait qu’ils ne peuvent emprunter le tunnel du Mont-Cenis… Je voudrais comprendre ce que vous fabriquez avec cette relation transfrontalière. Et ne me dites pas que la faute incombe aux Italiens : lorsque j’emprunte des trains entre l’Italie et la Suisse ou l’Allemagne, tout fonctionne !

M. Francis Saint-Léger. Voulue par le Président de la République, la convention relative aux trains d’équilibre du territoire, qui prévoit le maintien d’une quarantaine de lignes déficitaires, sera soumise demain au conseil d’administration de la SNCF, ce qui ne peut que satisfaire l’élu lozérien que je suis.

Ce dispositif intéresse fortement le Massif central puisque deux trains, le Cévenol et l’Aubrac, sont concernés. Je suis de ceux qui considèrent qu’il n’y a rien de plus normal que les lignes desservant les territoires ruraux continuent à être exploitées par la SNCF et qu’elles ne soient pas abandonnées au simple motif qu’elles ne sont pas rentables.

Vous l’avez dit, le Sénat risque de modifier les sources de financement initialement envisagées. Mais cette convention est tout à fait essentielle au maintien de ces trains régionaux importants pour nos concitoyens ruraux comme à la modernisation du matériel roulant – qui en a souvent bien besoin. Il est donc impératif qu’elle entre effectivement en application en janvier prochain. Je ne doute donc pas que votre conseil d’administration approuvera ce contrat de service public très important pour l’aménagement du territoire.

M. Yves Albarello. Dans le cadre de la loi relative au Grand Paris, le Parlement a souhaité la réalisation de la liaison TGV entre Roissy-Charles-de-Gaulle et Orly. Quand lancerez-vous les études de tracé entre la Seine-et-Marne et le Val-de-Marne ?

Dans quels délais comptez-vous par ailleurs réaliser le prolongement du RER B entre l’actuel terminal Mitry-Claye et la gare de Dammartin-Juilly-Saint-Mard sur la ligne K du Transilien ?

Enfin comment entendez-vous éradiquer le vol des câbles en cuivre, qui entraîne d’énormes perturbations sur les lignes ?

M. Guillaume Pepy. La question de M. Gonzales relative aux RER C et D est d'une extrême importance car chacun sait que ce service est mauvais et que cela tient au fait que les voies exigent une remise à niveau d'ampleur, d'un coût total de l'ordre d'un milliard d'euros par ligne.

Une discussion est en cours entre le président de la région et l'État, dans le cadre du règlement global de la question des transports en Île-de-France – Grand Paris, schéma directeur de la région Île-de-France – afin de financer la modernisation de ces lignes. Pour ce qui me concerne, à la SNCF, c'est l'urgence absolue !

Pour le seul RER D, le trafic s'accroît de 5 % chaque année, soit 25 000 voyageurs de plus sur une ligne complètement saturée qu’empruntent déjà 550 000 usagers. Or, il ne nous est pas possible d'ajouter un seul train alors qu'il en faudrait une quinzaine pour faire face aux besoins, même de façon inconfortable. La modernisation est donc un chantier prioritaire. Je l’ai dit publiquement, j'attends des décisions aussi rapides que possible, entre la région et le STIF d'une part, l'État et RFF de l'autre.

Nous avons pris les décisions relatives à Villeneuve-Saint-Georges et au Bourget. Le Bourget est confirmé comme un site de tri ; compte tenu de sa configuration, Villeneuve est conforté comme un site de transport combiné multimodal. Les deux sites vont donc évoluer vers une certaine spécialisation mais ils continueront tous deux à opérer du fret en Île-de-France.

M. Cuvillier a posé des questions importantes. S'agissant de SeaFrance, je veux saluer l'attitude responsable des organisations syndicales qui, après de difficiles débats internes, ont signé les documents qui permettent d'envisager le sauvetage de la compagnie dans un nouveau plan industriel qui comporte effectivement la suppression de 700 emplois. Nous avons lancé une consultation afin de trouver des partenaires pour le développement de SeaFrance ; les quatre réponses sont en cours d'étude d'ici au 15 décembre. Nous aurons donc à cette date, je l'espère, un partenaire pour assurer la pérennité et le développement de la compagnie.

