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Mercredi 18 mai 2011

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 49

Présidence de M. Serge Grouard Président

– Audition de M. le préfet Philippe Deslandes, président de la Commission nationale du débat public (CNDP), et de M. le préfet François Leblond, président de la commission particulière du débat public relative au « réseau de transport public du Grand Paris »

– Examen de la proposition de loi visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d’Île-de-France (n° 3298) (M. Yves Albarello, rapporteur)

– Information relative à la commission

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. le préfet Philippe Deslandes, président de la Commission nationale du débat public (CNDP), et M. le préfet François Leblond, président de la commission particulière du débat public, sur le « réseau de transport public du Grand Paris ».

M. le président Serge Grouard. Nous accueillons M. Philippe Deslandes, président de la Commission nationale du débat public (CNDP), ainsi que M. François Leblond, président de la commission particulière du débat public «  réseau de transport public du Grand Paris ».

M. le préfet Philippe Deslandes, président de la Commission nationale du débat public (CNDP). Les débats publics sur le projet de réseau de transport public du Grand Paris et sur le projet Arc Express, lancés conjointement conformément à l'article 3 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, se sont déroulés du 30 septembre 2010 au 31 janvier 2011. Organisés à l'échelle de la région, ils concernaient près de 11 millions de Franciliens et constituaient pour la Commission nationale du débat public une expérience tout à la fois novatrice et enrichissante.

La gestation des deux débats ne fut pas sans tension. Initialement, le projet de loi relatif au Grand Paris, préparé par le secrétariat d'État chargé du développement de la région capitale, avait prévu de confier au préfet de région l'organisation d'une concertation sur le réseau du Grand Paris et de suspendre la procédure du débat public sur le projet Arc Express, porté par le syndicat des transports d’Île-de-France (STIF). Les réactions à cette première version entraînèrent quelques modifications : le débat sur le projet Arc Express n'était plus supprimé mais coordonné avec le débat public sur le réseau de transport public du Grand Paris, dont la loi confiait l'organisation à la Commission nationale du débat public.

Deux débats valent mieux qu'un. Ils étaient tout à la fois attendus et nécessaires ; attendus, puisque plus de 17 500 personnes se sont déplacées pour s'informer et s'exprimer à l'occasion de 67 réunions publiques, dont 12 communes aux deux projets, ce qui dépasse très largement le nombre habituel de participants et de réunions par débat ; nécessaires puisque, écoutant les arguments développés au fil du déroulement des débats, l'État et la région ont croisé leurs chemins. Les débats ont conduit au compromis.

Avant d'expliciter les différents arguments entendus, je voudrais brièvement rappeler les objectifs et caractéristiques des deux projets.

Le projet Arc Express est un projet de métro automatique sur fer en rocade autour de Paris, entièrement souterrain, situé en proche couronne et comportant une quarantaine de stations nouvelles, espacées de 1 à 1,5 km pour assurer une desserte fine et un maillage serré entre les territoires, grâce à l'interconnexion des gares nouvelles avec les réseaux existants ou en projet. Roulant à 40 km/h (contre 25 km/h pour les métros actuels), il vise à transporter un million de voyageurs par jour. Le débat a porté sur l'opportunité de la rocade et les caractéristiques des arc Sud et Nord, jugés prioritaires, les arcs Est et Ouest étant encore en cours d'étude lors du lancement du débat. Les arcs Sud (d'Issy-les-Moulineaux ou Meudon à Fontenay-sous-Bois ou Noisy-le-Grand) et Nord (de La Défense ou Nanterre à Bobigny ou Pantin) comprenaient chacune trois variantes. Le coût du projet, estimé à l'origine à 5 milliards d'euros pour les arcs prioritaires, a évolué en cours de débat pour se situer entre 7,1 et 8,3 milliards pour la rocade entière, réalisée par phases.

Le projet de double boucle du réseau de transport public du Grand Paris, d'une longueur de 155 km, est destiné à desservir aussi bien le cœur de l'agglomération parisienne que les territoires de proche, moyenne et grande couronnes, et à relier huit pôles majeurs de développement : Paris-Saclay, Roissy-Villepinte, Paris-Le Bourget, Plaine Saint-Denis, La Défense, la Cité Descartes, Paris-Sud, l'Est de la Seine-Saint-Denis. A cette fin, trois liaisons ont été présentées : l'une de l'aéroport de Roissy à celui d'Orly via Saint-Denis Pleyel et Paris (dite ligne bleue) ; une deuxième de Roissy à Orly via La Défense et Saclay (ligne verte) ; une troisième du Bourget à La Défense par l'Est et le Sud. Ces trois lignes de métro automatique sont jalonnées d'une quarantaine de gares nouvelles, espacées de 4 km en moyenne, dont 85 % assurent une correspondance avec un autre mode de transport en commun existant ou prévu. Roulant à une vitesse moyenne de 65 km/h, ce métro sur pneu (en tout cas dans le projet d’origine) vise à transporter 2 à 3 millions de voyageurs par jour. Le coût prévisionnel de ce projet, principalement en souterrain, est estimé entre 21,4 et 23,5 milliards d'euros. Les travaux commenceraient fin 2012 pour une mise en œuvre progressive, l'ensemble du réseau étant disponible en 2023 et remis clés en main par la Société du Grand Paris (SGP) au Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF).

Lors des premières semaines de débat, encore marquées par les tensions antérieures entre l'État et la région, les représentants des deux maîtres d'ouvrage se sont efforcés de marquer leur territoire et de mettre en avant les avantages de leur propre rocade face aux insuffisances ou à l'inadaptation du projet concurrent intéressant le même territoire. La controverse s'est portée sur le financement des projets, les calendriers de leur réalisation, la vitesse des métros automatiques, l'espacement des gares et l'opportunité de la desserte du plateau de Saclay par le métro automatique. Cette première étape du débat a pu laisser craindre un temps que l'on assiste pendant quatre mois à un duel entre les deux maîtres d'ouvrage et que les deux débats se limitent à l'opposition des deux réseaux.

En réalité, on a entendu rapidement les mots de complémentarité, de convergence, d'articulation entre les deux projets aux motifs soit des difficultés d'assurer leur financement, soit de leur large convergence en termes de tracé. Ce souhait de rapprochement s'est exprimé de plus en plus souvent au fil de l'avancement du débat, jetant ainsi les bases d'un possible compromis.

Les arguments avancés pendant les débats reposaient en majorité sur les réalités de la vie quotidienne et une connaissance aiguë des conditions de déplacement des Franciliens et des projets susceptibles de les faire évoluer. Pour les tangentielles, les projets en débat étaient les projets de tramway et de tram-train, ceux de prolongement de lignes de métro et surtout celui de la modernisation des RER, tous projets inclus au sein du plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France, au même titre que le projet Arc Express. C'est au regard de ces réalités que l'on a entendu le mot sans doute le plus fréquemment prononcé pendant le débat, celui de maillage, et la revendication la plus fréquemment formulée, celle de l'amélioration de l'existant. A ce propos les représentants et habitants de certains territoires, comme les départements du Val-d'Oise et de Seine-et-Marne ou le sud de l'Essonne, se sentant ignorés, ont évoqué les insuffisances du système de transport actuel et les nécessaires et urgentes améliorations à lui apporter.

Les participants ont par ailleurs débattu de la place de la région dans la compétition internationale, de l'intermodalité des moyens de transports, des effets de rocade sur la vie économique et le développement urbain, des modalités de financement – avec la crainte que le financement d'un projet ne pénalise l'autre – des modes d'exploitation, du réseau, du type de roulement (fer ou pneu), de la longueur des quais ou la largeur des trains.

