La commission a entendu M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche.
M. le président Patrick Ollier. Monsieur le ministre, c’est la première fois que nous vous recevons depuis votre nomination. Votre audition est essentielle : l’été a été marqué par différentes crises agricoles, en particulier dans les secteurs des fruits et légumes et du lait ; l’automne est traditionnellement marqué par la préparation du budget et nous nous demandons si le projet de loi de modernisation agricole permettra à nos agriculteurs d’espérer.
Vous avez eu la courtoisie de m’appeler le jour même de votre nomination et les premiers contacts que j’ai pu avoir avec vous ont été très positifs : vous êtes un ministre courageux, qui ne manie pas la langue de bois. Nous attendons beaucoup de votre prestation.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. J’espère être à la hauteur de vos attentes.
J’ai dit haut et fort que la crise que traverse aujourd’hui l’agriculture française est probablement la plus grave qu’elle ait connue depuis trente ans, et je le maintiens.
Pour la première fois depuis des décennies, toutes les filières sont touchées en même temps, et avec la même gravité. Ainsi, en Haute-Saône, qui produit du lait, de la viande et des céréales, les exploitants en polyculture ne peuvent compter sur aucune production pour compenser leurs pertes. Dans l’Eure, les céréaliers sont confrontés à la hausse des matières premières et à l’effondrement des cours. Les situations qui étaient tout juste tenables ne sont plus tenables du tout et les situations plus favorables deviennent difficiles. Lorsque ces variations s’ajoutent à des investissements importants, l’amortissement de ces investissements devient impossible. Certains exploitants, notamment du secteur laitier, jeunes et dynamiques, qui ont dépensé de l’argent pour moderniser leurs installations, ne peuvent plus aujourd’hui honorer leurs traites, ce qui est très inquiétant.
Outre ces difficultés conjoncturelles, la crise fait apparaître d’autres difficultés, d’ordre structurel, devant lesquelles on reculait depuis des années.
Il s’agit d’abord de la question de l’organisation des filières. Lorsque vous négociez avec une filière, quelle qu’elle soit, vous vous retrouvez face à des interlocuteurs trop nombreux, dispersés, et qui ne sont même pas capables de se mettre d’accord sur la réalité des problèmes. Or, comme le dit avec raison François Chérèque, avant d’apporter des solutions à un problème, il faut avoir un diagnostic partagé.
Il s’agit ensuite, dans certaines productions, notamment celle des fruits et légumes, du coût du travail. On ne peut pas se contenter de faire porter à la distribution la responsabilité du problème. Si vous produisez des tomates à 12 euros de l’heure et que, de l’autre côté de la frontière, à quelques kilomètres, votre voisin produit les mêmes à 7 euros de l’heure, vous ne pouvez pas vous en sortir.
Nous sommes maintenant au pied du mur. Il nous faut trouver des solutions fortes permettant à l’agriculture française de rebondir, car elle a tous les atouts pour rebondir. Si nous nous contentons d’un emplâtre sur une jambe de bois, nous retrouverons les mêmes problèmes dans six mois ou un an. Nos amis européens, de leur côté, ont fait des efforts considérables pour moderniser certaines de leurs filières.
Deux sortes de réponses peuvent être apportées à l’échelle nationale : des mesures immédiates, urgentes, et des mesures d’ordre structurel, qui passent par le projet de loi évoqué par le président Ollier.
Les réactions immédiates sont fortes et massives. On ne peut pas dire que rien n’a été fait ; je l’ai fait remarquer, dans des conditions un peu orageuses, aux producteurs que j’ai rencontrés hier au SPACE (Salon des productions animales) de Rennes. Nous avons dépensé 30 millions d’euros il y a quelques mois pour soutenir la trésorerie des seuls producteurs de lait. J’ai annoncé hier le déblocage de 30 millions d’euros supplémentaires pour aider la filière des éleveurs ; et ce ne fut pas si facile, dans les conditions budgétaires actuelles. Nous avons organisé le déblocage de 70 % des aides de la PAC au 16 octobre au lieu du 1er décembre ; une telle avance coûte cher et est très compliquée techniquement.
Nous avons également décidé d’organiser une réunion avec les banques, les assurances, l’ensemble des créanciers des producteurs laitiers. Aujourd’hui, l’effort financier est supporté exclusivement par l’État ; aux banques, aux assureurs et aux organismes de crédit d’en prendre leur part. Certains établissements créanciers des producteurs de lait ont pu être aidés pendants la crise financière. Je ne vois pas pourquoi, maintenant, ils nous claqueraient la porte au nez en nous expliquant qu’ils ne peuvent rien faire pour aider les producteurs. Nous allons donc organiser cette réunion, fin octobre-début novembre, et en tirer toutes les conséquences.
Dans la filière des fruits et légumes, nous avons apporté 15 millions d’euros d’aides immédiates. La semaine prochaine, je tiendrai une réunion sur le problème crucial de la compétitivité et du coût du travail.
Avec Mme Christine Lagarde, nous avons en outre mis en place un dispositif spécifique d’assurance crédit à l’exportation, particulièrement approprié pour les filières exportatrices que sont les pommes et la viande porcine.
Sur tous ces sujets, il s’agit de prendre de vitesse la crise et d’apporter des solutions concrètes. Dans nos campagnes, la situation est particulièrement tendue et les esprits échauffés.
Je pense que notre effort se traduira également dans le budget du ministère de l’agriculture, par une augmentation significative par rapport au triennal.
Au-delà de cet effort immédiat, nous avons besoin qu’un certain nombre de décisions structurelles soient prises. Je vous propose que nous les prenions ensemble, dans le cadre du projet de loi que j’ai annoncé lundi en organisant un grand débat sur l’avenir de l’agriculture française. Ce texte s’articulera sur cinq grandes orientations.
L’alimentation constitue le premier chantier de travail. L’alimentation est en effet le débouché naturel des produits agricoles. C’est aussi le moyen de réconcilier la population française avec ses agriculteurs et de renforcer le lien trop distendu entre les agriculteurs, les exploitants et l’ensemble de la société française. Les Français doivent comprendre que c’est une chance d’avoir une agriculture garantissant une alimentation saine et équilibrée.
Deuxième chantier : la compétitivité et les revenus. J’aurai l’occasion de revenir sur la compétitivité. S’agissant des revenus, le débat est simple : laisserons-nous les producteurs laitiers, les exploitants forestiers, les exploitants céréaliers soumis aux aléas économiques, lesquels ne cessent de s’accroître au fur et à mesure que la climatologie devient incertaine et que les marchés agricoles s’internationalisent ? Allons-nous apporter une réponse structurelle en prévoyant des dispositifs assuranciels leur permettant de se couvrir en cas de risques ? En ce domaine, nous pouvons faire mieux que ce qui existe aujourd’hui.
Troisième chantier : les territoires. Nous perdons tous les dix ans l’équivalent d’un département en surface agricole utile parce que nous n’avons pas prévu de dispositif permettant d’encadrer à l’échelle régionale ou nationale la perte des terres agricoles. Il est temps de s’en préoccuper. Je n’ai pas de position arrêtée ni de dispositif fiscal dans la poche. Il faut que nous ayons des échanges approfondis sur cette question complexe pour trouver une solution satisfaisante.
La pêche constitue le quatrième chantier. Elle sera traitée à part, à la demande la Fédération nationale des pêcheurs. L’organisation de la filière représente un enjeu particulier. Je suis assez confiant, car la situation progresse.
Dernier chantier, qui ne sera pas l’objet spécifique de la future loi, mais qu’il est important d’ouvrir dès maintenant : la politique agricole commune. Le groupe de travail qui s’y consacrera aura vocation à perdurer sous une forme différente au-delà de l’adoption de la loi. Je souhaite que nous ayons un échange le plus large possible sur l’avenir de la PAC et sur les ambitions qu’il convient de lui fixer.
La France, à force de ne pas respecter les règles européennes et de se considérer en terrain conquis, s’est isolée de ses partenaires européens. Il faut retrouver notre leadership en matière de négociations européennes. Alors que nous sommes la première puissance agricole européenne, nous sommes systématiquement mis dans la position d’accusés parce que nous n’avons pas su mettre au point des propositions, construire des coalitions ni défendre nos intérêts de manière constructive. Il est décisif de sortir de cette situation et de « renverser la vapeur » avant la négociation de la PAC 2013.
Comme à l’échelle nationale, il s’agit de prendre un certain nombre de décisions immédiates – ce qui est toujours un peu compliqué en Europe. J’ai obtenu, il y a une dizaine de jours, la possibilité de doubler l’aide de minimis, pour la faire passer, sur trois ans, de 7 500 à 15 000 euros ; cela m’a permis d’apporter, hier, une aide supplémentaire aux éleveurs laitiers.
