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M. David Habib, Président. Je vous remercie, madame, messieurs, d’avoir répondu favorablement à l’invitation que vous a adressée la MEC dans le cadre de ses travaux d’évaluation de l’enseignement français à l’étranger. Je précise que M. le directeur général de la Mondialisation doit nous rejoindre, ainsi que nous en sommes convenus. Je vous invite à présenter brièvement vos services respectifs ainsi que leur rôle dans la conduite de cette politique.
M. Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’Enseignement scolaire au ministère de l’Éducation nationale. En matière d’enseignement français à l’étranger, la direction générale de l’enseignement scolaire intervient en amont puisqu’elle assure la tutelle pédagogique des établissements scolaires français à l’étranger.
M. François Perret, doyen de l’Inspection générale de l’Éducation nationale. L’inspection générale de l’Éducation nationale (IGEN), exerce, de façon générale, des fonctions de suivi et de contrôle de l’enseignement français, tant en France qu’à l’étranger. À titre personnel, les différentes fonctions que j’ai exercées m’ont conduit à m’intéresser à l’enseignement français à l’étranger. J’ai ainsi co-animé, il y a plus d’un an, les états généraux de l’enseignement français à l’étranger avec Yves Aubin de La Messuzière.
Mme Delphine Borione, directrice de la Politique culturelle et du français au ministère des Affaires étrangères et européennes. La direction de la Politique culturelle et du français ainsi que la sous-direction de la Diversité linguistique et du français, dirigée par Jean-Paul Rebaud, relèvent de la direction générale de la Mondialisation, du développement et des partenariats, qui assure, sous la direction de Christian Masset, la tutelle sur l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Je veux profiter de la chance que nous avons de voir ici réunis des représentants du ministère des Affaires étrangères et du ministère de l’Éducation nationale pour leur demander leur diagnostic sur la situation actuelle de l’enseignement français à l’étranger, qui a déjà fait l’objet de nombreuses réflexions, notamment dans le cadre des états généraux. Cet enseignement dispose-t-il des atouts nécessaires pour surmonter les difficultés qu’il traverse ?
J’aimerais savoir par ailleurs si la coopération entre les deux ministères doit être renforcée pour leur permettre de mener dans de bonnes conditions un travail commun en matière d’enseignement français à l’étranger.
Mme Delphine Borione. Nous devons avant tout rappeler les raisons que nous avons d’être fiers de l’enseignement français à l’étranger.
Notre réseau d’établissements français à l’étranger est le plus grand au monde : réseau ancien et reconnu, il s’est consolidé pour répondre à une très forte demande, tant française qu’étrangère, car il dispense un enseignement d’une très grande qualité. Sa fonction est double : outre qu’il assure la continuité du service public d’éducation auprès des enfants d’expatriés, il contribue à l’influence et au rayonnement de la France en accueillant des élèves étrangers, qui ont vocation à propager notre langue et notre culture, notamment par leur appartenance aux élites politiques et économiques de leur pays.
Avec 470 établissements homologués dans 130 pays, gérés directement par l’AEFE ou conventionnés, c’est le réseau le plus universel au monde. Nous ne devons cependant pas nous reposer sur nos lauriers, de plus en plus de pays développant leur propre réseau. À cette concurrence nouvelle, nous devons répondre d’abord par la qualité de nos prestations, notamment grâce à la très forte complémentarité entre le MAEE et le MEN, qui sont très étroitement associés dans ce domaine. Il est vrai que les défis auxquels nous devons faire face ne sont pas minces : la recherche de nouveaux moyens financiers, la nécessaire modernisation de nos établissements et la définition d’un nouveau cadre stratégique que nous impose un monde en évolution constante. Les importants travaux réalisés dans le cadre des états généraux de l’enseignement français à l’étranger, le rapport de la Commission sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger ainsi que le séminaire de Marcoussis, qui a rassemblé tous les partenaires de l’enseignement français à l’étranger, contribuent à nourrir notre réflexion sur les futurs plans d’orientation stratégique de l’AEFE et plan de développement de l’enseignement français à l’étranger.
