La commission a entendu Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
M. le président Patrick Ollier. Nous vous remercions, madame la ministre de l’Économie, de revenir aussi vite pour finir de répondre aux questions que nous vous avons posées la semaine dernière. D’autres suivront, notamment celles de M. Charié qui vient de rendre une note d’étape sur l’application de la loi de modernisation de l’économie, que je tiens à la disposition de tous les députés.
Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi. Avant de vous répondre, je souhaiterais vous faire part des conclusions du rapport du FMI, établi en vertu de l’article 4 de ses statuts, sur l’évaluation de la politique économique. Le Fonds souligne la rapidité de réaction de la France, ainsi que le caractère ciblé et approprié des mesures prises dans le cadre du plan de relance. C’est à cela qu’il attribue le fait que notre pays réagisse moins mal que d’autres à la crise. Selon les prévisions révisées, et même s’il ne faut en tirer aucune gloire, on attend en France une croissance négative de 3 %, contre 6 % en Italie et en Allemagne, et 4,5 % en Grande-Bretagne. Par ailleurs, les stabilisateurs automatiques ont joué à plein, avec, pour contrepartie, une forte détérioration des finances publiques 2009, mais sans doute aussi encore en 2010 puisque, par un effet de traîne, la reprise ne se traduira pas immédiatement sur l’emploi. Il semble enfin, d’après les indicateurs de production industrielle, que, dans les pays clients de la France, le point bas soit atteint : le mouvement de déstockage serait terminé. Et les indices des secteurs industriels et de services laissent percevoir un retournement.
S’agissant de l’emploi, le chômage s’est aggravé considérablement, mais à un rythme bien moins rapide que chez nos voisins. Le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de 13 % chez nous, contre 29 % dans la zone euro, près de 100 % en Espagne et 112 % aux États-Unis.
Mme Le Loch m’a interrogée sur les effets de la LME, l’utilisation du Fonds de modernisation des équipementiers automobiles et le statut d’auto-entrepreneur.
Sur le premier point, un bilan précis sera dressé d’ici à la fin de l’année à partir de l’enquête nationale lancée en avril dernier par la DGCCRF. J’ai d’ailleurs décidé d’accroître de 50 % les moyens affectés à cette enquête car cette loi a modifié en profondeur les relations commerciales et de nombreux dispositifs. Le nombre d’enquêteurs spécialisés est ainsi passé de quatre-vingts à cent vingt, et un chef de file a été désigné dans chaque région, auquel les professionnels pourront signaler les pratiques déloyales dont ils seraient victimes. Je rappelle que la LME a également prévu la possibilité de saisir la commission d’examen des pratiques commerciales, la publication des décisions de justice, et donné au juge la faculté d’infliger des astreintes.
D’après les premiers éléments, les contrats d’affaires entre fournisseurs et distributeurs qui devaient être signés avant le 1er mars sont en général entrés en vigueur, ce qui aurait permis une résorption sensible des marges arrière, de 30 % à 10 %, et correspondraient à des contreparties commerciales réelles. Une dizaine de pratiques abusives ont été recensées, pouvant donner lieu à poursuites. Dans l’attente de conclusions plus fines (c’est en fin d’année que la DGCCRF nous donnera ses résultats définitifs), il ressort que la loi a déjà eu des effets positifs puisque les prix à la consommation diminuent, en particulier ceux des produits frais : les prix dans les hyper et supermarchés ont baissé de 0,2 % de mai à juin et progressent moins vite que ceux observés tous commerces confondus. L’ensemble des textes adoptés depuis 2004 aurait permis une rétrocession de pouvoir d’achat à l’économie de l’ordre de 9 milliards d’euros.
Le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA), géré au sein du Fonds stratégique d’investissement, a été abondé à hauteur de 200 millions d’euros chacun par l’État, Peugeot et Renault. Il a déjà procédé à plusieurs investissements : 55 millions d’euros chez Trèves (implanté notamment en Bretagne), 15 millions dans la société Michel Thierry et 4,3 millions dans Savoy International. Une dizaine de dossiers sont en cours d’examen et devraient déboucher prochainement.
Le Fonds stratégique d’investissement n’a pas vocation à soutenir des canards boiteux. Il est destiné à apporter des fonds propres à des entreprises stratégiques qui, bien que traversant une mauvaise passe, offrent des perspectives. La semaine prochaine, je recevrai avec Christian Estrosi les constructeurs automobiles pour m’assurer notamment qu’ils respectent le code de bonne conduite de la filière automobile, comme ils s’y sont engagés. Il n’y a pas de raison qu’ils fassent moins d’efforts que les autres. Je rappelle par ailleurs que c’est le FSI qui est intervenu, hors FMEA, chez Valeo et Heuliez.
Le courrier que nous avons adressé, Éric Woerth, Hervé Novelli et moi-même, aux micro-entrepreneurs ne relevait en rien du prosélytisme. Il s’agissait seulement de les informer de la possibilité qu’ils avaient d’opter avant le 31 mars 2009 pour le régime de l’auto-entrepreneur, qui offre l’avantage d’un paiement simplifié de leurs cotisations sociales et d’un prélèvement de l’impôt sur le revenu en pourcentage de leur chiffre d’affaires.
Les questions de Mme Erhel portaient sur Alcatel-Lucent, l’impact économique de l’attribution d’une quatrième licence de téléphonie mobile et le déploiement des antennes relais.
La société Alcatel-Lucent a annoncé en décembre 2008 une nouvelle stratégie consistant à se concentrer sur les technologies du futur tout en restreignant ses activités dans les technologies matures, en particulier les centraux téléphoniques. Lors du comité central d’entreprise du 30 juin dernier, la société aurait annoncé son intention de rechercher un nouvel acquéreur pour ces dernières activités, mais la direction ne nous l’a pas confirmée. Le secteur, très concurrentiel, est en difficulté depuis plusieurs années et il dégage une faible valeur ajoutée. Le groupe de travail créé en 2007 par le Gouvernement pour étudier le secteur des télécoms avait préconisé de mettre en place un cadre réglementaire adéquat pour favoriser le développement du secteur – d’où la décision de déployer le très haut débit sur tout le territoire –, et de soutenir l’effort de recherche-développement du secteur par le biais du crédit d’impôt recherche, qui a été triplé, et de la politique des pôles de compétitivité, en particulier le pôle Images et réseaux. Alcatel-Lucent et France Télécom en ont largement bénéficié. Le 24 juin dernier, un nouveau contrat de performance a été signé à Rennes entre ce pôle, l’État et la région Bretagne qui couvre la période 2009-2011. Il réaffirme le soutien de l’État à la recherche-développement de ce secteur, qui bénéficiera en outre du plan numérique et de l’investissement dans le très haut débit.
Sur l’impact économique de l’attribution d’une quatrième licence de téléphonie mobile, les gains attendus s’échelonnent entre les estimations d’un candidat, Free, qui pense pouvoir faire économiser 1 000 euros par an et par foyer, et diviser par deux la facture de téléphone mobile des Français, et celles de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services qui évaluent ces gains à 7 % environ. Entre les deux, il y a de la marge. Mais, de toute façon, on ne peut que se réjouir de l’arrivée d’un nouvel acteur qui insufflera un peu de concurrence.
