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M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Je suis heureux d’ouvrir cette deuxième matinée d’auditions de la Mission d’évaluation et de contrôle consacrée aux recettes budgétaires exceptionnelles de la défense en 2009 et 2010. Il me revient de présider cette séance, notre coprésident Georges Tron ayant été, comme vous le savez, appelé à entrer au Gouvernement.
Nous serons accompagnés au cours de cette matinée par un fort contingent de la Cour des comptes : M. Alain Hespel, président de la deuxième chambre, Mme Françoise Saliou, conseiller-maître, président de section, M. Antony Marchand, conseiller référendaire, et M. Laurent Jannin, rapporteur.
Pour ouvrir cette série d’auditions relatives aux aliénations de fréquences hertziennes et aux cessions d’usufruit de satellites militaires, nous recevons des représentants de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP.
Avant de vous poser des questions avec ma collègue Françoise Olivier-Coupeau, je vous propose de nous expliquer brièvement les missions générales de l’ARCEP, en particulier son rôle dans l’aliénation des fréquences hertziennes dans le périmètre de la défense, dont nous espérons des recettes exceptionnelles en 2010.
M. Philippe Distler, directeur général de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Je vais d’abord vous présenter le processus de gestion des fréquences et le rôle particulier qu’y tient l’ARCEP.
Au niveau mondial, schématiquement l’Union internationale des télécommunications découpe le « grand gâteau » des fréquences en parts individuelles identifiées pour des usages spécifiques – télécommunications civiles, mobiles, services par satellite, services fixes, usages aéronautiques – dans les grandes régions du monde, en particulier l’Europe.
Au sein de l’Union, la Commission européenne décline l’application de ce découpage. Puis, dans chaque pays, est établie la cartographie des fréquences utilisables par les différents affectataires.
En France, une dizaine d’affectataires sont concernés : l’ARCEP en matière de communications électroniques civiles ; les militaires, historiquement grands utilisateurs de spectre ; la radiodiffusion ; l’aéronautique ; la météo, etc. Les transferts de fréquences d’un usage militaire à un usage civil résultent d’un arrêté du Premier ministre modifiant le tableau national de répartition des fréquences entre les différents affectataires.
En l’espèce, nous parlons de deux nouvelles bandes de fréquences, identifiées au niveau mondial, pour la prochaine génération de téléphonie mobile qui succédera à la troisième, actuellement en service et en cours de déploiement sur le territoire. La première est la bande 2,6 gigahertz (GHz), bande haute servant à fournir de la capacité dans les zones denses. La seconde est la bande 800 mégahertz (MHz), bande basse servant à faire de la couverture dans les zones moins denses et résultant pour moitié du transfert des fréquences du CSA à l’ARCEP avec l’arrêt de la télévision analogique le 1er décembre 2011, et pour moitié, d’un transfert de fréquences de la Défense, qui y développait le système Félin.
L’ARCEP est compétente pour délivrer les autorisations d’utilisation de fréquences aux différents utilisateurs, notamment aux opérateurs mobiles. Cette attribution se fait selon des procédures prévues par le code des postes et des communications électroniques. Cette compétence est partagée avec le ministre chargé des communications électroniques lorsqu’il y a rareté de ces fréquences, la loi imposant de passer par un processus d’appel à candidatures faisant l’objet d’une décision de l’ARCEP. L’Autorité propose la procédure au ministre qui la lance en publiant un arrêté fixant à la fois la partie redevance et la procédure elle-même.
L’utilisation de ces fréquences est soumise au paiement, par les titulaires des autorisations, de redevances alimentant le budget de l’État.
Les coûts de dégagement de bande – de libération des fréquences – de la bande 2,6 GHz, utilisée par le réseau RUBIS, et de la bande 800 MHz, utilisée par le système Félin, sont pris en charge – avec un mécanisme de préfinancement par le fonds de réaménagement du spectre géré par l’Agence nationale des fréquences – par les opérateurs bénéficiant de ces fréquences.
