Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires économiques > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Mercredi 8 septembre 2010

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 80

Présidence de M. Patrick Ollier Président puis de M. Jean Gaubert Vice-président

– Présentation, ouverte à la presse, des « Mardis de la LME » par Mme Catherine Vautrin, présidente de la Commission d’examen des pratiques commerciales

– Audition de M. Jean-Ludovic Silicani, président de l’Arcep

Commission
des affaires économiques

Présentation, ouverte à la presse, des « Mardis de la LME » par Mme Catherine Vautrin, présidente de la commission d’examen des pratiques commerciales.

M. le président Patrick Ollier. Nous sommes heureux d’accueillir au sein de notre commission Mme Anny Poursinoff, qui vient d’être élue députée des Yvelines.

Dans le cadre de notre mission de contrôle qui doit continuer à se développer parallèlement à notre action de législateur, nous allons auditionner Mme Catherine Vautrin, présidente de la commission d’examen des pratiques commerciales et vice-présidente de l’Assemblée nationale. Je tiens d’ailleurs à lui rendre hommage pour sa participation toujours constructive aux travaux de notre commission et pour le courage qu’elle a eu d’accepter de prendre le relais de notre regretté collègue Jean-Paul Charié à la tête de la commission d’examen des pratiques commerciales. Cette commission, dont la création remonte à la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, est véritablement la fille de la commission des affaires économiques, avec laquelle elle a d’ailleurs toujours travaillé en bonne intelligence, parfois même dans un climat de véritable complicité.

Mme Vautrin va immédiatement nous présenter « Les mardis de la LME » qu’elle a lancés pour compléter les opérations de contrôle dans lesquelles nous nous sommes engagés afin de mettre fin aux pratiques inadmissibles développées par certains distributeurs dans le seul but de contourner la loi. C’est, une fois de plus, le combat du pot de terre contre le pot de fer, dont les victimes sont à la fois les consommateurs, les transformateurs et les producteurs, agricoles ou autres petits fournisseurs.

M. François Brottes. Puisque vous envisagez nos travaux à venir, monsieur le président, il me semblerait judicieux de nous préoccuper également des travaux du comité chargé de préfigurer la création d’un registre national des crédits aux particuliers. L’opposition n’y étant pas représentée, il faudrait au moins pouvoir entendre ceux de nos collègues qui y siègent. Par ailleurs, nous aimerions être éclairés sur l’avenir du texte relatif à l’urbanisme commercial qui est très attendu dans nos territoires. Enfin, dans le secteur du logement, nous souhaiterions connaître les projets autour de la disparition annoncée du dispositif Scellier.

M. le président Patrick Ollier. La création de ce comité est une exigence de notre part car Mme Lagarde n’en voulait pas : c’est une victoire de notre Commission. Il va de soi que nous demanderons un rapport d’étape pour suivre les travaux menés en son sein.

Quant au texte sur l’urbanisme commercial, il s’agit d’une de nos propositions de loi et nous avons ainsi respecté un engagement que le Gouvernement n’a pas pu tenir. Les deux présidents des commissions des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du sénat sont d’accord pour l’inscrire à l’ordre du jour dès que possible : ce texte devrait être examiné par le Sénat au cours de la première quinzaine de décembre et voté avant Noël.

En ce qui concerne le dispositif Scellier, M. Apparu a des propositions à faire pour favoriser l’accession, principalement sociale, à la propriété. Une fois qu’elles auront été validées au plus haut sommet de l’État, il viendra nous les présenter et nous aborderons le sujet du Scellier avec lui. Je suis de ceux qui sont hostiles à un coup de rabot systématique sur les niches fiscales. J’ai même eu l’imprudence de qualifier certaines d’entre elles de vertueuses car elles contribuent à créer de la richesse et de l’emploi. Je laisse maintenant la parole à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin, présidente de la commission d’examen des pratiques commerciales. Notre regretté collègue et ami Jean-Paul Charié avait commencé à dresser le bilan des pratiques commerciales avec Jean Gaubert. Présidant la commission d’examen des pratiques commerciales depuis janvier dernier, j’ai pu prendre la mesure des tensions qui existent entre les distributeurs et les industriels, souvent à la tête d’entreprises de petite taille implantées dans nos territoires.

Lors de la discussion de la loi de modernisation de l’agriculture, plusieurs de nos collègues se sont fait l’écho d’un mouvement porté par une fédération d’agriculteurs qui souhaitait en profiter pour revenir sur la LME. En séance publique, j’avais déclaré que le vecteur choisi n’était pas forcément adapté, mais que cela ne dispensait pas de s’attaquer aux problèmes. Les « Mardis de la LME » traduisent en quelque sorte mon engagement d’alors. Il faut se rappeler que le Gouvernement a assigné neuf enseignes de distributeurs mais qu’aucune affaire n’a encore été jugée. Par ailleurs, deux questions prioritaires de constitutionnalité ont été posées par deux distributeurs et, le 13 juillet dernier, le tribunal de Bobigny a transmis l’une d’entre elles à la Cour de cassation qui a désormais trois mois pour se prononcer avant la saisine éventuelle du Conseil constitutionnel. Les négociations commerciales pour l’exercice 2011 vont donc commencer dans un climat tendu et, en l’absence de jurisprudence et de réponse aux questions prioritaires de constitutionnalité, incertain.

J’ai passé du temps à rencontrer tous les acteurs qui, inquiets du flou actuel, sont au moins d’accord sur un point : assez paradoxalement, aucun n’a envie de voir la LME modifiée. Après les avoir écoutés, j’ai rassemblé leurs diverses questions et déterminé trois problèmes et cinq sujets sur lesquels nous allons travailler.

Premier problème : un problème de définition de la loi. Ainsi, le concept de « déséquilibre significatif » est une notion laissée volontairement dans le flou. Deux ans après, elle n’a toujours pas été fixée, ni dans la loi, ni dans la jurisprudence. C’est un des sujets auxquels le groupe de travail devra réfléchir.

Deuxième problème : un problème d’application de la loi. La durée et le contenu du plan d’affaires posent de telles difficultés qu’il a été décidé d’en faire le deuxième sujet traité lors des « Mardis de la LME ». On nous dit que le plan d’affaires est annuel mais qu’il est signé au 1er mars. Dans ce cas, que se passe-t-il entre le 1er janvier et le 28 février ? Y a-t-il rétroactivité ? Et quels sont les éléments qui doivent figurer dans le plan d’affaires ?

Troisième problème : un problème de mauvaises pratiques qui s’observent dans trois domaines, autant de sujets qui seront là aussi successivement traités lors de nos différentes réunions de travail.

Il s’agit, en premier lieu, de la fixation contractuelle des prix. La loi n’exige pas expressément l’inscription du prix dans le contrat, ce qui débouche sur la question brûlante de la répercussion des prix des matières premières, qui n’est pas symétrique selon qu’il s’agit de hausse ou de baisse.

En deuxième lieu, nous devons évaluer la pratique dite des « stocks déportés » qui consiste à faire livrer les produits dans un lieu de stockage géré soit par le distributeur, soit par un logisticien. N’est-ce pas un moyen de détourner les règles en matière de délais de paiement, en jouant sur les dates à partir desquelles ils courent ? Ensuite, qui supporte le coût de la gestion de ces stocks ? Et les producteurs ont-ils vraiment le choix d’utiliser ou non ces plates-formes ?

En troisième et dernier lieu viennent les « nouveaux instruments promotionnels », les NIP. Ils relèvent aussi de la protection des consommateurs et posent la question du rôle respectif assigné au distributeur et au producteur. Qui fait quoi ? Qui supporte quoi ?

Alors, me direz-vous, une fois ces problèmes définis, pourquoi ne pas rester dans le cadre de la CEPC et préférer créer les « Mardis de la LME » qui réuniront à la fois la CEPC et la commission des affaires économiques ? Parce que j’ai souhaité mettre autour de la table les acteurs de la négociation. Huit enseignes ont accepté de participer. En face, nous aurons des industriels internationaux, nationaux, locaux, grands et petits, de l’alimentaire et du non-alimentaire ; deux parlementaires, l’un de l’opposition, Jean Gaubert, et moi-même ; quatre fédérations – la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, la FCD ; l’Association nationale des industries agroalimentaires, l’ANIA ; la Confédération française du commerce interentreprises, la CGI ; et l’Institut de liaison et d’études des industries de la consommation, l’ILEC – qui sont plutôt en position d’observatrices dans la mesure où les acteurs directs seront privilégiés ; et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF.

Cinq réunions auront donc lieu, consacrées chacune à l’un des cinq sujets, pour trouver des réponses aux problèmes posés. L’idéal serait de parvenir à un consensus, mais ce ne sera pas toujours facile. Les conclusions, s’il y en a, seront ensuite présentées à la CEPC, puisque, une fois qu’elle les aura validées, celles-ci se verront dotées d’une force juridique et s’imposeront dans les pratiques commerciales. Or, il faut aller vite : il y a beaucoup à faire et les négociations commerciales ne vont pas tarder à débuter.