M. François Perret. L’enseignement français à l’étranger est à la croisée des chemins. D’abord, nous ne sommes plus seuls sur nos terres d’influence habituelles : d’autres pays nous font concurrence jusque sur les terrains les plus « assurés » – je pense notamment à l’Afrique du Nord. Ensuite, les problèmes financiers que l’Agence rencontre nous obligent à nous demander jusqu’à quelle hauteur les familles devront participer au financement des établissements. À mon sens, une telle question n’appelle pas de réponse univoque, mais des réponses particulières selon les pays. On voit bien cependant que l’AEFE est prise en tenailles entre l’objectif politique de développer l’enseignement français à l’étranger, notamment en gagnant de nouveaux territoires, comme le Moyen-Orient, la péninsule arabique ou l’Extrême-Orient, et ses problèmes budgétaires.
Pour le ministère de l’Éducation nationale, l’enseignement français à l’étranger est un véritable laboratoire en termes d’innovation et d’expérimentation. L’excellence de ses résultats atteste qu’il s’agit d’un enseignement de grande qualité, non seulement sur le plan académique, mais aussi par la capacité d’adaptation des établissements aux pays où ils sont implantés. En effet, beaucoup d’entre eux ont su utiliser les libertés dont ils disposent au regard de la règle commune pour développer des formes d’enseignement nouvelles et s’ouvrir à la langue et à la culture du pays d’accueil.
Il faut cependant souligner l’insuffisance du suivi et du contrôle de l’enseignement français à l’étranger, qui devraient théoriquement pouvoir aller jusqu’à la suppression de l’homologation. C’est là un des éléments auxquels il nous faut réfléchir.
M. Jean-Michel Blanquer. Je souscris complètement à ce que vient de dire M. le doyen. En ce qui concerne plus particulièrement la direction générale de l’Enseignement scolaire, elle intervient à la fois très en amont et très en aval, cette dernière fonction devant être appelée à se développer à l’avenir.
En amont, elle se prononce d’abord, notamment via des missions de l’inspection générale du ministère, sur l’homologation des établissements français à l’étranger. Ces dernières années, en outre, des inspecteurs pédagogiques régionaux ont été affectés à l’AEFE, ce qui dote l’Agence d’une capacité autonome d’inspection, même si elle continue de relever de l’inspection générale. Nous assurons aussi l’organisation des examens de ces établissements, lourde machinerie plutôt efficace, puisque le taux de réussite au baccalauréat des lycées français à l’étranger dépasse de six à sept points la moyenne nationale. Nous assurons également la formation des personnels, par la voie notamment de stages, parfois organisés par des académies partenaires. Toutes ces interventions du ministère en amont doivent être considérées comme satisfaisantes, même si elles peuvent toujours être améliorées sur tel ou tel point.
En aval, le rayonnement du réseau bénéficie à l’ensemble de notre système éducatif. C’est pourquoi il faut accentuer et rationaliser le rôle des académies dans les partenariats avec l’étranger pour disposer d’opérateurs pragmatiques et efficaces. Réciproquement, il faut renforcer le rôle de notre réseau d’enseignement français à l’étranger dans les échanges internationaux des établissements français de métropole et d’outre-mer. À ce propos, l’apport des académies d’outre-mer aux établissements du réseau situés dans leur aire géographique pourrait également être accentué, y compris en matière de formation. L’ensemble des académies pourrait en retour bénéficier de ce partenariat, notamment pour établir des jumelages avec des établissements étrangers.
Notre enseignement français à l’étranger mériterait d’être amélioré sur d’autres points. Je pense en particulier au recrutement des chefs d’établissement : pour avoir eu à en connaître dans le passé, je n’ai pas été convaincu de sa rationalité.
M. Hervé Féron, Rapporteur. Nous nous interrogeons d’abord sur les difficultés budgétaires de l’AEFE et leurs répercussions sur l’exercice par l’Agence de ses missions. Où et quand débat-on de la nature des missions de l’Agence, d’une façon qui soit lisible pour les différents acteurs de l’enseignement français à l’étranger – parents d’élèves, enseignants, voire élus ?
