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M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Nous poursuivons nos travaux relatifs aux recettes exceptionnelles du budget de la Défense, pour une matinée consacrée aux cessions immobilières. Je suis heureux d’accueillir, au nom de la MEC, M. Éric Lucas, directeur de la Mémoire, du patrimoine et des archives au ministère de la Défense.
Le principe de la MEC est de dégager des positions de consensus. C’est pourquoi notre organisation est paritaire entre majorité et opposition. Nous assumons ainsi conjointement la préparation du rapport, Françoise Olivier-Coupeau, qui siège à la commission de la Défense et qui est membre du groupe SRC, et moi-même, qui suis membre de la commission des Finances et du groupe UMP.
Georges Tron, qui était coprésident de la MEC avec David Habib, a été appelé à des fonctions gouvernementales. Dans l’attente de la désignation de son successeur, j’assure également l’intérim de la présidence de cette session.
La Cour des comptes, qui nous accompagne dans nos travaux et que je remercie pour sa participation très fidèle, est aujourd’hui représentée par : M. Alain Hespel, président de la deuxième chambre ; Mme Françoise Saliou et M. Jacques Rigaudiat, conseillers-maîtres et M. Claude Lion, conseiller référendaire et qui a, plusieurs fois par le passé, suivi nos travaux consacrés à la gestion du parc immobilier de l’État.
Monsieur le directeur, vous avez la parole pour nous présenter le rôle de votre direction s’agissant des recettes exceptionnelles de la Défense, nous donner votre appréciation sur le processus des cessions immobilières, définir les emprises concernées, dont certaines présentent des caractéristiques patrimoniales ou historiques, préciser votre rôle dans le pilotage de ces cessions.
M. Éric Lucas, directeur de la Mémoire, du patrimoine et des archives au ministère de la Défense. Sous l’appellation de cette direction, se cache en fait la direction du Patrimoine du ministère de la Défense – patrimoine aussi bien immobilier que culturel et historique. C’est elle qui pilote et anime le chantier des « restructurations/cessions » au sein du ministère, avec les autres intervenants – armées, délégation aux restructurations, cabinet -, en liaison avec les préfets, France Domaine et les cabinets ministériels.
Pour nous, 2009 et 2010 sont des années importantes car plusieurs dossiers sont en cours pour les emprises tant parisiennes que régionales.
Pour les ventes parisiennes, des discussions ont eu lieu avec le consortium Caisse des dépôts-Sovafim lesquelles, finalement, n’ont pas débouché. Nous menons également un travail sur l’Hôtel de la Marine.
S’agissant des cessions régionales, ma direction établit tous les schémas immobiliers de bases de défense, suite au nouveau plan de stationnement : à la suite de l’annonce des départs ou des déplacements d’unités, nous identifions finement les immeubles que nous devons céder, totalement ou partiellement, et ceux que nous devons parfois conserver pour loger des petits services – DMD (Délégations militaires départementales), bureau du service national. La direction établit aussi des schémas plus compliqués, dans des villes d’où nous partons ou dans lesquelles nous nous densifions.
À partir de ces schémas directeurs, nous entamons les processus de cessions en présentant d’abord les terrains aux services publics et en discutant avec les préfets ; ensuite en mettant en œuvre les procédures de vente, soit par la MRAI (mission de réalisation des actifs immobiliers), qui appartient à ma direction et qui négocie quasi essentiellement avec les collectivités territoriales, soit par France Domaine en appels d’offre, soit par la Sovafim, avec laquelle nous travaillons actuellement.
Notre direction a préparé, avec France Domaine et la DATAR, les textes sur la cession à l’euro symbolique et a mis en œuvre cette année les premières cessions d’emprises régionales dans ce cadre.
Même si c’est le service d’infrastructure de la Défense qui passe les marchés, nous pilotons les opérations nécessaires à l’accueil des unités déplacées sur les sites densifiés, en établissant la programmation des opérations avec les états-majors. Nous établissons aussi les conventions de réservation pour loger les militaires et les civils dans les zones où nous nous densifions et nous devons céder les immeubles domaniaux, dénoncer les conventions de réservation de logements, dans celles que nous quittons.
Enfin, la direction est en charge du pilotage du BOP (budget opérationnel de programme) Crédits de la politique immobilière et du compte d’affectation spéciale, pour faire en sorte que les ressources et les dépenses soient ajustées tout au long de l’année.