Encore une fois, je ne ferai rien contre les règles européennes. Si l’on n’est pas d’accord avec elles, qu’on les change ; sinon, qu’on les respecte. Je n’étais pas d’accord avec la règle de minimis. Je m’en suis expliqué avec la Commission, avec M. Barroso, en expliquant que je ne disposais pas d’une marge de manœuvre suffisante pour apporter des soutiens de trésorerie aux producteurs laitiers. J’ai mis le point à l’ordre du jour du dernier Conseil de l’agriculture et la règle de minimis a été modifiée.
Il y a là un changement de comportement majeur, auquel je crois profondément : un ministre de l’agriculture français qui ne respecte pas les règles européennes mettra l’agriculture française en danger le jour où il faudra renégocier la PAC.
Au-delà de ces mesures immédiates – je vous parlerai aussi du stockage privé dont on a étendu la durée sur l’ensemble de l’année, afin de faire remonter les cours du lait, ceux du beurre et de la poudre de lait – il faut impérativement s’engager dans la voie d’une régulation européenne du marché du lait et des marchés agricoles d’une manière générale.
Nous devons avoir conscience que cette approche est minoritaire. Mais à force de rester calés sur nos positions, nous risquons de nous isoler. Trois solutions s’offrent à nous.
La première consiste à s’abandonner à la dérégulation voulue par certains États et, avouons-le, par la Commission. Selon eux, il faut que l’agriculture européenne soit plus compétitive et que ce soit les prix et les marchés qui décident. Mais c’est une voie hasardeuse et déraisonnable, quand on connaît la réalité des marchés agricoles.
La deuxième, qui m’aurait sans doute rendu très populaire, consiste à prôner le retour des quotas et des anciennes recettes. Je n’en ai pas voulu car je ne l’aurais jamais obtenu, personne en Europe ne défendant les quotas. Le système est fondamentalement injuste, dans la mesure où il aboutit à figer des situations dans lesquelles les petits États restent petits et les grands États restent grands. Dans une Europe élargie à de nombreux petits États, vous avez de moins en moins de chances de faire aboutir ce genre de projet.
J’ai donc retenu une troisième solution, qui consiste à proposer une nouvelle régulation européenne des marchés. Celle-ci passe par des mesures nationales qui ne sont pas possibles aujourd’hui – comme les accords entre producteurs et industriels ou la valorisation des produits locaux –, ce qui suppose de changer l’OCM (Organisation commune des marchés) et un certain nombre de dispositifs européens. Elle passe aussi, à l’échelle européenne, par des dispositifs plus souples et plus réactifs de stockage, d’intervention, voire de mise en place de marchés à terme sur des produits où ils n’existent pas encore, afin de stabiliser les cours.
Nous avons été le premier pays, pour ne pas dire le seul, à porter cette idée. Nous avons convaincu l’Allemagne de nous rejoindre et de faire alliance avec nous. Quatorze autres États nous ont alors rejoints. Hier, j’ai réussi à convaincre l’Espagne et la République tchèque, ce qui fait que nous sommes désormais dix-huit. J’ai bon espoir que la Pologne nous rejoigne d’ici à quelques jours.
La Commission, qui ne voulait pas de ces propositions – déposées au Conseil européen il y a dix jours –, m’a fait savoir hier que, finalement, elle les examinerait. Enfin, la Commission « Agriculture » du Parlement européen a indiqué qu’elle les accueillait favorablement. La dynamique est donc de notre côté, malgré les difficultés et de fortes résistances. Je pense que nous « tenons le bon bout ».
M. le président Patrick Ollier. Monsieur le ministre, vous avez fait la preuve de votre détermination. Il est courageux d’affronter le problème des changements structurels au moment d’une crise conjoncturelle. Je crois que nous aurons tous à cœur de vous soutenir.
M. Antoine Herth. Monsieur le ministre, pourriez-vous déjà nous donner une idée des grandes lignes du budget que vous serez amené à nous présenter ?
Vous avez parlé tout à l’heure de l’avancement du paiement des aides PAC. Je remarque que cela a été rendu possible par les réformes engagées au sein du ministère : création de l’AUP (Agence unique de paiement), restructuration des services déconcentrés du ministère, articulation entre les montants budgétaires strictement financés par le budget national et ceux qui sont cofinancés par le budget européen. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces sujets à l’occasion de l’examen du PLF.
Je salue vos propos qui définissent de nouvelles orientations en matière agricole ainsi qu’une nouvelle posture vis-à-vis de l’Union européenne, qui sera déterminante sur la façon dont nous pourrons aborder la négociation de la PAC de 2013.
Où en est le dossier de l’injonction de remboursement des aides du secteur des fruits et légumes ? Vous nous avez indiqué que des discussions avaient été engagées avec l’Union européenne afin de préciser le périmètre du litige, de fixer un calendrier et d’apprécier les montants en jeu. Avez-vous déjà des informations sur le sujet ?
M. Jean Gaubert. Monsieur le ministre, nous n’avons pas de raison de douter de votre engagement. Je vous ferai simplement remarquer que vous êtes le quatrième ministre de l’agriculture, depuis 2002, qui nous tient le même discours ! Et sans être désobligeant, le nouveau ministre des affaires européennes vient lui aussi de déclarer devant la Commission des affaires européennes qu’il allait faire beaucoup de choses que ses prédécesseurs n’avaient pas faites non plus.
Vous avez raison de dire que cette crise est la plus grave depuis trente ans puisque toutes les productions sont concernées. Il y a à cela plusieurs raisons, à commencer par la baisse des prix de soutien. En 2003, j’avais dit à M. Gaymard, alors ministre de l’agriculture, que l’accord de Luxembourg, qui baissait les prix de soutien et qu’il considérait comme bon, contenait en germe des crises qui se manifesteraient à chaque effondrement des cours ; or c’est bien ce qui se passe pour le lait et pour les céréales.
Je voudrais également évoquer un problème assez particulier, mais qui a de l’importance : celui de la poudre de lait. Aujourd’hui, cette poudre ne se vend pas à l’étranger. Elle ne se vend pas non plus sur le marché européen. Au moment où le lait était cher, la filière s’est affranchie de ceux qui consommaient cette poudre de lait, notamment les producteurs français de veaux. Aujourd’hui, le nombre des producteurs de veaux a baissé d’un tiers en France et les autres producteurs en Europe ont trouvé le moyen de faire du « veau de lait » pratiquement sans lait. Il serait intéressant que le ministre se saisisse de ce problème et en discute avec Bruxelles. Il serait normal que les consommateurs sachent ce qu’il en est. Mais cela veut dire aussi que la filière doit s’organiser.
J’en viens à l’abandon des quotas laitiers. Vous avez sans doute vu hier, au SPACE, à Rennes, des vaches que l’on peut qualifier de « Formules 1 » de la production laitière. Dans ma commune, il y a une vache capable de produire plus de 20 000 litres de lait par an ! Aujourd’hui, beaucoup de vaches peuvent en produire plus de 15 000. Si la moyenne de production dans les étables est plus basse, c’est parce qu’on la freine. Que demain on libéralise complètement cette production en levant le pied du frein, certaines régions françaises connaîtront une situation dramatique : seul le Grand-Ouest produira du lait, parce que les conditions de production y sont bien meilleures qu’ailleurs.
Vous avez évoqué l’organisation des filières. En la matière, il ne faut pas se contenter de regarder vers Bruxelles. L’accord interprofessionnel qui régissait le prix du lait a été mis en cause il y a plus d’un an par la DGCCRF, qui n’est pas un service européen. Depuis longtemps, les Hollandais et les Danois ont des systèmes de mise en vente beaucoup plus concentrés et beaucoup mieux organisés que le nôtre. Nous devons favoriser la globalisation de la mise en marché dans le secteur laitier – comme dans celui des fruits et légumes. Après tout, il y a six centrales d’achat. Pourquoi y aurait-il des milliers de vendeurs ?
Vous avez évoqué également les réponses nationales apportées à la crise, notamment les 30 millions d’euros consacrés au soutien des producteurs de lait. Les temps sont durs, et cela ne se discute pas. Vous avez aussi parlé d’un tour de table. Je remarque que les sommes que les caisses régionales du Crédit agricole avaient en réserve et qui servaient dans les crises précédentes ont été pour une bonne part converties en actions de Crédit agricole SA, afin de recapitaliser celui-ci. L’argent ne peut plus être utilisé sur le terrain. Je ne suis pas là pour le défendre : je considère même que c’est scandaleux. Mais il faut que l’on se rende compte que les aides susceptibles d’être accordées aux structures agricoles ou locales s’en trouvent limitées. Dans mon département, 150 millions d’euros ont été ainsi convertis ; ils ne sont pas perdus, mais ils ne peuvent plus être utilisés comme auparavant.
