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Commission des affaires économiques

Mardi 1er juin 2010

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 67

Présidence de M. Patrick Ollier Président

– Examen de la proposition de loi relative à l’urbanisme commercial (n° 2490) (M. Michel Piron, rapporteur)

La commission a examiné la proposition de loi relative à l’urbanisme commercial (n° 2490) sur le rapport de M. Michel Piron.

M. le président Patrick Ollier. Nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner une proposition de loi relative à l’urbanisme commercial dont l’objectif est d’intégrer le droit de l’urbanisme commercial dans le code de l’urbanisme. Lors du débat sur la loi de modernisation de l’économie, en 2008, le secrétaire d’État à la consommation s’était engagé en séance publique à travailler à la convergence du droit de l’urbanisme et du droit commercial, et Mme Lagarde elle-même avait pris l’engagement de revenir, dans les six mois, devant la représentation nationale avec un projet de loi en ce sens. Le rapport de notre regretté collègue et ami, Jean-Paul Charrié, intitulé « Avec le commerce, mieux vivre ensemble », témoigne d’un travail très intéressant sur le sujet. Depuis deux ans, après avoir rappelé plusieurs fois au Gouvernement ses engagements et en l’absence de projet de loi, des collègues de la majorité ont pris l’initiative de travailler à l’élaboration d’un texte dont le mérite est de servir de base de discussion. C’est la première fois que nous nous livrons à un tel exercice, fort difficile au demeurant. Le travail de synthèse réalisé par le rapporteur, M. Michel Piron, a été confronté aux points de vue des cabinets de M. Apparu et de M. Novelli, secrétaires d’État chargés respectivement de l’urbanisme et du commerce.

Le schéma établi par la proposition de loi se décline en fonction du périmètre existant.

Premièrement, le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale – SCOT – comporte un chapitre, qui pourrait s’intituler schéma d’orientation commercial ou document d’aménagement commercial, fixant les orientations en matière d’urbanisme commercial. Le plan local d’urbanisme décline au niveau de la parcelle les orientations ainsi fixées.

Deuxièmement, sous réserve que l’on se situe dans le périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale – EPCI –, le règlement du plan local d’urbanisme intercommunal comporte un chapitre, qui pourrait être dénommé document d’aménagement commercial, réglant les mêmes problèmes que le chapitre du document d’objectifs du SCOT pour l’ensemble des communes.

Troisièmement, si l’établissement public intercommunal n’est pas doté d’un SCOT ni d’un PLU intercommunal, la proposition de loi lui attribue une compétence lui permettant d’établir un schéma d’orientation commerciale.

Quatrièmement, dans l’hypothèse où une commune n’est pas dotée d’un SCOT ni d’un PLU ni incluse dans une intercommunalité, l’autorisation d’implantation commerciale est attribuée par la commission régionale d’aménagement commercial (CRAC). Ainsi, la proposition de loi supprime les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) et la Commission nationale d’aménagement commerciale (CNAC).

En cas de problème de compétence entre deux agglomérations ou deux CRAC voisines, le ministre compétent tranchera.

M. le rapporteur Michel Piron. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui poursuit un objectif : réintégrer l’urbanisme commercial dans l’urbanisme général. Aujourd’hui, des préoccupations urbanistiques viennent se greffer péniblement à l’activité commerciale ; ce texte de loi propose l’inverse : que l’urbanisme organise la présence commerciale. En effet, la liberté d’entreprise ne doit pas être synonyme d’implantation anarchique.

À cet égard, l’alinéa 1 de l’article 1er constitue la base juridique de la déclinaison des différents périmètres. Dans la suite logique du Grenelle II, cette PPL prend en compte, au-delà de la concurrence, l’habitat, le travail, les services, la revitalisation des centres-villes, la cohérence entre les équipements commerciaux, la desserte en transports, la maîtrise de flux de marchandises et de personnes, la consommation économe de l’espace, la protection de l’environnement, des paysages et de l’architecture, et la diversité commerciale.

J’ai bien entendu ici ou là des objections d’ordre « européen », mais, en la matière, la France doit-elle être plus royaliste que le roi ? À cet égard, je vous invite à relire mon rapport qui présente des exemples européens très intéressants, comme ceux de l’Allemagne et de l’Italie.

Je voudrais m’arrêter quelques instants sur le cas allemand. Le code de l’urbanisme allemand comprend une typologie des commerces. Son article 34 prévoit que les projets situés à l’extérieur d’une agglomération ne doivent pas porter préjudice aux commerces de centre-ville ni aux commerces de quartier de la commune environnante. L’article 35 de ce code rappelle qu’un projet de construction n’est licite que lorsque des intérêts publics ne s’y opposent pas, et que des équipements collectifs suffisants sont assurés.

Les deux principaux objectifs du droit de l’urbanisme commercial allemand sont de garantir les fonctions essentielles d’approvisionnement dans les centres-villes, et de promouvoir l’aménagement du territoire et la protection de l’environnement. Les Allemands raisonnent d’abord en termes d’impact sur l’urbanisme, et non pas sur la seule concurrence, locale de surcroît. L’argument selon lequel cette PPL fausserait la concurrence à l’échelle européenne ne tient donc pas.

Pour en revenir à la proposition de loi, lorsque l’on définit une politique d’urbanisme, ce sont les élus qui en ont la définition. À cet égard, la disposition supprimant les CDAC et la CNAC est importante. Dès lors, les questions respectivement du périmètre, du document et de la gouvernance se posent. Se pose également la question de savoir quelle est la bonne adéquation entre surfaces de vente et besoins des habitants.

C’est à ces questions que la proposition de loi tente de répondre, en prônant un changement complet de pilotage.

Le périmètre de gouvernance que nous avons retenu est intercommunal dans sa dimension de bassin de vie, à l’échelle la plus pertinente possible. Le dispositif que nous vous proposons repose sur l’architecture suivante.

Le schéma de cohérence territoriale (SCOT) sera le document maître en matière d’urbanisme commercial. C’est à lui qu’il reviendra de déterminer les localisations préférentielles des commerces, pour répondre à des objectifs d’aménagement du territoire rappelés plus haut : revitalisation des centres-villes, services de proximité, cohérence entre les commerces, les transports et la maîtrise des flux, consommation économe de l’espace, et protection de l’environnement et des paysages. À cet égard, nous nous inscrivons dans la continuité du Grenelle de l’environnement.

Le SCOT pourra déterminer des zones de centre-ville – ou zones de « centralité », pour tenir compte des centres de quartier dans les villes importantes – où seul le PLU réglementera l’urbanisme commercial. En dehors des centralités, il définira des zones où les implantations commerciales seront autorisées, à certaines conditions. Le SCOT précisera, sans descendre dans le détail, quels types de commerces peuvent être implantés dans la zone concernée.

Dans l’hypothèse, assez rare, où l’intercommunalité se sera dotée d’un plan local d’urbanisme, ce dernier pourra jouer le rôle du SCOT en matière d’urbanisme commercial. C’est ce que nous avons soutenu dans le cadre du Grenelle de l’environnement.

Une intercommunalité non dotée d’un SCOT ou d’un PLU intercommunal pourra se saisir de la compétence en matière d’urbanisme commercial et élaborer un schéma d’orientation commerciale (SOC).

Enfin, en l’absence de structure intercommunale, ou lorsque l’intercommunalité ne se sera dotée ni d’un SCOT, ni d’un PLU, ni d’un SOC, les projets de commerce d’une surface supérieure à 500 m2 seront soumis à l’autorisation d’une commission régionale dont le rôle est exceptionnel. Quelques amendements portent sur la surface.

En résumé, dès lors qu’une intercommunalité se sera dotée d’un document de planification, les autorisations commerciales disparaîtront et seul subsistera le permis de construire auquel le SCOT sera directement opposable en l’absence de PLU.

La commission régionale n’a donc qu’un rôle transitoire à jouer, et la PPL constitue une incitation forte à se doter d’une structure intercommunale qui dispose d’instruments de planification couvrant ce périmètre.

Point essentiel : notre proposition de loi supprime la Commission nationale et les commissions départementales d’aménagement commercial. Les dispositions de la LME en matière de seuils sont également abrogées de sorte que les dispositions d’urbanisme commercial disparaîtront du code de commerce. Le contentieux entrera dans le droit commun du contentieux de l’urbanisme, qui est un contentieux administratif classique.

Plusieurs dispositions visent à ménager des transitions dans le temps et dans l’espace.

Dans le temps, la transition est ménagée par des commissions régionales qui ne joueront un rôle que tant que les collectivités territoriales ne se seront pas dotées de l’instrument de planification adéquat ; je précise à cet égard que le territoire national a vocation à être couvert de SCOT à l’horizon de 2017.

Dans l’espace, il reviendra au préfet de jouer un rôle de coordination aux frontières entre deux SCOT. De même, les commissions régionales joueront un rôle essentiel pour éviter les logiques de cavalier seul en périphérie des SCOT.

