Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires économiques > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Mardi 10 novembre 2009

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 22

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Examen de la proposition de résolution sur la situation du secteur laitier (n° 1966) (M. Michel Raison, rapporteur)

– Informations relatives à la commission

Commission
des affaires économiques

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Michel Raison, la proposition de résolution sur la situation du secteur laitier (n° 1966).

M. Patrick Ollier, président. La proposition de résolution présentée aujourd’hui a été adoptée le 14 octobre dernier par la commission des affaires européennes. Elle s’inscrit dans le droit fil de nos travaux récents sur l’agriculture au cours desquels notre commission a entendu le ministre Bruno Le Maire puis l’ensemble des syndicats agricoles. Plusieurs d’entre nous participent également à des groupes de réflexion constitués par le ministère en vue de la préparation de la prochaine loi de modernisation de l’agriculture. Enfin, nous nous rendrons demain avec MM. Michel Raison et Jean Gaubert en Saône-et-Loire, au cœur du bassin allaitant, pour une journée de travail et de rencontre avec les producteurs.

M. Michel Raison, rapporteur. En préambule, je rappellerai, comme l’a fait M. Hervé Gaymard devant la commission des affaires européennes, que la présente proposition de résolution constitue en quelque sorte le prolongement du rapport sur le bilan de santé de la PAC, que notre commission avait réalisé conjointement avec la commission des affaires européennes en juin 2008. Nous avons donc cette fois également conduit ensemble les auditions préalables à l’élaboration de la proposition de résolution.

Pourquoi une résolution européenne sur la crise laitière ? Pour comprendre, il faut revenir quelque peu en arrière et se souvenir de ce que fut l’organisation commune du marché du lait à ses débuts. L’OCM lait a été l’une des premières organisations communes de marché mises en place, en 1968. Elle reposait à la fois sur un dispositif de gestion des marchés, avec des mesures de stockage public et privé et des mécanismes de restitution aux exportations et d’aides à la consommation activés en cas de surproduction, et sur un dispositif de prix administré, composé en réalité de trois prix :

– le prix indicatif, qui correspondait au prix estimé par le Conseil européen comme devant être versé aux producteurs ;

– le prix d’intervention, un prix de réserve payé à l’occasion de la mise en œuvre du stockage public ;

– et le prix de seuil, prix minimum d’exportation.

En ignorant complètement les évolutions sur le marché, ce système a fini par entraîner à la fin des années 1970 la constitution de stocks considérables de beurre et de poudre de lait conduisant à la création, en 1984, des quotas laitiers dont le principe avait, à l’époque, suscité une levée de boucliers de la part des organisations syndicales, les mêmes qui réclament aujourd’hui leur maintien.

D’autres décisions vont ensuite profondément modifier ce dispositif, à commencer par la réforme de l’« Agenda 2000 », en 1999, qui supprime le prix de seuil et encadre le prix indicatif et le prix d’intervention, avec pour conséquence une première baisse du prix du lait. En 2003, lors de la réforme de la PAC à mi-parcours, la mise en œuvre des mécanismes d’intervention sur le beurre et la poudre de lait est encadrée : elle ne peut avoir lieu que sur une période donnée et sur un volume prédéterminé. En 2008, enfin, dans le cadre du bilan de santé de la PAC, le prix indicatif est supprimé.

S’agissant des quotas laitiers, leur suppression a été proposée dès 1999, lors du sommet de Berlin. Le gouvernement français avait évidemment défendu le principe du maintien des quotas mais il était minoritaire au Conseil : je me souviens d’ailleurs que M. Pierre Moscovici, ministre des affaires européennes et conseiller régional de Franche-Comté, comme moi, m’avait appelé au petit matin pour me tenir au courant des résultats de la négociation. La suppression des quotas laitiers devait avoir lieu à l’horizon 2012, mais grâce à un accord politique franco-allemand, ceux-ci ont pu bénéficier en 2003 d’une rallonge supplémentaire jusqu’en 2015. La formule prônée par la Commission européenne d’un « atterrissage en douceur » des quotas, consistant en fait en leur augmentation progressive tous les ans jusqu’en 2015, a ensuite été retenue dans le cadre du bilan de santé de la PAC.

