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Commission des affaires économiques

Mardi 29 septembre 2009

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 12

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Audition de M. Louis Gallois, Président exécutif de EADS

La commission a entendu M. Louis Gallois, Président exécutif de EADS.

M. le président Patrick Ollier. Nous sommes très heureux de vous accueillir, monsieur le président. En 2006, lors d’une précédente réunion, vous aviez évoqué les perspectives du plan Power 8 et les trois défis auxquels votre entreprise était alors confrontée : le retard pris par l’A380, les difficultés liées au taux de change entre l’euro et le dollar, et la concurrence de Boeing.

M. Louis Gallois. Les choses n’ont pas beaucoup changé !

M. le président Patrick Ollier. Où en êtes-vous aujourd’hui sur ces trois points ? Qu’en est-il du plan Future EADS ? Où en êtes-vous de la réorganisation industrielle, du développement de la sous-traitance, des contentieux avec Boeing ? Comment résistez-vous à la crise économique et au ralentissement du trafic aérien ? Comment s’équilibre votre portefeuille de commandes ? Quelle est la politique de votre entreprise en matière de recherche et développement, sachant que, comme vous l’avez indiqué, les charges augmentent mais que l’activité s’autofinance ? En février dernier, vous réclamiez le lancement d’un emprunt européen pour financer la recherche : quelles sont, selon vous, les priorités qui doivent être retenues pour le futur Grand emprunt national ?

M. Louis Gallois. Je suis très sensible à votre accueil, au nom de l’entreprise que je dirige.

EADS est certes une entreprise européenne, mais elle représente 45 000 emplois directs en France et affiche depuis 2000 une création nette de 5 000 emplois – et il s’agit d’emplois de haute technologie –, ce qui représente une augmentation de plus de 10 % en France depuis sa création. À ce titre, c’est une des exceptions dans l’industrie.

Premier employeur privé de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, notre entreprise est particulièrement présente dans la région Midi Pyrénées, mais également en Pays de Loire, en Picardie et en Aquitaine. Dans la seule région Ile-de-France, nous employons 10 000 personnes. Notre tissu industriel est très diversifié.

Chaque année, en dehors de notre production, nous injectons 10 milliards d’euros en France, où sont effectués un tiers des achats du groupe. D’où l’importance du réseau de sous-traitance que nous animons. Je conçois vos préoccupations à cet égard, mais sachez que, bien que ne pouvant pas tout faire, nous nous efforçons de soutenir nos sous-traitants : conformément à la loi, nous avons réduit nos délais de paiement ; nous avons aidé de façon ponctuelle ceux d’entre eux qui se sont trouvés en grande difficulté ; nous avons apporté environ 40% des ressources d’Aerofund II, fonds qui investit sous forme de capital dans les entreprises de sous-traitance afin de faciliter leur réorganisation et leur développement.

Sur le plan macro-économique, EADS est un élément majeur de la balance commerciale française : les livraisons d’Airbus dictent assez largement son évolution mensuelle.

En dépit de son engagement en France, EADS n’est pas considérée comme une entreprise totalement française ; or certains estiment qu’il est préférable de soutenir des entreprises strictement françaises. Certes, EADS est une entreprise européenne – la seule qui existe à ce jour – mais elle n’en constitue pas moins une force économique inégalée dans le secteur de l’industrie aéronautique, spatiale et de la défense de notre pays, puisqu’elle représente une petite moitié de ce secteur.

En 2008, nous avons enregistré de bons résultats et réalisé, pour la première fois, un chiffre d’affaires supérieur à celui de Boeing. Le résultat d’exploitation s’est élevé à 2,8 milliards, le montant de la trésorerie a dépassé les 9 milliards d’euros nets et le carnet de commandes a avoisiné les 400 milliards d’euros.

Les résultats du premier semestre 2009 se sont inscrits dans ce mouvement avec toutefois deux bémols: le cours du dollar et la crise économique. Comme vous le savez, nous assurons la protection de nos échanges en dollars par le biais de couvertures de change ; or à mesure que le dollar s’affaiblit, ces couvertures s’opèrent à des taux de moins en moins avantageux. Ainsi, une baisse du dollar de dix centimes représente une perte nette de plus d’un milliard d’euros ! C’est cette perte qu’il nous faut compenser.

Quant à la crise, nous ne l’avons pas encore réellement ressentie, car il y a un décalage entre notre situation et la situation économique de nos clients civils. Toutefois, nous allons probablement la ressentir dans les prochaines années.