Si les questions environnementales ont été moins abordées qu'on aurait pu initialement le penser, au vu notamment de l'étude environnementale publiée par la Société du Grand Paris et analysée par l'Autorité environnementale, il n'en demeure pas moins que les aspects fondamentaux ont été évoqués : la contribution à la lutte contre l'effet de serre, les conséquences en termes de densification ou d'étalement urbain, la protection des espaces agricoles, la sauvegarde des paysages et du patrimoine, les nuisances sonores et les vibrations, les risques d'inondation et bien évidemment, comme dans tout débat sur les réseaux de transport, l'implantation des gares et la demande de gares supplémentaires, dont la liste figure aux comptes rendus des deux débats.

D'une manière générale, le projet Arc Express a été considéré comme plus adapté aux liaisons de banlieue à banlieue et à la satisfaction à court terme des besoins qui s'expriment de longue date en proche couronne. Le projet de réseau de transport public du Grand Paris a quant à lui été jugé plus à même de répondre à des besoins à plus long terme pour l’organisation et le développement de l'espace francilien en grande couronne. Ces deux objectifs sont jugés complémentaires et non exclusifs.

A mi-débat, tirant les premiers enseignements des réunions publiques et au vu de très nombreux commentaires ou prises de position, la Commission nationale notait que le souci du public d'un projet commun d'évolution des modes de transport collectif en Île-de-France s'exprimait parmi d'autres propositions. Déjà le 15 novembre, le président de la région proposait au Premier ministre un rapprochement des deux projets ainsi que de nouvelles modalités de financement relatives au plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France.

Cette démarche s'accompagnait d'une préfiguration des arcs Est et Ouest du projet d'Arc Express. Dès septembre 2009, le rapport établi par le député Gilles Carrez à la demande du Premier ministre posait le principe d'une synthèse entre les deux projets et identifiait les ressources fiscales nécessaires à leur réalisation. Pour sa part, l'Atelier international du Grand Paris, dans une contribution rendue publique début décembre, établissait que la cohérence du territoire du Grand Paris pouvait être améliorée sur la base de trois principes : interconnecter tous les modes de déplacements, s'appuyer sur l'existant, desservir tous les territoires.

Les ingrédients d'un accord étaient jetés, il ne manquait plus que le liant. A l'issue des deux premiers mois et demi de débat, toutes les informations avaient été fournies sur les deux projets et tous les arguments émis à propos de leur opportunité, de leurs objectifs et de leurs caractéristiques.

Hors des débats stricto sensu, mais à la lumière de ce qu'ils avaient permis d'apporter, l'État et la région se sont retrouvés, entre autres partenaires, au sein du comité de pilotage crée par le nouveau ministre en charge du Grand Paris. Les échanges qui s'y sont développés ont jeté les bases d'un projet de vision partagée de l'État et de la région s'articulant autour d'un schéma de rocade unique prenant en compte des éléments communs aux deux itinéraires et ajoutant dans chaque projet des éléments qu'il n'incluait pas mais que prévoyait l'autre, à l'exception de la desserte du plateau de Saclay. Cette vision partagée, souhaitée par la majorité du public, a fait l'objet d'un protocole entre l'État et la région relatif aux transports publics en Île-de-France, signé le 26 janvier 2011, soit cinq jours avant la clôture des débats. Aux termes de ce protocole, qualifié d'historique, l'État et la région ont décidé de porter ensemble à la connaissance de la Commission, comme elle l'avait souhaité, ainsi que du public une contribution conjointe sur les évolutions qui pourraient être apportées aux projets soumis aux débats publics en cours. Cette contribution concerne les tracés du projet de rocade, intitulé « Grand Paris Express », le financement des investissements, la coordination entre la Société du Grand Paris et le Syndicat des transports d'Île-de-France, la mise en œuvre du schéma directeur de la région Île-de-France, la gouvernance de la Société du Grand Paris et les modalités de suivi du protocole. Cet accord, qui apporte des éléments de décision, qui devront être désormais confirmés par les deux maîtres d'ouvrage, dresse également la liste des gares retenues, en précisant leur caractère définitif ou optionnel, et répond à l'un des soucis primordiaux de la région et du public en arrêtant les modalités de participation financière de l'État au plan régional de mobilisation pour les transports.

A l'instar du protocole entre l'État et la région, ces deux débats peuvent être aussi qualifiés d'exemplaires et historiques. Ils sont exemplaires d’abord par l'exceptionnelle participation du public : 17 500 personnes, 67 réunions publiques, 280 000 connexions internet, 272 cahiers d'acteurs – dont 94 communs aux deux projets – 260 contributions, 1 151 avis du public, 1 600 questions. Ils le sont ensuite par la participation sans précédent des élus – parlementaires, conseillers régionaux et généraux, maires et conseillers municipaux. Ils le sont enfin par leur issue. Comme l'atteste le protocole, le public, par sa participation, a réellement pesé sur le processus décisionnel ; je ne peux que m'en féliciter.

Il appartient désormais aux maîtres d'ouvrage de décider des conditions et des modalités de la poursuite de leurs projets. Il s’agit de confirmer les engagements du protocole entre l'État et la région relatif aux transports publics en Île-de-France, de définir la clé de répartition de la maîtrise d'ouvrage entre le STIF et la SGP, de lever ou confirmer le caractère optionnel de diverses gares et de déterminer le site d'implantation de certaines d’entre elles, notamment à La Défense, de répondre de manière argumentée aux demandes de liaisons et de gares supplémentaires ou de modification du site d'implantation de certaines stations émises pendant le débat public, et enfin de définir les caractéristiques d'un arc Est proche depuis Saint-Denis Pleyel ou Le Bourget jusqu'à Champigny via Val-de-Fontenay ou Villiers-sur-Marne, à la suite de la mission d'étude mandatée par le ministre chargé de la ville. Cet arc, dont l'opportunité a été reconnue, devra une fois défini être soumis à concertation pour son tracé, soit par le STIF, soir par la SGP. Enfin, une solution pour la desserte du plateau de Saclay doit être dégagée.

M. Yanick Paternotte. Si, comme vous nous l’avez dit, avec près de 20 000 participants, le débat public sur le Grand Paris a été un grand succès populaire, nous devons rappeler que ce grand succès de démocratie directe est d’abord dû au Parlement, qui a souhaité imposer le principe du débat public et sa publicité, et notamment à notre collègue Yves Albarello, rapporteur du texte.

M. Christophe Caresche. Cela prouve que le Parlement peut être utile !

M. Yanick Paternotte. Les méandres du processus décisionnel ont été pour le moins complexes. Après le débat de la loi au Parlement, il a encore fallu un accord historique de l’État avec la Région. L’État a ensuite demandé un rapport à M. Pascal Auzannet. Un facteur d’incertitude a perduré jusqu’au bout. Des variantes qui n’étaient pas présentes dans le débat public ont été entérinées dans le tracé qui va être décidé par la SGP. Dans ces conditions, pourquoi le débat public n’est-il pas intervenu trop tôt ?

Alors que la Nation dépense des sommes considérables en faveur du report modal, que pensez-vous de l’absence du fret dans la réflexion ? Finalement, alors qu’en Île-de-France les besoins de déplacements liés à l’emploi ne concernent que moins de la moitié des Franciliens,  seule la mobilité des personnes est traitée.

Enfin, via l’augmentation de la taxe sur les bureaux, la grande couronne a une nouvelle fois l’impression de payer pour la zone centrale. Le débat public ne semble guère avoir mis en lumière cette inéquité territoriale, sociale et fiscale entre départements franciliens – auxquels il faut ajouter le sud du département de l’Oise. Les migrations pendulaires de banlieue à banlieue ne sont pourtant pas négligeables !

M. Jean-Paul Chanteguet. C’est la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité qui a fait de la CNDP une autorité administrative indépendante, et qui a diversifié et renforcé ses attributions.

