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Mercredi 9 mars 2011

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 34

Présidence de M. Serge Grouard Président

– Présentation, ouverte à la presse, du rapport sur la mise en application de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports (MM. Yanick Paternotte et Maxime Bono, rapporteurs)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de MM. Yanick Paternotte et Maxime Bono, la mise en application de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports.

M. le président Serge Grouard. Je salue nos collègues Yanick Paternotte et Maxime Bono, qui ont été désignés par notre commission à la mi-septembre dernier en tant que rapporteurs de la mission de contrôle sur l’application de la loi dite « ORTF ». C’est la première fois que nous examinons un rapport d’application d’une loi, en vertu de l’article 145-7 du Règlement, et j’indique que le Sénat n’a pas procédé de la même façon. Je cède sans plus attendre la parole aux rapporteurs, que je remercie pour la qualité du travail effectué.

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Monsieur le Président, je tiens tout d’abord à vous remercier de nous avoir confié cette mission. Comme vous l’avez dit, c’est la première fois que nous appliquons l’article 145-7 de notre Règlement, issu de la révision constitutionnelle de 2008. Maxime Bono et moi-même avons travaillé en bonne intelligence et dans un climat de confiance, dans un délai d’autant plus resserré que nous participons aussi aux travaux de la commission d’enquête sur la situation de l’industrie ferroviaire, créée à la fin de l’année dernière.

Dans le cadre de la présente mission, notre but n’était pas de proposer de nouvelles modifications législatives mais plutôt de vérifier que le texte était bien appliqué, et, en auditionnant les mêmes personnes que j’avais eu le plaisir d’entendre au moment de l’élaboration du texte, de recueillir leur appréciation sur l’ensemble du dispositif législatif. Cela n’a pas toujours été facile, du fait notamment de l’entrée en fonction tardive de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), dont la création est au cœur du texte, mais nous avons tenu à interroger l’ensemble de nos interlocuteurs sur leurs éventuels regrets ou propositions d’amélioration. Il s’agissait de vérifier que nous n’avions pas commis trop d’erreurs, par omission ou par mauvaise action…

Nous avons donc conduit une douzaine d’auditions au cours du dernier trimestre, principalement avec les interlocuteurs « naturels » du secteur : le ministre chargé des transports, la SNCF, RFF, l’ARAF, l’ACNUSA, plusieurs organisations syndicales représentatives des différents modes de transport, ainsi que des entreprises de transport ou divers organismes que nous n’avions pas forcément reçus en 2009 et qui nous ont saisis dans le cadre de cette mission.

Envisagé à l'origine comme un ensemble de dispositions techniques destiné à achever la transposition des différents paquets ferroviaires européens, le projet de loi s'est sensiblement étoffé au cours des travaux parlementaires. Il est vrai que ceux-ci se sont déroulés sur une période particulièrement longue, presque dix-huit mois séparant la date de dépôt du texte – juillet 2008 – de sa promulgation, en décembre 2009. Décliné en 53 articles contre 29 au moment de son adoption par le Conseil des ministres, le texte se présente comme un ensemble législatif complet, qui modifie en profondeur le cadre juridique organisant les quatre principaux modes de transport : ferroviaire, routier, aérien et maritime, avec, comme nous l’avons vu ce matin au cours de la table ronde sur le pavillon français, la création de l’École nationale supérieure maritime, par regroupement d’établissements existants.

Dans le domaine ferroviaire, qui se place au cœur de la loi, le texte constitue le troisième élément d’un triptyque composé de la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) du 30 décembre 1982 et de la loi du 13 février 1997 portant création de l’établissement public « Réseau ferré de France » en vue du renouveau du secteur ferroviaire, laquelle – je tiens à le rappeler à chaque occasion – a entraîné le transfert de la dette de la SNCF à RFF, pour un montant qui avoisine aujourd’hui 30 milliards d’euros.

En tant que rapporteurs, notre mission consistait à vérifier que les dispositions de nature réglementaire prévues dans la loi avaient bien été prises ou allaient l’être, et de rappeler le souhait du Parlement de voir honorer les engagements pris par le Gouvernement à son égard, qu’il s’agisse de la remise de rapports sur des sujets ciblés ou d’un effort global des services concernés pour rendre la loi plus lisible et facilement applicable. Même si nous y reviendrons sans doute ultérieurement, je rappelle qu’aux termes des articles 6 et 7 de la loi, les rapports demandés au Gouvernement concernent respectivement un éventuel transfert des gares et embranchements de fret à un établissement public qui pourrait être RFF, en vue de favoriser l’émergence d’opérateurs ferroviaires de proximité (OFP), et un plan d’apurement de la dette de RFF. Alors que ces rapports étaient attendus dans les six mois, force et d’admettre que nous n’avons rien vu venir !