J’insiste sur la volonté de médiation et de consensus qui animent et la CEPC et la commission des affaires économiques. Pour favoriser la réflexion et le débat, les « Mardis de la LME » ne seront pas ouverts à la presse.

M. le président Patrick Ollier. La LME pose des principes mais, que les choses soient claires, elle est susceptible d’évoluer. Le 20 octobre, Mme Vautrin viendra nous présenter ses conclusions. Mais d’autres rendez-vous auront lieu ensuite, notamment avec Mme Lagarde et ses secrétaires d’État, pour décider des suites à donner au rapport d’étape.

M. François Brottes. La menace d’une modification de la loi ne peut qu’inciter les acteurs à rester jusqu’au bout autour de la table. La deuxième lecture de la proposition de loi sur l’urbanisme commercial peut-elle être l’occasion de faire bouger les choses sur les thèmes qui viennent d’être évoqués ?

M. le président Patrick Ollier. Nous avons eu assez de mal à imposer cette proposition de loi au Gouvernement et j’ai pris l’engagement qu’elle ne servirait pas à introduire d’autres sujets : ne pas le respecter risquerait de compromettre l’issue du texte. Nous aurons toujours la possibilité de déposer une autre proposition de loi si le besoin s’en fait sentir : rien ne nous est interdit dès lors que l’intérêt général est en jeu.

M. Daniel Fasquelle. Le cœur du sujet, c’est le rôle respectif du législateur, du pouvoir réglementaire et de la jurisprudence. La loi règle parfois des questions qui ne sont pas de son domaine. Elle doit fixer des principes généraux et ne pas changer chaque fois qu’apparaît une nouvelle pratique commerciale. La jurisprudence a également son rôle à jouer puisque la loi a posé le principe de libre négociabilité, en l’assortissant de limites assez floues. Il faut donc laisser au juge le temps de les préciser. À ce propos, a-t-il saisi la faculté que lui offre la loi d’interroger la CEPC ?

Mme Catherine Vautrin. À ce jour, nous n’avons reçu aucune demande. Nous en sommes restés à une pratique traditionnelle. Et, s’agissant du « déséquilibre significatif », nombreux sont ceux qui attendent en effet la jurisprudence. D’où le risque de voir le juge et la CEPC attendre chacun de leur côté que l’autre se prononce.

M. Jean-Charles Taugourdeau. La loi ne prévoit pas que le prix doit figurer au contrat : c’est une bonne chose car le prix est le résultat de l’offre et de la demande. Si la première peut éventuellement être régulée par la loi, ce n’est pas le cas de la seconde : le consommateur doit être libre. Nous pensions avoir supprimé les marges arrière, mais nous avons vu surgir ce que j’appelle les « marges avant ». Auparavant, on ne discutait pas le prix, mais tout était fait pour le baisser. Maintenant, le prix est imposé par l’acheteur. L’important, me semble-t-il, serait de verrouiller le système de sorte que, quand le producteur fait une promotion, il soit assuré qu’elle profite au consommateur. Bien souvent, ce sont les intermédiaires qui encaissent la différence si bien que la promotion n’a pas l’effet escompté par le fabricant. Enfin, s’agissant des délais de paiement, il me semble que la loi a oublié d’accorder des délais exceptionnels aux entreprises qui ont recours à la médiation du crédit, que le Gouvernement a eu raison de maintenir.

Mme Catherine Vautrin. Votre question concernant la répartition des rôles entre jurisprudence et règlement démontre l’intérêt qu’il y aurait à aboutir à un consensus et, partant, celui de réunir les acteurs intéressés. Pour ce qui est des prix, le problème me semble surtout tourner autour de la répercussion des fluctuations des prix des matières premières, qui est aujourd'hui très difficile à obtenir. Les promotions posent la question de savoir qui les finance et à qui elles profitent.

En conclusion, l’idée est de travailler avec les distributeurs et les industriels pour aboutir à un consensus et concrétiser les avancées dans les pratiques commerciales. Si d’aventure, je dressais un constat d’échec le 20 octobre, nous devrions en tirer les conclusions.

M. le président Patrick Ollier. Chère collègue, nous vous souhaitons de réussir.

——fpfp——

La Commission a entendu M. Jean-Ludovic Silicani, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep).

M. le président Patrick Ollier. Je suis heureux d’accueillir M. Jean-Ludovic Silicani, président de l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

La surveillance des autorités administratives indépendantes est une mission de contrôle essentielle du Parlement. Notre Commission a toujours pris cette fonction très au sérieux et a incité le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, créé au sein de l’Assemblée nationale, à engager plusieurs actions. C’est ainsi qu’un contrôle est en cours pour examiner les possibilités d’harmonisation des modalités de fonctionnement des autorités administratives indépendantes.

Notre Commission a beaucoup travaillé dans le domaine qui vous concerne, monsieur Silicani. Elle a notamment fait voter, le 17 décembre 2009, la loi contre la fracture numérique, dont Laure de La Raudière était la rapporteure, et, le 9 février 2010, la loi relative à l’entreprise publique La Poste, dont Jean Proriol était le rapporteur. Entre-temps, vous avez attribué une quatrième licence de téléphonie mobile.

Le déploiement en zone très dense du très haut débit par fibre optique a-t-il démarré ? Le cadre voté par le Parlement pour ces zones, sur recommandation de l’ARCEP, s’avère-t-il adapté, notamment en ce qui concerne le droit des concurrents de se faire poser des fibres dédiées supplémentaires dans les immeubles ?

Quel regard l’ARCEP pose-t-elle sur le plan très haut débit présenté par le Gouvernement pour les autres zones ?

Quel rôle les collectivités territoriales vous semblent-elles devoir jouer dans le schéma ?

L’ARCEP a exprimé des réticences à propos de la montée en débit, craignant que cela nuise au déploiement de la fibre optique. Pensez-vous qu’il faille exclure les projets de montée en débit du programme très haut débit ?

L’ARCEP a récemment organisé un colloque au sujet de la neutralité, auquel j’aurais aimé participer. Pouvez-vous nous faire une synthèse de la position de l’ARCEP sur cette question, qui suscite de vives réactions chez les opérateurs et les représentants des consommateurs ?

Quels enjeux politiques la transposition du paquet télécoms vous semble-t-elle soulever ?

M. Jean-Ludovic Silicani. Ces rencontres régulières sont très utiles pour le Parlement, je l’espère, mais aussi pour l’ARCEP, qui peut ainsi mieux comprendre les préoccupations et les attentes des élus de la nation.

Les principaux opérateurs ont récemment présenté leurs résultats économiques et financiers du premier semestre, qui sont bons, parfois très bons, même si des contrastes existent selon les secteurs et les entreprises. Peut-être l’action du régulateur est-elle l’une des causes de cette bonne santé du secteur. Mais ce n’est pas parce que ce dernier se porte bien qu’il faut chercher à lui faire assumer des charges fiscales excessives. Chacun doit veiller à ce que ce secteur stratégique, celui de l’économie numérique, continue à se développer et à entraîner la croissance économique de notre pays.

La montée vers le très haut débit est l’un des principaux chantiers sur lesquels l’ARCEP a beaucoup travaillé ces derniers mois.

Le cadre réglementaire du déploiement de la fibre optique dans les zones très denses a été fixé en décembre dernier et est entré en vigueur en janvier 2010. Sur le terrain, tout se déroule bien et les opérateurs ont rendu publiques leurs offres de mutualisation dès février ; a suivi un travail d’ajustement avec l’ARCEP et entre eux. Ils ont ensuite annoncé leurs programmes d’investissement pour l’année en cours : 800 000 raccordements de foyers en plus des 900 000 qui étaient déjà raccordés à la fin du premier semestre 2010. Le cycle d’investissement dans la fibre optique a donc démarré. Avec les 900 000 raccordements jusqu’à l’abonné, ou FTTH – Fiber To The Home – et  plus de 4 millions de raccordements par le réseau de Numericâble, le nombre de foyers raccordés devrait excéder 6 millions d’ici à l’été prochain, dont environ 1,7 million en FttH. Ce chiffre place la France en tête de l’Europe, avec la Suède et les Pays-Bas. Certes, nous restons loin derrière la Corée du Sud et le Japon mais nous aspirons à rattraper progressivement ce retard.

Avant l’été, je me suis étonné du décalage entre le taux de raccordement et le taux d’abonnement : 10 % seulement des foyers raccordés sont abonnés. Pourquoi ? Les consommateurs français, constatant que le haut débit fixe fonctionne bien, notamment dans les villes, et ne coûte pas cher, semblent se demander si le passage à la fibre optique vaut la peine et si les services nouveaux qu’offre le très haut débit sont prêts. Quant aux opérateurs, avant de vraiment lancer leur investissement commercial, ils attendent peut-être que la concurrence démarre et surtout que la masse critique de foyers à prospecter sur le plan commercial soit suffisante dans une ville ou un quartier. Je suis toutefois raisonnablement optimiste et je pense que les taux d’abonnement vont commencer à progresser dans les zones très denses, car un premier frémissement a été enregistré depuis le milieu de cette année. L’année 2011 devrait être celle du vrai démarrage des abonnements à la fibre optique.