Où en sommes-nous aujourd’hui dans le calendrier ?
L’objectif annoncé par le Premier ministre en termes de politique active de gestion du spectre pour la génération actuelle de systèmes mobiles et son successeur est en cours de réalisation. L’attribution d’une autorisation à un quatrième opérateur mobile a pris un peu de retard par rapport au calendrier initial puisqu’elle n’a eu lieu que début janvier 2010. Dans la foulée, nous avons lancé la procédure pour le reliquat de fréquences dans la bande 2,1 GHz au mois de février. Le dépôt et le dépouillement des candidatures devraient conduire à une attribution fin mai ou début juin. Nous aurons alors achevé la « mise sur le marché » du stock de fréquences résiduelles qui n’avait pas trouvé preneur pour des raisons compliquées sur lesquelles je ne reviendrai pas.
M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Vous pouvez y revenir, car nous n’avons pas connaissance de tous les sujets.
M. Philippe Distler. Pour valoriser au mieux de nouvelles fréquences, il convient de s’assurer que celles déjà existantes et directement utilisables pour les générations en cours de déploiement sont effectivement utilisées par les opérateurs. L’objectif est donc d’essayer d’étager le mieux possible la mise sur le marché de ces ressources, en cohérence avec les besoins des opérateurs et l’état de développement des technologies par les équipementiers.
Aujourd’hui, la quantité de spectre dans la bande 2,6 GHz est relativement importante – 190 MHz – et celle de la bande 800 MHz relativement faible : 72 MHz, mais 2 x 30 MHz sont utilisables par les opérateurs mobiles. Ces deux bandes de fréquences vont servir de support à la prochaine génération mobile – la quatrième –, construite pour fournir des services de données, c’est-à-dire des services d’accès à Internet mobile, en visant une augmentation des débits accessibles par les utilisateurs et une meilleure utilisation du spectre.
La bande 2,6 GHz, comme la bande 2,1 GHz utilisée aujourd’hui pour la troisième génération, a vocation à faire de la capacité essentiellement en zones denses – sur une partie relativement réduite du territoire : 75 % de la population, 30 % de la surface. La bande 800 MHz a vocation à faire de la couverture dans les zones moins denses.
Les propriétés physiques de ces bandes sont différentes. Une bande de fréquences élevées, qui se propage moins bien, nécessite des réseaux plus denses avec des cellules plus petites et davantage d’antennes. Une bande basse permet d’assurer la couverture d’une zone étendue avec moins de sites et donc à un moindre coût. L’exercice pour les opérateurs consiste donc à utiliser ces deux bandes de fréquences pour satisfaire les besoins de leurs clients, couvrir le territoire et respecter les obligations de déploiement, le tout à un coût optimal.
Pour la bande 2,6 GHz, nous avons prévu de lancer l’appel à candidatures d’ici à l’été. Ainsi, une attribution pourrait être effective d’ici à la fin de l’année.
Cette bande n’est pas très compliquée à gérer. Il y a beaucoup de fréquences disponibles, mais c’est un inconvénient en termes financiers, la valorisation de ces fréquences par les opérateurs étant liée à la rareté du bien. Or cette bande ne présentant pas de grande rareté, il faudra essayer de concevoir une procédure qui permette une valorisation raisonnable. Le processus vient à peine de démarrer dans certains pays européens, et les premiers exemples viennent des pays nordiques – traditionnellement très allants en matière de mise à disposition de spectre et de développement de nouvelles générations de réseaux mobiles, Ericsson et Nokia étant les grands constructeurs européens de mobiles – où les valorisations pour les 190 MHz de la bande 2,6 GHz s’étalent entre 4 millions d’euros et 200 millions d’euros. Vous le comprenez : il est difficile de prévoir les sommes qui seront obtenues in fine.