Au final, je me félicite de l’adoption par le Parlement de dispositions très attendues qui mettent la France à l’abri d’un risque contentieux auprès des autorités communautaires, avec, en particulier, la création de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires. Il convient aussi de saluer le caractère très complet d’un texte qui traite de tous les modes de transport et de l’ensemble des enjeux des différents secteurs, ainsi que du nombre limité de difficultés d’interprétation mises au jour au cours des auditions, sous réserve que la parution de la totalité des textes d’application n’en suscite de nouvelles.

En revanche, je regrette, après la lenteur du processus législatif proprement dit – dix-huit mois soit le temps de deux gestations ! - , le rythme peu soutenu de prise de la vingtaine de décrets d’application prévus dans le texte, le taux d’application de la loi au 31 décembre 2010 n’atteignant pas 35 %, ce qui constitue un résultat vraiment insuffisant. Nous a été particulièrement signalée l’attente que suscitent deux d’entre eux : le décret relatif à la nouvelle gestion des gares et celui relatif à l’organisation de la nouvelle Direction des circulations ferroviaires (DCF), qui regroupe les « horairistes ». Je déplore également les délais excessifs d’installation de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, dont l’article 62 de la loi «Grenelle II» a de surcroît différé l’entrée en fonction au 1er décembre 2010. Il n’a pas été tenu compte de nos avertissements répétés, au moment de l’adoption du texte, sur le caractère excessif du régime d’incompatibilité initialement prévu. C’est pourquoi il a fallu le modifier dans la loi « Grenelle II » pour permettre à notre ancien collègue Pierre Cardo d’accéder à la présidence de l’ARAF.

Il nous a en outre été signalé que la localisation du siège de l’ARAF au Mans posait des difficultés de recrutement qui devront rapidement trouver une solution. Maxime Bono confirmera sans doute que deux arguments principaux nous ont été présentés : d’abord, les destinations « naturelles » des membres de l’ARAF se situent plutôt à Bruxelles ou à Strasbourg, lesquelles ne se situent pas vraiment dans l’axe direct du Mans ; ensuite, le fait que l’Autorité – censément indépendante – n’ait pas eu à choisir de son implantation complique la montée en charge du plan de recrutement de ses cadres, notamment les plus spécialisés d’entre eux.

Au-delà d’un satisfecit global sur la qualité du texte, obtenu grâce à la détermination des parlementaires, je souhaite exprimer deux réserves : d’abord, l’absence de recul suffisant –l’ARAF ne peut se prévaloir que d’un trimestre d’activité et le dispositif réglementaire reste incomplet – interdit de porter un jugement définitif sur l’ensemble du système mis en place ; ensuite, le manque de dynamisme du secteur économique concerné, du fait de la crise, peut fausser les appréciations. Alors qu’il nous était annoncé qu’un grand nombre de candidats à l’entrée sur le marché allaient se manifester, au point que la répartition des sillons risquait d’être problématique, seule l’entreprise Trenitalia a finalisé une demande pour une liaison Milan-Paris et l’ouverture à la concurrence – en particulier dans le domaine de la grande vitesse – a, pour le moment, des effets relativement limités.

Sans doute faudra-t-il par conséquent pousser plus avant le contrôle de l’application de cette loi, afin de la mettre à l’épreuve du temps long. Selon les études disponibles, dans dix ans, les concurrents de la SNCF devraient détenir 10 % du marché de la grande vitesse, ce qui pourrait déclencher une guerre tarifaire, la plupart des entreprises ferroviaires alternatives présentant des coûts d’exploitation bien inférieurs à ceux de l’opérateur historique.

Par rapport à la loi de 1997, la loi ORTF crée un dispositif très complet qui en fait la loi fondatrice du système ferroviaire français. L’existence du gendarme ferroviaire que constitue l’ARAF permettra de prévenir bien des conflits, notamment entre la SNCF et RFF. Au cours des auditions, nous avons également été rassurés sur la capacité des horairistes à bien s’intégrer dans leur nouvel environnement de travail, le poids des cultures d’entreprise d’origine n’étant plus aussi fort que dans le passé. Chacun joue son rôle sans « guéguerre de statut » ni arrière-pensée, et cela constitue un point particulièrement positif.

Si l’organisation du secteur ferroviaire constitue la raison d’être du texte, je rappelle que la loi consacre les huit articles de son titre VI au secteur aérien, avec des dispositions particulièrement sensibles, voire conflictuelles à l’origine et qui pourraient le redevenir à la faveur des élections professionnelles qui seront prochainement organisées. Elles ont trait aux conditions de travail, à la représentativité syndicale des personnels navigants, au comité d’hygiène et de sécurité (CHS) et au régime de retraites.

