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Mercredi 30 novembre 2011

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 15

Présidence de M. Serge Grouard Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Martial Saddier en qualité de président du Conseil national de l’air

– Nomination d’un rapporteur sur la proposition de résolution de M. Pierre Morange, et plusieurs de ses collègues, tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux modalités de fonctionnement, au financement ainsi qu'à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France et notamment la ligne A du RER (n° 3259) et examen de la proposition de résolution

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a tout d’abord entendu M. Martial Saddier en qualité de président du Conseil national de l’air.

M. le président Serge Grouard. Les premières assises nationales de la qualité de l’air se sont tenues les 6 et 7 avril 2011. Notre collègue Martial Saddier ayant été nommé président du Conseil national de l’air (CNA) le 24 juin dernier, la Commission a jugé intéressant de l’auditionner afin qu’il nous présente cette instance consultative, mais surtout les enjeux de l’action qu’il est appelé à conduire.

M. Martial Saddier, président du Conseil national de l’air (CNA). Je vous remercie de m’accueillir aujourd’hui, en compagnie de Mme Isabelle Derville, chef du bureau de la qualité de l’air à la Direction générale énergie climat (DGEC) du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Le combat pour la qualité de l’air en est aujourd’hui au stade où était le combat pour la qualité de l’eau il y a quinze ou vingt ans : à celui des balbutiements. C’est dire si nous avons encore un long chemin à parcourir.

L’air présente trois caractéristiques fondamentales D’abord – pardonnez le truisme –, nous ne pouvons nous en passer. Ensuite, contrairement à une source d’eau polluée – qui peut être remplacée par un approvisionnement en eau minérale – ou à un aliment souillé – qui peut être retiré du commerce –, il n’est pas possible d’en interrompre la circulation ou de le traiter : l’usine de filtration de l’air est le corps humain lui-même ! Enfin, les zones d’émission de la pollution ne sont pas forcément celles qui la subissent le plus durement ; pour autant, il ne s’agit pas de stigmatiser telle région ou de montrer du doigt telle profession, mais plutôt de sensibiliser l’opinion pour obtenir un changement des comportements et de travailler dans la durée pour résoudre les problèmes de santé publique qui se posent.

Créé par un décret du 29 avril 1997, modifié par un décret du 1er juin 2011, le Conseil national de l’air est placé sous l’autorité du ministère chargé de l’environnement, qui peut le saisir pour avis de toutes les questions relatives à l’air. Dans la mesure où il a été créé par décret, sa saisine est en effet facultative – contrairement à celle du Comité national de l’eau. La ministre chargée de l’environnement l’a néanmoins saisi à de multiples reprises depuis qu’il a été réactivé.

La composition de ses collèges a été élargie, ce qui permet de fédérer davantage de membres d’origines variées. La qualité de l’air est en effet un sujet qui dépasse les clivages politiques, d’autant que les dix à vingt ans – voire plus – qui nous seront nécessaires pour revenir sous les valeurs limites excèdent la durée de nos mandats.

La ministre de l’écologie devant s’exprimer le 5 ou le 6 janvier prochain sur la question de la qualité de l’air intérieur, en s’appuyant notamment sur les résultats de mesures effectuées pendant plusieurs mois à l’intérieur d’écoles-types, je vous parlerai donc essentiellement de la qualité de l’air extérieur, à propos de laquelle se posent quelques questions brûlantes. La France est en effet aujourd’hui assignée devant la Cour de justice de l’Union européenne pour non-respect des valeurs limites fixées pour la concentration en micro-particules de diamètre inférieur à 10 µm (PM10). Elle devra en outre, d’ici au 31 décembre prochain, fournir à la Commission européenne un état des lieux sur la concentration de dioxyde d’azote (NO2) sur son territoire et sur le quota annuel de monoxyde d’azote (NO) qu’elle produit – car, sans être soumise à un contentieux, elle a dépassé, comme beaucoup de pays européens, les valeurs limites annuelles en NOx.

Afin de ne pas tenir ici des propos seulement déprimants, je mentionnerai toutefois quelques faits qui démontrent qu’on peut, malgré tout, obtenir des résultats significatifs en un assez court laps de temps. Grâce à la directive européenne sur les carburants de 1998, qui a imposé l’essence sans plomb, et à l’utilisation dans les stations-service de pistolets capturant le benzène, la concentration de ces deux polluants a rapidement baissé pour passer sous les seuils de toxicité. Nous avons également réussi à faire diminuer les émissions de dioxyde de soufre (SO2) provenant des carburants et des cinq grandes raffineries françaises, de sorte que le phénomène des pluies acides a été largement contenu. Le 20 novembre 2009, la France a transmis à la Commission européenne un avis motivé sur le contentieux en cours à ce sujet et, au vu des mesures prises, la procédure a été classée sans suite – il est donc à souhaiter que nous suivions le même chemin, s’agissant des particules fines et des oxydes d’azote !

La directive 2008/50/CE concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe impose aux États membres de limiter l’exposition de la population aux particules fines – c’est-à-dire aux PM10 et, à partir de 2015, aux PM2,5 – ainsi qu’au dioxyde et à l’oxyde d’azote, à l’oxyde et au dioxyde de soufre, au gaz carbonique, au benzène et enfin au plomb.

Pour les PM10, la réglementation exige de ne pas dépasser, pendant plus de 35 jours par an, une valeur de 50 µg par mètre cube et par jour ; pour le dioxyde d’azote, la valeur limite est de 40 µg. Depuis 2005 seulement – et plus encore depuis 2007, année historique durant laquelle quinze millions de Français ont été concernés par des dépassements de valeurs limites des particules fines –, les mesures sont réalisées en temps réel, alors qu’auparavant, il fallait procéder à des prélèvements, les envoyer à des laboratoires et attendre le résultat.