Actuellement, la situation du marché des avions Airbus se caractérise par des commandes limitées, et notre objectif de 300 prises de commandes brutes sur l’année reste très ambitieux. Mais le plus important pour nous, c’est que les compagnies aériennes prennent livraison des avions qu’elles ont commandés. Il nous faut donc sécuriser les livraisons : pour ce faire, les compagnies aériennes doivent, d’une part, avoir besoin de nos avions, que celles-ci souhaitent renouveler leur flotte ou faire face à un trafic en croissance – ce qui, hélas, n’est pas le cas actuellement –, et, d’autre part, disposer de moyens financiers pour en prendre livraison. Or, d’une part, le secteur bancaire reste très prudent s’agissant du financement des compagnies aériennes et, d’autre part, la situation de trésorerie de ces dernières se détériore en raison de la crise. De plus, l’hiver est une période difficile pour les compagnies aériennes car, durant celle-ci, elles ne créent pas de trésorerie – telle la fourmi de la fable, elles stockent des réserves durant l’été qu’elles « mangent » durant l’hiver. C’est donc à la fin de l’hiver que nous pourrons réellement juger de l’ampleur de la crise dans notre secteur : c’est à ce moment-là que les compagnies aériennes pourront être conduites à prendre des décisions de report, faute de pouvoir financer les livraisons.

En 2009, le Gouvernement a demandé aux banques d’affecter une enveloppe de 5 milliards d’euros au financement des exportations aéronautiques. Elle n’a pas été utilisée, mais elle a contribué à déclencher un processus positif chez les banquiers, qui ont repris le financement des crédits « cofacés ». Ainsi, en 2009, la COFACE, du côté français, et HERMES, du côté allemand, ELGD du côté britannique ont assuré près de 50 % du financement des ventes. Cet élément a été décisif pour maintenir nos livraisons au cours de cette année, et il en ira de même en 2010.

Aux effets de la crise s’ajoute la chute du dollar – actuellement à 1,47 euro ; et nul ne sait jusqu’où cela ira car rien n’est prévu dans la politique américaine pour freiner ce dérapage. Nous risquons de nous retrouver, comme il y a deux ans, avec un euro fort entouré d’un ensemble de monnaies faibles : yuan, yen et dollar. Cette situation est critique pour une entreprise comme EADS, dont les coûts sont calculés en euros et dont les ventes se font en dollars.

Les effets cumulés de la crise et du cours du dollar nous ont amenés à mettre en place des plans d’économies successifs : il y a d’abord eu Power 8, qui devrait nous permettre de réaliser 2,1 milliards d’économies à l’horizon 2010 ; s’est ajouté le plan Power 8 Plus, avec lequel nous devrions économiser un milliard d’euros en 2012, dont 650 millions pour Airbus ; enfin, le plan Future EADS , qui, tout en consistant en un plan d’intégration de l’entreprise, permettra de réaliser des économies pour un montant qui dépasse significativement les 200 millions d’euros. Nous avons jusqu’à présent réussi à éviter les drames sociaux. Nous supprimons des emplois liés aux structures mais nous en créons dans les activités de production. Combien de temps cela pourra-t-il durer ? Cela dépendra de l’ampleur de la crise.

En 2009, nos livraisons d’avions devraient être au moins égales à celles de 2008 – année record – voire légèrement supérieures, mais je ne fais aucun pronostic pour 2010.

J’en viens aux programmes en cours de l’entreprise Airbus.

S’agissant de l’A350, programme pour lequel 12 milliards d’euros sont nécessaires en investissement et en développement, nous avons reçu 493 commandes – le rythme des commandes a été très fort, même s’il est ralenti du fait de la crise. C’est un défi technique considérable, dans la mesure où cet avion sera réalisé avec plus de 50% de matériaux composites. Même si nous avons été moins ambitieux que Boeing dans les choix techniques – et je considère que nous avons eu raison –, nous voyons les énormes difficultés que rencontre cette société avec le 787.

Pour ce qui est de l’A380, dont une vingtaine d’exemplaires sont en service, les passagers sont ravis. La compagnie Singapore Airlines affiche des taux de remplissage remarquables. Cet avion étant jeune et complexe, il ne peut être mis en œuvre que par les compagnies aériennes les plus importantes. Il reste que son coût de production est trop élevé. La courbe d’apprentissage de cet avion – c’est-à-dire son coût de production en début de carrière – se maintient au-dessus de nos prévisions. Nous devons parvenir à infléchir cette courbe.