Je voudrais aussi évoquer les défiscalisations – politique plutôt de droite – qui sont pour une part responsables de la situation désastreuse d’un certain nombre de producteurs de lait dans notre pays. Il y a deux ans, pour ne pas payer d’impôts, ils ont acheté des tracteurs, voire des quads, pour aller chercher les vaches, et ne peuvent plus aujourd’hui honorer leurs traites. Le monde agricole, encouragé par le syndicat majoritaire, a toujours eu horreur de payer des impôts : il est puni par où il a péché.
Enfin, on ne peut pas faire l’impasse sur la négociation de l’OMC. Monsieur le ministre, vous savez qu’une épée de Damoclès est au-dessus de nos têtes : je veux parler de la baisse des taxes à l’importation qui se négocie ces jours-ci. Cette baisse viendrait encore aggraver la crise que nous connaissons. On ne pourrait plus alors parler d’incendie, mais de cataclysme !
M. Jean Dionis du Séjour. Au nom de mon groupe, je salue l’intervention du ministre. Cela dit, je viens d’un département rural, le Lot-et-Garonne où l’on observe beaucoup de désespérance et de colère. Déjà, en 1992, on y avait déploré des « passages à l’acte » très violents. Pour la filière des fruits et légumes, on ne peut pas dire que l’année est la pire depuis trente ans, mais la pire depuis 2004. Pourtant, rien n’a été fait sur le plan structurel.
Le remboursement des aides européennes versées à l’occasion des « plans de campagne » entre 1992 et 2002 relève du symbole. Monsieur le ministre, vous avez adopté une position pro-européenne, et je ne vous le reprocherai pas. Mais êtes-vous d’accord pour dire que la part qui a été financée par les producteurs n’est pas due ? Que la part qui constitue une aide à la promotion des produits ne fausse pas la concurrence et n’est pas due ? Que l’aide au retrait, lorsque des productions ont été détruites pour assainir le marché, n’est pas due non plus ? Vous nous devez une réponse claire.
Sur le plan structurel, j’ai deux propositions pratiques à vous faire. D’abord, un dispositif relatif au travail saisonnier en viticulture, présenté à l’initiative de M. Charles de Courson et tendant à un allégement des charges sociales, a été adopté il y quelques années. Accepteriez-vous de l’étendre au secteur des fruits et légumes ?
Enfin, à entendre les légumiers en France, la pomme de terre « en frigo » perturberait la pomme de terre « primeur », rendant nécessaire de fixer un calendrier de mise en production où le démarrage des pommes de terre « primeurs » marquerait la fin de la commercialisation des pommes de terres « en frigo » de l’année n–1. Monsieur le ministre, êtes-vous à même de régler ce problème des pommes de terre franco-françaises ?
M. Serge Poignant. Monsieur le ministre, au nom de l’UMP, je voudrais m’associer au volontarisme dont vous faites preuve. Nous serons tous derrière vous. Toutes les filières sont touchées, qu’il s’agisse du lait, de la viande, des céréales, de la vigne ou des fruits et légumes.
Les difficultés sont aussi bien d’ordre conjoncturel que structurel. Nous avons peut-être là l’opportunité d’avancer sur la voie d’une nouvelle régulation. Cela prendra forcément du temps.
Que peut-on faire, tout en respectant les règles actuelles, en termes de coût du travail ? Notre collègue a parlé du travail saisonnier, et j’en profite pour faire cette remarque : attention à ne pas diminuer les heures exonérées de l’emploi saisonnier, car ce qui vaut pour les légumes ne vaut pas forcément pour les fruits. Je remarque aussi que, chez les serristes, le coût de l’énergie constitue une charge sur laquelle on peut sans doute jouer.
Il ne peut y avoir de bons contrats que si l’organisation des producteurs est suffisamment solide face aux industriels et aux distributeurs.
Enfin, par le biais de l’étiquetage et de la valorisation des produits, ne peut-on pas responsabiliser nos concitoyens sur ce que représente, pour l’agriculture française, un écart de prix de 30 centimes sur 3 euros ?
M. le ministre. Monsieur Herth, il me semble que, dans le cadre du budget, nous avons pris toute la mesure des difficultés. Il ne faut pas que l’État se désengage de l’agriculture française. Le plafond pour 2010 du ministère a été majoré de 218 millions d’euros pour tenir compte du bilan de santé de la PAC ; de 113 millions d’euros en AE et de 53 millions d’euros en CP pour faire face aux dégâts de la tempête Klaus ; de 15 millions d’euros en AE et en CP de crédits de personnels pour financer le recensement général agricole. Un effort financier a donc été fait.
Concernant le secteur des fruits et légumes, nous réduirons le montant du remboursement des aides européennes, qui n’atteindra donc pas les 500 millions d’euros. La négociation avec la Commission européenne est certes ardue. Mais je souhaite que l’on retienne une période de référence plus étroite, à savoir celle où l’on dispose des documents. Sans documents, on ne saurait engager quelque remboursement que ce soit.
Monsieur Dionis du Séjour, vous m’avez posé trois questions précises. J’estime que la part des producteurs ayant servi dans les aides à la commercialisation du produit n’a pas à être comptée comme aide d’État, pas plus que la part qui a pu aider à relever les défauts de concurrence. En revanche, il sera difficile de convaincre la Commission que la part qui a servi à aider les producteurs de fruits et légumes au retrait ne constituait pas une aide d’État directe.
Nous travaillons à réduire la note et à alléger au maximum la charge des producteurs. J’y mettrai autant de détermination que j’en ai mis à aller jusqu’au bout de la logique européenne.
Lorsque l’on est dans son tort, il faut savoir le reconnaître. Sinon, l’on s’expose à une situation encore bien pire, sur le plan financier comme sur le plan politique.
La copie du recours en manquement était sur mon bureau. Si j’avais répondu par la négative à la Commission, nous aurions irrémédiablement perdu, pour une raison simple : nous n’avions pas fait de recours contre la part publique des aides apportées aux producteurs de fruits et légumes. Les ministres de l’agriculture précédents avaient d’ailleurs eux-mêmes reconnu qu’elle était illégale. Un recours en manquement aboutit en général au bout de quatre ou cinq mois. Nous aurions perdu et la sanction aurait été une amende de l’ordre de 50 à 60 millions d’euros et des astreintes de l’ordre de 10 millions d’euros par mois jusqu’à ce que nous nous conformions à la décision de la Commission.
Au moment de l’affaire des poissons sous-taille, nous avons cru bon de résister à la Commission. Cette dernière nous avait demandé de nous mettre en conformité avec les règles européennes et d’élargir les mailles de nos filets, pour ne plus capturer de poissons sous taille. Nous lui avons répondu qu’il n’était pas possible de contrôler les pêcheurs, en raison d’une situation sociale trop tendue. Il y a donc eu un recours en manquement, que nous avons perdu – il faut préciser que les mailles de nos filets mesuraient 1,2 centimètre au lieu des 5 prévus par les normes européennes. Nous avons été condamnés à 40 millions d’euros et à 20 millions d’astreintes par mois. Au bout de trois mois, le ministère du budget nous a exhortés à accepter la décision de la Commission, ce que nous avons fait. Des dizaines de millions d’euros du budget de l’État ont ainsi été inutilement dépensés.
Je n’étais pas prêt à renouveler l’expérience pour les fruits et légumes, quelle que soit la difficulté de la décision, et tout en étant conscient du sentiment d’injustice éprouvé par les producteurs. C’est pourquoi je me bats aujourd’hui pour qu’aucun producteur ne puisse être menacé par cette décision.
Monsieur Gaubert, vous avez raison de souligner qu’il ne faut pas se payer de mots, ce que je n’ai pas l’habitude de faire. Lorsque je suis arrivé aux affaires européennes, j’ai dit qu’il fallait retrouver un lien fort avec l’Allemagne ; je crois que c’est ce qui s’est passé. Je ferai le maximum pour que l’agriculture française retrouve son élan, même si cela m’impose des choix difficiles.
Je n’ai pas grand-chose à ajouter à vos remarques, avec lesquelles je suis globalement d’accord.
S’agissant de la poudre de lait, il faut se battre davantage pour assurer l’équité entre les producteurs des différents États européens. Mais cela vaut pour d’autres secteurs que celui du lait.