Pour la bande 800 MHz, la situation est beaucoup plus compliquée. Premièrement, dans la loi relative à la lutte contre la fracture numérique, le Parlement a fixé un objectif de prise en compte prioritaire de l’aménagement du territoire pour l’attribution de ces fréquences. Il y a peu de fréquences : 60 MHz sont utilisables. Deuxièmement, l’utilisation optimale du potentiel des technologies de quatrième génération nécessite de donner aux opérateurs des blocs de fréquences suffisamment larges – au minimum de 10 MHz, voire de 20 MHz.
Ainsi, l’arbitrage que nous avons à faire n’est pas simple.
En effet, le premier objectif est de donner suffisamment de spectre pour rendre réellement accessible aux utilisateurs finaux le potentiel de cette nouvelle génération de services mobiles.
Le deuxième objectif est d’assurer une couverture prioritaire des zones les moins denses, ce qui génère des surcoûts pour les opérateurs, l’optimum économique se situant aux alentours de 75 % de la population, soit 30 % du territoire.
En outre, et c’est le troisième objectif, les quatre opérateurs mobiles présents sur la troisième génération doivent avoir accès, de façon directe ou indirecte, à ce spectre, indispensable pour développer la génération suivante sur l’ensemble du territoire.
Vous le voyez : il sera difficile de mettre sur le marché les fréquences à 800 MHz et celles à 2,6 GHz selon le même calendrier. Au mieux, l’appel à candidatures se terminera avant la fin de l’année, dans un calendrier très tendu. Au pire, la partie des fréquences à 800 MHz fera l’objet d’une affectation au plus tard au cours du deuxième trimestre 2011. Néanmoins, qu’elle ait lieu fin 2010 ou début 2011, l’attribution de ces fréquences interviendra très en amont du déploiement des réseaux de nouvelle génération. Les premiers réseaux quasi expérimentaux viennent d’être ouverts à Stockholm en Suède, mais pour avoir de réels produits industriels et, surtout, des terminaux pour les utilisateurs finaux, on peut sans trop se tromper se projeter plutôt vers les horizons 2013-2014-2015 pour un déploiement commercial important de cette nouvelle génération de mobiles.
M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. 600 millions d’euros sont inscrits au budget 2010 du ministère de la Défense au titre des cessions de fréquences hertziennes, mais un autre sujet est la mise sur le marché des capacités excédentaires des dispositifs satellitaires Syracuse.
M. Philippe Distler. Si une partie des fréquences utilisées aujourd’hui sur les satellites militaires fait l’objet d’un usage commercial, on retombe dans le cas générique : elles sont transférées du domaine militaire au domaine civil dans le cadre des procédures habituelles de l’ARCEP (attribution des fréquences aux différents opérateurs et redevance pour l’utilisation du spectre).
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Qu’est-ce qu’un coût de dégagement des bandes ?
S’agissant de la valorisation, vend-on une bonne fois pour toutes ou pour une durée déterminée ? Le versement est-il effectué en une fois ou étalé dans le temps ?
Le ministère de la Défense est-il au courant que l’attribution d’une partie des fréquences ne se fera pas avant 2011 ?
M. Philippe Distler. L’ARCEP a des échanges très réguliers avec le cabinet du ministre sur les aspects à la fois techniques et de calendrier. S’agissant de la bande 800 MHz, elle lui a signalé la difficulté à tenir le calendrier pour la fin de l’année. Cette difficulté résulte de la complexité de la procédure et d’objectifs contradictoires : couverture maximum des zones les moins denses, recettes budgétaires, maximisation des potentiels de la nouvelle technologie en termes de débits offerts aux utilisateurs, et souci de conserver un accès au spectre pour préserver la concurrence actuelle sur le marché des mobiles. Le ministère de la Défense est donc au courant. Nous ferons tout notre possible pour tenir l’objectif d’attribution de ces fréquences d’ici à la fin de l’année, mais lui avons fait part du risque – qui ne dépend pas uniquement de nous – de dérapage de quelques mois.