Les dépassements de seuil en particules PM10 enregistrés en 2010 l’ont été dans le Nord-Pas-de-Calais – une partie de cette pollution provenant de la Pologne et de l’Ukraine –, dans les régions parisienne, lyonnaise, marseillaise et bordelaise et en Rhône-Alpes. Cette pollution est liée à un problème de qualité des opérations de combustion : ses principales sources sont le chauffage, les transports, l’écobuage et l’agriculture. Il faut cependant garder à l’esprit que, dans le sud de la France, l’écobuage est pratiqué l’hiver afin de prévenir les incendies d’été : du point de vue du CNA, il y a donc sur ce point un équilibre délicat à trouver entre des préoccupations également justifiées, mais concurrentes. Enfin, pour l’anecdote, sachez que lorsque vous admirez un feu d’artifice, les compteurs de particules fines s’affolent autour de vous.

Les dépassements de seuil pour le dioxyde d’azote (NO2) ont été constatés en 2010 dans les mêmes zones mais, plus généralement, dans toutes les zones urbaines agglomérées : les transports sont en effet à l’origine de 80 % de ces émissions.

Si l’on prend en compte toutes les zones touchées par ces pollutions, sont concernés 28 millions de nos concitoyens – soit 44 % de la population.

La Commission européenne a donc saisi la Cour de justice de l’Union pour non-respect des valeurs limites de PM10 dans quinze zones en France – la requête a été envoyée en novembre à la Cour. Comme cette affaire sera l’une des premières à être soumises à la procédure simplifiée issue du traité de Lisbonne, elle sera traitée dans des délais resserrés. Un arrêt pour manquement et dépassement de seuils sera très certainement rendu. Il sera renvoyé devant la Commission, à laquelle nous ferons valoir nos projets ou réalisations de plans de protection de l’atmosphère (PPA), de zones d’actions prioritaires pour l’air (ZAPA) et de schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE). Soit la Commission se déclarera satisfaite, sous réserve d’une appréciation ultérieure des résultats ; soit elle renverra notre pays devant la Cour, qui rendra alors un nouvel arrêt « de manquement sur manquement » nous condamnant à une amende de 11 millions d’euros, assortie d’une astreinte journalière de 240 000 euros. Je précise que celle-ci n’est pas proportionnelle au nombre de zones polluées : n’y en aurait-il qu’une seule, son montant resterait identique… L’arrêt de manquement sur manquement pourrait intervenir dès la fin de 2013 : il nous reste donc dix-huit mois au plus pour répondre à la Commission et, éventuellement, à la Cour de justice afin d’échapper à cette condamnation.

La tâche sera d’autant moins aisée que des enquêtes publiques pour un PPA ou une ZAPA ne peuvent être menées durant les périodes électorales. Les quinze zones placées sous surveillance sont les suivantes : Marseille, Toulon, Avignon, la zone littorale urbanisée des Alpes-Maritimes, Paris et son agglomération, Grenoble, Lyon, le reste de la région Rhône-Alpes, Valenciennes, Dunkerque, Lille, le Nord–Pas-de-Calais, Strasbourg, Montbéliard–Belfort, Bordeaux et la Réunion.

Mais au-delà des aspects contentieux, les enjeux de santé publique sont considérables. Les particules fines, qui pénètrent dans l’organisme et y restent stockées, ont en effet, en quelques années, fait passer de 4 à 12 % la proportion de cas d’asthme chez les nourrissons et accru considérablement le nombre des allergies respiratoires, qui touchent aujourd’hui 30 % de la population. Elles provoquent des dérèglements du système nerveux, mais aussi des maladies cardiovasculaires. Dans certaines zones urbaines, les seuils sont dépassés durant 180 jours par an ; dans la plupart, ils le sont de 80 à 100 jours par an. Ainsi, une personne vivant à Paris six mois par an perd six mois d’espérance de vie et, selon les estimations actuelles, celle qui y passerait toute sa vie verrait cette espérance de vie réduite de dix ans. Le coût estimé des maladies liées à la pollution s’élève à environ 30 milliards d’euros par an !

Dans ces zones, les sources d’émission des particules et des oxydes d’azote sont, en premier lieu, le chauffage et le transport.

Les leviers pour la reconquête de la qualité de l’air sont identifiés : il faut agir dans tous les secteurs responsables de la pollution de fond, mais aussi intégrer une politique de l’air dans les schémas de cohérence territoriale et dans les plans locaux d’urbanisme.

Au cours des années passés, notre action a essentiellement été dirigée contre les polluants industriels – pluies acides, plomb et benzène – et contre les gaz à effet de serre. Après les lois « Grenelle I » et « Grenelle II » qui ont renforcé la politique de l’air, nous vous proposons aujourd’hui, au travers d’une trentaine d’actions, de faire porter l’effort sur l’ensemble des polluants – c’est-à-dire non seulement sur le CO2, mais aussi sur les NOx et sur les particules fines – ainsi que sur tous les secteurs : le secteur domestique – chauffage individuel, notamment au bois, et brûlage à l’air libre –, le secteur tertiaire – chaudières et plan bâtiment –, le secteur industriel, les transports et, enfin, l’agriculture, qui est à l’origine de 30 % des émissions.

Pour y parvenir, nous disposons de trois outils issus du « Grenelle II ». D’abord, les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie, qui devront être en place en 2012. Ensuite, les plans de protection de l’atmosphère (PPA), désormais inscrits dans le code de l’environnement : ces plans, qui doivent être élaborés en coopération avec l’ensemble des acteurs d’un bassin de vie concerné par un dépassement de seuil, seront soumis à enquête publique puis mis en œuvre, le cas échéant après arrêté préfectoral. Enfin, les zones d’actions prioritaires pour l’air, particulièrement adaptées aux territoires où le réseau routier est très dense – dans une zone très urbanisée, 85 % des pollutions sont en effet liées aux transports. Réservées aux agglomérations ou groupements de communes de plus de 100 000 habitants, les ZAPA sont instituées à titre expérimental pour une durée de trois ans, qui peut être prolongée de dix-huit mois. Les collectivités parties prenantes doivent se porter volontaires ; après concertation entre l’État, les acteurs locaux et les collectivités territoriales, une enquête publique sera réalisée, puis un arrêté ministériel fixera la composition de la ZAPA.