Lorsque nous les avons auditionnés, les syndicats représentatifs de ce secteur ont fait valoir que la loi, si elle ne répondait pas forcément à toutes les attentes, ne posait pas de difficulté particulière d’application, sous réserve que la ratification de l’ordonnance de codification de la partie législative du code des transports intervienne bien à droit constant.

Dans le secteur routier, les dispositions d’ordre technique des titres IV et V de la loi ne soulèvent pas de difficultés particulières dans la mesure où il s’agissait pour l’essentiel de mesures de régularisation de situations préexistantes ou d’adaptations juridiques formelles. Les évolutions apportées au régime du cabotage n’ont pas suscité non plus de demandes particulières. Les auditions réalisées – notamment celles de Veolia et d’Optile – ont mis en évidence le regret de plusieurs acteurs du monde des transports routiers que les mesures un temps envisagées visant à faciliter le transport interrégional de voyageurs par autocar – via un amendement défendu notamment par notre collègue Hervé Mariton – n’aient pas été prises, même si cette décision se justifiait par le souci de ne pas troubler le jeu alors que le rapport sur l’ouverture des TER et des liaisons ferroviaires interrégionales n’a pas paru. Dans nombre de situations, l’existence de liaisons interrégionales par autocar faciliterait la vie des voyageurs et elle serait sans doute écologiquement responsable, dans la mesure où toutes les lignes de voyageurs ne sont pas électrifiées et où l’absence de liaison par autocar se traduit plus souvent par le recours à la voiture individuelle que par un arbitrage en faveur du train.

M. Maxime Bono, rapporteur. Je ne souhaite pas intervenir en contrepoint de mon co-rapporteur mais, si vous le permettez, dans une autre tonalité. Car si nous avons travaillé dans un bon esprit et entendu les mêmes choses, il est naturel que je sois amené à les traduire parfois différemment. Le regard porté sur la bonne application de la loi ne remet pas en cause le fait que le groupe auquel j’appartiens était opposé à la dérégulation du marché ferroviaire et qu’il ne soutient pas toutes les composantes de la politique mise en œuvre dans ce domaine. Comme l’a dit Yanick Paternotte, notre objectif était de voir comment la loi était appliquée, dans quels délais, et, le cas échéant, les difficultés qu’elle pouvait générer.

Première constatation, cette loi était effectivement attendue, avec, en particulier, la création de l’ARAF, qui dispense la France d’un contentieux qui aurait pu être lourd avec l’Union européenne. Ensuite, il est satisfaisant que la loi balaie l’ensemble des secteurs du transport et il convient de souligner qu’elle n’a pas généré de difficulté particulière d’interprétation.

Tout en souscrivant à l’analyse présentée dans le rapport – et je n’ai pas une virgule à changer aux propos de Yanick Paternotte ! -, je souhaite cependant en tirer des conclusions un peu différentes.

S’agissant du secteur ferroviaire, il est exact que nous nous attendions à une plus forte demande de sillons de la part de nouveaux opérateurs. Tel n’a pas été le cas et nombre de nos interlocuteurs ont fait valoir que la crise économique les avait conduits à se recentrer sur leur cœur de métier traditionnel. Le secteur des transports subit la crise de plein fouet et cela explique pour partie la prudence des opérateurs ferroviaires. D’autres raisons ont mis un frein à leur enthousiasme, comme le flou sur l’évolution des péages. Pour l’exploitation d’un service de trains à grande vitesse, il faut savoir que le montant des péages influe pour 30 % à 50 % du coût total. J’en déduis que même si une loi est bien construite et même si les décrets sont pris – ce qui n’a pas toujours été le cas en l’occurrence ! -, l’évolution du droit ne suffit pas à faire évoluer un système ferroviaire. Nous l’avons vu pour le fret en 2006 et nous le constatons une nouvelle fois pour le transport de voyageurs : seul un investissement massif sur le réseau permettra d’ouvrir de nouveaux sillons, de sécuriser les tarifs et de motiver de nouveaux opérateurs potentiels. Le développement d’un secteur tel que le ferroviaire est impossible sans un fort investissement de la puissance publique. Si la présente loi est fondatrice, elle aura probablement besoin, à l’épreuve des faits, d’être complétée à l’avenir. L’intervention législative ne suffit pas si l’état du réseau ne permet pas de sécuriser les nouveaux intervenants.