Le choix entre monofibre et multifibre, qui a occupé la moitié du débat sur la fibre optique en 2009, a été réglé par l’action. Que l’opérateur d’immeuble privilégie la technologie monofibre, comme France Télécom, ou la technologie multifibre, comme Free, il la met en place, et, en cas de co-investissements, une demande spécifique est adressée par l’opérateur tiers à l’opérateur d’immeuble. Nous achevons d’examiner les modalités de répartition des financements, au sujet desquelles persistaient de petits désaccords. Ces questions, qui apparaissaient très complexes, sont en voie de règlement sur le terrain.

Pour les zones moins denses, qui constituent 85 % du territoire, le régulateur achève d’élaborer un cadre réglementaire de la même nature que celui en vigueur pour les zones très denses. Il sera rendu public vers la fin novembre, une fois connus les avis de l’Autorité de la concurrence et de la Commission européenne. Ce cadre réglementaire devra être suffisamment souple pour répondre aux besoins des zones urbaines semi-denses comme des zones rurales.

Parallèlement, le Gouvernement a lancé le programme très haut débit, avec notamment des soutiens financiers par l’emprunt d’État, via le fonds d’aménagement numérique des territoires. Les deux actions sont complémentaires : l’ARCEP achève l’élaboration d’un cadre réglementaire, tandis que le plan national très haut débit se traduira par une action de « cartographie » et de financement. Le calendrier annoncé par le Gouvernement avant l’été se déroule normalement. Cinq ou six territoires expérimentaux seront retenus en octobre, après appel à projets, et, d’ici au début de l’année prochaine, chaque opérateur, qu’il soit privé ou public, devra déclarer ses intentions de déploiement du réseau sur l’ensemble du territoire.

Dans un premier temps, il s’agit en effet d’identifier les projets de déploiement financés sans subvention. Nous disposerons, à la fin du premier trimestre 2011, grâce à l’appel à manifestation d’intentions du Gouvernement et aussi aux schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique prévus dans la loi Pintat  (35 sont déjà lancés et la totalité devraient l’être d’ici à la fin 2010), d’une cartographie des territoires hors des zones très denses (zone 1, non concernée par le programme) mais susceptibles d’être couverts par l’investissement des opérateurs de marché dans les trois à cinq ans à venir. Apparaîtront ainsi, par contraste, la zone 2, destinée à être couverte par des réseaux financés par le marché mais mutualisés, et la zone 3, dans laquelle l’action des collectivités locales sera déterminante, au travers des réseaux d’initiative publique de très haut débit.

Grâce à l’action réglementaire de l’ARCEP, aux moyens publics engagés dans le cadre du « fonds Pintat » et à l’action des collectivités locales, la France, au début de l’année prochaine, sera le pays d’Europe le plus avancé en termes d’outils d’action pour créer un cadre harmonieux et efficace. Alors, contrairement à l’habitude française, ne nous flagellons pas et gardons cette tête d’avance.

Dans certains territoires, le très haut débit fixe ne pourra cependant pas aboutir avant plusieurs années. Pour répondre à la demande du Parlement, l’ARCEP lui remettra donc, fin septembre, un rapport complet sur les technologies – fixe, mobile, satellitaire – contribuant à la montée vers le très haut débit dans les zones rurales.

L’ARCEP, de façon un peu différente de l’Autorité de la concurrence – mais chacune joue son rôle –, considère que la montée en débit est tout à fait possible, sous réserves de modalités appropriées. Toutefois, nous ne recommandons pas aux collectivités locales de participer au financement d’opérations dans des zones où la fibre optique arrivera prochainement. En effet, cela entraînerait un double investissement, c’est-à-dire un gaspillage d’argent public, dans un contexte où, à l’instar de l’État, les collectivités ne regorgent pas d’argent. De surcroît, la Commission européenne pourrait assimiler, dans certains cas, de telles interventions publiques locales à des aides d’État, ce qui obligerait les opérateurs à les rembourser et entraînerait des contentieux multiples. Donc, pour un motif de bonne gestion publique et au regard du droit de la concurrence, nous ne recommandons pas aux collectivités locales de trop se précipiter dans le financement de la montée en débit dans les zones où la fibre optique arrivera prochainement. Dans les autres zones, des projets de montée en débit pourront être menés à bien, sous réserve du respect de quelques règles techniques en cours d’élaboration par un groupe de travail qu’anime l’ARCEP avec les opérateurs et les collectivités ; elles seront prêtes d’ici à l’automne. À notre demande, France Télécom, opérateur central en ce domaine, a rendu publique une offre en juillet. Le rythme pourrait être de 1 000 à 2 000 opérations par an sur les boucles locales, ce qui serait satisfaisant.

Par ailleurs, le Gouvernement, ces derniers jours, a labellisé quatre offres satellitaires pour le très haut débit dans les zones les moins denses.

Enfin, la dernière technologie possible pour faire accéder les zones moins denses au très haut débit, qui sera sans doute la plus importante quantitativement, est évidemment le très haut débit mobile.

La téléphonie mobile est le deuxième grand chantier qui nous a beaucoup occupés en 2009 et continuera de le faire fin 2010 et en 2011.

La dernière licence mobile de troisième génération a été attribuée à Free en janvier, assortie d’obligations importantes. D’après nos informations, la mise en place du réseau de Free semble bien se passer, l’entreprise ayant obtenu l’accord de TDF et de collectivités locales pour obtenir des points hauts en vue d’implanter ses antennes d’émission. L’entreprise semble bien se porter et disposer des capacités financières nécessaires. Je ne peux être sûr, à 100 %, qu’elle sera en mesure, comme prévu, d’ouvrir son réseau en 2012, mais les éléments d’information dont nous disposons sont plutôt positifs.

Reste la question du droit à l’itinérance. La licence attribuée à Free prévoit un droit à l’itinérance sur les réseaux de deuxième génération et il ne fait aucun doute que la négociation aboutira. Les débats sont plus complexes s’agissant de la troisième génération, la 3G, car la licence ne prévoit pas de droit automatique et une négociation est requise avec les trois autres opérateurs mobiles. Mais je leur fais confiance car le premier des trois autres opérateurs – France Télécom, SFR et Bouygues Telecom – qui comprendra l’intérêt d’accorder l’itinérance 3G à Free empochera le loyer de son réseau. Il s’agit d’une discussion commerciale, qui aboutira à un certain prix.

Toujours sur la 3G, en décembre 2009, nous avons mis Orange et SFR en demeure de rattraper leur retard par rapport aux obligations de déploiement de réseau définies lorsque les licences leur avaient été accordées. Le premier rendez-vous était fixé avec SFR, le 30 juin : nous achevons les contrôles ; il apparaît que l’entreprise devrait juste couvrir les 84 % de la population, comme prévu. Un deuxième rendez-vous est fixé avec Orange et SFR, qui doivent couvrir 88 % de la population, d’ici la fin de l’année.

J’en viens à la téléphonie mobile de quatrième génération, ou très haut débit mobile, et au fameux dividende numérique. Le sujet est extrêmement important car cela apportera le très haut débit dans les zones moins denses. L’ARCEP y travaille depuis le début de l’année, sachant que cela soulève des questions techniques, juridiques, économiques et politiques. Le Parlement, toujours dans la loi de décembre 2009, a fixé au très haut débit mobile un objectif prioritaire d’aménagement du territoire. Le régulateur a réfléchi à la mise en œuvre de cet objectif et a rendu public, en juillet, un document d’orientation, à destination des opérateurs, des élus et des experts, suggérant des pistes, avec des objectifs de couverture plus ambitieux que pour les réseaux précédents. Premièrement, la proportion de population couverte pourrait être plus élevée que celle des réseaux 2G et 3G. Deuxièmement, des objectifs départementaux pourraient aussi être assignés, avec un taux minimum de 90 % de la population pour chaque département. Troisièmement, les trois quarts de la surface du territoire, soit 25 000 à 28 000 communes peu denses, pourraient être couverts en priorité, avec un objectif intermédiaire de couverture au bout de cinq ans. De telles obligations ont un coût pour les opérateurs et le Gouvernement devra procéder à un arbitrage entre recettes budgétaires et degré d’ambition en matière d’aménagement du territoire : plus les obligations faites aux opérateurs seront fortes, moins les recettes budgétaires seront élevées. C’est un choix politique, il appartient au Gouvernement, dans les limites fixées par la loi de décembre 2009.