Monsieur le président Deslandes, le ministre chargé de l’environnement aurait-il pu saisir la CNDP sur le schéma national des infrastructures de transport ? Cette saisine a-t-elle même été envisagée ?

L’article 246 de la loi dite Grenelle II a-t-il déjà été mis en application dans le cadre des sollicitations qui vous sont adressées ?

Pensez-vous que des évolutions de la CNDP soient nécessaires ? Si oui, lesquelles ?

Enfin quel est le budget de la CNDP ?

M. Yves Albarello. Monsieur le président de la CNDP, je vous adresse mes plus vives félicitations pour la qualité des débats que la Commission a organisés, au cours de nombreuses réunions. Vous avez réconcilié les Franciliens entre eux, et réussi à faire en sorte qu’ils s’emparent de deux projets opposés, les projets Arc Express et Grand Paris, pour aboutir à un accord.

Mme Annick Lepetit. L’unanimité sur la qualité des débats s’est manifestée très tôt, avant même la publication des rapports de la CNDP.

Monsieur le président Deslandes, quel a été le coût des deux débats sur Arc Express et le Grand Paris ? S’est-il vraiment limité à six millions d’euros, chiffre avancé par le Gouvernement ?

À Paris, où j’ai assisté à nombre de débats, j’ai eu l’impression que les élus et les professionnels réduisaient à la portion congrue la place des simples citoyens. La CNDP a-t-elle pu faire émerger la parole de ceux-ci sur leurs préoccupations à propos des réseaux existants et de leur amélioration à court terme, mais aussi des réseaux futurs ? Si oui, comment ?

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Notre collègue Jean-Paul Chanteguet a eu raison de rappeler que c’est la loi du 27 février 2002 qui a élargi le champ d’investigation et le pouvoir de la CNDP. Celle-ci est garante de la concertation. Nos concitoyens se sont très largement saisis de cet élément irremplaçable de démocratie.

Au-delà du champ du Grand Paris, ceux d’entre nous qui, sur leur territoire, ont participé à des débats publics peuvent attester de la qualité du travail effectué, de l’ampleur de la concertation et de la bonne tenue de débats souvent menés dans des circonstances un peu difficiles. J’en veux pour preuve les débats sur les projets de lignes à grande vitesse Sud Europe Atlantique et Limoges-Poitiers, que j’ai suivis de très près. La représentante de la CNDP y a été d’une efficacité et d’une objectivité absolues.

Par ailleurs, même après que la CNDP ait rendu son rapport et que les conclusions du débat aient été tirées, les obstructeurs aux projets ont tendance à vouloir recréer de nouveau le débat public. Monsieur le président, comment est-il possible, dès lors que la CNDP a effectué son travail et que ses conclusions ont été rendues, de faire en sorte qu’à chaque stade d’un projet, l’ouvrage ne soit pas remis sur le métier ? Il ne faudrait pas que l’exercice du débat aboutisse à créer des retards extrêmement préjudiciables à des projets structurants qui conditionnent la vie de l’ensemble d’un territoire.

M. Jacques Kossowski. Merci, monsieur le préfet Leblond, pour les réunions que vous avez organisées avec beaucoup de professionnalisme. Les nombreux administrés qui ont participé à ce débat ont été très intéressés par les réponses qui leur ont été apportées.

Pouvez-vous nous dire aujourd’hui si le financement sera au rendez-vous ? Les créations de gares qui doivent être annoncées le 26 mai seront-elles définitives ? Des évolutions postérieures sont-elles possibles ?

Enfin, je note que La Défense n’a pas été oubliée. Pour qu’elle reste un pôle international, les transports devaient y arriver. Beaucoup a été fait.

Mme Geneviève Gaillard. À l’occasion d’un débat essentiel sur l’exploration des gaz de schistes, une saisine de la CNDP a été évoquée. Monsieur le président Deslandes, vous semble-t-il utile de repenser le champ de compétence de la CNDP et sa procédure de saisine, voire d’instituer une procédure d’autosaisine ? Sur les gaz de schistes, la tenue d’un débat clair, judicieux et cohérent avec nos concitoyens me semble indispensable.

Pouvez vous nous indiquer qui, statistiquement, et depuis l’origine, saisit la CNDP : les parlementaires, l’État, les associations ?

Enfin, quel rôle la CNDP pourrait-elle jouer dans un débat sur les modes de consommation et de production d’énergie ? Ce sujet essentiel suscite des divergences dans notre pays. Un tel débat pourrait nous permettre en outre de nous acquitter au mieux de nos engagements au regard de la convention d’Aarhus.

M. Daniel Goldberg. L’un de nos collègues s’est demandé si le débat n’avait pas eu lieu trop tôt. Pour avoir participé à plusieurs des réunions concernant le Grand Paris et Arc Express, je pense au contraire que la CNDP a fait preuve d’un doigté exceptionnel face à une situation pour le moins complexe.

Au départ, c’est une mobilisation unanime des parlementaires qui a permis la tenue d’un débat public mené de façon indépendante. Mais rien n’était alors réglé : ni le financement, ni le tracé, ni la tarification, ni le maillage. Les deux débats publics ont permis d’aboutir au compromis de l’année 2011. Ce compromis est aussi largement dû à l’évolution de la parole gouvernementale, et notamment à la manière dont le ministre actuellement en charge s’est saisi du dossier. Le consensus n’aurait sans doute pas pu se réaliser dans le contexte de blocage qui a présidé à l’élaboration de la loi. Autrement dit, le débat public a eu son utilité.

Pour autant, un débat public après accord entre les collectivités locales, l’État et la région n’aurait-il pas été plus utile à nos concitoyens ? Si le tracé que nous connaissons, qui n’est certes pas définitif, a fait progresser les réponses aux questions que nous posions dans le débat parlementaire sur le maillage, les distances entre les stations, le financement, nous aurions sûrement pu déboucher plus tôt : les pistes de financement finalement trouvées sont assez proches de celles préconisées par notre collègue Gilles Carrez, avant même l’adoption du projet de loi.

Par ailleurs, selon vous, aujourd’hui, et alors que l’accord a fait largement évoluer le schéma, est-il légalement nécessaire de relancer un débat public avec les citoyens ?

Lors de la discussion de la loi, la préfecture de région avait mis en place un site internet, qui devait s’appeler « Mon Grand Paris », et qui devait être, nous avait-on dit, le lieu de la discussion citoyenne. Monsieur le président Deslandes, ce site a-t-il été utile à vos débats ?

Enfin, au-delà du schéma de transport prévu par la loi et de celui auquel l’accord entre l’État et la région a permis d’aboutir, le Grand Paris reste pour moi, tant en ce qui concerne son périmètre que sa gouvernance, un objet politique non identifié. Les citoyens qui ont participé au débat public s’en sont-ils fait une idée claire ?

M. Didier Gonzales. Plusieurs projets de tracés de transports relevant de la CNDP se télescopent dans des calendriers quasiment identiques. Il en est ainsi, dans le sud de Paris, du Grand Paris, de l’interconnexion sud et du projet de ligne à grande vitesse Paris-Orléans Clermont-Ferrand-Lyon (POCL).

Pour nous permettre de mieux appréhender la convergence entre ces projets, la CNDP envisage-t-elle de mailler ses réflexions ? Il semble en effet difficile de « saucissonner » en quelque sorte les problématiques, alors que l’appréhension sur les territoires doit être globale.

M. Christophe Priou. Les effets des débats publics semblent beaucoup plus positifs que ceux des enquêtes publiques, qui mobilisent le plus souvent les seuls opposants.