Aucun moratoire n’a été décidé en ce qui concerne l’installation des antennes même si le contexte est un peu plus difficile. Mes collègues en charge de la santé et de l’économie numérique ont participé à la table ronde « Radiofréquences, santé, environnement » qui a donné naissance à plusieurs groupes de travail et à un comité opérationnel présidé par M. François Brottes, qui est chargé d’examiner la faisabilité d’un abaissement des seuils d’exposition aux radiofréquences.
M. Jean-Louis Gagnaire se préoccupe de la gestion du Fonds européen de développement régional. Le FEDER finance certains des programmes opérationnels approuvés par les régions à hauteur de 3,785 milliards d’euros au titre de la compétitivité régionale et de l’innovation. Après analyse, il ressort qu’une action un peu plus déterminée et plus concertée devrait permettre d’utiliser ce fonds plus efficacement, notamment pour cofinancer des plateformes d’innovation dans les pôles de compétitivité ou des projets conjoints de recherche-développement.
M. Gagnaire m’a également interrogée sur les ateliers protégés et les entreprises d’insertion travaillant pour le secteur automobile. Il va de soi que nous maintenons les soutiens par poste, au chômage partiel, et les prises en charge des périodes non travaillées de ces ateliers. En aucun cas, les enveloppes budgétaires et financières ne seront réduites en 2009 et 2010.
La TVA flottante, M. Thierry Benoît, était d’actualité et préoccupait beaucoup le Président de la République tant que le baril dépassait 100 euros. Le débat a donc perdu de son acuité puisque le baril cote 65 dollars et que l’évolution du taux de change a été nettement favorable à l’euro. La directive TVA qui vient d’être adoptée n’a pas changé fondamentalement le cadre juridique communautaire Le but étant d’harmoniser les taux pour ne pas fausser la concurrence, il n’y avait pas de raison d’autoriser des baisses, hormis sur certains produits. La discussion s’est engagée à propos de l’opportunité d’appliquer le taux réduit aux services à forte intensité de main-d’œuvre. Nous avons pu l’obtenir dans l’hôtellerie-restauration parce que le risque de distorsion de concurrence ne se pose pas.
En ce qui concerne les niches fiscales, il faut mettre au crédit de notre majorité trois avancées considérables – le plafonnement des trois niches qui ne l’étaient pas encore, à savoir le Malraux, le régime de location meublée et les investissements locatifs ou productifs réalisés outre-mer – que nous avons parachevées en instituant le plafonnement global des niches à 25 000 euros plus 10 % du revenu net du foyer fiscal. L’équité fiscale est désormais mieux assurée et nous avons démontré notre volonté de limiter la dépense fiscale.
M. Franck Reynier m’a interrogée sur le refinancement du secteur bancaire. Sur les 265 milliards que vous avez autorisés dans la loi du 16 octobre, une partie seulement a été utilisée pour les entreprises par le biais de la Société de financement de l’économie française. Le mécanisme a commencé à rapporter puisque nous avons opté pour le paiement précompté des intérêts. L’État a ainsi encaissé 1,16 milliard d’euros en 2009.
M. Yves Albarello, votre question concernait le statut de l’auto-entrepreneur. Pour la première fois cette année, le nombre de créations d’entreprises a dépassé 50 000, en raison largement de la création de ce régime, qui permet à toute personne physique – étudiant, salarié, demandeur d’emploi, retraité – d’exercer une activité artisanale, commerciale ou indépendante sous forme individuelle, à titre principal ou accessoire, dès lors que son chiffre d’affaires est inférieur à 80 000 euros pour le commerce et 32 000 euros pour les services. Il s’agit là d’un succès indéniable. Quand le texte a été voté, on escomptait 200 000 auto-entrepreneurs : on dépassera sans doute les 300 000 avant la fin de l’année. Le mouvement entrepreneurial qui est né ainsi n’est pas dû à la seule augmentation du nombre de demandeurs d’emploi.
Quant à l’opportunité de créer un régime intermédiaire entre le droit commun et l’auto-entrepreneur, des dispositifs de lissage existent déjà. Ainsi, l’auto-entrepreneur dispose d’un délai de deux ans pour changer de régime si son chiffre d’affaires dépasse les plafonds que j’ai rappelés, sans excéder respectivement 88 000 euros ou 34 000 euros. Plus globalement, il y a déjà un régime intermédiaire entre le régime de l’auto-entrepreneur et le régime d’imposition au régime réel : le régime simplifié d’imposition avec des exigences comptables limitées pour lesquelles l’entrepreneur peut opter s’il ne dépasse pas 763 000 euros de chiffre d’affaires si l’entreprise a une activité de vente ou de fourniture de logement, ou 230 000 euros pour une activité de prestation de services. Sur le sujet du régime simplifié et des obligations comptables, nous sommes, dans le cadre européen, en plein débat avec nos amis anglais qui souhaiteraient éliminer toute obligation comptable envers les micro-entrepreneurs. Il nous paraît au contraire indispensable que les micro-entreprises fournissent des documents comptables, quitte à les simplifier.
M. le président Patrick Ollier. Avant de donner la parole aux représentants des groupes, je voudrais vous interpeller, madame la ministre, sur les perspectives d’augmentation des tarifs de l’électricité, qui ont suscité des réactions très vives au sein de notre commission. Nous avons auditionné le président d’EDF à huis clos, mais nous voudrions connaître l’avis du Gouvernement sur les déclarations de M. Gadonneix.
M. Jean-Paul Charié. Avant de vous interroger, madame la ministre, je voudrais vous remercier d’être revenue aussi vite pour répondre aussi clairement à nos questions. Vous ne cherchez pas à noircir le tableau – nous nous en sortons beaucoup mieux que d’autres – mais vous ne niez pas que la conjoncture est difficile et que certaines PME à dimension familiale risquent de flancher à l’automne. Je tiens à vous signaler que le mécanisme du médiateur du crédit fonctionne très correctement dans l’ensemble des départements. Grâce à ce réseau et aux préfectures, de très nombreuses entreprises en France ont osé demander de l’aide.
À propos de l’auto-entrepreneur, je rappelle que le gouvernement a refusé un amendement de la majorité sur la qualification professionnelle, soutenu par le président Ollier et même par l’opposition. Il est pourtant normal, madame la ministre, que quelqu’un qui s’autoproclame électricien, plombier ou coiffeur, apporte la preuve d’un minimum de compétence. Il est important de donner rapidement une réalité juridique à cette exigence. Pouvez-vous nous apporter des précisions ?