Le rapport intérimaire de l’OMC est nuancé : l’Union européenne a jusqu’au 20 octobre pour réagir. Selon des sources proches du dossier, l’OMC rejette une majorité des demandes de Boeing. Trois points à retenir : elle ne condamne pas le principe des avances remboursables ; l’A350 n’est pas concerné ; les conclusions de ce rapport intérimaire pourraient conduire à une mise en cause de certaines subventions recherche et technologie, qui constituent l’essentiel des supports financiers apportés à Boeing.

Airbus Military, né de la fusion d’Airbus et de la division des avions de transport militaire – basée en Espagne –, est chargé de tous les avions de transport : le Tanker, notre ravitailleur en vol, qui est construit sur une base d’A330 ; l’A400M, auquel je crois beaucoup et qui sera le seul avion de sa catégorie. Le retard dont a souffert l’A 400M a caché les qualités de cet avion qui, grâce à ses remarquables performances, apportera aux armées européennes un support essentiel et aux industriels des capacités d’exportation extrêmement fortes – pour s’en convaincre, il suffit de voir le nombre de C 130 qui ont été vendus dans le monde. Une première partie des problèmes techniques qu’a rencontrés l’A400M a été résolue avec les motoristes, et la probabilité d’un premier vol en décembre prochain est de plus en plus forte.

Le contrat que nous avons signé s’agissant de l’A400M n’était pas équilibré. Nous n’aurions pas dû accepter de prendre des risques que nous ne savions pas évaluer, ni accepter de développer l’avion en six ans et demi, alors même qu’aucun avion de transport de ce niveau n’a jamais été développé en moins de 12 ans. Nous n’aurions pas dû non plus accepter des clauses contractuelles qui allaient inéluctablement conduire à des pertes. De fait, nous avons déjà provisionné 2,3 milliards d’euros au 30 juin 2009, mais nous avons signé, ce qui rend la négociation difficile. Comme me l’a soufflé le ministre de la défense allemand, Pacta sunt servanda… Je tiens à souligner l’intervention du ministre de la défense Hervé Morin, qui a sorti cet avion de l’ornière. Nous ne sommes pas au bout de la négociation, mais il y a négociation, et tous les États, y compris les Britanniques, ont renouvelé leur confiance dans cet avion.

S’agissant du ravitailleur en vol, nous avons gagné toutes les compétitions, que ce soit en Grande-Bretagne, en Australie, dans les Émirats ou en Arabie Saoudite. Nous avons même gagné une compétition aux États-Unis qui portait sur la livraison de 179 ravitailleurs en vol ; toutefois, des éléments juridiques ont fait que le premier appel d’offres a été annulé et qu’un second, différent du précédent, a été lancé, lequel comporte pas moins de 373 critères obligatoires et 93 critères facultatifs. Nous nous engageons dans cette compétition en examinant avec beaucoup de soins ce nouvel appel d’offres et son caractère équitable.

Pour ce qui est d’Eurocopter, premier hélicoptériste mondial, il s’agit de répondre à deux défis. Le premier est de faire face à la crise qui frappe les hélicoptères civils – nous sommes sur le même marché que les avions d’affaires, donc nous subissons la même crise que les producteurs de ces appareils. Dans ce domaine, les cycles sont très courts, ce qui fait que le déficit de commandes en 2009 se traduira par moins de production en 2010. Le marché des hélicoptères civils – l’Écureuil en France, l’EC-135 et l’EC-145 en Allemagne – traverse une période difficile. Heureusement, il ne représente que 30 % du chiffre d’affaires d’Eurocopter, le reste relevant du militaire ou du secteur des services, secteurs beaucoup moins sensibles à la crise.

Le deuxième défi consiste à maintenir son rang dans le cadre de la compétition internationale qui, pour plusieurs raisons, ne cesse de se durcir. Tout d’abord, AugustaWestland qui reçoit, en Italie, un volume considérable de subventions dont nous souhaitons que Bruxelles vérifie la légalité. Ensuite, la compétition est réapparue aux États-Unis. Environ 2 000 Blackhawk ont été commandés à Sikorsky, ce qui lui permet de repartir sur le marché civil. Pour faire face à cette concurrence, nous souhaitons que les hélicoptères du futur soient concernés par l’emprunt national.

En ce qui concerne l’espace, nous sommes candidats au rachat des satellites de télécommunications Syracuse des armées françaises. À l’instar de ce que nous faisons déjà avec l’armée britannique, nous souhaitons apporter à nos forces un service de télécommunications tout en étant propriétaires des satellites. Un appel d’offres doit être lancé par le ministère de la Défense. Nous sommes en concurrence avec Thalès.