La loi de 2002 est pour moi peu utilisée. Je l’ai mise en œuvre au Croisic pour la construction d’une nouvelle mairie. Nous avons aussi eu recours au débat public pour la construction de l’aéroport de Notre-Dame des Landes. Malgré de vives tensions et un climat houleux, celui-ci s’est déroulé dans de bonnes conditions. Dans la région des Pays de la Loire, celle du premier délégué à l’aménagement du territoire, Olivier Guichard, nous avons toujours peur d’une reconstitution du schéma « Paris et le désert français ». Le caractère de plus en plus rare de l’argent public nous rend de plus en plus inquiets pour le financement des connexions entre notre région et l’Île de France, notamment en matière de lignes à grande vitesse. L’aéroport de Notre-Dame des Landes devrait pouvoir être considéré comme le troisième de la région Île-de-France.

M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le préfet, les aménagements projetés prévoient aussi des interconnexions avec des gares TGV destinées à irriguer la province. Au-delà des concertations organisées avec Paris, sa banlieue et ses petite et grande couronnes, envisagez-vous d’organiser la consultation de provinciaux ? L’intérêt du Grand Paris est pour eux certain.

M. le préfet Philippe Deslandes. La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a transformé la CNDP en autorité indépendante. Celle-ci a donc montré son indépendance. Le jour même du passage en Conseil des ministres du projet de loi relatif au Grand Paris, elle s’est étonnée que l’organisation du débat soit confiée au préfet de région, et a fait valoir ses attributions. L’Assemblée nationale puis le Sénat lui en ont en conséquence attribué la responsabilité.

L’article 246 de la loi dite « Grenelle II » a porté l’effectif de la Commission de 21 à 25 membres, en y ajoutant deux représentants de syndicats et deux représentants des entreprises. Les personnalités correspondantes n’ont cependant pas encore été nommées par le Premier ministre.

La CNDP ne dispose pas du droit d’autosaisine. Sur des thèmes tels que le schéma national d’infrastructures de transport ou les gaz de schistes, elle ne peut être saisie que par le ministre chargé de l’environnement.

Lorsque s’est dessiné un premier débat sur un parc éolien en mer au large du Tréport, j’ai écrit au ministre chargé de l’environnement, au nom de la CNDP, pour demander la tenue d’un débat public par façade maritime et non par parc. Une concertation par façade maritime était déjà organisée par chacun des préfets de région. L’élaboration des prochains projets donnera lieu, j’en suis certain, à des demandes de débats publics, projet par projet. Il nous semblait plus intéressant qu’un débat soit tenu sur le principe même des parcs éoliens en mer, après quoi de simples présentations publiques auraient permis d’affiner chaque projet.

Le budget de la CNDP est de 2 millions d'euros, ou plus exactement, après diminution – comme partout – des crédits, de 1,9 millions d'euros cette année.

Les gaz de schistes, ainsi que la politique énergétique dans son ensemble, constituent bien le champ d’un véritable débat public.

Des débats publics ont été tenus sur l’EPR de Penly et sur les terminaux méthaniers. Le ministère chargé de l’énergie y a participé chaque fois. Il est très clairement apparu au cours du débat sur l’EPR de Penly que si la nécessité de celui-ci était très clairement fondée pour favoriser l’exportation de centrales nucléaires françaises, la consommation française n’appelait pas la construction immédiate d’un nouveau réacteur.

Les débats publics ont pour intérêt de mettre publiquement sur la table un certain nombre d’arguments et de faire état d’éléments parfois mal ou insuffisamment exprimés. En matière d’énergie, par exemple, les programmations pluriannuelles d’investissement sont systématiquement remises en cause et des demandes d’expertises complémentaires sollicitées auprès de la CNDP. Celle-ci donne alors en général une suite favorable.

La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite loi « Grenelle II », a élargi l’objet même du débat public. Celui-ci portait sur l’opportunité du projet, ses objectifs et ses principales caractéristiques. La loi « Grenelle II » y a ajouté les conditions de la concertation après le débat. En effet, jusqu’ici, le public avait l’impression que s’il était bien mobilisé à l’occasion du débat public, il ne se passait plus rien entre celui-ci et l’enquête publique, alors qu’un laps de temps allant jusqu’à cinq ans peut séparer ces deux événements. Sans attendre les textes d’application, la CNDP applique d’ores et déjà les dispositions de la loi. Elle souhaitait très fortement une telle modification.

L’une des modifications les plus essentielles de la loi « Grenelle II » concerne les débats dits « d’options générales », autrement dit celles qui portent sur les plans, les politiques et les programmes. Jusqu’ici, le champ de ces options générales était limité à l’environnement et à l’aménagement du territoire. La loi « Grenelle II » l’a élargi au développement durable. Ce champ assez vaste devrait permettre d’organiser nombre de débats de fond.

Lors de la préparation des lois « Grenelle I » et « Grenelle II », il a semblé normal à la CNDP qu’à la suite de la réforme constitutionnelle, les deux assemblées du Parlement  puissent la saisir directement sur les thèmes relevant de sa compétence. Cette proposition n’a pas été retenue.

À quelle étape du projet fixer le débat ? C’est une question récurrente pour la CNDP. En tout état de cause, celui-ci doit intervenir au moment des études préliminaires, et, conformément à la convention d’Aarhus, à un stade où toutes les solutions sont encore possibles. C’est là la différence majeure entre le débat public et l’enquête publique. Alors que, au moment de l’enquête publique, le projet est bouclé, tel n’est normalement pas le cas au moment du débat public. Le débat sur le Grand Paris l’a montré. Le projet, tel qu’il ressort du débat, fusionne les deux projets initiaux, tout en en modifiant les éléments. Cette évolution un peu inattendue, qui est finalement un peu la conséquence de l’intelligence d’une construction collective, montre que, en permettant à ceux qui y ont participé, élus comme simples citoyens, d’émettre des avis, le débat public a été utile.

Les plus courants des avis entendus ont fait état d’une très grande souffrance en matière de moyens et de réseaux de transport. Cette souffrance a, je crois, été entendue tant par la région que par l’État.

Dans l’accord entre l’État et la Région, le financement du plan de mobilisation est arrêté. Tel n’était pas le cas avant le débat. Les deux projets s’ignoraient alors. C’est le débat qui a permis que les arguments des uns et des autres soient entendus, et qu’à la demande du public, les deux projets soient fusionnés. Cette demande, entendue presque à chaque réunion, a fini par convaincre aussi bien les représentants de la SGP que ceux du STIF.

Le coût du débat public à la charge de la SGP était de 4 millions d'euros ; celui d’Arc Express représentait 2 millions d'euros. Le budget confondu des deux était donc de 6 millions d'euros. Un débat public classique coûte 1 million d'euros pour 12 réunions publiques. Un budget de 6 millions d'euros pour 67 réunions publiques est donc tout à fait dans les normes. C’est aussi une gouttelette d’eau au regard du coût final du projet, qui est de 32 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 2 milliards d'euros d’études. Cette petite goutte d’eau a permis la fusion de deux projets au profit de l’intérêt général

Au début du débat, la participation des élus était très forte, tandis que les non élus avaient le plus grand mal à accéder à la parole. La CNDP a rappelé aux deux commissions particulières qu’il importait de rappeler aux élus que, dans un débat public, tous les citoyens sont égaux. Au fur et à mesure du déroulement du débat, cette règle d’équivalence entre les participants a été de mieux en mieux observée. En seconde partie du débat, les élus ont parfaitement joué le jeu.

Le débat public n’est ni le moment de la décision en elle-même, ni un référendum ; C’est le moment de l’exploration des controverses suscitées par les projets et des difficultés qu’ils posent. Le débat, je crois, a largement montré que ce projet était opportun. Il a d’abord établi la nécessité de la mise à niveau du réseau existant. Il a ensuite montré celle d’une rocade en proche banlieue et, à plus long terme, d’un réseau vers d’autres départements de l’Île-de-France.

La souffrance exprimée par les usagers des transports d’Île-de-France a, je crois, largement influencé ce qui est devenu la contribution commune.

