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M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Je vous remercie, Madame, Messieurs, d’avoir répondu à l’invitation de la MEC. Je vous propose de vous présenter et de nous faire part brièvement de votre point de vue quant à notre politique d’enseignement français à l’étranger.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sénatrice. Je suis sénatrice représentant les Français établis hors de France depuis 1992.
Le déséquilibre budgétaire de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger est dû aux charges croissantes que celle-ci doit assumer sans pour autant disposer des moyens correspondants : charge immobilière, non compensée ; part patronale des cotisations sociales des enseignants titulaires, partiellement compensées pour la première année seulement, mais qui ne le seront plus ; prise en charge de la scolarité, générant un coût croissant des bourses scolaires sur critères sociaux et un coût croissant de la prise en charge, la PEC, communément appelée mesure de gratuité.
À la rentrée 2009, on comptait 17 856 boursiers pour un coût moyen de 3 151 euros, et 8 690 prises en charge pour un coût moyen de 4 207 euros. La situation des établissements est de plus en plus difficile.
Depuis trois ans, le coût de la scolarité croît de 10 % par an, rendant la situation insupportable pour les parents non bénéficiaires de la PEC.
Bien qu’elle absorbe 82 % du programme 185 Rayonnement culturel et scientifique de la mission Action extérieure de l’État, l’AEFE est actuellement prise à la gorge.
M. John Mac Coll, président de la commission des Affaires culturelles, de l’enseignement et de l’audiovisuel de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE). Je suis conseiller élu à l’Assemblée des Français de l’étranger, représentant l’Australie et l’Océanie.
Le budget pour l’enseignement français à l’étranger s’élève à 1 milliard d’euros et est financé à hauteur de 60 % ou 65 % par les familles. Il faut donc saluer l’engagement du Président de la République actuel d’aider les familles car la gratuité – idée initialement lancée par François Mitterrand – est une mesure généreuse.
Cependant, il faut être lucide : le financement de l’enseignement français à l’étranger ne peut être envisagé uniquement sous l’angle de l’aide apportée aux familles, car des contraintes budgétaires sévères pèsent sur l’opérateur central, l’AEFE. Il lui est en effet demandé de faire plus en assumant le financement des cotisations des pensions civiles et des titulaires, non compensées à 100 %, mais aussi des responsabilités immobilières. Rappelons que les effectifs du réseau augmentent de 5 % par an. Ainsi, en 2008, on a compté 4 000 élèves français de plus.
Sur les 80 000 élèves français, 20 000 sont concernés par le budget des bourses et celui de la prise en charge. Autrement dit, dans le contexte du moratoire, pour deux familles aidées, quatre devront payer des frais de scolarité en forte augmentation.
Lorsque j’ai créé le lycée français à Sydney, j’ai proposé aux entreprises françaises de payer des frais de scolarité beaucoup plus élevés. Nous avons donc des tarifs différenciés pour les entreprises. Or, si l’État paye ces frais de scolarité à la place des entreprises, il s’ensuit un effet pervers : les établissements perdent non seulement le financement minimum, mais aussi la prime que nous payent les entreprises pour agrandir le lycée ou le rénover. Cette contribution subit donc une dérive au fil du temps.
Certes, et le Président de la République l’a dit, ce n’est pas aux entreprises d’assumer le financement – il faut l’admettre : la PEC aide les PME –, mais quelle autre possibilité avons-nous ?
Le budget des bourses a été doublé par M. Juppé lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères. Quant à la gratuité, elle devrait être assurée pour tout le monde, sinon le système serait inéquitable.
C’est pourquoi je propose, à la place des bourses et de la prise en charge, un budget d’aide à la scolarité, avec un plafonnement pour assurer l’équité et aider le maximum de familles françaises.
M. Marc Villard, président de la commission des Finances de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE). Je suis élu depuis 2000 à l’Assemblée des Français de l’étranger sur la circonscription Asie du Sud-Est.
Le réseau est fondamental pour les expatriés, la présence économique de la France et son rayonnement culturel. Nos PME, PMI et grands groupes ont besoin, pour les enfants de leurs collaborateurs, de structures d’accueil dans les pays où ils s’installent.
En raison de son budget déséquilibré par ses nouvelles charges, l’AEFE a de plus en plus de difficulté à remplir son double rôle : offrir un système scolaire français aux expatriés à l’étranger et promouvoir un rayonnement culturel auprès des ressortissants de nos pays d’accueil.
