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M. Yves Deniaud, Président. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à MM. André Yché, président du directoire de la Société nationale immobilière (SNI), Yves Chazelle, directeur chargé du développement, et Hubert Reynier, adjoint au directeur finances, stratégie et développement durable du groupe Caisse des dépôts.
Les rapporteurs de la Mission sont, d’une part, M. Louis Giscard d’Estaing, qui est membre de la commission des Finances, et, d’autre part, Mme Françoise Olivier-Coupeau, qui, elle, est membre de la commission de la Défense.
La Cour des comptes, qui nous accompagne dans nos travaux, est aujourd'hui représentée par M. Alain Hespel, président de la deuxième chambre, Mme Françoise Saliou et M. Jacques Rigaudiat, conseillers-maîtres, et MM. Antony Marchand et Claude Lion, conseillers référendaires.
L’audition qui vient de se dérouler nous a appris que, pour la cession du siège actuel du ministère de la Défense, corrélative au projet « Balard », le projet de constitution d’un acheteur des emprises immobilières actuelles de ce ministère par la création d'une société commune entre la Caisse des dépôts et la Sovafim était abandonné. Que pouvez-vous nous dire sur l’évolution future de ce dossier ?
M. André Yché, président du directoire de la Société nationale immobilière (SNI). La négociation sur l’immobilier parisien a été conduite sous le pilotage de M. Hubert Reynier. Les autres négociations le sont sous celui de M. Yves Chazelle.
M. Hubert Reynier, adjoint au directeur finances, stratégie et développement durable du groupe Caisse des dépôts. L’État, représenté par les ministères du Budget et de la Défense, nous a sollicités en mars dernier pour que nous formalisions avec la Sovafim une offre d’achat sur un périmètre d’actifs immobiliers à Paris. Le délai était relativement court : l’État nous demandait de présenter une première indication d’intérêt avant l’été et souhaitait que nous l’aidions à trouver un mode de reprise pour les actifs qui seraient libérés entre 2011 et 2014, du fait du transfert du ministère et des états-majors sur le site de Balard.
Bien que nous ayons travaillé très rapidement, nous n’avons pas pu, dans le délai imparti, effectuer de diligences approfondies. Aidés de nos conseils, nous avons cependant réussi à proposer une première indication de prix pour la valorisation de ces actifs.
Ayant testé les capacités du marché bancaire à nous fournir les crédits nécessaires à l’acquisition, nous avons pu indiquer avant l’été que les actifs nous semblaient valorisables et que nous pourrions, avec la Sovafim, faire une offre à l’État. À ce stade, nous n’avons cependant pas pu présenter un prix ferme.
Après avoir demandé un délai supplémentaire pour opérer diverses diligences techniques, nous avons pu décanter la problématique de la valorisation au cours de l’automne. Conjointement avec la Sovafim, nous avons déposé en décembre une indication de prix, soit une fourchette comprise entre 505 et 525 millions d'euros pour l’ensemble du périmètre. Celui-ci est constitué de différents îlots, les casernes de Reuilly et de Lourcine
– dans le 12ème et le 13ème arrondissement – l’Hôtel de Pentemont, dans le 7ème arrondissement, l’Hôtel d’Artillerie, l’îlot Saint-Germain – l’actif le plus important en taille et en surface – et la Pépinière, dans le 9ème arrondissement, près de la gare Saint-Lazare.
Nous avons ensuite compris que notre offre n’était pas véritablement conforme aux attentes de l’État – autrement dit des ministères de la Défense et du Budget – eu égard notamment à la valorisation effectuée par France Domaine. France Domaine a entre temps montré ses capacités à mettre en œuvre des techniques d’appel d’offres, et réussi des opérations emblématiques, comme celle du siège de Météo-France. L’État continue semble-t-il à réfléchir aux deux options qui lui sont présentées, sachant qu’elles ne sont parfaitement comparables ni dans leurs structures, ni dans leurs modalités, ni dans leurs perspectives. La SNI et nous nous situons traditionnellement plutôt dans un rôle de propriétaires et d’exploitants d’actifs immobiliers. C’est dans cette optique que nous avons effectué notre valorisation. Si elle ne nous interdit pas, bien sûr, de revendre les actifs acquis, de les valoriser au mieux sur le marché, nous ne sommes pas – au contraire de France Domaine – des gestionnaires d’appels d’offres recherchant le meilleur offrant immédiat pour un actif. Notre perspective n’est donc pas exactement la même que celle de France Domaine, qu’il s’agisse de calendrier ou de modalités d’exécution d’une transaction, et donc, finalement, de valorisation.