En ce qui concerne l’application de la LME, notre réunion tombe à pic puisque Jean Gaubert et moi-même rendons aujourd'hui notre note d’étape. Nous ne jetons pas l’anathème sur la grande distribution, au contraire. Nous saluons dans cette note l’attitude exemplaire qu’elle a parfois. Ce n’est pas parce que nous révélons des pratiques que tout le monde connaît que nous faisons le procès de la grande distribution. Nous ne cherchons qu’à faire appliquer la loi et à servir l’économie de marché.
L’ensemble des acteurs prépare pour la rentrée un contrat-type, que nous appelons « pacte nouvelles donnes LME ». Ils acceptent de changer leurs pratiques à condition que le gouvernement sanctionne nettement, dès l’automne, ceux qui détournent la loi. Si les coupables ne sont pas sanctionnés, les autres seront obligés de suivre. Nous attendons donc de vous, madame la ministre, que le gouvernement s’engage clairement à faire appliquer la loi, car des inquiétudes légitimes se sont fait sentir à ce sujet concernant la DGCCRF. Il semble que vous les ayez entendues et que cette direction soit dotée prochainement de nouveaux moyens.
M. François Brottes. Je laisse Jean Gaubert intervenir au nom de mon groupe sur la LME. Si j’ose dire, un gouvernement qui autorise la déqualification de professions telles que celle d’électricien « pète les plombs » (Sourires). Plaisanterie mise à part, c’est grave.
Quant à la TVA sur la restauration, je témoigne devant vous que le café que j’ai commandé au comptoir de la Gare de Lyon il y a trois jours m’a coûté 2,20 euros. J’ai fait venir le patron à qui j’ai dit qu’il exagérait compte tenu de la nouvelle TVA. Je livre sa réponse à votre réflexion : « Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. ».
Par ailleurs, ne pensez-vous pas, madame la ministre, que l’insuffisante coordination des plans de relance au niveau européen conduise aujourd'hui à des situations aberrantes de concurrence déloyale? J’ai cité le chiffre – 14 millions d’euros – des subventions allemandes aux PME de la filière photovoltaïque. L’Espagne fait la même chose. Certaines entreprises implantées en France délocalisent pour profiter de mesures de relance plus attractives dans des pays voisins. Sans doute pourrait-on nous reprocher la même attitude envers le secteur automobile. La mise en cohérence des soutiens apportés à l’industrie est d’autant plus nécessaire que tout le monde est aux abois. Avez-vous des chiffres qui mesurent le phénomène ?
Je termine par l’énergie. Nous n’avons pas cru au scénario qui ferait du PDG d’EDF un irresponsable qui raconte n’importe quoi sans que le Gouvernement soit au courant de rien, non plus que les députés UMP. D’ailleurs, y accorder un crédit quelconque signifierait que l’État actionnaire à 85 % ne contrôle pas la situation. Pour autant, l’affaire est grave car elle a semé le doute dans l’esprit, non seulement des consommateurs, mais aussi des industriels. Deux d’entre eux m’ont dit vendredi qu’ils restaient en France parce que le prix de l’énergie est encore attractif. Mais si notre pays s’aligne sur les autres, il n’aura plus aucun argument à faire valoir. Il est donc irresponsable d’envoyer de tels signaux à des entreprises fragilisées. Cela nous porte préjudice au-delà de ce qu’on pourrait imaginer. On ne peut pas souffler ainsi le chaud et le froid car l’énergie est indispensable à la vitalité de notre économie.
Par ailleurs, madame la ministre, quelles sont les perspectives pour AREVA après le départ de Siemens ? Comment va évoluer la gouvernance de cette entreprise décisive pour notre économie ? Et quel sera son positionnement stratégique ?
M. Thierry Benoît. Je salue à mon tour la qualité et la précision de vos réponses, madame la ministre.
Je me préoccupe des dispositifs de retour à l’emploi, et tout particulièrement du contrat de transition professionnelle, qui n’est pas très récent, mais dont l’extension est prévue par la loi sur la formation professionnelle que nous avons votée aujourd'hui. Vous envisagez même de le généraliser. Selon quelle chronologie ? Et à quel coût ? Nous réclamons son extension dans tous les territoires car il est très bien adapté aux salariés, notamment ceux du secteur industriel.
Même si vous n’êtes la ministre du budget, j’aurais aimé connaître votre point de vue sur les réformes envisagées pour trouver des recettes nouvelles pour le budget de l’État – réforme de la taxe professionnelle, contribution énergie-climat. Comment équilibrer la charge entre les entreprises, dont il faut préserver la compétitivité, et les ménages ?
Mme la ministre. Monsieur le président, j’affirme avec force que l’annonce péremptoire d’une augmentation de 20 % sur trois ans du tarif EDF appartient à son auteur et ne lie nullement l’actionnaire.
EDF a une stratégie nationale et une stratégie internationale. Il est légitime que les tarifs pratiqués en France reflètent les coûts liés à la production nationale et non ceux résultant du développement international, si prometteur soit-il.
Grâce aux lourds investissements consentis par le passé, le consommateur français bénéficie légitimement de ce qu’il est convenu d’appeler la « rente nucléaire ». Mais il sera nécessaire d’engager de nouveaux investissements, en particulier pour prolonger de quarante à soixante ans la durée de vie des centrales, et il faudra bien les répercuter sur les prix. De même, il faudra apprendre à gérer les pics de consommation, et donc derechef investir.
Monsieur Charié, je vous remercie pour votre coup de chapeau à la Médiation du crédit. M. René Ricol, ces derniers mois, a accompli un véritable travail de bénédictin, bénévole de surcroît, et qui l’a souvent placé en conflit d’intérêt avec ses associés. Le pourcentage de satisfaction obtenu vis-à-vis des banques grâce à ses interventions est si bon que nous nous félicitons de l’invention de cette « créature de la crise » et que nous sommes convaincus de la nécessité de la maintenir. Les entreprises ont besoin de ces contacts avec les tiers de confiance et le médiateur du crédit. Je souligne au passage la bonne coordination entre les médiateurs en région – les directeurs de succursale de la Banque de France –, les trésoriers-payeurs généraux et les services des CODEFI, les comités départementaux d’examen des problèmes de financement des entreprises, qui se sont mobilisés pour les entreprises et l’emploi.
Dans les secteurs d’activité où une qualification professionnelle est requise, les auto-entrepreneurs n’en sont pas dispensés. Le groupe de travail qui a été réuni en mai et en juin avec les organisations professionnelles, notamment artisanales, a constaté la nécessité d’ajuster le régime : l’attestation de qualification professionnelle pourra être déposée en ligne pour les métiers soumis à qualification. Cette disposition sera intégrée par amendement au projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services.
Oui, nous devons faire appliquer la loi dans la grande distribution, sans aucun privilège à l’égard de quiconque, c’est très clair. Des moyens supplémentaires sont dégagés à cet effet : au sein de la DGCCRF, nous affectons du personnel à cette mission spécifique et nous renforçons la brigade LME.