Je m’interroge également sur l’articulation de la mission de l’Agence avec celle des autres partenaires de l’enseignement français à l’étranger, tels que la Mission laïque française, l’Alliance française ou les centres culturels français à l’étranger, ou avec certaines initiatives ponctuelles, de parents d’élèves notamment. Il est nécessaire d’introduire de la cohérence dans toutes ces actions. Le critère des résultats au baccalauréat, que vous venez de mettre en exergue, est trop réducteur si on ne l’envisage pas au regard de l’accessibilité aux établissements français à l’étranger. À partir du moment où certains lycées français pratiquent une sélection à l’entrée et monopolisent les moyens, ils n’ont guère de mérite à obtenir de bons résultats.
Introduire une telle cohérence s’avère nécessaire si l’on veut améliorer l’enseignement français à l’étranger tout en tenant compte de la contrainte budgétaire : cela permettrait notamment de valoriser des initiatives peu coûteuses. Mais cela suppose peut-être la mise en place d’une instance participative permanente.
Mme Delphine Borione. Vous avez raison de souligner la diversité des acteurs de l’enseignement français à l’étranger. En effet, à côté de l’AEFE, établissement public administratif, la Mission laïque française, MLF, qui gère un grand nombre d’établissements à travers le monde, surtout dans son aire d’influence traditionnelle du bassin méditerranéen, est un partenaire essentiel du développement de notre enseignement français à l’étranger. L’Alliance israélite universelle, quant à elle, gère quatre établissements homologués. Le réseau de l’Alliance française assure l’enseignement et la promotion du français dans le monde, de même que nos 143 centres et instituts français, et entretient également de nombreux liens avec l’Agence. Notre objectif est de développer la coopération éducative entre notre réseau d’établissements scolaires et, non seulement les établissements scolaires des pays où ils sont implantés, mais également ces institutions françaises.
En ce qui concerne la nécessité de cohérence entre les différents acteurs, je me permets de rappeler que le conseil d’administration de l’AEFE réunit déjà de nombreux partenaires : représentants des ministères concernés, MLF, parlementaires, salariés, représentants des parents d’élèves. Mais il est vrai que nous avons identifié, notamment grâce aux conclusions de la Commission sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger, le besoin de renforcer les structures de coordination. On pourrait ainsi envisager, dans le cadre du plan de développement, la création d’un conseil consultatif de l’enseignement français à l’étranger, instance de proposition à la composition assez large, associant partenaires français, mais également étrangers. On pourrait également renforcer la coopération entre les ministères concernés via la création d’un comité interministériel chargé de définir les orientations stratégiques et de réfléchir aux défis multiples que doit relever l’enseignement français à l’étranger : comment répondre à l’augmentation de la demande alors que les budgets restent stables ? Comment, d’une façon générale, faire face à des besoins de financement exponentiels ? Comment maintenir la qualité de l’enseignement et doter les établissements d’équipements performants ?
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Les auditions déjà conduites ont fait apparaître que de grandes inquiétudes pesaient sur la pérennité du financement du réseau. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur deux problèmes qui paraissent de ce point de vue essentiels : le poids de l’immobilier et les conséquences de la prise en charge partielle des droits d’écolage ? Il nous a été indiqué que l’extension de la gratuité à tous les niveaux d’enseignement coûterait environ 700 millions d’euros.
Mme Delphine Borione. Le coût d’une telle généralisation est en effet évalué à 700 millions d’euros. La prise en charge, actuellement assurée de la seconde à la terminale, coûte déjà 20 millions d’euros par niveau, soit au total 60 millions par an, ce qui représente un poids significatif sur un budget déjà très contraint. En outre, sachant que la démographie scolaire est pyramidale, les premiers niveaux rassemblant les effectifs les plus nombreux, le coût de la généralisation de la prise en charge s’accroîtrait de façon exponentielle.
M. Jean-Paul Rebaud, sous-directeur de la Diversité linguistique et du français au ministère des Affaires étrangères et européennes. Le coût de l’immobilier est pour l’Agence une bombe à retardement, étant donné l’importance du parc qu’elle doit gérer : au moins 260 implantations, dont certaines sont propriétés de l’État. Où trouver les moyens de rénover le parc existant, mais aussi de financer la construction de nouveaux établissements que suppose l’objectif de développement de notre réseau – je pense notamment aux projets d’implantation dans les grands pays émergents ?