Nos activités liées à la défense sont dynamiques. Nous avons remporté des succès notables, en particulier pour ce qui concerne le dispositif de surveillance des frontières de l’Arabie Saoudite. Près de la moitié de la charge sera assurée dans notre pays.

En matière de défense, notre défi consiste à pénétrer le marché américain, premier marché mondial. Pour cela, nous devons devenir des acteurs industriels aux États-Unis, c’est pourquoi nous n’excluons pas de procéder à des acquisitions.

Plus globalement, nous devons trouver un point d’équilibre entre, d’une part, les activités d’Airbus, qui se caractérisent, pour chaque programme, par un poids unitaire considérable, par une dépendance par rapport au cours du dollar et par une variabilité des cycles commerciaux du secteur aéronautique, et, d’autre part, des activités dont les variations de cycle sont plus limitées et qui ne sont pas sensibles aux cours de la monnaie américaine. Parmi celles-ci : l’espace, la défense et les services. La défense représente pour EADS plus de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

L’emprunt national qui va être lancé est destiné à placer l’économie française en situation de compétitivité, notamment en ce qui concerne les programmes à haute technologie. Parmi les nombreux secteurs économiques qui pourraient bénéficier du support de cet emprunt, l’industrie aéronautique, spatiale et de défense ne doit pas être oubliée car, je le rappelle, c’est l’une des rares en France dans les hautes technologies à occuper une position mondiale – acquise grâce au lancement de grands programmes comme ceux d’Airbus ou Ariane. Notre pays doit rester à la pointe de la technologie. Certes, il faut développer de nouveaux pôles, mais il convient aussi de conforter les pôles industriels stratégiques existants – le nucléaire, l’aérospatial, les télécommunications –, qui ont été bâtis grâce aux grands programmes lancés dans les années 70.

Nous souhaitions que la loi de programmation militaire affecte un milliard d’euros à la recherche et à la technologie dans le secteur de la défense. Certes, le PLFI 2010 ne prévoit que 700 millions, mais c’est déjà une amélioration par rapport à la situation antérieure. Notre profession reste mobilisée sur notre objectif commun de parvenir à un milliard, qui était à peu près le niveau que l’on atteignait dans les années 90.

Pour conclure, j’insiste sur la nécessité, d’une part, de soutenir la recherche et la technologie en matière de défense, et, d’autre part, d’affecter une partie de l’emprunt national à l’industrie aérospatiale car elle le mérite.

M. le président Patrick Ollier. Votre appel va être entendu, monsieur le président, car le Grand emprunt est un sujet dont nous discutons actuellement. Vous pouvez compter sur nous pour défendre l’ambition qui est la vôtre.

Par ailleurs, j’observe que, au premier trimestre 2009, le chiffre d’affaires de la division Espace a enregistré une forte hausse.

M. François Brottes. L’emprunt, c’est tous les jours dans notre pays : on emprunte, chaque jour, des centaines de milliers d’euros…à des taux qui sont mêmes inférieurs à ceux qui s’appliqueront au Grand emprunt !

Nous aurions aimé que les transports restent du domaine de compétence de la Commission des affaires économiques, car sans les transports, notamment aériens, on voit mal comment l’économie pourrait fonctionner dans le monde.

Vous êtes arrivé, monsieur le président Gallois, tel le pompier de service pour tenter de neutraliser une crise extrêmement grave qui frappait une société internationale de renom dans un secteur stratégique. Il subsiste encore quelques queues de comètes de ces événements dont j’aimerais savoir s’ils ont provoqué des traumatismes.

Nous sommes préoccupés de voir que des pans entiers de notre économie, dans les filières automobile et aéronautique, sont délocalisés. Avec le départ des sous-traitants, ce sont nos savoir-faire qui disparaissent. En dépit des soutiens apportés par le Gouvernement, nous n’avons pas pu retenir Molex, et quelques autres.

Reste-t-il encore une filière aéronautique intégrale en Europe, sachant que ce secteur nécessite des investissements à long terme et que les marchés sont actuellement peu disposés à accompagner les constructeurs d’avions ?

Le transport aérien est pointé comme étant un des éléments destructeurs du développement durable. De quelles marges de progression disposez-vous pour remédier à cette situation ?

Nous avons récemment déploré de dramatiques accidents d’avions. Il semble qu’un certain nombre de compagnies fassent l’impasse sur la maintenance. Mais le problème concerne l’ensemble de la filière. Ne peut-on mettre en place une instance interprofessionnelle pour faire le ménage à l’échelle mondiale ?