Ces difficultés financières entraînent une hausse constante des frais de scolarité, même s’il y a une pondération pour certains parents par la PEC et, pour d’autres, par les bourses.
Par ailleurs, compte tenu du montant élevé de leur participation au fonctionnement des établissements en gestion directe, les parents d’élèves et les associations de parents d’élèves souhaiteraient participer davantage à leur gestion.
Dans de nombreux pays, les problèmes rencontrés par les chefs d’établissement sont plus en plus aigus et techniques – surtout en cas d’aménagement des établissements scolaires –, et il devient difficile d’avoir des personnels sur place qui soient capables d’assumer à la fois leur mission pédagogique et une mission de gestion avec les autorités du pays d’accueil.
Enfin, dans beaucoup de pays, le contrat « expatrié grand groupe avec maison, voiture, chauffeur et cuisinière » n’est plus la règle, mais l’exception. De plus en plus de gens ont des petits moyens, notamment parmi les PME-PMI et les entrepreneurs individuels. Il faut tenir compte de cette profonde mutation socio-économique pour l’avenir du réseau de l’AEFE.
M. Olivier Cadic, membre de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) et du conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Je suis conseiller élu à l’Assemblée des Français de l’étranger pour le Royaume-Uni, représentant de cette assemblée au conseil d’administration de l’AEFE.
La situation de Londres est emblématique de l’avenir du réseau.
Nous sommes confrontés à une injonction paradoxale lorsqu’il nous est demandé d’assumer la continuité du service public et le rayonnement culturel.
La mission de continuité du service public n’est plus assurée. Cette année encore, 263 enfants de France se sont vu refuser une place à Londres. La notion même de service public est mise à mal. Messieurs, l’argent affecté à l’enseignement français à l’étranger concerne seulement 30 % des enfants français ! Que faisons-nous pour les 70 % restants ? Pas grand-chose, mis à part le programme Français langue maternelle ou FLAM !
Le résultat, il ne faut pas se le cacher, est une école pour les riches ! À Londres, 55 % des résidents français sont des employés, mais le lycée Charles-de-Gaulle accueille seulement 3 % d’enfants d’employés. Toutes les statistiques figurent dans le plan école dont je vous laisserai une copie.
Je tiens à souligner que la dérive – 75 % d’augmentation des frais de scolarité au cours des cinq dernières années – avait commencé avant la prise en charge.
Telles sont les réalités que j’ai constatées sur le terrain. Je vous ferai part de mes propositions dans un deuxième temps.
M. Hervé Féron, Rapporteur. Christian Masset, directeur général de la Mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des Affaires étrangères et européennes, a évoqué le projet de développement de l’enseignement français, préconisé par le Président de la République dans sa lettre de mission au ministre. Or, selon une autre personne auditionnée, le budget est stable.
Il y a donc contradiction – une « injonction paradoxale », pour reprendre votre expression – entre la volonté affichée du Président de la République et les moyens mis en œuvre, car non seulement le budget stable n’était pas suffisant dès le départ, mais l’AEFE a dû faire face à des charges supplémentaires.
Les difficultés structurelles de l’Agence et des établissements concernent le transfert de patrimoine, l’entretien de l’immobilier, ainsi que la prise en charge partielle des cotisations patronales pour les personnels titulaires, qui va disparaître, selon Mme la sénatrice.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pour 2009, la somme globale octroyée à l’AEFE a été inférieure au coût des cotisations et ne devrait pas être modifiée, comme cela a été annoncé. Or, comme le coût des cotisations augmentera, le déficit sera plus en plus important.
M. Hervé Féron, Rapporteur. Il y a une injustice, car les choses sont différentes pour les autres établissements publics en France.
Autre difficulté : la baisse du nombre des expatriés entraîne la prise en charge des salaires des recrutés locaux.
Enfin, la PEC s’ajoute à la hausse des charges nouvelles. Certes, elle est une démarche généreuse, et les PME ont besoin d’être aidées, mais le résultat – ou l’« effet pervers », pour reprendre l’expression de M. Mac Coll – est une explosion des frais d’écolage, qui seront de moins en moins supportables pour les familles.