Voilà comment je peux résumer notre participation à ce chantier très important des restructurations.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Merci. Depuis quand occupez-vous cette fonction ?
M. Éric Lucas. Depuis septembre 2007.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Nous nous intéressons plus spécifiquement aux années 2009 et 2010. Pouvez-vous nous rappeler les montants des recettes immobilières exceptionnelles prévues au titre de la loi de finances initiale de 2009 et les comparer aux sommes concrètement encaissées en 2009, ainsi que les emprises concernées ? Pouvez-vous également nous donner les montants des recettes exceptionnelles prévues au titre de la loi de finances de 2010 et vos attentes en matière de réalisation ? Nos précédentes auditions nous ayant amené à constater, pour 2009, un écart très significatif, nous aimerions connaître précisément les cessions qui ont été réalisées et les processus en cours.
M. Éric Lucas. Une somme de 972 millions d’euros avait été arrêtée dans le PAP, le projet annuel de performances 2009 car nous espérions que les discussions avec la Caisse des dépôts et la Sovafim aboutiraient en vue de la cession à ce consortium de l’essentiel des emprises parisiennes. Cela nous aurait d’ailleurs conduit à payer des redevances puisque nous aurions continué à occuper les bâtiments pendant un certain temps. Les discussions ont duré jusqu’au début de l’année 2010 mais l’accord ne se fera pas, ce qui explique l’essentiel de l’écart important entre le résultat et la prévision, fondée sur les évaluations du tableau général des propriétés de l’État (TGPE) à la valeur 2007 faites par France Domaine, et que nous pourrons vous fournir.
Au final, le résultat 2009 est de 561 millions d’euros de ressources sur le compte d’affectation spéciale, dont il faut déduire le versement de 136 millions du budget général, qui a été effectué dans l’année. Au total, nous avons donc 425 millions d’euros de recettes de cessions dont 221 millions d’euros pour la Société nationale immobilière, la SNI, correspondant au bail civil que nous avons passé avec elle, l’autorisant à louer les immeubles domaniaux de la Défense et à nous verser, pour une durée de dix ans, un loyer payé immédiatement.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Ces 221 millions étaient-ils déjà prévus dans les 972 millions ?
M. Éric Lucas. Oui, nous espérions 224 à 225 millions d’euros. Aux 215 millions d’euros payés par la SNI s’ajoutent six millions que nous lui avions versés à l’avance pour faire des travaux et qu’elle nous a restitués dès lors que nous sortions du cadre de la convention de 1972.
Nous disposions également de 139 millions de reports de crédits provenant des recettes immobilières antérieures.
Enfin, 65 millions d’euros ont été portés en recettes au titre de cessions régionales et parisiennes. Ils correspondent à des ventes d’emprises régionales intervenues avant les restructurations et pour lesquelles les paiements des collectivités territoriales ont été échelonnés ; à une partie de la vente du fort d’Issy-les-Moulineaux, pour laquelle nous avons perçu 15 millions d’euros ; à un acompte sur la vente à la Faculté de médecine de l’École de la logistique et du train, à Tours (pour 3,7 millions d'euros, le reste des paiements devant intervenir cette année et en 2011). C’est, pour 2009, la principale cession onéreuse au titre des restructurations régionales.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Il s’agit des opérations correspondant à ces 65 millions, mais pouvez-vous également nous donner la liste des emprises qui ont été cédées à l’euro symbolique ?
M. Éric Lucas. Je peux vous la remettre.
Ces cessions à l’euro symbolique ont débuté en 2009. Nous avons vendu ainsi 16 emprises, pour une valeur vénale de 13,4 millions d’euros, selon la nouvelle expertise de la valeur des parcelles réalisée par les services de France Domaine. C’est à partir de cette valeur de cession qu’est ensuite appréciée la plus-value réalisée par la collectivité, et que la plus-value est partagée entre l’État et la commune ou la communauté de communes, l’État en récupérant alors 50 %.
Seize emprises ont été cédées à des collectivités territoriales – les communes de Barcelonnette, Lausiers, Givet, Arras et Limoges – pour un total de 13,4 millions d'euros. Certaines communes n’ont pas encore toutes récupéré ces biens, qui sont parfois difficiles à viabiliser et à rentabiliser. C’est le cas du fort de Charlemont, à Givet, qui occupe 90 hectares sur un éperon.