À ce jour, 33 PPA sont en cours d’élaboration, et neuf collectivités – Nice, Paris, Marseille, Plaine-Commune, Bordeaux, le Grand Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand et Aix-en-Provence – nous ont fait part de leur souhait de travailler sous forme de ZAPA. Un seul PPA a été soumis à enquête publique, à ce jour. Les autres et les ZAPA doivent impérativement l’être dès après les élections prochaines, afin que nous soyons en mesure de répondre dans les délais à la Cour de justice de l’Union européenne.

Ce problème de la qualité de l’air n’est évidemment pas propre à notre pays et 180 zones à bas niveau d’émissions – les équivalents des PPA et des ZAPA – ont été constituées en Europe ; à Londres, elles font même l’objet d’une signalisation spécifique.

La Commission européenne commence à s’intéresser, en outre, à la gestion des pics de pollution. Le gouvernement français a également la possibilité de le faire par voie législative et réglementaire.

Le code de l’environnement prévoit une surveillance de la qualité de l’air sur l’ensemble du territoire. Le bureau de la qualité de l’air la confie, dans chaque région, à des organismes agréés : les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA), qui ont un rôle de relais pour l’élaboration des PPA et des ZAPA. Elles sont financées à 30 % par l’État, à 30 % par la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et à 30 % par les collectivités territoriales.

Le dispositif français de surveillance de la qualité de l’air repose sur un parc important de stations de mesure : 252 stations pour le SO2, 468 pour le NO2, 366 pour les PM10, 85 pour les PM2,5 et 424 pour l’ozone. De ce point de vue, la France est un bon élève puisqu’elle dispose de deux fois plus de stations que l’Europe ne lui en demandait ; mais il est vrai que ce maillage s’imposait en raison de la diversité de notre territoire. Toutefois, comme ces équipements datent de la première loi sur l’air – dite loi LAURE (« loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie ») – votée en 1996 à l’initiative de Mme Corinne Lepage, ils arrivent au terme de leur vie et il convient donc d’investir à nouveau pour en renouveler le parc.

Si nous voulons nous mettre en situation de répondre à la Commission et à la Cour de justice de l’Union européenne en 2012, il nous faut surtout réussir à sensibiliser l’opinion dans les mois et les années à venir. Ce sont en effet des changements d’habitude que nous devrons demander à nos concitoyens et, pour cela, nous aurons besoin de l’énergie de tous.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je remercie notre collègue Martial Saddier pour cet exposé exhaustif. J’ai le sentiment qu’en définitive, la législation européenne que nous critiquons tant nous aura permis d’accomplir des progrès importants, en faisant baisser les quantités de SO2, de plomb et de benzène dans l’air.

Le CNA peut-il prendre des initiatives et, si oui, lesquelles ? Dispose-t-il d’un budget spécifique ?

Les résultats des études épidémiologiques sur les maladies liées à la pollution atmosphérique pourraient-ils nous être communiqués ?

Quel sera le contenu de l’arrêté pris pour la création des zones d’actions prioritaires pour l’air et, puisque celles-ci doivent être en place en 2012, quand sera-t-il publié ? La prise en compte de ces questions de qualité de l’air dans les SCoT et les PLU nécessite-t-elle des modifications réglementaires ou même législatives ? Pour aborder la question autrement, les élus qui élaborent un SCoT ou un schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie sont-ils tenus d’y inscrire des dispositions sur le sujet ?

La création de péages urbains, prévue à titre expérimental par la loi « Grenelle II », pourrait-elle être un moyen efficace de lutter contre la pollution de l’air ?

M. Jacques Kossowski. Ne pourrait-on installer dans nos villes des panneaux annonçant le niveau de pollution, tout comme nous en avons d’autres pour inciter les automobilistes à réduire leur vitesse ? Ce serait un moyen de sensibiliser nos concitoyens.

Où en est-on du transfert du fret vers le rail, qui pourrait réduire sensiblement la pollution due aux camions mais ne semble guère avancer ? Ne pourrait-on, dans le même ordre d’idées, encourager les villes à utiliser des camions électriques pour le ramassage des ordures ménagères ?

Enfin et même si je n’y crois guère, pourquoi ne pas interdire la circulation automobile en cas de pics de pollution, comme cela se pratique dans certains pays ?

M. Antoine Herth. L’Alsace, dont je suis un élu, s’est depuis longtemps préoccupée de la qualité de l’air et il n’est dès lors pas étonnant que M. Philippe Richert, votre prédécesseur, s’en soit aussi soucié. Néanmoins, je mesure l’importance du travail qui reste à accomplir à Strasbourg qui, comme d’autres grandes agglomérations, souffre de la proximité de grandes infrastructures de transport. Nous ne pourrons y remédier qu’en développant les transports collectifs et en modernisant le transport routier.

La désindustrialisation de notre pays au cours des vingt-cinq dernières années a paradoxalement contribué à y améliorer la qualité de l’air. Cela nous renvoie à l’actuel débat sur le nucléaire et à la question des sources d’énergie propres que nous pouvons proposer à nos industriels pour les convaincre de rester sur notre territoire.

N’oublions pas que les pesticides employés dans l’agriculture affectent, eux aussi, la qualité de l’air. Le plan Ecophyto 2018 a pour objectif de réduire leur utilisation de 50 %, et il importe donc d’insister en faveur du recours à des techniques naturelles : ces alternatives existent.

Enfin, je m’inquiète pour la qualité de l’air intérieur : la norme « Bâtiment basse consommation » (BBC) et la transformation de nos maisons en « cloches étanches » nous mènent tout droit à la catastrophe si nous ne parvenons pas à régler la question de la ventilation !