M. François Brottes, la baisse de la TVA sur la restauration est entrée en vigueur le 1er juillet. Seulement trois semaines plus tard, il est impossible que les conséquences en soient généralisées. Un certain nombre de restaurateurs n’en bénéficieront du reste que fin juillet, ce qui pourrait agir comme un accélérateur. Je trouve encourageant que 50 % d’entre eux aient déjà pris leurs dispositions, même si cela reste évidemment insuffisant. Il faudra utiliser tous les moyens nécessaires pour s’assurer que les engagements pris par les organisations professionnelles sont bien respectés par leurs membres – Hervé Novelli se consacrera à cette tâche durant tout l’été en effectuant un tour de France – et pour aider les consommateurs à faire des choix appropriés.
Sur ma requête, Joaquin Almunia comparera les mesures contenues dans les plans de relance, aux fins de s’assurer qu’il n’y a pas de surenchère, que certains États membres n’en profitent pas pour émettre des propositions de délocalisation compétitive afin d’attirer chez eux de la valeur ajoutée. Je serais preneuse de toute information pratique dont vous disposeriez à ce sujet.
Nous avions confié à Jean-Cyril Spinetta, nouveau président du conseil de surveillance d’AREVA, la mission de dresser le bilan des besoins de financement de l’entreprise pour lui permettre de répondre à une demande accrue, notamment à l’international, et d’émettre des préconisations pour y répondre au mieux. Le conseil de surveillance qui s’est tenu fin juin a acté certaines propositions : des cessions d’actifs pour que l’entreprise se centre sur son cœur de métier, à savoir le nucléaire (et non la gestion de portefeuille, ni même la transmission et la distribution, encore que cette dimension soit utile mais non indispensable à l’entreprise) ; et une augmentation du capital, même si celui-ci restera évidemment pour l’essentiel dans le giron public, compte tenu du caractère stratégique du secteur.
M. Thierry Benoit, les CTP sont aujourd’hui au nombre de vingt-cinq, dont vingt et un ont été attribués. Le nombre de bassins d’emplois spécifiques est passé de sept à vingt et un, avec le souci de soutenir les secteurs les plus touchés par la crise, dans la filière automobile et dans la filière aéronautique. Plus récemment, nous avons ciblé la filière forestière, dans une zone des Landes particulièrement frappée par la tempête Klaus. Dans le projet de loi sur la formation professionnelle, qui a été débattu dans votre assemblée et que le Sénat examinera tout début septembre, il est prévu de porter le nombre de CTP de vingt-cinq à quarante. Le dispositif des CTP constitue en effet une réponse très adaptée aux licenciements économiques, en ce qui concerne l’indemnisation comme les projets professionnels.
La réforme de la taxe professionnelle et l’instauration de la contribution climat-énergie ne doivent pas forcément être liées mais sont toutes deux absolument fondamentales. Les effets de la disparition de la taxe professionnelle sur les recettes des collectivités locales seront compensés à l’euro près, le Premier ministre l’a promis ; l’essentiel est de supprimer un impôt imbécile, assis sur l’investissement productif privé, dont notre pays a tant besoin. La contribution climat-énergie est aussi structurante : prenant acte du risque auquel nous sommes soumis, elle donnera, par le biais des prix, un signal fort aux consommateurs pour les inciter à réorienter leurs achats des produits carbonés vers les produits propres.
M. le Président Patrick Ollier. Puisque le passage de la TVA à 5,5 % a été adopté dans le cadre de la loi tourisme, je commanderai courant octobre un rapport sur l’application de ce texte, en en confiant la rédaction à son rapporteur et à un co-rapporteur désigné par le groupe SRC. Il s’agit d’aider nos amis commerçants à appliquer convenablement cette loi, qui leur est si favorable.
M. Jean-Pierre Grand. Les restaurateurs du littoral qui ont répercuté complètement la baisse de la TVA sur les prix sont à peu près aussi nombreux que les poissons volants en Méditerranée. Certains ont seulement réduit le tarif de l’œuf dur, du café et de deux ou trois plats jamais commandés. La plupart n’ont rien fait baisser. Quant aux restaurateurs saisonniers, la comparaison est impossible car ils ont ouvert avec de nouvelles cartes. Les restaurateurs expliquent que les fluctuations des cours des produits leur font perdre de l’argent. Il conviendra de faire le point en décembre et éventuellement de revenir au système antérieur, d’autant que c’est le citoyen contribuable qui va payer. La précédente majorité avait renoncé à ramener la TVA à 5,5 % parce que le déficit budgétaire atteignait 37 milliards ; aujourd’hui, il s’élève à 150 milliards et cette mesure représentera 2,5 milliards supplémentaires chaque année.
Vous demandez aux collectivités de s’engager à fond dans des investissements, en particulier dans le domaine des travaux publics et du bâtiment. Les élus locaux jouent naturellement le jeu mais ils sont très inquiets car ils ignorent s’ils percevront toujours demain les recettes nécessaires pour respecter les échéanciers de financement de leurs plans de relance locaux. Je suis maire depuis vingt-sept ans mais il m’arrive de ne pas bien dormir.
M. Jean Gaubert. Depuis la LME, dans certains domaines, c’est vrai, les choses vont un peu mieux mais des pratiques anciennes restent fortement ancrées dans les têtes.
La baisse des produits frais est surtout due à la douceur du printemps dernier, qui a fait pousser les légumes plus tôt que d’habitude. La baisse des produits industriels de grande marque, au contraire, est un phénomène réel : ce serait pour vous un meilleur argument.
Même si elle est arrivée en même temps que la crise financière, la réduction des délais de paiement, que nous réclamions tous, a plutôt bien réussi. Il est normal que le crédit bancaire remplace le crédit interentreprises. Néanmoins, le Gouvernement s’est montré un peu trop généreux en matière d’accords dérogatoires, dont certains ne semblent guère justifiés.
Dans notre rapport, avec Jean-Paul Charié, nous avons relevé un certain nombre de déformations persistantes de la loi LME. Ainsi, les contreparties à la réduction à quarante-cinq jours des délais de paiement ont pu être intégrés au plan d’affaire conclu au 1er mars, sans nécessairement e^tre renégociées alors même qu’un accord dérogatoire rallongeant ces délais aurait été conclu a posteriori.
Vous avez souligné le rôle des stabilisateurs automatiques dans la résistance de notre pays à la crise. Il y a deux ans, il était de bon ton de critiquer les amortisseurs sociaux français, de les juger désuets ; c’était un argument de campagne électorale. Mais c’est peut-être grâce à notre système social que les entrepreneurs recherchent toutes les autres solutions avant de licencier. Aujourd’hui, comme nous, vous êtes bien contente que ce système existe.
À propos de l’auto-entrepreneur, vous ne pourrez pas procéder par voie réglementaire car vous avez rejeté les dispositions à prendre lorsque le groupe socialiste de l’Assemblée les défendait sous forme d’amendements ; les textes réglementaires que vous adopteriez iraient contre les débats parlementaires. Pour être honnête et acter que nous ne formulons pas que de mauvaises propositions, vous vous devez de revenir devant nous.