La politique immobilière de notre réseau est très largement financée par les établissements, c’est-à-dire par les familles. Même la rénovation des établissements possédés par l’État, comme ceux de Barcelone ou de Madrid, nécessite la contribution des familles. On évalue le besoin de financement annuel entre 30 et 50 millions d’euros pour faire face aux besoins de rénovation et mener une politique de développement raisonnable.
M. André Schneider, Rapporteur. J’aimerais que les représentants du ministère de l’Éducation nationale nous éclairent sur l’évolution de la part respective des enseignants expatriés, résidents et locaux dans la communauté enseignante. Quel est, monsieur le doyen, le rôle des inspecteurs pédagogiques régionaux, les IPR, dans l’enseignement du français dans le monde ? La maîtrise de la langue française est-elle testée au moment du recrutement du personnel enseignant, quelle que soit la discipline ? En mission au Laos l’an dernier, une traduction simultanée m’a été nécessaire pour comprendre des professeurs de français !
M. François Perret. Il est vrai que les moyens de contrôle et de suivi des personnels enseignants détachés sont insuffisants, en dépit de la mobilisation des corps d’inspection territoriale des académies. En outre, des inspecteurs sont depuis toujours responsables pour le premier degré français à l’étranger, et un petit pôle d’IPR attachés à l’AEFE a été créé il y a quelques années afin de répondre à une demande que nous n’étions pas capables de satisfaire. Quant à l’inspection générale, elle effectue des missions d’audits et évalue les établissements, ou bien elle intervient dans des situations critiques. Mais, si les enseignants expatriés, dont le nombre régresse sensiblement, et les résidents font l’objet d’un suivi régulier, les recrutés locaux constituent une zone grise échappant complètement à l’inspection. Ces insuffisances rendent peut-être nécessaire la mise en place d’un dispositif de labellisation, différent de l’homologation, si l’on veut préserver, voire accroître la place de la langue et de la culture françaises dans le monde.
M. Christian Masset, directeur général de la Mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des Affaires étrangères et européennes. Je suis très heureux d’avoir l’occasion de parler devant votre mission sur l’enseignement français à l’étranger, lequel est peut-être l’élément le plus déterminant pour notre influence dans le monde – c’est en tout cas le plus efficace sur le long terme. Il a en outre la particularité d’associer, dans un service public de qualité, l’enseignement de nos compatriotes et celui d’élèves étrangers, cette imbrication restant la clé de sa réussite.
J’en viens à l’« équilibre » entre les différents statuts des enseignants de notre réseau : 1 223 sont des expatriés, 5 420 des résidents et 3 850 des recrutés locaux. La part des enseignants expatriés est appelée à diminuer, sur la demande instante de Bercy. Nous devons pourtant garder à l’esprit que les expatriés répondent à deux types de besoins. Premièrement, ils remplissent au sein des établissements du réseau une fonction d’encadrement et de référence, qui garantit à nos compatriotes et aux étrangers un service d’une qualité comparable à celui dispensé en France. D’ailleurs, tout enseignant expatrié est muni d’une lettre de mission et exécute, en plus de son service d’enseignement, des tâches de conseil pédagogique. Deuxièmement, leur recrutement est nécessaire dans les pays où l’on recrute difficilement des titulaires au tarif des résidents. La réduction du nombre des enseignants expatriés doit donc être menée de façon responsable. Nous ne pourrons pas faire l’économie de la question de la formation et de l’évaluation des enseignants, laquelle sera d’ailleurs prise en compte par le plan d’orientation stratégique intégré dans le contrat d’objectifs et de performance de l’AEFE.