Il est donc sans doute assez difficile pour l’État de se positionner par rapport à deux structures assez dissemblables, aboutissant à des valorisations manifestement différentes. Les ministères de la Défense et du Budget devront donc procéder à un arbitrage définitif, lorsque ces actifs vont commencer à être évacués par leurs occupants, pour choisir entre un appel d’offres classique et une transaction du type de celle que nous avons essayé de structurer avec Sovafim.
Je rappelle aussi que notre prix « cash », compris entre 505 et 525 millions d'euros, était accompagné d’une structure de complément de prix. En l’absence de diligences techniques et d’une réflexion complète sur la destination future des bâtiments, l’exercice était pour nous assez compliqué. Réaliser sur le site de l’îlot Saint-Germain des bureaux, un hôtel de luxe ou des appartements de standing correspond à des problématiques très différentes en termes d’investissements, de coût initial, de valorisation à terme, et de perspectives de marché d’ici à 2013, 2014 ou 2015. Nous avons donc souhaité accompagner le prix immédiat, « cash », par une structure de complément de prix. L’objet de celle-ci était d’intéresser l’État à la valorisation à terme des actifs. Elle visait, à partir du premier socle de 505 à 525 millions d'euros, à donner à l’État une perspective de partage de la valorisation future de ces actifs, une fois connue la date exacte de leur libération – et donc celle possible du lancement des travaux – et leur destination, mise en exploitation ou revente au marché.
Notre approche était donc assez différente de la recherche immédiate d’un acquéreur sur le marché au fur et à mesure de l’évacuation des immeubles.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. Pouvez-vous nous préciser la forme sous laquelle la décision de l’État vous a été notifiée ? Avez-vous reçu une annonce officielle, et, si, oui à quel moment et de la part de qui ?
M. Hubert Reynier. Nous n’avons reçu aujourd’hui aucune notification d’un arbitrage définitif. Comme il n’a pas été donné suite à la proposition de structure que nous avons faite, nous avons cru comprendre que ni la valorisation ni la structure que nous proposions pour le périmètre proposé par l’État ne satisfaisaient les représentants de l’État, du fait de l’écart – considérable de leur point de vue – entre le prix « cash », immédiat, que nous proposions et les valorisations de France Domaine.
M. Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur. C’est donc de vous-mêmes que vous avez renoncé à constituer une société de portage avec la Sovafim ?
M. Michel Bouvard. En ma qualité de président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, je voudrais rappeler que, dépassant le seuil de 150 millions d'euros d’investissements, l’opération, conformément aux dispositions de la loi de modernisation de l’économie et du règlement intérieur de la Caisse, a été soumise au comité d’investissement. Dans ce comité, que je préside, siègent également Mme Nicole Bricq, sénatrice de Seine-et-Marne, et M. Pierre Simon, président de la chambre de commerce et d’industrie de Paris. Le comité a considéré que les termes de la proposition de la Caisse constituaient un maximum. Le directeur général, qui est tenu de prendre l’avis du comité, en a pris acte et il a été rendu compte à la commission de surveillance. Celle-ci a ensuite évoqué de nouveau ce dossier, connu à la Caisse sous le nom de code de « Louvois ». Pour la commission de surveillance, dès lors que l’État n’a pas donné suite à ce dossier, il est désormais considéré comme abandonné.
Pour éclairer les travaux de la MEC, j’ajoute que le comité d’investissement s’était interrogé sur la répartition des différents actifs et, par conséquent, sur celle du portage des opérations futures entre la Sovafim et la SNI. Il avait constaté que si la proposition faite par le groupe Caisse des dépôts était équilibrée et permettait de satisfaire l’État en termes de rentabilité et les objectifs d’investisseur avisé que la loi fixe à la Caisse, la Sovafim prenait en charge les opérations les plus faciles et les moins risquées, tandis que les plus complexes revenaient plutôt à la SNI. Le procès-verbal de la réunion du comité d’investissement – qui est à la disposition de la MEC – en porte témoignage.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Monsieur Reynier, je suis très étonnée de la manière dont la décision de l’État ne vous a pas été signifiée. Cela signifie-t-il que la porte n’est pas fermée, comme vous semblez le laisser entendre ? S’agit-il d’un élément de négociation pour vous pousser à accepter des prix plus élevés ? Nous sommes étonnés de constater que les opérations traînent en longueur ; de ce fait, les crédits prévus au titre des recettes exceptionnelles du ministère de la Défense restent virtuels.