Enfin, le fait que la France ait réintégré le commandement militaire de l’OTAN a-t-il eu une répercussion sur les commandes militaires passées auprès d’EADS ?

Enfin, élu de Crolles, j’aurais aimé que vous citiez l’électronique parmi les pôles industriels stratégiques.

M. Lionel Tardy. Pourriez-vous nous donner des informations à propos du statut de société européenne ? Le projet de siège européen avance-t-il ?

Les bruits selon lesquels vous vendriez votre participation de 46 % dans Dassault Aviation sont-ils fondés ?

Que prévoyez-vous pour renouveler la gamme des moyens courriers ?

Envisagez-vous de réduire les cadences, notamment sur l’A320, l’A330 et l’A380, pour lequel seulement quatorze livraisons sont prévues en 2009 ?

Où en est le programme Barracuda, premier drone européen à réaction ? Attendez-vous des prises de commandes ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Confirmez-vous que les commandes enregistrées depuis le début 2009 sont satisfaisantes, qu’elles garantissent l’emploi des salariés et l’activité des sous-traitants ?

Je pense à une entreprise de ma circonscription, Daher-Socata, dans laquelle, sous les effets conjugués du plan Power8 et de la crise économique mondiale, plus de 350 emplois en CDD ou en CDI ont disparu depuis le début d’année. Il faut dire que le secteur des avions d’affaires, sur lequel pèsent de très fortes incertitudes, représente 50 % de l’activité de l’entreprise.

La nouvelle politique d’Airbus, qui tend à faire fabriquer de plus en plus de pièces hors d’Europe, dans les zones low cost, vient ajouter de l’inquiétude chez nos sous-traitants. Le chiffre de 2 millions d’heures de travail en moins dans la région Midi-Pyrénées a été avancé.

Sur tous ces points, pouvez-vous nous apporter des explications ?

M. Franck Reynier. Je pense que votre appel concernant le grand emprunt a été entendu par l’ensemble de mes collègues.

Pour pérenniser les commandes, vous avez évoqué l’importance de l’état de la confiance envers votre entreprise. Après les difficultés rencontrées par l’A330 il y a quelques mois, quelles mesures avez-vous adopté, notamment pour remplacer les sondes Pitot ou former les équipages ?

L’impact sur l’environnement de tous les moyens de transport doit être réduit. À cet égard, quelles seront les caractéristiques des générations d’avions que le groupe EADS envisage de produire à moyen et à long terme ?

Mme Pascale Got. EADS Composites Aquitaine, filiale d’EADS Sogerma située en Gironde, emploie 300 salariés et génère un chiffre d’affaires de 41 millions d’euros. Le projet de cession annoncé en 2008 a été récemment suspendu mais des informations récentes font état sinon d’une baisse d’activité, du moins d’une modification de la répartition territoriale de la production. Pourriez-vous nous faire connaître les intentions du groupe EADS concernant cette entreprise ?

M. Jean-Marie Morisset. Qu’entendez-vous par « commandes brutes » ?

Quelle est la structure de l’actionnariat d’EADS et quel est le montant des diverses participations, y compris au sein du capital flottant ?

Quel est le coût de production et de livraison d’un A350 et d’un A380 ?

Quelles relations entretenez-vous avec la Chine ?

M. Jean-Paul Anciaux. Le moment est venu de commencer à dresser le bilan des pôles de compétitivité. Quelle contribution votre entreprise et ses sous-traitants majeurs leur ont-ils apporté ?

M. Daniel Goldberg. J’ai la même interrogation à propos des pôles de compétitivité, en particulier du pôle ASTECH, dans lequel est impliqué le site Eurocopter de La Courneuve.

Les pays européens, notamment la France et l’Allemagne, se livrent-ils à une concurrence en versant des aides publiques à certains établissements ou sites appartenant à la grande famille que constitue votre groupe ? Comment traitez-vous ce problème ?

M. Louis Gallois. Monsieur Brottes, même si M. Gergorin et M. Lahoud ont appartenu à l’entreprise l’affaire Clearstream ne concerne nullement EADS ; elle s’est entièrement nouée en dehors de l’entreprise.

Quant aux poursuites engagées à la suite du rapport de l’AMF – l’Autorité des marchés financiers –, la commission des sanctions a produit un premier pré-rapport qui réduit considérablement la cible puisque ne reste plus en cause que le problème de l’A380. Nous sommes en train de rassembler nos arguments de défense, de même que chacune des sept personnes toujours impliquées. Trois d’entre elles occupent des fonctions très importantes dans l’entreprise, mais cette affaire ne gêne pas le fonctionnement d’EADS.