M. Philippe Plisson. De quelle manière vont s’articuler les PPA et les ZAPA ?

Quelles dispositions concrètes prendre – autres que la sensibilisation de nos concitoyens – pour améliorer la qualité de l’air intérieur, deux fois plus pollué que l’air extérieur ?

M. Michel Havard. Il est vrai que le confinement, pour des raisons d’économies d’énergie, des logements et des bureaux va poser avec une acuité accrue le problème de la qualité de l’air intérieur. J’attends donc avec impatience les annonces de la ministre…

Élu d’une région industrielle, je mesure toute l’importance qui s’attache à une amélioration de la qualité de l’air extérieur mais, en même temps, j’insiste à mon tour sur la nécessité de ne stigmatiser personne : il s’agit bien plutôt d’obtenir le concours de tous ! L’agglomération lyonnaise s’est portée volontaire pour expérimenter une ZAPA. Quelle efficacité attendre de ce dispositif et comment concevoir la coordination entre toutes les parties prenantes ?

M. Jean-Marie Sermier. Pour ma part, je me félicite de ce qu’une grande partie de notre territoire (approximativement 90 %) ne soit pas concernée par les dépassements de valeur-limite. Ce constat devrait encourager nos concitoyens à réfléchir à l’avenir sans s’effrayer du présent.

La carte provisoire des zones dites « sensibles » n’est, ni plus ni moins, que celle de nos bassins industriels : y figurent ainsi le nord de la Franche-Comté, où est implantée l’industrie automobile, et l’Oise, où l’industrie chimique est importante. Cette carte n’aurait-elle été établie qu’en fonction des sources potentielles de pollution ?

Mme Catherine Quéré. Je suis agréablement surprise de constater que des mesures simples peuvent aboutir à des résultats spectaculaires – je pense au plomb, au benzène et aux pluies acides. Malheureusement, en dépit de ces progrès, la présentation de la situation actuelle n’en demeure pas moins effrayante…

Ma circonscription compte deux SCOT. Or je n’ai jamais entendu parler de la qualité de l’air à l’occasion du travail mené dans le cadre de ces schémas : la communication dans ce domaine est-elle bien celle qu’il faudrait souhaiter ?

Je pensais naïvement que la pollution atmosphérique touchait principalement les villes. Je découvre que les campagnes sont loin d’être épargnées puisque, selon le document remis, l’agriculture contribuait en 2009 à hauteur de 36 % à la concentration en PM10. Quels composés en sont principalement à l’origine ? Entre le SO2, le NO2, les PM10 et les PM2,5, lesquels sont les plus dangereux – s’il est possible d’établir une hiérarchie ? Vous avez parlé de la pollution en provenance de Pologne : après le « plombier polonais », le « pollueur polonais » ?

Enfin, a-t-on analysé l’air que nous respirons à l’intérieur de l’Assemblée ?

M. le président Serge Grouard. C’est toute notre bataille à propos de la climatisation.

M. Yves Albarello. Des investissements seraient nécessaires pour renouveler les stations de mesure. Quelle a été la politique d’amortissement conduite par les AASQA depuis que ces stations sont installées ?

M. Albert Facon. On fait beaucoup de cas de la pollution par le CO2, en oubliant le monoxyde d’azote qui, sous l’effet du soleil, se transforme en dioxyde (NO2) puis en ozone. La principale source de pollution est le diesel : un moteur diesel émet trois à cinq fois plus de NO2 que l’essence ! Il est pourtant le combustible préféré des Français, alors que les rejets issus des moteurs HDI et autres DCI sont plus nocifs que ceux issus du diesel de 1996 ! Il faut donc inverser la tendance et, d’abord, arrêter la publicité des constructeurs en faveur de ces véhicules !

Quant à interdire la circulation automobile en cas de pics de pollution, cela reviendrait à l’interdire 155 jours par an Porte d’Auteuil !

M. Jacques Le Nay. On le voit, les zones agglomérées sont les plus polluées. Qu’on dénonce le confinement de nos habitations pour cause d’économie d’énergie, soit ; mais comment les ventiler quand l’air extérieur est lui-même pollué ? Pourtant, les prescriptions en matière d’urbanisme vont plutôt dans le sens d’une concentration accrue des populations…

M. Joseph Bossé. L’agriculture est mise à l’index, mais cela ne semble pas apparaître dans le document distribué. L’aurais-je mal lu ?

M. Martial Saddier. Monsieur Chanteguet, en matière de qualité de l’air, c’est effectivement l’Europe – trop souvent montrée du doigt – qui a lancé le mouvement. Nous espérons qu’elle sera encore à l’origine de progrès, au bénéfice de la santé publique.

Le CNA peut prendre toute initiative et s’autosaisir. Il s’est ainsi saisi hier de la question de la qualité de l’air intérieur, sans attendre de savoir ce que la ministre en dira.

Le Conseil n’a pas de budget dédié. Tout en rendant à mon prédécesseur, Philippe Richert, l’hommage qui lui est dû, je dois à la vérité de dire que le Conseil ne s’est pas réuni pendant près de trois années. Le travail réglementaire induit par l’adoption de la loi « Grenelle II » a contribué à sa réactivation – de même que l’intervention de la Cour européenne, il faut le reconnaître. S’il n’a pas de budget, le Conseil dispose néanmoins de moyens humains importants : le bureau de la qualité de l’air, dirigé par Mme Isabelle Derville, comprend quinze personnes. Le travail interministériel – entre le ministère de la santé, celui de l’industrie, Bercy et le ministère de l’écologie – est par ailleurs considérable.

Des études épidémiologiques sur les maladies liées à la pollution ont été réalisées, notamment à Paris. Nous pourrons vous les transmettre.

Les textes réglementaires relatifs aux ZAPA seront tous publiés d’ici fin janvier 2012. Les zones volontaires devront alors faire acte de candidature, définir les règles qu’elles souhaitent appliquer et ouvrir la discussion avec le Gouvernement ; puis un arrêté ministériel sera pris entre juin et décembre 2012. En tout état de cause, les PPA et les ZAPA devront être arrêtés d’ici la fin de l’année prochaine afin que notre pays puisse répondre comme il convient à la Commission européenne.