Prenons le secteur des huîtres : je ne vois pas au nom de quoi on imposerait le test de la souris sur le bassin d’Arcachon, test légitime tant qu’on n’en a pas de meilleur, si l’on fait en même temps venir des huîtres d’autres pays européens, qui ont été soumises à des tests moins stricts. Ce serait incompréhensible ! J’ai demandé qu’on interdise l’importation de ces coquillages. Je ne peux défendre ma position auprès des producteurs d’Arcachon que si je peux leur affirmer que tous les producteurs d’huîtres sont soumis aux mêmes règles. Malheureusement, et je vous rejoins, il existe des distorsions de concurrence qui résultent de l’application inéquitable de règles européennes, voire de lacunes réglementaires au niveau européen. C’est tout à fait inacceptable, surtout dans la situation socialement très tendue où nous nous trouvons.
Il faut réduire la dépendance vis-à-vis de la poudre de lait, qui est, sur le marché, ce qu’il y a de plus volatil. Plus nous irons vers des produits davantage valorisés (produits frais et ultra-frais), moins nous serons dépendants de la poudre de lait et le marché pourra, à terme, se stabiliser.
La libéralisation totale du marché du lait serait une folie ! Elle conduirait irrémédiablement à une concurrence qui ne se ferait que sur le prix, et donc à l’apparition de fermes de 400 à 500 bêtes, uniquement des vaches Holstein produisant 14 000 litres par an. Cela ne me semble ni souhaitable ni raisonnable en termes d’aménagement du territoire, d’environnement et de préservation des prairies.
Il faut donc organiser le marché et la production. On ne pourra pas le faire à l’échelle européenne sur la base de quotas : d’une part, nos partenaires n’y sont pas prêts ; d’autre part, le système provoquerait des injustices dans les petits pays qui ont désormais un poids décisif dans la construction de majorités.
Le système industriel et les producteurs doivent être mieux organisés. Cette organisation menée à bien, il faudra qu’industriels et producteurs signent des contrats permettant de garantir les volumes et les prix.
Si l’on veut que les producteurs aient du poids face aux industriels, il faut faire comme au Danemark ou au Pays-Bas, où une seule voix s’exprime, au nom de 5 000 ou 6 000 producteurs, face aux industriels. Ce n’est pas le cas en France, où les producteurs se trouvent en position de faiblesse vis-à-vis des industriels.
Il faut un minimum de diversité industrielle. Je vais dire un mot du dossier Entremont. J’assume le choix du repreneur Sodiaal. Ce ne fut pas un choix facile. Je ne sais pas si l’affaire ira à son terme, mais il me semble préférable d’avoir un équilibre entre plusieurs grands groupes industriels plutôt, comme c’est le cas dans d’autres filières, qu’un seul industriel privé dominant le marché.
Nous devrons parvenir le plus vite possible à la conclusion de contrats équitables sur des volumes et des prix entre les producteurs et les industriels. Mais nous nous heurtons à des réticences : cela représente un vrai changement des mentalités et d’organisation pour la filière, et c’est rigoureusement interdit par la législation européenne, qu’il s’agisse de l’organisation entre producteurs, de la négociation avec les industriels ou de la conclusion entre producteurs et industriels – de telles ententes sont considérées comme illicites et condamnées. Nous avons donc besoin du feu vert de la Commission européenne pour modifier les règles. Sinon, nous rencontrerons de réelles difficultés et nous irons vers la concentration de la production de lait dans un seul grand bassin : le Grand-Ouest, plus quelques exploitations de valorisation forte du lait en Savoie, en raison de quelques débouchés particuliers.
S’agissant de la défiscalisation, je vous rejoins. Pour ce qui concerne la préservation des terres agricoles, je souhaiterais d’ailleurs que l’on trouve des dispositifs autres que fiscaux – j’en ai discuté avec le Président Ollier. Nous avons constaté que la défiscalisation favorisait le surinvestissement, notamment dans le secteur laitier. Aujourd’hui, les producteurs de lait sont pénalisés pour avoir investi dans des machines très coûteuses, qu’ils n’ont pas les moyens d’amortir. Ainsi, un robot de traite coûte entre 110 000 et 160 000 euros et permet de traire 60 vaches. Des producteurs qui possèdent 70 vaches ont acheté deux robots de traite ! C’est d’une irresponsabilité totale.
À l’OMC, nous sommes allés au bout des concessions envisageables en matière agricole. On ne pourrait aller au-delà sans prendre de risque majeur.
Quant à l’extension du contrat vendanges, évoquée par M. Dionis du Séjour, il faut veiller à distinguer la compétitivité de la filière du bon traitement des salariés : les dispositions du contrat vendanges s’appliquent aux cotisations salariales et non aux cotisations patronales. Il est de tradition dans notre pays que, lorsque l’on gagne de l’argent sur les cotisations salariales, on les redonne aux salariés sous forme de pouvoir d’achat. Je ne suis pas défavorable à l’extension du contrat vendanges qui permettrait d’améliorer le traitement de certains salariés de la filière des fruits et légumes, mais j’observe qu’elle n’améliorera pas sa compétitivité.
S’agissant des pommes de terre azotées, ou pommes de terre « en frigo », la proposition de M. Dionis du Séjour se heurte au principe de la liberté du commerce et de la production. Il est par ailleurs très difficile de demander l’interdiction d’un produit à date fixe. Enfin, je précise que nous avons aussi de grands industriels de la pomme de terre azotée. Il faut prendre en considération les conséquences que cette proposition aurait sur l’emploi.
La question du coût du travail a été abordée à plusieurs reprises. Je serais plus favorable à l’extension du dispositif TO/DE sur les parts patronales qu’à celle du contrat vendanges. Mais un tel dispositif est illégal au regard du droit européen. En effet, il ne touche que la filière des fruits et légumes ; pour être légal, il devrait concerner tous les salariés agricoles temporaires. Nous avons de toute façon l’obligation de le modifier. Je souhaite que l’on essaie d’aller plus loin dans la prise en charge de la part patronale pour améliorer la compétitivité de la filière. Aujourd’hui, celle-ci est de 90 %, sur 119 jours, pour 40 % des cotisations patronales. Nous devons pouvoir jouer sur chacun de ces leviers.
Enfin, il est impératif que les contrats passés entre producteurs et industriels soient justes et équitables. Encore une fois, nous devons tirer les leçons du passé. Je comprends l’inquiétude de certains producteurs. On a vu ce qui s’est passé dans la filière du porc, de la viande ou du poulet : lorsqu’il n’y a pas de surveillance des pouvoirs publics pour faire en sorte que ces contrats soient équitables, ce sont toujours les producteurs qui sont lésés.
M. François Brottes. Vous avez bien fait, monsieur le ministre, de préciser que la production laitière française ne peut pas être soumise à la stricte loi du marché, d’autant que la géographie particulière de notre pays impose des approches différenciées.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu’une mutation intelligente des filières ne saurait faire l’économie de la question des crises sanitaires. Ainsi, la rotation des cultures, qui est le meilleur moyen de lutter contre l’invasion de la chrysomèle du maïs, est insuffisamment rentable sur le plan économique. Mais l’objectif de travailler différemment suscite encore de fortes résistances dans le monde agricole.
Par ailleurs, les traitements curatifs utilisés ont des effets dévastateurs sur les abeilles. Même si le miel n’est pas une production de premier plan, dans un contexte de mobilisation en faveur de l’environnement et de la biodiversité, les ravages opérés par les pesticides sur les colonies d’abeilles sont extrêmement préoccupants dans la mesure où celles-ci nous alertent sur l’état de notre environnement.
S’agissant de l’agriculture biologique, notre production ne suffit pas à satisfaire une demande de plus en plus forte, au point que nous sommes obligés d’importer une partie de notre consommation.
M. Louis Guédon. Je me félicite, monsieur le ministre, de vous avoir entendu annoncer des réponses, tant immédiates que structurelles, à la crise qui frappe la pêche.
Je voudrais cependant attirer votre attention sur les armements de Bretagne, dont je recevrai prochainement les représentants en tant que président du groupe d’études « pêche, mer et souveraineté maritime ». La pêche industrielle de Concarneau et de Lorient, déjà largement mise à mal par la limitation de la pêche des poissons de grands fonds, sera frappée de plein fouet par les futures directives européennes. De la même façon, le port de l’île d’Yeu, dernière île du Ponant à avoir conservé une activité maritime et encore récemment premier port thonier français, a été décapité par l’interdiction européenne du filet maillant dérivant, qui n’a pourtant jamais capturé de dauphin, comme l’IFREMER l’a prouvé. Et voilà que la pêche du requin-taupe, dernière activité du port, va être interdite à son tour, alors qu’elle n’était jusqu’ici même pas soumise à des quotas.