J’en viens à l’article 5 de la loi, issu d’un amendement du Gouvernement et qui traite de la région d’Île-de-France en modifiant les relations entre la RATP et le STIF. S’il donne un mode d’emploi, en faisant tour à tour de la région d’Ile-de-France un cas particulier ou un territoire soumis au droit commun de l’ensemble des régions, force est de constater qu’il est resté lettre morte faute de décrets d’application. Introduit tardivement par le Gouvernement, cet article d’accès difficile avait été présenté par le secrétaire d’État chargé des transports de l’époque, qui nous avait alors affirmé, se fiant sans doute au président de la RATP, qu’il avait recueilli l’accord du président de région. En réalité, si les décrets d’application ne sont pas pris, c’est que la loi renvoie à un accord entre la région et la RATP, notamment sur le montant des investissements transférés, et que cet accord n’étant pas acquis, cet article reste lettre morte. Que l’on ne m’en veuille pas d’en conclure que lorsque le processus d’élaboration de la loi n’est pas mené correctement, les dispositions qui en découlent restent de pure forme.

La mission de contrôle nous a permis d’identifier ce qui avait bien fonctionné, en particulier la loi elle-même, qui a été bien rédigée et bien établie. Parallèlement, nous avons relevé certaines difficultés, notamment celle, bien réelle, qui concerne le siège de l’ARAF. S’agissant des deux rapports non transmis au Parlement, j’estime, Monsieur le président, que notre commission serait dans son rôle en rappelant le Gouvernement à ses obligations. Il n’est jamais trop tard pour bien faire !

M. le président Serge Grouard. Je remercie les rapporteurs de cette présentation et je donne tout d’abord la parole aux orateurs des groupes.

M. Jean-Paul Chanteguet. Messieurs les rapporteurs, vous avez tous les deux insisté sur le fait que deux rapports importants n’avaient pas été remis et que seulement 35 % des décrets d’application avaient été pris. Cela doit nous interroger collectivement car il y a tout lieu de craindre que le problème ne soit pas spécifique au présent texte. Je gage notamment que Stéphane Demilly et Philippe Tourtelier arriveront aux mêmes conclusions pour ce qui concerne l’application de la loi « Grenelle I ». Dès lors, si nous devons à l’avenir nous efforcer de fixer dans la loi des délais tenables, il convient aussi que le Gouvernement rende compte régulièrement des difficultés rencontrées. Je considère que nous légiférons mal et que nous devons revoir notre comportement car, si la situation est choquante pour le législateur, elle ne l’est pas moins pour nos concitoyens.

J’en viens à la localisation du siège de l’ARAF, qui nuit à sa capacité à recruter les personnels dont elle a besoin, un tiers seulement de l’effectif cible ayant été atteint. Vous souhaitez qu’une mission d’inspection se penche rapidement sur ce sujet. Pensez-vous qu’il faille aller jusqu’à déplacer le siège de l’Autorité ? Compte tenu des avis qu’elle a déjà rendus, considérez-vous que les missions confiées à l’ARAF ont été bien dimensionnées ?

Nos rapporteurs ont souligné que peu d’opérateurs ferroviaires s’étaient manifestés dans l’idée de se porter candidats à l’entrée sur le marché. Ils indiquent par ailleurs qu’il existe une forte incertitude sur la structuration future du marché ferroviaire de voyageurs, laquelle peut se concevoir selon deux modèles économiques très différents : l’open access dans lequel l’entreprise peut exploiter la liaison de son choix et un système de franchise, imposant de desservir plusieurs lignes, y compris des liaisons potentiellement moins rentables. Qui décide de ce modèle et lequel préférez-vous ?

M. Yanick Paternotte, rapporteur. S’agissant de la localisation du siège de l’ARAF, je me garderai bien d’apporter une réponse toute faite, sachant qu’il s’agit d’une autorité indépendante qui a son mot à dire en la matière. Force est de constater que le choix du Mans n’est pas le plus efficace.

M. Maxime Bono, rapporteur. Je partage ce point de vue. Pour le moins, l’ARAF devra sans doute conserver un bureau parisien relativement important.

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Au risque d’alourdir ses frais de fonctionnement !

S’agissant des missions de l’ARAF, il serait prématuré de dresser un bilan car si l’Autorité fonctionne, on peut considérer qu’elle n’est pas encore entrée véritablement dans le dur de son activité. En ce qui concerne les litiges relatifs aux sillons, une grande difficulté tient au fait que le délai de traitement des sillons par RFF était tel que nombre d’opérateurs – notamment dans le fret – lui demandaient de statuer en urgence. En outre, lorsqu’un sillon est supprimé, RFF ne prévoit pas de solution alternative. Sur ces missions essentielles de l’ARAF, nous manquons par conséquent de recul suffisant pour porter une appréciation.