Aux termes de l’article 14 de la loi « Grenelle II », le droit à la qualité de l’air est opposable. Ainsi les SCOT, les PLU et les cartes communales doivent obligatoirement comporter un état des lieux et prendre en compte la qualité de l’air – comme devront le faire, bien évidemment, les futurs schémas régionaux de l’air, du climat et de l’énergie.

A mon sens, un contrôle plus strict du transport serait nécessaire, comme dans les 180 zones européennes « à bas niveau d’émissions » : je ne vois pas comment faire baisser les émissions de polluants sans maîtriser concomitamment la circulation. Cela étant rappelé, il appartiendra aux collectivités territoriales de se concerter pour déterminer les outils à utiliser – péage urbain, vignette, contrôle policier, badge, etc. Il appartiendra donc aux maires, aux présidents d’intercommunalité, aux régions et aux départements concernés de trouver un compromis.

Monsieur Kossowski, l’utilisation de panneaux d’information se heurte à deux difficultés : d’une part, les mesures ne valent qu’à l’instant où elles sont réalisées ; d’autre part, seules les autoroutes ou les grandes voies sont équipées des panneaux adéquats.

Les poids lourds ne sont pas la principale source d’émissions. En effet, depuis l’incendie du tunnel du Mont Blanc en mars 1999, les normes de motorisation qui leur sont applicables sont plus strictes que pour les autres véhicules.

Je partage votre analyse sur la nécessité d’investir davantage dans le transport multimodal.

Monsieur Herth, il est bien évident que la consommation d’énergie est source d’émission de particules, de monoxyde ou de dioxyde d’azote. Quant à l’agriculture, je veux redire qu’il n’est pas question de la stigmatiser : elle n’est qu’un secteur parmi d’autres à contribuer à la pollution. Mais l’ammoniac est un précurseur des particules : chaque épandage d’engrais, chaque fosse de stockage des effluents d’élevage représente une source d’émission. La zone émettrice n’est pas forcément celle qui subit la pollution : dans les zones urbaines, par exemple, une part des dépassements est liée à la zone elle-même et une part aux pollutions extérieures. Ainsi, dans les zones agglomérées, il peut y avoir des interférences avec la zone agricole à l’entour.

Nous devons en effet nous préoccuper fortement de la qualité de l’air intérieur, puisque nous passons 80 % de notre temps à le respirer : d’où l’importance de l’étiquetage des matériaux et de la ventilation des bâtiments. Mais la loi « Grenelle II » a aussi posé, en matière de consommation d’énergie, des normes que nous devons respecter. Pour respecter ces deux contraintes à la fois, une formation appropriée des concepteurs de bâtiments et de ceux qui les réparent et les modernisent sera nécessaire, de même qu’une utilisation en toute transparence des matériaux et une confrontation des diagnostics énergétiques et des diagnostics portant sur la qualité de l’air ; l’exercice ne sera pas simple. Seront concernées en premier lieu les écoles, ce qui nécessitera bien évidemment une communication à destination du grand public : chacun imagine bien la réaction des parents auxquels on annoncera que la qualité de l’air dans l’école de leurs enfants est très médiocre… Ce sont en définitive trois défis que nous devons relever ensemble : moindre consommation d’énergie, qualité de l’air et pédagogie.

Monsieur Plisson, en l’état actuel de la législation, la surveillance de la qualité de l’air intérieur sera obligatoire dans tous les lieux publics à partir de 2015.

Les PPA, qui ont un caractère obligatoire, définissent le cadre général pour les 33 zones françaises concernées. À l’intérieur du périmètre ainsi défini, des acteurs volontaires peuvent demander l’élaboration d’une ZAPA pour aller plus loin sur un point particulier, en concertation avec les acteurs locaux et le ministère. À titre d’exemple, le PPA arrêté à l’échelle de la région Ile-de-France comporte quatre scénarios de ZAPA.

À mes yeux, monsieur Havard, le dispositif des ZAPA et celui des PPA sont pertinents : à chaque zone correspond une spécificité. Dans chacune d’elle, les sources de pollution sont différentes ; il faut donc des outils adaptés. Si je suis président du Conseil national de l’air, c’est aussi parce que la vallée de l’Arve en Haute-Savoie est une zone de dépassement des seuils du fait de sa géomorphologie : une particularité des zones de montagne, où les nuits sont très froides, est en effet de maintenir la pollution au niveau du sol dans les vallées non ventilées. Je prépare donc un PPA pour cette vallée.

Vous avez raison, monsieur Sermier : au lieu de dire que 44 % de notre population était concernée par les dépassements de valeur-limite, j’aurais dû dire que 56 % de nos concitoyens vivaient en-deçà des seuils ! Mais la carte des zones sensibles n’a pas été établie pour stigmatiser les zones industrielles : ce sont davantage les zones d’habitat dense, avec les réseaux routiers qui les desservent, qui ont déterminé ce zonage des schémas régionaux.

La réglementation relative à la qualité de l’air dans le cadre des SCoT est récente, madame Quéré, et elle entrera en application progressivement. C’est sans doute la raison pour laquelle vous n’en avez pas entendu parler.

Je le répète, il ne s’agit pas de stigmatiser la pollution agricole, en particulier la filière bois. Le brûlage du bois sec dans une chaudière confinée, qui provoque une forte élévation de température, n’entraîne pas de pollution. En revanche, le brûlage de bois humide ou de bois dans une cheminée ouverte est une catastrophe. Il faut donc faire de la pédagogie, par exemple en faveur du label « Flamme verte ». De la même manière, l’écobuage provoque un rejet considérable de particules : il faut inciter nos concitoyens à utiliser les déchetteries ou à pratiquer le compostage.

