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M. Georges Tron, Président. Mes chers collègues, je suis heureux d’ouvrir cette troisième matinée d’auditions de la mission d’évaluation et de contrôle sur l’enseignement français à l’étranger.
Le principe de la MEC est de dégager des propositions de consensus. C’est pourquoi notre organisation est paritaire entre majorité et opposition tant au niveau des présidents que des rapporteurs. Ces derniers associent, de plus, les points de vue des différentes Commissions concernées. Le rapport sur l’enseignement français à l’étranger sera ainsi préparé conjointement par M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial de la commission des Finances, M. André Schneider, membre de la commission des Affaires étrangères et M. Hervé Féron, rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, qui vous demande de bien vouloir excuser son absence ce matin.
La Cour des comptes, qui nous accompagne dans nos travaux et que je remercie une fois encore pour sa participation, est aujourd’hui représentée par M. Jean-François Bernicot, conseiller-maître.
Nous recevons aujourd’hui M. Bertrand Schneiter, inspecteur général des Finances, qui a été chargé de la mission « opérateur - AEFE » dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques.
D’après nos informations, votre rapport, monsieur l’inspecteur, est maintenant achevé, mais n’a pas encore été soumis à l’autorité compétente. Aussi serons-nous très intéressés de connaître vos principales constatations et conclusions.
M. Bertrand Schneiter, inspecteur général des finances. Le Parlement est d’autant plus légitime à se saisir de ce dossier que les hasards de mes recherches – si vous me permettez cet aparté – m’ont fait découvrir qu’un député de Nancy a visité, en 1913, tous les établissements français entre Alexandrie et Constantinople : il s’agit de Maurice Barrès, qui a publié le récit de ce voyage sous le titre Une Enquête aux pays du Levant.
La mission que j’ai pour ma part conduite – sans avoir pu suivre les traces de Maurice Barrès !– dans le cadre de la révision générale des politiques publiques –‘RGPP’– n’est pas un exercice classique de l’inspection générale des finances. Ce n’est pas un audit. Il en découle trois caractéristiques particulières. La première est que le rapport que nous avons adressé à nos commanditaires n’est pas signé par l’ensemble des membres de la mission. La deuxième est que, n’étant pas maître du jeu, j’ai moins de liberté pour faire des préconisations et me bornerai donc à des constats. La troisième, enfin, est que, contrairement aux personnes que vous avez déjà entendues, je ne suis pas partie prenante à la vie de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger – l’AEFE – et à la problématique de cet enseignement. Je ne suis qu’un « travailleur occasionnel » sur le sujet. Mais, avec les deux membres de l’inspection du Quai d’Orsay et le membre de l’inspection de l’Éducation nationale qui composaient avec moi et trois inspecteurs des finances la mission, nous y avons, je crois, consacré le temps qu’il fallait.
Nous avons commencé par procéder à des entretiens en juillet, avant d’effectuer des visites au Brésil, en Chine, au Maroc et aux États-Unis, et poser des questions sur un certain nombre de dossiers. Nos pré-conclusions étaient prêtes en novembre et, après un ajustement final, nous attendons maintenant que les comités de suivi soumettent mes constats et mes propositions à un groupe représentatif des autorités gouvernementales.
Je me permets de préciser que la mission ne portait pas sur l’enseignement français à l’étranger, mais seulement sur l’opérateur AEFE. À cet égard, notre premier constat est que les missions de l’Agence sont d’une grande complexité.
L’AEFE, établissement public, est à la tête d’un réseau intégré de 77 établissements scolaires en gestion directe – les EGD – auxquels la Cour des comptes interdit de reconnaître une autonomie financière. Il est l’employeur direct de 6 422 agents titulaires du ministère de l’Éducation nationale – MEN – en service à l’étranger, répartis dans les 77 EGD et dans 166 établissements conventionnés – EC – qui forment le réseau AEFE. Il ne couvre cependant pas l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale enseignant à l’étranger puisqu’il existe également des enseignants « détachés directs », dont personne ne connaît le nombre faute de statistiques centralisées, et qui travaillent dans les réseaux homologués ou dans le cadre d’autres arrangements de coopération éducative.
Le code de l’éducation charge l’AEFE de la double mission – complémentaire – de fournir aux Français de l’étranger le service public français de l’éducation scolaire et d’offrir aux familles étrangères un accès au système d’éducation scolaire français et au rayonnement dont il s’accompagne. S’y ajoutent une mission de coopération éducative avec les autorités des pays étrangers et, surtout, une double mission de soutien aux familles, par la modération des frais d’enseignement, d’une part, et par l’octroi de bourses aux enfants français, d’autre part – ce qui est un intéressant exercice d’équilibre à étudier.
L’établissement public AEFE est également prestataire de missions complémentaires qui lui sont confiées par le ministère des Affaires étrangères et européennes – MAEE –, comme le programme de consolidation du français langue maternelle – FLAM –, ou par le ministère de l’Éducation nationale, comme l’instruction des demandes d’homologation ou la mise en œuvre de certaines compétences d’inspection, qui pourraient être exercées directement par les académies ou par le ministère.
L’AEFE ne couvre pas tout le champ de la politique d’enseignement français à l’étranger. Cette politique est d’abord définie par le MAEE, qui assure une tutelle permanente de l’Agence. Le dispositif français d’enseignement à l’étranger inclut ensuite, hors AEFE, 208 établissements homologués, dont 87 établissements relevant du réseau de la Mission laïque française, dont la position par rapport au dispositif est un peu ambiguë. L’AEFE, enfin, n’est en charge ni de l’enseignement linguistique, ni de l’accès à l’enseignement supérieur en France.