L’électronique est la mère de nos industries. J’ai cité le nucléaire, les télécommunications et l’aéronautique pour faire référence aux trois grands programmes lancés dans les années 70.

Même si la sous-traitance d’Airbus peut rencontrer des difficultés liées au fait que les A380 sont produits à un rythme inférieur aux prévisions ou que l’A400M a pris du retard, globalement, nous soutenons notre réseau de sous-traitance. Mais celui-ci est impacté par d’autres donneurs d’ordres, comme Boeing – avec le 787 –, Embraer, Bombardier ou Dassault. Leurs propres difficultés rejaillissent forcément sur leurs sous-traitants. Nous avons un intérêt majeur à maintenir notre réseau de sous-traitance – nous produisons en effet en interne moins de 15 % de la valeur ajoutée de nos avions – mais il est impossible de le prendre en charge complètement. Il faut essayer de gérer le problème de la façon la plus responsable possible.

Nous mesurerons l’ampleur et la durée de la crise à la sortie de l’hiver prochain. J’espère que nous ne serons pas amenés à réduire certaines cadences – même si cela ne peut être exclu. Nous n’allons pas fabriquer des avions pour en faire des queues blanches, c’est-à-dire des avions non affectés qui, en particulier, mettraient à mal le marché de l’occasion. Notre responsabilité est de prévenir le réseau de sous-traitance aussi tôt que possible, afin que nous puissions gérer ensemble les difficultés. Lorsqu’un problème arrive à votre connaissance, n’hésitez pas à le faire remonter – mais les entreprises de sous-traitance savent aussi par quel moyen interpeller Airbus ou Eurocopter.

L’effort de recherche et technologie d’une entreprise comme Airbus est concentré à 80 % sur la réduction de l’impact environnemental, qu’il s’agisse d’économies d’énergie ou de réduction de bruit. Ce n’est pas uniquement parce que nous sommes de bons citoyens, c’est aussi parce que le développement du trafic aérien dépendra de sa capacité à limiter son impact sur l’environnement. C’est d’ailleurs pourquoi nous adhérons aux objectifs européens visant une réduction de 50 % des émissions et des bruits d’ici à 2020 par comparaison entre la flotte actuelle, composée d’avions plus ou moins anciens, et ceux de la future génération, en particulier le successeur de l’A320.

Je ne peux laisser dire que la sécurité des avions a régressé. Au contraire, le nombre d’accidents n’a jamais été aussi faible. C’est notre préoccupation essentielle et c’est celle de toutes les compagnies aériennes. L’accident du vol Air France 447 est une tragédie et le souhait de tous est de savoir ce qui s’est passé. Mais les statistiques montrent une décroissance constante du taux d’accidents. Le transport aérien est l’un des modes de transport les plus sûrs.

Nous sommes prêts, comme Air France, à consacrer une somme considérable – nous avons parlé de 10 à 20 millions d’euros supplémentaires – pour rechercher les boîtes noires du vol AF 447, car nous avons besoin de savoir ce qui s’est passé. Airbus est, bien sûr, à la complète disposition du Bureau d’enquêtes et d’analyses, chargé d’apporter des explications.

Il est beaucoup trop tôt pour apprécier l’effet qu’aura sur nos commandes la réintégration de la France dans le commandement militaire de l’OTAN. EADS est le fournisseur d’un certain nombre de systèmes employés par nos armées, notamment le système de contrôle du trafic aérien militaire, qu’il faudra porter aux normes OTAN – il s’en approchait déjà. EADS est dans une situation un peu particulière : sur les quatre pays domestiques de l’entreprise, trois appartenaient déjà au commandement intégré de l’OTAN ; nous participons ainsi au programme Global Hawk par l’intermédiaire de l’Allemagne et à d’autres programmes par l’intermédiaire de l’Espagne ou de la Grande-Bretagne.

Monsieur Tardy, la société européenne est une affaire dont je mesure chaque jour la complexité. Premièrement, les difficultés techniques sont considérables. Deuxièmement, les modèles sociaux étant différents, la négociation sociale sera extrêmement compliquée car les syndicats allemands réclament que la cogestion, ou codétermination, soit élargie au niveau européen. Les organisations syndicales sont plutôt favorables à la société européenne, mais, alors qu’il n’y en a qu’une seule en Allemagne, il y en a cinq en France, trois en Espagne et deux en Angleterre. Troisièmement, il convient de ne pas remettre en cause les fameux équilibres franco-allemands. Quatrièmement, les bouleversements fiscaux seraient considérables. Dans une période où nous avons quantité de sujets à traiter, je ne veux pas entraîner l’entreprise dans un travail bureaucratique gigantesque. Nous conduisons donc une étude de faisabilité, et j’espère pouvoir prendre une décision positive ou négative avant la fin de l’année.