Troisième chantier : à l’automne dernier, nous avons lancé le débat sur la neutralité des réseaux. La question est beaucoup moins prégnante qu’en Amérique du Nord, où la concurrence, dans le secteur des télécommunications, en particulier sur le marché du haut débit fixe, est faible. Pour autant, il nous a semblé préférable de traiter ce sujet à froid et d’anticiper les problèmes. Nous avons organisé un grand colloque en avril 2010, nous avons présenté des orientations en mai et nous rendrons publiques des recommandations définitives avant la fin du mois de septembre. L’objectif de l’ARCEP est d’éviter deux excès : il ne faut ni adopter une vision naïve selon laquelle internet serait resté un réseau reliant quelques millions de personnes échangeant essentiellement des informations scientifiques, ni adopter une vision purement marchande. Il convient de trouver un modèle économique efficace, tout en respectant la nature particulière de ce bien collectif stratégique pour notre environnement économique et social qu’est internet, à l’instar des réseaux ferrés ou des réseaux d’électricité.

Le débat sur la neutralité consiste simplement à s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour assurer le bon fonctionnement de l’internet dans les dix ou vingt prochaines années, à savoir trouver un équilibre entre, d’une part, ouverture et neutralité des réseaux, et, d’autre part, capacité à instaurer un modèle économique permettant d’investir et de financer les nouveaux réseaux

C’est la ligne que nous avons choisie. Nous ferons des propositions pour que les marchés de gros, entre fournisseurs de contenus et opérateurs de télécoms, soient moins opaques et archaïques qu’ils ne le sont aujourd’hui, et que les marchés de détail proposent aux internautes des offres transparentes et non discriminatoires. Le Parlement, qui aura entre les mains le rapport du Gouvernement et les propositions de l’ARCEP, jugera s’il y a lieu de légiférer.

Les directives du paquet Télécom renforcent le rôle des régulateurs sur les questions de transparence et de neutralité et étendent leur pouvoir en matière de règlement des différends entre opérateurs de télécoms et fournisseurs de contenus.

S’agissant de la transposition, le Gouvernement a associé l’ARCEP à ce travail. Le projet actuel nous convient, à quelques détails près. Il pourrait être pris par voie d’ordonnance. Toutefois certains éléments portant sur la neutralité pourraient être examinés dans le cadre d’un débat parlementaire.

J’aborde maintenant les nombreux chantiers postaux en cours : trois me paraissent particulièrement importants. Nous préparons avec La Poste l’ouverture totale, le 1er janvier prochain, du marché postal : le régulateur devra être doté des outils prévus par la loi. En 2011, nous réfléchirons avec La Poste à l’évolution de la technique dite du price cap que nous avons établie ensemble et qui consiste à donner à l’établissement une visibilité pluriannuelle lui permettant de fixer ses tarifs dans le cadre d’un panier comprenant les différentes composantes du service universel.

Le Parlement nous a confié la tâche d’évaluer le surcoût du réseau de proximité de La Poste. Nous pensions qu’il n’était pas nécessaire de renvoyer à un décret le soin de fixer les modalités de ces dispositions législatives, mais le Parlement en a décidé autrement. Ce décret d’application n’est toujours pas publié, ce qui nous place dans l’incapacité de mener à bien la tâche que le Parlement nous a confiée. J’espère qu’il sera publié rapidement pour nous permettre d’évaluer ce surcoût.

La loi nous a aussi confié une importante mission de médiation en matière postale. Nous travaillons à la mise en place opérationnelle de cette mission, qui débutera en janvier.

En janvier 2010, j’ai souligné l’importance pour l’ARCEP du sujet des relations entre opérateurs et consommateurs. L’abondante actualité de ces derniers mois illustre la pertinence de cette analyse. La situation n’est pas satisfaisante : manque de transparence des services offerts aux consommateurs, insuffisante fluidité du marché, abus dans l’utilisation des numéros surtaxés, y compris dans les services publics. Nous avons choisi de traiter globalement ces questions, plutôt que de les aborder une par une. D’ici à la fin novembre, nous présenterons un document qui comprendra nos recommandations et les actions qu’il convient de mener, qu’elles le soient par l’ARCEP ou par d’autres acteurs, privés ou publics – je pense à la DGCCRF. Dans le rapport que nous avons remis en juillet au Parlement, nous avons déjà identifié un certain nombre de problèmes, liés à la mauvaise application de la loi Chatel.

Pour conclure, je dirai que l’ARCEP est une autorité de régulation qui fonctionne bien. En 2011, elle participera aux efforts d’économies budgétaires en réduisant son budget de fonctionnement de 5 %. J’ai été auditionné par la Mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée et à cette occasion, je lui ai remis une étude comparative, réalisée en collaboration avec d’autres autorités de régulation, portant sur les autorités de régulation de différents pays européens. Cette étude montre que la productivité des autorités françaises est environ deux fois supérieure à la moyenne de celle des autorités allemande, anglaise, italienne et espagnole. Enfin, nous venons d’obtenir une baisse de 15 % du loyer de l’immeuble dans lequel nous travaillons.

M. le président Patrick Ollier. Je vous indique que dans le cadre de la mission de contrôle qui nous a été confiée, nous avons demandé au Gouvernement de nous associer aux ordonnances.

Mme Laure de la Raudière. Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir dressé un tableau complet de l’application de la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique.

Concernant la fibre optique, quel est le pourcentage de co-investissements réalisés en zone 1 ?

Que pensez-vous de la proposition de l’Association française des opérateurs de réseaux et de services de télécommunication de ponctionner sur les frais de maintenance de la « paire de cuivre » pour financer la fibre optique, et donc alimenter le fonds d’aménagement numérique du territoire ?

S’agissant de la montée en débit, aux termes de l’article 32 de la loi, l’ARCEP devait présenter, fin juin 2010, un rapport – il nous sera remis en septembre – destiné à faire un état des lieux des technologies fixes et mobiles. J’attire votre attention sur le fait que les collectivités ont besoin de garanties pour avoir une vision prospective de la montée en débit, celle-ci devant être compatible avec le développement des fibres optiques. Quelle est la position du président de l’ARCEP sur l’offre NRA-ZO, par rapport à des équipements comme le DSLAM ou le VDSL2 ?

En matière de dividende numérique, la loi prévoit que l’on respecte en priorité les impératifs d’aménagement du territoire et le calendrier de mise en œuvre. Dès lors que les technologies mobiles vont, dans les territoires ruraux, suppléer la technologie filaire, il faut que nos territoires puissent bénéficier des technologies mobiles selon un calendrier compatible avec le développement généralisé de fibres optiques dans les zones denses.

M. François Brottes. L’ARCEP est l’autorité de régulation la plus mature, et je m’en félicite – il est vrai qu’elle est la plus ancienne. Quoi qu’il en soit, elle gère très correctement son indépendance.

Quelles sont les relations entre l’ARCEP et l’Autorité de la concurrence ? Chacune de ces deux autorités reste-t-elle dans son rôle ou marche-t-elle sur les plates-bandes de l’autre ?

Selon vous, la Cour des comptes se mêle-t-elle de ce qui la regarde lorsqu’elle rédige un rapport sur la Poste et émet des préconisations sur le fonctionnement de l’opérateur postal ? Quel est votre avis sur ce rapport, qui contient des préconisations totalement incongrues dans le contexte que nous connaissons ?

Vous vous préoccupez des consommateurs et je vous en remercie. Déjà pénalisés par l’augmentation du coût de l’énergie, ils le sont également par celui des services télécoms, dont les tarifs ne sont plus du tout régulés. La manière dont les offres s’organisent nous invite à rester très vigilants quant aux conséquences de la dérégulation sur l’endettement des ménages. J’ai bien noté que vous avez attiré l’attention de la majorité sur les effets négatifs qu’aurait une augmentation de la TVA.

La quatrième licence se met en place. Vous connaissez mes responsabilités dans le débat sur la baisse des fréquences et la puissance des émetteurs – je préside le comité opérationnel chargé des modélisations et des expérimentations concernant l’exposition et la concertation locale. Pensez-vous que le travail qui a été engagé, auquel participe l’ARCEP, a un sens ?

Demander aux collectivités d’engloutir des millions d’euros – dont elles ne disposent plus – pour l’accès au haut débit par satellite vous paraît-il la solution ?

Enfin, l’ARCEP a-t-elle un droit de regard sur la loi Hadopi ?

M. Jean Dionis du Séjour. Je vous remercie à mon tour, monsieur le président, de nous avoir donné une vision d’ensemble.

Vous n’avez pas dit grand-chose du financement de la zone 3, si ce n’est qu’il serait à la charge des collectivités locales. Celles-ci vous en sont reconnaissantes… Que pensez-vous de la proposition du CESE de taxer l’abonnement pour financer le développement du très haut débit fixe en milieu rural ?

La loi Pintat prévoit des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique pour l’attribution de l’aide du fonds numérique. Les procédures sont-elles en place ? Sommes-nous sortis des cycles expérimentaux ?