L’Agence se situe ainsi de manière ambiguë par rapport à la définition d’un opérateur. À l’échelon politique, elle apparaît comme un service du ministère des Affaires étrangères alors qu’à l’échelon technique, elle a un rôle de gestion d’établissements et de personnels.
Ses moyens constituent un enjeu significatif. Son « budget » pèse fortement sur les moyens du MAEE puisqu’il représente 70 % du programme 185 Rayonnement culturel et scientifique et 30 % du programme 151 Français à l’étranger et affaires consulaires – ce qui, selon moi, pose un problème, notamment pour le programme 185. De plus, l’évolution des crédits de l’AEFE est préoccupante, avec une progression de 50 % de la subvention de l’État entre 2005 et 2009, due à l’apparition de charges nouvelles.
Les ressources publiques ainsi consacrées couvrent, mais très inégalement selon les statuts et les situations locales, 30 % du coût global du dispositif, le reste étant essentiellement à la charge des familles – nous n’avons pas détecté d’autres sources significatives de financement.
Enfin, des risques budgétaires non négligeables existent du fait à la fois d’une demande dynamique, d’un engagement de soutien public renforcé pour les familles françaises, et d’un état de l’immobilier – que nous n’avons pas audité – jugé généralement comme nécessitant un effort particulier.
La situation du réseau des établissements d’enseignement français à l’étranger manque d’homogénéité. Non seulement les implantations sont héritées de l’histoire, mais les niveaux de soutien public sont très hétérogènes : il n’existe pas de curseur socio-économique permettant de moduler le tarif en fonction de la richesse du pays et du niveau de vie des familles. De même, l’existence de trois catégories d’établissements différentes atténue la capacité de maîtrise de l’AEFE.
Le processus de décision est également trop aléatoire, laissant trop de place à la mesure au cas par cas. Le conseil d’administration de l’Agence est en effet plus une instance de concertation que de décision. Il s’apparente à une assemblée générale chargée d’examiner les grandes questions. Mais des questions relevant de situations particulières sont aussi à son agenda. Quant à la tutelle du MAEE, elle est double puisqu’elle cumule les échelons locaux (ambassades et consulats) et centraux – ce qui rend les décisions, sinon incohérentes, du moins aléatoires. Enfin, le ministère de l’Éducation nationale est un partenaire peu engagé. Tout en ayant une très bonne relation technique avec l’AEFE – l’audition du doyen de l’inspection générale de l’Éducation nationale, M. François Perret, a dû vous en convaincre –, le MEN se tient prudemment à l’écart, l’architecture même de l’AEFE ne faisant de lui qu’un fournisseur de personnels.
Quelles sont nos conclusions, ou plutôt nos pistes de réflexion ?
Premièrement, il faut rechercher une plus grande homogénéité de fonctionnement et de tarification entre les deux familles du réseau AEFE : les établissements à gestion directe et les établissements conventionnés. Actuellement, les EGD sont sous-tarifés par rapport aux EC alors que des professeurs et encadrants titulaires de l’Éducation nationale sont présents dans les deux cas. Le budget d’un EGD doit être aussi complet que celui d’un EC et la responsabilisation de la communauté éducative – expression polie recouvrant les syndicats, les parents d’élèves et l’ambassade – doit être clairement recherchée. Les efforts de l’AEFE en la matière sur les six ou sept dernières années ont été importants ; elle a vraiment essayé de donner le maximum de visibilité et de compréhension au système en dépit de variations selon les situations géographiques.
Deuxièmement, il faut avoir le courage de poursuivre la recherche d’autofinancement, même si cela a une répercussion sur les bourses et sur la prise en charge des frais de scolarité. Cette démarche soulève deux questions : est-ce juste à l’égard des parents d’élèves du pays concerné ? La marge de compétitivité nous permet-elle d’augmenter les tarifs ?
À mon sens, la question de la compétitivité est une sorte d’épouvantail que l’on agite. Pour prendre une image, si les établissements français d’enseignement à l’étranger sont des voitures robustes, qui roulent très bien, la République française ne pourra jamais offrir des Rolls.
La première question est plus délicate. Le soutien public étant réservé aux familles françaises et aux binationaux – ce qui pose des problèmes dans certains pays –, un relèvement des tarifs constitue-t-il une injustice vis-à-vis des familles méritantes locales et a-t-il un effet d’éviction de celles-ci ? Nous n’excluons pas la possibilité d’octroyer des aides à des familles locales, mais la justice voudrait alors que l’on trouve un meilleur arbitrage entre ce qui est alloué aux familles françaises, dont certaines sont à l’abri du besoin et bénéficient de niveaux de bourses élevés, et ce qui pourrait être donné à des familles locales, appartenant souvent à la fonction publique, à l’enseignement et aux milieux académiques, qui ne bénéficient peut-être pas de nombreux avantages dans certains pays du tiers-monde.
Troisièmement, il importe de contenir les charges de personnels, puisqu’elles constituent l’essentiel des coûts. Il faut, à cet égard, distinguer le cas des expatriés et celui des résidents.
La balance entre expatriés et résidents dans la famille des titulaires me semble être aujourd’hui relativement consensuelle. Il est admis qu’il ne devrait plus y avoir d’expatriés enseignants que dans des fonctions débordant le cadre strict de leur enseignement. Je suis d’ailleurs sûr que, dans certains pays d’Afrique, des gens d’un très bon niveau académique seraient prêts, même en tant que recrutés locaux, à rejoindre notre système.