Le siège unique est une idée partagée par tous mais les négociations pour déterminer sa localisation seraient extrêmement compliquées. La seule solution consiste à créer une île artificielle sur le Rhin ! Pour être clair, cette question doit être abordée avec la volonté de maintenir l’équilibre franco-allemand ; je ne suis pas sûr qu’elle soit mûre.

Il n’est pas question de vendre notre participation dans Dassault Aviation.

Nous travaillons sur les briques technologiques nécessaires au renouvellement de la gamme A320, notamment en matière de motorisation, pour réduire la consommation d’énergie et résoudre les problèmes de bruit. Avec cet avion, nous jouerons l’avenir de l’entreprise, et Boeing est dans la même situation que nous. Les choix techniques et de calendrier sont donc très compliqués. En effet, si nous partons deux ou trois ans trop tôt, nous risquons de nous priver de technologies de pointe et, par conséquent, de concevoir un avion démodé assez rapidement.

Je répète qu’il n’est pas prévu à ce stade de baisser les cadences mais que ce ne peut être exclu. Nous examinerons la question durant l’hiver. Les cadences de sortie de l’A380 seront largement plus modestes que prévu car les compagnies aériennes ont différé les livraisons ; toutefois, nous n’avons pas enregistré d’annulation, ce qui constitue un signe très positif.

Nous sommes promoteurs du drone franco-germano-espagnol Talarion et, cet été, au Canada, nous avons fait voler un démonstrateur, baptisé Barracuda : il a fonctionné de manière totalement automatique, identifié des cibles et assuré la liaison avec le sol. Nous avons donc analysé les risques technologiques et nous sommes prêts à lancer le programme. Seul demeure le problème financier.

Madame Robin-Rodrigo, en 2009, ce ne sont pas les commandes mais les livraisons qui sont satisfaisantes. Nous en sommes à 130 commandes nettes – qui résultent de la soustraction entre commandes brutes et annulations –, avec seulement vingt-deux annulations, un volume inférieur à la moyenne des années normales, alors que nous traversons une période de crise. Je n’exclus pas que les annulations soient plus nombreuses l’année prochaine, mais, pour l’instant, les compagnies se contentent de différer les livraisons.

Daher-Socata, entreprise que je connais bien, souffre avec le TBM et la sous-traitance de Dassault. La direction, pour s’ajuster à cette situation conjoncturelle, a dû prendre des décisions de suppressions de postes CDD et intérimaires ; mais elle ne le fait pas de gaieté de cœur car ce sont des emplois en moins à Tarbes ; j’ajoute que les personnels concernés détiennent des savoir-faire très utiles.

Les fabrications dans les zones low cost sont encore limitées : je rappelle que 97 % des effectifs d’EADS sont concentrés dans les quatre pays européens d’origine, alors que nous exportons 75 % de notre production – écart qui n’est pas très sain. J’ai fixé comme objectif que 20 % de notre personnel travaille hors d’Europe en 2020, ce qui laisserait toujours 80 % à l’Europe. Une partie de notre sous-traitance recherche des sources à bas prix. Dans un univers hyperconcurrentiel, soumis à la pression énorme du dollar, il est difficile de trouver le point d’équilibre. Mais nous comptons sur notre croissance pour nous implanter à l’étranger tout en maintenant au maximum notre activité en Europe. Pour le moment, nous n’avons pas délocalisé massivement.

Lorsque nous annonçons une réduction des cadences de l’A320 de trente-six à trente-quatre unités par mois, les syndicats demandent que nous réduisions en priorité les cadences des avions assemblés en Chine, qui sont au nombre de quatre par mois. Mais nous devons livrer les compagnies aériennes chinoises et nous avons pris des engagements envers la Chine. Sur le marché chinois, qui sera bientôt le plus gros du monde, notre part est passée de 4 % à plus de 30 %. L’implantation de la ligne d’assemblage est un argument fort sur le marché chinois.

Monsieur Reynier, les compagnies aériennes font confiance à Airbus. Depuis le début de l’année, nous avons reçu davantage de commandes nettes que Boeing. La commercialisation de l’A330 n’a pas souffert de l’accident du vol AF 447 ; il faut dire que les statistiques, depuis sa création, en font un des avions les plus sûrs du monde.