Enfin, en disant qu’il faudra bien, un jour, lier le débat sur la neutralité de l’internet aux modèles économiques futurs de financement du réseau, vous allez à l’encontre de l’hypocrisie et de l’idéologie qui caractérisent ce débat. Je partage totalement votre opinion.

M. Daniel Paul. Je ne suis pas un fan de ces autorités dites indépendantes car, bien souvent, elles ne le sont pas. Je m’associe néanmoins aux remerciements qui vous ont été adressés.

Compte tenu de l’impact économique, social et culturel du réseau internet, le pouvoir public pourrait jouer pleinement son rôle, mais ce n’est pas cette conception qui a été retenue. Et Jean Dionis du Séjour, dont je ne partage pourtant pas les options, a soulevé un problème qui illustre les risques devant lesquels nous nous trouvons.

En tant que président de l’ARCEP, vous dites faire confiance au marché. Généralement ce n’est pas mon cas, encore moins dans un tel domaine ! Vous souhaitez ne pas imputer de charges excessives aux opérateurs qui réalisent de bons – voire de très bons – résultats. Je pense, pour ma part qu’il serait possible d’alourdir leur contribution. Mais je me demande si le rôle du président de l’ARCEP est de dire cela…

Le risque, en matière de très haut débit, c’est que les opérateurs privés ne s’intéressent qu’à ce qui est très rentable, laissant aux collectivités locales les domaines peu rentables ou qui nécessiteront des investissements. Or, les collectivités locales se trouvent aujourd’hui en grande difficulté, et cela risque de durer.

J’avais prévu de poser la même question que M. Brottes concernant le rapport de la Cour des comptes sur la Poste. Cette démarche me paraît hors du temps parce que nous étions opposés à l’engagement de la Poste dans la voie de la privatisation, mais aussi parce que, s’agissant des réseaux postaux, le contexte actuel est particulier.

Enfin, mon collègue André Chassaigne souhaite attirer votre attention sur les difficultés de France Télécom devant la montée en débit des lignes cuivre, qui pose de réels problèmes dans un certain nombre de régions. L’ARCEP a annoncé, à la fin du mois de juillet, qu’elle rendrait un avis avant la fin de l’année 2010. Quelle est votre position sur cette question ?

Mme Anny Poursinoff. Le rapport très détaillé du président de l’ARCEP me satisfait pleinement, mais je ne partage pas sa confiance à l’égard du marché. Ma principale crainte concerne la zone 3, qui risque de rester le parent pauvre du très haut débit, les collectivités locales étant amenées à prendre le relais.

Ma seconde inquiétude concerne le haut débit mobile, les antennes n’ayant pas encore prouvé leur neutralité sur notre santé. Qu’en pensez-vous ?

Enfin, entre schémas départementaux et schémas régionaux, la cohérence n’est pas toujours assurée – c’est le cas en Ile-de-France. Que proposez-vous pour remédier à ce dysfonctionnement ?

M. Lionel Tardy. Différents acteurs interviennent en matière de régulation d’internet : l’ARCEP, l’ARJEL, l’HADOPI et le CSA. Comment s’organise la coordination entre toutes ces autorités de régulation ?

Comment vont évoluer le rôle et les pouvoirs de l’ARCEP dans les prochaines années ?

En matière de téléphonie mobile, quelles initiatives seront prises au cours des prochains mois s’agissant de la régulation de la terminaison d’appel SMS, de l’enquête sur les pratiques des opérateurs de boucle locale, et des méthodes de mesure des prix des services de communications mobiles ? Quelle est la ligne politique de l’ARCEP et quels sont ses objectifs ?

L’objectif prioritaire d’aménagement du territoire fixé pour l’attribution des fréquences à 800 MHz prévue par la loi Pintat sera-t-il atteint ?

Le rapport remis cet été au Parlement sur l’application de la loi Chatel dresse un bilan très mitigé de la concurrence sur le marché mobile. Par quels moyens pouvons-nous renforcer cette concurrence ?

Enfin, la tranche des numéros « 08 08 » destinés au libre appel pour services publics et administrations tourne à vide. Que compte faire l’ARCEP pour la promouvoir ?

Mme Corinne Erhel. Le haut débit a enregistré une augmentation de 250 000 abonnements en un trimestre, contre environ 10 000 pour le très haut débit. Ne craignez-vous pas que cette lente progression du très haut débit mette, à terme, un frein à l’investissement des opérateurs ?

Vous dites ne pas recommander aux collectivités d’investir dans la montée du haut débit dans la mesure où, à brève échéance, elles bénéficieront de l’arrivée de la fibre optique. Quelle est cette échéance ? Le risque est de voir se creuser de plus en plus les différences d’accès au haut et très haut débit entre les trois zones.

Vous avez reçu 35 schémas directeurs d’aménagement du territoire. Quels sont les principaux enseignements que vous en tirez ? Ont-ils permis d’identifier un certain nombre de zones exclues ou à exclure ?

Enfin, concernant la quatrième licence de téléphonie mobile, selon un certain nombre d’articles parus dans les journaux économiques, les accords d’itinérance sur la 3G ne sont pas prévus dans le cahier des charges initial. Comment répondez-vous à ces interrogations ? N’aurait-il pas été plus simple de le prévoir dès le départ ?

M. Francis Saint-Léger. De nombreux territoires situés en zone rurale restent privés de la téléphonie mobile à haut débit. Quand peut-on espérer la résorption de ces zones blanches, sachant que le déploiement des réseaux mobiles de quatrième génération va commencer ? Afin que la ruralité ne reste pas à l’écart de cette technique, vous avez annoncé un taux départemental de couverture en 3G ambitieux, soit 90 %. Un tel objectif est-il réaliste ? Quel sera le calendrier du déploiement ?

Mme Frédérique Massat. Tout en qualifiant de très bon le bilan financier des opérateurs, vous avez jugé qu’ils étaient soumis à des charges excessives. Qui, selon vous, devraient assumer ces charges ?

Vous avez regretté le décalage entre le taux de raccordement à la fibre optique et le nombre d’abonnés au très haut débit, en suggérant que des investissements de nature commerciale devraient être consentis. Ne vaudrait-il pas mieux exercer un plus grand contrôle pour limiter les abus, le manque de transparence et les tarifs trop élevés, lesquels se traduisent par des factures pharaoniques pour certains abonnés, au point parfois de les entraîner dans la spirale du surendettement ? Le rapport sur l’amélioration des relations entre opérateurs et consommateurs contiendra-t-il des préconisations en ce domaine ?

Le Gouvernement a lancé au début du mois d’août un appel à projets pilotes pour les zones de moyenne et de faible densité. Les candidatures doivent être remises avant le 5 octobre. Un tel délai pour constituer les dossiers n’est-il pas trop court, surtout s’agissant de collectivités qui, par nature, sont de petite taille ?

Je suis élue d’un territoire très rural, l’Ariège. Non seulement nous ne disposons pas du très haut débit, non seulement nous avons du mal à obtenir la couverture en téléphonie mobile, mais nous n’avons même plus de réseau de téléphonie fixe, faute d’investissements suffisants !

M. Alfred Trassy-Paillogues. Quels sont les éventuels avantages pour les consommateurs, en termes de prix et de performance, de l’attribution d’une quatrième licence de téléphonie mobile ?

Avez-vous été associé à la démarche de projets pilotes initiée par Bruno le Maire et Michel Mercier dans le cadre des crédits du FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural ? Que pensez-vous de l’offre NRA-zone d’ombre ?

Des départements comme la Seine-Maritime sont quadrillés par une multitude de fibres optiques. Il semblerait que les opérateurs n’aient pas envie de travailler les uns avec les autres. Estimez-vous que l’ARCEP devrait jouer entre eux un rôle de coordination ?

Enfin, quel est l’état d’esprit de l’Autorité vis-à-vis de l’opérateur historique ? Nous avons en effet connu une époque où elle donnait l’impression de vouloir lui tordre le cou…

Mme Chantal Robin-Rodrigo. En montagne, certaines zones restent totalement ignorées des réseaux de téléphonie mobile. Je veux bien que l’on parle d’internet, de l’ADSL ou du très haut débit, mais avant, il faudrait au moins que toutes les communes rurales aient accès aux réseaux de téléphonie mobile des trois opérateurs ! Aujourd’hui, la couverture se limite aux centres bourgs. Dans mon département, les Hautes-Pyrénées, les zones blanches concernent vingt-sept communes, mais seulement huit bénéficieront de financements dans le cadre de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale. Peut-on parler dans ces conditions d’un égal accès des usagers aux technologies de communication ? Quant à la 3G, ce serait un véritable miracle si l’objectif annoncé de couvrir 90 % de la population avant la fin 2011 était atteint.

M. Jean-Pierre Nicolas. Vous nous avez annoncé l’arrivée de la quatrième génération de THD. Bravo, mais certaines zones rurales ne bénéficient même pas de la première ! Alors que les usages du très haut débit se multiplient, ne risque-t-on pas d’accroître un décalage au détriment, notamment, des petites entreprises artisanales implantées dans le monde rural ? Quelle stratégie souhaiteriez-vous voir adopter pour limiter les zones d’ombre : la mutualisation des moyens, l’association public-privé, une plus grande concurrence ?