Je vous ai trouvé un peu sévère quant à la situation de la Côte d’Opale. Nous allons très bientôt inaugurer l'électrification Boulogne-Rang-du-Fliers, fruit d'un investissement de 150 millions d'euros

M. Frédéric Cuvillier. Mais l’électrification n’est pas totale !

M. Guillaume Pepy. Il faudra encore un effort…

Par ailleurs, le système de TER-GV est une innovation considérable dans les transports publics, pour laquelle la région et les élus sont des pionniers.

Enfin, je me suis entretenu directement il y a quelques jours avec Mme la maire de Fréthun et je lui ai exposé très simplement que la desserte Calais-Londres en Eurostar est inchangée ; que la desserte Calais-Bruxelles est renforcée car le public est de plus en plus nombreux ; enfin que la desserte de Paris va en effet passer progressivement de trains Eurostar vers des trains TGV. J'ai vu combien il était difficile pour les habitants du Calaisis et de la Côte d'opale de faire appel à des Eurostars en raison de la complexité de l'enregistrement, du faible nombre de places laissées vacantes par les voyageurs Paris-Londres et d'horaires que les voyageurs ne jugent pas pratiques. Je m'efforce donc, en liaison avec les élus, d'assurer une desserte de qualité de Calais-Fréthun. Je suis à votre disposition pour que nous nous entretenions de la desserte Calais-Paris.

M. Frédéric Cuvillier. Mais nous ne pouvons plus aller en Angleterre…

M. Guillaume Pepy. Les fréquences de cette desserte sont inchangées au service d’hiver !

Votre question, monsieur Grouard, revêt une grande importance stratégique pour notre avenir. Nous avons la chance d'être un pays qui construit à grande vitesse un réseau à grande vitesse… C'est un choix politique considérable. En dehors de la Chine, seule l'Espagne fait de même.

J'observe simplement que je suis et que je resterai, tout comme d'ailleurs Hubert du Mesnil, un militant en faveur du réseau classique : je ne vois pas comment nous pourrions avoir un réseau à grande vitesse du XXIe siècle tandis que le réseau classique se dégraderait année après année, notamment en Île-de-France. Cette contradiction serait insurmontable ! Je défends donc le réseau classique, sa maintenance, sa modernisation, son amélioration. D’ailleurs, lorsqu'il a lancé le chantier du Grand Paris, le Président de la République a souligné que 70 % des voyageurs supplémentaires que compterait l'Île-de-France en 2020 circuleraient sur le réseau existant. La nécessité de la moderniser est donc absolue.

Autre remarque, le financement du développement du système ferroviaire n'est aujourd'hui pas bouclé. La seule façon d'y parvenir serait de dégager de nouvelles recettes pour les transports collectifs grâce à une fiscalité écologique à l'échelle européenne et française. À défaut, les choix politiques, que je soutiens, en faveur du rail ne sauraient être assumés.

Vous m'avez parlé avec franchise, monsieur Giraud, je ferai de même en vous disant que je vous ai trouvé injuste car les cheminots et leurs responsables, dont je suis le premier, sont extrêmement attachés au Paris-Briançon. Cette ligne est d'ailleurs pérennisée par le contrat relatif aux trains d'équilibre du territoire. Vous avez raison de signaler des dysfonctionnements mais, comme vous l'avez vous-même observé, nous sommes heureusement en train de moderniser certains tronçons de cette ligne, y compris à proximité de Briançon.

M. Joël Giraud. Les problèmes n’ont rien à voir avec les travaux !

M. Guillaume Pepy. À ma connaissance nous avons un programme de travaux extrêmement important.

Ces trains sont par ailleurs difficiles à produire parce qu'il y a entre Paris et Briançon des relais qui ne sont pas toujours assurés en cas de grève.

Lorsque ces trains ne figurent pas dans les horaires, comme vous l'avez mentionné jusqu'au 17 novembre, cela tient à la crise des sillons de RFF, qui le reconnaît.