Face à la situation du secteur laitier aujourd’hui, chacun essaie de comprendre les origines de la crise. Beaucoup d’explications sont avancées qui s’avèrent souvent erronées. A cet égard, si au sein de la commission des affaires économiques, les parlementaires ont toujours eu à cœur de lutter contre les excès de la grande distribution, Jean-Paul Charié en tête, il faut reconnaître que les pratiques de la grande distribution ne sont pas à l’origine de la crise que traverse aujourd’hui le secteur laitier. Cette crise est d’ailleurs généralisée dans toute l’Union européenne, preuve s’il en était que la grande distribution française n’est pas la raison principale des difficultés de nos producteurs.

Si on observe ce qui s’est passé ces trois dernières années, on se rend compte que sur les dix-huit premiers mois, il y a eu une surchauffe et une incitation à la production dans un contexte de crise alimentaire et de flambée des prix des denrées agricoles. Je rappelle d’ailleurs que la Commission européenne promettait à l’époque que la situation allait perdurer avec des prix durablement élevés, justifiant la suppression des mécanismes d’intervention existant au niveau communautaire. Cette prédiction a été démentie peu de temps après avec une chute rapide des prix qui a conduit à la situation de détresse actuelle des producteurs.

Les principales raisons de la crise sont au nombre de trois :

– c’est tout d’abord le contrecoup de la surchauffe des dix-huit premiers mois : à une hausse excessive a succédé une baisse elle aussi excessive ;

– c’est ensuite la baisse de la demande, notamment en provenance des pays émergents ;

– enfin, c’est surtout l’affaiblissement des instruments de gestion du marché au niveau communautaire, qui n’ont pas réussi à réguler ces excès.

70 % des produits laitiers sont consommés localement sous forme transformée (yaourts, fromages, etc…) et 30 % sont commercialisés sous la forme de poudre. Au total, seuls 6 à 7 % de la production laitière sont échangés sur le marché international, essentiellement de la poudre. Or, ce sont ces quelques pour-cent qui cassent le marché, en raison des exportations à bas prix en provenance en particulier de Nouvelle-Zélande, et qui fabriquent artificiellement le prix mondial du lait. La Nouvelle-Zélande n’a pas du tout la même conception de l’organisation de la production laitière sur le territoire que l’Europe, la seule fonction de l’exploitant laitier néo-zélandais étant de produire du lait à bas coût pour l’exportation.

Que faire ? Il convient d’agir à la fois sur la gouvernance européenne du secteur laitier et sur l’organisation des relations entre producteurs et industriels du lait. Je tiens à cet égard à saluer les efforts du ministre de l’agriculture français au niveau communautaire pour œuvrer en faveur d’une nouvelle régulation européenne de la production. Les États membres de l’Union européenne ont toutefois des positions très divergentes sur les quotas laitiers : un premier groupe d’États membres souhaitent pouvoir s’organiser librement sans quota ; un deuxième groupe d’États membres, emmené par la France, y est plutôt favorable ; le dernier groupe est composé d’États membres qui n’ont jamais très bien supporté les quotas car ceux-ci ne leur permettaient pas de produire à hauteur de leur consommation. La discussion risque donc d’être difficile.

Même si certains se bercent encore d’illusions, on ne peut faire autrement qu’envisager la suppression des quotas. Le rapport sur le bilan de santé de la PAC soulignait en revanche l’impossibilité de supprimer à la fois les quotas et les mécanismes d’intervention sur le marché et la nécessité de mettre en place des nouveaux systèmes de régulation au fur et à mesure de la disparition des quotas. Il nous faut également réfléchir à la conclusion de contrats entre producteurs et transformateurs, même si cela risque d’être compliqué juridiquement car dans ce domaine, il n’y a pour le moment pas de contrat écrit et la facture est établie par l’acheteur : c’est la « paie du lait ». Enfin, il nous faut conserver notre conception de la production laitière, à la fois facteur de production, élément de l’équilibre de nos territoires et activité générant un revenu décent pour les agriculteurs.

C’est pourquoi il vous est proposé aujourd’hui d’adopter une proposition de résolution. Au travers de quatre considérants, celle-ci rappelle tout d’abord les principaux éléments de contexte que sont :

– le rôle du secteur laitier dans notre modèle agricole, à la fois en termes de production et en termes de répartition équilibrée de l’activité sur les territoires ;

– la sensibilité du marché du lait aux fluctuations conjoncturelles ;

– la nécessité d’un cadre stable qui permette de garantir la pérennité de la filière ;

– la mise en place impérative d’un système rénové de gestion de l’offre.