En revanche, autant le nouvel équilibre s’agissant des expatriés enseignants est plus ou moins accepté, autant les résidents font l’objet d’un véritable tabou, à savoir qu’un taux de 50 % d’enseignants titulaires serait nécessaire pour un établissement de qualité. Le drame est que ce critère ne se vérifie nulle part. Le nombre d’enseignants titulaires varie considérablement d’une zone géographique à l’autre. Or, personne n’observe de grandes différences de qualité d’un endroit à l’autre. C’est pourquoi j’ai quelque difficulté à ratifier la règle des 50 %. Mais il nous faut en l’occurrence marcher sur des œufs, pour ne pas créer une confrontation brutale.
Lorsque j’ai constaté que l’une des zones géographiques où il y avait le plus de titulaires de l’Éducation nationale professeurs dans un établissement était l’Europe occidentale, j’ai d’abord, en bon inspecteur des finances, trouvé cela aberrant. Je me suis ensuite demandé pourquoi il en était ainsi. La réponse est que le statut des professeurs locaux ne leur permet pas d’être détachés dans nos établissements, ce qui montre qu’il ne sera pas facile de réduire le nombre de professeurs titulaires dans les établissements d’Europe, à moins de créer une troisième catégorie de personnels : les Français recrutés locaux, répondant évidemment aux critères académiques.
Il ne faut pas oublier que nous avons perdu du jour au lendemain, sans aucun remplacement, les quelque mille volontaires du service national qui étaient des gens de bonne formation – aussi bonne que celle des jeunes professeurs qu’on envoie dans les zones d’éducation prioritaire – et qui étaient disponibles pour quelques années dans le réseau.
M. André Schneider, Rapporteur. Comme vous, je considère que le nœud gordien est la question des personnels. Outre que la qualification n’est pas toujours forcément liée au statut, l’association de personnes locales me paraît être un bon moyen pour promouvoir le rayonnement de la France et du français dans le monde. Certes, le verrou des 50 % existe, mais quelles recommandations pouvez-vous nous faire à cet égard ?
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Vous avez souligné, au début de votre propos, la complexité des missions de l’AEFE qui fêtera ses vingt ans en juillet prochain. Vous paraît-il utile de revoir ses missions pour les clarifier ou les réadapter à la vie quotidienne, concernant notamment la gestion du système des bourses ?
Compte tenu de la spécificité de chaque pays, il ne me semble pas possible d’envisager que le système soit le même partout.
M. Bertrand Schneiter. Concernant la gestion du personnel, nous n’avons pas poussé notre réflexion très loin. Ce que nous affirmons, c’est qu’il n’y a pas de base auditable permettant d’établir que la règle des 50 %, qui fait l’objet d’un consensus politique et assure la paix sociale, a des assises solides. Une marge d’évolution pourrait, par conséquent, exister en la matière. Ce ne sera pas un drame si, dans cinq ans, la proportion d’enseignants titulaires résidents n’est plus que de 45 %. Le système français d’enseignement à l’étranger n’en sera pas violemment détérioré. Mais on ne pourrait afficher cette évolution comme un objectif politique. C’est un sujet difficile car il y a de fortes résistances de la part des représentants des enseignants. Il devra être travaillé dans la durée.
Une question que l’on peut se poser est effectivement de savoir s’il ne faudrait pas articuler autrement l’AEFE pour mieux distinguer les différentes missions qui lui sont assignées.
M. Aubin de La Messuzière vous a expliqué que la Mission laïque française – MLF – n’était pas un opérateur, sauf à Kaboul, mais qu’elle était un acteur. Dans le même ordre d’idée, on pourrait imaginer que l’AEFE se voit confier encore plus clairement un rôle pivot de gestion de la marque France, sous toutes ses formes, en matière d’enseignement secondaire. Même si cela pose quelques problèmes par rapport à la MLF, un tel rôle pourrait être accepté à la fois par le ministère de l’Éducation nationale, moyennant une convention dans laquelle ce dernier déléguerait un peu plus clairement certaines de ses compétences – ce qui est un peu compliqué parce qu’il aime bien déléguer sans le dire –, et par le MAEE, à condition qu’il accepte que cet opérateur pivot ait un caractère un peu plus interministériel et ne dépende pas que d’arbitrages internes au quai d’Orsay.
Au-delà, une cellule de gestion des bourses et du soutien, dotée d’un conseil d’administration propre pourrait être créée, par délégation, et une holding pourrait regrouper les établissements d’enseignement sous gestion directe.
Dans les documents budgétaires, retracer tout ce qui concerne l’opérateur AEFE est quasiment impossible. Je pourrai cependant laisser à votre mission une copie d’un tableau des circuits financiers dans le secteur que nous avons finalement réussi à dresser. À n’en pas douter, un effort de clarification est à réaliser, ce qui demandera à chacun de faire un petit pas vers plus de vérité. Mais s’oppose à cela, au niveau local, l’emprise des ambassades. Toute mesure un peu importante est arbitrée au niveau du cabinet du ministre, si ce n’est pas plus haut, entre l’ambassadeur et l’AEFE et, éventuellement, d’autres personnes, dont le responsable du programme 151. C’est le cas aujourd'hui des affaires de Londres et de Barcelone qui montrent que l’AEFE n’est pas un opérateur de plein exercice faute d’avoir toutes les cartes en main.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. La tutelle du ministère sur l’opérateur AEFE est-elle bien exercée ? Y a-t-il eu des périodes où elle l’a été mieux qu’à d’autres ?
Par rapport à d’autres opérateurs, l’Agence a-t-elle plus de problèmes ?
M. Bertrand Schneiter. Moins si on l’apparente à une sous-direction du Quai d’Orsay !
Une continuité assez forte, même si elle a dû être assez délicate à certains moments, existe, me semble-t-il, entre l’AEFE, la direction générale de la Mondialisation, du développement et des partenariats – DGM – et la sous-direction de la Diversité linguistique et du français, dirigée par M. Jean-Paul Rebaud. Mais je n’en ai pas fait l’historique.