M. Jean-Michel Villaumé. En matière de très haut débit, alors que les opérateurs ont présenté leurs offres de service dès le mois de février, on s’aperçoit qu’un peu moins de 10 % des foyers raccordables à la fibre ont souscrit un abonnement. Quelle conclusion peut-on en tirer, et comment faire pour améliorer ce résultat ?

M. Jean Proriol. Par la loi du 9 février 2010, le Parlement a chargé l’ARCEP d’évaluer chaque année le coût net du maillage complémentaire permettant d’assurer la mission d'aménagement du territoire confiée à La Poste. Un décret en Conseil d’État doit préciser la méthode d’évaluation mise en œuvre. En la matière, les choses ne sont pas si simples, comme vous le savez pour avoir déjà travaillé sur le sujet. Si je suis arrivé en retard à cette réunion, c’est parce qu’au même moment, la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, dont je fais partie, recevait Mme Toledano, membre du conseil de votre autorité. Or cette commission est chargée de donner son avis sur le décret prévu par la loi du 9 février. Elle transmettra bientôt son avis définitif.

Mme Marie-Lou Marcel. Je suis élue d’un département rural, l’Aveyron, dont certains habitants n’ont même pas accès à la téléphonie fixe – sans parler de la téléphonie mobile. Mais avant tout, la population de ce territoire, où les lignes ne sont pas dégroupables, attend des gestes forts en matière de très haut débit, car elle ne se satisfait pas des solutions qui ont été mises en œuvre jusqu’à présent. Nous souhaitons résoudre le problème des zones blanches sans que cela ne compromette ou ne diffère la mise en place du très haut débit. Entre le Wifi, le Wimax et le NRA-ZO, nous avons besoin d’orientations claires et précises. Le déport de signal permettrait également un meilleur débit et favoriserait l’implantation de nouvelles activités. Pouvez-vous donner des précisions sur ce sujet qui préoccupe de nombreux élus de mon département ?

Mme Catherine Coutelle. Les schémas territoriaux peuvent être effectués au niveau du département ou à celui de la région, et dans la mienne, ils sont élaborés de façon séparée. Comment assurer leur cohérence ?

En ce qui concerne l’accès au haut débit, de nombreux départements ont expérimenté le Wimax, un choix qui s’est révélé catastrophique. L’ARCEP a-t-elle fait le bilan financier et technique de cette solution ? Il semble que l’Autorité accepte l’offre « NRA-zone d’ombre » de France Télécom – à condition que les collectivités y mettent de leur poche – dans les zones où il n’existe pas d’ADSL, mais qu’elle refuse leur montée en puissance. Une telle solution permettrait pourtant d’améliorer les débits en les portant au-delà de 512 Kb/s.

S’agissant des zones de moyenne densité, France Télécom a pris l’initiative de choisir une ville par département pour installer la fibre optique – comme à Poitiers, où j’habite. Mais seul l’hyper-centre est équipé. Qu’adviendra-t-il des autres quartiers ?

M. William Dumas. Comme d’autres collègues, je note qu’en milieu rural, nous ne bénéficions pas partout de la téléphonie mobile. Quant au réseau de téléphonie fixe, il pose de plus en plus de problèmes.

Vous annoncez pour le premier trimestre 2011 une cartographie des territoires destinés à être équipés en fibre optique dans les prochaines années, et recommandez aux collectivités locales de différer leurs investissements en ce domaine. Mais cela pose des problèmes aux élus locaux qui tentent d’apporter le haut débit et la téléphonie mobile à tous les abonnés. Ainsi, dans mon canton, je suis en discussion avec ERDF afin que l’installation d’une ligne de 20 000 volts soit également l’occasion de placer un tuyau qui favorisera l’installation rapide de la fibre optique dans une zone qui couvre 20 kilomètres et concerne 12 000 habitants.

M. Jean-Ludovic Silicani. Certains députés demandent beaucoup à l’ARCEP, tandis que d’autres – parfois les mêmes – lui reprochent d’intervenir hors de sa compétence… Je prends cela comme un compliment : c’est sans doute parce que l’Autorité a une action efficace que l’on attend beaucoup d’elle. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons agir que lorsque la loi le prévoit. Si le Parlement souhaite que nous intervenions davantage sur certains sujets, il doit nous en donner les capacités juridiques.

Je ne pense pas avoir outrepassé mon rôle en exprimant mon avis sur les entreprises du secteur des télécoms et sur les charges qui leur incombent. C’est la vocation même d’une autorité de régulation que de s’assurer du bon fonctionnement d’un marché. Elle doit en particulier veiller à ce que règne une saine concurrence, surtout quand le marché succède à un monopole et comprend un opérateur historique.

À ce propos, on m’a interrogé sur les relations entre l’ARCEP et l’Autorité de la concurrence. L’objectif de cette dernière est de s’assurer qu’une concurrence maximale existe dans tous les secteurs de l’économie. Celui d’une autorité sectorielle comme l’ARCEP est également de veiller au respect de la concurrence, mais aussi de prendre en compte d’autres intérêts généraux fixés par la loi : accès de l’ensemble de la population à un service, aménagement du territoire, environnement, emploi, etc. Chacune des deux autorités a donc son rôle. Ils sont complémentaires et les relations entre les deux autorités sont excellentes.

Certains opérateurs reprochent à l’ARCEP de les soumettre à des obligations croissantes, sources de coûts supplémentaires, et aux pouvoirs publics de leur appliquer de nouvelles taxes. J’ai dit que nous devions veiller à ce que les obligations et les charges que nous imposons aux acteurs économiques restent raisonnables.

Laure de La Raudière m’a interrogé sur le taux de co-investissement et de mutualisation en zone 1. Pour l’instant, la mutualisation concerne 10 % du stock de fibre optique. Mais il faut avoir en tête que les fibres posées depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation de l’ARCEP, prise conformément à loi Pintat, ne représentent qu’une toute petite partie de ce stock. C’est seulement dans un an environ que l’on devrait observer un taux de mutualisation significatif.

Comment financer le déploiement de la fibre optique à long terme quand le fonds d’aménagement numérique aura épuisé les crédits du grand emprunt ? La taxation des paires de cuivre de France Télécom me semble l’exemple même de la fausse bonne idée, comme la réforme de la taxe professionnelle en donne d’ailleurs l’illustration. En effet, à la suite de la mise en place de l’IFER (imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux), qui fonctionne exactement comme une taxe sur les paires de cuivre, l’opérateur historique a envisagé de répercuter cette taxe sur ses tarifs de gros, c’est-à-dire sur le prix payé par les opérateurs alternatifs pour accéder à son réseau. S’il en avait été ainsi, les tarifs de gros payés par SFR, Free et Bouygues Telecom auraient donc augmenté dans des proportions considérables. Compte tenu des mécanismes qui régissent l’économie et le droit des télécommunications, il est, en effet, très difficile d’éviter qu’une taxe sur les réseaux de cuivre ne soit, in fine, payée principalement par les opérateurs alternatifs. C’est ce problème qui va sans doute conduire le Gouvernement à proposer au Parlement une modification de la législation sur la contribution économique territoriale.

Mais une taxe sur les réseaux de cuivre aurait un autre inconvénient : les territoires où la paire de cuivre sera utilisée le plus longtemps, c’est-à-dire les territoires peu denses et ruraux, paieront plus que les territoires urbains, où la fibre remplacera rapidement le cuivre. Ainsi, paradoxalement, une mesure censée favoriser l’installation de la fibre optique dans les territoires moins denses reviendrait à handicaper ces derniers. C’est en résumé la « double peine ». C’est pourquoi j’ai parlé de fausse bonne idée.

M. Jean Dionis du Séjour. Quelles sont vos propositions ?

M. Jean-Ludovic Silicani. Il me semble que les principes du droit et de l’économie n’ont pas changé depuis l’époque où j’ai fait mes études : lorsque l’on veut faire une dépense publique, on la finance par des impôts !

Plusieurs députés. Lesquels ?

M. Jean-Ludovic Silicani. Ceux qui existent. Le budget de l’État est alimenté à 95 % par l’impôt sur le revenu, la TVA et l’impôt sur les sociétés. Un budget, ce sont des recettes et des dépenses. Le principe d’unicité budgétaire, un peu trop perdu de vue, doit conduire à limiter au strict minimum les « taxes spéciales ». La solution normale, après l’épuisement du grand emprunt, dans quelques années, serait donc d’alimenter le fonds d’aménagement numérique par une dotation annuelle du budget de l’État.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce n’est pas très crédible !

M. Jean-Ludovic Silicani. D’ici quatre ou cinq ans, l’état de nos finances publiques le permettra peut-être. On peut l’espérer en tout cas.