Par ailleurs, le partage des résultats futurs aurait-il dû prendre – ou a-t-il pris – la forme d’une convention, et selon quel contenu ?
M. Hubert Reynier. Comme l’a rappelé le président Bouvard, nous sommes assistés de conseils techniques, financiers et immobiliers. Même si les délais pour formuler l’offre indicative ont été très brefs, nous pouvons penser que les éléments de valorisation que nous avons proposés répondaient aussi bien aux objectifs de l’État qu’aux nôtres. Ils ont aussi fait l’objet d’accords de convergence technique avec les conseils de l’État. Dans ces conditions, il nous paraît difficile d’imaginer que, dans la négociation, la Caisse – de même que, à mon sens, la Sovafim – aille très au-delà des montants que j’ai mentionnés. Nous avons envoyé les signaux nécessaires à l’État en ce sens. De plus, la création de la structure de complément de prix déjà évoquée aboutissait à ce que les gains supplémentaires que nous pouvions tirer de l’opération soient partagés avec l’État. Dès lors que nous proposions à l’État de partager les bénéfices futurs, nous ne pouvions pas prendre un risque plus élevé sur le prix immédiat.
S’il s’agissait là d’une stratégie de négociation de la part de l’État – à mon sens, tel n’est pas le cas –, elle ne pourrait guère être fructueuse. Comme l’a rappelé le président Bouvard, la commission de surveillance et le comité d’investissement ont bien indiqué que le prix proposé était celui qu’ils estimaient praticable pour la Caisse.
Les représentants de l’État nous ont fait savoir très clairement que l’écart de notre valorisation par rapport à celle de France Domaine leur rendait très difficile la poursuite d’une discussion formelle et était un élément bloquant de la négociation. Pour autant, nous ne connaissons pas la stratégie alternative qu’ils pourront adopter. Voudront-ils revoir le périmètre ? Voudront-ils procéder, pour une partie des biens, par appel d’offres ? Voudront-ils utiliser certains bâtiments pour d’autres objectifs ? L’ensemble de ces éléments peut les amener à réfléchir sur la définition du périmètre, la vocation des immeubles, et la façon dont ils pourront gérer au mieux ces actifs avant les dates contraignantes d’évacuation, de façon à éviter que ces immeubles restent vides, de manière dommageable pour le patrimoine de l’État.
M. André Yché. La valorisation de chacun des sites est étroitement liée à sa destination. Certains d’entre eux seront reconvertis en logements – logements sociaux, logements intermédiaires, ou encore, dans d’autres cas, logements de standing ayant vocation à être revendus. Il est aussi possible d’y aménager des logements pour étudiants, ou encore d’en transformer certains en immeuble de bureaux. Nous avons dû estimer la répartition entre ces catégories d’affectation. Or, nous ne sommes évidemment pas les seuls décideurs. Dans ce type d’exercice, une négociation étroite et permanente avec la Ville de Paris est indispensable ; celle-ci supervise la destination finale des biens.
La démarche qui a abouti à l’estimation décrite par Hubert Reynier reposait sur l’idée que nous négociions non six biens disjoints mais un panier de biens, un ensemble.
Dans ces conditions, nous pouvions afficher un prix ferme plus élevé d’un montant de 70 à 80 millions d'euros par rapport à une estimation prudente : nous étions en effet partis du principe que les risques ne se réaliseraient pas simultanément sur la totalité du périmètre.
Une illustration de ces risques peut être présentée avec la caserne de Reuilly. Nos hypothèses de constructibilité les plus optimistes la portaient à 57 000 m2. Cependant, la réalisation d’une telle hypothèse est étroitement liée non seulement à l’accord que nous aurions pu trouver avec la ville de Paris – aucune difficulté ne se présentait – mais aussi avec l’architecte des bâtiments de France, sachant que pour atteindre ce niveau de constructibilité, le site devait être très largement démoli. Notre projet était de conserver deux immeubles témoins de ce qu’était la cour d’honneur, à la manière de ce qui a été réalisé à la caserne Dupleix, pour conserver la mémoire du site et le valoriser. Si la constructibilité retenue devait être moins favorable, la valorisation du site s’en trouverait diminuée d’autant.