Vous invoquez la nécessaire confiance envers le système financier mais la titrisation n’a pas seulement touché les États-Unis, elle a aussi bien marché en France. J’approuve ce qui peut être qualifié de « titrisation au premier degré » mais pas un éclatement des actifs allant au-delà, car nous avons vu où nous a menés le manque de visibilité que cela génère. Qu’en pensez-vous ?
Mme Chantal Robin-Rodrigo. La cacophonie à propos du tarif de l’électricité peut aussi être considérée comme un jeu de rôles entre EDF et le Gouvernement. M. Pierre Gadonneix, la semaine dernière, s’est efforcé de nous démontrer que cette augmentation de 20 % était nécessaire : ainsi, pour allonger la vie de nos cinquante-huit centrales, il faudrait 400 millions pour chacune. Vous nous affirmez que sa position ne lie pas l’État mais j’ai lu une déclaration de M. Claude Guéant annonçant une augmentation du tarif dans les semaines à venir. Le Gouvernement donnera-t-il son feu vert, oui ou non ?
Les sous-traitants de l’aéronautique de mon bassin d’emploi, qui travaillent en particulier pour EADS, s’interrogent. En effet, plus de 400 emplois y ont disparu en trois ans. Comment voyez-vous l’avenir de l’aviation d’affaires et de l’aérostructure ?
M. Jean-Pierre Nicolas. Le plan de soutien à l’automobile a-t-il produit tous ses effets ? Il semble que les délais de livraison soient anormalement longs.
Les banques restent singulièrement frileuses dans les attributions de crédits aux entreprises. Nous devons souvent recourir aux préfets pour obtenir qu’une entreprise dispose des liquidités nécessaires.
Je me réjouis que vous soyez déterminée à appliquer la loi LME car la pratique des marges arrière continue, hélas, de fonctionner, même si elle est en recul.
Les grands groupes se restructurent, et je citerai Glaxo à Evreux. Quelle peut être en la matière l’action du Gouvernement ? Pouvez-vous dresser le bilan de l’action des commissaires à la réindustrialisation installés en région ?
Mme Pascale Got. L’entreprise First Aquitaine Industries (anciennement Ford Aquitaine) a été sauvée mais, depuis six mois, la nouvelle direction ne nous a pas fourni la moindre information à propos des perspectives que la reprise avait ouvertes, qu’il s’agisse du marché chinois des boîtes automatiques ou de la réalisation de pièces d’éoliennes. L’État et d’autres partenaires s’étant fortement engagés financièrement sur ce dossier, il serait bon de mettre sur pied un comité de suivi.
M. Jean Proriol. Les producteurs automobiles accumulent des stocks importants de véhicules invendus, plutôt en haut de gamme. Mais nous ne sommes pas du tout assurés que la fabrication des petites voitures, qui emportent les faveurs de la clientèle, soit réalisée en France.
D’autre part nous savons que parfois les grands constructeurs automobiles et peut-être aussi aéronautiques invitent leurs sous-traitants et équipementiers à produire à l’étranger, dans les pays à bas salaire, pour redevenir compétitifs. Lorsque nous l’avons reçu, Carlos Ghosn s’est montré très disert, mais il ne nous a pas forcément convaincus.
Mme Frédérique Massat. Sur le site de la DGCCRF, il est indiqué que la baisse de la TVA n’oblige pas les restaurateurs à baisser leurs prix : « Le contrat d’avenir a été signé par les organisations professionnelles et n’engage pas les commerçants individuellement. »
J’admets qu’il était impossible d’appliquer cette disposition en vingt et un jours ; mais alors pourquoi s’être précipité, et ne pas avoir différé son adoption afin de leur donner le temps de s’organiser ?
Toujours sur le site de la DGCCRF, il est expliqué que ses contrôles « consistent uniquement à vérifier la conformité de l’affichage de la baisse des prix par rapport aux engagements ». Ceux qui n’affichent rien sont-ils contrôlés ? Seulement 50 % des 3 700 cafés et restaurants contrôlés ont pratiqué une baisse, sur plus de 180 000 établissements. M. Novelli a déclaré qu’il serait très heureux si les deux tiers des restaurants jouaient le jeu de la baisse des prix ; mais ce sont 100 % d’entre eux qui doivent jouer le jeu !
Les moyens de la DGCCRF seront-ils confortés, alors que le contrôle de la LME sera également de son ressort ? Les 3 500 agents pourront-ils faire face à cet accroissement de charge ? Allez-vous recruter ou bien recourir à des organismes privés, comme pour le Pôle emploi ?
M. Serge Poignant. La réforme de la taxe professionnelle et l’instauration de la contribution climat-énergie ne sont pas liées, avez-vous dit. Mais le produit de la seconde pourrait être redistribué, des productions carbonées vers les autres, voire vers les consommateurs ; mais il est aussi question d’en user pour garantir les recettes des collectivités quand sera opérée la réforme de la TP. Ce sont là deux options différentes. Quelle est votre position ?
Mme Marie-Lou Marcel. Le coût de la suppression de la taxe professionnelle s’élèvera à plus de 26 milliards d’euros et non à 8 milliards, somme qui correspond seulement à la part versée par l’État aux collectivités en compensation partielle des allégements accordés aux entreprises. Il s’agit d’une recette majeure pour les collectivités territoriales, car elle représente 44 % des produits de la fiscalité locale. Comment le Gouvernement entend-il compenser le manque à gagner, sans pénaliser les collectivités locales et les ménages ?
Le taux de rémunération du livret A va encore baisser, pour être ramené à 1,25 %, Il a longtemps été considéré comme un placement solide de bon père de famille, permettant à tous de constituer une épargne constamment revalorisée, mais son taux de rémunération est tombé si bas que l’on peut se demander si le Gouvernement ne cherche pas à en détourner les épargnants pour les orienter vers la souscription du grand emprunt d’État, dont le taux de rémunération avoisinerait les 3 %. Le Gouvernement entend-il redonner un taux attractif au livre A ?
Vous aviez annoncé que les dispositifs de la loi LME pourraient être améliorés, au terme d’un dialogue avec les artisans, notamment afin de ne pas remettre en cause les qualifications requises pour l’exercice de certains métiers. Où en sont ces négociations, concernant en particulier le bâtiment et les travaux publics ?
M. Olivier Carré. La participation de l’État au capital de compagnies d’assurances et de banques étrangères leur confère un avantage concurrentiel important dans le cadre d’appels d’offres internationaux. Cette distorsion de concurrence commence à gêner les groupes français. La situation étant aujourd’hui stabilisée, les règles du jeu devraient être formalisées entre les États.
L’une des leçons de la crise, c’est que le principe too big to fail est encore valable. Il y a près d’un siècle, des lois anti-trusts ont été adoptées pour répondre aux distorsions de concurrence ; aujourd’hui, la crise a aussi généré des anomalies.
Enfin, selon vous, qu’est-ce qui ne sera plus comme avant ?