La prudence des opérateurs ferroviaires alternatifs s’explique d’autant mieux que, dans la séquence que nous venons de traverser, la SNCF elle-même a annoncé des pertes sur un certain nombre de lignes de TGV, ce qui ne s’était pas vu depuis longtemps, du fait d’une diminution du nombre de voyageurs en général, et, en particulier, de la baisse du segment premium. L’activité reprend mais l’on comprend bien que cette situation n’ait pas incité de nouveaux opérateurs à se positionner sur le marché.

En ce qui concerne le mode d’ouverture du marché, il serait prématuré de se prononcer tant que le sénateur Grignon n’a pas rendu son rapport. Je ne puis donc donner qu’un avis personnel : pour les grandes lignes, le texte de loi donne toutes les clés ; s’agissant des liaisons régionales et interrégionales, le Gouvernement s’est exprimé : il faudra tenir compte des obligations d’aménagement du territoire dans les processus de mise en concurrence. Dominique Bussereau l’avait clairement indique indiqué au président de la SNCF et je gage que cela sera réaffirmé. Je doute que l’on privilégie l’accès libre et je crois plutôt à un système quantitatif-qualitatif, protecteur pour les territoires desservis.

M. Maxime Bono, rapporteur. S’agissant de l’arbitrage définitif entre open access et franchise, une nouvelle étape législative sera sans doute nécessaire et il reviendra donc au législateur de trancher.

M. André Chassaigne. Découvrant le rapport de nos collègues, je me bornerai à quelques remarques. Une appréciation d’ordre général : vous avez adopté, pour ce travail de contrôle de l’application de la loi, un ton plutôt modéré et vous auriez pu être plus sévères, notamment pour qualifier la lenteur du processus réglementaire postérieur à la promulgation de la loi. Vous indiquez vous-mêmes que seulement 35 % des décrets d’application de cette loi ont été pris, ce qui constitue à l’évidence un exemple à ne pas suivre. Cependant, vous usez de toute la richesse de la langue française pour minimiser la situation, notamment dans le choix des têtes de chapitres, en faisant usage d’un procédé de style cher à la tragédie de Corneille, la litote… Il est vrai que vous avez des mots plus forts dans le corps du document, lorsque vous parlez de « désinvolture » ou de « situation inacceptable » pour dénoncer le manque de réactivité du Gouvernement.

Ma deuxième remarque porte sur le principe de séparation comptable entre l’activité de gestion des gares par la SNCF et celle de l’exploitation de services de transport : une telle atomisation des fonctions de la SNCF a des conséquences pour le moins curieuses. Lorsqu’un TER qui a pris du retard suit un train de banlieue et doit le dépasser, cela est impossible car les personnels roulants ne sont plus soumis à la même autorité hiérarchique !

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Cela ne se passe pas comme çà !

M. André Chassaigne. Mais si, cela a été constaté. Autre exemple, s’il faut faire en gare une manœuvre sur un train de marchandises, un conducteur de train de voyageurs ne peut l’assurer et vice versa : on appelle alors un taxi pour rapatrier le cheminot idoine, lequel va être acheminé de Moulins à Vichy pour opérer pendant dix minutes et repartir, toujours en taxi ! Même lorsqu’on dispose sur place d’un cheminot qui aurait pu mener à bien l’opération, on ne peut plus faire appel à lui, en vertu précisément du principe de séparation comptable.

Dans votre rapport, vous portez une appréciation sur le fait que l’amendement Mariton relatif aux liaisons interrégionales par autocar n’ait pas été adopté. Pour ma part, je considère qu’il faut tenir compte, dans l’organisation des transports, de la complémentarité à rechercher entre les collectivités territoriales. En effet, nous souffrons beaucoup de la concurrence d’autocars sur des trajets également couverts par une offre ferroviaire et il me paraît donc plus pertinent de conserver un régime d’autorisation plutôt que de simple déclaration pour le transport interrégional de voyageurs par autocar, contrairement à ce que proposait M. Mariton.

S’agissant des opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) spécialisés dans le fret, vous avez raison de déplorer que le Gouvernement n’ait pas déposé le rapport qu’il s’était engagé à remettre au Parlement six mois après la promulgation de la loi car s’ils sont encore peu nombreux, les OFP sont à l’origine de situations dont il serait bon qu’un rapport rende compte. Ainsi, il faut savoir que l’on supprime des emplois à la SNCF au profit des OFP. J’ai en tête des exemples précis, en particulier dans la région Auvergne. Les conducteurs des OFP sont formés par la SNCF et les OFP se tournent vers les régions pour financer ces formations. Enfin, la mise en œuvre de cette réforme entraîne une perte de synergies entre opérateurs ferroviaires.