De la même façon, si nous ne contestons pas la nécessité d’un moratoire sur la pêche au thon rouge en Méditerranée, nous nous interrogeons sur l’opportunité de l’interdire dans l’Atlantique, où elle n’a jamais été soumise à quotas.
Je voulais également vous interroger sur le virus qui frappe les jeunes huîtres et risque d’entraîner la disparition de l’huître japonaise, qui elle-même avait succédé à la portugaise.
M. Germinal Peiro. Je dois vous rendre cet hommage, monsieur le ministre : avec vous au moins, les choses sont claires. Jusqu’ici, dans le domaine de l’agriculture, les gouvernements de droite tenaient des discours protecteurs mais pratiquaient des politiques libérales. Vous, vous assumez : discours libéral, politique libérale. Cela aura au moins une vertu pédagogique : les agriculteurs français vont découvrir ce que c’est que le libéralisme. Terminée la préférence communautaire, dont le futur président de la République avait pourtant promis le rétablissement durant la campagne électorale ! Finis les outils de régulation, si j’ai bien compris le discours que vous avez tenu hier à Rennes ! Vous êtes en train de conduire l’agriculture française vers le grand marché mondial.
Vous nous avez parlé hier d’une concurrence juste et équitable. Comment peut-on parler d’une concurrence juste et équitable quand les salariés français sont mis en concurrence avec des travailleurs sans couverture sociale, puisque nous avons échoué – c’est un échec collectif – à introduire des critères sociaux dans les échanges mondiaux. Mais nous nous sommes également montrés incapables d’imposer des critères sanitaires et aujourd’hui M. Barroso, reconduit à son poste par vos amis politiques, a fermé la porte aux critères environnementaux, en se prononçant contre une taxe carbone européenne limitant les importations.
À combien de centaines de milliers d’emplois évaluez-vous le coût de cette législature pour l’agriculture française ?
Ma deuxième question concerne la tabaculture, qui est l’illustration même des dégâts de cette politique libérale. En effet, les aides européennes à la tabaculture seront divisées par deux d’ici à la fin de l’année. Or la fin de ces aides signerait la fin de la tabaculture française, soit 3 000 exploitations, et au lieu d’importer 75 % du tabac qu’elle consomme, comme elle le fait aujourd’hui, l’Europe en importera 100 %, et personne n’y aura gagné.
M. Alfred Trassy-Paillogues. Vous ne serez pas étonné que, poursuivant la discussion engagée vendredi dernier à l’occasion de votre visite en Seine-Maritime, je vous interroge sur la crise qui frappe la filière laitière, d’autant qu’une réunion des producteurs laitiers du département s’est tenue lundi dans ma commune. Ils ont pu à cette occasion exprimer leur désespoir d’être ainsi étranglés, leurs recettes étant insuffisantes pour assumer leurs charges, notamment relatives à la mise aux normes de leurs équipements.
Vous avez évoqué la possibilité de mettre à contribution les banques ou les assurances créancières et d’aménager aux exploitants des facilités de trésorerie. Pensez-vous que ces solutions seront mises en place suffisamment tôt pour éviter les catastrophes ?
Quant aux contrats que vous avez évoqués, les producteurs laitiers craignent qu’ils ne débouchent sur une intégration de la filière au profit des industriels. Ce n’est pas qu’un procès d’intention : on voit déjà circuler en Seine-Maritime des projets de contrat, notamment avec la Coopération laitière de Haute-Normandie (CLHN), qui font obligation aux producteurs de lait de se fournir en aliments auprès des industriels. Un front syndical s’est constitué contre cette solution, qui irait dans le sens d’un démantèlement de la filière lait avec l’aval du syndicat majoritaire. On lui oppose l’exemple canadien d’une réduction de la production par l’interprofession : au Canada, le prix à la consommation des produits laitiers n’est pas plus élevé que chez nous, bien que le prix à la production y soit de 480 ou 500 euros la tonne.
M. Kléber Mesquida. Bien que ce soit la crise laitière qui soit aujourd’hui sous les feux de l’actualité, je voudrais, monsieur le ministre, appeler votre attention sur la crise gravissime qui frappe la viticulture depuis quelques années : alors que la récolte de 2008 était la plus faible du siècle, elle devrait encore diminuer cette année de 30 à 50 %. Il y a certes des raisons climatiques, mais notre secteur viticole souffre également d’une distorsion de la concurrence au bénéfice de nos voisins Espagnols et Italiens, qui n’appliquent pas une réglementation sanitaire aussi rigoureuse.
Mais avant de travailler à harmoniser ces réglementations au niveau européen, nous pourrions nous attaquer aux marges de la grande distribution, qui s’élèvent à 60 % sur les vins. Il suffirait d’augmenter de 10 à 15 centimes le litre le prix de la production viticole pour permettre aux exploitants de s’en sortir. Je rappelle que les prix actuellement pratiqués sont les mêmes que ceux de 1985, et que les revenus de ces exploitants ont chuté de 80 % cette année, alors que ce secteur d’activité génère 800 000 emplois.
Si ces mesures ne sont pas prises, on risque d’assister à une nouvelle révolte vigneronne – une mobilisation est déjà annoncée à l’issue des récoltes.
M. Francis Saint-Léger. Je vous félicite, monsieur le ministre, pour la manière dont vous vous battez au niveau européen afin de mettre en place une nouvelle régulation du marché laitier, même si la Commission a jusqu’à présent rejeté vos propositions. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ces propositions, concernant notamment les contrats entre industriels et producteurs ou encore l’amélioration des dispositifs de stockage ? Dans quel délai ces dispositifs pourraient être mis en place ? Il est en effet urgent d’agir si nous ne voulons pas voir disparaître nombre de nos producteurs.
Mme Chantal Robin-Rodrigo. La nouvelle régulation européenne du lait que vous proposez, monsieur le ministre, passe par une contractualisation qui risque de déboucher sur l’intégration de la filière par la voie de contrats unilatéraux sans prix minimum garanti : telle est du moins la crainte des producteurs laitiers de mon département, dont beaucoup sont en grève.
En ce qui concerne la crise qui frappe la filière ovine, les efforts déployés par votre prédécesseur, M. Barnier, qui fut un très bon ministre de l’agriculture, n’ont pas encore atteint les zones de montagne, qui attendent encore les aides promises. Pouvez-vous m’éclairer en la matière ?
Je voudrais également vous interroger sur les haras nationaux, dont la réforme avait été annoncée par votre prédécesseur, annonce qui s’était accompagnée dans le budget précédent de suppressions de postes et de contractualisation des personnels. Qu’en est-il exactement ?
M. Michel Piron. Monsieur le ministre, je veux à mon tour vous remercier pour la clarté de votre exposé, ainsi que pour votre manière d’envisager les problèmes et les réponses au niveau européen.
Pourriez-nous dresser ce qui ne saurait être, dans un délai aussi court, qu’une ébauche de bilan des forces en présence en Europe, qu’il s’agisse des nouvelles régulations, des filières, ou d’une préférence communautaire intégrant une dimension qualitative, touchant notamment à la sécurité alimentaire ?
Mme Frédérique Massat. Au-delà du préjudice subi par les exploitants, l’effondrement actuel des colonies d’abeilles suscite de fortes inquiétudes étant donné leur rôle de sentinelles de l’état de l’environnement. C’est pourquoi j’ai interrogé à plusieurs reprises votre ministère à ce propos, mais à ce jour aucune réponse ne m’a été apportée.
Serons-nous à même de tenir les objectifs ambitieux fixés par le Grenelle de l’environnement en matière d’agriculture biologique ? Pouvez-vous nous exposer plus longuement les dispositions que comportera le futur projet de loi de modernisation agricole relativement à cette filière ?
Je souhaiterais en outre vous alerter sur le danger que font peser les installations photovoltaïques sur la préservation du foncier agricole. En Ariège, comme dans tous les territoires qui bénéficient d’un fort ensoleillement, on ne cesse de proposer à nos agriculteurs des sommes très attractives pour installer sur leur terrain des panneaux photovoltaïques. Il est urgent de soumettre cette installation à une véritable réglementation si l’on ne veut pas voir les champs de France se transformer en champs de panneaux photovoltaïques.
M. Thierry Benoit. Vos propos prouvent, monsieur le ministre, que vous avez pris la mesure de la gravité de la situation, et ce dès votre prise de fonctions.
C’est le cas notamment de la filière lait, dont les producteurs sont dans un désarroi profond, mais ô combien légitime : en 2007, le chiffre d’affaires de la filière était de 23 milliards, pour 22 milliards de litres, soit un prix du litre à la consommation d’un peu plus d’un euro, alors qu’il est payé quatre fois moins aux producteurs. Pourquoi dans ce cas continuer à soutenir un dispositif européen de subventions, alors que nous devrions travailler à un dispositif de rémunération ?