Si nous n’amorçons pas dès aujourd’hui le renouvellement des stations de mesure, il arrivera un moment où nous devrons les remplacer toutes en même temps. En outre, ces stations ont besoin d’être dotées de nouveaux outils de mesure et de modélisation, monsieur Albarello. Quant à la politique d’amortissement, vous savez comment pratiquent les associations.

Le diesel, qui a naguère contribué au succès de notre industrie automobile, est responsable d’émissions importantes de particules et d’oxydes d’azote. Vous avez raison, monsieur Facon : il faut inverser la tendance. Il faut cependant bien peser les avantages et les inconvénients respectifs des véhicules diesel et des véhicules à essence. Moins chers, les seconds consomment davantage que les premiers et rejettent donc beaucoup de CO2. Mais d’autre part, tous les véhicules légers – qui sont à la norme Euro 5 depuis le 1er janvier dernier – passeront à l’Euro 6 en 2015. Les filtres à particules qu’il faudra alors installer sur les petits véhicules diesel ayant un coût de l’ordre de 1 500 à 2 000 euros, le problème que vous soulevez risque de s’en trouver réglé. C’est un vrai défi industriel qui attend nos constructeurs.

Les zones agglomérées sont en effet celles où la pollution est la plus élevée, monsieur Le Nay, notamment en raison du chauffage et des transports. À l’avenir, il faudra impérativement que les nouvelles habitations soient bien conçues, ce qui ne coûtera pas davantage. À titre d’exemple, non seulement une cheminée « Flamme verte » et une cheminée ouverte ont le même prix, mais l’achat de la première permet de bénéficier d’un crédit d’impôt. D’autre part, il faudra accélérer la rénovation de l’habitat ancien.

Encore une fois, monsieur Bossé, il ne s’agit pas de mettre à l’index l’agriculture, qui n’est pas la source principale de pollution. Le renouvellement des outils d’épandage de l’engrais et des effluents d’élevage dans les grandes zones agricoles devrait être l’occasion d’acheter des matériels moins polluants. À cet égard, une information s’impose auprès des coopératives d’utilisation de matériel agricole.

S’agissant de la qualité de l’air à l’Assemblée nationale, je laisse au président de la commission du développement durable le soin d’en parler directement au président Bernard Accoyer.

M. le président Serge Grouard. Merci beaucoup, monsieur le président Saddier, pour la qualité de votre présentation et l’intérêt des réponses apportées aux questions posées par les membres de la commission.

◊ ◊

Puis, la commission a désigné M. Yanick Paternotte, rapporteur sur la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux modalités de fonctionnement, au financement ainsi qu'à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France et notamment la ligne A du RER (n° 3259).

Elle a ensuite examiné cette proposition de résolution.

M. le président Serge Grouard. Nous examinons cette proposition de résolution sur le rapport de notre collègue Yanick Paternotte. La conférence des présidents l’ayant inscrite à l’ordre du jour de la séance publique du 6 décembre prochain, nous sommes tenus de travailler dans des délais restreints et je le remercie par conséquent d’avoir accepté cette mission. Aux termes de l’article 140 du Règlement, il nous revient notamment de vérifier que les conditions requises pour la création d’une commission d’enquête sont réunies et de nous prononcer sur son opportunité.

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Présentée par notre collègue Pierre Morange et plusieurs de nos collègues au printemps dernier, la présente proposition de résolution vise à créer une commission d’enquête de trente membres dont les travaux se dérouleront dans les semaines qui nous séparent de la fin de la législature. L’urgence de cette démarche se justifie à plus d’un titre.

D’abord, le thème de travail proposé, analyser les modalités, le financement et l’impact sur l’environnement du projet de rénovation du réseau express régional d’Île-de-France (RER), intéresse tous les Franciliens voués à emprunter ses différentes lignes. Pour utiliser personnellement ce mode de transport, je puis témoigner qu’il est aujourd’hui victime de trop longues années de sous-investissements et de son succès grandissant, les besoins de mobilité à l’échelle de la région capitale étant plus forts que jamais.

Ensuite, comme l’attestent notamment les reports successifs du débat parlementaire sur le schéma national des infrastructures de transport (SNIT), la représentation nationale reste trop peu associée à la définition des grands choix stratégiques structurants qui engagent l’avenir et mobilisent l’argent du contribuable. Or le Parlement doit, en toute occasion, s’attacher à exercer la fonction de contrôle que lui reconnaît la Constitution.

Enfin, la commission d’enquête est un outil d’intervention adapté, en ce qu’elle permet d’approfondir la connaissance des enjeux et d’obtenir des précisions fiables sur le déroulement des projets. Comme j’ai pu le constater en tant que Rapporteur de la commission d’enquête sur la situation de l’industrie ferroviaire, créée à l’initiative de nos collègues du groupe GDR, la grande rigueur qui est d’usage dans ce cadre constitue une garantie.

Il est de ma responsabilité de vous indiquer que la présente proposition de résolution satisfait les exigences posées par le Règlement de l’Assemblée nationale.

D’abord, elle porte sur des faits déterminés, puisqu’elle tend à analyser les modalités – notamment financières – et les conséquences de tous ordres du projet de rénovation du RER. Son objectif satisfait donc aux principes posés par l’article 137 du Règlement de l’Assemblée. Créé dans la dynamique du plan Delouvrier et des villes nouvelles, le RER a pâti d’une forme de télescopage avec le choix d’investir massivement dans le réseau de trains à grande vitesse. Le RER est désormais à bout de souffle et il a atteint les limites de son efficacité. Je souscris donc pleinement à l’idée d’analyser dans le détail ces différents éléments.

Ensuite, elle remplit les conditions posées par l’article 138, puisqu’aucune commission d’enquête ou aucune mission effectuée dans les conditions prévues à l’article 145-1 n’a effectué des travaux sur ce même sujet depuis douze mois.