Voilà pour ce qui est de la structure de la proposition de loi.

Maintenant, il nous faut préciser que le texte a été examiné dans des délais très contraints. Certains amendements, susceptibles d’ajustement avant la discussion en séance publique, vous seront donc proposés.

Le premier amendement vise à préciser, au sein de la loi, le seuil de 1 000  m2 de surface hors œuvre nette – SHON – au delà duquel le SCOT doit autoriser les implantations commerciales. Avec le président et quelques collègues, nous vous proposons là un compromis, après de très longues discussions Je précise que toutes les références au droit de l’urbanisme utilisent l’appellation « surface hors œuvre nette ».

Un deuxième amendement précise que la typologie des commerces sera définie par décret en Conseil d’État, car elle doit être clarifiée. Nous souhaitons cependant que le SCOT puisse distinguer quatre catégories de commerces : commerces de consommation courante ; commerces de consommation non courante ; centres commerciaux regroupant ces deux types de commerces ; commerces de gros.

La notion de « consommation courante », qui sera également précisée par décret en Conseil d’État, renvoie aux produits occupant une faible surface de vente en raison de leurs dimensions réduites, qui attirent beaucoup de clients, qui sont souvent demandés et que l’on trouve essentiellement proposés à la vente en centre-ville ou à proximité.

Un troisième amendement permet au règlement du PLU de prévoir des règles visant à maintenir la diversité commerciale des quartiers et à préserver les espaces nécessaires aux commerces de proximité satisfaisant la diversité des besoins des habitants de ces quartiers. En effet, il est essentiel que les surfaces d’offre commerciale soient adaptées à la démographie, à l’âge et aux capacités d’achat des populations concernées par une zone de chalandise.

Quatrième point, nous souhaitons que, lors de la délivrance du permis de construire relatif à un commerce dont la surface dépasse le seuil fixé par le document d’urbanisme intercommunal couvrant un territoire donné, le maire recueille l’avis de l’EPCI ayant établi ce document d’urbanisme. En effet, le permis de construire doit être assis juridiquement sur des bases solides. Nous serons ouverts à la discussion s’agissant de cet amendement.

En cinquième lieu, si la PPL prévoit que la commission régionale délivre des autorisations en cas de projet de commerce d’une surface hors œuvre nette supérieure à 500  m2, nous proposons de ramener ce seuil à 300 m2. J’y insiste : il s’agit du cas où il n’y aucun document d’urbanisme. Il est important, en effet, de disposer d’un seuil relativement bas pour les projets se situant en dehors des territoires couverts par un document d’urbanisme, en cohérence avec les objectifs du Grenelle de l’environnement. Il s’agit donc d’une forte incitation à se doter des documents de planification. Il faut en effet éviter les « effets de frontière » pour les territoires situés en périphérie immédiate de territoires couverts par un document d’urbanisme intercommunal. Sans seuil suffisamment limité, on risquerait de ne pas être suffisamment incitatif. Cette disposition est cohérente avec la règle de constructibilité limitée devant s’appliquer à tous les territoires non couverts par un SCOT à l’horizon 2017, ainsi que le prévoit le Grenelle de l’environnement.

Enfin, nous proposons de renforcer la présence des élus au sein de la commission régionale.

Moyennant ces modifications, nous vous proposerons d’adopter cette proposition de loi.

M. le président Patrick Ollier. Premièrement, cette proposition a pour objet de redonner le pouvoir aux élus en matière d’urbanisme commercial. Deuxièmement, elle ne constitue pas un texte définitif. Nos travaux permettront de l’achever, à la lumière des positions des différents groupes et du Gouvernement, afin qu’elle devienne acceptable, sinon pour tous, au moins pour la majorité. Si nous n’y parvenons pas, je prendrai mes responsabilités en tant que premier signataire de la proposition de loi : nous la retirerons. En effet, sur une matière aussi difficile, je ne veux pas d’un texte qui ne satisfasse pas les sensibilités de la majorité, ni mettre le Gouvernement en difficulté. Nous demanderons alors à ce dernier de déposer rapidement un projet de loi.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme. Je tiens à remercier l’ensemble des signataires de cette proposition de loi dont l’objectif est de faire avancer notre pays, après trente ans de textes législatifs successifs, vers l’équilibre commercial entre les centres-villes et les périphéries, entre les commerces traditionnels et le les nouvelles formes de commerce – je pense en particulier à Internet. L’évolution commerciale dans les centres-villes mêmes est un sujet éminemment complexe en raison du développement de services qui se sont peu à peu substitués aux commerces traditionnels, lesquels ont souffert également du développement anarchique des zones périphériques. Pour autant, dans la mesure où le développement de cette offre commerciale répond à la liberté de l’entreprise et d’installation commerciale, le Gouvernement souhaite maintenir les éléments de concurrence, au cœur même de l’économie de marché.

À l’occasion de la discussion de loi LME, le Gouvernement avait pris l’engagement devant l’Assemblée nationale de déposer dans les six mois un texte destiné à intégrer l’urbanisme commercial dans l’urbanisme de droit commun. En effet, un double système d’autorisation régit les implantations commerciales : une autorisation commerciale et une autorisation d’urbanisme classique, via le permis de construire.

Aujourd’hui, le code de l’urbanisme doit réglementer l’ensemble des activités dans une collectivité. Le développement anarchique d’une collectivité, d’un bassin de vie, découle de l’organisation sans cohérence des transports, de l’habitat, du développement commercial, de zones industrielles artisanales, sans document d’urbanisme approprié. Or l’un des fondements du Grenelle de l’environnement est de trouver un équilibre sur un territoire donné.

J’ajoute que, trop souvent, le développement du commerce, notamment en périphérie, s’est fait de façon anarchique, avec des règles d’urbanisme insuffisamment contraignantes, au point que nos entrées de ville sont aujourd’hui défigurées.

Intégrer l’ensemble des données commerciales dans le code de l’urbanisme signifie que seules des règles d’urbanisme doivent guider nos choix – et non des éléments de nature économique. C’est bien l’équilibre général d’un texte que nous souhaitons voir appliqué.

Si le Gouvernement approuve le schéma général présenté par M. le président, encore faut-il définir l’architecture des documents d’urbanisme et les règles d’opposabilité, d’où la question, essentielle, de savoir ce qu’inclut le SCOT.

À cet égard, le Gouvernement s’interroge, car la proposition de loi ne fixe aucun seuil. Autrement dit, l’ouverture d’un commerce de 50 m2 serait soumise à l’intégralité de la réglementation prévue par le texte ; ce n’est pas tout à fait ce que peut souhaiter le Gouvernement. Il a donc déposé un amendement visant à réintégrer un seuil en dessous duquel les règles classiques de l’urbanisme d’un PLU s’appliquent.

Le deuxième grand débat tourne autour de la typologie. Telle surface alimentaire peut-elle être comparée à un autre commerce non alimentaire ? Les choix que vous ferez, après en avoir débattu, seront lourds de conséquence et il faudrait éviter les situations inextricables, par exemple en cas de changement de commerce. C’est pourquoi je reste mesuré sur la question. Je crains que l’on ne donne aux élus, en matière d’installation commerciale, la capacité d’agir en opportunité. Or ce n’est pas leur vocation. Ce sont les règles d’urbanisme qui doivent s’appliquer.

Je remercie une nouvelle fois la commission et son président de leur très heureuse initiative. Au-delà des désaccords, il nous faudra trouver le bon équilibre même si le sujet est délicat au point d’avoir occupé le Parlement et le Gouvernement depuis de très nombreuses années. Personne n’a la science infuse et nos réussites respectives sont pour le moment très relatives. Nous devons donc mettre fin à un système qui n’assure pas le développement harmonieux du commerce, des centres-villes ni l’équilibre avec la périphérie. Nous avons du pain sur la planche.

M. Serge Poignant. Vous avez parfaitement présenté l’enjeu du texte, monsieur le président, et nous allons devoir discuter, y compris au sein du groupe majoritaire car, si je parle au nom de l’UMP, toutes nos voix ne disent pas forcément la même chose dans tous les domaines.

Nous vous remercions d’avoir inscrit cette proposition de loi à notre ordre du jour car, il y a deux ans, le Gouvernement avait dit qu’il agirait, et nous sommes toujours dans l’incertitude. La proposition, qui est une base de discussion, définit une architecture globale avec laquelle nous sommes d’accord – et le Gouvernement aussi –, qui intègre le droit commercial dans le droit de l’urbanisme et précise les différents niveaux.

Quant à savoir ce qu’il faut mettre dans le SCOT, et sous quelle forme – document d’aménagement commercial, schéma d’orientation commerciale ou un volet annexé –, nous devrons en discuter. Pour ma part, je suis plutôt pour un volet.