La proposition de résolution se décline en quatre points :

– le premier concerne les instruments de gestion du marché laitier au niveau communautaire et leur utilisation par la Commission européenne. Leur mise en œuvre a été progressivement restreinte et ne permet plus une réelle fluidification du marché qui est cependant leur raison d’être. C’est pourquoi le point 1 insiste sur la nécessité de faire évoluer ces instruments dans le cadre de l’OCM unique ;

– le deuxième point de la proposition de résolution s’attache à la question du droit de la concurrence et de sa nécessaire modification, pour permettre aux producteurs de mieux s’organiser, aux producteurs et aux transformateurs d’établir un cadre stable et prévisible pour leurs relations commerciales et, éventuellement, à la puissance publique d’intervenir pour une meilleure régulation du système ;

– le troisième point porte sur la suppression des quotas laitiers. S’il est aujourd’hui impossible d’envisager qu’une majorité qualifiée d’États membres se dégage pour revenir sur la suppression des quotas programmée pour 2015, augmenter automatiquement chaque année les quotas dans une proportion fixée à l’avance n’a pas de sens, comme cela avait été souligné dans le cadre de la résolution sur le bilan de santé de la PAC ;

– enfin, le quatrième point de la proposition de résolution concerne la mise en œuvre de mesures d’accompagnement de la suppression des quotas. La France a déjà obtenu un certain nombre d’avancées dans le cadre du bilan de santé de la PAC avec l’adoption de l’article 68 qui permet désormais aux États membres de compenser les difficultés de production rencontrées dans certaines régions défavorisées notamment dans le secteur du lait et des produits laitiers. Une enveloppe de 45 millions d’euros sera ainsi consacrée à la production de lait de vache en montagne à travers une aide couplée à hauteur de 20 euros/1 000 litres à partir de 2010. Il faut aller plus loin maintenant pour conforter véritablement les équilibres du secteur laitier, améliorer sa productivité et valoriser ses produits.

De la sorte, la proposition de résolution me paraît balayer l’ensemble des enjeux actuels qui se font jour dans le secteur laitier : c’est la raison pour laquelle je vous propose de l’adopter conforme.

M. Antoine Herth. La proposition de résolution constitue une bonne initiative tant il est vrai que la crise dure toujours comme l’ont montré les derniers mouvements de protestation chez les producteurs de roquefort. Je salue l’analyse qui a été faite de l’évolution du système de gestion des quotas laitiers. Le rapporteur a fort à propos rappelé le rôle d’aménagement du territoire des quotas laitiers, leur suppression à l’avenir suscite donc légitimement l’inquiétude. Il faudra également assurer le revenu des producteurs, alors que les quotas offraient auparavant un cadre harmonieux aux relations entre tous les acteurs de la filière.

Je voudrais insister sur les quatre points affirmés par la résolution, et notamment sur le rôle de l’interprofession dont on a vu qu’elle pouvait jouer un rôle de médiation et dont les recommandations étaient auparavant très attendues au sein du monde agricole. Cela devrait pouvoir continuer, voire être amélioré dans le cadre européen : ce qui apparaît comme une spécificité française pourrait fort bien être étendue au niveau européen pour permettre de trouver un consensus entre acteurs qui devraient a priori être en compétition.

Je voudrais également évoquer la situation de l’industrie laitière française : la restructuration de l’entreprise Entremont a fait l’objet de nombreuses attentions de la part du ministre de l’agriculture et la Commission devrait également suivre ce dossier, car s’il devait mal évoluer, cela fragiliserait considérablement le tissu industriel français dans le secteur laitier.

Enfin, les quotas laitiers seront supprimés progressivement d’ici 2015 et je souscris aux recommandations figurant dans la proposition de résolution pour gérer cette phase de transition. Toutefois, je voudrais attirer l’attention sur une situation nouvelle en Europe : dans la perspective d’une redéfinition des règles du jeu, certains de nos partenaires et concurrents sont tentés par une fuite en avant et se positionnent d’ores et déjà pour conquérir de nouvelles parts de marché. Parallèlement, le gouvernement français persiste dans une attitude frileuse pour la gestion de la fin de campagne actuelle, qui risque de nous faire perdre des occasions de nous positionner sur des débouchés nouveaux. C’est un point sur lequel il conviendrait d’interroger le ministre.