En tout cas, le conseil d’administration de l’AEFE est aujourd’hui une instance de concertation et non une instance de définition d’une politique. Celle-ci est définie par le ministère des Affaires étrangères d’une manière qui manque d’un caractère interministériel plus prononcé. La présence du directeur de la DGM à la présidence du conseil d’administration de l’Agence peut également poser question. En tout cas, cela prouve le manque d’autonomie de l’opérateur, et il en irait de même si l’AEFE était rattachée au directeur des Français à l’étranger et de l’administration consulaire. Enfin, le fait que, dès qu’un sujet a un tant soit peu d’importance, les ambassadeurs souhaitent – avec de bonnes raisons – s’en occuper montre que l’AEFE est soumise à un aléa d’influences variables selon les personnalités, les raisonnements tenus et les circonstances. Les décisions en voie d’être prises pour Londres me semblent raisonnables, après un moment de flottement inquiétant. Je crains, en revanche que, concernant Barcelone, on soit encore loin d’avoir trouvé la solution.
L’AEFE est considéré par le Quai d’Orsay comme l’un des instruments essentiels du rayonnement de la France dans le monde. Selon moi, elle est essentielle par défaut, en ce sens qu’elle accapare l’essentiel du budget de la direction en question. Je n’ai pas été capable, par exemple, d’analyser l’impact sur le rayonnement français des 1 000 élèves du lycée de Cali en Colombie, qui commence à la maternelle. On peut imaginer qu’un jour, l’un d’eux sera directeur des transports terrestres et nous achètera des autobus, mais même cela n’est pas sûr.
L’un des grands défis de la politique d’enseignement – nous y insistons un peu dans nos analyses –, est la recherche d’instruments nouveaux en vue d’objectifs nouveaux, ce qui me conduit à parler de la carte du réseau.
Ce dernier, constitué des établissements classiques, en « dur », n’a pas vocation à s’étendre. Il est soumis à une contrainte : fournir le service public français de l’éducation scolaire aux Français de l’étranger qui le demandent. Grâce au Ciel, tous ne le demandent pas. En Suisse, on évalue à 2 % le nombre des demandes par rapport au potentiel. Nous ne pourrions pas faire face si, tout à coup, 100 % des personnes pouvant exciper d’un droit à ce service public venaient le réclamer aux portes de nos consulats. On évalue en effet aux États-Unis à 12 % des Français le nombre de demandeurs ! Mais certaines zones de pression
– heureusement peu nombreuses –, existent comme Londres et le Maroc – où se greffe notamment le problème des binationaux –. Plus globalement la progression des effectifs, sur les cinq dernières années, n’a été due qu’à la demande française.
Le système a dérivé plus vers le service public de l’enseignement que vers le rayonnement français. Cela n’est pas dramatique. Cela me paraît même logique. Il faut accepter l’idée, dans le cadre d’une évolution à long terme, que les outils soient adaptés à la poursuite d’un cursus scolaire français, aux termes de la loi de 1990, et examiner de près toutes les solutions : les systèmes d’appui linguistique des Espagnols, qui ont la chance d’avoir une grande zone hispanophone, ou encore les formules plus souples que les nôtres utilisées par les Allemands. Les formules nouvelles fourniront des marges de développement, même s’il sera difficile de construire un scénario permettant de dégager des marges pour faire mieux ou autre chose.
Par rapport aux objectifs de politique étrangère fixés dans le Livre blanc, le réseau ne correspond pas du tout. Faudrait-il alors aller dans les zones en question avec armes et bagages ? C’est, en termes de moyens, impossible. Je cite, à ce propos, l’exemple de l’Inde. Dans ce pays, notre politique doit être centrée sur l’accessibilité du système universitaire français et donc sur le mode de détection des populations scolaires susceptibles, à la fin du secondaire ou en premier cycle, de poursuivre leurs études dans le supérieur en France. On ne peut imaginer en effet faire entrer de jeunes Indiens à la maternelle française en se disant qu’un jour ils seront dans nos universités, sachant en particulier le phénomène de perte en ligne qui affecte le système.
M. André Schneider, Rapporteur. Certains instituts de premier cycle ne pourraient-ils être implantés ici ou là lorsque le volume des futurs étudiants est suffisant ?
M. Bertrand Schneiter. Je suis absolument opposé à cette idée que je considère comme une fausse bonne solution. D’une part, il y a très peu de lieux où ce serait possible. D’autre part, je ne vois pas pourquoi on créerait un enseignement supérieur concurrent de celui du pays concerné. Pour prendre l’exemple du Maroc, il faut, plutôt que créer une telle concurrence, faire en sorte que le système d’enseignement supérieur marocain soit excellent.
Cela vaut également pour les classes préparatoires, dont deux ou trois existent au Maroc, mais qui posent certains problèmes. Quant à celle de Vienne, il faut faire venir des étudiants de France pour la remplir. Même s’il y aura toujours des gens pour souhaiter voir créer des postes de professeurs de classes préparatoires, d’autant qu’il y aurait une chance raisonnable d’y affecter des expatriés, il ne faut pas aller dans cette voie.
M. André Schneider, Rapporteur. Est-ce que votre position apparaît dans le rapport ?
M. Bertrand Schneiter. Ma position concernant les classes préparatoires y est très nette. Elle figure également dans une annexe.
M. André Schneider, Rapporteur. Avez-vous été conduit à faire une observation sur les « facilités » offertes aux étudiants étrangers pour venir étudier en France ?