La typologie des commerces est aussi en débat. Je suis de ceux qui pensent qu’une grande surface alimentaire n’est pas la même chose qu’une grande surface d’équipement à la personne. Mais il n’est pas question de descendre trop dans le détail.

Nous devrons également nous préoccuper des évolutions ultérieures. Que se passera-t-il en cas de changement d’enseigne ?

Nous avions beaucoup discuté au moment de l’examen de la LME de la question du seuil. Les 1 000 m2 avaient posé problème à beaucoup de nos collègues et nous avions voté un amendement distinguant le seuil selon la taille des communes. Certains, parmi nous, estiment qu’il faut abaisser le seuil en dessous de 1 000 m2. D’autres, comme notre rapporteur, considèrent que le chiffre de 1 000 m2 de SHON est suffisant. Pour l’instant, j’en reste à 300 m2, mais, en tout état de cause, la SHON me paraît plus adaptée que la surface de vente.

Trouver le bon équilibre, là est toute la question, et ce ne sera pas chose aisée. Mais, en nous fondant sur l’intégration du commerce dans l’urbanisme classique, nous devrions avancer à condition de partager nos expériences respectives.

Pour le moment, je me range à la présentation du président. Le texte est une base de discussion sur laquelle je souhaite que le maximum de mes collègues s’expriment.

M. Pierre Gosnat. J’apprécie la démarche tant sur le fond que sur la forme. Mais cela ne m’empêche pas d’éprouver une certaine perplexité.

L’objectif, que je partage, est bien d’en finir avec l’anarchie complète qui règne en matière d’urbanisme commercial. Aujourd'hui, les maires peuvent empêcher l’implantation de telle ou telle activité commerciale en vertu des règlements d’urbanisme. Pourtant, ils ne le font pas. Les élus se sont laissés entraîner dans une course effrénée à l’activité commerciale. Or il n’est pas sûr que le texte contribue à résoudre le problème, même si j’approuve entièrement l’intégration du droit de l’urbanisme commercial dans le code de l’urbanisme. Certes, les CDAC n’étaient pas une panacée, la Commission nationale non plus, mais elles avaient le mérite de veiller au respect d’une certaine réglementation. En les supprimant et en ne donnant à la commission régionale qu’un avis purement consultatif, il n’y aura plus de maîtrise des décisions prises au niveau des SCOT. En quoi cette proposition de loi poussera-t-elle un maire à agir différemment de ce qu’il fait aujourd'hui ? Quelle contrainte nouvelle introduit-elle ?

Je suis tout à fait d’accord pour contribuer à la réflexion, mais il me semble retrouver dans ce texte les mêmes défauts que dans les dispositifs actuels.

M. Jean Gaubert. Je me réjouis de discuter de ce texte même s’il aurait mieux valu commencer plus tôt, six mois en principe après la LME. Cela étant, la proposition va plutôt dans le bon sens. Nous sommes d’accord qu’il s’agit d’une base de départ. Mais il ne faudrait pas que la ligne d’arrivée en soit trop éloignée.

Quelques observations.

Tout d’abord, est enfin remis en cause le postulat selon lequel plus la surface est grande, plus les prix sont petits. De plus, il a contribué à la déstructuration du paysage urbain. Au demeurant, un pays avec une organisation différente peut avoir des prix assez proches des nôtres ; en tout cas, ceux des petits commerces sont plus bas en Allemagne que chez nous parce que le débit y est plus grand.

Il est heureux que la logique urbanistique prime. Il n’est pas anormal non plus que les élus puissent réfléchir à la structuration de leur ville, à la cohérence entre les différentes zones et les transports ; il est même souhaitable qu’ils puissent anticiper.

Mais vos propos, monsieur le secrétaire d’État, m’inquiètent un peu malgré vos mots choisis. La proposition comporte deux aspects, l’un urbanistique, l’autre économique qui s’inspire de ce que font les Allemands. L’excellent rapport que Michel Piron a rédigé après son voyage en Allemagne apporte la preuve que l’on ne peut pas invoquer la réglementation de Bruxelles pour refuser le débat. Il serait bon de regarder comment les fonctionnaires allemands répondent avec fermeté, en s’appuyant systématiquement sur les textes européens. Si vous voulez priver le texte de toute logique économique, le Gouvernement devra l’assumer directement, sans s’abriter derrière Bruxelles.

Les seuils pourraient varier selon que l’on est en centre-ville ou à la périphérie. Dans le second cas, le seuil de 1 000 m2 est acceptable ; dans le premier, il l’est plus difficilement. À Paris, depuis la LME, les représentants des grandes surfaces ont acheté bon nombre de surfaces de moins de 1 000 m2, sans toujours les occuper. Paris continue d’être tenue par deux marques de magasin qui dépendent de la même centrale d’achats. Elles ont continué à stériliser des cellules. En retenant un seuil de 1 000 m2, on ne réglera pas le problème des cœurs de ville. La diversité se résumera à un plus grand nombre de magasins, mais qui seront affiliés à la même centrale d’achats.

Les élus savent réfléchir à l’aménagement de leur ville pourvu qu’ils aient du temps et que tel ou tel aménageur privé ou prospecteur ne les prenne pas à la gorge en leur faisant miroiter de la taxe professionnelle. L’intérêt du texte, c’est de prévoir un schéma opposable. C’est un très grand progrès. Sinon, l’expérience prouve qu’on a tôt fait de donner des coups de canif.

Si la ligne d’arrivée n’était pas trop éloignée de la ligne de départ, peut-être pourrions-nous voter ce texte.

M. Jean Dionis du Séjour. Merci de votre action, monsieur le président. Notre commission s’honore d’avoir pris le relais du Gouvernement. C’est pour cela que j’ai accepté de signer une proposition de loi dont j’avais encore une connaissance perfectible.

Il reste néanmoins deux ou trois questions de fond.

La régulation par les élus locaux est-elle pertinente ? Le niveau du SCOT est le bon et le choix qui est fait doit être porté jusqu’au bout. Dès lors, je ne comprends pas très bien ce que les élus régionaux viennent faire là, ni l’intérêt de la commission régionale. Sur ce point, le texte pourrait sans doute être amélioré.

Je m’interroge aussi sur la nature de la régulation. Sa dimension spatiale constitue un vrai progrès et le choix du SCOT est cohérent parce qu’il correspond au bassin de vie. Au-delà, il faut s’interroger sur l’intérêt de la régulation projet par projet comme le faisaient les CDAC et la CNAC. Les élus que nous sommes seront-ils capables, dans le cadre d’un SCOT, de prévoir tous les cas de figure ? À Agen, 25 000 m2 de magasins de bricolage et en périphérie, ce n’est pas gênant car ces commerces ne reviendront plus en centre-ville ; mais 25 000 m2 de magasins de prêt-à-porter ou de magasins à vocation culturelle en périphérie, ce n’est pas acceptable pour le centre-ville. Serons-nous capables, au niveau du SCOT, de transformer de tels constats en règle ? Et de trouver une forme qui rende inutile la régulation projet par projet ? C’est une question centrale sur laquelle ma religion n’est pas faite.

Quant à la bataille du seuil, nous y avons mis beaucoup d’énergie mais, deux ans après, les CDAC et la CNAC ont accepté quasiment tous les magasins de moins de 1 000 m2. La grande distribution est organisée et notre acceptation sociale maximale. Les CDAC sont des machines à dire oui lentement. Je suis donc favorable à la suppression du seuil.

La question centrale du texte, c’est de savoir si l’on abandonne la régulation par projet au sein d’un bassin de vie. C’est un vrai pari.

M. le président Patrick Ollier. La commission régionale est une voiture-balai qui n’intervient que par défaut.

Mme Catherine Vautrin. Je m’associe aux félicitations adressées au président et au rapporteur, sans oublier M. le secrétaire d’État qui a fait preuve de beaucoup d’écoute.

Il faut concilier, d’un côté, les principes fondamentaux – le droit de propriété et la liberté d’entreprise – et, de l’autre, des situations difficiles à gérer. Nous avons tous vu fleurir les surfaces de 999 m2 de commerce alimentaire, entourées d’autres commerces, ce qui fragilise les centres urbains. À la concurrence entre les enseignes, s’ajoute la concurrence entre les territoires, et même entre les élus. Je partage l’idée de faire de l’urbanisme commercial une partie intégrante de l’urbanisme. Je suis en phase avec l’idée de travailler à l’échelle du SCOT, et je partage l’avis du Gouvernement qui nous demande de veiller attentivement à rester exclusivement dans le domaine de l’urbanisme. J’ai du reste déposé un amendement pour que le document d’aménagement commercial apporte un peu de clarté.