M. Joël Giraud. RFF vous a notifié les horaires en octobre !

M. Guillaume Pepy. Vivement que vous ayez affaire, avec l'autorité organisatrice, à un autre interlocuteur que la SNCF ! Pour ma part, je me sens agressé par les qualificatifs que vous employez à son égard et je refuse que l'on mette en cause la qualité du travail effectué par les cheminots sur la ligne Paris-Briançon : dans le cadre d'un véritable service public d'aménagement du territoire, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir en faveur de cette ligne à laquelle nous sommes attachés et nous avons le sentiment que nos efforts ne sont jamais reconnus !

Francis Saint-Léger a mis l'accent sur les trains d’équilibre du territoire. Une hypothèque pesait jusqu'à présent sur une vingtaine de lignes pour lesquelles il n'y avait pas de financement. L'intérêt du nouveau dispositif qui a été retenu réside en premier lieu dans la passation d'un contrat de service public, ensuite dans la garantie d'un financement pérenne, grâce non pas aux ressources existantes de la SNCF mais à un nouveau dispositif fiscal.

Pour sa part, Yves Albarello a évoqué le vol de cuivre qui est un sacré défi, que nous nous efforçons de relever avec les services de l’État. Il n'y a pas de remède miracle face à des filières très organisées. De nouvelles technologies devraient toutefois mieux nous protéger, en particulier la traçabilité des câbles grâce à des puces ou à des marqueurs qui permettront de remonter les filières. Nous allons également renforcer la télésurveillance et la vidéosurveillance du réseau. Mais ces atteintes portées au réseau ferroviaire font aujourd'hui peser de fortes inquiétudes sur la qualité du service. Il est même arrivé, lors de tout petits temps de travaux sur le TGV Nord, entre 13 heures 30 et 15 heures, que des équipes volent plusieurs dizaines de mètres de câble ce qui provoque, à la reprise du service à 16 heures, des disjonctions qui ont des incidences jusqu'au soir. On est à ce jour à près de 350 000 minutes perdues depuis le début de l'année, soit un à deux points d'irrégularité pour l'ensemble du réseau. Il s'agit donc d'un véritable fléau, qui frappe aussi l'Allemagne et la Belgique, et qui est bien évidemment liée à l'envolée des cours des métaux…

M. Albert Facon. À 6000 euros la tonne, il n’y a rien d’étonnant à ce que le cuivre soit volé. Il part ensuite en Chine puis il nous est revendu plus cher…

M. Guillaume Pepy. S’agissant des questions relatives à la Seine-et-Marne et au RER B, j'ai quelque scrupule à m'exprimer devant le rapporteur du projet relatif au Grand Paris, qui connaît ces dossiers bien mieux que moi… Nous sommes en pleine discussion avec RFF sur les calendriers d'études et d'enquêtes. Nous suivons de près ce dossier car, comme vous l'avez souligné, la liaison Seine-et-Marne-Val-de-Marne et le prolongement du RER B répondent à une attente de plusieurs années qui apparaît comme prioritaire dans le cadre du Grand Paris.

M. Bertrand Pancher. Je vous poserai, monsieur le président, une série de brèves questions.

S'agissant tout d'abord du fret, pouvez-vous m'indiquer quelle est la proportion actuelle de diesels polluants et de diesels électriques ?

En ce qui concerne la fiscalité, la redevance poids lourds du Grenelle 2 vous paraît-elle suffisamment incitative ? Peut-on en attendre un rapport suffisant pour financer les infrastructures ?

Dans le cadre de la convention avec l’État relative aux TET trains Corail, le fonds de roulement du TGV est supposé compenser le déficit du Corail. Mais comment développer les lignes à grande vitesse dès lors que la convention prévoit que 35 millions d'euros seront payés par un fonds commun, puis que 175 millions seront pris sur les TGV ?

Quelles solutions la SNCF propose-t-elle pour améliorer les transports régionaux, en particulier les correspondances entre TER et TGV ?

Comment développer l’information sur l’intermodalité, notoirement insuffisante ?

Les trains d'équilibre du territoire sont un grand motif de satisfaction. Est-il envisageable de créer des comités de lignes intercités, sur le modèle des comités de lignes TER ? Cela permettrait à tous les acteurs, notamment aux associations d'usagers, d’être associés à l'amélioration de ces relations. La convention relative à ces trains n'est-elle pas fragilisée par la création de services routiers interurbains, qui concurrencent inutilement les services ferroviaires ?