À Arras, une ville que nous avons quittée l’année dernière, la communauté d’agglomération envisage de reprendre le bien pour le prochain semestre, ce qui nous évitera de porter ces emprises, d’assurer un gardiennage et la maintenance des bâtiments, enfin d’assumer une responsabilité pénale en cas d’incident éventuel.
Par ailleurs, nous avons transféré à l’euro symbolique l’emprise – estimée à 22,5 millions d’euros au TGPE – de Sourdun, en Seine-et-Marne, pour moitié à l’Éducation nationale pour réaliser un internat d’excellence, et pour moitié à la Sovafim. L’Éducation nationale prévoyant un internat d’excellence d’État, le bien a été transféré de la Défense à l’Éducation nationale.
Les cessions à l’euro symbolique sont une perte pour le budget de la Défense ; toutefois, le fait de trouver un acquéreur immédiatement peut parfois nous éviter des coûts de portage et à terme d’obtenir une participation à la plus-value.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Outre qu’il faudra nous expliquer en quoi les différentes emprises sont affectées par le retournement du marché immobilier, la dépollution faisait partie des coûts prévisibles, s’agissant d’emprises connues du ministère de la Défense pour avoir accueilli des munitions ou des dépôts de carburant. Ces éléments auraient donc dû être pris en compte dans la valorisation faite par France Domaine. Un opérateur immobilier, un acquéreur, qu’il soit collectivité locale ou entrepreneur immobilier, devra bien assumer à un moment donné le coût de cette dépollution.
Comment se fait-il que les aspects de dépollution soient découverts, par exemple au moment de la cession, et n’aient pas été pris en compte par une décote appliquée directement sur la valeur inscrite au moment de la loi de finances ?
M. Éric Lucas. Les armées savent qu’un terrain est pollué, compte tenu de l’activité qu’on y a exercée, mais elles ne connaissent pas son degré de pollution. Pour cela, on doit d’abord mener une étude historique du site. Ensuite, en cas de présomption de pollution, notamment pyrotechnique, on réalise des diagnostics et des sondages pour établir le type et la localisation de cette pollution. Enfin, on procède à la dépollution.
France Domaine ne peut pas connaître avec précision le degré de pollution des sols. Nous sommes en train de monter une base des sites et des sols pollués, mais à l’époque où l’on a construit la loi de programmation militaire et anticipé les ressources, on n’avait pas le temps d’examiner chacune des emprises, de faire cette étude historique et d’identifier un coût de dépollution. Nous avons bien tenté d’établir un coût de dépollution au mètre carré, mais nous n’y sommes pas parvenus, dans la mesure où la situation varie énormément d’un site à un autre.
Dans ces conditions, il a été pris pour hypothèse qu’on prendrait les valorisations de France Domaine, et que les recettes de cession paieraient la dépollution. J’ajoute que le coût de dépollution pour la commune, dans le cas d’une cession à l’euro symbolique, vient en déduction de la part de plus-value affectée à l’État.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. N’est-il pas possible de faire travailler le service historique des armées pour savoir quelle unité était présente sur chaque site et si elle utilisait des munitions, des carburants, etc. ?
M. Éric Lucas. Nous utilisons les archives, mais elles ne sont pas toujours suffisamment précises pour nous permettre de savoir où étaient localisées les activités polluantes. Pour y arriver, le service d’infrastructures a passé en fin d’année un marché cadre, qui nous permettra de réaliser 150 études historiques sur les sites que nous allons abandonner pour avancer dans les cessions actuelles. Je précise que ce marché cadre a été financé sur les crédits de la politique immobilière affectés au ministère de la Défense.
Quand on discute avec les préfets ou avec les collectivités territoriales, on s’aperçoit de l’importance du problème posé par la pollution du sol. Une opération de dépollution est complexe et lente. Ces chantiers prennent plusieurs mois, d’autant qu’il faut préparer les appels d’offres et les notifier. La dépollution constitue pour l’instant le frein le plus important au transfert des terrains.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Vous nous avez dit que le ministère avait transféré le site de Sourdun à la Sovafim à l’euro symbolique. Pourquoi ?
Pourriez-vous par ailleurs, comme Louis Giscard d’Estaing vous y avait invité, comparer pour l’année 2010 les recettes exceptionnelles prévues et prévisions actualisées à ce jour ?