Il importe également, monsieur le ministre, de travailler à l’harmonisation au niveau européen des réglementations environnementales, sanitaires et sociales, afin de mettre tout le monde au même niveau de contrainte en Europe.
Il faut répéter que la régulation est indispensable : l’autorégulation nous conduirait à notre perte, comme cela a été le cas pour le système bancaire.
Je voudrais dire enfin combien la contractualisation inquiète nos agriculteurs. Sans confiance, il n’y a pas de véritable contrat. La transparence au nom de laquelle on a publié les aides PAC dont bénéficient les agriculteurs devrait également prévaloir s’agissant de la répartition des bénéfices entre producteurs, industriels et grande et moyenne distribution.
M. Jean Grellier. Votre volonté, monsieur le ministre, de vous attaquer aux causes structurelles de la crise ne risque t-elle pas d’être dépassée par le caractère conjoncturel de celle-ci ? D’ores et déjà, 200 des 700 producteurs laitiers que compte mon département, les Deux-Sèvres, seraient en passe de cesser leur activité.
Comment comptez-vous articuler la dimension structurelle de votre futur projet de loi avec la négociation de la PAC, et selon quel calendrier ?
Ma dernière question sera de méthode. Le système de cogestion de fait de la politique agricole qui prévaut aujourd’hui, chacun le sait, tend, en limitant le nombre des interlocuteurs, à nuire à la diversité d’approche qui sera de plus en plus nécessaire à l’avenir. Comment faut-il, de ce point de vue, interpréter les propos du Président de la République rapportés aujourd’hui par Ouest-France ? Il aurait en effet déclaré : « Avant, on faisait un chèque à la FNSEA quand il y avait un problème et la FNSEA distribuait ce chèque [aux agriculteurs] et, au final, on se faisait retoquer par l’Europe. Maintenant, c’est fini, il n’y aura plus de chèque à la FNSEA. »
M. Daniel Fasquelle. Je me retrouve tout à fait, monsieur le ministre, dans les deux préalables que vous avez posés : premièrement, l’agriculture et la pêche, qui ne sont pas des activités économiques comme les autres, ont besoin d’être régulées ; deuxièmement, elles doivent rester une priorité nationale.
Je veux relayer à mon tour l’angoisse et l’incompréhension des producteurs de lait, que j’ai moi aussi rencontrés dans mon département, ainsi que des marins-pêcheurs. Il est urgent de mettre à plat la politique commune des pêches, et la France doit prendre des initiatives pour réduire le décalage profond entre les constats des marins-pêcheurs et les bases sur lesquelles repose la politique commune de pêche : les marins-pêcheurs ne sont pas hostiles à des quotas, pourvu que ceux-ci reposent sur des observations scientifiques solides, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Qu’en est-il du principe de la préférence communautaire, qui s’était dilué au fil des négociations de l’OMC ? Peut-on encore espérer le maintenir dans le cadre du nouveau cycle de négociations de Doha ?
L’annonce de la taxe carbone a suscité une certaine angoisse dans le monde agricole. Pouvez-vous nous rassurer quant aux modalités d’application de la taxe carbone et ses conséquences pour l’activité agricole ?
Mme Pascale Got. En ce qui concerne la sylviculture, vous connaissez la situation dramatique du massif des Landes et de la Gironde depuis la dernière tempête. Je ne reviendrai pas sur les insuffisances du soutien de l’État dénoncées par la profession. En revanche, je souhaiterais savoir si vous envisagez de mettre en place un fonds de garantie alimenté par l’État et la profession pour permettre aux sylviculteurs de s’assurer dans des conditions financières satisfaisantes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ?
Le crédit d’impôt de 50 % des dépenses engagées par les agriculteurs pour assurer leur remplacement pendant leurs congés, qui arrive à échéance le 31 décembre 2009, sera-t-il reconduit ?
Mme Laure de La Raudière. Je voudrais à mon tour, monsieur le ministre, saluer la détermination dont vous faites preuve pour résoudre la crise laitière et mettre en place une nouvelle régulation.
L’iniquité européenne rappelée par plusieurs de mes collègues résulte parfois des choix de la France d’imposer à ses agriculteurs des normes plus contraignantes que les normes européennes : à un moment où notre agriculture est fragilisée, cela revient à se tirer une balle dans le pied. Il faut avoir le courage de revenir sur certaines décisions – il faudrait notamment soumettre les normes d’écoconditionnalité et de bien-être animal à un inventaire critique, afin d’y introduire plus de souplesse et de bon sens.
Je voudrais également évoquer le recul du foncier agricole du fait de la protection de la qualité de l’eau. Si un tel souci me semble légitime, l’établissement de périmètres de protection des captages d’eau entraîne un gel excessif des cultures, l’administration refusant même celles qui n’utilisent aucun intrant chimique, telles que la culture du miscanthus.
Je voudrais enfin signaler que les agriculteurs vivent très mal les changements radicaux introduits par la nouvelle directive nitrate et ses difficultés d’interprétation.
Mme Marie-Lou Marcel. Je vais à mon tour me faire l’écho de la détresse des producteurs de lait, particulièrement de ceux de l’Aveyron, déjà frappés l’année dernière par une crise sanitaire et dont la situation vire à la catastrophe. Mais, alors que la baisse des prix à la production ne permet pas aux agriculteurs de faire face à leurs charges d’investissement, elle n’est pas répercutée sur le prix à la consommation. À quand une politique plus volontariste de mise en adéquation de l’offre et de la demande européennes afin de garantir une stabilité des prix aux producteurs et aux consommateurs ?
Je m’interroge également sur la cohérence de l’Europe s’agissant des scénarios de sortie de crise, au moment ou des divergences inquiétantes divisent l’Union européenne à ce sujet. Vous déclarez avoir fait bouger les lignes sur la nécessité d’une régulation européenne du marché de lait : qu’est-ce que cela signifie concrètement à court et à moyen terme, lorsque votre homologue allemande parle, quant à elle, d’un « échec » de l’Union européenne ?
Quel dispositif concret comptez-vous mettre en œuvre pour assurer le respect de la diversité de nos modes de production et de nos territoires – je pense notamment aux petits producteurs et aux zones à handicap naturel, telles les zones de montagne.
M. Louis Cosyns. S’agissant, monsieur le ministre, de l’enveloppe de 125 millions d’euros par an que vous avez allouée à la production ovine, soit une aide d’environ 24 euros par brebis, vous avez décidé une bonification de l’ordre de 3 euros par brebis pour les éleveurs adhérents à une organisation de producteurs. Mais, comme bien d’autres, mon département compte bon nombre de petits producteurs qui ne sont pas forcément affiliés à une organisation de producteurs, qu’elle soit commerciale ou non commerciale. Cette mesure risque donc de créer une disparité de traitement entre les territoires, selon que les exploitants y sont organisés ou non. Certes, les producteurs indépendants, qui représentent 25 % de la filière ovine, pourront, pour bénéficier de cette bonification passer un contrat avec un opérateur ; mais ceux qui vendent leur production au marché aux bestiaux ne peuvent pas savoir à l’avance avec qui ils feront affaire.
J’aimerais connaître votre position sur ce point, et les corrections que vous envisagez d’apporter au dispositif afin de limiter ces disparités entre territoires et producteurs.
S’agissant de l’apiculture, je partage les inquiétudes exprimées par nos collègues Frédérique Massat et François Brottes.
M. Bernard Reynès. Qu’en est-il des aides d’urgence ? On sait en effet que beaucoup d’exploitations disparaîtront d’ici à la fin de l’année – on parle même de 20 % dans le secteur des fruits et légumes.
Est-il vrai que vous vouliez ramener le coût horaire du travail saisonnier, qui serait actuellement de 13 euros, à 8 ou 9 euros, alors qu’il est de 6 euros dans le reste de l’Europe ?
Si la libre négociation est conforme à l’esprit de la LME, l’observatoire des prix et des marges, chargé d’assurer une certaine traçabilité des prix afin de moraliser les pratiques de la grande distribution en la matière, devait être réactivé en septembre et rendre ses conclusions en octobre. Où en sommes-nous ?
L’application d’un taux de TVA super-réduit aux fruits et légumes, solution très intéressante et réclamée depuis un moment, serait envisagée à titre expérimental. Où en est-on ?
Par ailleurs, les précédentes tentatives d’organiser le monde agricole, telles les organisations de producteurs, n’ont pas toujours été couronnées de succès. Quelles mesures comptez-vous prendre pour inciter le monde agricole à se structurer et à s’organiser davantage ?