La dégradation du modèle économique du TGV, liée en particulier à l'explosion du montant des péages, ne pousse-t-elle pas la SNCF à réclamer une liberté tarifaire totale et à envisager la suppression de services TGV sur certaines lignes classiques en imposant des correspondances avec des trains TER.

Pourquoi les services TER assurés par des autocars se multiplient-ils en dépit d'une forte perte de qualité de service ?

Enfin, un certain nombre de lignes ne sont plus utilisées que par quelques trains de voyageurs par jour tandis que, souvent, tout trafic fret y a disparu. Leur entretien n'est alors plus assuré et la vitesse peut y être abaissée considérablement, ce qui rend les durées de trajet dissuasives. Leur pérennité n'est-elle pas menacée, au risque d’un transfert vers les routes et les autoroutes ?

M. Antoine Herth. Comme de nombreux élus locaux, je suis régulièrement interpellé par des entreprises quant à la poursuite par la SNCF du service de fret de proximité. Outre le service, le débat porte aussi sur les prix, dont on peut comprendre qu'ils traduisent la réalité des coûts.

Dans la logique qui veut que la SNCF se concentre sur les trains entiers tandis que des opérateurs de proximité prennent en charge des wagons isolés, on s'aperçoit sur le terrain que cela suppose la mobilisation de nombreux acteurs. Pourriez-vous nous donner plus d'informations sur le dispositif afin que nous disposions du mode d'emploi qui fait aujourd'hui défaut ?

S'agissant toujours du fret, je me réjouis de la bonne nouvelle que constitue la perspective du cadencement général du trafic dès 2011, ce qui permettra d'identifier clairement les sillons dédiés et de développer le service.

Dans un autre domaine, nous aurons le bonheur de lancer le 11 décembre prochain le tram-train de Mulhouse. Derrière l'innovation technologique, il y a aussi une innovation sociale puisque ce sont deux opérateurs, Soléa et la SNCF, qui vont ensemble mettre en œuvre cette desserte, à l'issue d'un dialogue social particulièrement constructif. Vous avez évoqué le socle social que vous appelez de vos vœux, pensez-vous qu'il pourrait se fonder sur un dialogue social de ce type ou que les règles actuelles de représentativité y font obstacle ?

Enfin, pouvez vous nous indiquez quand seront arrêtées les grilles de desserte TGV pour 2011 ? Il semble qu'une réunion soit prévue très prochainement.

M. Jean-Marie Sermier. Je le dis avec gravité, la réponse que vous avez apportée, monsieur le président, à la question de Françoise Branget sur la branche Sud du TGV Rhin-Rhône m'a fortement surpris. En effet, j'avais le sentiment que le débat sur la mixité et sur la vitesse – 280 ou 350 km/h – qui occupe depuis des années les élus, les utilisateurs, les associations et l'ensemble des partenaires avait été tranché. Or, vous nous avez dit qu'il faudrait le remettre à l'ordre du jour dans les années qui viennent. Le TGV entre le Nord et le Sud devra forcément passer. Si ce n'est pas par le Jura et la Franche-Comté, ce sera par la Côte-d'Or et la Bourgogne.

Mettre en œuvre la mixité et la vitesse est du ressort de la SNCF et de RFF : c'est à vous d'être précis dans ce que vous nous demandez comme dans le cahier des charges que vous nous proposez, mais les élus ne peuvent en aucun cas être accusés de ne pas avoir pris leurs responsabilités dans le débat, notamment pour arrêter des tracés souvent compliqués. Ne pas donner suite au travail accompli serait une marque de mépris à l'égard des élus locaux et de l'ensemble des Jurassiens. Vous ne sauriez vous défausser ainsi de vos responsabilités sur les collectivités territoriales !

Ma question est donc simple : la SNCF veut-elle effectivement de cette branche Sud dont on dit qu'elle sera peut-être déficitaire mais qui seule permettra de relier l'Allemagne à l'Espagne ?