Comme vous le savez, le Président de la République a demandé au ministre des Affaires étrangères et européennes d’élaborer un plan de développement de l’enseignement français à l’étranger, qui sera présenté au cours du présent semestre. Ce plan part du constat que l’enseignement français à l’étranger est la pointe de notre politique d’influence, mais il devra tenir compte du fait que notre réseau, bien que le premier au monde, est désormais concurrencé par les établissements de langue anglaise et le développement d’autres réseaux – je pense notamment au réseau espagnol et au réseau allemand. De plus, les attentes des familles ont beaucoup évolué : autrefois, elles désiraient recevoir à l’étranger l’enseignement français, alors qu’aujourd’hui elles souhaitent davantage d’échanges avec la culture du pays, et attendent de l’enseignement français une valeur ajoutée pour l’avenir de leurs enfants, comme la possibilité de passer un double baccalauréat, le baccalauréat français et le baccalauréat local. Nous avons pu mesurer cette évolution lors du premier Forum mondial des anciens élèves du réseau des établissements d’enseignement français à l’étranger, qui s’est tenu l’an dernier. Alors qu’un vice-président espagnol du Parlement européen nous expliquait que, dans l’Espagne franquiste, il attendait du lycée français qu’il lui apporte « la France à l’état pur », en tant que synonyme de liberté, les plus jeunes, qui se voient comme des citoyens du monde, apprécient le brassage culturel qu’ils y trouvent.
Le plan de développement devra également renforcer la coopération avec les autres partenaires de l’enseignement français à l’étranger, tels que la Mission laïque française ou le Centre national d’enseignement à distance (CNED). Nous devons en outre apporter des réponses innovantes à une demande en constante augmentation, puisque notre réseau scolarise 5 000 élèves supplémentaires par an. Cette croissance nous impose de diversifier notre offre : nous travaillons ainsi, en collaboration avec le MEN, à la mise en place d’un label d’éducation à la française validant les filières bilingues dans les établissements nationaux, qui sont en pleine expansion.
Nous envisageons également dans le cadre de ce plan la création d’un comité interministériel visant à améliorer notre coopération avec la tutelle pédagogique, et d’un haut conseil rassemblant tous les partenaires de l’enseignement français à l’étranger.
M. Jean-Pierre Brard, député. La réduction de la part des enseignants expatriés constitue une politique complètement aberrante pour qui connaît leur rôle moteur dans la diffusion de la langue française. Avec une telle réduction de voilure, vous n’aurez bientôt plus assez d’anciens élèves pour tenir un forum tel que celui que vous venez d’évoquer ! Le résultat, c’est que des élites anciennement francophones, comme au Vietnam, ne parlent plus du tout le français, ce qui est dramatique pour notre pays.
Ne serait-il pas possible de coopérer avec d’autres pays francophones pour défendre la langue française – je pense notamment à nos cousins québécois ?
Par ailleurs, le développement de nouveaux réseaux ne se traduit pas forcément par une intensification de la concurrence. Ces nouveaux acteurs peuvent se révéler nos partenaires, comme les Allemands à Ramallah, où le Centre culturel français est associé au Goethe Institut. Le conseil des ministres franco-allemand ne pourrait-il pas réfléchir au développement volontariste d’un tel partenariat ?
Je voudrais enfin vous faire part d’une initiative très originale que j’avais favorisée en tant que maire de Montreuil et qui me semble susceptible de résoudre le problème rencontré par M. Schneider au Laos : il s’agissait d’implanter au Vietnam un enseignant français chargé de perfectionner les enseignants locaux de français.
M. Christian Masset. Nous avons une politique commune avec le Québec, comme avec les autres pays européens de langue française, non pas en matière d’enseignement du français à l’étranger, mais de promotion de la langue française à l’étranger, notamment via l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), ou TV5 Monde.
J’approuve tout à fait ce que vous avez dit de la coopération franco-allemande. Le dernier sommet franco-allemand a décidé de créer un fonds dédié à la politique scolaire à l’étranger. Quant à la coopération universitaire, vous savez combien elle est développée.
Je veux enfin rappeler que le MAEE conduit un programme de soutien à nos enseignants de français-langue étrangère.
Il faut observer que le recul du français dans certaines régions du monde peut être le fruit d’une politique délibérée des États intéressés : c’est le cas au Laos. Il peut arriver aussi que l’enseignement du français progresse : c’est le cas notamment en Europe du Nord, où la connaissance du français est considérée comme un avantage pour faire des affaires.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. On sait que c’est la direction générale de la Mondialisation qui exerce dorénavant la tutelle sur l’AEFE, et non plus la direction générale de la Coopération internationale et du développement (DGCID). Ce changement de tutelle s’est-il traduit par un mode de fonctionnement et un esprit différents ?