Un autre exemple peut être fourni par les immeubles du 7ème arrondissement
– l’îlot Saint-Germain, l’ancienne abbaye Saint Thomas d’Aquin et le site du ministère des Anciens combattants rue de Bellechasse. Ils se trouvent tous inclus dans le périmètre du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), ce qui les fait échapper au quota de logements sociaux en vigueur à Paris. Or, ce PSMV est en cours de renégociation entre l’État et la Ville de Paris depuis un an environ ; les négociations pourraient encore durer un an et demi à deux ans. Clairement, la Ville veut aligner les règles du PSMV sur les règles générales appliquées dans Paris. Dès lors, nous ne pouvons pas écarter l’hypothèse d’une augmentation du quota de logements sociaux dans l’opération que nous voulons conduire. Pour concilier les contraintes pesant sur les sites, nous avons donc élaboré avec la Ville des hypothèses prenant en compte ce risque économique et financier, et travaillé sur la localisation des futurs logements sociaux.
En conclusion, autant une approche globale du périmètre nous permettait d’offrir un prix ferme relativement élevé et une clause de répartition de prix finalement favorable pour l’État – à partir d’un certain seuil, tous les profits supplémentaires lui revenaient –, autant une démarche site par site ferait disparaître l’avantage de la mutualisation : dans ce cas, tout acquéreur devra, pour élaborer son offre, prendre en compte le risque le plus fort couru pour chaque site, et, au contraire de notre hypothèse – plutôt bienveillante –, se refuser à écarter le risque maximum sur la totalité des sites.
M. Hubert Reynier. Le partage aurait en effet fait l’objet d’une convention, qui aurait tenu compte des dates de libération et de début de mise en exploitation des différents bâtiments. La formule que nous avions imaginée était globale : elle était fondée sur un taux de rentabilité moyen du périmètre d’un peu plus de 6 %. Ce taux, qui avait servi de base à notre proposition, pouvait être considéré comme un taux d’intérêt général ; le taux de marché pour ce type d’opérations immobilières est aujourd’hui de 9 % minimum. Entre le taux de base et le taux de marché de 9 %, un partage était institué. Au-delà de ce seuil de 9 %, l’État récupérait l’intégralité de la mise, afin qu’il n’ait pas l’impression que le groupe Caisse des dépôts profitait avec cette opération d’une rentabilité supérieure à celle du marché.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Les loyers, notamment pour l’îlot Saint-Germain, auraient-ils pu constituer un frein à la conclusion de l’accord ?
M. Hubert Reynier. Dès lors que nous acquérions les immeubles avant qu’ils soient libérés, des loyers devaient évidemment être versés. La formule envisagée permettait à l’État de payer un loyer qu’il est possible là aussi de qualifier « d’intérêt général ». Il l’aurait pratiquement fixé lui-même : il existe des clauses de loyer habituelles entre l’État et la Caisse des dépôts. Nous tenions évidemment compte des loyers dans la valorisation du bien mais, dans l’ensemble, l’opération était équilibrée. De plus, la période de location était limitée, nombre d’actifs devant être libérés assez vite. Ainsi, les casernes de Reuilly et de Lourcine devaient être libérées dès 2011 ou 2012 ; la location la plus longue était celle de l’îlot Saint-Germain, qui courait jusqu’en 2014, soit sur une période de trois ans.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Quelle est la cause du recul du ministère de la Défense ?
M. André Yché. Ce mécanisme de loyers, mis en place notamment par M. André Viau, le précédent directeur de cabinet du ministre de la Défense, comportait des rendez-vous obligatoires et visait à sécuriser autant que possible la dynamique du transfert des services du ministère de la Défense sur le site de Balard. L’idée était de mettre en place des loyers tout à fait raisonnables pendant une période contractuelle.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Pourrez-vous nous en fournir les montants ?
M. André Yché. Oui, je le pense.
Au-delà des dates de transfert fixées par le ministère lui-même, ces loyers devaient ensuite s’élever de façon progressive ; ils jouaient ainsi un rôle de garantie de la dynamique du transfert vers le site de Balard. C’est notamment pour cette raison que les loyers de l’îlot Saint-Germain, dont la libération en 2014 était considérée comme l’élément final du transfert, faisaient l’objet d’une révision sensible au-delà de cette date. Il s’agissait de faire peser sur les organismes qui devaient déménager un système vertueux et auto-contraignant.