En conclusion, je souhaite faire observer que vous ne traitez pas d’un problème important : avec l’ouverture à la concurrence, l’opérateur historique va certes aligner ses prix à la baisse pour conserver ses parts de marché, mais il en résultera que la péréquation ne pourra plus se faire, C’est ce que nous a enseigné l’exemple de la Poste, qui ne pouvait maintenir un maillage homogène du territoire qu’en raison de la coexistence dans son réseau de secteurs rentables et de secteurs non rentables – en particulier dans les territoires ruraux. Certaines lignes de transport de voyageurs devront être fermées, car il ne sera plus possible de compenser leur déficit par les bénéfices d’autres lignes.

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Sur notre prudence dans la rédaction du rapport, nous avons il est vrai, et ce n’est pas un hasard, cherché des formes d’expression qui nous permettent de dire l’un et l’autre ce que nous avions à dire, en l’exprimant à plusieurs endroits de manière différente.

M. Maxime Bono. Exactement.

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Sur la séparation des comptes, il faut rappeler tout d’abord qu’il s’agit d’une obligation issue de la directive européenne. Ce n’est donc pas une exception française : effectuant une mission à Berlin, sur le fret ferroviaire et l’ouverture à la concurrence, j’avais été frappé de constater que l’un des moyens utilisés par la Deutsche Bahn pour empêcher ses concurrents - dont certains Français, car il faut voir les choses dans les deux sens - de prendre pied sur son marché était de couper l’alimentation électrique des hauts parleurs de sonorisation sur les quais desservis par la concurrence !

En France, les gares appartiennent à l’État, qui les met à la disposition de la SNCF, les quais à RFF, et les dispositifs d’information à la SNCF. Ce qui compte, c’est la qualité de l’information dispensée, et, pour la mesurer, un régulateur s’avérait nécessaire, dont le rôle implique qu’il ne soit pas à la fois juge et partie. Deux choix se présentaient et une réunion interministérielle a permis de trancher : soit la DCF était transférée à RFF, soit – et c’est ce qui en définitive a prévalu – elle restait au sein de la SNCF, à l’instar de l’entité « gares et connexions ». Conformément au droit communautaire, il fallait alors qu’elle soit isolée du reste de la société de façon étanche, avec des comptes séparés, de manière à prévenir toute distorsion de concurrence. Peut-être faudra-t-il aller plus loin mais cela relèvera d’une nouvelle séquence.

J’en viens au fret et aux OFP, que M. Chassaigne a abordés sous l’angle de la création d’emplois. Il n’en existe pour l’instant que trois : un dans le Massif Central, un à La Rochelle, et un dans le port de Dunkerque – Europorte 2 – au titre d’une délégation de service public. L’étroitesse de l’échantillon ne nous permet donc pas de porter un jugement d’ensemble. Quelle en est la raison d’être ? Un OFP, sur un territoire délimité, par l’investissement d’acteurs locaux comme des mandataires de transports multimodaux ou les chambres de commerce et d’industrie, a pour objectif de trouver des clients et de massifier une offre qui pourra ensuite être transférée sur des trains longs, opérés par l’opérateur historique ou par ses concurrents.

Ce dispositif est issu de la loi « Grenelle I » et de l’Engagement national pour le fret ferroviaire de septembre 2009, qui avait lancé le défi d’augmenter la part du ferroviaire dans le transport de marchandises alors qu’elle reste très faible et qu’elle a encore dégringolé du fait de la crise. Il faut avoir une vision à long terme : toutes les gares et les embranchements de fret n’ont pas pu être transférés à un établissement public, dont je souhaite qu’il soit RFF et aucun OFP de stature régionale, permettant d’apporter un flux de marchandises massifié et d’enclencher une véritable croissance de l’activité sur trains longs, n’a encore vu le jour. L’idée n’est donc pas de réduire l’emploi, mais bien plutôt d’en créer, chez les OFP locaux et régionaux, chez l’opérateur historique comme chez les alternatifs. Dans tous les pays où le fret a été ouvert à la concurrence, la part modale du ferroviaire dans le transport de marchandises a augmenté, comme cela s’est vu en Allemagne.

M. Didier Gonzales. Ma question porte sur le volet aérien de la loi, qui modifie la procédure de sanction en cas d’infractions aux règles d’exploitation des grands aéroports français. Cette réforme des amendes - qui est entrée en vigueur le 1er avril dernier - permet de mieux protéger le cadre de vie des populations survolées. Elle crée un dispositif plus pédagogique – donc plus dissuasif – que le régime antérieur, tout en garantissant mieux les droits de la défense. Pouvez-vous en dresser un premier bilan, compte tenu notamment de la parution de l’arrêté du 21 mai 2010 concernant les membres associés de l’ACNUSA ?