Je suis donc très favorable, comme mes collègues du groupe UMP, à l’adoption de la résolution.

M. François Brottes. On ne peut qu’être d’accord avec une telle résolution. Mais le texte arrive très tard et dément l’attitude de votre majorité sur les quotas. A l’origine, la droite était contre les quotas, tandis que la gauche a tout fait pour qu’ils soient instaurés. Aujourd’hui, vous regrettez le risque de leur disparition. Or, lorsque le Président Chirac a décidé d’évacuer la question des quotas en renvoyant le problème à 2013, nous avions déjà souligné à l’époque que cela revenait à reporter à plus tard un problème qui allait s’avérer gravissime.

Entre-temps, vous avez contribué à déstabiliser la relation entre producteurs, transformateurs et distributeurs. Le rapporteur connaît bien le sujet, mais la résolution passe sous silence le rôle de la distribution. Ainsi, dans l’alinéa 11 de la résolution, il est demandé une modification du droit de la concurrence européen qui permette une régulation visant notamment à organiser des relations plus équilibrées « entre producteurs et transformateurs ». Les distributeurs ne sont pas mentionnés alors qu’ils jouent un rôle extrêmement malsain et « s’en mettent plein les poches » au détriment des producteurs et des transformateurs.

C’est également sous l’actuelle majorité que la DGCCRF, de manière tout à fait inopportune, a cassé la dynamique interprofessionnelle du secteur laitier. Il ne faut pas rejeter sur l’Europe la responsabilité de la France et de votre majorité. Certes, il y a une difficulté à se faire entendre sur le sujet au niveau européen, mais on n’aurait jamais dû céder sur la suppression de certains garde-fous que l’on veut rétablir aujourd’hui. Or, dans le même temps, il y a l’intervention de la DGCCRF et les dispositions de la loi de modernisation de l’économie qui ont déstabilisé les relations entre ceux qui produisent et ceux qui distribuent. La résolution est un catalogue de vœux pieux. Enfin, à l’alinéa 10 de la résolution, qu’entend-on par « flexibilité » ? Le rapporteur pourrait-il nous l’expliquer ? S’agit-il de continuer à neutraliser les conditions de vente et d’empêcher les producteurs de vendre leur produit à un niveau au moins équivalent au coût de production ? Ce n’est pas ce que nous souhaitons !

Mme Annick Le Loch. J’ai assisté à la présentation qu’a faite M. Hervé Gaymard en commission des affaires européennes. Il y a une vraie inquiétude sur les territoires. Les entreprises agricoles, et notamment laitières, sont fragilisées. Au plus fort de la crise, on a évoqué le risque de voir disparaître 30 % des entreprises laitières, qui sont source d’emplois et d’activité. La crise est grave. Elle trouve son origine dans la dérégulation et tout le monde souhaite aujourd’hui des règles sur le marché européen du lait, avec une stabilisation et une sécurisation des marchés, et le maintien des prix d’intervention. Mais aujourd’hui, on constate que les cours sont repartis à la hausse : cela m’interpelle. On pourrait en effet penser que le prix payé au producteur pourrait également repartir à la hausse, ce n’est toutefois pas le cas. Et pourtant, au niveau européen, dès que les prix repartent à la hausse, la Commission freine les moyens d’intervention ou d’aide.

La proposition de résolution contient des idées intéressantes qui sont à retenir, notamment sur le système rénové de gestion, sur la régulation, sur la transparence des marchés, sur la nécessité d’une relation plus équilibrée entre producteur et transformateur. Mais la loi de modernisation de l’économie n’a rien arrangé sur ce point. L’ensemble des points mentionnés dans la proposition de résolution sont à conserver mais il faut exiger davantage de transparence et de règles sur le marché européen pour que les producteurs puissent continuer à vivre du prix de leur production.