Les problèmes de distorsion de concurrence, déjà évoqués, doivent être examinés en ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques.
Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais saluer le courage avec lequel vous posez les vrais problèmes et la rapidité avec laquelle vous avez su mesurer l’ampleur de votre tâche.
M. Franck Reynier. Je souhaiterais, monsieur le ministre, vous poser deux questions et vous faire une proposition.
Mes deux questions porteront sur les fruits et légumes.
Le décalage entre le prix d’achat aux producteurs et le prix de vente aux consommateurs suscite beaucoup d’interrogations, au point qu’on avait envisagé d’instaurer des dispositifs d’encadrement tels qu’un coefficient multiplicateur. Quelle est votre position à ce sujet ?
Quant à la disparité du coût de la main-d'œuvre de cette filière dans l’Union européenne, vous avez rappelé que, dans certains pays européens, tels que l’Allemagne, ce coût ne supporte pas les charges patronales. Un tel mécanisme est-il envisageable en France ?
Sachez enfin que la Drôme, où la filière fruits et légumes compte beaucoup de producteurs, est tout à fait disposée à expérimenter de tels dispositifs.
Mme Josette Pons. On n’insiste pas assez sur la nécessité de satisfaire les demandes d’aide à la construction des agriculteurs. Dans mon département, je déplore l’« intégrisme » dont font preuve les services de la DDEA quand ils traitent de telles demandes.
Il conviendrait également d’aider davantage les collectivités de nos territoires à se procurer des terrains, autres qu’agricoles, pour construire des écoles ou des routes. Ces collectivités devraient pouvoir disposer de solutions de remplacement et rendre à l’agriculture des terres agricoles.
Je partage les inquiétudes qui se sont exprimées ici à propos de l’installation de parcs photovoltaïques sur des terres agricoles.
Enfin, qu’en est-il de la libéralisation des droits de plantation de vignes dans l’Union européenne, qui devrait intervenir en 2013 ?
M. le ministre. Monsieur Brottes, je suis tout aussi convaincu que vous de la nécessité absolue d’une approche différenciée en fonction de la géographie française. Cela vaut réponse à toutes les comparaisons un peu faciles avec des pays tels que le Canada ou le Danemark, où n’existe pas la même diversité de paysages et de climats qu’en France.
S’agissant de la chrysomèle du maïs, nous devons absolument tenir bon sur le principe de la rotation des cultures, et obtenir les aides PAC nécessaires pour compenser le manque à gagner des exploitants. Si nous ne poursuivions pas dans cette voie, la seule voie responsable du point de vue écologique, nous nous exposerions à des pressions de plus en plus fortes en faveur du développement de la culture de maïs OGM résistants à la chrysomèle. Il ne faudrait pas non plus étendre de façon irresponsable la culture du maïs en France sous prétexte qu’elle serait plus rentable. Étendre, par exemple, une culture aussi consommatrice d’eau au détriment de la forêt des Landes, département qui manque souvent d’eau, ne serait pas une bonne solution.
L’effondrement des colonies d’abeilles, loin d’être un point de détail, est à mes yeux un très grave signal d’alarme de l’état environnemental de certaines cultures. Par ailleurs, la société française est particulièrement sensible à ce problème. C’est pourquoi j’attache personnellement beaucoup d’importance à ce sujet et suivrai avec attention les travaux de l’institut technique apicole que nous avons créé pour observer l’évolution de ces colonies.
Je ne vais pas rappeler toutes les mesures déjà prises en faveur de l’agriculture biologique : 3 millions d’euros par an pendant cinq ans alloués à la structuration des filières ; les soutiens de la PAC ; l’objectif de 20 % de produits « bio » dans la restauration collective d’État d’ici à 2012. Il s’agit de répondre à une demande qui ne cesse de croître. Dans un marché déprimé, importer 30 % de notre consommation de produits biologiques est tout à fait regrettable.
La pêche, monsieur Guédon, est un sujet difficile, mais sur lequel nous progressons bien, grâces en soit rendues notamment au président du Comité national des pêches, Pierre-Georges Dachicourt, homme de dialogue qui sait tout à la fois défendre les intérêts des pêcheurs et comprendre la nécessité de certaines évolutions.
Pour toutes les questions de gestion des ressources halieutiques, j’ai pour principe de tenir le plus grand compte de l’avis des scientifiques, mais aussi de le confronter aux observations pratiques des pêcheurs avant de tirer mes conclusions. S’agissant du requin-taupe, les scientifiques comme les pêcheurs, consultés sur cette question dans le cadre du Grenelle de la mer, s’accordent pour reconnaître qu’il y a un problème de ressources. Nous prendrons donc les mesures nécessaires pour accompagner la sortie de pêche : cela me semble la seule solution raisonnable.
S’agissant du thon rouge, après débat au sein du Gouvernement, sur l’opportunité d’un classement à l’annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, la CITES, la France soutiendra finalement son classement à l’annexe II, pour lequel j’ai plaidé. Celui-ci permet la mise en place d’une bonne gestion de la ressource sans imposer une interdiction totale de la commercialisation : c’est une position équilibrée.
Au nombre des difficultés structurelles qui frappent l’ostréiculture, la surmortalité des jeunes huîtres, notamment en Normandie, met en péril le renouvellement de la population ostréicole. Je suis prêt, pour ma part, à soutenir le développement de nouvelles souches permettant de mieux résister aux agents pathogènes qui détruisent actuellement les jeunes huîtres.
En ce qui concerne les tests de l’état sanitaire des huîtres du bassin d’Arcachon, ma responsabilité est de garantir une sécurité sanitaire totale aux consommateurs, ce qui est aussi dans l’intérêt des ostréiculteurs. C’est cette responsabilité qui m’impose de maintenir l’obligation du test de la souris, en dépit de ses limites, aussi longtemps qu’il n’existe pas de test plus efficace. Je souligne que je suis le premier ministre de l’agriculture à proposer une solution à ce problème en suspens depuis des années : c’est parce que j’ai provoqué la réunion de scientifiques sur le sujet, notamment à Bruxelles, et que j’ai fait pression sur l’AFSSA et l’IFREMER qu’un nouveau test physico-chimique est en développement, qui sera prêt dans les prochains mois.
Monsieur Peiro, je trouve vos critiques à la fois profondément injustes et incohérentes, voire irresponsables. Profondément injustes parce que la France est le seul État à défendre la régulation européenne des marchés. En Suède, au conseil des ministres européens de l’agriculture, sur les vingt-sept ministres présents, j’ai été le seul à me battre pour qu’on parle de la filière laitière et à mettre sur la table un projet de régulation des marchés. On peut trouver que ce projet ne va pas assez loin, mais on ne peut pas dire que la position de la France soit la plus libérale, quand tous les autres pays européens la considèrent comme dangereusement étatiste.
C’est en cela que votre position est irresponsable : il vaut mieux expliquer aux agriculteurs et à tous les Français qu’aujourd’hui tout se joue à l’échelle européenne, où le rapport de force ne nous est pas favorable, plutôt que prôner l’étatisation à outrance.
Votre position n’est pas non plus responsable au regard du commerce mondial : il faudra bien tenir compte de la volonté du Brésil, de l’Inde et d’un certain nombre de pays en voie de développement de développer leur agriculture. Comment faire autrement ?
Enfin, elle est incohérente : les gouvernements socialistes européens ont été les premiers à soutenir M. Barroso ; en outre, celui qui refuse toute taxation aux frontières et réclame une libéralisation totale des marchés internationaux, c’est M. Pascal Lamy, qui, jusqu’à preuve du contraire, a davantage appartenu au parti socialiste qu’au parti aujourd’hui majoritaire !
Pour ce qui touche à la contractualisation, monsieur Trassy-Paillogues, mon souci est que les contrats en cause soient équitables et équilibrés, et ce ne sont pas là des mots en l’air : j’agis de manière concrète. Venez donc avec moi négocier le rachat d’Entremont, et vous mesurerez à quelles pressions je suis soumis pour qu’il n’y ait plus qu’un seul opérateur industriel du lait en France. Il faut malheureusement compter avec un rapport de force difficile, les industriels menaçant de délocaliser des milliers d’emplois si le prix du lait est trop élevé en France.
Monsieur Mesquida, deux solutions sont susceptibles de résoudre les difficultés majeures de la filière viticole : premièrement, il importe d’organiser la filière pour qu’elle soit mieux à même de défendre ses intérêts ; deuxièmement, il faudra corriger certains dispositifs législatifs, relatifs notamment à la valorisation et à la distribution du vin. J’examinerai toutes les propositions qui me seront faites en ce sens.