Mme Geneviève Fioraso. Lors d’une réunion du pôle Finance innovation, les fonds de capitaux-risqueurs ont exprimé une très forte inquiétude à la suite de la réduction des crédits d’aide à l’innovation d’OSEO, levier très important de la relance. Le crédit d’impôt-recherche n’offre pas une solution pour financer les entreprises à risque. Nous ne sommes pas prêts de voir bondir ces « PME gazelles » créatrices d’emplois.
Quel mode de financement envisagez-vous pour bâtir ou conforter des filières industrielles dans les domaines du photovoltaïque ou du solaire ? Faute de volontarisme gouvernemental, le risque est que les taxes vertes ou les autres mesures envisagées ne se traduisent par l’importation de produits chinois ou allemands.
Enfin le Gouvernement a totalement modifié son dispositif d’aide aux PME-PMI implantées dans les zones franches urbaines. Ces dernières sont stigmatisées puisque les salaires supérieurs à 1,4 fois le SMIC ne sont pas aidés : dans les zones pauvres, on ne crée que des emplois pour pauvres. Pourtant une entreprise de logiciels située dans une zone franche urbaine grenobloise, et qui emploie 48 % de jeunes issus de quartiers sensibles, vient d’obtenir le marché de la sécurisation des logiciels de l’INSERM !
Mme Corinne Erhel. Concernant Alcatel-Lucent, les externalisations ont été confirmées et un nouveau plan de suppression de près de 1 000 postes sera annoncé cette semaine. La quatrième licence de téléphonie mobile aura un impact sur l’économie de la filière, notamment parce qu’un nouvel entrant annonce une division des prix par dix. Les consommateurs en bénéficieront mais l’opérateur devra compresser ses charges et ses coûts, avec des conséquences directes pour les équipementiers – déjà en difficulté. Quelles garanties exigerez-vous en matière d’engagement industriel ?
J’ajoute que l’entreprise Chaffoteaux et Maury annonce 200 suppressions d’emplois à Saint-Brieuc et 200 créations d’emplois en Italie.
Mme Annick Le Loch. Le deuxième syndicat patronal des restaurateurs déclarait hier dans la presse : « La baisse des prix dans la restauration doit prendre la vitesse supérieure, puisque moins d’un restaurant sur deux l’a répercutée sur ses tarifs aujourd’hui. » Le Président de la République a appelé la profession à tenir ses promesses. La mesure est certes récente, mais le recul est suffisant car le contrat d’avenir a été signé le 28 avril et votre parti politique, l’UMP, a adressé une lettre à tous les restaurateurs le 5 mai pour les informer que la baisse de la TVA serait effective au 1er juillet. Avez-vous les moyens de faire respecter l’accord, qui devait être gagnant à la fois pour les restaurateurs, les consommateurs et les salariés ?
La filière laitière traverse une crise très grave. L’entreprise Entremont Alliance, qui représente 30 % de la collecte laitière bretonne et 4 180 salariés, se trouve dans l’incapacité de respecter l’accord interprofessionnel signé le mois dernier et les informations concernant un éventuel repreneur tardent. Votre ministère suivant ce dossier de très près, pouvez-vous rassurer les salariés et les producteurs laitiers à propos de la solution que vous souhaitez privilégier ?
Mme la ministre. Pour répondre d’abord aux questions portant sur la TVA à 5,5 % dans le secteur de la restauration – dont le texte législatif correspondant est entré en vigueur depuis le 1er juillet –, j’indique que le comité de suivi, qui comprend notamment deux députés, deux sénateurs et des représentants de la profession, se réunira pour la première fois demain sous l’autorité d’Hervé Novelli avec pour mission, outre le contrôle du suivi, l’examen des instruments de mesure du respect des engagements conclus.
Dans le cadre de l’outil juridique particulier qu’est le contrat d’avenir, la profession, en contrepartie du respect par le Gouvernement de la parole donnée initialement par le précédent Président de la République, s’est engagée :
– d’une part, à répercuter en partie la baisse de la TVA de 19,6 à 5,5 % sur les prix aux consommateurs ;
– d’autre part, à créer 40 000 emplois sur deux ans, dont 20 000 contrats d’apprentissage à confirmer ensuite en CDI, et à réexaminer les grilles de salaire ainsi que les accords de prévoyance et de protection des droits des salariés du secteur ;
– enfin, à renforcer par des investissements l’attractivité des établissements. À cet égard, un fonds de modernisation, alimenté notamment par la profession et sans condition particulière d’accès, permet de financer, par effet de levier et avec le soutien d’Oseo, les investissements en équipements.
Le nombre de 23 500 relevés de prix peut sembler faible au regard du nombre des cafés, hôtels et restaurants. Ils constituent néanmoins une base de données suffisante pour mesurer l’ampleur du suivi de la mesure. Sur ce plan, je ne me satisferai pas d’un respect de la parole donnée à 50 ou même à 75 %. L’engagement pris par les organisations professionnelles de la restauration doit être assumé à 100 %. On a beaucoup entendu le président Daguin quand il s’agissait de demander la TVA à taux réduit. Il conviendrait aujourd'hui que Christine Pujol, actuelle présidente de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), soit aussi déterminée s’agissant du respect de l’accord passé.
Pour autant, tous les produits ne vont pas diminuer à concurrence de la baisse de a TVA. L’engagement pris par la profession est de la répercuter, à hauteur de 11,8 %, sur au moins sept produits, choisis dans la liste des dix produits de base d’un repas quotidien.
Les cafés, hôtels et restaurants qui ont décidé de respecter cet accord affichent le panonceau « La TVA baisse, les prix aussi », sachant qu’en cas de publicité mensongère ils sont susceptibles d’être poursuivis par la DGCCRF. Les restaurateurs qui ne respectent que pour partie l’engagement, c'est-à-dire qui ne répercutent pas la baisse sur au moins sept des dix produits qui composent un menu, ne doivent pas afficher le panonceau, sous peine d’une amende de 30 000 euros voire de prison. Quant à la troisième catégorie – la moins respectueuse de la parole donnée – qui préfère empocher la différence entre 5,5 et 19,6 %. Il appartiendra aux consommateurs d’être les arbitres entre les endroits où il vaut mieux aller et les autres, et nous devrons les armer dans ce but.
J’en viens à la prévisibilité de la fiscalité locale. À cet égard, le Premier ministre s’est engagé à ce que la compensation de la taxe professionnelle soit intégrale à chacun des niveaux de collectivités locales. Cet engagement vaudrait même sans réforme puisque, pour 2009, ont déjà été sortis de l’assiette les équipements et les biens mobiliers.
En solde net à compenser, le coût de la suppression de la taxe professionnelle, c’est bien 8 milliards d’euros et non 26 ; c’est le montant qui devra être compensé compte tenu de la base foncière de la taxe professionnelle, qui est conservée, compte tenu aussi de divers gains nets, et après élimination des dégrèvements. C’est sur la base de ce chiffre que nous avons travaillé avec les représentants des associations d’élus, les deux commissions des finances du Parlement et un groupe de parlementaires des deux assemblées.