Nous travaillons d’arrache-pied pour conduire la procédure et mettre sur le marché la bande 2,6 GHz. Il paraît réaliste d’y parvenir d’ici à la fin de l’année car, d’une part, cette procédure est plus simple, d’autre part, les opérateurs auront moins d’état d’âme pour répondre aux appels à candidatures dans la mesure où il y a moins de concurrence entre eux car beaucoup de spectre. En fait, la conception de la procédure vise à essayer de créer une rareté relative, mais un peu artificielle, pour introduire un minimum de concurrence.
M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Qui pilote ces sujets techniques et de procédure administrative au ministère de la Défense ? Vos interlocuteurs sont-ils à la direction générale de l’Armement – DGA –, à la direction interarmées des Réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense – DIRISI –, à l’état-major des armées ou au cabinet du ministre ?
M. Philippe Distler. Il y a moins d’un mois, nous avons eu une réunion avec le directeur adjoint du cabinet du ministre de la Défense pour faire le point sur l’aspect budgétaire, mais aussi sur le calendrier de libération de ces bandes.
La libération des bandes attribuées aux opérateurs est assortie d’un calendrier négocié avec l’occupant actuel, le ministère de la Défense. Pour la bande 2,6 GHz, la libération sur l’ensemble du territoire s’étalera jusqu’à fin 2013, début 2014, avec un calendrier par région. Pour la bande 800 MHz, le calendrier est assorti de contraintes résiduelles jusqu’en 2015 : la bande ne sera pas disponible autour de quelques camps militaires dans lesquels le ministère de la Défense souhaite continuer à utiliser ses équipements Félin pour l’entraînement opérationnel.
M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Votre interlocuteur était donc le directeur adjoint du cabinet du ministre de la Défense ?
M. Philippe Distler. Nous avons eu avec lui et ses collaborateurs une réunion où l’ensemble des services opérationnels était représenté.
M. Jérôme Rousseau, directeur du spectre et des relations avec les équipementiers de l’ARCEP. Le point d’entrée habituel pour toutes les questions touchant aux fréquences, notamment les négociations relatives au calendrier de libération, est la direction générale des Systèmes d’information et de communication, qui comprend un officier général chargé des fréquences.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Les 600 millions d’euros de valorisation vous paraissent-ils réalistes et quelle est la part respective de chacune des deux bandes ? Est-ce le bon moment pour vendre, sachant que le quatrième opérateur de téléphonie mobile n’a pas été choisi ? En fait, notre souci est de savoir quand le ministère de la Défense disposera de ces recettes.
M. Philippe Distler. Le 4ème opérateur a été choisi, mais n’est pas opérationnel. Les sommes dont nous parlons sont les parties fixes des redevances payées au moment de l’attribution des fréquences.
Le fait générateur est la décision d’attribution, et non le calendrier de libération : c’est au moment où la décision d’utilisation des fréquences est prise que les redevances, et éventuellement la partie fixe résultant soit d’une fixation par le ministère, soit de la procédure elle-même, sont payées.
S’agissant de l’attribution de la quatrième licence à Free, par exemple, qui comprenait un bloc à 2,1 GHz et un bloc à 900 MHz, la partie fixe associée au bloc à 2,1 GHz a été fixée dans l’appel à candidatures à 240 millions d’euros par le ministre chargé des communications électroniques. Quant à la partie variable pour l’occupation du spectre dans la durée de l’autorisation – vingt ans –, elle est de 1 % du chiffre d’affaires. Ainsi, après avoir publié le résultat de l’appel à candidatures, l’Autorité a procédé à l’attribution de ces fréquences, et c’est cette décision qui a été le fait générateur. Le jour suivant, Free a versé les 240 millions correspondants – aux alentours de la mi-janvier. Et il est assujetti au versement d’une redevance annuelle de 1 % du chiffre d’affaires.
M. Jérôme Rousseau. En outre, Free a payé une somme correspondant au remboursement du fonds de réaménagement du spectre, de l’ordre de 3 millions d’euros.
La bande 2,1 GHz était également occupée par des équipements du ministère de la Défense. Le coût technique opérationnel de libération de ces fréquences par le ministère a été évalué à une quarantaine de millions d’euros au début des années 2000. C’est ce coût qui fait l’objet d’un remboursement par les opérateurs.