Mais je voudrais m’attarder sur la typologie. Je comprends la distinction que font nos collègues entre l’alimentaire et le non-alimentaire, et leur préoccupation à propos des centrales d’achat. Notre collègue Dionis se dit convaincu que le sport ne reviendra pas en centre-ville ; c’est le cœur du débat. S’agissant de sport, il y a quasiment « abus de position dominante » et certaines enseignes ne rêvent que de revenir en centre-ville. Cela illustre notre difficulté à adopter une typologie trop fine avec le risque de droit de suite. Le commerce, c’est la diversité. Je ne suis pas sûre que ce soit à nous de décider d’un coup de crayon qui doit faire quoi à tel ou tel endroit.

Les critères d’appréciation de la fameuse commission régionale devraient être plus précis.

La période transitoire est décisive, à cause des effets d’aubaine qui sont plus nombreux qu’ailleurs, et de l’approche purement financière de certains.

Je suis aussi préoccupée par la représentation des professionnels dans les différentes instances. Il faut que les élus travaillent avec des professionnels et des investisseurs qui connaissent les sujets.

Je n’ai rien contre le modèle allemand. Je constate seulement que nous lui devons les hard discounts dont nous ne voulons plus, alors qu’il y a un modèle français qui s’est exporté un peu partout dans le monde.

Il nous reste à trouver un équilibre raisonnable.

Mme Marie-Lou Marcel. Je ne remets nullement en cause la sincérité et le sérieux du travail qui aboutit à cette proposition de loi. Elle pointe les limites de la LME que nous avions déjà dénoncées. L’exposé des motifs de cette proposition souligne notamment l’aggravation du déséquilibre entre les centres-villes et les zones périurbaines. À l’époque, vous nous aviez reproché de verser dans la caricature, de ne pas chercher à dynamiser le commerce en développant les zones de chalandise et en facilitant l’implantation de la grande distribution dans les centres-villes. Je suis satisfaite de vous voir revenir à plus de mesure après avoir constaté les dangers de l’ultralibéralisme.

Pourquoi avoir voté une loi que beaucoup trouvaient bâclée et sur laquelle vous revenez deux ans après ? N’est-ce pas une conséquence de la précipitation de la majorité qui nous soumet des textes souvent opportunistes, par souci d’affichage ? Je regrette que, au lieu des six mois prévus, il ait fallu attendre deux ans pour revenir sur la loi de modernisation de l’économie.

M. Serge Grouard. Il faut se féliciter de discuter de cette proposition de loi compte tenu de l’urgence. Ont proliféré, dans nombre de bassins urbains, des projets de grandes, voire de très grandes surfaces, principalement en périphérie. On est maintenant entré dans une nouvelle phase, celle de la spéculation. Il faut donc agir au plus vite, non seulement pour arrêter de massacrer les entrées de ville mais aussi pour équilibrer l’activité entre la ville et sa périphérie, et enrayer le mitage et l’extension urbaine, comme le prescrit le Grenelle II.

Le principe selon lequel la dimension commerciale doit être intégrée dans l’urbanisme est le seul qui vaille. D’ailleurs, tout le reste a échoué. Vous proposez de faire du SCOT la clé du dispositif, au moyen d’un document d’aménagement commercial qui doit être opposable et précis. Reste la question du seuil de 1 000 m2.

Premièrement, la clé de la réussite réside dans la liberté du SCOT. Il ne faudrait pas que le texte permette un contrôle en opportunité par des acteurs autres que les élus locaux qui définissent le SCOT et le DAC.

Deuxièmement, les zones de commerce de plus de 1 000 m2 doivent-elles être délimitées ou déterminées ? La sémantique a son importance sur le plan juridique.

Troisièmement, je ne crois pas – sans en être sûr – qu’il faille des seuils différents selon la nature des commerces, à cause des effets de seuil et de la multiplication des demandes successives juste en dessous du seuil.

Quatrièmement, je ne suis pas totalement satisfait de la composition actuelle de la CRAC. Je n’ai rien contre la région, mais que vient-elle faire là-dedans ? Ce n’est pas son domaine de compétence.

Cinquièmement, que se passe-t-il en cas de changement d’enseigne ? Je n’ai pas la solution, mais il faudrait que le SCOT y fasse référence, sous une forme qui reste à déterminer.

Sixièmement, je regrette infiniment que nous n’ayons pas voté le PLU intercommunal dans le cadre du Grenelle II. Il aurait réglé une bonne partie des problèmes.

M. Philippe Duron. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, j’ai constaté dans l’agglomération caennaise – 170 000 m2 autorisés – que la loi de modernisation de l’économie a accéléré l’émergence de projets d’urbanisme commercial. Or on ne sait pas gérer cet excès de concurrence qui perturbe le commerce comme la grande distribution. Les titulaires des autorisations n’arrivent plus à stabiliser les enseignes autour des projets qu’ils élaborent.

La composition des CDAC n’a rien amélioré. S’agissant des projets dont la chalandise dépasse le département, on consulte des gens qui connaissent mal le contexte. Je reçois des appels pour me demander ce qu’il faut penser de tel ou tel projet. Ce n’est pourtant pas au président de l’EPCI à donner des conseils à ses collègues d’autres départements.

Les stratégies qui sous-tendent certains projets n’ont plus rien de commercial, il s’agit de spéculation foncière. Les grands investisseurs cherchent à s’approprier les secteurs stratégiques des agglomérations, pour faire du commerce ou autre chose. C’est la liberté des élus qui est en jeu. Sans équilibre entre centre et périphérie, c’est le modèle de la ville européenne qui est menacé.

La proposition de loi vient à point nommé pour prendre en considération les enjeux de développement durable exposés dans la loi Grenelle II. Le SCOT est effectivement l’échelon adapté pour le faire.

Je m’interroge sur l’arbitrage du préfet qui est déjà chargé du contrôle de légalité.

M. Louis Cosyns. Le texte va dans le bon sens et j’en félicite ses auteurs. Par souci de clarté et de cohérence, on ne peut qu’adhérer à la suppression de la CDAC, de la CNAC et des observatoires départementaux. Je suis en revanche inquiet du délai de deux ans accordé pour transposer la proposition de loi dans le code de l’urbanisme. Cela risque de ne pas suffire car modifier un PLU prend beaucoup de temps. Il ne faut pas minimiser non plus l’impact financier de la réforme pour les communes et les EPCI.

Le seuil est nécessaire, c’est une évidence. Depuis la LME, la plupart des grandes et moyennes surfaces qui étaient inférieures à 1 000 m2 les ont dépassés. Le mal est fait, et il faut retenir un seuil qui tienne compte de la réalité. Mais qui le fixera ? Et qui le contrôlera ? Je suis d’accord pour laisser les SCOT définir leur bassin de vie. Ce serait une très bonne solution.

M. François Brottes. Je ne reviendrai pas sur le rendez-vous manqué de la LME, et je déplore que les nouveaux adeptes du PLU intercommunal n’aient pas voté à l’époque nos amendements sur le SCOT. Je me félicite cependant que nous nous retrouvions.

Monsieur le secrétaire d’État, lorsqu’on permet aux élus de décider de l’opportunité d’une installation, il s’agit d’urbanisme...mais aussi d’opportunité. Ceux-ci décident en fonction des déplacements, de la qualité de vie, de l’impact sur les paysages… Bref, les élus se mêlent un peu de tout.

Il faut, monsieur le rapporteur, que vous nous expliquiez concrètement qui signe le permis de construire, qui peut le refuser. Quel est le rôle du président du SCOT ? Il faut expliciter le cadre fixé dans le texte.

Je regrette que le I de l’article 1er n’évoque pas la diversité des enseignes et des offres de service. Il ne s’agit pas d’empiéter sur le domaine économique, mais il faut veiller à ce que la concurrence soit saine et effective. Or la diversité des enseignes y contribue.

La typologie est un vrai sujet. Je ne crois pas que l’on puisse s’en passer, mais il faut se méfier de règles trop uniformes car les villes gagneraient à se différencier les unes des autres.

On ne doit pas cumuler les obligations en matière de transports en commun et de capacités de stationnement. L’alternative serait préférable : si on investit dans les transports en commun, on pourrait sans doute se soustraire à la contrainte du stationnement ; sinon, cela signifie que l’on ne croit pas aux transports en commun. Mais il s’agit d’une remarque mineure.

Il faut un seuil, mais s’appliquera-t-il en cas de changement d’enseigne, de création ou même d’extension progressive ? Il faut être suffisamment précis pour ne pas créer d’effets d’aubaine.

Je partage la remarque et la vigueur de Catherine Vautrin à propos de la période de transition. Il faut travailler la question avant le vote du texte afin de tirer les leçons de la LME. Il faut à tout prix éviter les effets d’aubaine, qui sont multiples.

M. Lionel Tardy. Ce texte est important à plusieurs égards.

Contrairement à ce qui arrive souvent dans le cadre des niches parlementaires, il a une véritable ampleur : il ne s’agit pas d’une modification marginale de la législation, sur une question très circonscrite, mais du bouleversement d’un pan entier du droit, avec l’intégration de l’urbanisme commercial dans le code de l’urbanisme.