M. John Mac Coll. Surtout pour les familles non aidées !
M. Hervé Féron, Rapporteur. Faut-il alors revenir sur notre ambition de développer l’enseignement du français à l’étranger ou s’interroger urgemment sur les moyens mis à disposition ?
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. S’agissant du remboursement des cotisations, la somme prévue au budget est de 120 millions pour 2009-2010-2011. Or le coût s’est élevé à 126 millions en 2009, il sera de 143 millions en 2010 et de 153 millions en 2011.
Monsieur Cadic, les problèmes sont différents selon les pays. Les parents à Singapour ou à Sydney n’ont pas les mêmes difficultés que ceux de Londres, située à une heure de Paris. La solution de réserver des places au lycée français peut paraître excessive, d’autant que l’État paie très cher un institut français du Royaume-Uni, chargé lui aussi du rayonnement culturel et de l’enseignement du français.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il faut distinguer l’enseignement français à l’étranger de l’enseignement du français à l’étranger, c’est-à-dire établissements scolaires et instituts culturels.
Dans les établissements scolaires, nous avons besoin d’une forte proportion d’élèves étrangers, qui constituent actuellement 55 % des effectifs environ. La proportion a baissé car nous avons perdu, à la dernière rentrée, 950 étrangers tiers – étrangers dont la nationalité n’est pas celle du pays où est implantée l’école.
La diplomatie culturelle de la France a tout à gagner à avoir un réseau d’écoles avec une majorité d’élèves étrangers, car cela nous permet d’avoir des cohortes stables et très motivées, une base démographique et économique très importante – les élèves étrangers payant souvent plus cher que les élèves français –, une respiration culturelle extraordinaire. Cela résout aussi le problème de la double injonction dont a parlé Olivier Cadic. L’enseignement français dispensé par nos écoles est enrichi par le brassage culturel, la plupart assurant un enseignement bilingue, voire trilingue, et l’accès à deux cultures.
Nous pourrions ouvrir dans les pays riches autant d’écoles françaises que nous le voudrions ! Aux États-Unis, une ville possédant une université et un aéroport et désireuse de se donner un caractère international veut son école française.
Enfin, les 30 % d’enfants français scolarisés dans le réseau de l’AEFE coûtent beaucoup moins cher que ceux scolarisés en France, qui ont coûté chacun en moyenne 3 409 euros en 2006, comme l’a montré mon rapport budgétaire pour la même année.
M. John Mac Coll. Soyons pragmatiques : nous recherchons des sources de financement.
À Sydney, nous avons obtenu l’accréditation locale immédiatement : nos lycées scolarisent des enfants de détachés, mais aussi des enfants résidents. Nos amis Australiens nous ont proposé de scolariser leurs enfants résidents et de nous donner une subvention. Ainsi, aujourd’hui, les autorités australiennes nous apportent plus de 1 million de dollars pour les 650 élèves du lycée de Sydney. Scolariser des enfants français n’est donc pas simplement une charge : c’est aussi un investissement.
Il faut faire attention à la discrimination entre enfants étrangers et enfants français, notamment au niveau européen. Payer les frais de scolarité pour les Français dans une école franco-espagnole ou franco-allemande risque de poser un problème de discrimination eu égard au droit communautaire. Le risque n’est d’ailleurs pas exclu en Australie.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cette situation existe dans plusieurs pays européens.
M. Marc Villard. S’agissant de la présence des enfants étrangers dans nos établissements, la problématique des pays européens, de l’Australie ou du Japon, n’est pas celle des pays émergents.
Dans les pays émergents, en particulier ceux où les communautés françaises sont peu nombreuses, les élèves étrangers sont une variable d’ajustement économique permettant de rentabiliser les établissements : ajouter cinq étrangers dans une classe de quinze Français rembourse leurs frais fixes.
M. John Mac Coll. Dans le cadre d’un plan d’aide aux écoles, l’État australien vient d’octroyer au lycée franco-australien de Sydney une subvention exceptionnelle de 2 millions de dollars pour l’immobilier.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. On voit la diversité des situations.
M. Olivier Cadic. Effectivement, les problèmes ne sont pas les mêmes à Londres et à Singapour. Mais alors, pourquoi vouloir apporter la même réponse partout ? La même politique peut être très bonne à Rio de Janeiro ou à New Delhi, et ne pas fonctionner ailleurs, notamment à Londres.