En ce qui concerne les enseignants expatriés, ne faudrait-il pas réfléchir à leurs missions plutôt que de raisonner en termes de nombre ?
Par ailleurs, est-il vrai que le ministère de l’Éducation nationale envoie des enseignants à l’étranger en dehors du réseau de l’enseignement français à l’étranger ?
Enfin, peut-on connaître le moment précis où le ministère des Affaires étrangères lancera le plan de développement que vous venez d’évoquer ?
M. Christian Masset. Sans vouloir empiéter sur la décision du ministre, je pense que ce plan sera lancé en avril ou en mai.
Le changement de tutelle de l’Agence traduit le fait que le système d’enseignement français à l’étranger est arrivé à un tournant, qui exige d’augmenter la capacité de la tutelle. Outre que nous lui consacrons plus de personnels, nous préparons, avec l’ensemble des acteurs, des documents d’orientation, tels que le plan d’orientation stratégique et le contrat d’objectifs et de performance de l’AEFE. Nous préparons également une cartographie du réseau et de ses perspectives d’évolution, ce qui n’avait jamais été fait.
Nous devons enfin nous assurer que les moyens financiers nécessaires au développement du réseau seront au rendez-vous de la programmation budgétaire triennale.
M. François Perret. S’agissant des enseignants expatriés, la mission d’audit que nous avons conduite au Maroc nous a appris qu’il était en effet essentiel de mieux définir leurs missions. L’enseignement de l’anglais dans un collège marocain ne justifie pas l’envoi d’un expatrié. Mais il faut conserver un substrat d’enseignants expatriés partiellement déchargés de leur fonction d’enseignement pour exercer des fonctions de conseil pédagogique et d’encadrement, notamment en direction des recrutés locaux, et remédier ainsi à la faiblesse du contrôle par les corps d’inspection.
M. Hervé Féron, Rapporteur. Des responsables de l’AEFE m’ont dit craindre que la réduction du nombre des enseignants expatriés n’atteigne un seuil critique, au-delà duquel la qualité même de l’enseignement serait remise en cause.
M. François Perret. Laissons de côté les pays où l’on est obligé d’envoyer des expatriés, car personne ne veut y aller autrement. Pour les autres, il faudra bien que l’AEFE détermine un substrat indispensable d’enseignants expatriés, en deçà duquel la question de la qualité se posera, mais il faut qu’elle le fasse à partir d’une définition de leur mission.
M. Jean-Michel Blanquer. Le programme de mobilité internationale Jules Verne, auquel Monsieur le député Mancel fait allusion, repose essentiellement sur les moyens propres des académies. Il s’agit d’offrir à des enseignants titulaires – 120 cette année – la possibilité d’une immersion éducative et culturelle dans des établissements étrangers. Votre remarque nous incite à développer un partenariat avec l’Agence. Il serait important en particulier que nous puissions travailler ensemble à la réalisation de l’objectif de jumeler chaque établissement français avec un établissement étranger.
M. Christian Masset. Le programme Jules Verne pourra être très utile dans la perspective d’une labellisation de classes bilingues.
Par ailleurs, le changement de tutelle de l’AEFE s’est traduit par le souci de conforter le lien de l’Agence avec les autres éléments de notre politique d’influence, notamment l’enseignement supérieur français. Il s’agit de permettre aux élites étrangères d’accéder à nos établissements d’enseignement supérieur, notamment par la mise en place de cellules d’orientation au sein des lycées.
Je voudrais enfin vous faire observer que la question des enseignants expatriés, à laquelle je suis également très sensible, n’est pas séparable de celle des moyens. On ne peut pas négliger non plus la bombe à retardement que constitue le coût de l’immobilier. Pour toutes ces raisons, nous comptons beaucoup sur votre aide dans cette période de programmation budgétaire.
M. David Habib, Président. Madame, messieurs, nous vous remercions.