M. Hubert Reynier. Un système d’incitation au respect du calendrier était en effet mis en œuvre.
À mon sens, pour les pouvoirs publics, l’arbitrage était assez difficile à faire. Notre offre proposait une rentrée de fonds sûre. Cependant, comme l’analyse sur laquelle elle reposait était relativement limitée, nous avons été assez prudents en termes de prise de risque. Nous prenions également un risque en termes de calendrier : celui-ci était long et relativement mouvant. Par définition, l’anticipation du risque au moment de la formulation de l’hypothèse pèse un peu sur le prix.
Inversement, l’État peut prendre le risque de vendre au fur et à mesure des prévisions de libération de chaque bâtiment, et de parier sur l’état du marché immobilier à ces dates, de façon à – peut-être – valoriser beaucoup mieux ces actifs sur la base d’appels d’offres. Cette réflexion ne repose pas sur les mêmes termes que la nôtre. Elle n’est pas fondée sur une prise de risque immédiate avec une perspective d’exploitation immobilière, mais sur une approche transactionnelle : l’intérêt d’un acheteur pour un bien à un moment donné peut permettre de tirer de celui-ci un bien meilleur prix qu’auprès d’un acheteur qui réfléchit très longtemps à l’avance sans savoir, compte tenu des contingences, ce qu’il arrivera précisément à en faire. L’État doit choisir entre deux perspectives : vendre dans des conditions relativement sûres, mais assez conservatrices – au moins au départ –, ou suivre pendant quatre ou cinq ans le marché immobilier et prendre le risque transactionnel de réaliser un appel d’offres qui, selon l’état du marché immobilier, pourra apporter un bien meilleur résultat… ou un moins bon.
M. André Yché. L’arbitrage qui vient d’être décrit comporte un autre paramètre, extérieur au dossier. Au-delà des actifs du ministère de la Défense, d’autres immeubles ressortissant à l’État – du ministère chargé de l’équipement par exemple – pourraient être mis sur le marché dans des délais comparables ; dans ces conditions, il importe de s’assurer de la capacité du marché à absorber non seulement les immeubles mis en vente par le ministère de la Défense, mais aussi d’autres actifs immobiliers publics qui viendraient à être mis simultanément sur le marché. La décision doit donc aussi prendre en compte une programmation de cession à l’horizon des années 2014 ou 2015 d’autres actifs immobiliers de l’État situés dans la même aire géographique.
Mme Françoise Olivier-Coupeau, Rapporteure. Depuis deux ans, la loi de finances initiale inscrit au budget de la Défense des recettes exceptionnelles, constituées pour une grande partie par la vente de ces actifs immobiliers. C’est cette situation qui est à l’origine de notre mission. Votre argumentation – que je comprends – est un peu contradictoire avec ces inscriptions.
M. Yves Deniaud, Président. Monsieur Yché, vous avez bien décrit le choix qui s’offre à l’État. La première option est celle de la sécurité sans aléas, c’est-à-dire sans perspectives de recettes très élevées – les résultats obtenus pour les opérations du centre de l’avenue Kléber ou de la rue Monsieur relèvent d’une époque où le marché n’était pas celui d’aujourd’hui. La seconde option est celle d’appels d’offres site par site au fil du temps et aux risques du marché. Il semble qu’aucune décision n’ait été encore réellement prise.
Michel Bouvard nous a indiqué que certains sites devaient être valorisés par la Sovafim et d’autres par la Caisse des dépôts. J’avais cru comprendre au contraire qu’une société unique, détenue par deux actionnaires – la Caisse pour les deux tiers et la Sovafim pour le tiers restant –, devait s’occuper de l’ensemble des sites. Qu’en est-il ?
Je suis exaspéré par ce que j’appellerai la « matriochkamania », les montages en cascades de filiales. Je n’étais pas favorable à la création de la Sovafim. En 1997, lors de la séparation entre la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), la mission de RFF était la construction et la gestion des infrastructures et la valorisation des cessions immobilières. Parce que cette mission n’a pas été remplie correctement, il a été créé une nouvelle structure, dont le domaine d’intervention a été étendu au-delà de l’immobilier ferroviaire. Chaque opération aboutit à la création d’une nouvelle structure, avec un nouveau conseil d’administration, de nouveaux locaux, de nouvelles charges, de nouveaux comptes. Qu’en pensez-vous ?
Enfin, la Caisse n’aurait-elle pas pu réaliser l’opération seule ?