M. Yanick Paternotte, rapporteur. La question, vivement débattue, a porté au moment de l’examen du projet de loi, sur la faculté qui pouvait être octroyée à l’ACNUSA de saisir des aéronefs en cas d’infraction. Au terme d’un long combat, nous sommes parvenus à l’imposer dans la loi et l’ACNUSA nous a indiqué que le dispositif pouvait fonctionner puisqu’elle avait pu envisager un premier cas de saisie. Il n’en demeure pas moins que les relations entre l’ACNUSA et la DGAC doivent encore être fluidifiées.

Je regrette par ailleurs que les compensations vis-à-vis des riverains de l’aéroport du Bourget – qui peut légitimement être considéré comme la « cinquième piste » de l’aéroport de Roissy –, notamment celles portant sur l’aide à l’insonorisation, n’aient pu être imposées malgré les engagements du ministre de l’époque, ni dans la loi « Grenelle I », ni dans la loi dont nous traitons aujourd’hui, ni dans le PLF. Cela est d’autant plus dommage qu’il reste des fonds mobilisables au titre du produit de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) pour l’aéroport de Roissy.

Mme Annick Lepetit. Je souhaite revenir sur le contenu de l'article 5 de la loi, dont a plus particulièrement parlé Maxime Bono. De manière générale, j'ai le sentiment que, chaque fois que l'Île-de-France est concernée, la loi nationale ne trouve plus à s'appliquer et que les élus sont renvoyés à la loi sur le « Grand Paris ». Il me semble pourtant essentiel d’insister sur les conséquences de la non-parution des décrets d’application de l’article 5 de la loi ORTF.

Le schéma retenu dans l’article 5 crée, pour l’Île-de-France, une situation inverse à celle qui prévaut dans toutes les autres régions françaises : depuis le 1er décembre 2009, la RATP est propriétaire des infrastructures et le STIF, autorité organisatrice, propriétaire du matériel roulant ; ailleurs, les autorités organisatrices de transport sont propriétaires tant du matériel roulant que des infrastructures – ce qui autorise une mise en concurrence. Cette situation surprenante résulte d'un amendement gouvernemental, déposé à la va-vite par M. Dominique Bussereau et manifestement téléguidé par le PDG de la RATP.

La propriété des infrastructures est donc attribuée à la RATP, à l'exception des seuls dépôts d’autobus et du siège social de la régie, la « Maison de la RATP », lesquels doivent faire l’objet d’une indemnisation – non encore advenue à ce jour - du STIF par la RATP. Saisi par les députés du groupe SRC, le Conseil constitutionnel a du reste consacré quelques considérants à cette question, tout en déclarant l’article 5 conforme à la Constitution. La détermination de la rémunération due par la RATP doit être faite par le Conseil d’État.

Il en résulte qu'à Paris, un certain nombre de projets urbains sont aujourd’hui bloqués, puisque les dépôts de bus sont toujours la propriété du STIF, que leur valeur n'a pas été estimée et que la transaction entre la RATP et le STIF ne peut être réalisée. Je crains que cette situation ne se dénoue pas rapidement, avec des conséquences directes pour les Parisiens. Ainsi, la RATP comptait légitimement agrandir et moderniser l'un de ses dépôts de bus, le dépôt « Lagny » situé dans le XXe arrondissement de Paris, et la Ville avait programmé la réalisation d'équipements publics au profit des habitants : aujourd'hui, le projet est prêt, mais il est malheureusement bloqué. On n’attend plus que la négociation entre le STIF et la RATP. Et l’on pourrait en dire autant des dépôts de bus « Montrouge » et « Croix Nivert », respectivement situés dans les XIVe et XVe arrondissements – sans même parler du siège de la RATP, dont la résolution présente moins d'urgence pour le bien-être des Parisiens. Quelles conséquences juridiques les collectivités concernées pourraient-elles tirer de ce blocage, s'agissant de projets votés et prêts à être mis en œuvre ?

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Je ne pense pas qu'il faille ici recommencer le débat ouvert lors de l'examen de la loi. Le recours devant le Conseil constitutionnel n'a pas abouti et les dispositions de la loi sont donc définitivement applicables…

Mme Annick Lepetit. Vous irez le dire aux Parisiens !