M. Éric Lucas. Jusqu’à présent, nous travaillions essentiellement pour les collectivités territoriales avec la MRAI. Face aux montants de cession à effectuer, nous avons identifié trois catégories de biens. D’abord, les biens liquides, comme les casernes de centre ville, que l’on peut vendre facilement et dont la destination d’immeubles ne varie pas ; on procède alors par appels d’offre. Ensuite, les emprises qui sont lourdes à restructurer et qui nécessitent un dialogue et des études avec les collectivités territoriales, suivies par la MRAI. Enfin, les emprises sur des sites de nature logistique et industrielle, qui peuvent par exemple être portées par la Sovafim, dont la mission est de porter des biens d’État et, ensuite, de trouver un repreneur. À Sourdun, la partie du site qui a été transférée à la Sovafim, est de ce dernier type.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. À partir d’un euro symbolique, je pense que ce sera le cas… Le retour à l’État sera-t-il de 50 %, comme en cas de plus-value ?
M. Éric Lucas. Non, parce que ce n’est pas une commune.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Je connais bien le terrain de Sourdun, qui était le quartier du 2ème régiment de hussards. C’est une implantation des années soixante-dix, dans la Brie agricole, à l’extérieur de la ville de Provins, où était situé l’ancien quartier du 89ème dragon, lequel avait lui-même été cédé il y a une quinzaine d’années à la ville.
Pouvez-vous en effet nous parler de l’année 2010, mais aussi de l’articulation 2009-2010 ?
En 2009, 972 millions d’euros ont été inscrits en recettes exceptionnelles ; moins les 221 millions de la SNI, on arrive à 751 millions, dont vous nous dites que 65 millions ont été encaissés…
M. Éric Lucas. Tout a été encaissé. Il y a eu 65 millions de ventes régionales par ailleurs.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Mais le reste n’est pas constitué de cessions. Sur les 690 millions d’euros restants, quelles sont les emprises ? Vous avez dit qu’il s’agissait d’emprises parisiennes. Ces montants-là ne sont pas les mêmes, je suppose, que ceux que l’on va retrouver en recettes exceptionnelles 2010…
M. Éric Lucas. Non, c’est autre chose.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Pouvez-vous donc nous expliquer l’articulation et nous dire quand seront cédés les biens correspondant aux quelque 600 millions d’euros de recettes prévus en 2009 ?
M. Éric Lucas. En 2010, le schéma est le même. Nous avions prévu au PAP 700 millions de recettes pour la Défense, sur l’anticipation d’une vente au consortium CDC-Sovafim, sur l’anticipation de recettes régionales avant restructuration et sur l’anticipation de recettes régionales issues des restructurations. Les mêmes causes produisent les mêmes effets : faute d’accord avec le consortium, la majeure partie de ces recettes ne va pas se réaliser au niveau attendu.
Désormais, nous allons renoncer à l’idée de vendre en un bloc et en une seule année les biens parisiens, qui constituaient la plus grande partie de la recette. Nous procéderons donc à la vente bien par bien, en fonction du départ des unités et en essayant de tirer la meilleure valeur de chacun.
Les biens concernés sont les suivants : les casernes de Lourcine et de Reuilly, à Paris, que nous quitterons en 2012 ; l’îlot Saint-Germain, que nous quitterons au dernier moment lorsque Balard sera réalisé ; les implantations militaires de la Pépinière, de Saint Thomas d’Aquin, de la rue de Bellechasse et de la rue de Grenelle : ces emprises seront cédées au fur et à mesure, avant notre départ, de façon à en tirer individuellement la meilleure valeur. Nous n’avons pas prévu précisément de date. C’est sur cette base que nous reprenons actuellement une analyse, avec France Domaine et avec les cabinets des ministres.
Cela signifie que nous n’aurons pas cette année les 700 millions d’euros attendus. Comment allons-nous dès lors gérer l’année 2010 ?
Nous avons à peu près 230 millions d’euros à payer sur le compte d’affectation spéciale et nous avons aujourd’hui en recettes 100 millions d’euros, qui proviennent à hauteur de 20 millions d’euros de ventes régionales avant restructuration, et d’un virement du budget général de 80 millions d’euros, opéré très récemment.