M. Jean Dionis du Séjour. Je souhaiterais faire un zoom sur le Lot-et-Garonne : en 1984, il y avait 2 400 producteurs de lait dans le département, en 2009, il en restait 600. Il ne faut par conséquent pas béatifier le système des quotas. Il y a eu une diminution considérable du nombre de producteurs laitiers en 25 ans. Il faut moderniser le système : à cet égard, le texte va dans le bon sens. Comme l’a rappelé le rapporteur, on constate des points de vue divergents en Europe entre, d’une part, le Danemark et les Pays-Bas, où l’exploitation moyenne produit 800 000 à 1 million de litres de lait par an et, d’autre part, les pays avec un modèle d’exploitations familiales, telle la France, où l’on produit 200 000 litres par an. Il y a donc une vraie divergence politique et le rapporteur a raison de dire que le travail politique du Gouvernement pour obtenir une majorité au Conseil des ministres européen va dans le bon sens.

Que veut-on en termes de présence de la production laitière sur le territoire ? La réserve-t-on à ce que l’on appelle le « fer à cheval laitier », c’est-à-dire les régions à herbe sur la façade Atlantique, le nord et les montagnes ? Ou bien veut-on une présence sur tout le territoire, y compris dans des territoires intermédiaires, comme le Lot-et-Garonne ? Dans la résolution, il y a une certaine timidité sur cet aspect, ainsi que sur les indemnités compensatrices de handicaps naturels.

M. Daniel Fasquelle. Il y a une grande attente sur cette question du lait. L’enjeu est considérable à la fois pour les producteurs et pour l’aménagement du territoire. Il y a un choix à faire en la matière, M. Jean Dionis du Séjour a raison. Veut-on ou non assurer une présence des agriculteurs sur tout le territoire ? La vie de nos villages est en jeu. Le secteur agricole n’est pas un secteur comme les autres : il ne peut être soumis aux mêmes règles que les autres. Il faut garantir le revenu des agriculteurs, assurer des prix stables pour les consommateurs et défendre l’autosuffisance alimentaire. Par conséquent, chacun s’accorde à reconnaître que l’activité agricole doit être encadrée.

C’est donc une bonne chose que cette proposition de résolution ait été adoptée par la commission des affaires européennes. Après une forte régulation à l’origine de la PAC, on a assisté à un mouvement inverse et la dérégulation est allée trop loin. Elle a fait l’objet de débats à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Faut-il rappeler que, lors de l’ouverture du cycle de Doha, les socialistes étaient alors au pouvoir, et avaient donné leur accord au démantèlement des aides agricoles. Nous entamons une nouvelle période de régulation, la résolution est donc importante pour l’Europe. Il faudra également en reprendre les principes dans la loi de modernisation agricole, en amendant le droit français de la concurrence et pas seulement le droit européen de la concurrence.

M. Patrick Ollier, Président. Nous sommes tout à fait d’accord sur ce point et nous sommes en train de travailler avec le ministre de l’agriculture, M. Bruno Lemaire, sur un projet et je pense que vous ne serez pas déçu, M. Daniel Fasquelle. M. Bruno Lemaire est un ministre de conviction, qui veut aller jusqu’au bout.

M. Michel Lejeune. C’est au passé qu’il faut désormais parler des quotas laitiers. Demain, ils n’existeront plus. Au niveau européen, les maintenir est une position indéfendable. Ce qui ne signifie pas que cela soit la fin de la régulation. Je me félicite qu’il soit prévu dans la résolution d’organiser un système de contrats entre producteurs, transformateurs et distributeurs. Cela permettra de mieux répartir la production sur l’ensemble du pays.

Je voudrais également évoquer la question de l’impôt foncier non bâti. Les agriculteurs demandent, non pas qu’il soit supprimé mais au moins qu’il soit raisonné. Il y a des différences entre communes de Seine-Maritime, qui vont de 5 % à 100 %. Dans certaines communes, la taxe foncière sur les propriétés non bâties s’élève à 100 %. Il faut là aussi envisager une régulation du système, tout en maintenant le principe de libre administration des collectivités locales.

En outre, on constate un problème d’endettement des jeunes agriculteurs, notamment en Normandie, en particulier du fait des mises aux normes réalisées dans le cadre du PMPOA (plan de maîtrise des pollutions d’origine agricole). Aujourd’hui, ces jeunes agriculteurs sont fortement touchés, et il faudrait prendre le relais des emprunts qu’on leur a fait contracter pour protéger la Mer du Nord et surtout la Manche des risques d’eutrophisation.