Trois opérateurs mobiles avaient été autorisés. Chacun a payé un quart - 10 millions d’euros. Pour Free mobile, la quatrième licence a été divisée en trois : il a donc payé un tiers de 10 millions d’euros – 3 millions. La procédure en cours pour l’attribution des fréquences résiduelles dans la bande 2,1 GHz prévoit également le remboursement du reliquat de ce coût par les futurs titulaires de ces fréquences.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Compte tenu de l’état d’avancement des technologies de quatrième génération, ne faudrait-il pas mieux attendre 2012-2013 pour la cession des fréquences sur le plan de la rentabilité pour l’État ?
M. Philippe Distler. Vous avez raison, mais il est difficile de tirer des conclusions particulières de ce constat général. La valorisation du spectre dépend de plusieurs facteurs : des profits futurs espérés par les opérateurs au travers de ces nouvelles technologies ; de leurs anticipations en termes d’utilité pour eux de ces fréquences ; des calendriers de disponibilité des équipements ; des structures de marché, donc du degré de concurrence entre les opérateurs pour accéder au spectre. Dans les pays nordiques, il est de tradition de ne pas faire payer très cher les fréquences pour des raisons de politique industrielle. Ce coût est particulièrement bas en Finlande où la procédure n’a pas organisé de concurrence entre les trois opérateurs, chacun ayant été quasiment assuré d’avoir le morceau minimum de spectre dont il avait besoin.
La valorisation du spectre dépend aussi de la situation économique générale. Vous connaissez les montants astronomiques – 60 milliards – obtenus au Royaume-Uni et en Allemagne au moment de la mise sur le marché des licences 3G. Ce fut une des causes de l’éclatement de la bulle Internet, les mécanismes d’enchères délirantes dans lesquels les opérateurs s’étaient lancés ayant durablement asséché le marché.
On est loin de ces risques, mais il est très difficile aujourd’hui de savoir exactement ce qu’on pourra obtenir en termes de valorisation. En outre, attendre une embellie de la situation économique générale et, surtout, le besoin de nouveaux spectres par les opérateurs n’est pas une garantie. En l’espèce, on met sur le marché des fréquences additionnelles à 2,1 GHz – 10 MHz –, immédiatement utilisables par les opérateurs et leur servant à rajouter de la capacité dans leur réseau. Cet afflux additionnel de spectre va répondre à leur besoin de court et moyen termes et les incitera probablement moins à anticiper celui de la prochaine génération qui arrivera dans trois ou quatre ans.
Enfin, la valorisation dépend de la stratégie commerciale et technique. Les opérateurs voudront utiliser pleinement la technologie de la 3G avant de passer à la génération suivante. S’ils repoussent l’introduction de la 4G, leur appétence pour accéder aujourd’hui à ces fréquences sera moindre.
Sur la bande 2,6 GHz, il y a place pour quatre opérateurs et 190 mégahertz – la partie utilisable étant de 2x70 MHz. Des quantités de spectre de l’ordre de 2 x 20 MHz par opérateur permettent de tirer tout le parti de la technologie. Or avec 2 x 70 MHz et quatre acteurs, il est difficile d’anticiper une grande rareté. Il va donc falloir être innovant en termes de conception de la procédure pour stimuler les opérateurs. Si l’on ne passe pas par un mécanisme endogène dans lequel les opérateurs proposent eux-mêmes des prix, l’État peut fixer une redevance fixe a priori, comme cela a été fait pour l’autorisation de Free et les anciennes licences 3G.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Sur les 600 millions d’euros escomptés, combien viendront de la bande 2,6 GHz et de la bande 800 MHz ?
M. Philippe Distler. Je ne peux pas anticiper la valorisation qui sera retirée de ce spectre.
Nous n’avons pas d’historique en termes de procédure d’enchères en France pour la 3G : la redevance a été fixée a priori par le Gouvernement sur la base d’évaluations économiques. Le seul risque est que le prix de redevance soit mal positionné et décourage certains opérateurs de répondre ou, a contrario, qu’il soit trop bas par rapport à ce qu’une procédure d’enchères aurait permis d’obtenir.