Voilà pourquoi, dès le mois de juillet 2007, j’avais écrit au Président de la République pour lui proposer de régler le problème pays par pays. Et c’était la volonté exprimée à l’Assemblée des Français de l’étranger avec le plan Écoles : la réunion autour de l’ambassadeur des politiques, des parents d’élèves et des enseignants a permis de fixer les objectifs pour Londres. Objectif 1 : créer 500 nouvelles places par an dans l’enseignement français au Royaume-Uni. Objectif 2 : développer l’enseignement bilingue français-anglais dans ce pays, grâce à la mobilisation du corps diplomatique auprès des autorités locales. Le Royaume-Uni compte cinquante écoles bilingues : elles sont la solution car on ne pourra pas créer des écoles françaises partout. Je vous suggère une piste : servez-vous des visites du Président de la République, car impliquer le réseau éducatif avec un vrai projet de coopération permet de faire avancer les choses.
Par ailleurs, si l’on veut parler de l’avenir, il faut impliquer les nouvelles générations, ne serait-ce que pour intégrer le concept de nouvelles technologies. Or parmi les personnes qui se sont réunies pour l’avenir de l’enseignement français à l’étranger, combien avaient de moins de cinquante ans ?
Il convient également de développer l’enseignement à distance. Mais quels moyens reçoit le CNED, Centre national d’enseignement à distance, outil essentiel à tous ceux désirant apprendre le français ?
Les moyens doivent donc prioritairement être affectés au bilingue et à l’enseignement à distance.
Enfin, il est un peu facile de faire payer davantage les parents d’élèves en prétextant l’insuffisance de subventions : il faut revoir sérieusement les coûts, car les budgets ne sont pas d’une grande clarté. La situation manque de transparence !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. À propos du manque de clarté, je ferai observer que les 6 % de participation des États étrangers au financement du réseau ne figurent plus dans le dernier budget. Ce n’est pas normal !
S’agissant de la place des élèves étrangers, la France est un tout petit pays et a besoin d’écoles où existe un brassage culturel. Les parents étrangers recherchent d’ailleurs une école laïque et multiethnique, car ils veulent pour leurs enfants non seulement l’instruction française, mais aussi l’éducation française, la découverte de l’autre – je pense au lycée français de Manhattan.
Le programme FLAM se développe énormément dans les pays les plus riches, particulièrement à New York. D’ailleurs, les écoles publiques américaines où sont créés des groupes FLAM ouvrent une section bilingue l’année suivante. C’est donc du « tout gagnant » pour la France.
M. Olivier Cadic. C’est l’objectif 3 du plan Écoles de Londres : développer les « écoles FLAM », avec l’obligation pour ces dernières de se rapprocher d’écoles britanniques afin de contribuer à l’atteinte de l’objectif 2 : le bilingue.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. L’enfant franco-suédois vivant en Suède ne veut pas que sa mère lui parle en français devant ses camarades par crainte du ridicule. Pour qu’il continue à communiquer avec ses parents français, une seule solution : soit il va au lycée français où il ne sera pas le seul à parler français, soit il participe à un groupe FLAM.
Un mois après l’ouverture du premier groupe FLAM à Brooklyn, des parents m’ont dit, avec émotion, que leurs enfants acceptaient de recommencer à leur parler en français !
Je souligne toutefois qu’en Afrique francophone, la situation est totalement différente.
M. John Mac Coll. À Sydney, nous avions commencé avec le lycée français ; à Melbourne, avec un programme FLAM. Ce dernier s’est développé et, aujourd’hui, nous avons à Melbourne une école française hébergée par une école australienne avec 200 élèves français.
Si l’AEFE fait un travail remarquable, n’oublions pas la Mission laïque française, non plus que le CNED, merveilleux outil pas assez utilisé ! Entre tous ces opérateurs, une flexibilité est possible.
Exemple : l’ambassadeur demande de travailler sur une école française à Perth, en Australie, car le groupe Total revient en force. EDF et GDF investissent des centaines de millions de dollars. Pour les enfants de détachés, on utilisera d’abord la Mission laïque française, car ce sera une école financée par les groupes français. Puis on accueillera des résidents francophones et l’on pourra avoir accès à d’autres subventions.
Tous ces enfants de détachés auront la chance d’apprendre l’anglais avec de petits camarades australiens ou franco-australiens et repartiront avec une certaine connaissance de l’anglais et du pays.