Le reliquat des recettes sera assuré d’abord par la poursuite des ventes régionales d’avant restructuration puisque chaque année arrivent entre 50 et 60 millions d’euros ; ensuite par la vente déjà entamée de biens parisiens. Nous allons ainsi percevoir le deuxième versement de la vente du fort d’Issy-les-Moulineaux, dont le paiement s’échelonnera sur quatre années. Nous allons mettre en vente, par un appel d’offres que nous sommes en train de préparer, l’immeuble de Latour-Maubourg et vendre à la Ville de Paris, qui a fait jouer son droit de priorité, un immeuble à Montparnasse. Nous poursuivons, avec la ville de Saint-Cloud, le travail sur la cession de la caserne Sully. Nous avons aussi une emprise à vendre à Rueil.
Viennent enfin en recettes les emprises régionales que nous quittons cette année pour la partie qui ne sera pas vendue en CRSD (contrat de redynamisation de site de défense). Nous fermons en particulier la base aérienne de Toulouse-Francazal, mais nous n’en tirerons aucune recette en 2010, car il n’y a pas de projet de reprise finalisé. Sur Nantes et Montpellier, nous sommes déjà en discussion avec France Domaine pour mettre des sites en vente et obtenir ainsi des recettes dans l’année.
Nous pouvons également imaginer de transférer une emprise parisienne à d’autres ministères, si certains sont intéressés. Cela facilite la recette, puisque ce serait un transfert de crédits, au sein du compte d’affectation spéciale.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Cela rentre dans un autre débat, qui est celui de la gestion du parc immobilier de l’État, entendu de façon globale ; ce n’est pas de votre ressort.
Nous aimerions être assurés que les mêmes emprises parisiennes n’ont pas été inscrites deux fois de suite en loi de finances initiale…
M. Éric Lucas. Ce n’est pas exactement cela.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. …donc avoir la liste de ce qui constituait les 972 millions de 2009 et les 700 millions de 2010.
Pour 2010, vous nous avez parlé de Lourcine, Reuilly, etc., mais il n’y a qu’une vingtaine de millions de cessions réelles. Sur les 100 millions de recettes dont vous nous avez parlé, 80 millions viennent du budget général, en admettant qu’il ne s’agisse pas d’une opération interne au ministère. En tout cas, cela laisse 600 millions d’euros de cessions prévues.
Vraiment, disposer de la liste et de la valorisation pour 2009 et 2010 nous permettrait de vérifier sur quelles bases ont été établis les montants.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Les implantations parisiennes qui seront vendues ultérieurement, par exemple en 2011, entreront-elles dans les recettes exceptionnelles de la Défense ? L’engagement de Bercy portait sur 2009-2010...
M. Éric Lucas. Pour toute la durée de la loi de programmation militaire, donc jusqu’en fin 2014, la totalité des ventes d’emprises immobilières « Défense » revient à 100 % au ministère de la Défense.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Comment se déroule exactement la procédure de cession d’un bien immobilier de la Défense ? Qui décide des biens qui sont à vendre et du montant demandé ? Est-ce que vous vous appuyez sur l’expertise de cabinets ? Qui arbitre, éventuellement, entre la MRAI et France Domaine ?
J’aimerais aussi comprendre comment s’effectue le paiement. Quel est le délai d’encaissement d’un bien vendu ? Un bien vendu entre le 1er janvier et le 31 décembre 2010 est-il encaissé directement ? Le paiement peut être réalisé en plusieurs fois ?
M. Éric Lucas. Il y a eu deux temps : avant et avec les restructurations.
Avant les restructurations, nous avions fait une « segmentation » du patrimoine : nous avions pris la totalité des biens de la Défense et nous les avions classés en : biens immédiatement cessibles ; biens cessibles après relogement ; biens non cessibles qu’on n’abandonnera pas ; biens cessibles mais difficiles à vendre, par exemple parce que fortement pollués. C’est sur cette base que nous lancions des ventes, après consultation et accord des états-majors.
Depuis les restructurations, le schéma est un peu différent, les états-majors et le ministre ayant décidé de modifier, sur des bases d’abord opérationnelles, le plan de stationnement de la défense : d’où un nouveau plan de stationnement et un nouveau plan de densification d’emprises.
Dans ce cadre, la DMPA élabore un schéma directeur par base de défense. Elle identifie les biens que l’on peut céder ou qui sont libres, à la suite d’une suppression ou d’un transfert d’unité, et nous en dressons l’inventaire. Le ministère pousse à la vente du patrimoine quand les armées s’en vont : on ne peut pas se permettre d’entretenir du patrimoine qui n’est pas exploité.