Madame Got, Sogerma a décidé de reporter une partie de la charge de production de Composites Aquitaine sur sa filiale marocaine, Maroc Aviation. Nous cherchons un partenaire pour Composites Aquitaine et nous sommes en discussion avec deux ou trois entreprises. Je suis de près cette affaire difficile car il est évidemment souhaitable que nous maintenions notre patrimoine technologique en Aquitaine.

Monsieur Morisset, EADS est détenu à 15% par l’État français, à 7,5% par Lagardère, à 15% par Daimler, à 7,5% par un consortium réunissant une dizaine de banques allemandes, et à 5 % par l’Espagne. Les droits de vote du consortium étant exercés par Daimler, il perçoit en compensation un dividende privilégié ; ce consortium prendra fin en 2010 mais il pourrait être reconduit. S’agissant du capital flottant, les Russes détiennent environ 5 %, et un fonds souverain de Dubaï, 3,1 % ; le reste fluctue.

Pour ce qui est des coûts de production, ils relèvent du secret commercial.

Nos coopérations avec la Chine sont très variées. Nous développons en commun l’hélicoptère EC175, que nous comptons faire voler dans les prochains mois – nous avions déjà développé ensemble l’EC120. Nous sommes présents dans ce pays depuis trente-cinq ans et nos relations avec l’industrie hélicoptériste sont très étroites. Du côté des avions, des A320 sortent maintenant de la ligne d’assemblage chinoise et la Chine assure un certain nombre de fournitures pour l’A350, en contrepartie des commandes passées par ce pays.

Monsieur Anciaux, nous sommes présents dans un nombre considérable de pôles de compétitivité, à commencer par ASTECH et évidemment Aerospace Valley, dont nous sommes les animateurs, en Midi-Pyrénées et en Aquitaine. J’apprécie cette démarche, qui permet de fédérer les énergies, même si je trouve que ces pôles sont trop nombreux. Peut-être faudrait-il établir une hiérarchie entre ceux qui ont une véritable capacité mondiale et ceux dont le potentiel est plutôt régional ou national. Quoi qu’il en soit, les pôles de compétitivité participent de la politique industrielle que j’appelle de mes vœux.

La crise n’est pas terminée, et nous avons encore devant nous des périodes difficiles. Le tissu industriel français se situe à un tournant. La crise nous a montré que le développement ne peut être bâti sur la spéculation, qu’il faut le fonder sur l’économie réelle, dont l’industrie constitue le fer de lance, sans oublier évidemment les services associés. Nous avons donc besoin d’une politique industrielle européenne. La France, de ce point de vue, est plutôt en avance. Même les Britanniques s’y mettent : M. Peter Mandelson est venu chez nous se renseigner sur les recettes de notre politique industrielle. Les Allemands ne sont pas familiers de ce concept.

Si nous ne faisons rien, l’euro, de fait, redessinera la carte industrielle européenne en spécialisant les régions, avec un risque pour la France. En effet, la compétitivité de l’industrie française est liée aux prix de ses produits, tandis que l’industrie allemande, qui privilégie des produits sans concurrents dans le monde, est, pour l’instant, moins sensible au niveau de l’euro. Il ne faudrait pas que la sortie de crise amplifie ce mouvement de spécialisation intereuropéenne. Nous sommes dans une situation intermédiaire car nous possédons encore un tissu industriel fort, qu’il faut cependant soutenir par une politique européenne d’aménagement du territoire.

Le Grand emprunt peut constituer un élément de politique nationale mais il doit trouver des prolongements dans une politique industrielle et technologique européenne. Il faut donc amener d’autres pays, l’Allemagne en particulier, à partager notre ambition.

Monsieur Goldberg, s’agissant des aides et des programmes, il existe une concurrence entre les différents pays européens. C’est une des problématiques d’EADS et d’Airbus, et je passe un temps considérable à gérer la situation car il n’existe pas de solution toute faite. Chaque pays demande à accueillir les emplois correspondant à ce qu’il paie ; ce n’est pas illégitime mais cela peut conduire à des aberrations industrielles. Il faut trouver le point d’équilibre entre la légitime revendication des États à en avoir pour leur argent et la nécessité de construire des appareils industriels performants, sans constituer de doublons et sans confier à un pays quelque chose qu’il ne sait pas faire.

M. le président Patrick Ollier. Monsieur le président, je vous remercie pour votre franchise.