L’objet du débat – éclairer la décision publique – a été atteint. Certes, la décision est intervenue un peu tôt. Cinq jours avant la fin du débat, les deux maîtres d’ouvrage ont rendu public un accord indiquant leur compréhension dudit débat et présentant leurs actions futures. En général, les décisions n’interviennent qu’après le débat. Faut-il pour autant relancer un nouveau débat ? La réponse est non. La contribution de la CNDP est le résultat du débat ; nous n’allons pas recommencer. La question de l’opportunité d’un arc Est proche – entre Saint-Denis et Fontenay –, a été tranchée : cette liaison avait été demandée dans le débat. Ce que la CNDP demande, c’est que le maître d’ouvrage qui sera désigné pour réaliser cet Arc Est court – les discussions sont toujours en cours entre la SGP et le STIF – la saisisse, en vue d’une concertation, sur l’emplacement des gares et les différentes communes traversées. Le STIF est habitué à ce type de concertation : chaque fois qu’une ligne de métro est prolongée, il en est réalisé une.

La CNDP n’avait aucune marge de manœuvre en matière de calendrier. Celui-ci avait en effet été arrêté par la loi « Grand Paris ». Il était aussi extrêmement serré : la loi prévoyait que le débat devrait commencer quatre mois après sa promulgation. Or, lors de celle-ci, le dossier du Grand Paris était loin d’être rédigé : nous avons travaillé tout l’été pour permettre le début du débat le 30 septembre.

Le site internet lancé par le préfet de la région Île-de-France concernait non pas le réseau de transport du Grand Paris, mais l’idée même du Grand Paris ; il traitait aussi bien de culture que d’économie ou des réseaux de transport. Quoique sans information particulière, je fais confiance au préfet de région pour en avoir tiré les meilleurs enseignements.

Plusieurs débats ont en effet été conduits en Île-de-France en même temps : le débat Arc Express, celui sur le réseau de transport public du Grand Paris, celui sur l’interconnexion sud des lignes de TGV en Île-de-France et celui relatif au prolongement de la ligne Eole vers l’ouest. Comme ces projets interagissaient les uns sur les autres, nous nous sommes attachés à ce que les débats les concernant puissent être connectés. Ainsi, à Orly, le projet d’interconnexion sud prévoit une gare TGV et le projet du Grand Paris une gare spécifique. Il nous semblait utile que le débat permette de dégager une solution de liaison entre les deux. À La Défense, une réunion sur Eole a réuni plus de 700 personnes. La grande difficulté à La Défense est qu’il y est prévu à la fois une gare du Grand Paris, une gare Eole et une gare pour des TGV venant de Normandie.

Il reste que coordonner l’ensemble des débats est difficile, et ce d’autant plus que la CNDP n’est pas maîtresse de sa saisine. De plus, dès qu’elle est saisie, la loi l’oblige à se prononcer dans les deux mois, faute de quoi il n’y a pas de débat.

La commission particulière « réseau de transport public du Grand Paris » avait prévu d’organiser des débats en province. Le nombre de demandes de réunions formulées en Île-de-France ne l’a pas permis. Une réunion a néanmoins eu lieu à Nantes dans le cadre du débat sur l’interconnexion sud ; contrairement aux prévisions, elle a rencontré un assez grand succès ; des intervenants sont venus parler de l’intérêt d’une connexion directe avec Orly, et essayé de relancer le débat sur l’aéroport de Notre-Dame des Landes : dès lors que l’accès à Orly serait direct, pourquoi le réaliser ?

Cependant, ce débat n’a pas été relancé. Une fois qu’il a eu lieu, un débat est clos ; il n’est pas possible de le rouvrir. Débattue pendant le débat public, l’opportunité n’est plus traitée lors des concertations qui le suivent.

Il est certes vrai que des personnes opposées à un projet pendant le débat profitent de la concertation qui lui fait suite pour essayer de relancer la question même de son opportunité. C’est assez manifeste dans le cas de la ligne à grande vitesse entre Poitiers et Limoges. Chaque fois que, dans les réunions de concertation, cette question revient, nous rappelons que l’opportunité a été débattue. Autrement, la discussion de l’opportunité serait sans fin. Une fois le débat tenu, un compte rendu et un bilan sont réalisés. Sur leur base, le porteur de projet doit se prononcer . Sa décision est publiée. La force du débat public, c’est que tout est publié ! Nous conservons le texte des verbatim sur notre site et en archives, lesquelles sont publiques. Il est toujours possible de se reporter à ce qui a été dit.

Très récemment, à l’occasion d’une séance au Conseil d’État sur le débat public, en vue de la publication du rapport public de celui-ci sur la démocratie environnementale, j’ai rappelé que la France était le seul pays partie à la convention d’Aarhus à avoir développé une procédure aussi aboutie que celle du débat public. Alors que bien des pays se limitent à l’enquête publique, qui n’intervient qu’à un moment où tous les dés sont jetés, le débat sur le Grand Paris est intervenu à un stade préalable. L’expérience a montré que le débat public était utile, souvent opportun : si cette procédure n’existait pas, il faudrait l’inventer.

M. le préfet François Leblond, président de la commission particulière du débat public relative au « réseau de transport public du Grand Paris ». Pour revenir sur un point précis, alors que nous considérions à la CNDP que la question du fret en Île-de-France était essentielle, nous n’avons pas réussi à lancer le débat. Nous l’avons regretté ; mais nous ne pouvions pas répondre à des questions qui ne nous étaient pas posées. Le fret n’intéressait pas vraiment les participants aux réunions que nous avons organisées.

M. le président Serge Grouard. Messieurs les préfets, merci. Nous avons apprécié, monsieur le président, à la fois la qualité de votre propos initial et la précision des réponses apportées aux questions des membres de la Commission. Compte tenu de l’importance que prend la CNDP, nous aurons sans doute l’occasion de vous auditionner à nouveau lors d’autres échéances.

◊ ◊

Puis, la commission a procédé à l’examen, sur le rapport de M. Yves Albarello, de la proposition de loi visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d’Île-de-France (n° 3298 rect).

M. le président Serge Grouard. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat le 30 mars dernier, visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France.

Nous avons proposé le 11 mai dernier à M. Yves Albarello d’être le rapporteur de cette proposition de loi et je le remercie d’avoir accepté.

Je précise qu’aucun amendement n’a été déposé sur le texte.

M. Yves Albarello, rapporteur. Je souhaite rappeler que notre commission a une grande part dans l’accord historique intervenu le 26 janvier dernier. En effet, lors de la réunion de la CMP consacrée au projet de loi relatif au Grand Paris, votre rapporteur a obtenu que l’on revienne sur une disposition que le Sénat avait introduite par amendement et qui visait à mettre un terme au débat public sur l’Arc Express. Une fois ce point de blocage levé, la négociation est redevenue possible et je n’ai pas manqué de le rappeler au ministre chargé du dossier.

Cette précision étant faite, je tiens à remercier le président Serge Grouard de m'avoir proposé d'être le rapporteur de ce texte court et technique mais indispensable, qui intervient un an après l'adoption de la loi sur le Grand Paris dont j'ai eu l'honneur d'être également le rapporteur. Les délais excessivement courts – j’ai été nommé la semaine dernière – dans lesquels nous nous sommes saisis de cette proposition de loi ne m'ont pas permis de travailler autrement que dans l'urgence. Je dois cependant préciser qu'en tant que co-rapporteur, avec Annick Lepetit – dont je salue au passage la forte implication et l'esprit très constructif –, de la mission d'information sur l'application de la loi relative au Grand Paris, nous avons été sensibilisés depuis longtemps à la problématique du « blocage » du SDRIF – schéma d'aménagement de l'Île-de-France. Nous avons d'ailleurs déjà auditionné tous les acteurs intéressés : le Gouvernement, le président du conseil régional, les présidents du conseil de surveillance et du directoire de la Société du Grand Paris – SGP –, la directrice générale du syndicat des transports d'Île-de-France – STIF –, le président de la RATP, etc.