Voilà pourquoi l’Australie encourage ce genre d’école.
AEFE, Mission laïque française, CNED, programme FLAM doivent donc être envisagés en fonction des besoins locaux de chaque pays.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Pendant longtemps, l’enseignement du français à l’étranger s’est fait dans des établissements propriétés de l’État. Pour un développement avec des moyens relativement limités, sans doute faudra-t-il à l’avenir régler le problème de l’équilibre entre les établissements en gestion directe et les établissements conventionnés.
M. John Mac Coll. Pour les nouveaux projets, les établissements conventionnés sont plus intéressants car les entreprises sont directement concernées.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En ce début du XXIe siècle, l’action culturelle extérieure est fondamentale pour notre pays, mais il n’y a pas de pilote dans l’avion. Ce devrait être à un secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères d’assurer le contrôle des instituts et des centres culturels, de l’enseignement du français à l’étranger, de l’enseignement français à l’étranger, et de l’audiovisuel extérieur – une des meilleures formations en langue française actuellement est fournie par TV5 Monde. Nous pourrions également développer un partenariat avec le CNED, qui apporterait son expertise.
M. André Schneider, Rapporteur. Selon moi, il est difficile d’avoir un seul pilote, pour le réseau.
À Berlin la semaine dernière, je me suis adressé en allemand au chauffeur venu chercher ma délégation à l’aéroport, et il m’a répondu : « Monsieur, parlez-moi votre belle langue française : je la comprends ! ». Petit Alsacien, j’avais des complexes car on se moquait de moi quand je parlais français.
J’aurais souhaité vous entendre sur la gestion, la qualification et la formation professionnelle des personnels, premiers vecteurs de l’enseignement français et du français dans le monde.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Accepter de parler français est une question d’âge : un jeune enfant a horreur d’être différent des autres.
Il ne nous reste plus que 600 professeurs dotés du statut d’expatrié. Nous sommes largement au-dessous des besoins. Nous n’avons pas non plus beaucoup d’enseignants résidents. Or, si vous voulez avoir des enseignants français à Bangui, à Brazzaville ou à Haïti, il faut un minimum d’expatriés et payer un peu plus cher les professeurs résidents.
Les professeurs résidents et recrutés locaux étant de plus en plus nombreux, il faut faire un gros effort sur leur formation initiale et continue. Faute de quoi, les parents subissent la double peine : ils paient de plus en plus cher, et la qualité de l’enseignement leur est de moins en moins garantie.
M. Marc Villard. Il faut prévoir un statut pour les recrutés locaux, leur garantir un contrat solide assorti d’une protection sociale. Sinon, nous n’aurons pas d’enseignants de qualité.
M. John Mac Coll. La moitié des titulaires expatriés est constituée de personnels administratifs.
Le réseau étant en plein développement, nous sommes au-dessous des besoins, surtout en matière de formation.
M. Olivier Cadic. Selon moi, il faudrait limiter le temps d’expatriation des professeurs. En effet, a-t-on toujours une bonne connaissance de la France si l’on a été expatrié trop longtemps ?
Les enseignants, de plus en plus sédentaires, risquent de ne pas mettre en œuvre les textes officiels. Connaissent-ils le socle commun ? Actuellement, il y a peu de formation.
Les chefs d’établissement sont, comme ici, noyés dans l’administratif.
Un objectif pourrait être assigné à l’AEFE : inspecter les enseignants au moins une fois tous les trois ans pour évaluer leurs connaissances des programmes. Cela éviterait, lorsqu’ils viennent noter le baccalauréat en France par exemple, un certain décalage.
M. André Schneider, Rapporteur. Les statistiques le prouvent : les résultats au baccalauréat des établissements français à l’étranger sont souvent meilleurs que ceux de l’Hexagone.
Le cœur du problème est effectivement l’évaluation des compétences. Il faudrait organiser un turnover « naturel » des personnels, sauf en cas d’aptitudes particulières. Cela ne pourrait concerner que le personnel expatrié, et non le personnel local.
Quant au personnel local, la France peut lui offrir une perspective de carrière, à condition de le former car nous sommes attachés à la qualité de l’enseignement dispensé à nos enfants.
Former du personnel local, c’est aussi assurer le rayonnement de la France !
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Merci beaucoup, Madame, Messieurs, pour ces exposés très intéressants.