M. Daniel Fidelin. Je me réjouis que la SNCF ait pris conscience des difficultés de la ligne Paris-Rouen-Le Havre. Mais si vous avez « une dette » envers la Normandie, vous avez me semble-t-il une curieuse façon de vous en acquitter puisque vous allez fermer la ligne Le Havre-Rouen-Roissy-Strasbourg, sans même que l'effort de communication nécessaire ait été fait en direction du public, qui en ignore souvent l'existence.

Par ailleurs, Dominique Bussereau nous avait dit que le TGV Le Havre-Marseille s'arrêterait à Orly. Pouvez-vous nous apporter une réponse à ce sujet ?

S'agissant toujours de la ligne Paris-Rouen-Le Havre, la SNCF envisage-t-elle d'investir dans des rames intercités, en complément de ce qui a déjà été fait par la région ?

M. Guillaume Pepy. Je commencerai par ces dernières questions.

Après en avoir discuté avec les régions, qui sont les co-financeurs, nous avons pris la responsabilité d'arrêter le service entre Roissy et Strasbourg, qui était parti pour accuser une perte de 15 millions d'euros par an, le rapport entre le coût pour la collectivité et le bénéfice pour les voyageurs nous étant apparu défavorable. Il est normal de faire des tentatives ; quand on rencontre un marché comme c'est le cas entre le Havre, Rouen et Marseille, on est très content et on continue ; quand on ne trouve pas le marché, cela signifie peut-être qu'il est trop tôt. Et cela n’exclut pas la possibilité de faire une nouvelle tentative dans quelques années.

J’avoue que j'ignorais l'engagement de Dominique Bussereau en faveur d'un arrêt à Orly. Nous allons donc faire le point et nous vous répondrons ultérieurement.

S'agissant des rames entre Paris, Rouen et le Havre, les nouvelles sont bonnes : la totalité du parc sera modernisée d'ici le début de 2012. Les rames seront constituées pour moitié de TER de nouvelle génération à deux niveaux, qui sont utilisés pour les Corails intercités, et pour moitié de TER modernisés selon les critères fixés par la région. Vous soulevez l'intéressante question de l'étape suivante : il convient en effet de se préparer à une autre génération de matériels, sans doute électriques, plus rapides grâce aux nouvelles sections de lignes, réalisées dans le cadre des engagements pris par le gouvernement en faveur de la grande vitesse sur cet axe. Nous essayons, avec Jean-Pierre Duport, qui a été missionné à cette fin, de définir un matériel d'avenir pour un axe rapide Paris-Rouen-Le Havre. Il est un peu trop tôt pour vous en dire plus car il n'a pas achevé ses réflexions.

Sans doute, monsieur Sermier, me suis-je mal exprimé : je n'ai aucune légitimité pour dire quoi que ce soit sur la branche Sud du Rhin-Rhône. Dans notre système républicain seuls les élus et l'État ont le droit à la parole. Et il y a un seul instrument pour la construction et la maintenance, c’est Réseau ferré de France. La SNCF n’est qu’opérateur et j'ai eu le tort de m'exprimer après que j’ai lu dans le journal que RFF, à l'issue de la phase de débat que vous avez rappelée, avait jugé qu'il ne se dégageait pas de manière certaine et claire une orientation définitive entre les différents points de vue.

Antoine Herth m'a interrogé sur le fret ferroviaire de proximité et sur le socle social. Je crois énormément aux opérateurs de proximité, même si cela va bien évidemment à l'encontre des habitudes de notre pays puisqu'il faut des initiatives privées appuyées par un réseau économique et politique, avec l'engagement des élus. Il faut ensuite débloquer un grand nombre de sujets avec les acteurs institutionnels, dont nous sommes, qui ont tous des critères différents. Mais j'y crois parce que je pense que si l'on veut « referroviariser » le territoire, on ne pourra pas le faire avec les coûts de structures et la lourdeur des très grandes organisations. En revanche, le ferroviaire a une place quand il est pensé localement et de manière pragmatique. Ainsi, je suis certain que l'on va y arriver pour le port de Strasbourg, même si cela prend du temps.