Concernant la loi de modernisation de l’économie, la remarque de M. Gaubert portant sur les produits industriels est juste : c’est en effet une meilleure indication que celle portant sur les produits frais, même si la comparaison peut être bonne s’agissant des produits laitiers.
Quant aux accords dérogatoires, il faut distinguer entre ceux conclus avant le 1er mars et les autres. Les premiers ont pu en effet, après avoir été soumis au Conseil de la concurrence, être homologués avant que les contrats d’affaires aient été négociés.
S’agissant des stabilisateurs automatiques, je rappelle que ce sont la majorité et le Gouvernement qui ont bonifié et amélioré certains d’entre eux. Je pense notamment à l’amélioration du chômage partiel à la fois en termes de durée et de volume d’indemnisation, et à tous les dispositifs mis en place – y compris dans le plan de relance pour environ 14 milliards d’euros environ – pour venir en aide aux ménages les plus défavorisés.
M. Gaubert a soulevé l’importante question de la titrisation. Nous avons voulu que les établissements émetteurs de ces produits financiers soient contraints, pour toute la chaîne de titrisation, de conserver dans leur bilan au moins 5 % des produits émis. Obliger l’émetteur à conserver une partie du risque nous a en effet semblé de nature à le faire réfléchir sur la manière dont l’instrument financier est bâti. Peut-être faudra-t-il aller au-delà de ces 5 %, taux qui est apparu comme le plus petit dénominateur commun. En tout cas les Américains, selon mon homologue que j’ai rencontré la semaine dernière, envisagent également l’entrée en vigueur d’une obligation de détention minimale des produits de titrisation au sein des bilans des établissements financiers, ce qui ne peut être qu’une garantie de plus. Cette règle de conservation des produits titrisés avait d’ailleurs été demandée dans le cadre de la réunion du G20 à Londres, et si elle n’a pu alors être obtenue, il semble que l’on s’oriente maintenant vers son acceptation, ce qui serait une bonne chose.
Pour ce qui est des tarifs d’EDF, outre que les deux ministres compétents pour décider des augmentations sont Jean-Louis Borloo et moi-même, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) qui doit être saisie pour avis de toute proposition d’augmentation, ne l’est pas à ce jour. Je ne dis pas pour autant qu’il n’y aura jamais d’augmentation des tarifs. Ce ne serait pas possible : il faut en effet que ces derniers puissent refléter les coûts légitimes de la production d’électricité française.
Quant au secteur aéronautique, des actions ont été entreprises sur le plan général, en particulier avec la création de deux fonds dès avant l’impact le plus fort de la crise. Pour ce qui concerne plus particulièrement l’aviation d’affaires, qui a connu une très forte baisse de la demande, une réponse appropriée semble avoir été apportée à Latécoère. La Socata, auprès de laquelle je me suis rendue, est plus particulièrement confrontée à l’effondrement de la demande. Nous resterons évidemment très attentifs à ce secteur d’activité, où nous voulons maintenir du savoir-faire et de l’excellence. Qu’il s’agisse du Fonds stratégique d’investissement ou des produits de financement d’Oseo, les acteurs financiers sous contrôle de l’État seront mobilisés pour soutenir cette filière.
Le plan de soutien à l’automobile a-t-il fonctionné ? Si l’on se borne aux chiffres, la réponse est positive : le parc automobile français a plutôt tenu, quand il n’a pas progressé, et le système du bonus-malus a eu des résultats au-delà de toute espérance, puisqu’il aura probablement un coût de 390 millions d’euros au lieu des 220 millions prévus. Il est cependant trop tôt pour affirmer que le plan est un succès. Ce dont on est sûr en revanche, c’est qu’il a soutenu la demande beaucoup mieux que dans d’autres pays comme l’Espagne, l’Italie ou la Grande-Bretagne, qui ont mis en place, mais plus tard, soit le système du bonus-malus, soit la prime à la casse, soit des approches par filière. Comme le FMI l’a noté, nous avons eu l’avantage d’intervenir tout de suite en faveur d’un secteur qui a été la première victime économique de la crise financière, parce qu’il dépend largement de financements aux particuliers pour l’acquisition de ses produits.
Concernant le site de GSK à Evreux, je note qu’en raison de la demande importante de vaccins contre le virus de la grippe A H1/N1, les dirigeants reviennent un peu en arrière, recourant à des CDD et à de l’intérim et renforçant l’encadrement du site de production. Cette ironie de l’histoire est bénéfique pour la population d’Evreux ; mais il n’en faut pas moins travailler sur des hypothèses de réindustrialisation, et ne pas oublier de faire usage du crédit impôt recherche dans le secteur pharmaceutique. Il faut conserver sur le territoire français une base pharmaceutique, en termes de production comme de recherche & développement ; on ne peut abandonner des segments entiers du secteur, comme l’ont fait certains de nos voisins.
Il est également un peu tôt pour dresser le bilan de l’action des commissaires à la réindustrialisation. En revanche, nos administrations doivent être incitées à se mettre à leur service. Conserver l’information par-devers soi est une tentation naturelle, mais c’est oublier que les commissaires ont été chargés, par circulaire du Premier ministre, de fédérer tant les financements que les efforts structurels déployés au service des entreprises. Aujourd'hui, douze commissaires ont été désignés, M. Claude Trink ayant été le premier à l’avoir été dans l'Oise où la région de Compiègne est un bassin d’emploi très fortement affecté dans le secteur automobile. L’expérience ne pourra être que positive à condition, je le répète, que les administrations se mettent vraiment à leur service.
Ford Aquitaine, Mme Pascale Got, est un dossier que je continuerai à suivre de très près. Je n’avais pas été saisie avant votre question d’une situation qui serait particulièrement alarmante. Je ferai en tout cas en sorte que les efforts que nous avons déployés, dans la discrétion et avec, je crois, une certaine efficacité, pour éviter une catastrophe industrielle dans la région de Bordeaux ne soient pas réduits à néant.
Il est vrai, M. Jean Proriol, que le double mécanisme, combinant la prime à la casse et le système bonus-malus, a privilégié les petites cylindrées plutôt que les grosses. Cela a été également le cas en Allemagne où la prime est double, soit 2 000 euros pour la prime à la casse. Si l’on peut globalement se féliciter du mécanisme s’agissant des fabrications sur le sol français, il n’en reste pas moins que certaines fabrications hors de France ont été à cette occasion fortement augmentées. M. Carlos Ghosn a cependant dû vous indiquer que Renault avait rapatrié sur Flins, au moins temporairement, une chaîne entière qui était localisée à l’étranger. Si le mécanisme n’a pas été bon à 100 % pour le territoire français, il l’a été globalement par ses effets sur la production française.
Concernant, M. Serge Poignant, la contribution climat-énergie, je crains de ne pas être la plus qualifiée pour vous répondre. Michel Rocard ne remettra le rapport de sa commission à Jean-Louis Borloo et à moi-même qu’aux alentours du 24 juillet. Nous savons seulement qu’un consensus s’est établi au sein de cette instance sur la nécessité de mettre en place la contribution et que des préconisations seront avancées à propos de son utilisation, de sa progressivité et de son caractère additionnel. Toute conclusion serait prématurée, sachant cependant que des changements structurels sont urgents.