Par ailleurs, nous exploitons là pleinement les pouvoirs que nous confère la réforme constitutionnelle de 2008, avec l’exercice d’un « droit de suite », sur un sujet qui nous tient à cœur et sur lequel le Gouvernement n’a pu tenir ses engagements.

Je constate à mon tour l’échec de la législation relative à l’urbanisme commercial, depuis ses débuts, en 1973. Il a été déconnecté des autres volets de l’urbanisme alors que le sujet doit être traité globalement. Au final, aucun des avantages attendus ne s’est vérifié.

La question est complexe et appelle de la souplesse. Il convient de réguler les implantations commerciales sans pour autant tout planifier, au point de ne laisser aucune marge de manœuvre aux acteurs économiques, qui continueraient de contourner les règles à coups de pressions diverses et variées.

Ce point suscite d’ailleurs mon inquiétude. La vraie faiblesse de notre droit de l’urbanisme, c’est le degré de capacité de nos décideurs à résister aux pressions. Or, en donnant aux maires et aux présidents d’intercommunalité la compétence sur l’urbanisme commercial, l’on accroît la pression pesant sur leurs épaules. Les risques persistent, s’agissant notamment de l’application par les petites villes des orientations générales du SCOT : si le maire est sollicité par un promoteur pour un projet alléchant, il risque de mordre à l’hameçon, même si l’opération n’a aucune cohérence avec les besoins et les contraintes du territoire. Il faudra se montrer particulièrement vigilant sur ce point.

Le 6 mai, dans le cadre de l’examen du Grenelle 2, nous avons refusé de transférer des maires aux présidents d’intercommunalité la compétence de l’élaboration des PLU, les plans locaux d’urbanisme. Il faudrait instaurer un « super-SCOT », avec des orientations encore plus précises et un zonage, ou, à défaut, des PLU intercommunaux.

Reste que, avec ce texte, la réforme tant attendue de l’urbanisme commercial pourrait devenir réalité. La discussion, en commission puis en séance publique, devra se dérouler sur la base de la proposition de loi.

M. William Dumas. Il était effectivement urgent de se pencher sur le sujet afin d’enrayer la concurrence sauvage entre enseignes. Lors de l’examen de la loi de modernisation de l’économie – LME –, nous avions déjà appelé votre attention sur la course effrénée à l’implantation de grandes surfaces commerciales et à la délivrance de m2 constructibles, pourvoyeurs de taxe professionnelle. Cette politique nous a amenés à vider les centres-villes, dans lesquels les commerces ferment, au profit d’installations de succursales bancaires ou d’agrandissements de pharmacies. Cela dit, à Nîmes, l’implantation de la FNAC en centre-ville a joué un rôle de locomotive et a évité la fermeture de commerces aux alentours.

Mon conseil général, par le passé, a été sollicité pour financer l’aménagement de périphériques, dans un souci de désengorgement. Or des grandes enseignes se sont installées en bordure de ces voies, au point qu’elles sont devenues des boulevards urbains et qu’il faut maintenant construire de nouveaux périphériques.

Pour que certains élus ne fassent pas n’importe quoi, il importe de permettre un contrôle entre départements limitrophes. La régulation par les SCOT serait donc positive.

M. Franck Reynier. Je suis tout à fait favorable à ce que nous redonnions le pouvoir aux élus locaux, qui possèdent la légitimité et la vision pour décider des modalités de développement de leur territoire. Travailler à l’échelle d’un territoire cohérent, ajouter du contrôle et de l’organisation, tout cela me semble aller dans le bon sens. Néanmoins, deux points me gênent.

Je trouve trop élevé le seuil de 1 000 m2 de SHON – surface hors œuvre nette – proposé par le Gouvernement. S’il était adopté, cela irait à l’encontre de la volonté de confier aux élus locaux la responsabilité de l’aménagement et nous assisterions à la multiplication d’enseignes en limite de seuil – notamment ces « boîtes à chaussures », en périphérie de nos communes, dont nous souhaitons tous nous préserver.

Le texte doit prévoir une période transitoire et fixer une méthode de transition, faute de quoi l’accroissement du contrôle et le durcissement de la réglementation, vers lesquels nous nous orientons, risqueront de créer un appel d’air.

Mme Catherine Coutelle. Après trente ans d’échec, cette proposition de loi va dans le bon sens. La France figure sans doute parmi les pays qui possèdent les taux de grandes surfaces les plus élevés. J’insiste surtout sur un point que la loi n’aborde pas : ces grands parkings, complètement vides lorsque l’activité commerciale s’interrompt, sont dramatiques du point de vue urbanistique. Nous avons rendu la France « moche », comme a titré un article de magazine assez bien documenté.

Si la loi SRU – solidarité et renouvellement urbains – avait été appliquée, elle aurait permis de réaliser, d’une part, la mixité des activités et, d’autre part, des implantations cohérentes avec les réseaux de transport en commun.

Je suis d’accord, moi aussi, avec le fait de redonner l’autorité aux élus. J’espère que les mesures prévues par ce texte suffiront pour y parvenir mais je considère que les seuils ont toujours des effets très pervers : la loi Raffarin a privilégié les grands groupes et la LME a été catastrophique, avec les agrandissements de surfaces existantes. Je me rallierai à la position de mon groupe mais je suis très perplexe.

Du temps des CDEC – commissions départementales d’équipement commercial –, il existait trois catégories. Or les grandes surfaces qualifiées d’« alimentaires » vendaient aussi d’autres produits, peut-être même majoritairement. De même, les jardineries étaient rangées dans la catégorie « culture ». Je suis favorable à une typologie mais il faut y regarder de près.

Enfin, la loi sera-t-elle suffisante pour réinstaller et développer le commerce en centre-ville ? Nous le souhaitons tous.

M. Bernard Reynès. Depuis trente ans, la grande distribution a systématiquement réussi à contourner les lois Royer, Galland, Raffarin, et nous nous sommes laissé berner. L’idée consistant à remettre les maires à la manœuvre était un engagement – nous avions été quelques-uns à voter la LME à reculons, à la condition que la copie soit revue, pour le moins, sur ce volet – et semble susciter une certaine convergence. Le maire, en principe, sait parfaitement ce qui est dans l’intérêt de sa commune et, si les administrés n’en sont pas contents, ils peuvent en changer.

En outre, le SCOT est la bonne instance pour réussir là où toutes les lois, depuis trente ans, ont misérablement échoué. Donner un rôle au maire dans ce domaine serait-il incompatible avec les lois du marché ? Des avancées intéressantes ont déjà été obtenues en la matière, comme le droit de préemption commerciale, peut-être insuffisamment utilisé.

Il faudra établir un véritable cahier des charges du DAC, document prescriptif, alors que le SCOT a une valeur prospective.

Enfin, même si les maires doivent être à la manœuvre, il ne serait pas sérieux de négliger le milieu économique. Les chambres de commerce et d’industrie, qui connaissent les réalités économiques du territoire, devront être associées, ne serait-ce que pour donner un avis.

M. Louis-Joseph Manscour. Les collègues présents considèrent unanimement que la LME a déséquilibré l’aménagement du territoire. Sur des petits territoires comme les Antilles et plus particulièrement la Martinique, les extensions sont toujours opérées dans les mêmes zones, les conurbations, ce qui accentue ce déséquilibre.

Il faut redonner le pouvoir aux élus, dites-vous. Mais connaissez-vous un seul projet d’installation de centre commercial ayant vu le jour sans l’accord du maire ? Ne nous faisons pas d’illusion, c’est la première chose qui est recherchée.

L’important, aujourd’hui, c’est de trouver un équilibre. Les collectivités sont en compétition, chacune cherchant à percevoir un maximum de taxe professionnelle, et les opérateurs sont surtout intéressés par les conurbations : les zones industrielles sont concentrées autour des capitales de département, qu’il s’agisse de Pointe-à-Pitre, de Saint-Denis de La Réunion ou de Fort-de-France, au détriment des autres villes. C’est dommage.

Ce qui est bon pour l’Île-de-France ne l’est pas forcément pour la Creuse et encore moins pour Mayotte ou la Martinique.

M. René-Paul Victoria. La dernière décennie a été marquée par l’organisation de la périphérie de nos villes, dont les investisseurs, les promoteurs et les élus sont sans doute collectivement responsables. La structuration de ces zones va jusqu’aux déplacements, à l’animation et à l’accueil du public. Le centre commercial Odysseum de Montpellier, par exemple, situé en dehors du cœur de la ville, est directement desservi par le tramway.

Élus, investisseurs et promoteurs, qui ont naguère organisé la mort des centres-villes, veulent aujourd’hui leur redonner du sens. Les données ont changé : le foncier a évolué et l’accès au cœur des villes, notamment par des transports collectifs en site propre, est soumis à de nouvelles contraintes. Le secrétaire d’État a employé le mot « équilibre » au moins à deux reprises. Les élus que nous sommes doivent réfléchir à cette notion.