M. Bertrand Schneiter. Non. Bien qu’il y ait un lien entre les deux niveaux d’enseignement, cette question est vraiment en dehors du champ de notre étude. Cela dit, elle est essentielle. Alors qu’au lycée français de New York, par exemple, des universités viennent rechercher les étudiants à potentiel, le système français est relativement absent. Ce sera le travail de CampusFrance. Il faut que nos universités soient capables de se vendre à l’étranger et que l’on puisse mettre en place des moyens d’accompagnement quand on découvre des personnes de qualité. Il existe déjà le système de bourses « excellence-major », mais il est encore très limité.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. La création de deux opérateurs, l’un pour l’action culturelle extérieure, l’autre pour l’accroissement de l’attractivité de l’enseignement supérieur français, peut-elle se faire sans reconsidération des missions de l’AEFE ?
M. Bertrand Schneiter. Je ne suis réellement pas compétent pour répondre à cette question, mais ce que je sais, c’est que plus l’architecture sur laquelle on va déboucher sera complexe, plus il y aura des problèmes de frontière. Il est vrai que la maison Quai d’Orsay en connaît déjà.
J’ai omis, concernant les charges de personnel, de mentionner la sous-utilisation du Centre national d’enseignement à distance – CNED – qui est pourtant une maison d’une qualité extraordinaire, homologuée par l’Éducation nationale. Alors que les surcoûts ne proviennent pas seulement des indemnités d’expatriation ou de résidence, mais également du sous-effectif de certaines classes – une division à dix, douze ou quinze élèves coûte plus cher qu’une division à trente élèves –, il y a avec le CNED des possibilités qui, pour l’instant, ne sont, pour parler par euphémisme, qu’utilisées prudemment.
M. André Schneider, Rapporteur. Qu’en est-il du turn over du personnel ?
M. Bertrand Schneiter. C’est un point délicat. Mais si la rotation des résidents est plus importante qu’on ne le croit, la répartition des durées de séjour n’aboutit pas à un résultat catastrophique.
On touche là à un domaine que nous avons signalé mais que nous n’avons pas entièrement exploré, à savoir le contrôle de la qualité de la formation, initiale et continue, des enseignants. Si l’on veut en finir avec le tabou des 50 %, il faut mettre en place un système de suivi plus important et faire preuve d’un peu de courage dans certaines situations. Il existe aussi en France des enseignants qui vieillissent tranquillement sans se soucier de formation permanente. Les efforts en la matière sont inégaux.
Le contrôle devra s’exercer en priorité sur les établissements homologués, où la population d’enseignants est très hétérogène, l’homologation étant quelquefois octroyée avec un peu de facilité.
Concernant la contribution de 2 % qu’il est prévu de demander aux établissements homologués à partir de la rentrée 2010, je trouve cela normal. En effet, les établissements doivent payer quelque chose pour utiliser la marque France, car celle-ci a de la valeur. Sans elle, les élèves ne viendraient pas. Le raisonnement selon lequel on paie pour les prestations reçues ne me convainc pas.
Je ne serais pas choqué qu’il soit demandé un prélèvement de 1 % sur le chiffre d’affaires simplement pour la marque. Par ailleurs, le système du tiers payant pour les bourses et la prise en charge des frais de scolarité est très avantageux. Pour les établissements, il est préférable au recouvrement direct. Une base existe donc pour négocier une redevance pour tout utilisateur de la marque.
M. André Schneider, Rapporteur. L’autonomie, tout comme la tutelle, c’est bien jusqu’à une certaine limite. Pour ma part, je crois au partenariat entre opérateurs. Quant à la marque, ou la labellisation des personnels enseignants, ces questions sont plutôt du ressort de l’Éducation nationale.
Votre mission ne concernait que l’AEFE mais vous avez dû parfois observer, sinon des superpositions, du moins des frictions entre institutions. Quelle serait selon vous l’organisation la plus homogène possible ?
M. Bertrand Schneiter. Vous faites sans doute allusion aux relations entre ambassadeurs, services de coopération et d’action culturelle – SCAC –, proviseurs et comités des parents d’élèves.
S’il peut paraître difficile d’admettre que les ambassades conservent un poids hiérarchique, c’est, après tout, la contrepartie des statuts mis en place. Vis-à-vis des proviseurs, c’est même plutôt positif. Il faut, en effet, faire très attention au profil de ces derniers. Cela étant, même s’il existe – c’est inévitable – des problèmes ici ou là, le niveau d’alerte est très bas. Le fait que les proviseurs soient dans une position de subordination hiérarchique – théorique – par rapport aux ambassades est préférable au fait de jouir d’une trop grande autonomie.
M. André Schneider, Rapporteur. Dans l’ensemble, vous êtes assez optimiste concernant le système.
M. Bertrand Schneiter. Tout à fait. L’AEFE est une structure qui marche bien, même si ses frais généraux sont un peu lourds du fait de ses nombreuses missions, ce qui a entraîné une augmentation des personnels au siège – et permis des effets de manche à la Mission laïque française.
Des progrès sont encore à réaliser à propos de la tenue des comptes par établissement. Nous demandons qu’ils soient plus lisibles, avec le risque que les parents d’élèves veuillent alors se saisir des fonds de roulement ainsi clairement dégagés alors que l’on cherche par ailleurs à les mutualiser.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. La prise en charge par l’AEFE de la part patronale des cotisations de pensions civiles des personnels qu’elle emploie et détache, sans que le ministère du Budget compense intégralement cette nouvelle charge, risque-t-elle de détériorer la situation financière de l’Agence ?
Par ailleurs, le versement par les EGD et les EC d’une contribution de 6 % de leur budget, assise sur les frais de scolarité, peut-il conduire certains établissements à préférer prendre leur autonomie et à demander le déconventionnement ?