À ce stade de nos débats, je souhaite répondre aussi clairement que possible à trois questions successives. Premièrement, pourquoi le SDRIF de 2008 est-il « bloqué » ? Deuxièmement, quelles sont les conséquences de cette situation ? Troisièmement, de quelles solutions disposons-nous pour que les collectivités franciliennes ne soient plus pénalisées dans la conduite de leurs projets d'aménagement ?

Permettez-moi d’insister au préalable sur le fait que ce dossier n'intéresse pas seulement les élus franciliens : avec un PIB de près de 550 milliards d'euros, l'Île-de-France est la première région d'Europe – même si des inégalités y existent – et elle procure près du tiers de la richesse nationale. Dès lors, tout ce qui entrave son développement économique est mauvais pour l'économie du pays, mauvais pour l'emploi et mauvais pour les Français. En tant que législateurs, notre devoir est de ne pas laisser perdurer des situations qui retardent, par blocage juridique ou administratif, la réalisation de projets porteurs d'avenir dont l'impact excède largement les limites de l'Île-de-France.

Première question : pourquoi le SDRIF de 2008 est-il bloqué ?

Alors que la révision du schéma directeur de 1994 était en voie de finalisation, le Président de la République a souhaité donner un nouvel élan au développement de la région capitale en créant un secrétariat d'État dédié et en lançant le processus parlementaire d'adoption de la loi relative au Grand Paris. Dans les faits, les deux démarches se sont donc télescopées.

L'adoption de la loi relative au Grand Paris, au début de l'été 2010, a fait bouger les lignes : il ne pouvait plus être question de valider un SDRIF n'intégrant pas le projet le plus important que l’on ait déployé pour l'aménagement de l'Île-de-France depuis le XIXe siècle, et qui vient opportunément compléter et amplifier les réformes lancées par le général de Gaulle et par Georges Pompidou dans les années 1960. Du point de vue de la maîtrise de la dépense publique, il aurait été irresponsable de laisser la Région et l'État développer des projets concurrents et pas forcément complémentaires. Il faut en effet savoir que l'engagement financier de l'État est de l'ordre de 20 milliards d’euros et celui de la région, au titre notamment de son plan de mobilisation pour les transports, d'une douzaine de milliards.

Depuis l'automne dernier, la situation est donc fortement déséquilibrée avec, d'une part, la loi relative au Grand Paris, définitivement adoptée et validée par le Conseil constitutionnel et qui trouve à s'appliquer selon le calendrier décidé par le Parlement –constitution de la Société du Grand Paris et de l'établissement de Paris-Saclay, lancement des débats publics, préparation de l'acte motivé sur le tracé des gares préparatoire au schéma d'ensemble sur le réseau de transport public du Grand Paris, etc. ; d'autre part, un SDRIF de 2008 dont l'existence juridique ne reste que virtuelle et sur lequel les collectivités franciliennes ne peuvent pas s'appuyer pour conduire leurs opérations d'aménagement, au motif, précisément, que le schéma directeur ne pouvait pas, pour des raisons évidentes de chronologie, se conformer à une loi qui n'existait pas encore au moment de son adoption.

Deuxième question : quelles sont les conséquences de cette situation ?

Elles sont paradoxales. En effet, ce n'est pas par manque de planification que certaines opérations d'aménagement se trouvent différées, mais à cause de la superposition de documents d'orientation dont la compatibilité n'est pas encore acquise juridiquement, alors même qu'elle le serait dans les faits.

Ainsi, une collectivité locale peut se voir interdire de modifier un document d'urbanisme tel que le schéma de cohérence territoriale – SCOT –, le plan local d’urbanisme –PLU – ou la carte communale au motif que son projet ne prend pas en compte la loi relative au Grand Paris, quand bien même ce projet serait compatible avec le SDRIF de 2008, lui-même non validé au plan juridique... Il est grand temps, on le voit, de débrouiller ce qui est en train de devenir un véritable imbroglio juridique !

D'autre part, plusieurs projets portés par les collectivités sont bloqués du fait du maintien en application, par voie de conséquence, du SDRIF de 1994 – évidemment obsolète – qui classe en espaces naturels inconstructibles des zones ouvertes à l'urbanisation dans le schéma directeur de 2008 et qui comporte des emprises foncières mises en réserve pour des projets routiers aujourd'hui abandonnés du fait du Grenelle de l'environnement.

Il était urgent de sortir de cette impasse qui n'est en rien liée à la qualité des projets présentés mais à un enchevêtrement de normes devenues manifestement contraire à l'intérêt général.

Au titre des projets retardés par cette situation, on peut citer, parmi bien d'autres, le projet Village nature en Seine-et-Marne, le développement d'une zone d'activité au niveau de l'échangeur de l'autoroute A11 de Boinville-le-Gaillard dans les Yvelines, le projet de gare de fret à proximité de la plateforme de Roissy dans le Val-d'Oise, ou encore l'aménagement du plateau de Vert-le-Grand dans l'Essonne.

Troisième question : quelles solutions proposons-nous pour que les collectivités franciliennes ne soient plus pénalisées ?

Découlant des deux débats publics simultanés sur les projets « Réseau de transport public du Grand Paris » et « Arc Express » – le second ayant été réintroduit à la demande expresse de notre commission lors de l'examen de la loi relative au Grand Paris –, un protocole d'accord a été conclu entre l'État et la région le 26 janvier dernier. Aux termes de ce protocole, une disposition législative devait intervenir pour surmonter la situation de blocage que je viens de décrire. Tel est l'objet de la présente proposition de loi, proposée à l'origine par Mme la sénatrice Nicole Bricq et adoptée à une quasi-unanimité par le Sénat il y a six semaines.

L'objet essentiel du texte est de permettre, à titre dérogatoire et pour une durée limitée, une application anticipée de celles des dispositions du SDRIF de 2008 qui ne sont pas contraires à la loi relative au Grand Paris, afin que puissent se réaliser les projets actuellement bloqués par le schéma directeur de 1994 mais compatibles avec le SDRIF de 2008.

En parallèle, la proposition de loi institue pour la révision du SDRIF une procédure dérogatoire mais adaptée à la situation présente : ouverte par le décret en Conseil d'État relatif au schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris – lequel est destiné à préciser le tracé des lignes et la localisation des gares et devrait intervenir dans les prochaines semaines –, elle sera close au plus tard le 31 décembre 2013.

Le texte qui nous est soumis comporte deux articles d'inégale importance.

L’article 1er, le plus important, se décompose en trois paragraphes. Le premier pose le principe selon lequel les révisions des documents d'urbanisme ne sont pas illégales du seul fait de leur incompatibilité avec le SDRIF de 1994, sous réserve de leur compatibilité avec celui de 2008 et avec la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. Il convient de noter que cette disposition ne vaut pas validation législative du SDRIF de 2008, possibilité que le Conseil d'État a explicitement écartée, notamment dans son avis du 27 octobre 2010.

Le paragraphe II tend à faire échec à toute tentative, de la part d’une collectivité, de faire obstacle à la mise en œuvre des contrats de développement territorial – CDT –, lesquels constituent une pièce maîtresse de la loi relative au Grand Paris. Pilotés par le préfet de région, dix-sept CDT sont actuellement en cours de discussion et plusieurs devraient être conclus dans les tout prochains mois.

Le paragraphe III vise à relancer la procédure de révision du SDRIF « mise à l'arrêt » par l'avis du Conseil d'État. Il dispose en outre que la révision porte au moins sur la mise en œuvre du décret relatif au schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris et sur celle des contrats de développement territorial.