Pour ce qui est maintenant du Livret A, faisons attention aux tentations démagogiques. On peut trouver qu’un taux de 1,25 %, ce n’est pas beaucoup. Mais s’il était de 8 % voilà dix ou douze ans, c’est que l’inflation était très élevée. Aujourd'hui, un taux de 1,25 %, c’est 0,75 % de plus que le niveau d’inflation probable. Non seulement le taux du Livret A sera toujours supérieur à l’inflation, mais celui-ci restera, même avec le plafond de 16 300 euros par livret, le produit d’épargne le plus facilement disponible. Il détermine en outre l’évolution en chaîne d’autres livrets, tels que le Livret de développement durable et le Livret d’épargne populaire.
Rémunérer à 1,25 % alors que l’inflation est négative et qu’elle restera en tout cas fort basse jusqu’au réexamen du taux au 1er février, c’est reconnaître le caractère populaire de l’épargne, d’autant que j’ai bien indiqué qu’il s’agissait d’un taux plancher en dessous duquel on ne descendra pas – alors que la stricte application de la règle mathématique aurait donné 0,75 %... J’espère que je ne serai pas contrariée par les faits, mais je pense que nous ne connaîtrons pas de déflation galopante. Sur des sujets aussi importants que la rémunération du taux d’épargne, nous devons éviter toute démarche démagogique.
J’ai dit ce qui serait fait en matière de formation professionnelle de l’auto-entrepreneur et c’est bien par la voie législative, monsieur Gaubert, que l’on passera pour améliorer le texte. Cela ne me dérange pas de reconnaître une erreur : il est normal de progresser à mesure de la mise en œuvre d’un nouveau statut, notamment grâce aux suggestions de votre excellente Commission.
M. Carré évoque la distorsion de concurrence entre banques et entre assurances au sein de l’Union européenne. Dans notre pays, les banques et les compagnies d’assurance se sont révélées bien plus solides que leurs consœurs hors frontières : je ne voudrais pas que nos entreprises, qui ont été les plus vertueuses, soient les premières victimes de plans de soutien, de relance, de renforcement des actifs, etc, engagés par d’autres. À cet égard, je me félicite que Neelie Kroes, commissaire à la concurrence, veille à ce que tous les plans de sauvetage ne contiennent pas en germe des éléments de distorsion de concurrence, au motif que certains n’ont pas respecté certains ratios ou quotas.
M. Olivier Carré. Qu’en est-il par rapport aux États-Unis ?
Mme la ministre. Il faut savoir qu’en Europe, l’Autorité de la concurrence a pouvoir vis-à-vis de tout acteur, même localisé hors territoire européen, dès lors que son action produit des effets sur notre continent. Je ne pense pas que la commissaire à la concurrence ait déjà un regard sur les agissements en Europe de banques étrangères. Il conviendra de l’envisager au titre non pas de l’examen des plans de relance, mais d’actions qui, selon les anciens articles 85 et 86 du Traité, seraient susceptibles de fausser la concurrence.
L’expression too big to fail implique que l’Autorité de la concurrence, qu’elle soit américaine ou européenne, puisse se saisir éventuellement de certains dossiers si cela se révélait nécessaire. J’observe en tout cas que certaines entités choisissent de rétrécir faute de pouvoir assumer certaines responsabilités.
Quant à votre autre question, monsieur Carré, sur ce qui ne sera plus comme avant, vous me permettrez d’y réfléchir plus profondément ; la réponse ne pourra être que pluridimensionnelle.
Quant aux difficultés du capital-développement et du capital-risque, il convient de rappeler que nous avons renouvelé le financement des pôles de compétitivité de 1,5 milliard sur trois ans, soit de 2009 à 2011, tandis que le programme d’aide à l’innovation d’Oseo a été beaucoup plus doté en 2009 et qu’il le sera à nouveau tout autant en 2010 et en 2011. Les financements, qui s’élevaient à 90 millions d’euros en 2005 quand l’ANVAR finançait l’innovation, ont été plus que doublés. De même, un programme Innovation stratégique – mis à disposition des entreprises de taille intermédiaire – est doté de 150 millions d’euros par an.
Outre ces financements, intervient notamment le Fonds France Investissement, géré sous l’autorité de la Caisse des dépôts et consignations qui peut le mobiliser en faveur d’activités fortement innovantes, y compris des activités à risque. Il conviendra de mieux faire connaître ce Fonds, relativement peu utilisé, afin que les entreprises ne se focalisent pas sur le Fonds Stratégique d’Investissement comme aujourd’hui.
Concernant les zones franches urbaines, je rejoins assez vos propos, Mme Geneviève Fioraso, et j’espère que l’on pourra évoquer à nouveau cette question dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010. Il faudra pour cela mobiliser certaines énergies.
Mme Geneviève Fioraso. Un amendement réintroduit par le Sénat en commission mixte paritaire, qui revenait sur le dispositif des zones franches urbaines, a pourtant été rejeté ensuite par la majorité. C’est dans celle-ci qu’il faudra convaincre.
Mme la ministre. Pour ce qui est de la quatrième licence de téléphonie mobile, le bénéficiaire devra investir plus d’un milliard d’euros dans la construction d’infrastructures et dans des équipements de télécommunications. Le marché des équipementiers sera donc redynamisé.
Quant à la filière laitière, le dossier de la société Entremont Alliance, qui consomme un volume important du lait produit dans la région Bretagne, est suivi de manière attentive par Bruno le Maire, avec lequel je suis en relation par l’intermédiaire du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI). Il y a des pistes prometteuses, avec les offres de deux repreneurs potentiels. En tout cas, nous ne lâcherons pas ce dossier.
Concernant, enfin, le financement des technologies vertes, les énergies renouvelables que vise Mme Fioraso, notamment le photovoltaïque, feront très certainement l’objet des réflexions menées sous l’autorité conjointe de Michel Rocard et d’Alain Juppé dans le cadre de la commission chargée de réfléchir aux priorités du futur emprunt national, qui devra rendre ses conclusions avant le 1er novembre. Ce n’est que lorsque les priorités d’avenir auront été identifiées que l’on pourra se poser la question des financements.
M. le président Patrick Ollier. À propos du photovoltaïque, notre collègue Serge Poignant a présenté devant notre Commission voilà quarante-huit heures un rapport d’information – que je vous ai adressé hier – qui fera autorité en la matière, ne serait-ce que par ses propositions innovantes.
Madame la ministre, je vous remercie.
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Informations relatives à la commission
La commission a procédé à la nomination de rapporteurs.
Elle a désigné :
– M. François Loos, rapporteur du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation (n° 1796) ;
– Mme Pascale Got, co-rapporteure de la mission d’information sur le statut et la réglementation des habitats de loisirs ;
– M. Jean Proriol, rapporteur du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (sous réserve de son adoption).
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