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Il faut toujours dire la vérité aux Parisiens ! Au moment où nous avons commencé nos auditions dans le cadre de la présente mission, la négociation entre l’État et la région sur le Grand Paris battait son plein, et la loi relative au Grand Paris a repris une large part de l’article 5 de la loi ORTF, notamment pour ce qui concerne la RATP et les réseaux. Je rappelle au passage que l’un des objectifs partagés par tous est de garantir la cohérence d’exploitation des lignes.

A Paris, je rappelle que l'autorité organisatrice n'est pas la Ville, mais le STIF. Cette donnée n'est pas neutre pour les habitants de la «Grande Couronne», surtout si l’on considère qu’il leur arrive de payer pour les Parisiens...

L'une des difficultés rencontrées lors de l'examen de l'article 5, dans des conditions certes précipitées, tient à la complexité du système : la RATP exploite ainsi des lignes parfois issues du métropolitain, parfois héritées du réseau SNCF – voire qui empruntent des sillons appartenant à RFF. L’exploitation de deux lignes de RER est ainsi partagée entre la SNCF et la RATP. A mon sens, il convient de laisser le débat se développer sereinement entre le STIF, la RATP et le Gouvernement.

M. Maxime Bono, rapporteur. Au moment où nous avons réalisé nos auditions, je reconnais n'avoir qu'incomplètement perçu combien le fait qu'un accord n'existe pas entre la région, le STIF et la RATP pouvait handicaper une collectivité locale. C'est la raison pour laquelle le point n'est pas souligné dans le rapport : la question des conséquences sur les projets des collectivités n'était pas évidente sur le moment. Mais le sujet est d’importance et le compte rendu de la séance, qui sera intégré dans notre rapport, permettra de l’éclairer.

M. Yanick Paternotte, rapporteur. On peut aussi considérer que le différend aurait pu être réglé dans le protocole d’accord entre l’État et la région du 26 janvier dernier.

M. Jacques Le Nay. Le rapport permet de décrire l'état de publication des décrets, un an après la promulgation de la loi. Au regard du travail déjà réalisé, quelle sera la cadence à venir, des objectifs ont-ils été fixés et un suivi par nos rapporteurs sera-t-il opéré ?

Pour ce qui concerne le siège de l'ARAF, je ne doute pas des nombreux arguments valables en faveur du Mans. En défendant une implantation parisienne, nos rapporteurs ne seraient-ils pas victimes d'un réflexe centralisateur ?

M. Maxime Bono, rapporteur. S’agissant du siège de l’ARAF, on peut parfaitement comprendre le choix de délocaliser certaines institutions et la ville du Mans, proche de Paris, est tout à fait attrayante. Nous avons cependant constaté que, pour les sages de l’Autorité comme pour les cadres spécialisés qui ont vocation à la servir, la localisation au Mans n’était pas forcément adaptée. Sans doute sera-t-il par conséquent indispensable de conserver une implantation permanente à Paris pour y tenir certaines réunions.

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Si le taux d’application de loi plafonne à 35 %, j’observe que cela ne porte pas sur un volume de décrets considérables. Il faut donc relativiser les choses.

S’agissant des décrets appelés par l’article 5 de la loi, le Gouvernement attend que toutes les concertations soient menées à leur terme, afin de disposer d’une vue globale sur le périmètre des accords et de les présenter de manière groupée, ce qui me semble cohérent. En toute hypothèse, le Gouvernement doit trancher car il n’est jamais bon de rester dans l’incertitude. Le temps qui passe ne peut qu’attiser les tensions sous-jacentes.

M. le président Serge Grouard. Ce rapport met en évidence plusieurs points insatisfaisants, ce qui me conduit à suggérer d'en saisir officiellement le ministre chargé des transports. Nous allons par conséquent le lui adresser, assorti de demandes portant sur quatre points principaux : la transmission des rapports manquants – en particulier celui sur la dette de RFF-, le calendrier de publication des décrets en attente, le choix du Mans pour l'installation de l'ARAF et la question de la récupération de foncier pour les collectivités locales.

Interrogée sur la publication du rapport, la commission l’autorise à l’unanimité.

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Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 9 mars 2011 à 16 h 15

Présents. - M. Yves Albarello, M. Maxime Bono, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, M. Paul Durieu, M. Didier Gonzales, M. Serge Grouard, M. Jacques Le Nay, Mme Annick Lepetit, M. Gérard Menuel, M. Yanick Paternotte

Excusés. - M. Jean-Claude Bouchet, Mme Claude Darciaux, M. Philippe Duron, Mme Geneviève Gaillard, M. Jean-Pierre Giran, M. Joël Giraud, M. Michel Havard, M. Armand Jung, M. Bertrand Pancher, Mme Sophie Primas, Mme Catherine Quéré, M. Max Roustan, M. Jean-Marie Sermier, M. André Vézinhet