Le I de l’article 1er évoque la « desserte en transports », les « flux de personnes et de marchandises », l’« aménagement du territoire », la « consommation économe de l’espace » et la « protection de l’environnement. Il manque une idée : l’organisation du stationnement. Le cœur de ville retrouvera du sens et de l’attrait à condition que le stationnement soit organisé.

M. le président Patrick Ollier. La discussion générale a mis en évidence des points de convergence essentiels. J’ai entendu des remarques très intéressantes, sur les bancs de l’opposition comme de la majorité.

Monsieur Dumas, j’ai fait voter la préemption commerciale précisément pour éviter que les centres-villes soient réservés aux opticiens, aux agences immobilières et aux banques. À Rueil-Malmaison, ville comme les autres, j’ai empêché le remplacement de vingt et un magasins en me contentant de menacer de faire usage de ce droit de préemption, que je n’ai finalement jamais eu à exercer. Nous avons pu ainsi conserver des magasins de vêtements, de bijoux, etc. Le législateur a créé ce petit instrument très utile ; il suffit que les maires l’utilisent.

M. Le rapporteur. Avant ce texte, il existait le permis de construire et l’autorisation commerciale. En basculant vers l’urbanisme général, il ne faudrait surtout pas conserver uniquement le permis de construire et ne rien prévoir pour remplacer l’autorisation commerciale car cela inciterait encore plus à faire n’importe quoi n’importe où. Nous vous proposons donc de remplacer l’autorisation commerciale par une base juridique très forte, très clairement définie au I de l’article 1er, à travers plusieurs critères : revitalisation des centres-villes, cohérence entre la localisation des équipements, desserte en transports collectifs, maîtrise des flux de personnes et de marchandises, consommation économe de l’espace et protection de l’environnement. En passant dans l’urbanisme général, il faut accepter l’idée qu’un permis puisse être refusé non seulement pour des motifs de seuil mais aussi s’il ne répond pas à ces critères. C’est une révolution mentale. Ou bien nous laissons la LME continuer de s’épanouir sans autorisations commerciales, ou bien nous régulons les implantations commerciales en fonction de l’urbanisme général. Je crois comprendre que la seconde option répond à l’attente de la plupart d’entre vous.

Monsieur Poignant, nous proposons une typologie à quatre grandes catégories, fondamentales du point de vue de l’urbanité et de la centralité. Il n’est pas question d’entrer dans les détails, comme en Bavière ou en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le décret en Conseil d’État s’en chargera. Évoquer les « produits de consommation courante » au lieu de l’« alimentation », ce n’est pas neutre, car le marchand de journaux génère des flux de déplacement aussi importants que le boulanger.

La question du changement de destination est très délicate. Dans le cadre du régime des autorisations d’urbanisme, il existe déjà un dispositif de déclaration préalable, fondé non pas sur des données commerciales mais sur des données d’urbanisme. D’ici à la discussion du texte dans l’hémicycle, nous examinerons la faisabilité d’une disposition qui permettrait d’opposer un refus à une déclaration préalable en vue de changement de destination, sur la base des critères énumérés au I de l’article 1er. Mais ce n’est qu’une piste car je n’ai pas de réponse juridique satisfaisante à vous apporter pour l’instant.

Monsieur Cosyns, à l’instar de beaucoup de collègues, vous avez évoqué les seuils. C’est à dessein que nous n’avons pas prévu de seuil en centre-ville ; seul le PLU s’y applique. En effet, comme cela a été dit, quand la FNAC s’installe en centre-ville, elle le redynamise et il ne faut pas s’en plaindre.

Je souhaite, moi aussi, que nous mettions un terme à l’anarchie actuelle. Je ne suis pas sûr que nous disposions de tous les outils mais vous voyez bien le sens vers lequel nous essayons d’aller.

Pour alléger la pression subie par le maire, l’intercommunalité peut jouer un rôle. Nous examinerons la question au détour d’un amendement, que je retirerai volontiers si je constate qu’il n’est pas soutenu. Cela dit, la question se pose de savoir s’il faut laisser la compétence du permis de construire entre les mains du maire ou, éventuellement, prévoir un avis du président de l’intercommunalité.

Monsieur Gaubert, il n’est pas dans mon intention que nous restions au point de départ, vous l’avez compris.

Je répète que le PLU s’appliquera en centre-ville, sans contrainte de seuil, et qu’un seuil de 1 000 m2 de SHON s’appliquera en périphérie.

Le SCOT sera opposable et des demandes de précisions pourront être formulées, monsieur Grouard. L’option du SCOT semble convenir à la majorité d’entre vous. J’en prends acte, en rappelant que la commission régionale d’aménagement commercial, la CRAC, sera une instance d’exception.

Je ne sais pas s’il convient de faire siéger à la CRAC un représentant du conseil régional. Il faut y maintenir, en tout cas, le nombre d’élus prévu.

La logique par projets n’est pas abandonnée ; on la retrouve pour partie à travers la typologie. Mais cela suffira-t-il pour répondre au problème qui a été soulevé ? Il ne sera évidemment pas possible de jouer sur le SCOT. Certes, le mal est fait au regard de la centralité et des centres-villes, mais il n’est pas interdit de regarder devant nous et de s’intéresser au flux.

La typologie ne constitue pas la seule réponse, loin s’en faut. Je défendrai un amendement tendant à ajouter le critère de diversité commerciale dans le I de l’article 1er.

Madame Vautrin, nous sommes ici pour répondre au désordre que vous constatez.

À propos de la typologie, notre appréciation diffère. Je répète qu’il s’agit d’un critère parmi d’autres, énumérés à l’article 1er.

Je soutiendrai votre amendement imposant à la CRAC de fonder ses autorisations sur les principes de l’urbanisme commercial énumérés au I de l’article 1er. Cet amendement devait sécuriser juridiquement les autorisations de la CRAC.

Je ne reviendrai pas sur la comparaison entre les modèles allemand et français.

Madame Marcel, nous sommes tous partisans d’une régulation. Cette proposition de loi n’est pas un texte d’affichage, c’est clair.

Monsieur Grouard, vous avez raison, nous sommes dans l’urgence. Nous assistons en effet à une explosion de la spéculation foncière, notamment en périphérie.

Le contrôle de légalité continuera d’être exercé mais la rédaction de l’amendement consacré aux « inter-SCOT » – qui permettront de prendre en compte les espaces situés à l’intersection de deux SCOT, notamment à Caen – devrait les en exempter.

Je vous ai déjà donné les éléments à ma disposition à propos des changements de destination.

Monsieur Duron, votre chiffre donne le vertige : 170 000 m2 d’autorisation sur la seule agglomération caennaise ! C’est une illustration intéressante de ce qui s’est passé dans l’ensemble de l’hexagone.

Le SCOT est la bonne maille, nous sommes d’accord sur l’essentiel.

Monsieur Cosyns, la transition ne concernera pas la totalité du SCOT mais uniquement sa partie commerciale. C’est pourquoi une durée de deux ans nous a semblé jouable. S’il avait fallu réviser tout le SCOT, il en aurait été autrement.

Le SCOT doit avoir la capacité de définir son bassin, je suis d’accord.

Monsieur Brottes, j’ai déposé deux amendements consacrés à la diversité commerciale. Ce sera un critère d’appréciation pour accepter ou refuser une implantation.

La typologie doit être suffisamment large, j’en ai parlé.

Nous pourrons examiner plus précisément la problématique du stationnement. Pour ma part, je crois qu’elle est complémentaire avec celle des transports en commun.

J’ai déjà répondu à propos de la transition.

Monsieur Tardy, nous sommes loin du gosplan. Je ne crois pas que ce soit le danger principal.

Proposez-moi les bonnes réponses pour régler le problème de la pression exercée sur les élus, je ne demande pas mieux !

Monsieur Dumas, je me suis déjà appuyé sur votre remarque concernant l’installation de la FNAC en centre-ville.

Monsieur Reynier, monsieur Reynès, vous avez évoqué les agrandissements successifs de grandes surfaces comprenant initialement 990 m2. J’ai déposé plusieurs amendements tendant à se référer aux ensembles commerciaux continus ou discontinus. La surface de 990 m2 sera définitive, ce qui empêchera de détourner l’esprit de la loi.

Vous demandez de remettre les élus à la manœuvre, je vous ai entendu.

J’ai déjà parlé des critères du I de l’article 1er.

Consulter les professionnels relève du bon sens. En revanche, les associer à des décisions d’aménagement, ce serait reconstituer les CDAC et la CNAC. Si les élus sont remis à la manœuvre, ce n’est pas pour retomber dans le système ancien.

Au passage – j’ai déjà interrogé le Gouvernement à ce sujet –, j’émets le souhait que les chambres de commerce et d’industrie puissent faire profiter de leurs compétences les observatoires dont la création est prévue.