Enfin, la dernière condition de recevabilité d’une proposition de résolution concerne la mise en œuvre du principe de séparation entre le pouvoir législatif et l’autorité judiciaire, lequel interdit aux assemblées parlementaires d’enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Cette condition est satisfaite puisqu’aucune procédure en cours n’entre dans le champ d’étude proposé, ainsi que l’a indiqué par courrier, le 14 avril 2011, M. le Garde des sceaux au Président de l’Assemblée nationale, en réponse sa lettre du 29 mars 2011.

Dans sa rédaction initiale, la proposition de résolution fait un zoom sur la ligne A. Je défendrai un amendement tendant à ce que la commission d’enquête s’intéresse à l’ensemble du réseau express régional. Par définition, lorsqu’une maille du réseau ne fonctionne pas, cela peut avoir un « effet papillon » en un point situé à l’autre bout. Sur la ligne D, un amas de feuilles à Malesherbes, dans le Sud de l’Île-de-France, peut causer des perturbations dans le sud du département de l’Oise, avec des effets de rabattement sur l’ensemble des lignes interconnectées. Avec l’accord de Pierre Morange, je juge donc préférable que la commission d’enquête considère l’ensemble du réseau. Une attention particulière devra être portée au financement des projets de rénovation, ainsi qu’aux difficultés nées de la gestion conjointe par la SNCF et la RATP, même si certains problèmes statutaires ou de différentiel de voltage ont déjà été réglés.

Ce qui est frappant lorsque l’on discute avec les opérateurs du système RER, c’est que chacun a sa solution, mais avec des chiffrages qui peuvent être très différents. Les montages actuels ne sont pas toujours convaincants. Ainsi, les 500 millions d’euros du plan de mobilisation prévus pour les lignes B et D ne sont guère réalistes alors que beaucoup préconisent le doublement du tunnel du Châtelet, dont le coût est évalué à 2 milliards.

Enfin, l’interconnexion doit-elle être maintenue à tout prix alors que se profilent le Grand Paris Express et l’automatisation de plusieurs lignes de métro ? A titre personnel, je me demande s’il ne faudrait pas privilégier les solutions qui permettent, une fois arrivé dans Paris, de profiter de la fluidité de l’ensemble du réseau car chacun sait que personne ne parcourt une ligne du RER de bout en bout.

M. Yves Albarello. Je reste assez dubitatif quant à la nécessité de créer aujourd’hui une commission d’enquête sur le fonctionnement de la ligne A du RER. Quitte à créer une commission d’enquête, autant qu’elle porte sur l’ensemble du réseau !

M. Yanick Paternotte, rapporteur. C’est l’objet de mon premier amendement.

M. Yves Albarello. La semaine dernière, avec Annick Lepetit, nous avons présenté à la commission notre rapport d’information sur la mise en application de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, l’une de nos principales préconisations portant sur la création d’un comité de suivi sur le Grand Paris au sein de notre commission. Ce texte a mis en évidence les dysfonctionnements du réseau, le législateur ayant clairement exprimé sa volonté que le projet du Grand Paris contribue à y remédier. Puis est intervenu l’accord « historique » entre l’État et la région d’Île-de-France, lequel prend acte d’un accord général sur la nécessité de moderniser le réseau. Cette dynamique a « boosté » le volet transport du Grand Paris.

S’agissant du RER, la dualité de gestion entre la SNCF et la RATP ne facilite pas les choses. J’ai accueilli récemment dans ma circonscription le numéro deux de la SNCF et je lui ai fait remarquer que les usagers de la ligne B étaient frustrés de voir stationner sur les voies des rames neuves pas encore mises en service. La modernisation de la ligne B, qui devait être achevée en janvier prochain, prend du retard et ne devrait l’être finalement qu’en septembre 2012. Si l’on y ajoute les bouleversements liés aux changements d’horaires du mois prochain, je vous laisse imaginer les réactions de la population !

Je pose donc la question : à quelques mois des élections, est-il nécessaire de mettre en place cette commission d’enquête ? Pour ma part, je n’en suis pas convaincu.

Mme Annick Lepetit. Je partage les réserves d’Yves Albarello. Il serait pour le moins disproportionné de créer une commission d’enquête pour la seule ligne A du RER, dont on sait de longue date qu’elle fonctionne mal. C’est du reste pour cette raison qu’a été décidé le renouvellement des rames, qui, s’il ne résoudra pas tout, va améliorer la situation. La première rame neuve sera mise en service le mois prochain.

Pourquoi la représentation nationale ne s’est-elle pas penchée sur ce problème avant la fin de la législature ? Est-ce le moment de le faire, alors que vont être mises en service des rames permettant d’accueillir, dans de meilleures conditions, 2 600 voyageurs au lieu de 1 700 ? Est-ce bien utile alors que nous savons déjà que le réseau est saturé et qu’il faut diversifier l’offre de transport ? C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le président de la région et les huit présidents de conseils généraux d’Île-de-France avaient présenté à M. Jean-Louis Borloo dès 2008 – soit bien avant que l’on ne parle du Grand Paris – un plan d’urgence et de mobilisation pour les transports.

Au moment de la décentralisation du STIF, les administrateurs unanimes avaient demandé un état des lieux du réseau. Las, il n’a pas été fait à l’époque. Est-il encore nécessaire aujourd’hui après que les travaux conjoints du STIF et du législateur dans le cadre de la loi relative au Grand Paris ont permis de dégager un consensus sur l’urgence à le rénover ?

L’exposé des motifs de la proposition de résolution contient un certain nombre d’erreurs. Alors que la région n’est aux commandes que depuis 2006, il est pour le moins abusif d’écrire que l’État et la région « se renvoient la balle » depuis vingt ans ! De même, les données relatives au financement des rames ne sont pas exactes.