Enfin, l’herbe permet de nourrir les bovins mais elle évite également le ruissellement et les problèmes d’inondations et d’érosion, non seulement en zone de montagne mais aussi en plaine. C’est un aspect à prendre en compte.

M. Serge Poignant. J’apporte tout mon soutien à cette résolution. Dans le cadre des mesures d’urgence annoncées par le Président de la République, mais aussi pour la mise en œuvre des mesures de baisse des coûts de la main-d’œuvre, le développement de l’assurance contre les aléas économiques, on est obligé de passer par l’Europe. C’est le cas aussi pour la régulation.

Adopter cette résolution, c’est notre rôle. Nous l’avons fait dans le cadre du bilan de santé de la PAC en 2008. Ce n’est pas un vœu pieux ! Nous devons soutenir le Gouvernement et nous engager totalement en faveur de cette nouvelle régulation. Les changements de politique sont aussi dus à des changements de la part des agriculteurs. Au-delà de la régulation, il faut également apporter notre soutien à la partie « contrat » et à la partie « valorisation des produits » de cette proposition de résolution. Je soutiens par conséquent cette proposition de résolution sur le lait et souhaite que nous allions plus loin en nous intéressant plus largement à la crise agricole, et en particulier à l’élevage porcin et aux fruits et légumes.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je soutiens cette proposition de résolution même si à l’alinéa 10, on ne donne aucun détail sur les nouveaux instruments à développer et si, à l’alinéa 11, on ne va pas jusqu’à mentionner la distribution.

Le lait est un produit de première nécessité, il faut donc une meilleure organisation de la production, de la transformation et de la distribution, à travers un encadrement des prix et des volumes. A chaque maillon de la chaîne, on doit pouvoir gagner correctement sa vie.

Réguler les volumes et les prix, il me semble qu’il s’agit toujours de quotas. Mais il doit y avoir des modes en termes de vocabulaire.

Enfin, la traçabilité des produits doit permettre de protéger notre production.

Mais, au final, la régulation ne peut se faire qu’au niveau mondial. J’ai d’ailleurs écrit au Président de la République pour lui demander un « G 20 » de l’alimentation et de l’agriculture. Et si aucune action concertée n’est possible au niveau mondial, alors nous devrons mettre en place une préférence communautaire.

Enfin, je voudrais souligner que la crise agricole date de bien avant la LME.

M. Gabriel Biancheri. Le Président de la République viendra dans quelques jours dans ma circonscription, pour annoncer des mesures pour la filière fruits et légumes, notamment sur le coût horaire du travail des saisonniers.

La résolution vient à point nommé pour la filière laitière, qui connaît plusieurs vrais problèmes. Nous arrivons au bout d’une évolution technique et sanitaire, censée permettre de mieux produire chaque année. Aujourd’hui, les exploitations sont donc très spécialisées. Dans certaines zones, seul l’élevage est possible, et le coût des équipements interdit toute reconversion. Certains jeunes agriculteurs ont investi 300 000 à 400 000 euros pour des équipements très performants. Sans régulation du secteur leur permettant de vivre de leur travail, ils seront obligés d’abandonner leur métier.

M. Jean-Pierre Nicolas. Les producteurs de lait sont aux abois, dans toute la France. Leurs ressources diminuent, mais ils doivent continuer à rembourser leurs emprunts. La proposition de résolution sur la politique européenne est intéressante, mais nous devons aussi prendre des mesures franco-françaises.

M. Michel Raison, rapporteur. Je me réjouis de la passion pour l’agriculture qui s’exprime à travers ces interventions ; il ne s’agit pas seulement d’alimentation, c’est toute une culture qui est remise en cause.

M. Antoine Herth, j’adhère à vos remarques, et je partage vos inquiétudes sur les pertes de parts de marché, puisque nous n’atteignons déjà plus nos quotas, avant même la libéralisation du marché. Des producteurs d’autres pays en profiteront.