L’ambition de ce texte est de jouer sur le flux commercial des dix ans à venir en centre-ville. Nous n’en verrons pas les résultats dans les mois prochains ; l’impact ne pourra se produire qu’à moyen et long termes.

M. le président Patrick Ollier. Si j’ai bien compris, vous êtes prêt à accepter un seuil de 1 000 m2, sous réserve de compensations : la référence à la notion d’ensembles commerciaux continus et discontinus ; l’établissement d’une typologie légère permettant de distinguer entre catégories de magasins, sans pour autant entrer dans les détails.

Monsieur Brottes, il n’est pas question de changer les règles d’urbanisme applicables aux permis de construire : c’est le maire qui signe, en s’appuyant sur le PLU, mis en conformité avec les prescriptions générales énoncées par le DAC. J’avais même pensé à l’instauration d’une sorte de COS – coefficient d’occupation des sols – commercial ; personne n’a jugé bon de soutenir cette idée mais je suis prêt à la reprendre.

Monsieur le secrétaire d’État, la proposition de loi n’aborde pas le problème de la transition qui courra dès la promulgation de la loi jusqu’au moment où les DAC seront mis en oeuvre et les PLU adaptés. Dès le départ, nous avons laissé au Gouvernement le soin de nous soumettre par amendements les réponses les plus adaptées. J’espère que, d’ici au 16 juin, vous nous aurez proposé des solutions.

M. le secrétaire d’État. La lecture juridique du Gouvernement est la suivante : tant que les documents d’urbanisme n’ont pas été élaborés – deux ans pour les SCOT –, le droit positif actuel, issu de la LME, reste applicable.

La LME ne prévoyait aucune période de transition, elle était immédiatement applicable. Les arrêtés pris par le Gouvernement pour l’interpréter ont été contradictoires les uns avec les autres, ce qui a conduit à l’anarchie et au laisser-faire pendant environ six mois. Certains ont profité de l’absence de règles pour faire à peu près ce qu’ils voulaient, c’est une réalité. Il n’est donc pas justifié de s’appuyer sur l’expérience de la LME.

Pour autant, la conjugaison de trois systèmes en deux ans – le droit positif, un dispositif transitoire à inventer, puis dans deux ans un dispositif définitif – on va se retrouver dans un maelström juridique infernal.

Par conséquent, durant la période transitoire préalable à l’élaboration des nouveaux documents d’urbanisme, notamment des SCOT, le Gouvernement estime que la réglementation actuelle doit s’appliquer.

Monsieur le rapporteur, la question des changements d’affectation commerciale est importante mais nos analyses ne concorderont pas forcément. Par exemple, si une grande surface d’ameublement, faute de rentabilité économique, disparaît au bout de trois ans, avant que le commerce soit vendu et destiné à une autre affectation, Michel Piron préconise une sorte d’autorisation ou de déclaration préalable du maire.

En droit de l’urbanisme, jusqu’à preuve du contraire, la construction d’une maison est soumise à autorisation du maire mais pas sa cession à un autre propriétaire. La DIA – déclaration d’intention d’aliéner –, qui permet à la commune de préempter, n’est pas remise en cause. Mais donner au maire le pouvoir d’autoriser ou non la vente des fonds de commerce le soumettrait à des pressions difficilement soutenables.

S’agissant de ces pressions auxquelles les maires seraient soumis, la loi – qu’il s’agisse de la loi Raffarin, de la loi Royer, de la loi Dutreil ou, évidemment de la LME – a parfois bon dos : un maire a déjà à sa disposition un certain nombre d’outils pour s’opposer à une implantation commerciale.

M. Serge Grouard. Sur sa commune, mais non sur les communes voisines.

M. le secrétaire d’État. Ce débat a déjà été tranché, monsieur Grouard : nous devons maintenant envisager le droit tel qu’il est. L’état actuel du droit laisse au maire des marges de manœuvres, et on ne peut pas imputer à la seule LME la responsabilité d’errements qui traduisent peut-être des problèmes de gouvernance. Renforcer les documents d’urbanisme permettra d’asseoir les pouvoirs du maire sur une réalité tangible, hors de toute pression commerciale. En revanche, lui donner un quelconque pouvoir d’appréciation en matière commerciale serait aller à l’encontre de votre objectif. Le problème essentiel est le déséquilibre entre les centres-villes et les périphéries : or c’est un problème intercommunal. C’est pourquoi il vaut mieux donner au SCOT un rôle de planification en matière d’urbanisme commercial, tout en laissant au maire un pouvoir d’appréciation en ce qui concerne le territoire de sa commune, plutôt que de doter ce dernier d’une compétence en matière de typologie des commerces.

S’agissant de la logique par projets, il ne me paraît pas souhaitable que le maire puisse apprécier l’opportunité commerciale de telle ou telle implantation : ce n’est pas son « boulot », et cela serait contraire à la liberté d’entreprendre. En tout état de cause, l’instauration d’une typologie des commerces ne réglera pas les problèmes de répartition des implantations commerciales entre la périphérie et le centre-ville. Attention à ne pas s’abandonner aux fantasmes : la loi n’étant pas rétroactive, le texte ne réglera pas les problèmes hérités du passé, notamment le déséquilibre entre le centre-ville et la périphérie. Je suis d’accord avec vous, monsieur Victoria : la responsabilité de ces dérives est totalement collective.

Il faut inventer d’autres solutions, comme à Montpellier, où le nouveau centre commercial est desservi par un tramway et où une ancienne zone industrielle sera reconvertie en éco-quartier, labellisé dans le cadre du plan « Ville durable » lancé par le Grenelle de l’environnement. Tel sera l’enjeu des années qui viennent : réinvestir et réurbaniser les zones périphériques, dans le cadre de projets portés par des collectivités locales. C’est ainsi qu’on pourrait résoudre le problème de la pénurie du foncier en Île-de-France, où, d’après des études récentes, la surface occupée par les parkings des cinquante plus grands centres commerciaux équivaut à celle du xe arrondissement. C’est précisément l’ambition du Grand Paris.

En vertu de la hiérarchie des normes, le SCOT n’est directement opposable aux permis de construire que dans les communes dépourvues de PLU, conformément au droit commun de l’urbanisme. Le rapporteur vous proposera des amendements visant précisément à renforcer cette hiérarchie afin de ne pas multiplier les normes.

M. le président Patrick Ollier. Le SCOT n’est pas élaboré par une entité anonyme, mes chers collègues, mais par les élus locaux, notamment les maires – une partie de ce document pourrait d’ailleurs relever d’un vote à la majorité qualifiée. Je n’imagine pas qu’on puisse imposer un SCOT à un maire qui n’en voudrait pas.

La typologie des commerces peut être une solution intéressante à condition qu’elle ne soit pas trop précise. Il faudrait trouver un juste milieu qui permette une clarification nécessaire sans entrer dans le détail. On doit pouvoir s’entendre sur un compromis avec l’opposition, pourvu que ses amendements ne remettent pas en cause notre proposition de base.

M. le rapporteur. Je voudrais lever toute ambiguïté entre nous, monsieur le secrétaire d’État, en ce qui concerne la typologie : elle sera suffisamment large puisqu’elle distinguera entre commerces de consommation courante et de consommation non courante, centres commerciaux regroupant ces deux types de commerce et commerces de gros. Par ailleurs, elle relève du SCOT, et non du niveau communal, et les permis de construire devront respecter, à travers le PLU, la typologie définie au niveau du SCOT. Il ne peut donc pas y avoir contradiction entre la décision du maire et la planification globale.

M. le président Patrick Ollier. Je voudrais, avant que nous n’abordions l’examen des articles, indiquer que l’amendement CE 11 de M. Reynès a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40.

M. Bernard Reynès. Pourquoi cela ?

M. le président Patrick Ollier. En vertu de l’avis du président de la Commission des finances, que j’ai décidé de suivre systématiquement. Cet amendement aurait créé des charges financières supplémentaires.

M. Bernard Reynès. Je ne suis pas plus éclairé pour autant. Mon amendement, loin d’aggraver les charges publiques, les allège au contraire, puisqu’il vise à reconnaître au maire la faculté de déléguer le droit de préemption commerciale à des promoteurs privés.

M. le président Patrick Ollier. Je vous laisse le soin d’interroger le président de la Commission des finances à ce sujet.

La Commission procède maintenant à l’examen des articles de la proposition de loi.

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels avant l’article 1er.

Elle examine d’abord l’amendement CE 1 de M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Il nous paraît bon que ce texte, qui a plutôt notre faveur, indique en préambule ses orientations.