La situation dans les pays étrangers est très variable. Dans les années 2000, les enchères ont fluctué entre 3 centimes par mégahertz par habitant aux États-Unis et quatre euros en Allemagne et au Royaume-Uni. Il est donc très difficile d’en tirer des conclusions financières, d’où une grande incertitude. Avec 200 millions, la Suède peut être un élément de référence.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. D’où vient alors ce chiffre de 600 millions ? Avez-vous été consultés par Bercy ?
M. Philippe Distler. Je pense que des études économiques ont été faites, en particulier un rapport de la DGTPE s’est fondé sur des évaluations économiques classiques à partir des calculs de cash-flows actualisés. En revanche, il est très difficile de dire dans quelle mesure elles sont représentatives de la réalité.
M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Existe-t-il des procédures qui permettent de fixer un prix minimal en deçà duquel les attributions seraient jugées infructueuses ? Ces 600 millions d’euros sont-ils plausibles ? À quelle date seront-ils versés ?
M. Philippe Distler. Notre objectif étant l’attribution de la bande 2,6 GHz d’ici à la fin de cette année, l’ARCEP devra faire une proposition au ministre chargé des communications électroniques pour un lancement de la procédure avant l’été. Cela donne une chance raisonnable d’aboutir aux décisions d’autorisation de fréquences génératrices du versement des redevances d’ici à la fin de l’année.
Il y a un choix à faire en termes de valorisation pour la redevance fixe : soit rester dans le schéma utilisé pour les fréquences 3G, soit opter pour une procédure d’enchères endogène, qui peut comprendre un prix de réserve. Pour les 10 MHz restants dans la bande 2,1 GHz et faisant l’objet d’une procédure en cours, un prix de réserve de 120 millions d’euros pour chacun des deux lots de 5 MHz a été fixé, et la proposition que chaque opérateur devra faire pour obtenir ces blocs devra être supérieure.
Nous discutons avec Bercy sur ce sujet. Les aspects financiers ne sont pas de la responsabilité de l’Autorité, même si la conception de la procédure a un impact direct – bien qu’imprévisible – sur le résultat.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Les armées vont libérer des fréquences plus ou moins convoitées par des opérateurs civils, et migrer vers des fréquences moins demandées.
Quelle est la différence technique entre les fréquences libérées et les fréquences récupérées ?
Les capacités opérationnelles des nouvelles fréquences seront-elles identiques à celles des fréquences libérées ? Répondront-elles techniquement aux besoins des armées ?
L’utilisation de bandes plus étroites nécessitant plus de puissance pose-t-elle des problèmes en termes de risque détection ?
Enfin, ne va-t-elle pas réduire l’autonomie des batteries individuelles des militaires ?
M. Philippe Distler. Je suis embarrassé, n’étant pas sûr de pouvoir répondre à ces questions.
M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Elles pourront en effet être posées à la DIRISI en deuxième partie de réunion.
M. Jérôme Rousseau. S’agissant des différences techniques, le ministère de la Défense examine actuellement deux solutions avec deux bandes de fréquences différentes.
M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Nous vous remercions.
Nous serons très attentifs au déroulement de la procédure, en espérant un résultat le plus proche possible des sommes inscrites au budget 2010, conformément au calendrier prévu.
M. Philippe Distler. J’espère que mon message n’a pas été trop négatif. Il n’est absolument pas exclu que les ordres de grandeur cités soient atteints.
M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur. Nous sommes aussi optimistes que vous et espérons même une somme au-delà.
M. Philippe Distler. Je partage cet espoir.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Le représentant de Bercy lui-même nous a dit espérer que les ondes hertziennes soient vendues plus cher que prévu afin de compenser le manque à gagner sur l’immobilier. Tel est le défi que vous devez relever !