M. François Brottes, je vous ai connu mieux inspiré. Cette résolution ne vient pas trop tard. Elle n’a pas vocation à résoudre tous les problèmes. Elle complète nos travaux sur le bilan de santé de la PAC, pour préparer la suppression des quotas en 2015. Je rappelle que la suppression des quotas a été décidée en 1999. Ne schématisons donc pas, la droite n’est pas contre les quotas quand la gauche les défendrait.

M. François Brottes. Mais si ! C’est Louis Mermaz qui les a créés !

M. Michel Raison, rapporteur. M. le Président Ollier, vous suggérez un amendement pour mentionner les distributeurs, mais la résolution s’adresse à l’Union européenne. Certes, les dysfonctionnements dans le secteur de la distribution perdurent, même après la loi de modernisation de l’économie. Ce n’est toutefois pas cette loi qui est à l’origine de la crise laitière, dans la mesure où celle-ci est européenne et où la France est l’un des pays où le lait est payé le plus cher en Europe. Inutile de prendre la grande distribution comme bouc émissaire.

Je ne pense pas non plus qu’il soit de bonne politique de s’en prendre à la DGCCRF, qui s’est contentée de faire son travail. Le législateur a fait le sien en rétablissant le CNIEL dans son rôle dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009.

Sur la flexibilité des instruments de gestion, il n’y a rien d’idéologique, il faut simplement que ces instruments s’adaptent aux évolutions du marché : s’ils sont trop rigides, ils ne servent à rien.

Mme Annick Le Loch, les cours sont instables. L’objectif de la résolution est précisément d’inciter l’Union européenne à lutter contre les fluctuations trop importantes. Il y a aussi une réflexion à mener sur les DPU (droits à paiement unique) et sur le fait que les aides restent stables en période de hausse des cours. Le développement de l’assurance contre les aléas climatiques, voire les aléas économiques, peut également apporter un élément de réponse.

M. Jean Dionis du Séjour, vous vous inquiétez de la diminution du nombre de producteurs de votre département, qui, proportionnellement, correspond à la diminution du nombre d’agriculteurs au niveau national. L’instauration des quotas impliquait la restructuration des exploitations laitières, qui était nécessaire. Et on reste encore dans une moyenne de production laitière plutôt faible, de l’ordre de 230 000 litres par exploitation. Le drame serait en revanche que cette production ne soit plus concentrée que dans quelques régions.

Vous reprochez à la résolution sa timidité sur les compensations. Mais de nombreuses avancées ont déjà été faites dans le cadre de l’article 68, sur les régions de montagne et les régions défavorisées. C’est pourquoi la résolution n’aborde pas cette question.

M. Daniel Fasquelle, vous avez raison d’évoquer l’autosuffisance alimentaire, qui doit rester un souci permanent, de même que les excès de la dérégulation.

M. Michel Lejeune, pouvons-nous admettre formellement la fin des quotas ? Avec le traité de Lisbonne, cette question relèvera désormais du domaine de la co-décision au niveau communautaire et tout peut peut-être encore évoluer d’ici 2015. Sur vos autres sujets de préoccupations, le Gouvernement a pris des mesures d’urgence pour venir en aide aux producteurs endettés et de nombreux dispositifs existent pour soutenir les productions herbagères, comme la PHAE (prime herbagère agro-environnementale).

M. Serge Poignant, vos remarques étaient très pertinentes.

M. Jean-Charles Taugourdeau a évoqué le rôle de la grande distribution, et la perspective de la suppression des quotas. Certes ces quotas n’ont pas toujours existé, et les producteurs ont pu vivre sans cet instrument de régulation. Pour autant il convient de leur substituer un instrument intelligent, comme la contractualisation : si une entreprise contractualise la quantité susceptible d’être vendue, cela constitue en effet une forme de quota privé. Ainsi pour la plus grosse AOC de France, celle du comté, qui représente une production annuelle de cinquante mille tonnes, les « plaques vertes » constituent une sorte de quota.

A M. Gabriel Biancheri, qui déplorait un excès de spécialisation, je souhaiterais dire que de mon point de vue, la responsabilité n’appartient pas qu’aux agriculteurs. Le législateur doit également intervenir en donnant des leviers d’action. Avec le PMPOA, nous avons favorisé des bâtiments agricoles nécessitant de forts investissements, alors que depuis quinze ans, le Royaume-Uni privilégiait les bâtiments faciles à reconvertir. Nous avons contribué à figer les secteurs et favoriser les monoproductions, et nous devons donc veiller à accompagner les changements ou la diversification de la production.