M. Bertrand Schneiter. Il existe déjà des cas de déconventionnement, mais ils sont un peu marginaux. Vont-ils se multiplier ? Ma réponse vous paraîtra un peu cynique, mais le déconventionnement n’est pas une catastrophe en soi. Ce qui est catastrophique, c’est quand des établissements déconventionnés homologués pratiquent des politiques tarifaires autonomes qui pèsent aussi lourd sur le budget de soutien aux familles que celles des établissements américains.
Ce qui est plus difficile, dans un système budgétairement contraint, c’est de savoir comment contenir les charges, dégager des moyens de financements supplémentaires et arbitrer.
On dégagera des moyens de financement en recherchant l’autofinancement et en prenant des décisions douloureuses qui, souvent, auraient dû être prises depuis longtemps. La décision de remonter les tarifs de Londres sur trois ans, par exemple, est très saine.
On contiendra les charges en levant peut-être le tabou de la « remontée » sur les expatriés encadrants – ce qui est d’ailleurs déjà le cas dans quelques pays où cette remontée a même pu atteindre 100 %.
Il faudra également réfléchir à la possibilité d’une évolution des structures, tout en restant très prudent.
Le budget étant très tendu, on ne pourra s’en sortir qu’en prenant des mesures concernant l’immobilier. Or, on ne sait plus où on en est de l’état réel des lieux puisque les mises à disposition, par exemple, ont été interrompues, l’Agence foncière de l’État à l’étranger n’étant en outre pas chargée de la question. On pourrait imaginer que l’opérateur soit doté d’une véritable division immobilière, sachant qu’il a même été proposé d’utiliser en la matière les moyens du grand emprunt.
Le programme immobilier de l’AEFE, qui est substantiel, est en tout cas destiné à être maintenant financé par l’emprunt à hauteur de 100 ou 110 millions d’euros puisque les possibilités d’autofinancement sont aujourd'hui épuisées – sans parler des charges de gros entretiens et de mise aux normes, dont l’inventaire en est encore à un stade embryonnaire.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Dans le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France 2008/2020, les chiffres évoqués pour une prise en charge totale des frais de scolarité sont exorbitants : entre 600 et 700 millions d’euros.
M. Bertrand Schneiter. Je les évalue pour ma part entre 350 et 700 millions, ce qui est totalement incompatible avec les équilibres actuels du système. Pour autant, si la prise en charge est une chose, l’équilibre économique des établissements en est une autre. Il faut gérer les deux séparément et non conjointement comme dans le système actuel.
Les mesures de limitation de la prise en charge sont raisonnables car certaines aberrations existaient. Mais, même avec ces limitations, la prise en charge continuera à faire des dégâts financiers. Malgré toute leur bonne volonté, les directions internationales des entreprises taillent, partout où c’est possible, dans les coûts. Nombre d’entreprises vont donc petit à petit réaliser qu’elles peuvent économiser sur la prise en charge des frais de scolarité versés par leurs employés.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Admettons que l’on maintienne telle quelle cette prise en charge. Faudrait-il l’isoler du reste, de façon à ne plus mélanger les comptes ?
M. Bertrand Schneiter. Il s’agit effectivement en l’occurrence d’un budget géré par l’AEFE, et non d’un budget maîtrisé par celle-ci.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Aujourd’hui, c’est un peu ressenti comme cela.
M. Bertrand Schneiter. Certes, car il est demandé à l’AEFE de gérer au mieux ce qui relève de sa responsabilité propre et, par délégation, le système des bourses et de la prise en charge. Pour autant, ce dernier ne ressortit pas d’un budget d’établissement, mais bien du budget général.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Avec la montée de la prise en charge, les entreprises se retirent progressivement du financement de la scolarité des enfants de leurs employés. Sachant que l’Agence est un établissement public, dont le conseil d’administration ne gère pas grand-chose, si ce n’est des problèmes techniques plutôt que des orientations politiques, et que ses financeurs ne sont pas nombreux – les parents d’élèves et l’État –, ne pourrait-on pas demander aux entreprises de participer au financement de l’AEFE, par exemple en les faisant bénéficier d’avantages fiscaux liés au mécénat ?
M. Bertrand Schneiter. Je n’ai pas la réponse. Cependant, des expériences ont été tentées en commettant parfois des erreurs. À Pékin, on est passé par un établissement en gestion directe, alors que ce n’était pas nécessaire. Pour obtenir un effort de pure bonne volonté des entreprises, il aurait fallu disposer d’une capacité opérationnelle qui soit très bien établie. Or il y a eu des tergiversations de la part de l’ambassade, dans un contexte sûrement difficile. Quoi qu’il en soit, cela a permis aux entreprises de s’affranchir d’engagements qui avaient d’ailleurs été pris sans que rien n’ait été acté.
Le système de la Mission laïque française, dans lequel les entreprises sont clairement demandeurs et financeurs, fonctionne bien. Notre système AEFE n’a jamais eu cette clarté, et le dispositif de la prise en charge donne aux directions financières des filiales d’entreprises françaises de bonnes raisons pour ne pas s’impliquer.
On pourrait imaginer de demander aux entreprises de prendre exemple sur la République française. En effet, nos agents à l’étranger ayant des compléments familiaux supposés couvrir les frais de scolarité ne sont pas bénéficiaires de la prise en charge – cela peut d’ailleurs poser des problèmes puisque, parfois, le compte n’y est pas.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Le système de la prise en charge a-t-il une base juridique solide ? Le sentiment prévaut en effet qu’il est parfois appliqué « à la tête du client ».