J’appelle en outre l’attention sur une difficulté, non imputable aux collectivités, liée à l’augmentation systématique des coûts du matériel roulant. S’agissant des nouvelles rames du RER A, nous avions raisonné sur un coût unitaire de 10 millions d’euros et l’on va finalement nous présenter une facture à 15 millions pièce ! Or les commandes sont passées aux constructeurs par le biais de la RATP. Et je sais qu’Yves Albarello se souvient de l’amendement que nous avions présenté dans la loi Grand Paris afin que les plus gros contributeurs au budget du STIF reviennent dans le conseil d’administration de la RATP et de la SNCF. Si les lois de décentralisation de 2004 voulues par M. Raffarin ont permis une avancée en confiant plus d’autonomie aux collectivités dans le domaine des transports, force est de reconnaître qu’elles ont écarté les élus des conseils d’administration des grandes entreprises publiques de transport : nous aurions une meilleure maîtrise des factures présentées au STIF – souvent augmentées de 20 % à 25 % – si nous étions mieux représentés dans ces conseils.

Le rapporteur parle aujourd’hui urgence. La même urgence avait été proclamée sur le projet de loi relatif au Grand Paris… juste avant les élections régionales. Là, on invoque l’urgence à quelques mois d’élections nationales… S’il me semble urgent de constituer un comité de suivi sur le Grand Paris, dans la mesure où les parlementaires sont concernés au premier chef par l’application de la loi, il n’en va pas de même de la présente commission d’enquête. Ne serait-il pas suffisant de demander au président du STIF de constituer un groupe de travail sur le fonctionnement du RER, à l’heure où la mise en service des nouvelles rames permet d’espérer une amélioration globale de la qualité du service ?

M. Pierre Morange. Monsieur le président, je souhaite tout d’abord remercier votre commission d’avoir bien voulu examiner cette proposition de résolution. Bien entendu, son objet vise l’ensemble du RER et non la seule ligne A, que je n’ai citée qu’en forme de clin d’œil, y étant, vous l’aurez compris, particulièrement attentif.

Je tiens aussi à rappeler la chronologie : la proposition de résolution a été déposée au premier trimestre de cette année et seul l’embouteillage du calendrier parlementaire explique que nous n’en débattions que maintenant. Si nous avons privilégié la voie de la commission d’enquête, c’est parce qu’elle donne la capacité de vérifier sur pièces et sur place les allégations qui nous sont faites. Or, comme a eu raison de le souligner Mme Lepetit, cela est d’autant plus précieux qu’est grand le risque de dérapage budgétaire attaché à de telles opérations.

Enfin, je note que le président de la région d’Île-de-France s’est lui-même récemment ému de la dégradation de la qualité du service compte tenu des moyens qui lui sont affectés. Le diagnostic fait désormais consensus et il n’est donc que temps d’entamer la thérapie.

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Pierre Morange a eu raison de rappeler que cette proposition de résolution avait été déposée il y a déjà plusieurs mois : elle ne nous prend donc pas à l’improviste.

Le premier de mes amendements tend à gommer la référence à la ligne A et je note que tout le monde s’accorde sur le fait que la commission d’enquête devra se préoccuper de l’ensemble du réseau. Par définition, un réseau doit être appréhendé dans sa totalité car il suffit d’une embolie en un point déterminé pour que tout son fonctionnement s’en trouve affecté.

J’ai bien entendu l’argument d’Annick Lepetit sur le fait que nombre d’experts s’étaient déjà saisis de la question. Puis-je cependant lui faire observer que la commission d’enquête présente l’avantage de libérer la parole des « sachants », qui ne tiennent pas toujours le même discours selon l’interlocuteur auquel ils s’adressent ? De par leur caractère pluraliste, les commissions d’enquête recueillent souvent des informations intéressantes qui n’auraient pas filtré autrement. Et il est alors frappant de constater que toutes les familles politiques sont capables de s’accorder sur des idées force qui n’auraient pas émergé dans un autre contexte. Je soutiens donc sans réserve la proposition de création de cette commission d’enquête, ne serait-ce que pour dissiper le soupçon qu’« on ne nous dit pas tout »…

M. le président Serge Grouard. Nous en venons à l’examen des amendements.

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, l’amendement CD 1 vise à réécrire le premier alinéa de la proposition de résolution en vue de préciser que la commission d’enquête devra s’intéresser à l’ensemble du réseau RER d’Île-de-France, ainsi qu’à toutes les composantes du projet de rénovation.

M. Jean-Paul Chanteguet. Le groupe SRC s’abstiendra sur l’ensemble des amendements.

La Commission adopte l’amendement CD 1, ainsi que les amendements rédactionnels CD 2, CD 3, CD 4, CD5, CD 6 et CD 7.

M. Yves Albarello. Je m’abstiendrai sur le vote d’ensemble.

Puis la Commission adopte la proposition de résolution ainsi modifiée, le groupe SRC votant contre.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 30 novembre 2011 à 9 h 30

Présents. - M. Jean-Pierre Abelin, M. Yves Albarello, M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, M. Joseph Bossé, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Frédéric Cuvillier, M. Olivier Dosne, M. Raymond Durand, M. Paul Durieu, M. Philippe Duron, M. Albert Facon, M. Daniel Fidelin, M. Alain Gest, M. Daniel Goldberg, M. Serge Grouard, M. Michel Havard, M. Antoine Herth, M. Armand Jung, M. Jacques Kossowski, M. Pierre Lang, M. Jean Lassalle, M. Thierry Lazaro, M. Jacques Le Nay, Mme Annick Lepetit, M. Bernard Lesterlin, M. Gérard Lorgeoux, Mme Christine Marin, M. Gérard Menuel, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, M. Daniel Paul, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. René Rouquet, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. Jean-Claude Thomas, M. Philippe Tourtelier

Excusés. - Mme Chantal Berthelot, M. Jean-Yves Besselat, M. Jérôme Bignon, M. Jean-Claude Bouchet, M. Philippe Briand, M. Yves Cochet, M. Stéphane Demilly, M. André Flajolet, M. Jean-Claude Fruteau, Mme Geneviève Gaillard, M. Apeleto Albert Likuvalu, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont

Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Morange, M. Francis Saint-Léger