Sur la base des listes de biens que nous cédons, nous procédons à un premier tour avec les préfets : avant de proposer un bien à des collectivités ou au marché, il faut s’assurer que les services de l’État n’ont pas de souhaits de réinstallation – réutilisation par les services de la gendarmerie ou de la police, par l’Éducation nationale, réorganisation territoriale des services de l’État. Si tel est le cas, le ministère demande que le bien soit cessible à titre onéreux et un arbitrage interministériel peut avoir lieu. Les biens sont alors proposés à la vente.
Dans le cadre d’une cession à l’euro symbolique, nous demandons à la commune si elle souhaite acquérir le bien. Si elle répond favorablement, nous enclenchons les mécanismes de transfert : vote du conseil municipal, puis transfert par décret.
Dans le cadre d’une cession à titre onéreux, un dialogue s’engage principalement entre la MRAI, les communes et France Domaine. La MRAI est l’interlocuteur de premier niveau des collectivités territoriales. Elle dispose d’une dizaine de personnes.
Une fois que l’on a un repreneur certain, chaque emprise est à nouveau analysée avec les services de France Domaine en termes de surface, de degré de pollution, de réutilisation possible, de compatibilité d’une réutilisation immédiate avec le PLU, etc.
France Domaine établit alors une valeur. Si l’on est dans une négociation avec une collectivité territoriale (article R. 148-3 du code du domaine de l’État), la MRAI négocie sur la base de cette valeur, avec une autorisation de marge de négociation. Si l’on est dans un appel d’offres, sur la base de la valeur domaniale, France Domaine passe l’appel d’offres.
Je précise que, dans tous les cas, la MRAI n’a aucune autonomie. La Défense prend la valeur qui est établie par les services de France Domaine.
Il peut y avoir débat sur le prix fixé par les domaines, une commune contestant la valeur du bien. Les services de France Domaine peuvent alors faire appel à des cabinets spécialisés pour avoir l’avis d’un tiers et appuyer la négociation.
L’État se fait également aider par des conseils. Ainsi, au moment de la discussion avec le consortium, nous avons eu recours à un groupement de conseils recrutés par France Domaine.
Enfin, il est extrêmement rare qu’une cession soit encaissée en totalité dans l’année. Pour la vente d’Issy-les-Moulineaux, l’encaissement est prévu sur quatre ans. Même pour des petites communes ou de plus petites emprises, il se fait généralement sur plusieurs années. Ce sont les services de France Domaine qui accordent les échéanciers de paiement.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Nous réitérons notre souhait que vous nous transmettiez au plus vite les listes d’emprises.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Vous avez expliqué que, pour les emprises parisiennes qui devaient être vendues, un plan serait réalisé en fonction des départs des effectifs qui les occupent actuellement. Pouvez-vous aussi nous donner quelques indications sur la façon dont l’Hôtel de la Marine sera loué, et sous quelle forme ? Quelle est à l’heure actuelle la nature du projet ?
M. Éric Lucas. Pour l’instant, il n’y a pas de projet. L’Hôtel de la Marine ne sera pas vendu, les ministres s’y sont engagés, compte tenu de sa valeur inestimable sur le plan historique et patrimonial. Si l’opération offre un intérêt suffisant, l’idée est effectivement de louer ce bien dans la durée à un opérateur.
Nous avons demandé à l’architecte des monuments historiques une étude d’authenticité du bien – pièces, escaliers, menuiseries, toitures, volumes et décors à préserver. Cette étude a été rendue.
Si le processus se poursuit, l’État publiera un appel à projets, avec un cahier des charges spécifique, afin que le bien ne soit réoccupé que dans le cadre d’un projet de qualité. Cela suppose inévitablement des contraintes, s’agissant d’un monument public et d’un bâtiment classé monument historique. Le processus prendra du temps. Il sera mené en toute transparence et avec précaution.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Une opération de rénovation de l’Hôtel de la Marine avait été engagée avec Bouygues, moyennant un droit d’usage. Comment les engagements vis-à-vis de Bouygues seront-ils repris dans le cadre de la nouvelle opération ?
M. Éric Lucas. Il s’agissait d’une convention de mécénat, d’une durée de cinq ans, portant sur une très grosse et très belle opération. En tout état de cause elle sera échue avant le départ de la Marine, qui ne saurait intervenir avant 2014.