M. Bertrand Schneiter. Sans aller jusque-là, il faut bien reconnaître que le système n’a pas de base juridique. Techniquement, le problème est géré comme en matière de bourses. Au départ, ce n’était d’ailleurs pas une mauvaise idée : d’une part, c’était la seule possibilité ; ensuite cela permettait de ne pas perdre de vue la population qui ne relevait pas des bourses. J’ai demandé à cet égard la mise au point d’un système susceptible d’atténuer le choc du seuil, entre les bourses et la prise en charge, mais cela suppose d’encadrer davantage cette dernière.
M. André Schneider, Rapporteur. L’AEFE a, par ailleurs, une mission de coopération avec les systèmes éducatifs locaux, ce qui pourrait contribuer au rayonnement de la France et répondre aux préoccupations actuelles vis-à-vis des enseignants locaux. Pour réussir une telle mission, ne lui faudrait-il pas entrer dans un circuit de formation des formateurs ?
M. Bertrand Schneiter. La réponse à la question de savoir si la mission de coopération est de la compétence de L’AEFE ou de celle des services culturels n'est pas claire.
L’Agence peut-elle développer une capacité propre d’opérateur en ce domaine ? Jusqu’à présent elle ne l’a pas fait, en dehors de quelques cas. Cela suppose en tout état de cause qu’on lui en donne les moyens et donc que l’on considère qu’elle est la mieux placée pour remplir une politique définie par ailleurs, ce qui n’est pas évident.
Aujourd’hui, cette démarche de coopération dépend de la situation locale, par exemple d’un proviseur qui a su nouer des relations locales, mais l’AEFE n’a pas les moyens d’agir sur une grande échelle.
M. André Schneider, Rapporteur. Il faut repenser les partenariats !
M. Bertrand Schneiter. Bien sûr. Mais reste à savoir qui, entre les agents culturels locaux et l’AEFE, les définit. Je ne crois pas que les proviseurs d’établissements puissent être des vecteurs de coopération éducative parce qu’ils sont déjà occupés par leur établissement.
M. André Schneider, Rapporteur. L’Agence s’occupe entièrement du recrutement du personnel. Vous parliez de « marque » et moi de « label ». Encore une fois, c’est l’Éducation nationale qui devrait avoir le dernier mot en matière de certification du système éducatif et de coopération.
M. Bertrand Schneiter. Nous préconisons une convention plus large entre l’AEFE, le MAEE et le MEN, qui autorise explicitement certaines délégations. Le problème est que le MEN n’aime déléguer qu’à ses propres agents. Et comme toute une partie des tâches qui pourraient revenir au MEN en ce domaine sont exercées via l’AEFE, l’affaire est bien compliquée. Une clarification s’impose, notamment sur le plan budgétaire, sachant également que le MEN mène des actions propres sur le plan international.
J’ai à cet égard déjà souligné une carence : personne ne peut dire quelle est la carrière des détachés directs, qui n’apparaissent pas au sein de l’AEFE alors qu’ils ne sont plus au MEN, tout en étant détachés dans des établissements homologués ou ailleurs !
M. André Schneider, Rapporteur. Les pays voisins, qui n’ont certes pas les mêmes problèmes en matière de statuts ou de détachement que vous évoquiez, ont un esprit pratique : un enseignant de Munich pourra aller enseigner à Tombouctou, et vice-versa, pendant un an, sans que cela ne coûte rien, à part un billet d’avion. Et chacun en retire une expérience très formatrice.
M. Georges Tron, Président. En matière d’immobilier, une évaluation a-t-elle été faite ?
M. Bertrand Schneiter. Nous n’avons malheureusement pu y travailler, faute de base le permettant.
M. Georges Tron, Président. Est-on cependant convaincu de la nécessité d’appréhender la part de l’immobilier dans le cadre de la gestion globale ? L’état du patrimoine permet-il de l’évaluer à quelques centaines de millions voire à quelques milliards ?
M. Bertrand Schneiter. Je vous transmettrai une note à ce sujet.
Le statut domanial des établissements est incroyablement complexe. Je souhaite notamment bien du plaisir à l’Agence foncière de l’État à l’étranger s’agissant des immeubles diplomatiques. Cela dit, l’AEFE a toujours essayé de trouver les ressources pour faire ce qu’il fallait.
Pour autant, la situation en matière de gestion immobilière est en suspens, d’autant que les moyens ne sont pas non plus clarifiés. Mais l’AEFE m’a semblé consciente du fait qu’elle deviendra demain gestionnaire de plein exercice de son propre réseau de 77 EGD.
M. Georges Tron, Président. Vos observations entrent-elles dans le cadre de la définition du périmètre d’intervention de l’Agence foncière de l’État à l’étranger, lequel n’est pas forcément perçu de la même façon selon Bercy et le MAEE ?
M. Bertrand Schneiter. Pour ce dernier, l’Agence foncière de l’État à l’étranger n’a pas dans ses priorités, au moins dans la première phase, à s’occuper d’autre chose que des locaux administratifs régaliens.
Comme il s’agit d’un parc immobilier très spécifique, il me paraît plutôt raisonnable d’imaginer que l’opérateur deviendra gestionnaire de plein exercice de son parc immobilier, car la problématique est, pour partie, la même partout : fournir des locaux d’enseignement. D’autant que les arbitrages entre location, propriété ou autre sont sans doute plus faciles à faire à ce niveau. On pourrait d’ailleurs imaginer davantage de prises en location dans certains cas.
Quoi qu’il en soit, je ne vois pas le bénéfice que pourrait tirer la maison AEFE de l’intervention de l’Agence foncière. Peut-être y aura-t-il des problèmes d’expertise, mais il me semble légitime que l’opérateur gère l’immobilier. On identifiera d’autant mieux les réseaux propres dans le système.