M. Jean Gaubert, président. Le Ciel vous entende !

M. Jean-Ludovic Silicani. La seule autre solution – mais j’ai déjà dit que je ne la proposais pas -serait de créer une taxe spéciale. J’ai indiqué ce que je pensais d’une taxe sur les paires de cuivre. La moins mauvaise des solutions de ce type serait un prélèvement modeste sur l’ensemble des abonnements de téléphonie fixe et mobile. Avec 80 millions d’abonnements, une taxe de seulement 5 euros par an rapporterait 400 millions.

De nombreux députés m’ont interrogé sur la montée en débit et sur l’équipement en haut débit des territoires les moins denses. J’aborderai successivement les différents aspects de ce problème.

Commençons par le haut débit mobile. Les obligations de couverture fixées pour la deuxième génération de téléphonie mobile ont été étendues au réseau de troisième génération. Cela signifie que les opérateurs ont accepté de porter la couverture en 3G à plus de 99 % de la population d’ici 2013. Nous veillerons à ce que cet engagement soit respecté.

Le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, M. Mercier, est très sensible à la question des « zones blanches » en téléphonie mobile. Plusieurs programmes ont été mis en place pour couvrir l’ensemble des communes, même s’il est vrai que les centres des villages sont desservis avant les hameaux. Cela étant, on ne peut pas construire « une gare dans chaque village de  France ». Il faut donc rechercher des moyens alternatifs pour offrir à la plus grande partie de la population un accès au réseau. À cet égard, pour le million de personnes situées dans des zones très isolées, le satellite peut représenter une solution, et la labellisation récemment décidée par le Gouvernement constitue donc une avancée. Le rapport que nous remettrons à la fin du mois au Parlement effectuera l’état des lieux des technologies disponibles pour permettre aux territoires ruraux d’accéder au haut et au très haut débit, mobile et fixe. Il en offrira une description très complète des solutions, présentant leurs avantages et leurs limites.

Par ailleurs, l’ARCEP travaille avec les opérateurs et les représentants des collectivités locales pour préciser le cadre opérationnel de la montée en débit pour les trois technologies différentes que j’ai évoquées. Cette « boîte à outils » sera prête dès le mois de novembre et pourra être utilisée par les collectivités qui souhaitent financer la montée en débit ou participer à son financement.

M. Jean Gaubert, président. Je ne crois pas qu’elles soient nombreuses à le souhaiter ; beaucoup s’y voient plutôt contraintes.

M. Jean-Ludovic Silicani. Disons qu’elles le souhaitent et y sont contraintes en même temps.

M. Brottes et M. Paul ont évoqué le rapport de la Cour des comptes. Je ne m’estime pas autorisé à donner un avis sur le travail de cette institution. Chacun peut avoir le sien sur l’analyse faite par la Cour. L’ARCEP mène un travail quotidien avec La Poste, que nous aideons à se moderniser en la dotant, par exemple, d’un outil souple de fixation de ses prix. Nous travaillons aussi à la connaissance de son réseau : c’est le sens de l’évaluation que nous allons effectuer, dès que le décret sera paru, pour définir le montant de la contribution de l’État au maintien de son réseau de proximité.

Qu’il s’agisse de La Poste ou de France Télécom, nous travaillons sans a priori. Sinon nous serions une très mauvaise autorité de régulation. Nous appréhendons les opérateurs tels qu’ils sont, et nous faisons en sorte qu’ils respectent les principes de la régulation fixés par le législateur. Si ce n’est pas le cas, nous les rappelons à l’ordre, puis les mettons en demeure de respecter leurs obligations. S’ils persistent – ce qui est très rare – nous les sanctionnons. Cette méthode vaut également pour les opérateurs historiques que sont La Poste et France Télécom.

Plusieurs parlementaires ont évoqué la situation des consommateurs et le niveau des tarifs. À ce sujet, il convient de bien distinguer les services fixes et mobiles. En matière de services fixes, les prix français du haut débit sont les plus bas du monde, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Grâce à l’action des opérateurs et du régulateur depuis dix ans, l’offre triple play est proposée à environ 30 euros, contre 100 dollars – 80 euros – aux États-Unis. Toutefois, les prix n’ont pas augmenté depuis sept ou huit ans, et il n’est donc pas impossible qu’ils progressent de quelques euros, ce qui n’est certes pas souhaitable mais pas non plus dramatique. La décision appartient aux opérateurs car l’ARCEP ne régule pas les marchés de détail.

En revanche, un vrai problème se pose au sujet de la téléphonie mobile. Si nous nous sommes prononcés en faveur d’une quatrième licence, c’est parce que nous avons estimé que le marché français, comme les autres grands marchés téléphoniques européens, pouvait laisser place à quatre opérateurs. L’arrivée du quatrième, dès que son réseau sera en mesure de fonctionner – c’est-à-dire d’ici environ deux ans – sera un élément de pression concurrentielle. Or la concurrence a une vertu, celle d’éviter qu’un opérateur en situation de monopole ou d’oligopole n’impose des prix excessifs aux consommateurs.

M. Dionis du Séjour s’est interrogé sur le modèle économique des réseaux dans la zone 3. Dans ces territoires très peu denses, les réseaux – de haut débit aujourd’hui, de très haut débit demain – vont se déployer grâce à un co-investissement entre les collectivités locales et les opérateurs. Les financements seront donc à la fois privés et publics, puisque dans ces zones, la réglementation européenne autorise les subventions. Ce qui est nouveau, c’est que le financement public ne sera pas seulement local : au niveau national, le fonds d’aménagement numérique du territoire sera également mis à contribution.

J’en viens à la mise en œuvre du plan national « très haut débit » annoncé par le Gouvernement. S’agissant des expérimentations, on peut trouver trop court le délai laissé aux collectivités pour présenter leur candidature, mais s’il avait été plus long, on aurait pu reprocher au Gouvernement de ne pas aller assez vite. Ces expérimentations sont nécessaires pour affiner les modalités du plan national. Pour l’instant, les 35 schémas directeurs n’existent qu’à l’état de projet – à l’exception d’un seul qui est terminé. Mais on peut penser que d’ici le début de l’année prochaine, la moitié d’entre eux seront réalisés. Par ailleurs, au début de l’année 2011, nous commencerons à connaître les intentions des opérateurs en ce qui concerne le déploiement du très haut débit dans la zone 2, zone semi-dense où l’investissement privé est rentable. Ainsi, les deux cartographies, celle des opérateurs et celle résultant des travaux menés par les collectivités locales au travers des schémas directeurs, nous donneront une vision – non définitive mais déjà assez précise – des territoires de la zone 2 et de la zone 3.

C’est la loi, madame Coutelle, qui a prévu que les schémas directeurs pouvaient être réalisés soit par les départements, soit par les régions. La plupart des projets que nous recevons viennent des départements, qui tendent à jouer un rôle pilote en ce domaine. Mais la région est associée à la préparation des schémas par les départements qui la composent. C’est du moins ce qui est prévu par la loi. Est-elle respectée ? En tant qu’élus de terrain, vous le savez probablement mieux que moi.

Plusieurs questions m’ont été posées sur la neutralité des réseaux. L’ARCEP a le souci de trouver un juste équilibre entre le respect des principes qui ont fondé l’internet – ouverture, neutralité – et le bon fonctionnement de son économie. Il ne servirait à rien d’affirmer de grands principes si aucun moyen n’existe pour les mettre en œuvre. Or, pour que l’internet fonctionne, il faut trois choses : des réseaux, alimentés par des contenus, et utilisés par des consommateurs. La réalisation des réseaux demande des investissements, ce qui implique l’existence d’un modèle économique viable. Celui-ci fait intervenir trois grands acteurs : les opérateurs de réseaux, les consommateurs finaux que sont les internautes, et les prestataires qui alimentent les réseaux en contenus et en services. Ce sont donc ces trois acteurs qui doivent cofinancer – dans des conditions à définir – le développement de l’internet.

Les modalités actuelles du financement d’internet restent opaques. Le premier travail du régulateur sera donc de collecter des informations afin de mieux connaître les marchés situés en amont et en aval. Lorsque nous aurons posé notre diagnostic, d’ici environ un an, nous serons en mesure de déterminer s’il convient de réguler le marché amont, c’est-à-dire le marché de gros entre opérateurs de télécoms et fournisseurs de contenus et de services. Cette régulation, nous ne pourrions l’effectuer qu’en partie avec les pouvoirs dont nous disposons. Si vous souhaitez que nous puissions mener une action plus complète en ce domaine – comme certains parlementaires l’ont d’ailleurs proposé –, il faudra que le législateur nous en donne le pouvoir.