En ce qui concerne le stockage, monsieur Saint-Léger, nous avons livré bataille pour étendre les possibilités de stockage privé du beurre et de la poudre de lait, actuellement autorisé en Europe six mois sur douze, ce qui n’est pas suffisant pour faire remonter les prix. Nous avons obtenu en Conseil européen la possibilité de stocker douze mois sur douze, et le plan de régulation franco-allemand prévoit que cette solution soit pérennisée.
L’intégration de la filière lait n’est pas acceptable, madame Robin-Rodrigo, et c’est pourquoi je n’ai pas donné mon aval aux projets de contrat entre producteurs et industriels qui m’ont été soumis jusqu’à présent. Une réunion sur ce sujet avec l’ensemble de la filière est prévue le 1er octobre.
S’agissant de la filière ovine, les aides en faveur des éleveurs des zones de montagne seront maintenues, de façon à préserver la diversité de nos territoires. Quant au haras national de Midi-Pyrénées, la décision n’est pas encore prise, mais le dossier est en cours d’examen.
Pour ce qui est du rapport de force en Europe, monsieur Piron, je ne saurais trop insister sur la difficulté de notre combat : si nous voulons gagner une majorité d’États européens au projet franco-allemand de régulation des marchés, nous devrons aller chercher chacun d’eux avec les dents. J’irai ainsi en Pologne lundi pour convaincre de nous rejoindre un pays dont le soutien pourrait faire basculer l’ensemble des États d’Europe centrale et orientale. Le combat est d’autant plus difficile qu’il s’agit d’inverser la vapeur après qu’on a laissé trop de terrain à l’idéologie libérale, qui a pourtant démontré son inefficacité, notamment en matière agricole.
Le décret visant à encadrer les installations photovoltaïques est en cours d’examen, madame Massat. Nous devons parer aux risques de spéculation et de désordres économiques, et veiller à ne pas basculer d’un excès à un autre, de la plantation généralisée de vignes à leur arrachage systématique au bénéfice de champs photovoltaïques censés être plus rentables. Les risques pour l’environnement ne sont pas négligeables, notamment du point de vue de l’écoulement des pluies et de la gestion des sols. Il ne faudrait pas nuire à l’environnement sous prétexte de le protéger !
Monsieur Benoit, je suis évidemment favorable à l’harmonisation des réglementations européennes.
Je voudrais dire à M. Grellier qu’étant sur le terrain une fois tous les deux jours, je suis bien placé pour mesurer le risque que la crise sociale l’emporte sur les solutions structurelles ainsi que l’urgence absolue de réagir.
S’agissant de la cogestion supposée du ministère, on ne peut pas me reprocher de faire comme tous mes prédécesseurs : qu’il s’agisse de la crise du lait ou de la filière des fruits et légumes, j’ai réuni tout le monde autour de la table, y compris la Coordination rurale ou la Confédération paysanne ; j’ai reçu hier une délégation de l’Association des producteurs de lait indépendants, qui souhaite des contrats européens. L’idée n’est pas sans intérêt mais, à mon sens, on ira plus vite en passant d’abord par l’échelon national.
La politique commune de la pêche, monsieur Fasquelle, évolue pour répondre aux problèmes des marins-pêcheurs. Les assises de la pêche, qui se tiendront à la fin de l’année, permettront de prendre en considération certains d’entre eux.
Je souhaite que les pêcheurs et les agriculteurs soient massivement exonérés de la taxe carbone, et qu’ils le soient immédiatement, sans devoir en faire l’avance. Ce n’est pas à moi d’arbitrer en la matière, mais je sais que le Président de la République et le Premier ministre sont très sensibles à ce sujet.
Oui, madame Got, il faut une assurance pour les sylviculteurs français, même si sa mise en place se révèle très complexe. La sylviculture est en effet le seul secteur d’activité en France qui ne dispose d’aucun système assuranciel. Après la tempête de 1999, on a jugé qu’il était inutile d’assurer ce secteur contre une catastrophe qui n’arrive qu’une fois dans le siècle. Or, dix ans plus tard, la sylviculture a dû faire face à une tempête dont les conséquences économiques ont été plus graves encore.
C’est vrai, madame de La Raudière, notre réglementation phytosanitaire est plus stricte que la réglementation européenne, et j’ai souvent entendu des exploitants, notamment dans la filière fruits et légumes, se plaindre de ce que la France se charge de boulets plus lourds que ceux de ses voisins. J’assume pourtant mon choix, qui est d’essayer d’obtenir que l’Europe s’aligne sur notre réglementation plutôt que de l’assouplir : les Français ne comprendraient pas un retour en arrière. Cette rigueur plus grande peut être en outre un moyen de valoriser la production française, pourvu que l’étiquetage soit suffisamment précis, ce qui n’est pas encore le cas.
S’agissant du prix du lait, madame Marcel, il faudra tirer toutes les conséquences des observations de l’Observatoire des prix et des marges. Quant aux propos d’Ilse Aigner, mon homologue allemande, que vous avez cités, ils sont vieux de dix jours. Depuis, nous avons fait avancer notre projet de régulation des marchés auprès des autres États européens et je pense que la dynamique est désormais de notre côté. Je répète que je suis favorable au maintien de la diversité de la production agricole. Paradoxalement, ce n’est pas en zone de montagne que la production de lait est la plus menacée : grâce à l’effet cumulé des aides et de la valorisation des fromages d’appellation d’origine contrôlée, ce seront probablement les zones de montagne qui s’en sortiront le mieux. Nous resterons cependant vigilants.
À ma demande, monsieur Reynès, l’Observatoire des prix et des marges m’a livré ses conclusions sur le porc et le lait, et il faudra en tirer les conséquences, notamment vis-à-vis des industriels. Je serai d’autant plus attentif à ses remarques sur le prix des fruits et légumes qu’en tant que consommateur, je juge les écarts entre prix à la production et prix à la consommation tout à fait inconsidérés. S’il se révèle que ces marges sont effectivement excessives, nous devrons prendre des mesures pour les réduire. Ce pourrait être l’instauration d’un coefficient multiplicateur, monsieur Reynier, ou d’autres dispositifs tout aussi efficaces, mais il faudra, quoi qu’il en soit, tirer les conséquences des conclusions de l’Observatoire. Celui-ci n’est pas là seulement pour observer : il doit aussi nous permettre de décider. Je vous donne rendez-vous le 8 octobre.
Il est prévu, madame Pons, que les droits de plantation soient supprimés en 2015, mais il est possible qu’ils soient prolongés jusqu’en 2018, avec une clause de rendez-vous en 2012, qui nous permettra d’exercer notre vigilance.
Je suis convaincu que nous saurons dépasser la crise actuelle et que l’agriculture et la pêche françaises ont un très bel avenir, pourvu que nous sachions mieux nous organiser à l’échelle nationale et mettre en place une régulation européenne des marchés agricoles. Ce sera certes difficile – il s’agira d’inverser une décennie de dérégulations ! –, mais nous y mettrons le temps et l’énergie nécessaires, et je suis convaincu que nous y parviendrons. Il n’y a pas d’agriculture possible sans règles de marché !
M. le président Patrick Ollier. Merci, monsieur le ministre, pour toutes ces précisions. La majorité vous a dit combien elle était soucieuse de vous aider ; nous allons effectivement vous aider dans la préparation de la future loi de modernisation, qui sera, si j’ose dire, la loi de la dernière chance. Et vous le verrez, les membres de l’opposition seront également à nos côtés car ils ont aussi à cœur de sauver des pans entiers de l’agriculture dans leurs départements.
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Informations relatives à la Commission
Ont été nommés rapporteurs :
• projet de loi de finances pour 2010 :
- M. Michel PIRON, rapporteur pour avis sur la ville (mission ville et logement) en remplacement de M. Olivier CARRE qui a rejoint la commission des finances ;
- M. Jean GAUBERT sur la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault relative à la suppression du crédit revolving, à l'encadrement des crédits à la consommation et à la protection des consommateurs par l'action de groupe (n° 1897) ;
• sur la mission d’information sur l’éolien : M. le Président Patrick Ollier, Mme Catherine Coutelle, Jean Dionis du Séjour, Mme Frédérique Massat, M. Daniel Paul, M. Serge Poignant, M. Franck Reynier et M. Francis Saint-Léger.
Ont été confirmés en tant que rapporteurs et rapporteurs adjoints dans le cadre du contrôle de l’application des lois :
– M. Jean PRORIOL rapporteur et M. François BROTTES rapporteur adjoint : loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 sur la régulation des activités postales ;
– M. Jean-Claude LENOIR rapporteur et M. François BROTTES rapporteur adjoint : loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie.
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