Votre rapporteur vous invite à adopter cet article dans le texte voté par le Sénat, car le dispositif proposé réalise un bon équilibre entre l'objectif consistant à donner de la souplesse aux collectivités territoriale dans la conduite de leurs projets et celui visant à encadrer la dérogation ainsi créée, tant dans le temps, en fixant son terme au 31 décembre 2013, que dans l'application des procédures, avec des mécanismes d'arbitrage appropriés confiés au président du conseil régional et au préfet de région.

Introduit par un amendement en séance publique au Sénat, l'article 2 tend à réparer un oubli de la loi Grenelle II afin de ne pas pénaliser les collectivités territoriales – d'Île-de-France et d'ailleurs – engagées dans la démarche de constitution d'une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager – ZPPAUP –, devenue aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine – AVAP. Bien que cette disposition puisse apparaître comme un peu éloignée de l'objet principal de la présente proposition de loi, votre rapporteur vous propose d'adopter cet article en l'état, d'une part, pour ne pas retarder le processus législatif, d'autre part, parce que la réparation de cet oubli semble utile s'agissant d'un sujet qui n'a déjà suscité que trop de controverses.

Monsieur le président, mes chers collègues, nous avons le devoir d'accélérer le processus législatif qui permettra aux collectivités franciliennes de libérer leurs projets. Ces projets, souvent ambitieux, sont indispensables à leur développement, à leur rayonnement économique et culturel, à leur politique de l’emploi. Ils sont par conséquent essentiels pour l'ensemble de notre pays.

Nous n'avons pas le droit de rester prisonniers de cette situation, d’autant que la qualité des contributions respectives n’est nullement en cause : il ne s'agit pas de dire que la loi relative au Grand Paris est meilleure que le SDRIF ou d'attribuer à tel ou tel le mérite de porter la vision la plus ambitieuse pour le développement du territoire d'intérêt majeur que constitue l'Île-de-France.

C’est pourquoi je vous demande d'adopter cette proposition de loi dans le texte du Sénat, au terme d'un vote conforme, de manière à ce qu'il puisse trouver à s'appliquer dès le mois prochain.

M. le président Serge Grouard. Merci pour ces explications très claires sur un sujet qui ne l’est pas totalement.

M. Yanick Paternotte. Comme le souligne le rapporteur, ce texte permet de tenir compte de la loi relative au Grand Paris dans le nouveau SDRIF et met fin à un cycle d’incertitudes pour les collectivités d’Île-de-France. Je me félicite que nous soyons parvenus à cette conclusion heureuse dans des délais raisonnables.

Une incertitude continue de peser sur les contrats de développement territorial, dont la géométrie n’est pas encore connue et dont les projets ne sont pas forcément définis. Il est bon de se donner un peu de temps, sachant que la loi relative au Grand Paris, sous cet aspect, prévaut quelque peu sur le SDRIF. L’arbitrage concernant l’harmonisation de ces contrats relève d’un autre débat. L’objectif quantitatif et fléché de la loi relative au Grand Paris en matière de nombre de logements est plus difficile à gérer que l’objectif fixé à l’origine par le SDRIF, qui était à la fois qualitatif et quantitatif et ne précisait pas les localisations.

Bref, je me réjouis de l’adoption de cette loi « cadre », conformément à l’accord intervenu entre l’État et la région. Pour les communes concernées par un contrat de développement territorial, l’aventure continue et les élus continueront de souffrir dans les mois et les années qui viennent !

Bien entendu, le groupe UMP se prononce pour un vote conforme de ce texte.

Mme Annick Lepetit. Si nous devons aujourd'hui légiférer dans l’urgence, c’est avant tout pour corriger l’erreur grossière que le Gouvernement a commise.

Le schéma directeur de la région Île-de-France est issu d’une large concertation et d’un travail de fond accompli tant par la région que les conseils généraux. Or le Premier ministre, auquel ce travail a été remis en 2008, en a bloqué la transmission au Conseil d’État. En 2009, lors de la discussion du projet de loi relatif au Grand Paris, nous n’avons eu de cesse de demander au Gouvernement de débloquer la situation. Nous avons mis en lumière les risques juridiques que le texte faisait courir à tous les projets d’urbanisme des collectivités locales et aux projets de l’État lui-même pour ce qui est du Grand Paris. À l’époque, la majorité semblait préférer attendre la tenue des élections régionales avant d’agir !

M. Yanick Paternotte. C’est inutilement provocateur !

Mme Annick Lepetit. Non, il s’agit seulement de mettre les points sur les i ! Une fois Jean-Paul Huchon réélu pour six ans, ce blocage n’avait plus lieu d’être. M. Fillon a donc transmis le texte au Conseil d’État, lequel ne valida pas le projet car il ne le jugea pas conforme à la loi relative au Grand Paris qui lui était pourtant postérieure.

Bref, nous ne serions pas dans cette situation si le Gouvernement n’avait pas bloqué le SDRIF pendant deux ans.

Pour autant, cette proposition de loi, rédigée par Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste du Sénat et adoptée à la quasi-unanimité par la Haute assemblée, permet de sortir de ce casse-tête juridique, comme l’a bien montré le rapporteur. Le principe de ce texte figurait du reste dans le protocole passé entre l’État et la région le 26 janvier dernier au sujet du Grand Paris et de l’Arc Express. L’objectif est de créer un dispositif dérogatoire autorisant une application anticipée du projet de SDRIF adopté en 2008 par le conseil régional. Les collectivités pourront ainsi mettre en œuvre leurs projets d’aménagement même s’ils ne correspondent pas au précédent SDRIF de 1994 et dans la mesure où ils ne contrarient pas les dispositions de la loi relative au Grand Paris.

Il est exact, Monsieur Paternotte, que la procédure ne sera pas simple pour les élus locaux : chaque projet devra être transmis pour avis au président du conseil régional et pour décision au préfet de région.

Le paragraphe III de l’article premier prévoit également la mise en révision du SDRIF à la date d’entrée en vigueur du décret approuvant le schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris. L’acte motivé détaillant le futur tracé de l’emplacement des gares devant être validé par le conseil de surveillance de la SGP le 26 mai prochain, ce décret en Conseil d’État devrait être pris au cours du mois de juillet.

Les députés socialistes soutiennent la démarche pragmatique de leurs collègues du Sénat. Dans un souci d’efficacité et pour parvenir à un vote conforme, nous ne déposerons pas d’amendements. Cela dit, nous resterons vigilants car ce texte ne règle pas tous les problèmes que soulève la loi relative au Grand Paris. En particulier, je ne suis toujours par convaincue de l’utilité de la création de la Société du Grand Paris. Mais sans doute aurons-nous l’occasion d’y revenir.

M. Martial Saddier. En tant que député de la République française élu dans un territoire éloigné de Paris, je suggère au rapporteur de déposer un amendement pour retrancher le verbe « faciliter » du titre de la proposition de loi. J’ai toujours voté les projets concernant la région capitale et je suis intervenu à plusieurs reprises pour dire que j’en étais fier, mais, franchement, quel contraste avec la situation vécue par les territoires qui ne sont pas en région parisienne et auxquels, c’est peu de le dire, on ne facilite guère la vie ! Je vous renvoie aux contraintes qui nous sont imposées dans le domaine hydraulique, à celles que l’on nous prépare s’agissant des zones d’avalanches – une réécriture complète de la doctrine en prenant pour hypothèse que le réchauffement climatique sera quinze fois plus sévère, ce qui ne repose sur aucune base scientifique –, à celles qui découlent de la trame verte et de la trame bleue, ou encore aux problèmes relatifs à l’intervention des associations de résidents secondaires.

Le préfet Deslandes auditionné tout à l’heure a indiqué que l’on consacrait un montant moyen d’un million d’euros pour la tenue de douze réunions publiques à Paris. Il aurait pu s’abstenir d’ajouter que cela ne coûtait pas cher. Là encore, quel contraste !