Quant au marché de détail, qui relie les fournisseurs d’accès à internet et les consommateurs, il pose des problèmes de transparence. Les offres sont mal définies, et certaines expressions de type « internet illimité » sont de nature à abuser le consommateur. Sur ce point, nous agissons de concert avec la DGCCRF. Mais nous devons aussi vérifier que les offres proposées ne sont pas discriminatoires : les différences de conditions d’accès et de tarifs doivent être fondées sur des différences objectives, et ne pas viser à favoriser tel type de contenu par rapport à tel autre.

Tel est le rôle de l’ARCEP vis-à-vis de l’internet. Toutefois, l’Autorité ne s’occupe que des réseaux et non de leur contenu. En revanche, d’autres autorités indépendantes sont amenées à exercer un contrôle spécifique sur certains contenus de l’internet : l’HADOPI veille au respect des droits d’auteur, l’ARJEL à celui de la réglementation sur les jeux en ligne, le CSA effectue un contrôle ex ante et ex post des programmes audiovisuels au regard des objectifs fixés par la loi, etc.

Il est normal que la régulation mette en jeu plusieurs acteurs : c’est le cas dans tous les pays. À mon avis, vouloir regrouper toutes ces structures en une seule serait contreproductif. Il faut que toutes ces institutions collaborent et coordonnent leur action, mais nous devons éviter le mélange des genres : l’ARCEP n’aurait aucune légitimité, par exemple, à contrôler, comme le fait le CSA, les temps de parole des différents partis politiques intervenant sur les ondes.

J’en viens aux conséquences sanitaires de l’émission de radiofréquences par les antennes-relais. L’ARCEP participe aux travaux du comité opérationnel présidé par M. Brottes, et notre expertise est à la disposition de ce dernier. Mais il faudra bien, à un moment donné, trancher une question de nature politique : celle de l’arbitrage entre deux objectifs d’intérêt général. D’une part, les citoyens veulent accéder partout aux réseaux à haut débit – et demain à très haut débit – : dans le moindre hameau, à l’intérieur d’immeubles dont les murs sont très épais, sur les voies ferrées, dans les tunnels, bref, en tout point du territoire. Plusieurs d’entre vous se sont d’ailleurs fait l’écho de telles demandes. D’autre part, il existe une demande de santé publique : éviter que les émissions des antennes-relais – à supposer qu’elles soient néfastes – ne viennent perturber la santé de nos concitoyens. Lorsque le comité opérationnel aura rendu ses conclusions, il conviendra de décider si les puissances d’émission des antennes doivent être réduites et de déterminer le niveau auquel on peut les ramener sans remettre en cause le fonctionnement des réseaux mobiles. Une telle évolution semble souhaitable à certains experts, soit pour des raisons physiologiques, soit pour des raisons psychologiques – donner une plus grande confiance aux citoyens vis-à-vis de cette technologie. Quoi qu’il en soit, un tel conflit entre deux objectifs d’intérêt général, tout aussi respectables l’un que l’autre, ne saurait être tranché que par le Parlement. L’ARCEP peut proposer son expertise, mais elle ne peut se substituer ni aux scientifiques, ni aux hommes politiques.

Pour l’arrivée de la fibre optique, madame Erhel, le délai raisonnable est celui indiqué par le plan national du Gouvernement ou les recommandations européennes, soit trois à cinq ans. Lorsque les opérateurs auront précisé leurs intentions en matière de déploiement, nous connaîtrons les zones susceptibles d’être couvertes dans ce délai. Pour les autres, c’est-à-dire probablement pour plus de la moitié de la surface du territoire, la montée en débit sera tout à fait possible. C’est ce que nous avons dit dès le mois de février. Mais il ne s’agit que de recommandations : les collectivités locales et France Télécom peuvent mener à bien tous les projets qu’elles estiment utiles dès lors qu’elles respectent le droit de la concurrence et ne méconnaissent pas l’interdiction des aides d’État posée par la Commission européenne.

S’agissant du quatrième opérateur de téléphonie mobile, ni la loi ni la licence ne prévoient une obligation d’itinérance 3G. Peut-être serons-nous plus innovants lors de l’attribution des licences de quatrième génération, mais dans la mesure où une telle mesure n’était pas prévue pour les trois premiers opérateurs 3G, il n’était pas possible de la prévoir pour Free.

M. Saint-Léger a demandé des précisions sur le calendrier de mise en place du réseau de téléphonie mobile de quatrième génération. Si le document que nous avons rendu public fin juillet contient des propositions à ce sujet, le cadre réglementaire des appels à candidature fera l’objet d’un arrêté du ministre en charge des télécommunications, pris sur proposition de l’ARCEP. Nous avons donc entamé des discussions avec lui de façon à élaborer un projet qui prenne en compte les préoccupations des uns et des autres. Nous avons d’ores et déjà proposé une obligation de couverture à l’échelle de chaque département, ce qui serait une nouveauté par rapport au déploiement des réseaux 2G et 3G.

Pour répondre à M. Trassy-Paillogues, les avantages que nous attendons de l’attribution d’une quatrième licence sont l’animation du marché et la baisse des prix des services mobiles qui, en France, sont supérieurs à la moyenne des prix européens.

En ce qui concerne la 3G, madame Robin-Rodrigo, l’accord de mutualisation signé par les opérateurs sous l’égide de l’ARCEP permettra d’obtenir en 2013 le même taux de couverture que pour les réseaux 2G (soit 99,8 %) ce qui n’était pas prévu à l’origine.

M. Nicolas s’est préoccupé de l’accès des PME au très haut débit. Dans de nombreux territoires situés en dehors des zones denses – à Pau, dans la Manche, en Moselle, etc. –, les collectivités locales ont lancé ou sont sur le point de lancer des projets de réseaux de très haut débit financés – dans la limite autorisée par le droit européen – par des fonds publics, de façon à accélérer le déploiement. Très souvent, les premiers abonnés de ces réseaux sont les PME. En revanche, dans les zones denses, on observe un décalage entre le taux d’abonnement et le taux de raccordement. J’ai déjà essayé d’en donner une explication : faible appétence des consommateurs pour le très haut débit du fait de la bonne qualité des offres de haut débit en zone urbaine, posture attentiste des opérateurs, peu enclins à lancer des campagnes d’abonnements. Toutefois, notre expérience du marché nous laisse penser que la mayonnaise pourrait prendre dans les prochains mois, si bien que nous devrions observer une réduction de l’écart entre raccordements et abonnements.

M. Proriol a évoqué le décret destiné à préciser la méthode d’évaluation des coûts du maillage territorial de La Poste. La transmission de l’avis de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques devrait permettre au Conseil d’État d’examiner le projet de décret ; aussitôt après sa publication, nous effectuerons le travail que la loi nous a confié.

Mme Marcel a posé des questions sur l’accès au haut débit dans les zones rurales. Le rapport que nous remettrons au Parlement à la fin du mois de septembre étudiera toute la palette des technologies disponibles. En ce qui concerne le Wimax, madame Coutelle, le bilan est mitigé. Dans certains territoires, cette technologie fonctionne et s’est révélée utile ; ailleurs, cela marche moins bien. Certains opérateurs sont titulaires de licences Wimax qu’ils n’utilisent pas. Il conviendra de décider si on leur laisse indéfiniment les fréquences concernées ou si nous devons les récupérer, dans les limites de ce que le droit permet, afin de les réutiliser pour d’autres besoins, comme le très haut débit.

Quant à la coordination des initiatives engagées en matière de très haut débit par les différents acteurs – opérateurs ou collectivités – elle peut être assurée par les schémas directeurs qui, en dressant l’inventaire des réseaux existants et des projets en cours, doivent permettre de réduire les risques d’incohérences. Par ailleurs, d’ici au mois de novembre, nous rendrons public le cadre réglementaire des zones non concernées par notre décision de décembre 2009. Les acteurs, qu’il s’agisse des opérateurs de télécommunications ou des collectivités agissant comme opérateurs, devront en respecter les dispositions, notamment s’agissant des modalités du maillage et des mécanismes de mutualisation. C’est ce cadre, conformément à la loi Pintat, qui permettra d’assurer la cohérence des réseaux de très haut débit sur l’ensemble du territoire.

J’espère avoir répondu à l’essentiel des questions qui m’ont été posées. Je reste à votre disposition pour apporter plus de précisions.

M. Jean Gaubert, président. Je vous remercie, monsieur le président.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 8 septembre 2010 à 10 heures

Présents. - M. Jean-Pierre Abelin, M. Jean-Paul Anciaux, M. Thierry Benoit, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Pierre Decool, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Jean Gaubert, M. Daniel Goldberg, M. Pierre Gosnat, Mme Pascale Got, M. Jean-Pierre Grand, M. Jean Grellier, M. Louis Guédon, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Jacques Le Guen, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Louis Léonard, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Patrick Ollier, M. Daniel Paul, M. Serge Poignant, Mme Anny Poursinoff, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Francis Saint-Léger, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues, Mme Catherine Vautrin, M. René-Paul Victoria, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Gabriel Biancheri, M. Antoine Herth, M. Michel Raison

Assistaient également à la réunion. - M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Marie-Line Reynaud