M. Georges Tron, Président. Qu’en est-il de l’état global du patrimoine ?
M. Bertrand Schneiter. Il n’existe pas de véritable audit en la matière.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Selon l’AEFE, il faudrait à peu près 30 millions d’euros pour remettre en état le patrimoine existant et accomplir quelques extensions là où elles sont nécessaires. La difficulté tient à la situation hétérogène des biens.
M. Bertrand Schneiter. Sans compter que tout ce qui relève de la mise aux normes est difficile à définir.
M. Georges Tron, Président. Cela porte sur combien de biens ?
M. Bertrand Schneiter. Cela figure dans l’un des tableaux que je vous ai remis.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Un audit serait-il utile ?
M. Bertrand Schneiter. Nous le demandons très clairement, s’agissant notamment de l’immobilier de départ de l’AEFE. Il y a eu des mises à disposition, mais le processus a été interrompu.
M. Georges Tron, Président. La somme de 30 millions d’euros avancée par l’AEFE vous paraît-elle crédible ?
M. Bertrand Schneiter. À mon avis, elle est plutôt faible.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. D’après d’autres informations, l’estimation variait entre 30 et 50 millions d’euros.
Par ailleurs, le statut patrimonial semble très complexe. Parfois, personne ne sait à qui appartient tel ou tel local. Or il est difficile de faire des travaux de rénovation dans des locaux dont on n’est pas sûr d’être le propriétaire – c’est la raison pour laquelle ces bâtiments sont dans un état assez lamentable. Par exemple, on ne sait pas à qui appartient le Centre culturel de Londres, qui résulte d’un don.
M. Georges Tron, Président. La priorité ne serait-elle pas de remettre de l’ordre ?
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Il faudrait sans aucun doute procéder à un inventaire, mais ce n’est pas simple.
M. Bertrand Schneiter. C’est une de nos préconisations. Il faut impérativement clarifier le dossier immobilier de l’AEFE qui est en suspens.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. On ne sait pas qui fait quoi.
M. Bertrand Schneiter. La division immobilière actuelle de l’AEFE n’a ni la dimension ni la qualification pour s’en charger.
M. Georges Tron, Président. Il faudrait pourtant déjà commencer par savoir de quoi l’on parle.
M. Bertrand Schneiter. L’expérience est en cours au Quai d’Orsay.
M. Georges Tron, Président. J’ai tendance à penser que ce dernier n’est pas l’exemple cardinal dans le domaine de la gestion immobilière.
M. André Schneider, Rapporteur. Sans compter que l’on n’est pas obligatoirement propriétaire du foncier quand on est propriétaire du bâtiment.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. À Tbilissi, un oligarque géorgien a payé intégralement l’école : en principe elle lui appartient. Le président de la Guinée Équatoriale a offert à la France une école, mais aucun acte n’a été établi.
M. Georges Tron, Président. Cette question sera au cœur de la définition du périmètre d’intervention de l’Agence foncière de l’État à l’étranger.
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. Sauf que le directeur général de l’administration nous a clairement indiqué qu’il n’imaginait pas que l’Agence foncière puisse intervenir en matière d’établissements scolaires.
M. Bertrand Schneiter. Il a raison, mais cela ne signifie pas que l’AEFE ne puisse pas bénéficier du savoir-faire de l’Agence foncière du Quai d’Orsay. Pour autant, je ne vois pas ce que cela apporterait de charger cette dernière de l’enseignement français à l’étranger.
M. Georges Tron, Président. Cela aurait l’avantage de la simplification et de la clarification. Aujourd’hui, dans le domaine immobilier, on assiste à la multiplication des régimes dérogatoires, comme c’est le cas au ministère de la Défense, ce qui aboutit à rendre la situation plus opaque.
Au-delà, on peut s’interroger sur le système d’identification des immeubles par le système d'informations financières de l'État – Chorus. Faute de l’outil analytique nécessaire, on s’interroge même sur la propriété des immeubles. Tout cela montre bien que l’Agence foncière ne pourra pas bien travailler sans une base lui permettant de procéder à des correctifs.
M. Bertrand Schneiter. Pour m’être rendu en province dans le cadre d’une inspection concernant notamment la mise en place des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI), il me semble que le système Chorus, après un premier choc négatif, va tout de même permettre des avancées.
M. Georges Tron, Président. Peut-être pourriez-vous vous rapprocher de la Cour des comptes qui est venue rapporter devant nous il y a quelques jours une étude très intéressante sur le sujet, et qui, malheureusement, ne peut qu’inquiéter ?
M. Bertrand Schneiter. En tout état de cause, nous préconisons de donner une grande clarté à l’AEFE et d’essayer de rapprocher les établissements à gestion directe des établissements conventionnés. Il me semble un peu difficile d’imaginer un système dans lequel l’opérateur serait locataire d’une Foncière gestionnaire qui devrait elle-même créer une division « bâtiments scolaires ».
M. Jean-François Mancel, Rapporteur. On se heurterait très fortement aux parents d’élèves qui, dans de nombreux établissements, financent l’immobilier. Je suis assez d’accord avec l’idée que l’Agence foncière ne peut pas tout faire. En revanche, elle pourrait peut-être réaliser un audit des bâtiments diplomatiques et d’enseignement.
M. Bertrand Schneiter. En fonction des moyens dont elle disposera et de la façon dont son rôle se développera, elle peut représenter une ressource technique. Mais je vois mal l’avantage qu’il y aurait à comptabiliser les bâtiments dans cette Foncière. La première chose à faire est de clarifier la base immobilière de l’AEFE, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
M. Georges Tron, Président. Il me reste à vous remercier.
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