M. Hubert Reynier. Le portefeuille d’actifs devait être acquis en commun, avec un partage de l’actionnariat en fonction des moyens des uns et des autres. Cependant, la Sovafim nous a fait valoir que son objet social ne se limite pas à la propriété d’immeubles, mais s’étend aussi à la valorisation et à la gestion de biens immobiliers. Elle a donc souhaité que lui soit donné un rôle dans ce domaine, à l’instar de celui que joue la SNI au sein de la Caisse des dépôts. Nous avons donc entrepris de déterminer – de façon théorique – un partage des tâches. Sans que les éléments soient vraiment fixés, nous avions plutôt prévu pour les casernes, l’îlot Saint Germain, et peut-être l’Hôtel de l’Artillerie, la construction de logements, tandis que nous envisagions plutôt des bureaux pour les immeubles de la Pépinière ou de Pentemont.
Dans ces conditions – mais nous restons là dans les très grandes lignes de la négociation avec la Sovafim –, il nous semblait que la SNI devait être un acteur majeur plutôt pour les casernes, voire pour l’îlot Saint-Germain – actif dont la valorisation est très complexe – tandis que le rôle de la Sovafim se serait plutôt concentré sur les immeubles destinés à la construction de bureaux, dont la valorisation et la gestion sont sans doute plus faciles : les transformations à effectuer sont moins nombreuses, les questions de permis de construire moins compliquées. Il est donc vrai que la partie la plus lourde de la valorisation et de la gestion nous revenait, tandis que la Sovafim se voyait plutôt confier les « chevau-légers » du périmètre.
M. André Yché. J’ajoute que les structures juridiques ou financières envisagées étaient des structures sans personnel ; celui-ci provenait des structures opérationnelles. L’intervention de la Sovafim en était par la même structurellement limitée : cette société ne dispose pas des personnels capables d’assurer ce qu’on appelle « l’asset management », c’est-à-dire les arbitrages sur la destination et la valorisation des actifs. En pratique, son champ d’intervention était presque objectivement limité à la Pépinière. Il était hors de question que la Sovafim assure la responsabilité de Reuilly, où beaucoup de travaux de conduite de chantiers étaient prévus, et encore moins celle de l’îlot Saint-Germain et de sa redoutable complexité.
M. Yves Deniaud, Président. Je réitère ma dernière question : la Caisse n’aurait-elle pas pu conduire l’opération seule ?
M. Michel Bouvard. Si la Sovafim n’avait pas été bénéficiaire d’un droit de transfert, la Caisse aurait pu réaliser l’opération seule. C’est à cause de ce droit qu’il a fallu créer une société commune. La Caisse dispose déjà d’outils, dont la SNI, pour traiter d’immobilier d’État.
M. André Yché. La SNI a réalisé des opérations de reprise d’actifs de l’État sans la Sovafim : c’est le cas de celle consistant à réaliser entre 400 et 450 logements sur le site de l’ancien hôpital militaire de Dijon. J’ajoute que, depuis quelques années, près de 2 000 logements sont construits sur les sites des immeubles que nous avons repris. Enfin, des négociations sont en cours pour une deuxième série d’actifs.
En priorité, la SNI, conduit des négociations sur certains terrains d’assiette sur lesquels elle a fait construire des immeubles et dispose de baux, pour une durée de quarante ans environ. Elle a proposé à l’État de les racheter car ces terrains ne sont pas valorisables autrement. Aucune concurrence n’étant possible, puisque le repreneur est unique, la SNI se trouve en quelque sorte en situation de monopsone. Dans ce but, la SNI a engagé depuis deux ans une négociation avec France Domaine. Les fourchettes d’estimation se sont rapprochées : l’offre maximale de la SNI est de 95 millions d'euros, tandis que France Domaine en attend au moins 98. Nous espérons trouver un accord en 2010. En fait, la SNI n’est intéressée par l’achat de ces terrains que pour en devenir pleinement propriétaire.
Cela dit, dans le premier lot de terrains et d’immeubles – dont l’hôpital militaire de Dijon – que nous avons acheté, 1 700 logements sont aujourd’hui en production. Nous négocions un deuxième lot pour 700 logements et 4 millions d'euros.
Comme vous le voyez, indépendamment des transactions où la Sovafim intervient en application des dispositions dérogatoires dont elle bénéficie, la SNI a conclu de gré à gré nombre de transactions avec l’État.
M. Yves Deniaud, Président. Merci, messieurs, pour la qualité de vos réponses.