Je considère que la loi sur la représentativité adoptée il y a deux ans a facilité le dialogue social à la SNCF : nous avons maintenant quatre organisations représentatives contre huit dans l'ancien système. Désormais, chaque acteur pèse : le temps où un syndicat représentant 0,5 % des salariés signait un accord salarial est heureusement révolu.

Les informations relatives aux grilles de dessertes TGV Rhin-Rhône à partir de décembre 2011 seront disponibles au tout début du printemps prochain, quand nous déposerons les demandes d'horaires auprès de RFF.

J'en viens aux questions très précises de M. Pancher.

Aux termes de l'amendement du Gouvernement au PLF pour 2011 qui doit être examiné demain au Sénat, les 210 millions d'euros destinés aux trains d’équilibre du territoire, proviendront à hauteur de 35 millions d'un renforcement de la taxe d'aménagement du territoire sur les sociétés d’autoroutes, pour 100 millions d'une taxe sur le chiffre d'affaires des TGV et pour 75 millions d'une taxe sur le résultat de la SNCF qui s'imputera sur son dividende. Ces financements robustes et pérennes garantiront l'avenir de ces trains.

S'agissant des services de TER par autocar, je suis partisan d'une complémentarité entre les modes plutôt que d'une concurrence. Si notre code génétique est bien évidemment ferroviaire, lorsque le service public est assuré sur route parce que le nombre de voyageurs le rend possible dans des conditions écologiquement correctes, il faut que les élus puissent prendre les décisions en mesurant les bilans économique, écologique et géographique. Je juge également positif et conforme à l'intérêt général que, de plus en plus souvent, les mêmes services soient assurés en train aux heures de pointe et en autocar aux heures creuses.

J'espère que la date de mise en œuvre de la redevance poids lourds, qui a été adoptée par le Parlement dans le cadre de la loi Grenelle, ne sera pas retardée.

Compte tenu des investissements que nous sommes en train de réaliser en faveur de moyens de production modernes pour le fret ferroviaire, d'ici 2012, c'est le fret qui disposera du parc de locomotives le plus moderne de la SNCF puisqu’elles seront toutes neuves ! Nous avons des locomotives électriques Alstom modernes, des diesels Alstom-Siemens et des loco-tracteurs Alstom.

M. Pancher m'a enfin interrogé sur les correspondances TGV-TER et sur la façon d'éviter de gâcher des moyens publics. Nous avons plusieurs autorités organisatrices : les régions pour le TER, la SNCF pour le TGV et maintenant l'État pour les TET. Il faut donc veiller à bien coordonner les choses. Prenons un exemple : si, entre Rennes et Saint-Malo, nous avions un TER et un TGV qui se suivaient à une demi-heure au même arrêt et qui étaient aux trois quarts vides, l'intérêt général commanderait qu'il n'y en ait plus qu'un seul. Les moyens financiers que l'on consacre au transport collectif sont très importants et nous avons raison d'en être fiers, mais la plus grande vigilance s'impose pour éviter tout gâchis. Comme je le dis souvent, on ne peut pas transporter des places vides !

Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie pour vos interventions extrêmement intéressantes.

Mme Fabienne Labrette-Ménager, présidente. Pour notre part, nous vous remercions pour vos réponses très précises à nos nombreuses questions, qui traduisent l'intérêt que les parlementaires portent à la SNCF.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 23 novembre 2010 à 17 heures

Présents. - M. Yves Albarello, M. Jérôme Bignon, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, M. Frédéric Cuvillier, M. Stéphane Demilly, Mme Odette Duriez, M. Albert Facon, M. Daniel Fidelin, M. Jean-Claude Fruteau, M. Joël Giraud, M. François-Michel Gonnot, M. Didier Gonzales, M. Serge Grouard, M. Michel Havard, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Jean-Marc Lefranc, Mme Annick Lepetit, M. Gérard Lorgeoux, Mme Christine Marin, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier

Excusés. - M. Jean-Yves Besselat, M. Maxime Bono, M. Jean-Claude Bouchet, M. Raymond Durand, M. Christian Jacob, M. Jean Lassalle, M. Christian Patria, Mme Sophie Primas

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Claude Flory, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, M. Jean Mallot, M. Daniel Paul, M. Francis Saint-Léger