M. Daniel Goldberg. À elle seule, la rédaction du premier alinéa de la proposition de loi montre bien que le blocage n’est pas juridique mais politique. Force est de reconnaître la forme de chantage exercé par l’exécutif pour bloquer l’adoption du nouveau SDRIF tant que la question du financement du schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris n’était pas posée.

Bien sûr, nous voterons ce texte et je salue la démarche louable de notre rapporteur. Rappelons toutefois que l’intention du Gouvernement de l’époque et de son ministre de l’intérieur, Charles Pasqua, était de confier à la région, alors dirigée par la majorité, et aux collectivités territoriales franciliennes le soin de décider des choix d’aménagement de l’Île-de-France. Forte de ce principe, la région a engagé de 2004 à 2007, avec les collectivités territoriales et le Gouvernement, la révision du SDRIF, dont le premier projet fut adopté en février 2007. C’est après l’élection présidentielle de 2007 que l’ensemble du processus a été gelé.

Par ailleurs, le II de l’article premier précise que l’on ne pourra réviser les SCOT et les PLU que si cela ne fait pas obstacle à la mise en œuvre des contrats de développement territorial. Alors que la logique voudrait que les documents de planification urbaine définissent le champ dans lequel sont passés les CDT, puisque ceux-ci ne concernent qu’une partie des réalisations, on se retrouve dans un schéma inverse ! La question est de savoir quelle est l’instance décisionnelle qui est en charge du bien commun à l’échelle du territoire.

Les CDT ne concerneront ni toutes les communes ni tout le territoire de l’Île-de-France, alors que le schéma directeur indiquait par des pastilles les priorités d’urbanisation selon les zones. Ma crainte est donc que l’on ne passe d’une vision globale – celle que le groupe SRC réclame depuis le début de la discussion du projet de loi relatif au Grand Paris – à une vision parcellaire du territoire.

M. Yanick Paternotte. Je regrette ces propos, car il n’est jamais bon de vouloir refaire l’histoire. Avant 2007, au moins trois départements s’étaient prononcés, avec de solides arguments, contre le projet de schéma présenté par la région. Il est donc faux de prétendre qu’il existait un consensus et de faire du Gouvernement le seul responsable du blocage.

En outre, de nombreux élus, à droite comme à gauche, trouvaient que le document proposé manquait d’ambition et de souffle, et qu’il éludait des thèmes essentiels pour la région Île-de-France. Je le sais pour avoir participé aux débats en tant que premier vice-président du conseil général et président de l’Union des maires du Val-d’Oise.

L’État doit jouer un rôle de stratège et de régulateur à l’égard de la région capitale. Il est donc logique qu’il ait refusé de valider un document peu consensuel et qui laissait en suspens un certain nombre de problèmes. Il ne faut y voir aucune arrière-pensée, d’autant que la même politique a été poursuivie après 2007. Il est donc indigne de nous chercher querelle sur ce point.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je m’en tiendrai aux aspects législatifs et constitutionnels.

Tout d’abord, l’État a été un acteur de l’élaboration du SDRIF, puisque toutes les préfectures y ont participé à travers la procédure du porté à connaissance.

Ensuite, il appartenait à l’assemblée délibérante régionale, détentrice de la compétence législative, de valider le schéma directeur, indépendamment des volontés des conseils généraux.

Enfin, l’État avait non pas la faculté, mais l’obligation de transmettre le document au Conseil d’État, quitte à exprimer ses réserves à cette occasion. Le Conseil d’État aurait dû se prononcer sur la validité du schéma en tenant compte de l’ensemble du dossier, y compris les observations de l’État et des conseils généraux opposés au projet. Les choses ne se sont pourtant pas passées ainsi : en refusant de transmettre le projet, l’État a failli à ses obligations.

Je considère par ailleurs que ce dispositif législatif entame les compétences constitutionnellement reconnues à la région. Il pourrait, demain, constituer un précédent pour remettre en cause la délibération d’un conseil général ou régional. C’est un véritable problème de fond, sans doute plus important que le débat sur les circonstances ayant amené le dépôt de la proposition de loi.

Nous attendons donc du Gouvernement qu’il confirme le caractère exceptionnel de ce dispositif, lequel ne doit pas porter atteinte aux compétences des assemblées délibérantes. Dans le cas contraire, on risquerait de mettre à bas tout l’édifice de la décentralisation construit par les majorités successives.

M. le rapporteur. Il serait compliqué, Monsieur Saddier, de modifier l’intitulé de la proposition de loi, à moins de remettre en cause la possibilité d’un vote conforme. J’ajoute que l’Île-de-France est la seule région à disposer d’un schéma directeur.

Pour ma part, j’ai participé à l’élaboration du SDRIF, et j’ai obtenu pour certaines parcelles de mon département les pastilles symbolisant les zones ouvertes à l’urbanisation. Elles ne seront pas toutes remises en question. L’objectif du régime dérogatoire est de permettre l’urbanisation dans les zones définies à l’époque par le document de planification, tout en tenant compte de la loi sur le Grand Paris et des contrats de développement urbain, avec lesquels ce document entre en conflit. Mais il s’agit clairement d’une dérogation. Je m’engage d’ailleurs, monsieur Le Bouillonnec, à ce que le ministre réponde à votre question en séance publique.

Nous nous situons dans la suite logique de l’accord historique. Si l’Assemblée se prononce par un vote conforme à la fin du mois, ce sera une première pour la Commission du développement durable. C’est pourquoi je me réjouis qu’elle s’apprête à suivre les conclusions de son rapporteur !

M. le président Serge Grouard. La proposition de loi est inscrite pour un examen en séance publique le 30 mai, mais l’ordre du jour étant très chargé, je m’attends plutôt à ce que le débat survienne le 31 mai.

La commission procède à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article premier : Compatibilité des documents d’urbanisme avec les dispositions du SDRIF de 2008 qui ne sont pas contraires à la loi relative au Grand Paris / Procédure de mise en révision du SDRIF

La commission adopte l’article sans modification.

Article 2 : Aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP)

La Commission adopte l’article sans modification.

Puis elle adopte à l’unanimité l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

◊ ◊

Information relative à la commission

M. le président Serge Grouard. La commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a créé une mission d’information sur les conséquences fiscales des ventes illicites de tabac. Bien que la mission soit très liée aux questions fiscales et douanières, je vous propose, en raison des conséquences possibles sur l’aménagement du territoire, qu’un de nos collègues, qui en a fait la demande, se joigne aux travaux de cette mission d’information.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a désigné M. Thierry Lazaro pour participer à la mission d’information de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur les conséquences fiscales des ventes illicites de tabac.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 18 mai 2011 à 9 h 30

Présents. - M. Yves Albarello, M. Jérôme Bignon, M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, M. Christophe Bouillon, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Guy Delcourt, M. Stéphane Demilly, M. Olivier Dosne, M. Paul Durieu, M. Philippe Duron, M. Albert Facon, M. Daniel Fidelin, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Jean-Pierre Giran, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, M. Didier Gonzales, M. François Grosdidier, M. Serge Grouard, M. Michel Havard, M. Antoine Herth, M. Armand Jung, M. Jacques Kossowski, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Pierre Lang, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jacques Le Nay, Mme Annick Lepetit, M. Gérard Lorgeoux, Mme Christine Marin, M. Gérard Menuel, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. René Rouquet, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. Jean-Claude Thomas, M. Philippe Tourtelier

Excusés. - M. Jean-Yves Besselat, M. Jean-Claude Bouchet, M. Raymond Durand, M. André Flajolet, M. François-Michel Gonnot, M. Jean Lassalle, M. Philippe Martin, M. André Vézinhet

Assistaient également à la réunion. - M. Bernard Lesterlin, Mme Martine Lignières-Cassou, M. François Pupponi