L’opération sera assez longue. Une fois que la commission nationale des monuments historiques aura rendu son avis, il faudra élaborer un cahier de charges, qui devra recueillir l’accord des trois ministères : Culture, Finances, Défense, puis que soit lancé un appel d’offres. Ensuite, on peut imaginer un dialogue avec les candidats, qui peut prendre plusieurs mois. Enfin, le candidat pressenti déposera un projet, qui devra être validé par le ministère de la Culture.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Le produit d’une location entre-t-il dans les recettes exceptionnelles ?
M. Éric Lucas. Oui.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Quoi qu’il en soit, aucun montant n’était inscrit à ce titre, ni en 2009, ni en 2010.
M. Éric Lucas. Non. C’était très difficile à évaluer dans le cadre du projet annuel de performances.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Vous avez dit que la valeur vénale des 16 emprises cédées à l’euro symbolique avait été réappréciée par France Domaine à 13,4 millions d’euros. Connaissez-vous la valeur TGPE qui avait été donnée au départ pour les recettes exceptionnelles ?
M. Éric Lucas. C’est celle-là, très légèrement supérieure.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur la soulte SNI ? Les discussions n’ont pas toujours été faciles entre les ministères de la Défense et de l’Économie. Le ministère de la Défense, de manière assez constante depuis 1972, souhaitait sortir de la convention SNI. Il me semblait que la soulte SNI n’était pas, à l’origine, intégrée dans les recettes exceptionnelles et que ce changement de doctrine, de la part du ministère de la Défense, avait été un peu tardif.
Je souhaiterais revenir sur l’emprise de Sourdun. Les ventes à l’euro symbolique étaient initialement prévues en direction des communes affectées par les restructurations. Il me semble que le Conseil des ministres, qui avait statué en octobre 2008, avait limité le périmètre des cessions quasiment gratuites à ces seules communes en contrat de redynamisation des sites de défense. N’y a-t-il pas là, dans cette utilisation par les administrations civiles, un précédent et un risque de contagion qui font peser des doutes sur de futures recettes exceptionnelles ?
Enfin, confirmez-vous que les recettes exceptionnelles étaient calculées dans le TGPE, brutes des coûts de dépollution ?
M. Éric Lucas. Absolument.
Votre première question concernait la valeur des cessions à l’euro symbolique. La valeur initiale TGPE était de 14,6 millions et la réévaluation, avant vente par les domaines, est de 13,4 millions.
Par ailleurs, quand on a construit les échéanciers de recettes de la loi de programmation militaire, on a intégré dès le départ la soulte SNI dans les comptes de recettes exceptionnelles.
S’agissant des administrations civiles, le risque que vous avez mentionné est réel. Le ministère de la Défense souhaite obtenir la plus forte valorisation. Il prévient les autres administrations que si elles veulent récupérer le bien, elles doivent l’acquérir à titre onéreux ; parfois, l’arbitrage remonte au niveau du cabinet du Premier ministre. Si une administration se délocalise ou vend un bien pour en récupérer un autre, il n’y a pas de raison que la Défense ne perçoive pas la valeur du bien qui lui appartient.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Dans le cas de Sourdun, vous avez parlé de 22 millions d’euros. Qu’est-ce qui a été crédité au budget du ministère de la Défense ?
M. Éric Lucas. L’euro symbolique de la Sovafim. Pour la partie de Sourdun qui sert pour l’internat d’excellence, le bien a été, en terme domanial, transféré de la Défense à l’Éducation nationale, qui a ensuite occupé l’emprise. Pourquoi ? Il fallait réaliser très vite ce projet d’internat d’excellence, pour la rentrée, ce qui aurait été impossible s’il avait fallu procéder à des études préalables.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Dans cette affaire, une administration est gagnante puisqu’elle récupère une emprise sans avoir eu à la payer, et un programme budgétaire est perdant de 22 millions d’euros. C’est préoccupant. On peut comprendre que le Premier ministre procède à des arbitrages après que des montants ont été inscrits en loi de finances initiale, mais il faut tout de même garantir une sincérité budgétaire. À défaut, c’est la Défense qui contribue au financement de l’Éducation nationale. Certes, vous n’y pouvez rien, mais la question mérite d’être posée dans le cadre global de la gestion immobilière de l’État. Nous aurons peut-être l’occasion de vérifier si ce type d’arbitrage est conforme, ne serait-ce qu’à la LOLF.
Merci, monsieur le directeur, de toutes ces précisions.