M. Jean-Pierre Nicolas a évoqué le dossier franco-français qui sera traité dans le cadre de la loi de modernisation agricole. La difficulté à laquelle nous serons confrontés consistera pour nous à aller le plus loin possible dans le respect de la réglementation européenne. Le ministre aura de ce point de vue une tâche délicate de négociation à mener pour assouplir un certain nombre de règles européennes afin que le législateur puisse en établir d’autres au niveau national.

M. François Brottes. Je regrette les propos du rapporteur sur mon analyse du dossier. Celui-ci n’a en revanche pas relevé dans mon propos, l’absence de mention des distributeurs dans le texte qui nous est présenté.

M. le président Patrick Ollier. C’est parce que vous l’avez évoqué que j’ai proposé un amendement à notre rapporteur, qui a donné son avis sur ce point.

M. François Brottes. Je regrette encore une fois que les distributeurs ne soient pas évoqués à l’alinéa 11 de cette proposition de résolution contrairement, d’ailleurs, à ce qu’ont l’air de croire plusieurs collègues de la majorité. L’absence de concurrence au niveau des centrales d’achat pose problème, y compris au regard des règles européennes. On ne peut se contenter d’évoquer une contractualisation entre producteurs et transformateurs, ce n’est pas sérieux ! Sous cette réserve, nous serions favorables à cette proposition de résolution, et nous prendrions ainsi toutes nos responsabilités si son adoption à l’unanimité était susceptible de rouvrir les discussions sur la régulation du secteur laitier.

M. Michel Raison, rapporteur. Je souhaite évidemment que cette proposition de résolution soit adoptée à l’unanimité, notamment parce que cela constituerait un signal positif à l’égard de nos agriculteurs. Je n’étais pas favorable à la proposition d’amendement de notre Président, que M. Brottes me demande de reconsidérer, parce que, comme le montre le rapport de notre collègue sénateur Jean Bizet sur le prix du lait dans l’Union européenne, la tendance à accuser la grande distribution ne résiste pas à l’analyse : son attitude n’est pas la cause de la crise laitière. Il est vrai cependant qu’une très forte pression est exercée sur les producteurs de lait, et au-delà d’eux, sur l’ensemble des producteurs. Pour obtenir l’unanimité de notre commission, j’accepte donc l’amendement du Président Ollier visant à mentionner les distributeurs dans la proposition de résolution.

M. Jean-Charles Taugourdeau. J’appuie également cette initiative. Et je rappellerais que lorsque l’on vise les distributeurs, il ne s’agit pas seulement de la grande distribution, mais au-delà des transformateurs, il y a aussi la logistique, le transport. C’est toute la chaîne qu’il faut considérer.

La Commission adopte à l’unanimité l’amendement de M. Patrick Ollier, Président, à l’alinéa 11 puis la proposition de résolution ainsi modifiée.

◊ ◊

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION

Amendement CE 1 de M. Patrick Ollier

A l'alinéa 11, substituer aux mots :

« et transformateurs »,

les mots :

« , transformateurs et distributeurs ».

◊ ◊

Informations relatives à la commission

La Commission a procédé à la nomination de rapporteurs.

Elle a désigné :

– M. Noël Mamère rapporteur sur la proposition de loi pour un tiers secteur de l’habitat participatif, diversifié et écologique (n° 1990) ;

– M. André Chasssaigne rapporteur sur la proposition sur le droit au revenu des agriculteurs (n° 1992) ;

– M. Pierre Gosnat rapporteur sur la proposition de loi de visant à prendre des mesures urgentes pour le logement (n° 1993).

◊ ◊

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 10 novembre 2009 à 16 h 15

Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Gabriel Biancheri, M. François Brottes, M. Jean Dionis du Séjour, M. Daniel Fasquelle, M. Louis Guédon, M. Antoine Herth, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, M. Jean-René Marsac, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Patrick Ollier, M. Serge Poignant, M. Franck Reynier, M. Jean-Charles Taugourdeau

Excusés. - M. Henri Jibrayel, M. Jean Proriol

Assistait également à la réunion. - M. Jean-Luc Pérat

——fpfp——