M. le rapporteur. Avis défavorable, votre amendement étant très largement satisfait par la rédaction de l’article 1er, qui évoque déjà, conformément aux objectifs du Grenelle 2, la revitalisation des centres-villes, la cohérence entre la localisation des équipements commerciaux, la desserte en transports, la maîtrise des flux de personnes et de marchandises, la consommation économe de l’espace et la protection de l’environnement, des paysages et de l’architecture. Nous y ajouterons, par voie d’amendements, la réduction des déplacements, la répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services. Il me semblerait en outre déraisonnable d’imposer l’obligation d’une étude d’impact avant tout projet d’implantation, quelle que soit la surface. Pour toutes ces raisons je vous demande de retirer cet amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CE 4 de M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Cet amendement vise à abaisser à 800 m2 le seuil déclenchant l’obligation d’une autorisation commerciale, actuellement fixé à 1 000 m2 par l’article L.752-1 du code de commerce.

M. le rapporteur. Étant donné que nous proposerons pour notre part l’abrogation pure et simple de cet article, afin de réintégrer l’ensemble du dispositif dans le droit commun de l’urbanisme, je vous demande de retirer votre amendement.

M. Jean Gaubert. Votre proposition étant proche de la nôtre, je retire cet amendement.

L’amendement CE 4 est retiré.

Puis la Commission est saisie de l’amendement CE 5 de M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Cet amendement vise à abaisser le seuil de déclenchement du régime de l’autorisation d’exploitation commerciale en cas de changement de secteur d’activité.

M. le rapporteur. Avis défavorable, puisque nous proposerons l’abrogation pure et simple de l’article L. 752-1 du code de commerce, article auquel se réfère votre amendement. Nous vous présenterons en outre un amendement subordonnant la définition des seuils en cas de changement de secteur d’activité à la typologie de l’activité en cause.

M. le secrétaire d’État. Même avis que la Commission.

M. François Brottes. Votre position n’est pas très claire, monsieur le rapporteur : le problème du changement d’activité ne peut pas être réglé par la typologie, qui est un tout autre sujet.

M. le rapporteur. La typologie devant définir des catégories très larges, un magasin peut, en dépit d’un changement d’activité, continuer à relever de la même typologie : dans ce cas, le changement ne peut pas être refusé. Dans le cas d’un changement de typologie, ma préférence va au régime de déclaration préalable prévu par le code l’urbanisme s’applique, sans que je puisse vous en dire plus : je n’ai pas encore les éléments juridiques suffisants pour vous faire aujourd’hui une proposition plus précise.

M. le président Patrick Ollier. Nous n’avons pas encore trouvé de solution, mais nous y travaillons et nous en débattrons à nouveau d’ici au 16 juin, date de la discussion en séance. Il s’agira surtout de définir les consommations courantes et non courantes sans trop entrer dans le détail. En tout état de cause, nous accepterons des amendements qui préciseraient notre dispositif, mais non pas qui le transformeraient.

M. François Brottes. Il faut prendre garde à ce qu’on ne puisse pas, par des changements successifs, éviter d’avoir à rendre des comptes.

M. le rapporteur. Il reste la condition du seuil.

M. Jean Gaubert. Nous allons retirer notre amendement, puisque cet article du code de commerce va être abrogé. Si le SCOT précise la typologie des commerces concernés par le déclenchement des seuils, je suis plutôt d’accord avec cette solution.

M. le rapporteur. C’est tout à fait ça. On ne pourra pas cependant nous reprocher une trop grande précision de la typologie, au regard de ce que s’autorisent certains de nos voisins.

M. Serge Grouard. Je crains que la fixation de seuils différents selon la typologie du commerce ne favorise les effets d’aubaine.

Deuxièmement, puisque la typologie relèvera du document d’administration commercial intégré au SCOT, c’est en fonction de ce document que le changement de secteur d’activité doit être apprécié : il ne doit pas relever de la libre appréciation du maire.

En outre, étant donné le risque de friches commerciales, le changement de secteur d’activité devra être réglé au niveau intercommunal, seul à même d’assurer une cohérence.

Mme Catherine Coutelle. Cette nouvelle formule empêchera-t-elle les dérives nées de la loi LME et du seuil des 1 000 m2, lequel a permis la multiplication de commerces de consommation courante hors des zones où les élus locaux souhaitaient qu’ils s’installent ?

Mme Catherine Vautrin. Il est clair que cette nouvelle formule ne changera rien pour les surfaces de vente inférieures à 1 000 m2.

Je partage les propos de M. Grouard, à l’exception de sa conclusion sur la nécessité de l’intercommunalité.

Quant à la typologie, pourquoi ne pas s’en tenir à la distinction en vigueur, qui classe les commerces en trois secteurs d’activité, l’alimentaire, l’équipement de la personne et l’équipement de la maison ?

M. Serge Poignant. Quelle que soit la typologie retenue, elle devra réserver un sort spécifique à l’alimentaire, qui est un commerce bien particulier.

S’agissant des seuils, la question essentielle est celle des hard discounter, et c’est pourquoi je suis réservé sur les 1 000 m2.

Enfin, si le DAC précise que le changement de secteur d’activité ne sera autorisé que si le commerce relève de la même typologie, le maire sera tenu de respecter cette condition.

Mme Frédérique Massat. Ne pourrions-nous pas nous inspirer de la solution de l’Allemagne, qui a établi une liste assez détaillée de produits ?

M. le rapporteur. Les réussites de l’Allemagne en ce domaine sont incontestables. Je rappelle cependant que les Länder ont des compétences propres en la matière, et que les typologies peuvent varier selon les régions.

L’objectif est bien, monsieur Poignant, que les prescriptions du SCOT s’imposent au maire.

Quant à la typologie que nous vous proposons, madame Vautrin, la distinction entre consommation courante et non courante me semble cohérente et conforme au modèle allemand.

L’amendement CE 5 est retiré.

M. Jean Gaubert. Je retire également l’amendement CE 8.

CHAPITRE Ier

Prise en compte du commerce dans les documents d’urbanisme

Article 1er : Prise en compte du commerce par les documents d’urbanisme locaux

La Commission examine l’amendement CE 19 de Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Cet amendement vise à redéfinir le document d’aménagement commercial, mais l’amendement CE 60 me paraît meilleur de ce point de vue. Quant à la typologie des commerces qu’il propose, celle que propose l’amendement CE 24 du Gouvernement me paraît préférable. C’est pourquoi je retire mon amendement en faveur de ces deux amendements.

L’amendement CE 19 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CE 60 de M. Patrick Ollier.

M. le président Patrick Ollier. Cet amendement vise à distinguer le DAC en tant que tel au sein du document d’orientation et d’objectifs des SCOT, afin de renforcer sa lisibilité.

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. le secrétaire d’État. Je suis favorable à cet amendement, mais je m’interroge sur la précision de l’exposé sommaire, selon laquelle le DAC serait directement opposable au permis de construire.

M. le président Patrick Ollier. C’est une erreur : il ne le sera qu’en l’absence de PLU, conformément au droit commun.

M. Serge Grouard. Il faudrait préciser que le DAC est opposable au PLU. Je ne voudrais pas que ce dernier fasse écran.

M. président Patrick Ollier. C’est le PLU qui est opposable, et le DAC ne l’est directement qu’en l’absence de PLU. Le PLU ne peut donc pas faire écran.

M. Serge Grouard. Cela ne résout pas le problème de l’articulation entre SCOT et PLU : tous les éléments du SCOT ne sont pas opposables.

M. Bernard Reynès. Il suffit de laisser le SCOT jouer son rôle.

M. François Brottes. Tous les éléments du SCOT sont opposables au PLU, même s’il peut laisser au PLU certains espaces de liberté.

M. le président Patrick Ollier. Plus précisément, le PLU doit être compatible avec le SCOT.

M. François Brottes. Le DAC sera-t-il révisable selon les mêmes modalités que le SCOT ?

M. le président Patrick Ollier. C’est précisément dans ce but que le DAC fera l’objet d’un chapitre distinct. Nous vous proposerons en outre un amendement définissant des règles de révision plus souples.

M. Jean Gaubert. M. Grouard a raison : il vaut mieux être trop précis que pas assez dans une matière aussi propice au contentieux.

M. le secrétaire d’État. Je suis favorable à l’amendement.

L’amendement CE 60 est adopté à l’unanimité.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 1er juin 2010 à 17 heures

Présents. - M. Jean Auclair, M. Gabriel Biancheri, M. Bernard Brochand, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Jean Gaubert, M. Pierre Gosnat, M. Jean Grellier, M. Louis Guédon, M. Jean-Claude Lenoir, M. Louis-Joseph Manscour, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Patrick Ollier, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Jean Proriol, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, M. Francis Saint-Léger, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Vautrin, M. René-Paul Victoria

Excusés. - M. Jean-Michel Couve, M. Jacques Le Guen, M. Jean-Marie Morisset, M. Alain Suguenot, M. Jean-Charles Taugourdeau

Assistaient également à la réunion. - M. Philippe Duron, M. Marc Goua, M. Serge Grouard